Une généralisation de la conjecture de point fixe de Schauder
Résumé.
We prove the following generalisation of Schauder’s fixed point conjecture: Let be convex subsets of a Hausdorff topological vector space. Suppose that the are closed in . If is a continuous function whose image is contained in a compact subset of , then its Lefschetz number is defined, and if , then has a fixed point.
Key words and phrases:
Schauder’s conjecture, algebraic ANR1991 Mathematics Subject Classification:
55M201. Introduction
Soit un espace topologique séparé. Une fonction continue est dite compacte si est contenu dans un sous-ensemble compact de . Pour définir, lorsque cela est possible, le nombre de Lefschetz d’une telle fonction, nous utilisons la cohomologie d’Alexander-Spanier à coefficients rationnels.
Nous démontrerons la généralisation suivante de la conjecture de point fixe de Schauder.
Théorème. Soit , où sont des sous-ensembles convexes d’un e.v.t. séparé qui sont fermés dans . Si est une fonction continue compacte, alors est défini. Si , a un point fixe.
La démonstration suit le schéma que nous avons expliqué dans [3] pour les espaces ULC. Malheureusement, les résultats exposés dans [3] ne sont pas directement applicables ici, car nous ne savons pas si est ULC, même dans le cas où il est métrisable et . Le problème vient de l’absence d’un théorème d’addition pour les espaces ULC. Soient et des fermés d’un espace métrisable tels que . Si , et sont ULC, est-il aussi ULC ? La réponse affirmative n’est connue que dans le cas où est un rétracte de voisinage de (voir [6]), mais cette condition n’est pas toujours vérifiée. Il existe des ensembles convexes métrisables tels que soit fermé dans , que soit un rétracte absolu, mais que n’en soit pas un (voir [1]); alors n’est pas un rétracte de voisinage de . Si où et sont des copies de , est-il ULC ?
Comme dans tous les problèmes de point fixe de ce type, la partie la plus délicate de la démonstration est le cas où est métrisable. Dans ce cas, a le type d’homotopie du nerf du système , ce qui nous permet d’utiliser l’homologie singulière pour définir , et une variante de la technique, introduite implicitement dans [2], d’« approximation »des fonctions continues par des morphismes de chaînes définis sur le complexe des chaînes singulières de à coefficients rationnels. Toutefois, les arguments de [2] ne peuvent être appliqués directement ici car, bien que les soient des rétractes absolus de voisinage algébriques111La définition de ces espaces sera rappelée à la section 3, nous ne savons pas s’il en est de même de . Cela vient du fait qu’on ne sait pas si le théorème d’addition est vrai pour les rétractes absolus de voisinage algébriques: si et sont des fermés de l’espace métrisable tels que et que , et sont des rétractes absolus de voisinage algébriques, est-il aussi un rétracte absolu de voisinage algébrique ? Pour contourner cette difficulté, nous démontrerons à la section 3 un résultat d’invariance de l’homologie par « petites déformations » du complexe de chaînes .
Le passage du cas métrisable au cas général suit le schéma, exposé dans [3], utilisant l’espace convexe libre associé à un compact , et la représentation de ce compact comme limite d’un système projectif particulier de compacts métrisables.
Bien que l’utilisation des coefficients rationnels suffise pour la démonstration du théorème, certains résultats auxiliares sont vrais -avec les mêmes démonstrations- pour tout anneau de coefficients, et nous les formulerons et démontrerons dans cette généralité.
2. Préliminaires
Dans tout cet article, désigne un anneau unitaire. Tous les complexes de chaînes de -modules que nous utiliserons sont positifs ( pour ) et augmentés sur . Tous les morphismes de chaînes entre deux tels complexes seront supposés préserver l’augmentation. Un complexe de chaînes est acyclique si son homologie réduite est triviale. Un module gradué est de type fini s’il est engendré par un nombre fini d’éléments.
