Plongements \ell-adiques et \ell-nombres de Weil

Jean-Fran ois Jaulent

R sum . Nous introduisons la notion de nombre de Weil \ell-adique par analogie avec la notion classique de nombre de Weil l’infini ; et nous en tudions quelques propri t s en liaison avec les plongements et les valeurs absolues r elles ou \ell-adiques des corps de nombres. En appendice, nous en tirons diverses applications la th orie d’Iwasawa des tours cyclotomiques.

Abstract. We define \ell-adic analogs of classical Weil numbers in connexion both with complex or \ell-adic imbeddings of number fields and real or \ell-adic absolute values. As an application we give some consequences related to the Iwasawa theory of cyclotomic towers.


Introduction

Le but de l’article est de d finir les analogues \ell-adiques des nombres de Weil et d’ tudier quelques unes de leurs propri t s alg briques en liaison avec la th orie d’Iwasawa des corps cyclotomiques.

Les nombres de Weil classiques (i.e. l’infini) interviennent naturellement tant en th orie des nombres qu’en g om trie alg brique ou m me en th orie des groupes : sommes de Gauss ou de Jacobi, tables de caract res, quations fonctionnelles des fonctions L𝐿L d’Artin, factorisation des fonctions ζ𝜁\zeta (de Weil) attach es aux vari t s projectives non singuli res sur les corps finis, etc (cf. e.g. [BF, GO, La]). C’est d’ailleurs de ce dernier exemple que provient leur nom, en raison de la c l bre conjecture formul e par A. Weil (cf. [We]) et prouv e par R. Deligne (cf. [De]).

Du point de vue de l’arithm tique, les nombres de Weil (apr s normalisation) ne sont rien d’autre que les nombres alg briques dont tous les conjugu s r els ou complexes sont de module 1, autrement dit les l ments de la cl ture alg brique ¯¯\overline{\mathbb{Q}} de \mathbb{Q}, dont tous les plongements l’infini sont de module 1.

Il nous a donc sembl int ressant de regarder ce que deviennent les propri t s purement alg briques de ces nombres lorsqu’on remplace la place l’infini par une place finie \ell , l’instar de ce qui est fait dans [Dn], ce qui am ne ici consid rer ¯¯\overline{\mathbb{Q}} non plus comme un sous-corps de \mathbb{C}, mais comme un sous-corps de subscript\mathbb{C}_{\ell} (en fait comme un sous-corps de ¯subscript¯\overline{\mathbb{Q}}_{\ell}) et remplacer les valeurs absolues r elles (i.e. valeurs r elles) par leurs analogues \ell-adiques : les valeurs absolues \ell-adiques.

A l’exercice, on constate que si certaines analogies formelles sont bien conserv es (par exemple, la notion de corps totalement \ell-adique correspond assez naturellement celle de corps totalement r el), d’autres exigent des restrictions s v res de degr et de ramification (ainsi la notion de conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e) et surtout, contrairement ce qui advient dans le cas classique o les nombres de Weil qui sont des unit s ( l’infini) sont des racines de l’unit , l’ensemble des \ell-nombres de Weil qui sont des unit s (autrement dit le noyau de toutes les valeurs absolues \ell-adiques) est g n ralement un sous-groupe non trivial du groupe multiplicatif du corps consid r , sous-groupe dont le \ell-adifi joue un r le myst rieux dans certaines questions de th orie d’Iwasawa mettant en jeu les conjectures de Gross ou de Leopoldt.


1. Corps conjugaison complexe et nombres de Weil l’infini

Nous revenons dans cette premi re section sur quelques propri t s galoisiennes des corps conjugaison complexe et des nombres de Weil classiques (i.e. l’infini).

Quoique la plupart d’entre elles soient essentiellement bien connues (cf. e.g. [GO]), il nous a paru utile, pour la commodit du lecteur, d’en rassembler succintement les preuves. Celles-ci nous servent, en effet de fil directeur dans la section suivante pour d finir et tudier les analogues \ell-adiques de ces notions.

1.a. Corps totalement r els et corps conjugaison complexe

Nous supposons fix s dans cette section un plongement de la cl ture alg brique ¯¯\overline{\mathbb{Q}} de \mathbb{Q} dans le corps des complexes \mathbb{C} ; nous regardons ainsi ¯¯\overline{\mathbb{Q}} comme un sous-corps de \mathbb{C}. Cela permet de parler sans ambigu t de la conjugaison complexe τ𝜏\tau.

Définition 1.

On dit qu’un corps de nombres K𝐾K est un corps conjugaison complexe (ou encore qu’il est de type CM) lorsque c’est une extension quadratique totalement imaginaire d’un sous-corps totalement r el K+subscript𝐾K_{+}.

En d’autres termes :

Proposition 2.

Les corps de nombres conjugaison complexe sont ceux de la forme K=K+[δ]𝐾subscript𝐾delimited-[]𝛿K=K_{+}[\sqrt{-\delta}], o K+subscript𝐾K_{+} est un corps totalement r el et δ0much-greater-than𝛿0\delta\gg 0 un l ment de K+subscript𝐾K_{+} totalement positif.

Le r sultat suivant permet alors de ramener l’ tude des corps conjugaison complexe au cas absolument galoisien :

Proposition 3.

Le compositum K=i=0nKi𝐾superscriptsubscriptproduct𝑖0𝑛subscript𝐾𝑖K=\prod_{i=0}^{n}K_{i} d’une famille de corps de nombres conjugaison complexe est encore un corps conjugaison complexe.

En particulier la cl ture galoisienne d’un corps conjugaison complexe est un corps conjugaison complexe qui est extension quadratique d’un sous-corps galoisien (totalement) r el.

Preuve. Pour chaque i{0,,n}𝑖0𝑛i\in\{0,\dots,n\}, crivons Ki=Fi[δi]subscript𝐾𝑖subscript𝐹𝑖delimited-[]subscript𝛿𝑖K_{i}=F_{i}[\sqrt{-\delta_{i}}], avec Fisubscript𝐹𝑖F_{i} totalement r el et δi0much-greater-thansubscript𝛿𝑖0\delta_{i}\gg 0 totalement positif dans Fisubscript𝐹𝑖F_{i} ; et notons F=Fi𝐹productsubscript𝐹𝑖F=\prod F_{i} le compositum des Fisubscript𝐹𝑖F_{i}. Nous avons imm diatement :

K=F[δ0,,δn]=F[δ1/δ0,,δn/δ0][δ0]𝐾𝐹subscript𝛿0subscript𝛿𝑛𝐹subscript𝛿1subscript𝛿0subscript𝛿𝑛subscript𝛿0delimited-[]subscript𝛿0K=F[\sqrt{-\delta_{0}},\dots,\sqrt{-\delta_{n}}]=F[\sqrt{\delta_{1}/\delta_{0}},\dots,\sqrt{\delta_{n}/\delta_{0}}][\sqrt{-\delta_{0}}]

avec F[δ1/δ0,,δn/δ0]𝐹subscript𝛿1subscript𝛿0subscript𝛿𝑛subscript𝛿0F[\sqrt{\delta_{1}/\delta_{0}},\dots,\sqrt{\delta_{n}/\delta_{0}}] totalement r el et δ00much-greater-thansubscript𝛿00\delta_{0}\gg 0 ; d’o le premier r sultat.

Pour tablir le second , partons de K0=F0[δ0]subscript𝐾0subscript𝐹0delimited-[]subscript𝛿0K_{0}=F_{0}[\sqrt{-\delta_{0}}], avec F0subscript𝐹0F_{0} totalement r el et δ00much-greater-thansubscript𝛿00\delta_{0}\gg 0 totalement positif dans F0subscript𝐹0F_{0}, et consid rons la famille K0σi=F0σi[δ0σi]superscriptsubscript𝐾0subscript𝜎𝑖superscriptsubscript𝐹0subscript𝜎𝑖delimited-[]superscriptsubscript𝛿0subscript𝜎𝑖K_{0}^{\sigma_{i}}=F_{0}^{\sigma_{i}}[\sqrt{-\delta_{0}^{\sigma_{i}}}] des conjugu s de K0subscript𝐾0K_{0}. Nous obtenons comme plus haut :

K=F[δ0σ1/δ0,,δ0σn/δ0][δ0]𝐾𝐹superscriptsubscript𝛿0subscript𝜎1subscript𝛿0superscriptsubscript𝛿0subscript𝜎𝑛subscript𝛿0delimited-[]subscript𝛿0K=F[\sqrt{\delta_{0}^{\sigma_{1}}/\delta_{0}},\dots,\sqrt{\delta_{0}^{\sigma_{n}}/\delta_{0}}][\sqrt{-\delta_{0}}],

avec F=i=1nF0σi𝐹superscriptsubscriptproduct𝑖1𝑛superscriptsubscript𝐹0subscript𝜎𝑖F=\prod_{i=1}^{n}F_{0}^{\sigma_{i}} et F[δ0σ1/δ0,,δ0σn/δ0]𝐹superscriptsubscript𝛿0subscript𝜎1subscript𝛿0superscriptsubscript𝛿0subscript𝜎𝑛subscript𝛿0F[\sqrt{\delta_{0}^{\sigma_{1}}/\delta_{0}},\dots,\sqrt{\delta_{0}^{\sigma_{n}}/\delta_{0}}] galoisien (totalement) r el, engendr sur F𝐹F par les racines carr es des δ0σ/δ0σsuperscriptsubscript𝛿0𝜎superscriptsubscript𝛿0superscript𝜎\delta_{0}^{\sigma}/\delta_{0}^{\sigma^{\prime}} pour σ𝜎\sigma et σsuperscript𝜎\sigma^{\prime} dans Gal(¯/)Gal¯\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q}).

En particulier, il vient ainsi :

Théorème 4.

Soit K𝐾K un corps de nombres conjugaison complexe qui est galoisien sur un sous-corps totalement r el F𝐹F et soit G𝐺G le groupe de Galois Gal(K/F)Gal𝐾𝐹\operatorname{Gal}(K/F). Dans ces conditions :

  • (i)

    La conjugaison complexe τ𝜏\tau est centrale dans G𝐺G et son corps des points fixes K+=K<τ>subscript𝐾superscript𝐾expectation𝜏K_{+}=K^{<\tau>} est le plus grand sous-corps totalement r el de K𝐾K.

  • (ii)

    Pour toute extension quadratique totalement imaginaire k=F[d]𝑘𝐹delimited-[]𝑑k=F[\sqrt{-d}] de F𝐹F qui n’est pas contenue dans K𝐾K, l’extension compos e K=Kk=K[d]superscript𝐾𝐾𝑘𝐾delimited-[]𝑑K^{\prime}=Kk=K[\sqrt{-d}] est le produit direct de k𝑘k et d’une sous-extension galoisienne totalement r elle K+subscriptsuperscript𝐾K^{\prime}_{+} de F𝐹F de groupe de Galois isomorphe G𝐺G.

