Approximation forte en famille
Résumé
Soient un corps de nombres et une -variété affine lisse intègre fibrée au-dessus de la droite affine . Supposons que toutes les fibres sont géométriquement intègres, et que la fibre générique est un espace homogène sous un groupe semisimple simplement connexe presque simple , les stabilisateurs géométriques étant réductifs connexes. Soit une place de telle que la fibration admette une section rationnelle sur le complété . Supposons en outre que pour presque tout point le -groupe soit isotrope. Supposons enfin le groupe de Brauer de réduit à celui de . Alors l’approximation forte vaut pour en dehors de la place .
Let be a number field and a smooth integral affine variety equipped with a surjective morphism to the affine line. Assume that all fibres of are split, for instance that they are geometrically integral. Assume that the generic fibre of is a homogeneous space of a simply connected, almost simple, semisimple group , and that the geometric stabilizers are connected reductive groups. Let be a place of such that the fibration acquires a rational section over the completion at . Assume moreover that at almost all points in the specialized group is isotropic over . If the Brauer group of is reduced to the Brauer group of , then strong approximation holds for away from the place .
1 Introduction
On dit qu’une variété algébrique définie sur un corps de nombres et qui possède des points dans tous les complétés de satisfait l’approximation forte en dehors d’un ensemble fini de places du corps si l’image diagonale de l’ensemble des points rationnels de est dense dans l’espace des points adéliques de hors de .
Lorsqu’une telle propriété vaut, elle implique pour tout modèle de au-dessus de l’anneau des -entiers de un principe local-global pour l’existence de points -entiers.
Pour non vide, l’approximation forte est une propriété bien connue des espaces affines. Cette propriété a été établie par M. Kneser et V. P. Platonov pour tout -groupe semisimple simplement connexe presque -simple, sous l’hypothèse que le produit des points locaux de aux places de est non compact.
Il a été observé que cette propriété ne s’étend pas aux groupes non simplement connexes. Cependant, une obstruction de type Brauer-Manin a été dégagée [9] et il a été montré dans une série d’articles (voir [3]) que sous des hypothèses très larges elle contrôle le défaut d’approximation forte pour les espaces homogènes de groupes linéaires connexes.
Tout comme cela est entrepris pour le problème analogue pour les points rationnels, on souhaite élargir la classe des variétés pour lesquelles on a un tel contrôle sur les points entiers. L’obstruction de Brauer-Manin entière est en effet définie pour toute variété [10]. Elle a été calculée pour quelques variétés qui ne sont pas des espaces homogènes [21, 11], mais sans que l’on puisse dire s’il s’agit là de la seule obstruction.
Dans [10], Fei Xu et le premier auteur étudient l’approximation forte pour certains modèles lisses des variétés définies sur un corps de nombres par une équation
où est une forme quadratique non dégénérée à coefficients dans un corps de nombres et est un polynôme non nul en une variable. S’il existe une place telle que est isotrope sur le complété , on a établi que l’image diagonale de dans la projection de l’ensemble de Brauer–Manin sur (adèles hors de ) est dense.
Inspirés par cet exemple, nous établissons un résultat général pour les familles à un paramètre d’espaces homogènes. Nous montrons :
Théorème A (voir le théorème 3.5). Soit une -variété lisse connexe munie d’un morphisme satisfaisant les conditions suivantes :
(i) la fibre générique de est un espace homogène d’un -groupe semisimple simplement connexe presque simple , et les stabilisateurs géométriques pour cette action sont réductifs connexes;
(ii) les fibres de sont scindées, par exemple géométriquement intègres;
(iii) il existe une place telle que la fibration ait une section rationnelle sur , et que, pour presque tout le groupe spécialisé est isotrope.
(iv) Les éléments du groupe de Brauer prennent une valeur constante lorsqu’on les évalue sur .
Alors l’image diagonale de dans la projection de l’ensemble de Brauer–Manin sur est dense.
Sous les hypothèses (i) et (ii) du théorème, le quotient est fini.
Comme nous l’a fait remarquer Dasheng Wei, même pour réelle, on ne peut pas espérer que la conclusion du théorème soit satisfaite si la projection sur de est compacte; il est donc clair qu’il faut une condition en , condition qui est ici assurée par la combinaison de nos hypothèses (iii) et (iv). Noter qu’en particulier l’hypothèse (iv) est automatiquement satisfaite dans plusieurs cas intéressants, voir la Remarque 3.10. Les hypothèses (iii) et (iv) sont toujours satisfaites si est complexe.
L’exemple suivant représente déjà une vaste généralisation des principaux résultats de [10].
Théorème B (théorème 4.2). Soient et des polynômes deux à deux premiers entre eux. Soit l’ouvert de lissité de la -variété affine d’équation
Soit une place de . On suppose que la conique d’équation sur le corps a un point rationnel sur le corps .
Si le produit est un polynôme non constant séparable, alors et l’approximation forte vaut pour hors de : l’image diagonale de est dense dans (adèles hors de ).
Quand est complexe, on a l’énoncé plus général que l’image diagonale de dans la projection de l’ensemble de Brauer–Manin sur (adèles hors de ) est dense sans avoir besoin de l’hypothèse supplémentaire sur le produit .
À titre d’illustration, voici un cas particulier.
Théorème C. Soient et dans des polynômes. Supposons le produit non constant et sans facteur carré dans . Soit le schéma affine défini dans par
Supposons que pour presque tout la conique a un point dans . Alors le principe local-global et l’approximation forte valent pour les points entiers de : L’image diagonale de est dense dans le produit des solutions locales entières sur tous les premiers .