Pour , soit l’ensemble des points de tels que pour et . Si est un espace topologique, un -simplexe singulier de est une fonction continue . Les -simplexes singuliers s’identifient naturellement aux points de . Nous notons le complexe des chaînes singulières de à coefficients ; le module des -chaînes de ce complexe est le module libre engendré par les -simplexes singuliers de . Nous notons le module gradué d’homologie de ce complexe. Nous identifions chaque simplexe singulier de à l’élément de . Si est un sous-ensemble de , nous identifions naturellement à un sous-complexe de . Le support d’une chaîne est noté ; c’est le plus petit sous-ensemble de tel que . En particulier, l’image du simplexe singulier est notée . Si et sont deux simplexes singuliers de , la notation signifie que est une face propre de . Si est une fonction continue, nous notons et les morphismes induits par . Si est un morphisme de chaînes, nous notons le morphisme qu’il induit sur l’homologie.
Si est une famille de sous-ensembles d’un espace topologique , nous notons le sous-complexe de engendré par les simplexes singuliers dont l’image est contenue dans un élément de . Le module gradué d’homologie de est noté . Il est connu (voir [8], §4.4) que si est un recouvrement ouvert de , il existe un morphisme de chaînes tel que pour et que pour toute chaîne . En outre, notant l’inclusion de dans , il existe une homotopie entre l’identité et telle que pour toute chaîne . Un tel morphisme est appelé un opérateur de subdivision. Les homomorphismes et induits par et respectivement sont des isomorphismes inverses l’un de l’autre.
Pour tout espace topologique , nous notons le module de cohomologie d’Alexander-Spanier de à coefficients . Si est une fonction continue, nous notons l’homomorphisme qu’elle induit.
Si est un complexe simplicial, nous notons sa réalisation géométrique. Si et sont des simplexes de , la notation (resp. ) signifie que est une face de (resp. une face propre de ). Pour tout sommet de , nous notons l’étoile ouverte de dans . Si les sommets de déterminent un simplexe, nous notons ce simplexe. Le barycentre d’un simplexe est noté . Nous notons la subdivision barycentrique de ; ses simplexes sont de la forme , où sont des simplexes de tels que . Nous identifions naturellement et . Pour tout simplexe de , nous notons le sous-complexe de formé des simplexes tels que . est un cône de sommet ou est réduit à ce point, donc est contractile.
Si est une famille de sous-ensembles d’un espace , le sommet du nerf de correspondant à l’élément sera identifié à . Si est un sous-ensemble non vide de , nous posons . Les simplexes du nerf de sont les sous-ensembles non vides de tels que .
Lemme 1.
Si l’espace du théorème est normal, alors il a le type d’homotopie du nerf de .
Démonstration.
Soit le nerf de , et soit sa dimension. Si est un simplexe de , nous notons sa dimension.
Construisons une fonction continue telle que pour tout simplexe de . Pour , soit . Alors et est la réunion disjointe des tels que . Si , alors est le -simplexe , et nous définissons la restriction de à en posant pour tout -simplexe . Soit , et supposons construite la restriction de à . Si , alors . Si , alors , donc . , étant un polyèdre fini contractile, est homéomorphe à un rétracte d’un cube, donc est un extenseur absolu pour la classe des espaces normaux d’après le théorème de Tietze-Urysohn. Il existe donc une fonction continue telle que . Si et sont deux -simplexes distincts, alors , ce qui nous permet de définir la restriction de à par
Construisons aussi une fonction continue telle que, pour tout simplexe de , . Si est un -simplexe de , prenons un point et posons . Soit , et supposons définie la restriction de au -squelette de . Soit un -simplexe de . Pour toute face de , nous avons , donc envoie le bord de dans . Comme est convexe, donc contractile, nous pouvons prolonger à de façon que . Pour tout simplexe de , nous avons car, si est un simplexe de , alors , donc .