Remarque. Il suit de l que toute extension absolument galoisienne conjugaison complexe de groupe de Galois G=Gal(K/)𝐺Gal𝐾G=\operatorname{Gal}(K/\mathbb{Q}) est une sous-extension de degr relatif au plus 2 du compositum d’une extension quadratique imaginaire k=[d]𝑘delimited-[]𝑑k=\mathbb{Q}[\sqrt{-d}] et d’une extension galoisienne (totalement) r elle de m me groupe G𝐺G.

Preuve du Th or me. Notons K+subscript𝐾K_{+} le plus grand sous-corps (totalement) r el de K𝐾K et C𝐶C le groupe de Galois Gal(K/K+)Gal𝐾subscript𝐾\operatorname{Gal}(K/K_{+}). D’apr s ce qui pr c de, le groupe C𝐶C est d’ordre 2, engendr par la conjugaison complexe τ𝜏\tau et distingu dans G𝐺G, de sorte que τ𝜏\tau est centrale dans G𝐺G. Cela tant, pour toute extension quadratique totalement imaginaire k=F[d]𝑘𝐹delimited-[]𝑑k=F[\sqrt{-d}] de F𝐹F qui n’est pas contenue dans K𝐾K, l’extension compos e K=Kk=K[d]superscript𝐾𝐾𝑘𝐾delimited-[]𝑑K^{\prime}=Kk=K[\sqrt{-d}] est encore un corps conjugaison complexe (comme compos de tels corps) et c’est aussi le produit direct sur F𝐹F de K𝐾K et de k𝑘k, i.e. une extension galoisienne de groupe Gal(K/F)G×C2similar-to-or-equalsGalsuperscript𝐾𝐹𝐺subscript𝐶2\operatorname{Gal}(K^{\prime}/F)\simeq G\times C_{2}. Mais c’est tout aussi bien le produit direct sur F𝐹F de K+subscriptsuperscript𝐾K^{\prime}_{+} et de k𝑘k, si K+subscriptsuperscript𝐾K^{\prime}_{+} d signe le sous-corps r el maximal de K𝐾K. Et on a donc Gal(K+/F)Gsimilar-to-or-equalsGalsubscriptsuperscript𝐾𝐹𝐺\operatorname{Gal}(K^{\prime}_{+}/F)\simeq G, comme annonc .

1.b. Nombres de Weil usuels (i.e. l’infini) et conjugaison complexe

Notons toujours ¯¯\overline{\mathbb{Q}}\subset\mathbb{C} la cl ture alg brique de \mathbb{Q} dans \mathbb{C} et crivons τ𝜏\tau la conjugaison complexe sur ¯¯\overline{\mathbb{Q}}, i.e. la restriction ¯¯\overline{\mathbb{Q}} de la conjugaison complexe.

Définition 5.

On dit qu’un l ment a¯𝑎¯a\in\overline{\mathbb{Q}} est un nombre de Weil ( l’infini) lorsqu’on a : aσ=1delimited-∣∣superscript𝑎𝜎1\mid a^{\sigma}\mid=1 pour tout σ𝜎\sigma de G=Gal(¯/)𝐺Gal¯G=\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q}).

L’ensemble W¯superscriptsubscript𝑊¯W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{\infty} des nombres de Weil est ainsi le sous-groupe de ¯×superscript¯\overline{\mathbb{Q}}^{\times} :

W¯={a¯×σGaσ(1+τ)=1}superscriptsubscript𝑊¯conditional-set𝑎superscript¯formulae-sequencefor-all𝜎𝐺superscript𝑎𝜎1𝜏1W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{\infty}\ =\ \{a\in\overline{\mathbb{Q}}^{\times}\mid\forall\sigma\in G\quad a^{\sigma(1+\tau)}=1\}.

Remarque. Pour tout entier naturel m𝑚m, on d finit usuellement les m𝑚m-nombres de Weil par la condition : aσ(1+τ)=msuperscript𝑎𝜎1𝜏𝑚a^{\sigma(1+\tau)}=m, pour tout σ𝜎\sigma de G𝐺G ; en d’autres termes, ce sont les produits mb𝑚𝑏\sqrt{m}\ b, o b𝑏b est un nombre de Weil au sens de la d finition 5.

Le lien entre nombres de Weil et conjugaison complexe se pr sente alors ainsi :

Proposition 6.

Soit aW¯{±1}𝑎superscriptsubscript𝑊¯plus-or-minus1a\in W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{\infty}\setminus\{\pm 1\}. Alors K=[a]𝐾delimited-[]𝑎K=\mathbb{Q}[a] est un corps conjugaison complexe ; autrement dit, il s’ crit K=K+[δ]𝐾subscript𝐾delimited-[]𝛿K=K_{+}[\sqrt{-\delta}], o F𝐹F est un corps totalement r el et δ0much-greater-than𝛿0\delta\gg 0 un l ment de F𝐹F totalement positif.

Preuve. De l’identit a1+τ=1superscript𝑎1𝜏1a^{1+\tau}=1, on tire a(1+τ)σ=1=aσ(1+τ)superscript𝑎1𝜏𝜎1superscript𝑎𝜎1𝜏a^{(1+\tau)\sigma}=1=a^{\sigma(1+\tau)} ; d’o aστ=aτσsuperscript𝑎𝜎𝜏superscript𝑎𝜏𝜎a^{\sigma\tau}=a^{\tau\sigma} pour tout σ𝜎\sigma de G𝐺G. Soit alors b=a+aτ𝑏𝑎superscript𝑎𝜏b=a+a^{\tau}\in\mathbb{R}. De bσ=aσ+aτσ=a+aστsuperscript𝑏𝜎superscript𝑎𝜎superscript𝑎𝜏𝜎𝑎superscript𝑎𝜎𝜏b^{\sigma}=a^{\sigma}+a^{\tau\sigma}=a+a^{\sigma\tau}\in\mathbb{R}, il suit que le sous-corps F=[b]𝐹delimited-[]𝑏F=\mathbb{Q}[b] est totalement r el ; et de aτ=a1superscript𝑎𝜏superscript𝑎1a^{\tau}=a^{-1} que a𝑎a est racine du polyn me P(X)=X2bX+1𝑃𝑋superscript𝑋2𝑏𝑋1P(X)=X^{2}-bX+1 de F[X]𝐹delimited-[]𝑋F[X]. Comme a𝑎a est non r el (en vertu de l’hypoth se a±1𝑎plus-or-minus1a\neq\pm 1), il vient degFa=2subscriptdeg𝐹𝑎2\operatorname{deg}_{F}a=2 et [[a]:[b]]=2[\mathbb{Q}[a]:\mathbb{Q}[b]]=2.

Enfin, aucun des conjugu s de a𝑎a n’ tant r el, le corps K=[a]𝐾delimited-[]𝑎K=\mathbb{Q}[a] est donc totalement imaginaire et le discriminant δ𝛿-\delta du polyn me P(X)𝑃𝑋P(X) est totalement n gatif.

Corollaire 7.

Sous les m mes hypoth ses, la cl ture galoisienne K^^𝐾\widehat{K} de K𝐾K est encore un corps conjugaison complexe et la restriction de la conjugaison τ𝜏\tau K^^𝐾\widehat{K} est centrale dans Gal(K^/K)Gal^𝐾𝐾\operatorname{Gal}(\widehat{K}/K). En particulier, K^^𝐾\widehat{K} est une extension quadratique totalement imaginaire du corps galoisien (totalement) r el K^tr=K^<τ>subscript^𝐾𝑡𝑟superscript^𝐾expectation𝜏\widehat{K}_{tr}=\widehat{K}^{<\tau>}.

Preuve. Notons F^^𝐹\widehat{F} la cl ture galoisienne de F𝐹F, i.e. le compositum des Fσsuperscript𝐹𝜎F^{\sigma} lorsque σ𝜎\sigma d crit G=Gal(¯/)𝐺Gal¯G=\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q}). Nous avons K=F[δ]𝐾𝐹delimited-[]𝛿K=F[\sqrt{-\delta}] pour un δ0much-greater-than𝛿0\delta\gg 0 de F𝐹F, donc K^=K^+[δ]^𝐾subscript^𝐾delimited-[]𝛿\widehat{K}=\widehat{K}_{+}[\sqrt{-\delta}], avec K^+=F^[δσ/δ,σG]subscript^𝐾^𝐹delimited-[]superscript𝛿𝜎𝛿𝜎𝐺\widehat{K}_{+}=\widehat{F}[\sqrt{\delta^{\sigma}/\delta},\ \sigma\in G], comme annonc .

Théorème 8.

Notons ¯trsubscript¯𝑡𝑟\overline{\mathbb{Q}}_{tr} la plus grande sous-extension totalement r elle de ¯¯\overline{\mathbb{Q}}. On a alors :

[W¯]=¯tr[i]delimited-[]subscriptsuperscript𝑊¯subscript¯𝑡𝑟delimited-[]𝑖\mathbb{Q}[W^{\infty}_{\overline{\mathbb{Q}}}]\ =\ \overline{\mathbb{Q}}_{tr}[i] ;

d’o  :

W¯=¯tr[i]×(τ1)={aiba+iba¯tr,b¯tr,(a,b)(0,0)}subscriptsuperscript𝑊¯subscript¯𝑡𝑟superscriptdelimited-[]𝑖absent𝜏1conditional-set𝑎𝑖𝑏𝑎𝑖𝑏formulae-sequence𝑎subscript¯𝑡𝑟formulae-sequence𝑏subscript¯𝑡𝑟𝑎𝑏0.0W^{\infty}_{\overline{\mathbb{Q}}}\ =\ \overline{\mathbb{Q}}_{tr}[i]^{\times(\tau-1)}\ =\ \left\{\frac{a-ib}{a+ib}\mid a\in\overline{\mathbb{Q}}_{tr},\ b\in\overline{\mathbb{Q}}_{tr},\ (a,b)\neq(0,0)\right\}.

Preuve. Cela r sulte du th or me 90 de Hilbert appliqu l’extension ¯tr[i]/¯trsubscript¯𝑡𝑟delimited-[]𝑖subscript¯𝑡𝑟\overline{\mathbb{Q}}_{tr}[i]/\overline{\mathbb{Q}}_{tr}.

Corollaire 9.

Soit K𝐾K\subset\mathbb{C} un corps de nombres, Ktrsubscript𝐾𝑡𝑟K_{tr} sa plus grande sous-extension totalement r elle et Kcm=Ktr[WK]subscript𝐾𝑐𝑚subscript𝐾𝑡𝑟delimited-[]subscriptsuperscript𝑊𝐾K_{cm}=K_{tr}[W^{\infty}_{K}] le sous-corps conjugaison complexe engendr sur Ktrsubscript𝐾𝑡𝑟K_{tr} par les nombres de Weil contenus dans K𝐾K. On a alors l’alternative suivante :

  • (i)

    ou bien on a : [Kcm:Ktr]=1[K_{cm}:K_{tr}]=1, auquel cas le groupe WKsuperscriptsubscript𝑊𝐾W_{K}^{\infty} se r duit {±1}plus-or-minus1\{\pm 1\} ;

  • (ii)

    ou bien on a : [Kcm:Ktr]=2[K_{cm}:K_{tr}]=2, auquel cas le corps Kcmsubscript𝐾𝑐𝑚K_{cm} est conjugaison complexe et il vient :

    WK=WKcm=Kcm×(τ1)superscriptsubscript𝑊𝐾superscriptsubscript𝑊subscript𝐾𝑐𝑚superscriptsubscript𝐾𝑐𝑚absent𝜏1W_{K}^{\infty}=W_{K_{cm}}^{\infty}=K_{cm}^{\times(\tau-1)}.