Le lecteur peut se demander pourquoi dans les deux énoncés précédents on considère une forme quadratique à trois variables dans le membre de gauche de l’équation.
Lorsque l’on prend au moins 4 variables, sous l’hypothèse que le produit est non constant et sans facteur carré dans , une méthode de fibration simple [10, §3] donne le résultat ci-dessus.
Par contre, quand on considère le problème avec 2 variables, la question de l’existence et de la densité des solutions entières d’une équation aussi simple que
avec non carré et polynôme séparable de degré au moins 3, est hors d’atteinte de toutes les techniques connues. Il y a deux difficultés essentielles : d’une part pour toute -fibre lisse le quotient est infini, d’autre part les fibres correspondant aux zéros du polynôme ne sont pas scindées.
Disons maintenant un mot sur les méthodes employées dans l’article.
Dans une série d’articles [18, 19, 20], le second auteur a étudié le principe de Hasse et l’approximation faible en familles pour les points rationnels, en tenant compte des contraintes provenant du groupe de Brauer. Ces articles supposent la fibration propre. Les démonstrations comportent essentiellement deux aspects : un aspect algébrique, l’étude du comportement du groupe de Brauer en famille et un aspect arithmétique, le choix d’une fibre dont l’ensemble de Brauer-Manin est non vide.
Pour le problème que nous considérons ici, la fibration n’est pas propre. La fibre générique est un espace homogène d’un groupe semisimple simplement connexe. La bonne connaissance que nous avons du groupe de Picard et du groupe de Brauer de tels espaces nous permet de les étudier en famille, ce qui donne la partie algébrique de la démonstration (Théorème 2.6).
Pour l’aspect arithmétique, dans le contexte d’approximation forte du présent article, un problème nouveau se présente : on doit travailler avec une place exceptionnelle qui est imposée au départ. Pour le résoudre, on développe une variante nouvelle de la méthode des fibrations (méthode qui avait été employée dans [18], [19] et [20]) : le principal ingrédient supplémentaire est une version raffinée du théorème d’approximation forte combinée à un argument de type irréductibilité de Hilbert (proposition 3.4).
Ces techniques permettent une réduction du problème d’approximation des points entiers sur au cas des points entiers d’une fibre convenable du morphisme , fibre qui est un espace homogène d’un -groupe semisimple simplement connexe, espace auquel on peut appliquer les résultats sur l’obstruction de Brauer-Manin entière établis par Fei Xu et le premier auteur [9], puis généralisés par Borovoi et Demarche [3].
Conventions et notations
Soit un corps. Une -variété est par définition un -schéma séparé de type fini. On note le groupe des fonctions inversibles sur .
Si la -variété est intègre, on note son corps des fonctions rationnelles.
Une -variété est dite scindée si elle contient un ouvert non vide qui comme -variété est géométriquement intègre.
Soit une clôture séparable de . Pour toute -variété , on note la -variété . De même si est un schéma et un -schéma, on note pour tout -schéma .
On note le groupe de Picard d’un schéma et son groupe de Brauer. On désigne aussi par l’ensemble des points de codimension de .
Soit un corps de nombres. Pour une place de on note le complété de en , et pour non archimédienne, on note l’anneau des entiers. Pour un ensemble fini de places de , on note l’anneau des entiers hors de .
Pour la définition et les généralités sur l’obstruction de Brauer–Manin entière, nous renvoyons le lecteur aux introductions de [9] et [10]. En particulier si est une -variété, on note (resp. ) l’ensemble de ses points adéliques (resp. de ses points adéliques hors de ); pour tout sous-ensemble de , on note le sous-ensemble de constitué des points adéliques orthogonaux à pour l’accouplement de Brauer-Manin et on pose .
2 Spécialisation du groupe de Brauer
Le but de ce paragraphe est de démontrer le théorème 2.6, analogue dans le présent cadre du théorème 2.3.1 de [19], qui traitait de fibrations propres sur la droite affine. Il faut adapter au présent contexte tous les arguments du §2 de [19].
Proposition 2.1.
Soit un anneau de valuation discrète de corps résiduel de caractéristique zéro. Soit le corps des fractions de . Soit un -schéma lisse à fibres géométriquement intègres. Soit le morphisme structural. Soit la fibre générique et la fibre spéciale. Supposons , c’est-à-dire que la fibre spéciale géométrique n’a pas de revêtement abélien connexe non trivial. Alors la flèche de restriction induit un isomorphisme
et une flèche de spécialisation
(On fait systématiquement l’abus de langage d’écrire plutôt que .)
Démonstration.
On a le diagramme commutatif de suites exactes
La première suite exacte est bien connue [17], à la surjectivité à droite près, pour laquelle nous renvoyons à [2] et [8, Thm. B. 2.1].
La deuxième suite exacte résulte de la suite de localisation en cohomologie étale, de la suite exacte de Kummer, de l’injectivité du groupe de Brauer d’un schéma régulier intègre dans le groupe de Brauer de son corps des fonctions, et du théorème de pureté de Gabber (voir [14]). Sous les hypothèses faites sur , on a et , donc la flèche naturelle
est un isomorphisme. La proposition résulte alors du diagramme.
Proposition 2.2.
Soit un anneau de valuation discrète. Soit le corps des fractions de . Soit un -schéma lisse à fibres géométriquement intègres. Soit le morphisme structural. Soit la fibre générique.
(1) La flèche de restriction est un isomorphisme.
(2) Soit un revêtement galoisien (éventuellement infini) de groupe de Galois . Supposons que l’on a :
(a) ;
(b) ;
(c) .