Pour tout simplexe de , nous avons . Comme les sont convexes, nous pouvons définir une homotopie entre l’identité de et par .
Pour tout simplexe de , nous avons . Nous achèverons de montrer que et sont des équivalences homotopiques en construisant une homotopie entre l’identité et telle que pour tout simplexe de . Pour , soit ; alors . Si , alors , et la restriction de à est définie par pour tout . Soit , et supposons définie la restriction de à . Si est un -simplexe de , alors , donc , et la contractilité du polyèdre nous permet de trouver une homotopie entre l’identité et la restriction de telle que . Nous pouvons définir la restriction de à par
∎
Il résulte du lemme 1 que, si est normal, alors est de type fini, donc le nombre de Lefschetz est défini pour toute fonction continue . En outre, est alors naturellement isomorphe à , ce qui permet d’utiliser l’homologie singulière pour calculer .
Si et sont deux familles de sous-ensembles de et respectivement, nous dirons que les nerfs de et sont naturellement isomorphes si, pour tout sous-ensemble non vide de , les conditions et sont équivalentes.
Lemme 2.
Soient et deux familles de sous-ensembles convexes des e.v.t. et respectivement, et soient et . Supposons les fermés dans et les femés dans . Soit une fonction continue telle que pour tout . Si et sont normaux et si les nerfs de et sont naturellement isomorphes, alors est un isomorphisme.
Démonstration.
Soit le nerf commun à et . Comme dans le lemme 1, construisons une fonction continue telle que pour tout simplexe de . La fonction vérifie alors pour tout simplexe de . L’argument du lemme 1 montre que et sont des équivalences homotopiques, donc et sont des isomorphismes. Puisque , est aussi un isomorphisme. ∎
Nous avons aussi besoin d’une propriété d’invariance de l’homologie singulière par les « petites déformations ».
Lemme 3.
Si l’espace topologique a le type d’homotopie d’un complexe simplicial, alors il existe un recouvrement ouvert de ayant la propriété suivante: si est un recouvrement ouvert de et si est un morphisme de chaînes tel que, pour tout simplexe singulier de , il existe un élément de contenant et pour toute face de , alors pour tout .
Démonstration.
Par hypothèse, il existe un complexe simplicial et une équivalence homotopique . Soit le recouvrement ouvert de formé des ensembles , où parcourt l’ensemble des sommets de , et soit le recouvrement ouvert de formé des ensembles , .
Soient un recouvrement ouvert de et un morphisme de chaînes tel que, pour tout simplexe singulier de , il existe un élément de contenant et pour toute face de , et l’ensemble de ces est un simplexe de . L’ensemble est contractile. Si est une face de , alors , donc , et contient pour toute face de . L’acyclicité des ensembles permet alors de construire, par récurrence sur la dimension de , un élément tel que . Les morphismes de chaînes et sont donc homotopes, et nous avons pour tout .
Pour , nous avons , d’où
Puisque est un isomorphisme, cela entraîne que . ∎
Si est un endomorphisme d’un espace vectoriel , nous notons , quand elle est définie, la trace au sens de Leray de cet endomorphisme. Toutes les propriétés de la trace et du nombre de Lefschetz au sens de Leray dont nous avons besoin se trouvent dans [5].
Si est un recouvrement ouvert d’un espace et un sous-ensemble de , la notation désigne la réunion de tous les éléments de qui rencontrent . Nous notons le recouvrement formé des ensembles avec . Si est un sous-ensemble de , la notation désigne le recouvrement de formé des ensembles , .
Nous utiliserons le fait suivant dans la démonstration du lemme 5.
Lemme 4.
Soit un fermé d’un espace métrisable , et soit un recouvrement localement fini de par des ouverts de . Il existe une famille localement finie d’ouverts de telle que pour tout et que les nerfs de et soient naturellement isomorphes.
Démonstration.