Preuve. Puisque K𝐾K contient Kcmsubscript𝐾𝑐𝑚K_{cm}, son sous-corps Ktrsubscript𝐾𝑡𝑟K_{tr} est encore la plus grande sous-extension totalement r elle de Kcmsubscript𝐾𝑐𝑚K_{cm}. Cela tant, dans le premier cas, il suit directement : WK=WKcm=WKtr={±1}superscriptsubscript𝑊𝐾superscriptsubscript𝑊subscript𝐾𝑐𝑚superscriptsubscript𝑊subscript𝐾𝑡𝑟plus-or-minus1W_{K}^{\infty}=W_{K_{cm}}^{\infty}=W_{K_{tr}}^{\infty}=\{\pm 1\} ; et dans le second, il vient, en vertu du th or me 90 : WK=WKcm=Kcm×(τ1)superscriptsubscript𝑊𝐾superscriptsubscript𝑊subscript𝐾𝑐𝑚superscriptsubscript𝐾𝑐𝑚absent𝜏1W_{K}^{\infty}=W_{K_{cm}}^{\infty}=K_{cm}^{\times(\tau-1)}.


2. Corps conjugaison \ell-adique et \ell-nombres de Weil

Nous allons maintenant d finir l’analogue \ell-adique de la conjugaison complexe et des nombres de Weil pour chaque nombre premier donn \ell.

2.a. Corps totalement \ell-adiques et corps conjugaison \ell-adique

Nous supposons fix s dans cette section un plongement de la cl ture alg brique ¯¯\overline{\mathbb{Q}} de \mathbb{Q} dans le compl t subscript\mathbb{C}_{\ell} de la cl ture alg brique ¯subscript¯\overline{\mathbb{Q}}_{\ell} du corps subscript\mathbb{Q}_{\ell} ; en d’autres termes, nous regardons ¯¯\overline{\mathbb{Q}} comme un sous-corps de ¯subscript¯\overline{\mathbb{Q}}_{\ell}. Cel point est essentiel pour parler sans ambigu t de conjugaison \ell-adique.

Définition 10.

Nous disons qu’un corps de nombres K¯𝐾subscript¯K\subset\overline{\mathbb{Q}}_{\ell} est :

  • (i)

    totalement \ell-adique, lorsque tous ses conjugu s Kσsuperscript𝐾𝜎K^{\sigma} par Gal(¯/)Gal¯\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q}) sont contenus dans subscript\mathbb{Q}_{\ell} ; en d’autres termes lorsque toutes les places l𝑙{l} de K𝐾K au-dessus de \ell sont de degr [Kl:]=1[K_{l}:\mathbb{Q}_{\ell}]=1 ;

  • (ii)

    conjugaison \ell-adique, lorsque c’est une extension non d compos e (aux places) au-dessus de \ell d’un sous-corps F𝐹F totalement \ell-adique ;

  • (iii)

    conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e, lorsque c’est une extension quadratique totalement inerte (aux places) au-dessus de \ell d’un sous-corps F𝐹F totalement \ell-adique.

Pr cisons tout cela la lumi re de la situation l’infini :

  • (i)

    La premi re condition affirme qu’un corps F𝐹F est totalement \ell-adique, d s lors qu’on a l’ galit entre compl t s en chaque place l𝑙{l} de F𝐹F au-dessus de \ell :

    Fl=subscript𝐹𝑙subscriptF_{l}=\mathbb{Q}_{\ell}.

    C’est l’analogue exact de la condition qui d finit un corps totalement r el.

  • (ii)

    La seconde condition affirme qu’un corps K𝐾K est conjugaison \ell-adique d s lorsqu’il contient un sous-corps F𝐹F totalement \ell-adique tel qu’en chaque place l𝑙{l} de F𝐹F au-dessus de \ell le corps K𝐾K admette une unique place L𝐿{L} au-dessus de l𝑙{l} ; de sorte que l’on a dans ce cas l’ galit entre degr global et degr local :

    [K:F]=[KL:Fl]=[KL:][K:F]\ =\ [K_{L}:F_{l}]\ =\ [K_{L}:\mathbb{Q}_{\ell}].

    C’est videmment un analogue de la condition de conjugaison complexe.

  • (iii)

    La troisi me condition dit que K𝐾K est conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e lorsque les extensions locales KL/Flsubscript𝐾𝐿subscript𝐹𝑙K_{L}/F_{l} sont non ramifi es et de degr 2. Elle demande donc une analogie plus troite avec la situation classique o l’extension locale l’infini /\mathbb{C}/\mathbb{R} est naturellement de degr 2 et non ramifi e111En toute rigueur (cf. [Ja3]), la complexification d’une place r elle n’est pas de la ramification.. On a alors Fl=subscript𝐹𝑙subscriptF_{l}=\mathbb{Q}_{\ell} (puisque F est totalement \ell-adique) et KL=[ζ]subscript𝐾𝐿subscriptdelimited-[]𝜁K_{L}=\mathbb{Q}_{\ell}[\zeta], o ζ𝜁\zeta d signe une racine primitive (+1)1(\ell+1)- me de l’unit dans ¯subscript¯\overline{\mathbb{Q}}_{\ell} (puisque subscript\mathbb{Q}_{\ell} poss de une unique extension quadratique non ramifi e, savoir [ζ]subscriptdelimited-[]𝜁\mathbb{Q}_{\ell}[\zeta]).

La condition de de degr et de non ramification introduite dans la d finition de la conjugaison \ell-adique n’est pas anodine, comme le montre la proposition suivante :

Proposition 11.

On a les r gles de composition suivantes :

  • (i)

    Le compositum de deux corps totalement \ell-adiques est totalement \ell-adique.

  • (ii)

    En revanche, le compositum de deux corps conjugaison \ell-adique n’est pas n cessairement un corps conjugaison \ell-adique.

  • (iii)

    Mais le compositum de deux corps conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e est encore un corps conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e.

Preuve. Examinons successivement les diverses assertions :

  • (i)

    Si F𝐹F et Fsuperscript𝐹F^{\prime} sont deux corps totalement \ell-adiques, on a par d finition : Fσsuperscript𝐹𝜎subscriptF^{\sigma}\subset\mathbb{Q}_{\ell} et Fσsuperscript𝐹𝜎subscriptF^{\prime\sigma}\subset\mathbb{Q}_{\ell} pour chaque σ𝜎\sigma de Gal(¯/)Gal¯\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q}) ; donc (FF)σ=FσFσsuperscript𝐹superscript𝐹𝜎superscript𝐹𝜎superscript𝐹𝜎subscript(FF^{\prime})^{\sigma}=F^{\sigma}F^{\prime\sigma}\subset\mathbb{Q}_{\ell}, de sorte que le compositum FF𝐹superscript𝐹FF^{\prime} est encore totalement \ell-adique.

  • (ii)

    Consid rons, par exemple, deux extension absolument galoisiennes K𝐾K et Ksuperscript𝐾K^{\prime}, de groupes respectifs G=Gal(K/)𝐺Gal𝐾G=\operatorname{Gal}(K/\mathbb{Q}) et G=Gal(K/)superscript𝐺Galsuperscript𝐾G^{\prime}=\operatorname{Gal}(K^{\prime}/\mathbb{Q}) , lin airement disjointes sur \mathbb{Q} et non d compos es aux places au dessus de \ell. Sous ces hypoth ses, le compositum N=KK𝑁𝐾superscript𝐾N=KK^{\prime} est encore galoisien et son groupe de Galois est le produit direct Gal(N/)=G×GGal𝑁𝐺superscript𝐺\operatorname{Gal}(N/\mathbb{Q})=G\times G^{\prime}. Les extensions locales KL/subscript𝐾𝐿subscriptK_{L}/\mathbb{Q}_{\ell} et KL/subscript𝐾𝐿subscriptK_{L}/\mathbb{Q}_{\ell} sont aussi galoisiennes de groupes respectifs G=Gal(KL/)𝐺Galsubscript𝐾𝐿subscriptG=\operatorname{Gal}(K_{L}/\mathbb{Q}_{\ell}) et G=Gal(KL/)superscript𝐺Galsubscriptsuperscript𝐾𝐿subscriptG^{\prime}=\operatorname{Gal}(K^{\prime}_{L}/\mathbb{Q}_{\ell}) ; mais elles ne sont plus en g n ral disjointes, de sorte que le sous-groupe de d composition de la place L𝐿{L} dans l’extension N/𝑁N/\mathbb{Q}, qui s’identifie au groupe de Galois Gal(NL/)Galsubscript𝑁𝐿subscript\operatorname{Gal}(N_{L}/\mathbb{Q}_{\ell}), est alors le produit amalgam  :

    D={(σ,σ)G×Gσ|KLKL=σ|KLKL}𝐷conditional-set𝜎superscript𝜎𝐺superscript𝐺evaluated-at𝜎subscript𝐾𝐿subscriptsuperscript𝐾𝐿evaluated-atsuperscript𝜎subscript𝐾𝐿subscriptsuperscript𝐾𝐿D=\{(\sigma,\sigma^{\prime})\in G\times G^{\prime}\mid\sigma|_{K_{L}\cap K^{\prime}_{L}}=\sigma^{\prime}|_{K_{L}\cap K^{\prime}_{L}}\}.

    Il suit de l que le sous-groupe D𝐷D n’est normal dans G×G𝐺superscript𝐺G\times G^{\prime} que si l’extension locale (KLKL)/subscript𝐾𝐿subscriptsuperscript𝐾𝐿subscript(K_{L}\cap K^{\prime}_{L})/\mathbb{Q}_{\ell} est ab lienne, ce qui n’est pas le cas en g n ral : K𝐾K et Ksuperscript𝐾K^{\prime} sont alors conjugaison \ell-adique, mais non leur compositum KK𝐾superscript𝐾KK^{\prime}.