Alors on a une suite exacte naturelle
Démonstration.
L’énoncé (1) est classique. La suite exacte dans (2) provient de la suite spectrale de Leray pour le morphisme et le faisceau , la démonstration est essentiellement celle de [19, Prop. 2.1].
Proposition 2.3.
Soit un anneau de valuation discrète de corps résiduel de caractéristique zéro. Soit le corps des fractions de . Soit le hensélisé de et le hensélisé strict. Soit , resp. le corps des fractions de , resp. . Fixons des inclusions . Notons et .
Supposons , et .
Soit un -schéma lisse à fibres géométriquement intègres. Soit le morphisme structural. Soit la fibre générique.
Supposons que l’on a universellement sur .
On a alors un diagramme commutatif de suites exactes
Si de plus , la flèche dans ce diagramme est un isomorphisme.
Démonstration.
Vérifions que les hypothèses de la proposition 2.2 sont satisfaites pour chacune des 5 lignes du diagramme. L’hypothèse (a) est par hypothèse satisfaite pour toutes.
Pour la ligne 5, (b) est automatique et (c) est l’hypothèse .
Pour la ligne 4, . Par ailleurs on a la suite exacte scindée de -modules galoisiens donnée par la réduction modulo l’idéal maximal
où est uniquement divisible. L’hypothèse assure donc .
Pour la ligne 3, on a la suite scindée de -modules
donnée par la valuation. On a vu que l’égalité implique alors . Sous l’hypothèse on a donc , c’est-à-dire la condition (c). Comme est algébriquement clos, on a
Pour la ligne 2, l’hypothèse (b) est automatique et (c) se lit . D’après [22], exemple (c) p. 108, il suffit de voir que et sont nuls. Or et est isomorphe à ([22], Rem. III.3.11).
Pour la ligne 1, l’hypothèse (b) est automatique et (c) se lit .
Remarque 2.1.
Proposition 2.4.
Soient un corps de caractéristique zéro, une clôture algébrique, et . Soit une -variété algébrique lisse et géométriquement intègre, et un -morphisme. Soit et soit un -groupe semisimple simplement connexe. Supposons que la fibre générique de est un espace homogène de , à stabilisateurs géométriques réductifs connexes. Il existe un ouvert non vide tel que pour tout -point de d’anneau local , avec de hensélisé et de hensélisé strict , on ait (notant la fibre en de ) :
(i) Les flèches naturelles
sont des isomorphismes de réseaux, et la flèche naturelle
est un isomorphisme de -réseaux, où on a noté via la flèche associée à ; de même et sont définis par changement de base à partir de la fibre générique .
(ii) Les flèches naturelles
sont des isomorphismes de groupes abéliens finis, et la flèche de spécialisation
est un isomorphisme de -modules finis.
(iii) Supposons , ce qui est le cas si est un corps de nombres. Alors la flèche naturelle
est un isomorphisme de groupes abéliens finis.
Démonstration.
Il existe un ouvert non vide et un revêtement fini étale galoisien connexe , définissant une extension galoisienne finie de corps, tels qu’on ait les propriétés suivantes :
(a) Le groupe s’étend en un -groupe semisimple simplement connexe.
(b) Il existe une section de .
(c) Le stabilisateur de cette section est un -groupe réductif (à fibres connexes).
(d) Le groupe s’inscrit dans une extension de -groupes
où est un -tore et est un -groupe semisimple, groupe dérivé de .
(e) On a une suite exacte de -groupes
où est un -groupe semisimple simplement connexe, et est un -schéma en groupes finis abéliens étales.
On dispose du -torseur défini par la section . Ce torseur a une restriction triviale au-dessus de l’image de .
À une telle situation sont associés, de façon fonctorielle en tout -schéma , des homomorphismes
où la flèche est associée au -torseur , et
où désigne le groupe des classes d’extensions centrales; cette dernière flèche est définie via le fait qu’une telle extension centrale définit ipso facto un -torseur sous .
Lemme 2.5.
Soit un anneau intègre. Soit un -schéma en groupes réductifs connexes. Alors la flèche
définie comme ci-dessus est injective.
Démonstration.
Soit le corps des fractions de . Soit
une extension centrale dont l’image dans est nulle. Cela signifie qu’il existe une section du morphisme de -schémas , section dont on peut supposer qu’elle envoie le neutre sur le neutre (quitte à la multiplier par un élément de ). Il s’agit alors de montrer que est de plus un homomorphisme de -schémas en groupes. L’argument de la proposition 3.2 dans [7] (reposant sur le lemme de Rosenlicht) donne alors que la restriction de à la fibre générique est un morphisme de -schémas en groupes. Ceci implique que le morphisme de -schémas séparés
est constant égal au neutre sur la fibre générique, donc partout; d’où le résultat.
Reprenons la preuve de la proposition 2.4. Pour tout -schéma on a aussi un homomorphisme
où est le sous-groupe formé des éléments nuls sur , et où la flèche est définie par cup-produit avec la classe dans du -torseur , et des hom ?omorphismes
ce dernier étant associé au -torseur .
On a donc des homomorphismes
(2.2) |
Soit un corps de caractéristique zéro. Pour un -groupe semisimple simplement connexe, on a les propriétés suivantes
Pour algébriquement clos, les deux premières propriétés sont bien connues [24]. La troisième l’est aussi, elle est établie de façon algébrique dans [15]. Pour quelconque, on en déduit le résultat général en utilisant la suite spectrale de Hochschild-Serre pour la cohomologie étale du faisceau .