Nous pouvons supposer pour tout , ce qui nous permet d’identifier à l’ensemble des sommets du nerf de . Puisque est localement fini et métrisable, il existe une fonction continue telle que pour tout . Puisque est métrisable, il existe un voisinage ouvert de dans et une fonction continue prolongeant ( voir [7], théorème 10.4, page 105). Pour , soit ; c’est un ouvert de tel que . La famille est localement finie dans ([7], lemme 10.2 page 102) et les nerfs des familles et sont naturellement isomorphes, étant isomorphes au nerf de la famille . Soit un voisinage ouvert de dans tel que . Alors la famille , où pour tout est localement finie dans et vérifie pour tout . Puisque les nerfs des familles et sont naturellement isomorphes et que pour tout , les nerfs des familles et sont naturellement isomorphes. ∎
3. Une propriété des réunions finies de rétractes absolus de voisinage algébriques
Le résultat que nous démontrerons das cette section entraîne que, si l’espace du théorème est métrisable, il est possible d’« approximer »la fonction compacte par des morphismes de chaînes dont les images sont de type fini. C’est la clef de la démonstration dans le cas métrisable.
Pour tout complexe simplicial , nous notons le complexe des chaînes orientées de à coefficients . Le module des -chaînes de ce complexe est libre, et a une base en correspondance biunivoque avec les -simplexes de , le générateur correspondant au -simplexe étant un générateur de . Nous identifions au -module libre engendré par les -simplexes de en fixant une fois pour toutes un générateur de chaque , que nous notons encore . Si est un -simplexe, le générateur fixé de est celui d’augmentation .
Les notions suivantes ont été introduites dans [2].
Définition 1.
Soient un complexe simplicial, un espace topologique et un recouvrement ouvert de . Une réalisation algébrique partielle de dans relativement à est la donnée d’un sous-complexe de contenant tous les sommets de et d’un morphisme de chaînes tel que, pour tout simplexe de , il existe un élément de contenant pour toute face de appartenant à . Si , la réalisation algébrique est dite complète.
Définition 2.
Un espace métrisable est appelé un -rétracte absolu de voisinage algébrique si, pour tout recouvrement ouvert de , il existe un recouvrement ouvert de qui est plus fin que et tel que, pour tout complexe simplicial , toute réalisation algébrique partielle de dans relativement à se prolonge en une réalisation complète de relativement à .
Dans le lemme suivant, l’anneau est supposé noethérien.
Lemme 5.
Soient des fermés d’un espace métrisable tels que et que soit un -rétracte absolu de voisinage algébrique pour tout sous-ensemble non vide de tel que . Alors, pour tout recouvrement ouvert de , il existe un recouvrement ouvert de et un morphisme de chaînes vérifiant
pour tout simplexe singulier de , il existe contenant et pour toute face de ,
pour tout compact de , il existe un voisinage de dans tel que soit de type fini.
Démonstration.
Pour tout sous-ensemble de , nous notons son cardinal. Soit le plus grand entier tel qu’il existe un sous-ensemble de avec et . Pour , soit ; c’est un sous-ensemble fermé de .
Soit un recouvrement ouvert de . Soit un recouvrement ouvert de tel que soit plus fin que . Pour , nous construirons un recouvrement (relativement) ouvert de et, pour tout sous-ensemble de tel que , nous construirons des recouvrements (relativement) ouverts et de de façon que les conditions suivantes soient vérifiées.
(1) Si , alors est plus fin que et, pour tout complexe simplicial , toute réalisation algébrique partielle de dans relativement à se prolonge en une réalisation algébrique complète relativement à .
(2) est plus fin que .
(3) est plus fin que pour tout .
(4) est plus fin que pour tout tel que .
Si est construit, le fait que est un -rétracte absolu de voisinage algébrique nous permet de trouver vérifiant (1), et l’existence de résulte de la paracompacité de . Une fois les construits pour tout tel que , tout point de a un voisinage tel que soit contenu dans un élément de pour tout tel que et et que si . Prenons alors pour un recouvrement ouvert de plus fin que et que .