  • (iii)

    Soient maintenant K𝐾K et Ksuperscript𝐾K^{\prime} deux corps conjugaison \ell-adique, tous deux extensions quadratiques totalement inertes (aux places au-dessus de \ell) de leurs sous-corps totalement \ell-adiques maximaux respectifs F𝐹F et Fsuperscript𝐹F^{\prime}. Dans le diagramme d’extensions :

    N=KK𝑁𝐾superscript𝐾\textstyle{N=KK^{\prime}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}L=KF𝐿𝐾superscript𝐹\textstyle{L=KF^{\prime}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}M𝑀\textstyle{M\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}L=KFsuperscript𝐿superscript𝐾𝐹\textstyle{L^{\prime}=K^{\prime}F\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}K𝐾\textstyle{\quad K\quad\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}H=FF𝐻𝐹superscript𝐹\textstyle{H=FF^{\prime}}Ksuperscript𝐾\textstyle{\quad K^{\prime}\quad\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}F𝐹\textstyle{F{}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}Fsuperscript𝐹\textstyle{F^{\prime}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}

    le compositum FF𝐹superscript𝐹FF^{\prime} est ainsi totalement \ell-adique et les extensions quadratiques KF/FF𝐾superscript𝐹𝐹superscript𝐹KF^{\prime}/FF^{\prime} et KF/FFsuperscript𝐾𝐹𝐹superscript𝐹K^{\prime}F/FF^{\prime} sont totalement inertes (aux places \ell-adiques).

    - Si elles co ncident, N=KK𝑁𝐾superscript𝐾N=KK^{\prime} est une extension quadratique totalement inerte (aux places au-dessus de \ell) du corps totalement \ell-adique H=FF𝐻𝐹superscript𝐹H=FF^{\prime}.

    - Sinon, N𝑁N est biquadratique et non ramifi e sur H𝐻H (aux places au-dessus de \ell), mais non totalement inerte (puisque non cyclique), de sorte que l’unique sous-extension quadratique M𝑀M de N𝑁N contenant H𝐻H autre que L𝐿L et Lsuperscript𝐿L^{\prime} se trouve tre le sous-corps de d composition commun toutes les places \ell-adiques : en d’autres termes, M𝑀M est totalement \ell-adique et N𝑁N en est une extension quadratique totalement inerte (aux places au-dessus de \ell).

2.b. D finition des \ell-nombres de Weil (i.e. au sens \ell-adique)

D’apr s la d finition 5, les nombres de Weil classiques sont caract ris s l’aide de la norme locale l’infini ν=1+τ=N/subscript𝜈1𝜏subscript𝑁\nu_{\infty}=1+\tau=N_{\mathbb{C}/\mathbb{R}} par l’identit  :

W¯={a¯×σG=Gal(¯/)aσ(1+τ)=1}superscriptsubscript𝑊¯conditional-set𝑎superscript¯formulae-sequencefor-all𝜎𝐺Gal¯superscript𝑎𝜎1𝜏1W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{\infty}\ =\ \{a\in\overline{\mathbb{Q}}^{\times}\mid\forall\sigma\in G=\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q})\quad a^{\sigma(1+\tau)}=1\}.

Une autre fa on d’exprimer cette m me identit consiste introduire le corps des racines Kasubscript𝐾𝑎K_{a} du polyn me minimal ΠasubscriptΠ𝑎\Pi_{a} de a𝑎a sur \mathbb{Q}, puis son sous-corps r el Ha=Kasubscript𝐻𝑎subscript𝐾𝑎H_{a}=K_{a}\cap\mathbb{R}, et d finir la norme locale νasubscript𝜈𝑎\nu_{a} comme l’op rateur NKa/Hasubscript𝑁subscript𝐾𝑎subscript𝐻𝑎N_{K_{a}/H_{a}}, de sorte qu’avec ces notations il vient νa=νsubscript𝜈𝑎subscript𝜈\nu_{a}=\nu_{\infty} ou νa=1subscript𝜈𝑎1\nu_{a}=1, suivant que Kasubscript𝐾𝑎K_{a} est r el ou non ; et, dans les deux cas :

W¯={a¯×σG=Gal(¯/)aσνaμ}superscriptsubscript𝑊¯conditional-set𝑎superscript¯formulae-sequencefor-all𝜎𝐺Gal¯superscript𝑎𝜎subscript𝜈𝑎subscript𝜇W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{\infty}\ =\ \{a\in\overline{\mathbb{Q}}^{\times}\mid\forall\sigma\in G=\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q})\quad a^{\sigma\nu_{a}}\in\mu_{\mathbb{R}}\},

o μ={±1}subscript𝜇plus-or-minus1\mu_{\mathbb{R}}=\{\pm 1\} est le groupe des racines de l’unit dans \mathbb{R}.

Sous cette derni re forme, la traduction \ell-adique de la d finition des nombres de Weil est imm diate : d signons toujours par Kasubscript𝐾𝑎K_{a} le corps des racines du polyn me minimal de a𝑎a sur \mathbb{Q} ; mais crivons maintenant Ha=Kasubscript𝐻𝑎subscript𝐾𝑎subscriptH_{a}=K_{a}\cap\,\mathbb{Q}_{\ell} son sous-corps \ell-adique et νasubscript𝜈𝑎\nu_{a} la norme locale correspondante NKa/Hasubscript𝑁subscript𝐾𝑎subscript𝐻𝑎N_{K_{a}/H_{a}}. Cela tant :

Définition 12.

Nous disons qu’un l ment a¯𝑎¯a\in\overline{\mathbb{Q}} est un nombre de Weil \ell-adique (ou encore un \ell-nombre de Weil) lorsque la norme locale de chacun de ses conjugu s est une racine de l’unit , ce qui s’ crit :

W¯()={a¯×σG=Gal(¯/)aσνaμ}superscriptsubscript𝑊¯conditional-set𝑎superscript¯formulae-sequencefor-all𝜎𝐺Gal¯superscript𝑎𝜎subscript𝜈𝑎subscript𝜇subscriptW_{\overline{\mathbb{Q}}}^{(\ell)}\ =\ \{a\in\overline{\mathbb{Q}}^{\times}\mid\forall\sigma\in G=\operatorname{Gal}(\overline{\mathbb{Q}}/\mathbb{Q})\quad a^{\sigma\nu_{a}}\in\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}}\},

o μsubscript𝜇subscript\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}} d signe le groupe (d’ordre 2 ou 11\ell-1) des racines de l’unit de subscript\mathbb{Q}_{\ell}.

L’ensemble W¯()superscriptsubscript𝑊¯W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{(\ell)} des \ell-nombres de Weil est encore un sous-groupe de ¯×superscript¯\overline{\mathbb{Q}}^{\times}.

Si un \ell-nombre de Weil a𝑎a poss de un plongement \ell-adique (i.e. si l’on a aσsuperscript𝑎𝜎subscripta^{\sigma}\in\mathbb{Q}_{\ell} pour un σG𝜎𝐺\sigma\in G), il r sulte clairement de la d finition que aσsuperscript𝑎𝜎a^{\sigma}, et donc a𝑎a lui-m me, est une racine de l’unit . En particulier :

Proposition 13.

Si K¯𝐾subscript¯K\subset\overline{\mathbb{Q}}_{\ell} est un corps de nombres qui poss de au moins un plongement \ell-adique, autrement dit dont l’un au moins des conjugu s Kσsuperscript𝐾𝜎K^{\sigma} est contenu dans subscript\mathbb{Q}_{\ell}, le groupe WK()superscriptsubscript𝑊𝐾W_{K}^{(\ell)} des \ell-nombres de Weil contenus dans K×superscript𝐾K^{\times} se r duit au sous-groupe μKsubscript𝜇𝐾\mu_{K} des racines de l’unit dans K𝐾K.

Si maintenant aW¯()μ¯𝑎superscriptsubscript𝑊¯subscript𝜇¯a\in W_{\overline{\mathbb{Q}}}^{(\ell)}\setminus\mu_{\overline{\mathbb{Q}}} est un \ell-nombre de Weil qui n’est pas une racine de l’unit , le contre-exemple donn dans la proposition 11 montre qu’il n’y a pas lieu d’attendre une caract risation aussi simple que dans le cas classique, sauf imposer de s v res restrictions. Par exemple :

Définition & Proposition 14.

Convenons de dire qu’un \ell-nombre de Weil a𝑎a est \ell-quadratique lorsque le corps [a]delimited-[]𝑎\mathbb{Q}[a] est conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e. Alors :

  • (i)

    La cl ture galoisienne Kasubscript𝐾𝑎K_{a} du corps [a]delimited-[]𝑎\mathbb{Q}[a] engendr par un nombre de Weil \ell-quadratique est un corps conjugaison \ell-adique quadratique non ramifi e.

  • (ii)

    Le sous-corps qsubscript𝑞\mathbb{Q}_{\ell q} de ¯¯\overline{\mathbb{Q}} engendr sur \mathbb{Q} par l’ensemble des nombres de Weil \,\ell-quadratiques est l’unique extension quadratique non ramifi e (aux places au-dessus de \ell) de l’extension totalement \ell-adique maximale tsubscript𝑡\mathbb{Q}_{t\ell} de \mathbb{Q}.

Preuve. Elle est identique mutatis mutandis celle du cas classique. Si a𝑎a est un nombre de Weil \ell-adique qui est \ell quadratique, la cl ture galoisienne Kasubscript𝐾𝑎K_{a} est bien conjugaison \ell-adique quadratique , en vertu de la proposition 11 (iii), comme compos de tels corps. Plus g n ralement, le compositum de tous les Kasubscript𝐾𝑎K_{a} v rifie encore la m me propri t . Et il reste simplement voir que son sous-corps \ell-adique maximal est aussi l’extension totalement \ell-adique maximale tsubscript𝑡\mathbb{Q}_{t\ell} de \mathbb{Q}. Or :

  • (a)

    Pour 22\ell\neq 2, notons ζ𝜁\zeta une racine primitive 2(1)212(\ell-1)-ieme de l’unit dans ¯¯\overline{\mathbb{Q}}, et observons que c’est un nombre de Weil \ell-quadratique, de sorte que qsubscript𝑞\mathbb{Q}_{\ell q} contient le corps cyclotomique [ζ]delimited-[]𝜁\mathbb{Q}[\zeta]. Il suit de l que, pour tout nombre alg brique a𝑎a totalement \ell-adique, le compositum [ζ2,a]superscript𝜁2𝑎\mathbb{Q}[\zeta^{2},a] est encore toatalement \ell -adique. Ainsi, le produit ζa𝜁𝑎\zeta a tant bien \ell-quadratique, qsubscript𝑞\mathbb{Q}_{\ell q} contient [a]delimited-[]𝑎\mathbb{Q}[a].

  • (b)

    Et pour =22\ell=2, on conclut de m me en prenant une racine cubique de l’unit .


3. Nombres de Weil et valeurs absolues \ell-adiques

Commen ons par rappeler ou pr ciser quelques r sultats sur les valeurs absolues.

3.a. Comparaison des valeurs absolues r elles et \ell-adiques

Classiquement les valeurs absolues normalis es r elles (i.e. valeurs dans +subscript\mathbb{R}_{+}) sont d finies sur le groupe multilicatif d’un corps de nombres K𝐾K par les formules :

xp={Npvp(x)pourp,NKp/(x)pourp;\mid x\mid^{\infty}_{{p}}\ =\left\{\begin{aligned} &N{{p}}^{-v_{{p}}(x)}\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ &\text{pour}\ {{p}}\nmid\infty\,,\\ &\mid N_{K_{{p}}/\mathbb{R}}(x)\mid\ &\text{pour}\ {{p}}\mid\infty\,;\end{aligned}\right.

et la normalisation est dict e par la formule du produit : pxp=1subscriptproduct𝑝subscriptsuperscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1\prod_{{p}}\mid x\mid^{\infty}_{p}=1.