Supposons que est le spectre d’un corps . La proposition 6.10 de [24] montre que la flèche naturelle
est un isomorphisme.
Considérons la suite d’homomorphismes :
La première flèche est un isomorphisme ([24, Lemme 6.9]). La seconde flèche est un isomorphisme si est algébriquement clos ([24, Cor. 6.11 et Rem. 6.11.3]). La troisième flèche est un isomorphisme ([7, Cor. 5.7]). La quatrième flèche est un isomorphisme; ceci résulte de [3, Thm. 2.8] et des égalités et
Soit un -point de . Soit le hensélisé de en et le hensélisé strict. Fixons une factorisation induisant . Fixons aussi des plongements . Soit la fibre de en .
On a un diagramme commutatif
Comme est un tore déployé, les flèches verticales de gauche sont des isomorphismes. Comme on a dit, la proposition 6.10 de [24] implique que les deux flèches horizontales inférieures sont des isomorphismes. Le (1) de la proposition 2.2 montre que la verticale supérieure droite est un isomorphisme. On conclut que toutes les flèches dans ce diagramme sont des isomorphismes.
On a par ailleurs un diagramme commutatif
dans lequel toutes les flèches sauf peut-être la flèche sont des isomorphismes. Ainsi cette dernière flèche est un isomorphisme, ce qui achève d’établir l’énoncé (i).
Sur , tous les groupes intervenant dans (2.2) sont isomorphes au groupe fini . Les groupes et sont donc finis.
Soit une extension finie galoisienne de corps telle que l’application soit surjective et que l’application
soit surjective.
Quitte à restreindre , on peut de plus supposer que l’extension est non ramifiée sur , et que tout élément de provient d’un élément de , où est la fermeture intégrale de dans .
Pour l’anneau local d’un point , on a
l’application est surjective et l’application
est surjective.
D’après (2.2), on a un diagramme commutatif d’applications naturelles
Les flèches dans la verticale de gauche sont toutes des isomorphismes. Dans la première ligne, toutes les flèches sont des isomorphismes. Dans la seconde ligne, toutes les flèches sauf peut-être la flèche sont des isomorphismes. La flèche est injective via la proposition 6.10 de [24], car . Comme la flèche est par nos hypothèses surjective, on conclut que toutes les flèches dans les deux premières lignes, ainsi qu’entre ces deux lignes, sont des isomorphismes.
Les flèches verticales entre la deuxième et la troisième ligne, sauf peut-être les deux dernières à droite, sont clairement des isomorphismes. On en déduit que les deux premières flèches de la troisième ligne sont des isomorphismes. La dernière flèche verticale entre les lignes trois et deux est une injection (régularité des schémas considérés).
Comme est un espace homogène d’un groupe semisimple simplement connexe pour une action dont les stabilisateurs sont connexes, on a et la proposition 2.1 montre que la flèche en question est un isomorphisme.
La dernière ligne est composée d’isomorphismes. On en conclut que les trois premières flèches verticales entre la troisième et la quatrième ligne sont des isomorphismes.
D’après ce qui précède, l’application
est surjective.
Par ailleurs la flèche est injective d’après le lemme 2.5. Une chasse au diagramme donne alors que toutes les flèches sont des isomorphismes (de groupes finis).
Comme pour chacun des groupes dans la verticale de droite, on a maintenant établi l’énoncé (ii).
L’énoncé (iii) résulte alors de la proposition 2.3. et de sa démonstration, qui pour les deux lignes inférieures du grand diagramme, utilise seulement l’hypothèse .
On peut maintenant établir le théorème suivant, qu’on comparera avec [19, Thm. 2.3.1].
Théorème 2.6.
Soit un corps de nombres. Soit une -variété lisse et géométriquement intègre, et un -morphisme. Soit et soit un -groupe semisimple simplement connexe. Supposons que la fibre générique de est un espace homogène de , à stabilisateurs géométriques réductifs connexes. Il existe alors un sous-ensemble hilbertien de tel que pour tout point la fibre soit lisse et que l’on ait un isomorphisme naturel de groupes finis
Démonstration.
On reprend les notations de la démonstration précédente. On note déjà que universellement sur la fibre générique , via le lemme de Rosenlicht (car est semi-simple).
On suppose que l’extension finie galoisienne est suffisamment grosse pour que comme précédemment l’application soit surjective, mais aussi que l’application de restriction soit surjective, et donc un isomorphisme de réseaux, l’injectivité résultant de . Soit .
D’après le théorème d’irréductibilité de Hilbert, il existe un sous-ensemble hilbertien de tel que pour tout point la fibre soit lisse, l’extension soit non ramifiée en et soit inerte dans . En tout tel point on a donc une extension induite de corps de nombres de groupe de Galois . La hensélisation donne également une extension galoisienne de groupe . On a les inclusions de corps
Les applications sont des isomorphismes de réseaux.
On a
et Ainsi la première flèche verticale est un isomorphisme.
Comme est surjectif, l’action de sur se factorise par . On a alors .
On a, via la suite de restriction-inflation, le diagramme commutatif de suites exactes :
La flèche est un isomorphisme.
Comme le groupe est fini, on peut à l’avance choisir de façon que de plus l’image de dans s’annule dans et donc dans On a alors le diagramme commutatif de suites exactes
dans lequel toutes les flèches sauf peut-être sont des isomorphismes. On en conclut que cette dernière flèche est un isomorphisme. En combinant avec la proposition 2.4, on obtient le théorème.
Remarque 2.3.
Lorsque les stabilisateurs géométriques pour l’action de sur la fibre générique sont des tores algébriques, ce qui sera le cas au §4, les démonstrations de ce paragraphe se simplifient. On a en effet alors , , , .