Nous construirons maintenant, par récurrence descendante, des ensembles et, pour , un recouvrement ouvert localement fini de qui est plus fin que . Nous construirons aussi, pour tout sous-ensemble non vide de tel que , un sous-ensemble de de façon que soit la réunion disjointe des avec et que la condition suivante soit vérifiée.
(5) Si , alors pour tout et tout .
est la réunion disjointe des tels que . Pour chaque tel , soit un recouvrement ouvert localement fini de plus fin que . Soit la réunion disjointe des avec , et soit .
Soit , et supposons et construits. Le lemme 4 nous permet de trouver une famille d’ouverts de , localement finie dans , telle que pour tout , et dont le nerf est naturellement isomorphe au nerf de . Puisque est plus fin que , qui est plus fin que , nous pouvons, quitte à diminuer les , supposer que est plus fine que . Si et si , alors est disjoint du fermé pour tout ; quitte a diminuer , nous pouvons aussi supposer qu’il est disjoint de . Pour tout tel que , recouvrons le fermé par une famille localement finie d’ouverts de contenus dans et dans des éléments de . Comme est ouvert dans , les avec sont ouverts dans ; en outre, ils vérifient (5). Soit la réunion disjointe de et des avec , et soit .
Posons , et pour . Nous supposons que les sont non vides, ce qui nous permet d’identifier a l’ensemble des sommets du nerf de . Pour tel que , soit . Notons que
(6) pour tout simplexe de , il existe un unique sous-ensemble de tel que et ; en outre, si , alors .
En effet, soit le plus grand entier tel que . Il résule du choix des familles que . Il existe tel que (). Si est le sous-ensemble de tel que , il résulte de (5) que ne dépend pas du choix de l’élément tel que et que pour . La deuxième affirmation de (6) résulte du fait que, .
Puisque est localement fini, si est un simplexe singulier de , l’ensemble des tels que est un simplexe de . Si est une face de , alors . Soit l’ensemble des suites finie de faces de vérifiant ; pour une telle , est un simplexe de . Soit le sous-complexe de formé des simplexes où parcourt .
Toute suite est une sous-suite d’un élément de tel que , donc est face d’un simplexe de dont est un sommet. Il en résulte que est un cône de sommet ou est réduit à , donc est acyclique. Si sont deux simplexes singuliers de , alors , donc . Procédant par récurrence sur la dimension de , l’acyclicité des complexes nous permet de trouver un morphisme de chaînes tel que pour tout simplexe singulier .
Pour , soit le sous-complexe plein de engendré par les sommets appartenant à ; posons . Pour , soit , où est le -squelette de . Pour , soit le sous-complexe plein de engendré par les sommets appartenant à .
Nous construirons maintenant un morphisme de chaînes vérifiant
(7) Pour tout simplexe de , il existe tel que ( et comme dans (6)).
Pour construire , fixons, pour tout simplexe de , un point . Nous définissons la restriction de à en envoyant le générateur de sur le -simplexe singulier pour tout simplexe de . Nous construirons ensuite les restrictions de à par récurrence descendante. Soit , et supposons construite. Pour tout tel que , soit ; c’est un sous-complexe de contenant tous les sommets de . Nous allons vérifier que la restriction de à est une réalisation algébrique partielle de dans relativement à . D’après (1), se prolongera en une réalisation algébrique complète relativement à . Comme et si et , nous pourrons alors définir par et pour tout tel que . La condition (7) pour les simplexes de résulte de la définition d’une réalisation algébrique complète relativement à .