Par composition avec le logarithme r el, on obtient ainsi le plongement logarithmique usuel (o p𝑝{p} d crit l’ensemble PlK𝑃subscript𝑙𝐾Pl_{K} des places finies ou infinies de K𝐾K) :

K×superscript𝐾\textstyle{K^{\times}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}(p)p\scriptstyle{(\mid\ \mid^{\infty}_{p})_{p}\ \quad\ }pPlK+×subscriptdirect-sum𝑝𝑃subscript𝑙𝐾superscriptsubscript\textstyle{\oplus_{{p}\in Pl_{K}}\mathbb{R}_{+}^{\times}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}LogsubscriptLog\scriptstyle{\operatorname{Log}_{\infty}}pPlKsubscriptdirect-sum𝑝𝑃subscript𝑙𝐾\textstyle{\oplus_{{p}\in Pl_{K}}\mathbb{R}}

Le noyau des valeurs absolues r elles attach es aux places finies :

EK={xK×pxp=1}superscriptsubscript𝐸𝐾conditional-set𝑥superscript𝐾formulae-sequencenot-dividesfor-all𝑝superscriptsubscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1E_{K}^{\infty}=\{x\in K^{\times}\mid\ \forall{p}\nmid\infty\quad\mid x\mid_{p}^{\infty}\ =1\}

est ainsi le groupe des unit s usuelles ( l’infini) du corps K𝐾K ; celui des valeurs absolues attach es aux places l’infini :

WK={xK×pxp=1}superscriptsubscript𝑊𝐾conditional-set𝑥superscript𝐾conditionalfor-all𝑝superscriptsubscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1W_{K}^{\infty}=\{x\in K^{\times}\mid\ \forall{p}\mid\infty\quad\mid x\mid_{p}^{\infty}\ =1\}

est le groupe de Weil ( l’infini) d fini plus haut ; enfin l’intersection :

μK=EKWKsuperscriptsubscript𝜇𝐾superscriptsubscript𝐸𝐾superscriptsubscript𝑊𝐾\mu_{K}^{\infty}\ =\ E_{K}^{\infty}\cap W_{K}^{\infty},

i.e. le noyau de toutes les valeurs absolues r elles, se r duit au sous-groupe μKsuperscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{\infty} de K×superscript𝐾K^{\times} form des racines de l’unit du corps K𝐾K, d’apr s un vieux r sultat de Kronecker.

En ce qui concerne les valeurs absolues \ell-adiques (i.e. valeurs \ell-adiques), les choses sont plus compliqu es : classiquement les valeurs absolues principales normalis es sont d finies sur le groupe multilicatif d’un corps de nombres K𝐾K par les formules :

xp={ 1pourp,Npvp(x)pourp,NKp/(x)Npvp(x)pourp;\mid x\mid^{\langle\ell\rangle}_{{p}}\ =\left\{\begin{aligned} &\ 1&\text{pour}&\ {{p}}\mid\infty\,,\\ &\langle N{{p}}^{-v_{{p}}(x)}\rangle\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ &\text{pour}&\ {{p}}\nmid\ell\infty\,,\\ &\langle N_{K_{{p}}/\mathbb{Q}_{\ell}}(x)N{{p}}^{-v_{{p}}(x)}\rangle\ &\text{pour}&\ {{p}}\mid\ell\ ;\end{aligned}\right.

o delimited-⟨⟩\langle\cdot\rangle d signe la projection naturelle du groupe multiplicatif ×superscriptsubscript\mathbb{Z}_{\ell}^{\times} sur son sous-groupe sans torsion ×=1+2delimited-⟨⟩superscriptsubscript12subscript\langle\mathbb{Z}_{\ell}^{\times}\rangle=1+2\ell\mathbb{Z}_{\ell} ; et la normalisation est dict e par la formule du produit : pxp=1subscriptproduct𝑝subscriptsuperscriptdelimited-∣∣𝑥delimited-⟨⟩𝑝1\prod_{{p}}\mid x\mid^{\langle\ell\rangle}_{p}=1. C’est le point de vue adopt dans [Ja2, Ja3].

Par composition avec le logarithme \ell-adique, on obtient ainsi le plongement logarithmique (o p𝑝{p} d crit maintenant l’ensemble PlK 0𝑃superscriptsubscript𝑙𝐾 0Pl_{K}^{\,0} des places finies de K𝐾K) :

K×superscript𝐾\textstyle{K^{\times}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}(p)p\scriptstyle{(\mid\ \mid^{\langle\ell\rangle}_{p})_{p}\quad\quad}pPlK 0×subscriptdirect-sum𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙 0𝐾delimited-⟨⟩superscriptsubscript\textstyle{\oplus_{{p}\in Pl^{\,0}_{K}}\langle\mathbb{Z}_{\ell}^{\times}\rangle\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}LogsubscriptLog\scriptstyle{\quad\operatorname{Log}_{\ell}\quad}pPlK 0subscriptdirect-sum𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙 0𝐾subscript\textstyle{\oplus_{{p}\in Pl^{\,0}_{K}}\,\mathbb{Q}_{\ell}}

Malheureusement, cette d finition n’est pas suffisante pour rendre compte des propri t s normiques des \ell-nombres de Weil ; et c’est pourquoi, il est pr f rable de consid rer dans ce contexte les valeurs absolues non principales valeurs dans le groupe multiplicatif sans torsion ×delimited-⟨⟩superscriptsubscriptsuperscript\langle\mathbb{Z}_{\ell}^{\times}\rangle\;\ell^{\,\mathbb{Q}}, en proc dant comme suit : faisons choix d’un plongement ϕsubscriptitalic-ϕ\phi_{\ell} du corps des nombres complexes \mathbb{C} dans la cl ture alg brique subscript\mathbb{C}_{\ell} du compl t \ell-adique subscript\mathbb{Q}_{\ell} de \mathbb{Q}. Cela tant, chaque plongement l’infini de K×superscript𝐾K^{\times}

xxpmaps-to𝑥subscript𝑥𝑝x\mapsto x_{p}

dans ×superscript\mathbb{R}^{\times} ou ×superscript\mathbb{C}^{\times}, correspond alors un plongement de K×superscript𝐾K^{\times} dans ×superscriptsubscript\mathbb{C}_{\ell}^{\times}, donn par

xϕ(xp)maps-to𝑥subscriptitalic-ϕsubscript𝑥𝑝x\mapsto\phi_{\ell}(x_{p}).

Définition 15.

La lettre p𝑝{p} d signant maintenant soit une place finie soit un plongement l’infini d’un corps de nombres K𝐾K, nous appelons valeur absolue \ell-adique (non principale) attach e p𝑝{p} l’application valeurs dans le groupe sans torsion (1+2)12subscriptsuperscript(1+2\ell\mathbb{Z}_{\ell})\,\ell^{\,\mathbb{Q}} qui est d finie sur le groupe multiplicatif K×superscript𝐾K^{\times} par la formule :

xp()={v(ϕ(xp))pourp,Npvp(x)pourp,NKp/(x)Npvp(x)Npvp(x)pourp;\mid x\mid^{(\ell)}_{{p}}\ =\left\{\begin{aligned} &\ \ell^{-v_{\ell}(\phi_{\ell}(x_{p}))}&\text{pour}&\ {{p}}\mid\infty\,,\\ &\langle N{{p}}^{-v_{{p}}(x)}\rangle\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ \ &\text{pour}&\ {{p}}\nmid\ell\infty\,,\\ &\langle N_{K_{{p}}/\mathbb{Q}_{\ell}}(x)N{{p}}^{-v_{{p}}(x)}\rangle\ N{{p}}^{v_{{p}}(x)}&\text{pour}&\ {{p}}\mid\ell\ ;\end{aligned}\right.

Remarque. La d finition de la valeur absolue \ell-adique |x|p()subscriptsuperscript𝑥𝑝|\,x\,|^{(\ell)}_{{p}} en une place l’infini p𝑝{p} d pend videmment du choix du plongement ϕsubscriptitalic-ϕ\phi_{\ell} de \mathbb{C} dans subscript\mathbb{C}_{\ell} ; en revanche, la famille (xp())psubscriptsubscriptsuperscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝conditional𝑝(\mid x\mid^{(\ell)}_{{p}})_{{p}\mid\infty}, est, l’ordre pr s, ind pendante du choix effectu .

Proposition 16.

Les valeurs absolues non principales v rifient encore la formule du produit :

pxp()=1subscriptproduct𝑝subscriptsuperscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1\prod_{{p}}\mid x\mid^{(\ell)}_{p}=1.

Preuve. Un calcul l mentaire donne, en effet :

pxp()=v(ϕ(NK/(x)=v(NK/(x)=pNpvp(x)\prod_{{p}\mid\infty}\mid x\mid^{(\ell)}_{p}\;=\;\ell^{-v_{\ell}(\phi_{\ell}(N_{K/\mathbb{Q}}(x)}\;=\;\ell^{-v_{\ell}(N_{K/\mathbb{Q}}(x)}\;=\;\prod_{{p}\mid\ell}N{p}^{-v_{p}(x)} ;

d’o le r sultat annonc , le produit des valeurs absolues principales tant gal 1.

Proposition 17.

Avec les conventions pr c dentes, il vient :

  • (i)

    Le noyau des valeurs absolues \ell-adiques attach es aux places p𝑝{p} qui ne divisent pas \ell est encore le groupe des unit s usuelles du corps K𝐾K :

    EK()={xK×pxp()=1}=EKsuperscriptsubscript𝐸𝐾conditional-set𝑥superscript𝐾formulae-sequencenot-dividesfor-all𝑝superscriptsubscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1superscriptsubscript𝐸𝐾E_{K}^{(\ell)}=\{x\in K^{\times}\mid\ \forall{p}\nmid\ell\quad\mid x\mid_{p}^{(\ell)}\ =1\}=E_{K}^{\infty}.

  • (ii)

    Le noyau des valeurs absolues \ell-adiques attach es aux places p𝑝{p} qui divisent \ell est le \ell-groupe de Weil d fini plus haut :

    WK()={xK×pxp()=1}superscriptsubscript𝑊𝐾conditional-set𝑥superscript𝐾conditionalfor-all𝑝superscriptsubscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1W_{K}^{(\ell)}=\{x\in K^{\times}\mid\ \forall{p}\mid\infty\quad\mid x\mid_{p}^{(\ell)}\ =1\}.