3 Le théorème
On commence par quelques lemmes préliminaires.
Lemme 3.1.
Soient un corps de nombres, un -groupe linéaire connexe, une -variété espace homogène de . Soit une place de . Soit le complété de en et le sous-corps des éléments algébriques sur . Si possède un -point, alors possède un -point.
Démonstration.
Soit une compactification projective lisse de la -variété quasi-projective (une telle compactification existe via le théorème de résolution des singularités d’Hironaka). Soit l’adhérence schématique de . L’espace des -morphismes est la réunion disjointe des -variétés paramétrisant les morphismes de degré pour entier, . Ainsi l’espace des sections de est une union disjointe de -variétés . Par hypothèse, il existe une -section de , donc de , donc une -section de . Ainsi l’un des est non vide. Il est connu (cf. [4, Chap. 3.6, Cor. 10]) que ceci implique . Par conséquent, la -variété lisse possède un -point. Un théorème de M. Florence [13] assure alors que l’espace homogène possède un -point.
Dans le lemme suivant, on ne peut pas remplacer par .
Lemme 3.2.
Soit un corps de nombres. Soit le sous-corps des éléments de algébriques sur (pour non archimédienne c’est le hensélisé de en ). Soit une variable. L’application naturelle est surjective.
Démonstration.
Notons . Les suites exactes de Faddeev ([16], Cor. 6.4.6.) pour le groupe de Brauer de et le groupe de Brauer de sont compatibles. On a donc le diagramme commutatif de suites exactes
(3.1) |
Pour un corps de nombres et un ensemble fini de places de , l’application de restriction
est surjective. Ceci est une conséquence du théorème de Grunwald-Wang [1, Chap. 10, Thm. 5, p. 103]. Il en est donc de même de l’application de restriction
En appliquant ceci à chaque et à l’ensemble des places de au-dessus de la place de , on voit que la flèche verticale de droite dans le diagramme ci-dessus est surjective.
Pour un corps de nombres et une place de , les applications naturelles de restriction et sont des isomorphismes. La théorie du corps de classes montre que l’application est surjective. Il en est donc de même de l’application de restriction . La flèche verticale de gauche dans le diagramme commutatif ci-dessus est donc surjective.
Il en résulte que la flèche verticale médiane est surjective.
Pour traiter les problèmes liés à la place , nous aurons besoin d’une version fine du théorème d’approximation forte, qui est la proposition 3.4 ci-dessous.
Nous utiliserons une version du théorème d’irréductibilité de Hilbert établie par Serre [26, p. 135/136] comme une conséquence du théorème de Siegel sur la finitude des points entiers des courbes.
Proposition 3.3.
Soit un corps de nombres. Soit et un ensemble fini de places de . Soit l’ensemble des tels que soit une unité en dehors de . Soit un ensemble mince dans . Pour en dehors d’un ensemble fini (dépendant de ), l’ensemble est fini.
Serre établit cette proposition dans le cas , et laisse l’énoncé sur un corps de nombres quelconque au lecteur (op. cit., Exercice 1 p. 136). Pour la définition et les propriétés des ensembles minces, voir le paragraphe 9.1. de [26].
Proposition 3.4.
Soient un corps de nombres, , des extensions finies, et pour chaque , . Soit un entier.
On se donne un ensemble fini de places de et une place hors de . On suppose qu’il existe au moins une place non archimédienne dans .
On se donne des pour , et des polynômes irréductibles .
Alors il existe arbitrairement proche de chaque pour , avec les propriétés suivantes :
– est entier hors de ;
– chaque est une puissance -ième dans tout complété de en une place au-dessus de ;
– chaque est irréductible dans .
Démonstration.
Soit l’ensemble mince formé des pour lesquels l’un des est réductible. Notons l’ensemble des places finies de .
On commence par appliquer l’approximation forte usuelle à l’ensemble des pour , ce qui donne un , entier hors de et , et qui est très proche de pour .
Soit . D’après la proposition 3.3 on peut de plus choisir tel que est fini.
Si est une place archimédienne et contient autres places archimédiennes (avec ), on note une unité de l’anneau des entiers de de valeur absolue strictement plus petite que en les places archimédiennes autres que ; l’existence d’une telle unité est assurée par le fait que l’image des unités de dans via l’application
est un réseau tel que le -espace vectoriel engendré par est l’hyperplan dans , via le théorème des unités de Dirichlet (cf. [5], exposé II, paragraphe 18). On peut de plus choisir positive en si est une place réelle. On cherche de la forme
où est le premier de induit par , avec suffisamment grand, puis suffisamment grand, pour que les approximations des pour soient respectées, et que pour tout , soit positif aux complétés réels de au-dessus de la place (noter que comme , on a par la formule du produit). Il existe une infinité de tels .
Si est l’unique place archimédienne de , alors est non vide par hypothèse, et on prend de la forme
avec suffisamment grand comme ci-dessus, ce qui donne encore une infinité de .
Si enfin est une place non archimédienne de , induisant le premier sur , on cherche de la forme
avec suffisamment grand pour que les approximations des pour soient respectées, puis suffisamment grand pour que :
– l’approximation des pour les places archimédiennes soit respectée;
– pour chaque la valuation -adique de
soit suffisamment grande pour que
soit une puissance -ième dans tout complété de en une place au-dessus de la place , ce qui entraîne que
l’est aussi. Il existe une infinité de tels .
On choisit alors qui ne soit pas dans l’ensemble fini , donc pas dans , si bien que chaque est irréductible dans .