Fixons tel que . Soit un simplexe de , et soit un sommet de . Pour , nous avons , d’où , et le point appartient à . Puisque est plus fin que , il existe tel que pour tout . Soit une face de contenue dans . La condition (7) étant vérifiée au rang , il existe tel que pour toute face de ; en particulier, contient . Puisque est contenu dans , nous avons , et (3) garantit l’existence d’un élément de contenant . Puisque , nous avons , donc contient pour toute face de appartenant à . Les conditions (4) et (2) garantissent que est contenu dans un élément de , donc est bien une réalisation algébrique partielle dans relativement a . La construction de est ainsi achevée.
Soit .
Soit un simplexe singulier de . Il existe tel que . Pour toute face de , est un sommet de , ce qui entraîne que, pour tout , le point appartient à . Il résulte de (7) et (3) qu’il existe, pour tout simplexe de , un élément de tel que . En particulier, si est un sommet de ( est une face de ), contient le point de , donc est contenu dans . Nous avons donc . Puisque appartient à pour toute face de , contient pour toute face de . Comme est plus fin que et plus fin que , la condition (i) est vérifiée.
Soit un compact de . Puisque est localement fini, il existe un voisinage de dans tel que l’ensemble des pour lesquels est fini. Soit le sous-complexe plein de engendré par les sommets appartenant à . Pour tout simplexe singulier appartenant à , appartient à pour toute face de , donc est contenu dans . Il en résulte que est contenu dans . Comme est un complexe fini, est de type fini, et il en est de même de tout sous-complexe de puisque est noethérien. ∎
4. Démonstration du théorème
Dans toute cette section, nous utiliserons exclusivement des coefficients rationnels pour l’homologie et la cohomologie.
Les résultats des sections 2 et 3 nous permettent de traiter le cas où l’espace du théorème est métrisable, cas qui est la partie la plus délicate de la démonstration.
Lemme 6.
Le théorème est vrai quand est métrisable.
Démonstration.
D’après le lemme 1, a le type d’homotopie d’un complexe fini, donc est défini et nous pouvons utiliser l’homologie singulière pour le calculer. Soit un recouvrement ouvert de vérifiant la conclusion du lemme 3.
Supposons que n’ait pas de point fixe. Nous pouvons alors trouver un recouvrement ouvert de tel que pour tout .
Soit le recouvrement ouvert de formé des ensembles avec et . Soit un compact de tel que . Puisque tout convexe métrisable est un rétracte absolu de voisinage algébrique ([2] théorème 8), le lemme 5 s’applique et nous fournit un recouvrement ouvert et un morphisme de chaînes vérifiant les conditions (i) et (ii) de ce lemme relativement à .
Soit . Puisque est plus fin que , la condition (i) du lemme 5 et le lemme 3 entraînent que , donc . Nous avons , donc , et la condition (ii) du lemme 5 garantit que l’image de est de type fini, donc est défini. Alors et, pour achever la démonstration du lemme, il suffit de montrer que .
Les simplexes singuliers de forment une base de ce complexe, et les coordonnées que nous utilisons sont relatives à cette base. Soit l’ensemble des simplexes singuliers pour lesquels il existe tel que ait une coordonnée non nulle sur , et soit le sous-complexe de engendré par . Comme l’image de est de type fini, est fini, donc est de type fini. Comme contient l’image de , nous avons , et si est le morphisme induit par , alors . Pour prouver que , il suffit de montrer que si est la composante de degré de , alors pour tout . Pour cela, il suffit de vérifier que, pour tout simplexe , la coordonnée de sur est nulle, ce que nous ferons en montrant que pour tout .
Pour tout simplexe singulier de , est une combinaison linéaire , où est contenu dans un élément de . Alors , et la condition (i) du lemme 5 entraîne que est contenu dans un élément de . Par suite, pour tout simplexe singulier , il existe un élément de contenant . Par définition de , il existe tel que . Soit , où est contenu dans un élément de et dans . Pour tout , il existe, d’après (i) du lemme 5, un élément de contenant . Puisque , nous avons , et il en résulte que , donc est disjoint de d’après le choix de . ∎
Le passage du cas métrisable au cas général du théorème se fait par un mécanisme systématique décrit dans [2], qui utilise deux ingrédients: le convexe libre associé à un espace compact, et la représentation des compacts non métrisables comme limites de systèmes projectifs particuliers de compacts métrisables.