  • (iii)

    Le noyau de toutes les valeurs absolues \ell-adiques, i.e. l’intersection

    μK()=EK()WK()={xK×pPlKxp()=1}subscriptsuperscript𝜇𝐾superscriptsubscript𝐸𝐾superscriptsubscript𝑊𝐾conditional-set𝑥superscript𝐾formulae-sequencefor-all𝑝𝑃subscript𝑙𝐾superscriptsubscriptdelimited-∣∣𝑥𝑝1\mu^{(\ell)}_{K}=E_{K}^{(\ell)}\cap W_{K}^{(\ell)}\ =\{x\in K^{\times}\mid\ \forall{p}\in Pl_{K}\quad\mid x\mid_{p}^{(\ell)}\ =1\}.

    est le sous-groupe de K×superscript𝐾K^{\times} form des unit s (au sens usuel) qui sont normes chaque tage fini de la subscript\mathbb{Z}_{\ell}-extension cyclotomique K()subscriptsuperscript𝐾K^{(\ell)}_{\infty} du corps K𝐾K.

Preuve. La condition (i𝑖i) impose vp(x)=1subscript𝑣𝑝𝑥1v_{p}(x)=1 la fois pour pconditional𝑝{p}\mid\ell et pour pnot-divides𝑝{p}\nmid\ell\infty ; de sorte que les l ments de EK()subscriptsuperscript𝐸𝐾E^{(\ell)}_{K} sont encore les unit s (au sens ordinaire) du corps K𝐾K.

En termes normiques, la condition (ii𝑖𝑖ii) s’ crit : NKp/(x)μ,psubscript𝑁subscript𝐾𝑝subscript𝑥subscript𝜇subscriptconditionalfor-all𝑝N_{K_{{p}}/\mathbb{Q}_{\ell}}(x)\in\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}},\ \forall{p}\mid\ell, o μsubscript𝜇subscript\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}} d signe le sous-groupe de torsion de subscript\mathbb{Q}_{\ell} ; elle caract rise donc les \ell-nombres de Weil.

Enfin, la condition normique xp=NKp/(x)Npvp(x)=1,pformulae-sequencesubscriptsuperscriptdelimited-∣∣𝑥delimited-⟨⟩𝑝delimited-⟨⟩subscript𝑁subscript𝐾𝑝subscript𝑥𝑁superscript𝑝subscript𝑣𝑝𝑥1conditionalfor-all𝑝\mid x\mid^{\langle\ell\rangle}_{{p}}=\langle N_{K_{{p}}/\mathbb{Q}_{\ell}}(x)N{{p}}^{-v_{{p}}(x)}\rangle=1,\ \forall{p}\mid\ell caract rise pr cis ment les l ments qui sont normes locales aux places au-dessus de \ell dans la subscript\mathbb{Z}_{\ell}-extension cyclotomique K()subscriptsuperscript𝐾K^{(\ell)}_{\infty} de K𝐾K (cf. e.g. [Ja2, Ja3]). D’o le r sultat annonc , en vertu du principe de Hasse, puisque les unit s sont videmment normes locales aux places trang res \ell dans l’extension procyclique K()/Ksubscriptsuperscript𝐾𝐾K^{(\ell)}_{\infty}/K.

Nous allons voir que ce groupe μK()subscriptsuperscript𝜇𝐾\mu^{(\ell)}_{K} ne se r duit pas toujours au sous-groupe μKsubscriptsuperscript𝜇𝐾\mu^{\infty}_{K}.

3.b. Étude du noyau des valeurs absolues \ell-adiques

D’apr s ce qui pr c de, le goupe μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} est un sous-groupe du groupe des unit s EKsuperscriptsubscript𝐸𝐾E_{K}^{\infty} qui contient le sous-groupe des racines de l’unit μKsuperscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{\infty}. Dans la double inclusion

μKμK()EKsuperscriptsubscript𝜇𝐾superscriptsubscript𝜇𝐾subscriptsuperscript𝐸𝐾\mu_{K}^{\infty}\ \subset\ \mu_{K}^{(\ell)}\ \subset\ E^{\infty}_{K}

il est facile de voir que l’ galit est, en fait, possible droite comme gauche, comme l’illustrent les propositions suivantes :

Proposition 18.

Si K𝐾K est un corps de nombres totalement \ell-adique, le noyau μK()subscriptsuperscript𝜇𝐾\mu^{(\ell)}_{K} des valeurs absolues \ell-adiques se r duit au groupe μKsubscriptsuperscript𝜇𝐾\mu^{\infty}_{K} des racines de l’unit .

Preuve. C’est imm diat car, la norme locale νK=NK/(K)subscript𝜈𝐾subscript𝑁𝐾𝐾subscript\nu_{K}=N_{K/(K\cap\mathbb{Q}_{\ell})} tant alors l’identit , on a imm diatement :

μK()={aEKaνKμ}={aEKaμ}=μKsuperscriptsubscript𝜇𝐾conditional-set𝑎subscriptsuperscript𝐸𝐾superscript𝑎subscript𝜈𝐾subscript𝜇subscriptconditional-set𝑎subscriptsuperscript𝐸𝐾𝑎subscript𝜇subscriptsubscriptsuperscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)}\ =\ \{a\in E^{\infty}_{K}\mid a^{\nu_{K}}\in\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}}\}\ =\ \{a\in E^{\infty}_{K}\mid a\in\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}}\}\ =\ \mu^{\infty}_{K}.

Proposition 19.

Si K𝐾K est un corps conjugaison \ell-adique admettant \mathbb{Q} comme sous-corps totalement \ell-adique maximal (en d’autres termes, si K𝐾K est un corps de nombres dans lequel aucune des places \ell-adiques n’admet de d composition), le noyau μK()subscriptsuperscript𝜇𝐾\mu^{(\ell)}_{K} des valeurs absolues \ell-adiques dans K𝐾K est gal au groupe des unit s EKsubscriptsuperscript𝐸𝐾E^{\infty}_{K}.

Preuve. Dans ce cas, en effet, la norme locale νK=NK/(K)subscript𝜈𝐾subscript𝑁𝐾𝐾subscript\nu_{K}=N_{K/(K\cap\mathbb{Q}_{\ell})} co ncide avec la norme globale NK/subscript𝑁𝐾N_{K/\mathbb{Q}} ; et il vient donc :

μK()={aEKaνKμ}={aEKNK/(a)μ}=EKsuperscriptsubscript𝜇𝐾conditional-set𝑎subscript𝐸𝐾superscript𝑎subscript𝜈𝐾subscript𝜇subscriptconditional-set𝑎subscript𝐸𝐾subscript𝑁𝐾𝑎subscript𝜇subscript𝐸𝐾\mu_{K}^{(\ell)}\ =\ \{a\in E_{K}\mid a^{\nu_{K}}\in\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}}\}\ =\ \{a\in E_{K}\mid N_{K/\mathbb{Q}}(a)\in\mu_{\mathbb{Q}}\}\ =\ E_{K},

puisque les unit s d’un corps de nombres sont videmment de norme ±1plus-or-minus1\pm 1.

Plus g n ralement, la d termination du groupe μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} peut tre men e bien tr s simplement d s lors que le corps consid r est conjugaison \ell-adique :

Théorème 20.

Soit K une extension galoisienne de degr d𝑑d non d compos e (aux places au-dessus de \ell) d’un sous-corps F𝐹F totalement \ell-adique ; pour chaque place p𝑝{p} de F𝐹F, d signons par χp=IndDpG 1Dpsubscript𝜒𝑝superscriptsubscriptIndsubscript𝐷𝑝𝐺subscript1subscript𝐷𝑝\chi_{p}=\operatorname{Ind}_{D_{p}}^{G}\ 1_{D_{p}} l’induit G=Gal(K/F)𝐺Gal𝐾𝐹G=\operatorname{Gal}(K/F) du caract re de la repr sentation unit du sous-groupe de d composition de l’une quelconque des places de K𝐾K au-dessus de p𝑝{p}.

Avec ces notations, le caract re du [G]delimited-[]𝐺\mathbb{Q}[G]-module multiplicatif μK()subscripttensor-productsuperscriptsubscript𝜇𝐾\ \mathbb{Q}\otimes_{\mathbb{Z}}\mu_{K}^{(\ell)} est donn par la formule :

χμK()=pPlK(χp1)subscript𝜒subscriptsuperscript𝜇𝐾subscriptsubscript𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙𝐾subscript𝜒subscript𝑝1\chi_{\mu^{(\ell)}_{K}}=\sum_{{p}_{\!\infty}\in Pl^{\infty}_{K}}\,(\chi_{{p}_{\!\infty}}-1)

Preuve. On sait par le th or me de repr sentation de Herbrand que le tensoris multiplicatif EKsubscripttensor-productsuperscriptsubscript𝐸𝐾\mathbb{Q}\otimes_{\mathbb{Z}}E_{K}^{\infty} du groupe des unit s est un [G]delimited-[]𝐺\mathbb{Q}[G]-module de caract re :

χ=(pPlKχp)1=pPlK(χp1)+(PlK1) 1subscript𝜒subscriptsubscript𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙𝐾subscript𝜒subscript𝑝1subscriptsubscript𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙𝐾subscript𝜒subscript𝑝1delimited-∣∣𝑃superscriptsubscript𝑙𝐾11\chi_{\infty}=(\sum_{{p}_{\!\infty}\in Pl^{\infty}_{K}}\ \chi_{{p}_{\!\infty}})-1=\sum_{{p}_{\!\infty}\in Pl^{\infty}_{K}}\ (\chi_{{p}_{\!\infty}}-1)+(\mid Pl_{K}^{\infty}\mid-1)\,1.

En d’autres termes, c’est la somme directe de |PlK|𝑃superscriptsubscript𝑙𝐾|\,Pl_{K}^{\infty}\,| sous-modules monog nes (not s multiplicativement) Mp=(1xp)[G]subscript𝑀subscript𝑝superscripttensor-product1subscript𝑥subscript𝑝delimited-[]𝐺M_{{p}_{\!\infty}}=(1\otimes x_{{p}_{\!\infty}})^{\mathbb{Q}[G]} de caract res respectifs (χp1)subscript𝜒subscript𝑝1(\chi_{{p}_{\!\infty}}-1) et de (|PlK|1)𝑃superscriptsubscript𝑙𝐾1(|\,Pl_{K}^{\infty}\,|-1) sous-modules de caract re unit . Ce point acquis, le noyau de la norme locale ν=σGσ𝜈subscript𝜎𝐺𝜎\nu=\sum_{\sigma\in G}\sigma, autrement dit le noyau de l’idempotent ν/d𝜈𝑑\nu/d, est l’image de l’idempotent suppl mentaire 1ν/d1𝜈𝑑1-\nu/d ; et c’est donc la somme directe des PlKdelimited-∣∣𝑃superscriptsubscript𝑙𝐾\mid Pl_{K}^{\infty}\mid modules Mpsubscript𝑀subscript𝑝M_{{p}_{\!\infty}}. D’o la formule annonc e : χ=pPlK(χp1)subscript𝜒subscriptsubscript𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙𝐾subscript𝜒subscript𝑝1\chi_{\infty}=\sum_{{p}_{\!\infty}\in Pl^{\infty}_{K}}\,(\chi_{{p}_{\!\infty}}-1)

Scolie 21.