Sur un corps quelconque, un -groupe réductif est dit isotrope s’il existe un -homomorphisme non constant . Sur un corps local , un -groupe réductif est isotrope si et seulement si l’espace topologique est non compact (critère de Godement, Bruhat et Tits, cf. Prasad [23]).
Nous sommes maintenant à pied d’oeuvre pour établir le théorème principal de cet article.
Théorème 3.5.
Soit un corps de nombres. Soient une -variété lisse et géométriquement intègre et un -morphisme. Supposons . Soit et soit un -groupe semisimple simplement connexe, absolument presque -simple.
On suppose :
(i) La fibre générique de est un espace homogène de à stabilisateurs réductifs connexes.
(ii) Toutes les fibres de sont scindées.
(iii) Il existe une place de telle que : la fibre générique possède un -point et il existe un ouvert de Zariski de tel que la spécialisation du -groupe en tout point soit définie et soit semi-simple, simplement connexe, isotrope.
(iv) Pour tout élément , l’application d’évaluation est constante.
Alors l’image diagonale de dans la projection de sur est dense.
Démonstration.
Commençons par établir le lemme suivant.
Lemme 3.6.
Sous les hypothèses du théorème, les groupes et sont finis.
Démonstration.
D’après la proposition 2.4, sous l’hypothèse (i), d’une part le module galoisien est un réseau, donc est fini, d’autre part le groupe est fini. D’après la proposition 2.3 et la remarque 2.1, ceci implique que le groupe est fini. Soit dont l’image dans appartient au sous-groupe . Les résidus de aux points de codimension 1 de sont nuls. L’hypothèse (ii) assure alors que les résidus de aux points de codimension 1 de sont nuls. Ceci implique que appartient à l’image de dans . Comme est fini, on en déduit que est fini.
Il existe un ensemble fini de places de contenant et les places archimédiennes et un -schéma lisse de type fini équipé d’un -morphisme qui étend .
Pour chaque place , on se donne un ouvert . On suppose que l’ensemble
est non vide. On veut montrer que l’ensemble
contient un point de .
Notons que chaque est un ouvert non vide pour la topologie -adique. Pour établir l’énoncé ci-dessus, on peut donc remplacer par tout ensemble fini de places le contenant.
Choisissons un sous-ensemble fini de dont l’image modulo est le groupe fini .
Par hypothèse, on dispose ici d’un -point de la -variété , et donc (Lemme 3.1) d’un -point de la -variété . D’après le lemme 3.2, quitte à modifier chaque élément de par un élément de , on peut imposer
pour tout . Ceci vaut encore si on remplace par le sous-groupe qu’il engendre, sous-groupe qui est fini puisque est de torsion. On note ce sous-groupe désormais .
Une fois fixé le groupe fini , il existe un ouvert non vide tel que les éléments de soient non ramifiés sur . En d’autres termes, on a . Quitte à restreindre , on peut supposer que est lisse à fibres géométriquement intègres, que le groupe s’étend en un -schéma en groupes semisimples , que est un -espace homogène, et que de plus définit une section de la restriction de au-dessus de .
Notons les points fermés dans le complémentaire de .
Pour tout tel point , on note le corps résiduel en . Pour tout , d’après l’hypothèse (ii), il existe au moins une composante géométriquement intègre de multiplicité 1 de la fibre . On fixe un ouvert lisse non vide d’une telle composante. On note . Soit une extension abélienne finie telle que tous les résidus des éléments de au point générique de appartiennent à . Quitte à restreindre , on peut supposer que la fermeture intégrale de dans est finie étale sur . Soit la fermeture intégrale de dans .
On agrandit de façon à avoir les propriétés suivantes :
(a) Le -morphisme s’étend en un -morphisme lisse de -schémas, avec , tel que pour tout point fermé , de corps résiduel le corps fini , la fibre possède un -point. Comme les fibres de sont géométriquement intègres, ceci est possible par les estimées de Lang–Weil (cf. [27], théorème 1, étape 3). On peut aussi supposer surjectif, ce qui assure pour .
(b) Les polynômes unitaires définissant les points sont -entiers, et le produit a une réduction séparable en toute place finie . Notons .
(c) Les éléments de appartiennent à .
(d) Les morphismes , où la première flèche est une immersion ouverte de -variétés et la seconde une immersion fermée de -variétés, s’étendent en des morphismes , le premier étant une immersion ouverte de -schémas, le second une immersion fermée de -schémas.
(e) Le -morphisme fini étale s’étend en un morphisme fini étale surjectif de -schémas lisses, et les résidus des éléments de sont dans .
(f) Pour tout , toute place de non au-dessus d’une place de et totalement décomposée dans , et tout , la fibre de en possède un -point dont le Frobenius (relativement au revêtement ) est . Ceci est possible via le lemme-clé de [12]. En particulier pour toute place de non dans et tout , la fibre de au-dessus de tout -point de possède un -point – mais il se peut que ni ni a fortiori n’aient de -point.
(g) Tout élément du groupe fini appartient à .
On va maintenant ajouter à l’ensemble de nouveaux éléments. Appelons l’ensemble des éléments de non ramifiés en dehors de et des , et dont les résidus en chaque sont dans . D’après la suite exacte de Faddeev, le groupe est fini. Le groupe engendré par les éléments , où est vu dans et , est un sous-groupe fini qui se surjecte sur . Posons et . Quitte à agrandir encore , on peut supposer .
Lemme 3.7.
Avec les hypothèses et notations ci-dessus, il existe un point adélique
tel que de plus le point vérifie
(3.2) |
pour tout et
(3.3) |
pour .