A tout espace compact est associé un espace convexe libre contenant et caractérisé par la propriété universelle suivante: pour toute fonction continue de dans un sous-ensemble convexe d’un e.v.t., il existe une unique application affine continue telle que . Ce convexe libre peut se construire comme suit. Pour , soit l’ensemble des combinaisons convexes formelles de points de (pas nécéssairement distincts; et ). est muni de la topologie quotient du produit par l’application définie, pour dans et , par
est un compact, s’identifie naturellement à un sous-espace de , et est la limite inductive de la suite croissante de compacts . Le compact est identifié au sous-espace de . Notons que est un sous-ensemble convexe fermé de l’espace vectoriel topologique libre engendré par , que nous avons utilisé dans [1].
Si est un sous-ensemble fermé de , alors s’identifie naturellement a un sous-espace fermé de . Le lemme suivant est un cas particulier du théorème.
Lemme 7.
Soient des fermés d’un compact tels que , et soit . Si est une fonction continue telle que , alors est défini. Si , alors a un point fixe.
Pour tout compact , est régulier et -compact, donc paracompact. Si est comme dans le lemme 7, il est paracompact, donc, comme nous l’avons remarqué après le lemme 1, est de type fini et est défini.
L’utilisation de est justifiée par la remarque suivante.
Lemme 8.
Si le lemme 7 est vrai, il en est de même du théorème.
Démonstration.
Soient comme dans l’énoncé du théorème. Soit un sous-ensemble compact de tel que . Pour , soit . Les sont des fermés de tels que . Soit . L’inclusion se prolonge en une application continue affine de dans l’enveloppe convexe de , qui envoie dans pour tout , donc induit une fonction continue .
Soit la fonction induite par , et soit l’inclusion de dans . Puisque , nous avons . Soit . L’image de est contenue dans et pour tout . Alors est défini et, si le lemme 7 est vrai, a un point fixe si . Mais si est défini, il en est de même de , et (voir [5], p. 417). Puisque tout point fixe de appartient a , c’est aussi un point fixe de , d’où le lemme. ∎
Lorsque le compact est métrisable, le lemme 7 résulte du lemme 6.
Lemme 9.
Le lemme 7 est vrai quand est métrisable.
Démonstration.
Si est métrisable, les lemmes 2.1 et 2.2 de [1] nous permettent de touver une topologie vectorielle métrisable sur , moins fine que la topologie libre et telle que soit -fermé dans pour et que soit continue. Considérons le diagramme commutatif
où et est l’identité. D’après le lemme 2, est un isomorphisme, donc . Si , alors a un point fixe d’après le lemme 6. ∎
Le cas général du lemme 8 se déduit du cas métrisable en représentant comme limite d’un système projectif particulier de compacts métrisables.
Un système projectif d’espaces topologiques sur un ensemble ordonné filtrant sera noté (les sont des espaces topologiques et, pour , est continue). Nous notons la limite projective de ce système et la projection de dans . Si est un sous-ensemble filtrant de , nous notons le système obtenu en restreignant l’ensemble des indices à . Si est cofinal dans , nous identifions naturellement à . Si et sont deux systèmes projectifs ayant le même ensemble d’indices, un morphisme de dans est une famille de fonctions continues , , telle que pour . Un tel morphisme induit une fonction continue de dans .
Un système projectif est appelé un -système projectif s’il vérifie les conditions suivantes.
-
()
Tout sous-ensemble dénombrable totalement ordonné de a une borne supérieure.
-
()
Pour tout sous-ensemble totalement ordonné de admettant une borne supérieure , la fonction est un homéomorphisme.