Soit K𝐾K un corps de nombres conjugaison \ell-adique et F𝐹F son sous-corps totalement \ell-adique maximal. Le noyau μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} des valeurs absolues \ell-adiques dans K×superscript𝐾K^{\times} est alors la somme directe du sous-groupe fini μKsuperscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{\infty} et d’un \mathbb{Z}-module libre de dimension :

rgμK()=rgEKrgEF=(rK+cK)(rF+cF)subscriptrgsubscriptsuperscript𝜇𝐾subscriptrgsuperscriptsubscript𝐸𝐾subscriptrgsuperscriptsubscript𝐸𝐹subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝑟𝐹subscript𝑐𝐹\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}}\mu^{(\ell)}_{K}=\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}}E_{K}^{\infty}-\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}}E_{F}^{\infty}=(r_{K}+c_{K})-(r_{F}+c_{F}),

o r𝑟r et c𝑐c d nombrent les places r elles ou complexes des corps K𝐾K et F𝐹F consid r s.

Preuve. D’apr s le th or me, lorsque K𝐾K est galoisien sur F𝐹F de groupe G𝐺G, le [G]delimited-[]𝐺\mathbb{Z}[G]-module μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} est la somme directe de son sous-module de torsion μKsuperscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{\infty} et d’un \mathbb{Z}-module libre de dimension : degχμK()=pPlK(degχp1)=(rK+cK)(rF+cF)degsubscript𝜒subscriptsuperscript𝜇𝐾subscriptsubscript𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙𝐾degsubscript𝜒subscript𝑝1subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝑟𝐹subscript𝑐𝐹\operatorname{deg}\chi_{\mu^{(\ell)}_{K}}=\sum_{{p}_{\!\infty}\in Pl^{\infty}_{K}}\ (\operatorname{deg}\chi_{{p}_{\!\infty}}-1)=(r_{K}+c_{K})-(r_{F}+c_{F}).

Il s’agit de voir que la formule de rang obtenue est ind pendante de l’hypoth se galoisienne utilis e pour la d montrer. Or, si d𝑑d d signe le degr de l’extension K/F𝐾𝐹K/F et ν𝜈\nu la norme associ e, le tensoris μK()subscripttensor-productsuperscriptsubscript𝜇𝐾\mathbb{Q}\otimes_{\mathbb{Z}}\mu_{K}^{(\ell)} n’est autre que le noyau de l’idempotent ν/d𝜈𝑑\nu/d dans le \mathbb{Q}-espace EKsubscripttensor-productsuperscriptsubscript𝐸𝐾\mathbb{Q}\otimes_{\mathbb{Z}}E_{K}^{\infty} construit sur les unit s de K𝐾K ; et son image est le sous-espace EFsubscripttensor-productsuperscriptsubscript𝐸𝐹\mathbb{Q}\otimes_{\mathbb{Z}}E_{F}^{\infty} construit sur les unit s de F𝐹F.

Corollaire 22.

Sous les m mes hypoth ses que dans le scolie :

  • (i)

    L’ galit μK()=μKsuperscriptsubscript𝜇𝐾superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)}=\mu_{K}^{\infty} a lieu si et seulement si le corps K𝐾K est soit totalement \ell-adique, soit extension quadratique totalement imaginaire et conjugaison \ell-adique d’un sous-corps F𝐹F la fois totalement r el et totalement \ell-adique.

  • (ii)

    L’ galit μK()=EKsuperscriptsubscript𝜇𝐾superscriptsubscript𝐸𝐾\mu_{K}^{(\ell)}=E_{K}^{\infty} a lieu si et seulement si le sous-corps totalement \ell-adique F𝐹F est le corps des rationnels \mathbb{Q} ou un corps quadratique imaginaire [δ]delimited-[]𝛿\mathbb{Q}[\sqrt{-\delta}].

Preuve. La premi re galit s’ crit : rgEK=rgEFsubscriptrgsubscriptsuperscript𝐸𝐾subscriptrgsubscriptsuperscript𝐸𝐹\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}}E^{\infty}_{K}=\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}}E^{\infty}_{F} ; et la seconde : rgEF=0subscriptrgsubscriptsuperscript𝐸𝐹0\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}}E^{\infty}_{F}=0.


Appendice : lien avec les unit s logarithmiques

D’apr s la proposition 17, le noyau μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} de toutes les valeurs absolues est le sous-groupe des unit s du corps K𝐾K qui sont normes chaque tage fini de la subscript\mathbb{Z}_{\ell}-extension cyclotomique K()/Ksuperscriptsubscript𝐾𝐾K_{\infty}^{(\ell)}/K.

Or, dans la th orie \ell-adique du corps de classes (cf. [Ja2, Ja3]), le groupe des subscript\mathbb{Z}_{\ell}-normes cyclotomiques globales est le sous-groupe des unit s logarithmiques ~Ksubscript~𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K} du tensoris multiplicatif K=K×subscript𝐾subscripttensor-productsubscriptsuperscript𝐾\,\mathcal{R}_{K}=\mathbb{Z}_{\ell}\otimes_{\mathbb{Z}}K^{\times}, qui est d fini partir des valuations logarithmiques par :

~K={xKv~p(x)=0pPlK 0}subscript~𝐾conditional-set𝑥subscript𝐾formulae-sequencesubscript~𝑣𝑝𝑥0for-all𝑝𝑃subscriptsuperscript𝑙 0𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K}\ =\ \{x\in\mathcal{R}_{K}\mid\widetilde{v}_{p}(x)=0\quad\forall{p}\in Pl^{\,0}_{K}\}.

Rassemblant alors la description de μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} donn e par la proposition 17 et le calcul de rang effectu dans le scolie 21, nous obtenons imm diatement :

Théorème 23.

Soient K¯𝐾subscript¯K\subset\overline{\mathbb{Q}}_{\ell} un corps de nombres conjugaison \ell-adique, puis F=K𝐹𝐾subscriptF=K\cap\mathbb{Q}_{\ell} son sous-corps totalement \ell-adique maximal, et ν=NK/F𝜈subscript𝑁𝐾𝐹\nu=N_{K/F} la norme locale associ e \ell. Notons K=K×subscript𝐾subscripttensor-productsubscriptsuperscript𝐾\,\mathcal{R}_{K}=\mathbb{Z}_{\ell}\otimes_{\mathbb{Z}}K^{\times} le \ell-groupe des id les principaux du corps K𝐾K, puis K=EKsubscript𝐾subscripttensor-productsubscriptsuperscriptsubscript𝐸𝐾\,\mathcal{E}_{K}=\mathbb{Z}_{\ell}\otimes_{\mathbb{Z}}E_{K}^{\infty} le sous-groupe unit de Ksubscript𝐾\mathcal{R}_{K}, et ~Ksubscript~𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K} le groupe des unit s logarithmiques. Avec ces notations, le tensoris \ell-adique 𝒱Ksubscript𝒱𝐾\mathcal{V}_{K} du noyau μK()superscriptsubscript𝜇𝐾\mu_{K}^{(\ell)} est l’intersection :

𝒱K:=μK()={εKεν=1}=K~Kassignsubscript𝒱𝐾subscripttensor-productsubscriptsuperscriptsubscript𝜇𝐾conditional-set𝜀subscript𝐾superscript𝜀𝜈1subscript𝐾subscript~𝐾\mathcal{V}_{K}:=\mathbb{Z}_{\ell}\otimes_{\mathbb{Z}}\mu_{K}^{(\ell)}=\{\varepsilon\in\mathcal{E}_{K}\mid\varepsilon^{\nu}=1\}\ =\ \mathcal{E}_{K}\cap\,\widetilde{\mathcal{E}}_{K}.

Et c’est le produit direct du \ell-groupe μKsubscripttensor-productsubscriptsuperscriptsubscript𝜇𝐾\mathbb{Z}_{\ell}\otimes_{\mathbb{Z}}\mu_{K}^{\infty} des racines de l’unit de K𝐾K par un subscript\mathbb{Z}_{\ell}-module libre de dimension :

rg𝒱K=(rK+cK)(rF+cF)subscriptrgsubscriptsubscript𝒱𝐾subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝑟𝐹subscript𝑐𝐹\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\mathcal{V}_{K}=(r_{K}+c_{K})-(r_{F}+c_{F}),

o r𝑟r et c𝑐c d nombrent les places r elles ou complexes des corps K𝐾K et F𝐹F consid r s.

Remarque. On prendra garde que le produit tensoriel par subscript\mathbb{Z}_{\ell} a tu le groupe μsubscript𝜇subscript\mu_{\mathbb{Q}_{\ell}}.

Corollaire 24.

Sous les hypoth ses du th or me, le \ell-groupe ~Ksubscript~𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K} des unit s logarithmiques du corps K𝐾K est la racine dans Ksubscript𝐾\mathcal{R}_{K} du produit ~F𝒱Ksubscript~𝐹subscript𝒱𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{F}\,\mathcal{V}_{K} du \ell-groupe ~Ksubscript~𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K} des unit s logarithmiques de F𝐹F par le noyau 𝒱Ksubscript𝒱𝐾\mathcal{V}_{K} des valeurs absolues (non principales) :

~K=~F𝒱Ksubscript~𝐾subscript~𝐹subscript𝒱𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K}=\sqrt{\widetilde{\mathcal{E}}_{F}\,\mathcal{V}_{K}}.

Il suit de l que le d faut δKsubscript𝛿𝐾\delta_{K} de la conjecture de Gross g n ralis e pour le corps K𝐾K (et le premier \ell) est le m me que celui δFsubscript𝛿𝐹\delta_{F} de F𝐹F. En particulier, K𝐾K satisfait la conjecture de Gross g n ralis e si et seulement si son sous-corps F𝐹F la satisfait aussi.

Preuve. Nous avons trivialement : ~Kν~Fsuperscriptsubscript~𝐾𝜈subscript~𝐹\widetilde{\mathcal{E}}_{K}^{\nu}\subset\widetilde{\mathcal{E}}_{F} ; donc, en notant d=[K:F]d=[K:F] le degr de l’extension K/F𝐾𝐹K/F, la double inclusion :

~Kd~F𝒱K~Ksuperscriptsubscript~𝐾𝑑subscript~𝐹subscript𝒱𝐾subscript~𝐾\widetilde{\mathcal{E}}_{K}^{d}\subset\widetilde{\mathcal{E}}_{F}\,\mathcal{V}_{K}\subset\widetilde{\mathcal{E}}_{K} ;

ce qui nous donne le r sultat annonc , les unit s logarithmiques constituant un sous-module pur de Ksubscript𝐾\mathcal{R}_{K}. Et comme l’intersection ~F𝒱Fsubscript~𝐹subscript𝒱𝐹\widetilde{\mathcal{E}}_{F}\cap\mathcal{V}_{F} se r duit au sous-groupe μKsubscripttensor-productsubscriptsubscriptsuperscript𝜇𝐾\mathbb{Z}_{\ell}\otimes_{\mathbb{Z}}\mu^{\infty}_{K} des racines de l’unit dans Ksubscript𝐾\mathcal{R}_{K}, nous en tirons la formule de rang :

rg~K=rg~F+rg𝒱Ksubscriptrgsubscriptsubscript~𝐾subscriptrgsubscriptsubscript~𝐹subscriptrgsubscriptsubscript𝒱𝐾\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\widetilde{\mathcal{E}}_{K}=\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\widetilde{\mathcal{E}}_{F}+\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\mathcal{V}_{K}.