Noter que puisque les éléments de sont dans .
Démonstration.
On commence d’abord par choisir tel que pour tout . Pour complexe, n’importe quel convient; pour réel, il suffit de prendre suffisamment grand; pour fini, on cherche dans tel que soit une puissance -ième dans pour tout et toute place de au-dessus de la place , où est le ppcm des ordres des caractères . Pour cela on prend où est le nombre premier que divise . On prend sufffisamment grand pour que pour tout et tout complété de en une place au-dessus de la place , soit une puissance -ième dans .
Posons alors . Par construction on a alors pour tout et pour tout .
Par ailleurs on dispose d’un point adélique dans , donc a fortiori l’ensemble
est non vide. Comme tous les éléments de s’annulent en , tout élément du groupe s’annule aussi en . Mais alors, comme tout élément de est (par l’hypothèse iv)) constant quand évalué sur , ceci implique que tout élément de s’annule sur . Pour , on a et tout élément de s’annule sur . Pour toute place , l’ensemble est dense dans pour la topologie -adique. Il existe donc une famille avec pour toute place , et pour , donc . Comme s’annule en tout point de , on peut prendre pour le point fixé plus haut.
On fixe désormais un point adélique comme dans le lemme ci-dessus. Le lemme formel [18, Lemme 2.6.1] sous la forme donnée dans [6, démonstration du Thm. 1.4], appliqué à , assure alors l’existence d’un ensemble fini de places, et pour de points tels que
(3.4) |
pour tout .
Pour chaque , on choisit (ce qui est possible par le théorème de Tchebotarev) des places de de degré absolu , ne divisant pas de places de , totalement décomposées dans l’extension , et induisant des places de deux à deux distinctes. On fixe tel que , ce qui est possible car est de degré sur .
On dispose donc des éléments pour , pour et pour .
Le théorème 2.6 combiné avec la proposition 3.4 appliquée à la réunion de , et la réunion des , fournissent alors , très proche de chaque pour , de pour et de pour (on a donc pour tout ), avec de plus, en notant l’image de dans :
– pour réelle, suffisamment grand pour avoir pour tout .
– Pour finie, la propriété pour toute place de au-dessus de pour , où est défini comme le ppcm des ordres des . En particulier on aura encore
(3.5) |
pour tout .
– tel que par spécialisation en l’image du groupe soit .
On dispose maintenant du -schéma . Soit sa fibre générique.
Lemme 3.8.
L’-schéma possède :
-
—
pour , un -point , qui est de plus dans si ,
-
—
pour , un -point ,
tels que pour tout on ait
(3.6) |
De plus possède des points entiers pour toute place .
Démonstration.
Pour , on utilise le théorème des fonctions implicites. On obtient des points sur arbitrairement proche des pour (donc dans ) et des points arbitrairement proche des (donc entiers) pour . De (3.4) on déduit, pour tout ,
(3.7) |
car (formule (3.2)) pour tout et (formule (3.3)) pour tout . Que l’on ait résulte de l’existence d’une section de au-dessus de . On note le point donné par la section. Pour , on a
puisque . Pour , on a
par la formule 3.5.
La -variété contient donc les points et les points , et pour tout on a bien la formule (3.6) :
Soit maintenant une place non dans .
Si l’on a pour tout , alors en , se réduit en un point de , qui est image d’un point de . Par lissité et Hensel, ce point se relève en un point . De plus tout élément de s’annule sur un tel point, car on a .
Supposons pour un (unique car les sont premiers entre eux deux à deux en dehors de ). Alors admet un zéro sur , il existe une place de au-dessus de avec . Soit le point fermé de corps résiduel associé. On a alors une inclusion ouverte . La -variété lisse possède un -point . Ainsi la -variété possède le -point lisse , qui se relève en un -point du -schéma lisse .
On appelle (resp. ) l’ensemble des places telles que pour tout (resp. telles que ). Pour fixé, l’ensemble contient la place . L’ensemble (qui contient ) et les ensembles réalisent une partition de l’ensemble des places de .
Pour , et comme dans la démonstration du lemme 3.8, c’est-à-dire relevé d’un point , on a la formule [18, Cor. 2.4.3 et pp. 244–245]
(3.8) |
où est le résidu de au point générique de , où et est le Frobenius en pour le revêtement .
Fixons . On a alors le lemme suivant, analogue du lemme 4 de [20] :
Lemme 3.9.
L’élément de est dans le sous-groupe .
Démonstration.
On va utiliser l’égalité (3.4) pour les éléments (c’est à cet effet qu’on a rajouté l’ensemble à pour obtenir l’ensemble auquel on a appliqué le lemme formel). Soit
appliquons (3.4) à l’élément de . D’après la loi de réciprocité du corps de classes global, on a, en notant l’image de dans :
et donc d’après (3.6), comme les points sont sur la fibre :
On observe que si une place n’est pas dans , alors par définition de . Ainsi
ce qui donne, par exemple en utilisant la formule (3.8),
puisque , l’élément étant dans . Finalement on a montré que était annulé par tous les caractères de , d’où le lemme.
Par définition des places de et de la condition f) définie avant le lemme 3.7, on peut alors grâce au lemme précédent trouver un point dont le Frobenius associé est
(Noter que comme est totalement décomposée dans l’extension , le Frobenius est aussi dans ).