-
()
Chaque a un base dénombrable.
Un sous-ensemble d’un ensemble filtrant est dit fermé si, pour tout sous-ensemble totalement ordonné admettant une borne supérieure dans , cette borne supérieure appartient à . Si est un -système projectif et si est un sous-ensemble cofinal et fermé de , alors est aussi un -système projectif.
Le passage du cas métrisable au cas général du lemme 7 est permis par le fait suivant, qui est un cas particulier du théorème 1.3.4 de [4].
Lemme 10.
Soient et deux -systèmes de compacts sur un même ensemble d’indices , et soit une fonction continue de dans . Si, pour tout , la projection est surjective, alors il existe un sous-ensemble cofinal et fermé de et un morphisme de dans dont la limite est .
Démonstration du lemme 7 dans le cas non métrisable. Nous utilisons la méthode expliquée dans [3] dans le cas des espaces ULC. Nous représentons comme limite d’un -système projectif de compacts métrisables tel que les projections soient surjectives.
Pour , soit . Pour et , soit . Posons et, pour , . Les fonctions induisent des fonctions et . Pour , les fonctions induisent des fonctions et . Les foncteurs commutent aux limites projectives; il est facile d’en déduire que est un -système projectif de limite . La surjectivité des fonctions entraîne que est surjective.
Nous avons ; appliquant le lemme 10 à la restriction de à , nous obtenons un sous-ensemble , cofinal et fermé dans , et un morphisme de limite . Comme et sont des -systèmes projectifs, nous pouvons appliquer le lemme 10 à la restriction de à pour obtenir un sous-ensemble de , cofinal et fermé dans , donc aussi dans , et un morphisme de limite . Inductivement, nous construisons ainsi une suite décroissante de sous-ensembles cofinaux et fermés de et des morphismes de limite . La condition () garantit que est cofinal dans , et la surjectivité des fonctions garantit que, pour tout , pour , ce qui nous permet de définir une fonction continue par pour tout . Soit la fonction induite par . Ces fonctions vérifient pour dans .
Le nerf du système (resp. est naturellement isomorphe au nerf du système (resp. ). Puisque le compact est la limite projective du système , le nerf de est naturellement isomorphe au nerf de si est assez grand. Quitte à remplacer par un sous-ensemble cofinal, nous pouvons donc supposer que les nerfs des systèmes et sont naturellement isomorphes pour tout . Les nerfs des systèmes et sont alors naturellement isomorphes, et il résulte du lemme 2 que est un isomorphisme. Pour , considérons le diagramme commutatif
Nous avons remarqué plus haut que et sont définis. Puisque est un isomorphisme, nous avons . Si , alors l’ensemble des points fixes de n’est pas vide d’après le lemme 9. Puisque , nous avons pour dans , donc est un système projectif de compacts non vides. La limite projective de ce système est un sous-ensemble non vide de , et tout point de ce sous-ensemble est un point fixe de .
Références
- [1] R. Cauty. Un espace métrique linéaire qui n’est pas un rétracte absolu, Fund. Math. 146, 1994, 85-99.
- [2] R. Cauty. Rétractes absolus de voisinage algébriques, Serdica Math. J. 31, 2005, 309-354.
- [3] R. Cauty. Points fixes des applications compactes dans les espaces ULC, arXiv:1010.2401.
- [4] A. Chigogidze. Inverse spectra, Noth-Holland, Amsterdam, 1996.
- [5] A. Granas, J. Dugundji. Fixed point theory, Springer Verlag, Berlin, 2003.
- [6] C. J. Himmelberg. Some theorems on equiconnected and locally equiconnected spaces, Trans. Amer. Math. Soc. 115, 1965, 43-53.
- [7] S.T. Hu. Theory of retracts, Wayne State University Press, Detroit, 1965.
- [8] E. H. Spanier. Algebraic Topology, Mc Graw Hill, New York, 1966.