Cela tant, si maintenant δKsubscript𝛿𝐾\delta_{K} et δFsubscript𝛿𝐹\delta_{F} d signent respectivement le d faut de la conjecture de Gross dans K𝐾K et dans F𝐹F (cf. e.g. [FG, Gr, Ja1]), il vient ainsi :

rK+cK+δK=(rF+cF+δF)+[(rK+cK)(rF+cF)]=rK+cK+δFsubscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝛿𝐾subscript𝑟𝐹subscript𝑐𝐹subscript𝛿𝐹delimited-[]subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝑟𝐹subscript𝑐𝐹subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝛿𝐹r_{K}+c_{K}+\delta_{K}=(r_{F}+c_{F}+\delta_{F})+[(r_{K}+c_{K})-(r_{F}+c_{F})]=r_{K}+c_{K}+\delta_{F} ;

d’o l’ galit annonc e :

δK=δFsubscript𝛿𝐾subscript𝛿𝐹\delta_{K}=\delta_{F}.

Remarque. Le corps K𝐾K satisfait ainsi la conjecture de Gross g n ralis e (pour le nombre premier \ell) d s que son sous-corps F𝐹F est ab lien sur \mathbb{Q}, alors m me qu’il peut tr s bien ne pas tre lui-m me absolument galoisien.

Exemple. Un corps de nombres K𝐾K absolument galoisien groupe de Galois di dral v rifie ainsi la conjecture de Gross g n ralis e en tout premier \ell qui ne se d compose pas au-dessus de son unique sous-corps quadratique F𝐹F.

Théorème 25.

Soient K¯𝐾subscript¯K\subset\overline{\mathbb{Q}}_{\ell} un corps de nombres conjugaison \ell-adique ; F=K𝐹𝐾subscriptF=K\cap\mathbb{Q}_{\ell} son sous-corps totalement \ell-adique maximal ; et cFsubscript𝑐𝐹c_{F} le nombre de places complexes de F𝐹F. Si K𝐾K satisfait la conjecture de Leopoldt (pour le nombre premier \ell), le groupe de Galois Gal(Kcr/K)Galsuperscript𝐾𝑐𝑟𝐾\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K) de la plus grande pro-\ell-extension ab lienne Kcrsuperscript𝐾𝑐𝑟K^{cr} de K𝐾K qui est cyclotomiquement ramifi e est un subscript\mathbb{Z}_{\ell}-module de rang :

rgGal(Kcr/K)=cF+1subscriptrgsubscriptGalsuperscript𝐾𝑐𝑟𝐾subscript𝑐𝐹1\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K)=c_{F}+1.

Ce r sultat, qui ne pr suppose aucune hypoth se sur le comportement des places l’infini, fournit en particulier une minoration de l’invariant lambda d’Iwasawa attach aux \ell-groupes de classes d’id aux 𝒞Kn𝒞subscriptsubscript𝐾𝑛\mathcal{C}\ell_{K_{n}} dans la subscript\mathbb{Z}_{\ell}-extension cyclotomique Kc=nKnsuperscript𝐾𝑐subscript𝑛subscript𝐾𝑛K^{c}=\cup_{n\in\mathbb{N}}K_{n} du corps K𝐾K consid r  :

Corollaire 26.

Sous les hypoth ses et avec les notations du th or me, l’invariant lambda d’Iwasawa attach aux \ell-groupes de \ell-classes d’id aux dans la subscript\mathbb{Z}_{\ell}-extension cyclotomique Kc/Ksuperscript𝐾𝑐𝐾K^{c}/K v rifie la minoration :

λKcFsubscript𝜆𝐾subscript𝑐𝐹\lambda_{K}\geq c_{F}.

Preuve du Th or me. Rappelons qu’une pro-\ell-extension ab lienne L𝐿L d’un corps de nombres K𝐾K est dite cyclotomiquement ramifi e (cf. [JS], D f. 1) lorsque :

  • (i)

    toutes les places au-dessus de \ell se ramifient infiniment dans L/K𝐿𝐾L/K et que

  • (ii)

    l’extension induite LKc/Kc𝐿superscript𝐾𝑐superscript𝐾𝑐LK^{c}/K^{c} sur la tour cyclotomique Kcsuperscript𝐾𝑐K^{c} est non ramifi e.

D’apr s la th orie \ell-adique globale du corps de classes (cf. [JS], Th. 2), le sous-groupe de normes qui fixe Kcrsuperscript𝐾𝑐𝑟K^{cr} est le produit 𝒰^KKsubscript^𝒰𝐾subscript𝐾\widehat{\mathcal{U}}_{K}\mathcal{R}_{K} o 𝒰^K=𝒰K𝒰~Ksubscript^𝒰𝐾subscript𝒰𝐾subscript~𝒰𝐾\widehat{\mathcal{U}}_{K}=\mathcal{U}_{K}\cap\widetilde{\mathcal{U}}_{K} est le groupe des unit s locales qui sont normes cyclotomiques et Ksubscript𝐾\mathcal{R}_{K} d signe, comme d’habitude, le sous-groupe principal du \ell-adifi 𝒥Ksubscript𝒥𝐾\,\mathcal{J}_{K} du groupe des id les de K𝐾K. Cela tant, pour valuer le subscript\mathbb{Z}_{\ell}-rang du groupe Gal(Kcr/K)𝒥K/𝒰^KKsimilar-to-or-equalsGalsuperscript𝐾𝑐𝑟𝐾subscript𝒥𝐾subscript^𝒰𝐾subscript𝐾\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K)\simeq\mathcal{J}_{K}/\widehat{\mathcal{U}}_{K}\mathcal{R}_{K}, il est commode de le remplacer par le sous-groupe d’indice fini Gal(Kcr/Knr)𝒰KK/𝒰^KKsimilar-to-or-equalsGalsuperscript𝐾𝑐𝑟superscript𝐾𝑛𝑟subscript𝒰𝐾subscript𝐾subscript^𝒰𝐾subscript𝐾\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K^{nr})\simeq\mathcal{U}_{K}\mathcal{R}_{K}/\widehat{\mathcal{U}}_{K}\mathcal{R}_{K}, o Knrsuperscript𝐾𝑛𝑟K^{nr} d signe le \ell-corps des classes de Hilbert de K𝐾K, i.e. la plus grande \ell-extension ab lienne du corps K𝐾K qui est non ramifi e. Il vient ainsi :

Gal(Kcr/K)𝒰KK/𝒰^KK𝒰/𝒰^)\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K)\sim\mathcal{U}_{K}\mathcal{R}_{K}/\widehat{\mathcal{U}}_{K}\mathcal{R}_{K}\simeq\mathcal{U}_{\ell}/\widehat{\mathcal{U}}_{\ell}\mathcal{E}^{\infty}_{\ell}),

o 𝒰=l|𝒰lsubscript𝒰subscriptproductconditional𝑙subscript𝒰𝑙\mathcal{U}_{\ell}=\prod_{{l}|\ell}\mathcal{U}_{l} est le groupe des unit s semi-locales attach aux places \ell-adiques, 𝒰^subscript^𝒰\widehat{\mathcal{U}}_{\ell} est le noyau des valeurs absolues \ell-adiques dans 𝒰subscript𝒰\mathcal{U}_{\ell}, et subscript\mathcal{E}_{\ell} est l’image dans 𝒰subscript𝒰\mathcal{U}_{\ell} du sous-groupe unit K=EKsubscript𝐾tensor-productsubscriptsubscriptsuperscript𝐸𝐾\mathcal{E}_{K}=\mathbb{Z}_{\ell}\otimes E^{\infty}_{K} de Ksubscript𝐾\mathcal{R}_{K}.

Si maintenant K𝐾K satisfait la conjecture de Leopoldt (pour le premier \ell), le groupe Ksubscript𝐾\mathcal{E}_{K} s’injecte dans 𝒰subscript𝒰\mathcal{U}_{\ell} et l’intersection 𝒰^subscriptsubscript^𝒰\mathcal{E}_{\ell}\cap\,\widehat{\mathcal{U}}_{\ell} est l’image bijective du sous-groupe 𝒱K=K~Ksubscript𝒱𝐾superscriptsubscript𝐾subscript~𝐾\mathcal{V}_{K}=\mathcal{E}_{K}^{\infty}\cap\widetilde{\mathcal{E}}_{K}. Il vient donc :

rgGal(Kcr/K)=rgGal(Kcr/Knr)=rg𝒰rg𝒰^rgK+rg𝒱KsubscriptrgsubscriptGalsuperscript𝐾𝑐𝑟𝐾subscriptrgsubscriptGalsuperscript𝐾𝑐𝑟superscript𝐾𝑛𝑟subscriptrgsubscriptsubscript𝒰subscriptrgsubscriptsubscript^𝒰subscriptrgsubscriptsubscript𝐾subscriptrgsubscriptsubscript𝒱𝐾\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K)=\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K^{nr})=\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\mathcal{U}_{\ell}-\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\widehat{\mathcal{U}}_{\ell}-\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\mathcal{E}_{K}+\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\mathcal{V}_{K}.

Or, sous l’hypoth se de conjugaison \ell-adique, 𝒰^subscript^𝒰\widehat{\mathcal{U}}_{\ell} est le noyau dans 𝒰subscript𝒰\mathcal{U}_{\ell} de l’op rateur norme ν=NK/F𝜈subscript𝑁𝐾𝐹\nu=N_{K/F}, dont l’image est d’indice fini dans le sous-groupe correspondant relatif F𝐹F, de subscript\mathbb{Z}_{\ell}-rang gal au degr [F:]=rF+2cF[F:\mathbb{Q}]=r_{F}+2c_{F}. En fin de compte, il suit :

rgGal(Kcr/K)=(rF+2cF)(rK+cK1)+[(rK+cK)(rF+cF)]subscriptrgsubscriptGalsuperscript𝐾𝑐𝑟𝐾subscript𝑟𝐹2subscript𝑐𝐹subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾1delimited-[]subscript𝑟𝐾subscript𝑐𝐾subscript𝑟𝐹subscript𝑐𝐹\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K)=(r_{F}+2c_{F})-(r_{K}+c_{K}-1)+[(r_{K}+c_{K})-(r_{F}+c_{F})] ;

ce qui donne pr cis ment la formule annonc e : rgGal(Kcr/K)=cF+1subscriptrgsubscriptGalsuperscript𝐾𝑐𝑟𝐾subscript𝑐𝐹1\operatorname{rg}_{\mathbb{Z}_{\ell}}\operatorname{Gal}(K^{cr}\!/K)=c_{F}+1.

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Jean-François Jaulent
Institut de Mathématiques de Bordeaux
Universit Bordeaux 1
351, cours de la libération
F-33405 Talence Cedex
courriel : Jean-Francois.Jaulent@math.u-bordeaux1.fr