On relève en un point . On a
On a alors pour tout :
(3.9) |
Tout adèle de de composantes en , , , en et pour (), et enfin pour les autres places est alors dans
et d’après (3.6) et (3.9) est orthogonal à tout , donc à – puisque se surjecte sur . En outre il appartient à
L’un des principaux résultats de [9], le théorème 3.7, appliqué à l’espace homogène , montre alors qu’il existe un point de proche de chacun des , donc dans pour , et entier en dehors de sur , donc sur . Ceci achève la preuve du théorème.
Remarque 3.10.
L’hypothèse (iv) est satisfaite dans chacun des cas suivants :
(a) ; dans ce cas la conclusion du théorème est que vérifie l’approximation forte en dehors de .
(b) ;
(c) La place est complexe; dans ce cas l’hypothèse (iii) est toujours satisfaite, car est alors un corps par le théorème de Tsen ([16], Th. 6.2.8.). Sur un tel corps, c’est un théorème de Springer que tout espace homogène d’un groupe linéaire connexe a un point rationnel [25, Chap. III, §2, Thm. 1’ et Cor. 2].
Remarque 3.11.
On peut noter que la démonstration ci-dessus est un raffinement de la démonstration du théorème 2 de [20]. On a remplacé l’ensemble infini de places de et la place appelée dans [20] par l’unique place de l’énoncé ci-dessus. L’hypothèse d’existence d’une -section rationnelle permet de contrôler ce qui se passe en la place ; ceci remplace le travail avec la place et l’ensemble infini de [20]. On a aussi eu besoin d’une version sophistiquée du théorème d’approximation forte (proposition 3.4)
4 L’équation
Soit un corps de caractéristique zéro, une clôture algébrique. Soient dans . On suppose que les sont premiers entre eux deux à deux.
Soit la -variété définie par
Les points singuliers de sont exactement les points dont la coordonnée est une racine multiple de l’un des et tels que pour cet , et pour .
Notons l’ouvert de lissité, complément de ces points.
Soit le fermé défini par . C’est donc la -variété définie dans par
Les point singuliers de sont les points dont la coordonnée est une racine multiple de l’un des et tels que pour cet , et pour . Soit le lieu de lissité. Soit le lieu de lissité de la variété définie par
On a donc , et est le complémentaire de dans .
L’énoncé suivant généralise [10, Prop. 5.2].
Proposition 4.1.
Soit comme ci-dessus. Si le produit des n’est pas un carré dans , alors
Démonstration.
En se restreignant au-dessus de et en utilisant le fait que a pour fibre générique une conique lisse et a toutes ses fibres géométriques non vides et de multiplicité 1, on établit
On a ensuite l’inclusion . La -variété est une quadrique projective et lisse de dimension 2 sur . On conclut . Ainsi et .
Comme le discriminant de la quadrique n’est pas un carré, on a et . Comme les fibres de sont intègres, on en déduit .
On vérifie facilement que l’on a . Soit . De la suite exacte
on déduit
Le théorème suivant couvre les principaux énoncés du théorème 6.7 de [10].
Théorème 4.2.
Soit un corps de nombres. Soient et dans des polynômes deux à deux premiers entre eux. Soit l’ouvert de lissité de la -variété affine définie dans par l’équation
Supposons . Soit une place de telle que la forme quadratique diagonale ait un zéro sur . Alors :
(a) Si est complexe, l’image diagonale de dans la projection de sur est dense.
(b) La place étant à nouveau supposée quelconque, si le produit n’est pas un carré dans , la -variété satisfait l’approximation forte hors de : l’image diagonale de dans (adèles hors de ) est dense.
Démonstration.
Montrons que les hypothèses (i) à (iv) du théorème 3.5 sont satisfaites.
La fibre générique de est une quadrique affine, espace homogène sous le groupe des spineurs de la forme quadratique diagonale , les stabilisateurs géométriques étant des tores de dimension 1 (voir [9, §5.6 et §5.8]). On a donc l’hypothèse (i).
L’hypothèse de coprimalité faite sur les et assure que toutes les fibres de sont géométriquement intègres, et donc scindées, ce qui donne (ii).
L’hypothèse faite sur la place implique qu’en tout où le produit n’est pas nul, la forme quadratique est isotrope, et ceci garantit que le -groupe est isotrope, ce qui donne (iii).
Pour complexe, la condition (iv) est évidente. Pour quelconque mais avec l’hypothèse supplémentaire que n’est pas un carré dans , on a par la proposition 4.1 donc (iv) est encore vérifiée.
On voit donc que les hypothèses (i) à (iv) du théorème 3.5 sont satisfaites. Ceci établit l’énoncé (a).
L’énoncé (b) résulte alors de loc. cit.
Remarque 4.1.
Si est une place réelle, c’est un théorème de Witt qu’une forme quadratique de rang au moins 3 sur a un zéro si et seulement si pour presque tout la forme quadratique spécialisée a un zéro.
Remarque 4.2.
Dans [10], on considère la -variété donnée par l’équation
avec les et non nul. Soit son ouvert de lissité. On autorise le polynôme à être un carré dans . Avec les notations ci-dessus, on établit que l’image diagonale de dans la projection de l’ensemble de Brauer–Manin sur (adèles hors de ) est dense.
Lorsque est un carré dans , on peut avoir . Dans [10, Thm. 6.4, Thm. 6.5], on donne aussi des énoncés pour l’approximation forte sur une résolution non singulière de , c’est-à-dire une -variété lisse équipée d’un -morphisme propre et birationnel . Le théorème principal du présent article permet aussi de traiter ce cas quand est complexe, mais pas le cas où est quelconque.
Remerciements. Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement Dasheng Wei pour leur avoir signalé une erreur dans la première version de cet article, et de les avoir aidés à la corriger.
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