R sum . Nous introduisons la notion de nombre de Weil -adique par analogie avec la notion classique de nombre de Weil l’infini ; et nous en tudions quelques propri t s en liaison avec les plongements et les valeurs absolues r elles ou -adiques des corps de nombres. En appendice, nous en tirons diverses applications la th orie d’Iwasawa des tours cyclotomiques.
Abstract. We define -adic analogs of classical Weil numbers in connexion both with complex or -adic imbeddings of number fields and real or -adic absolute values. As an application we give some consequences related to the Iwasawa theory of cyclotomic towers.
Introduction
Le but de l’article est de d finir les analogues -adiques des nombres de Weil et d’ tudier quelques unes de leurs propri t s alg briques en liaison avec la th orie d’Iwasawa des corps cyclotomiques.
Les nombres de Weil classiques (i.e. l’infini) interviennent naturellement tant en th orie des nombres qu’en g om trie alg brique ou m me en th orie des groupes : sommes de Gauss ou de Jacobi, tables de caract res, quations fonctionnelles des fonctions d’Artin, factorisation des fonctions (de Weil) attach es aux vari t s projectives non singuli res sur les corps finis, etc (cf. e.g. [BF, GO, La]). C’est d’ailleurs de ce dernier exemple que provient leur nom, en raison de la c l bre conjecture formul e par A. Weil (cf. [We]) et prouv e par R. Deligne (cf. [De]).
Du point de vue de l’arithm tique, les nombres de Weil (apr s normalisation) ne sont rien d’autre que les nombres alg briques dont tous les conjugu s r els ou complexes sont de module 1, autrement dit les l ments de la cl ture alg brique de , dont tous les plongements l’infini sont de module 1.
Il nous a donc sembl int ressant de regarder ce que deviennent les propri t s purement alg briques de ces nombres lorsqu’on remplace la place l’infini par une place finie , l’instar de ce qui est fait dans [Dn], ce qui am ne ici consid rer non plus comme un sous-corps de , mais comme un sous-corps de (en fait comme un sous-corps de ) et remplacer les valeurs absolues r elles (i.e. valeurs r elles) par leurs analogues -adiques : les valeurs absolues -adiques.
A l’exercice, on constate que si certaines analogies formelles sont bien conserv es (par exemple, la notion de corps totalement -adique correspond assez naturellement celle de corps totalement r el), d’autres exigent des restrictions s v res de degr et de ramification (ainsi la notion de conjugaison -adique quadratique non ramifi e) et surtout, contrairement ce qui advient dans le cas classique o les nombres de Weil qui sont des unit s ( l’infini) sont des racines de l’unit , l’ensemble des -nombres de Weil qui sont des unit s (autrement dit le noyau de toutes les valeurs absolues -adiques) est g n ralement un sous-groupe non trivial du groupe multiplicatif du corps consid r , sous-groupe dont le -adifi joue un r le myst rieux dans certaines questions de th orie d’Iwasawa mettant en jeu les conjectures de Gross ou de Leopoldt.
1. Corps conjugaison complexe et nombres de Weil l’infini
Nous revenons dans cette premi re section sur quelques propri t s galoisiennes des corps conjugaison complexe et des nombres de Weil classiques (i.e. l’infini).
Quoique la plupart d’entre elles soient essentiellement bien connues (cf. e.g. [GO]), il nous a paru utile, pour la commodit du lecteur, d’en rassembler succintement les preuves. Celles-ci nous servent, en effet de fil directeur dans la section suivante pour d finir et tudier les analogues -adiques de ces notions.
1.a. Corps totalement r els et corps conjugaison complexe
Nous supposons fix s dans cette section un plongement de la cl ture alg brique de dans le corps des complexes ; nous regardons ainsi comme un sous-corps de . Cela permet de parler sans ambigu t de la conjugaison complexe .
Définition 1.
On dit qu’un corps de nombres est un corps conjugaison complexe (ou encore qu’il est de type CM) lorsque c’est une extension quadratique totalement imaginaire d’un sous-corps totalement r el .
En d’autres termes :
Proposition 2.
Les corps de nombres conjugaison complexe sont ceux de la forme , o est un corps totalement r el et un l ment de totalement positif.
Le r sultat suivant permet alors de ramener l’ tude des corps conjugaison complexe au cas absolument galoisien :
Proposition 3.
Le compositum d’une famille de corps de nombres conjugaison complexe est encore un corps conjugaison complexe.
En particulier la cl ture galoisienne d’un corps conjugaison complexe est un corps conjugaison complexe qui est extension quadratique d’un sous-corps galoisien (totalement) r el.
Preuve. Pour chaque , crivons , avec totalement r el et totalement positif dans ; et notons le compositum des .
Nous avons imm diatement :
avec totalement r el et ; d’o le premier r sultat.
Pour tablir le second , partons de , avec totalement r el et totalement positif dans , et consid rons la famille des conjugu s de . Nous obtenons comme plus haut :
,
avec et
galoisien (totalement) r el, engendr sur par les racines carr es
des pour et
dans .
En particulier, il vient ainsi :
Théorème 4.
Soit un corps de nombres conjugaison complexe qui est
galoisien sur un sous-corps totalement r el et soit
le groupe de Galois . Dans ces conditions :
(i)
La conjugaison complexe est centrale dans et
son corps des points fixes est le plus grand sous-corps
totalement r el de .
(ii)
Pour toute extension quadratique totalement imaginaire
de qui n’est pas contenue dans , l’extension
compos e est le produit direct de et d’une
sous-extension galoisienne totalement r elle de de
groupe de Galois isomorphe .
Remarque. Il suit de l que toute extension absolument galoisienne
conjugaison complexe de groupe de Galois
est une sous-extension de degr relatif au plus 2 du compositum
d’une extension quadratique imaginaire
et d’une extension galoisienne (totalement) r elle de m me groupe
.
Preuve du Th or me. Notons le plus grand sous-corps (totalement) r el
de et le groupe de Galois . D’apr s ce qui
pr c de, le groupe est d’ordre 2, engendr par la conjugaison
complexe et distingu dans , de sorte que est
centrale dans . Cela tant, pour toute extension quadratique
totalement imaginaire de qui n’est pas
contenue dans , l’extension compos e
est encore un corps conjugaison complexe (comme compos de
tels corps) et c’est aussi le produit direct sur de et de ,
i.e. une extension galoisienne de groupe . Mais c’est tout aussi bien le produit direct sur de
et de , si d signe le sous-corps r el maximal de . Et
on a donc , comme annonc .
1.b. Nombres de Weil usuels (i.e. l’infini) et conjugaison complexe
Notons toujours la cl ture alg brique de dans et crivons la conjugaison complexe sur , i.e. la restriction de la conjugaison complexe.
Définition 5.
On dit qu’un l ment est un nombre de Weil ( l’infini) lorsqu’on a : pour tout de .
L’ensemble des nombres de Weil est ainsi le sous-groupe de :
.
Remarque. Pour tout entier naturel , on d finit usuellement les -nombres de Weil par la condition : , pour tout de ; en d’autres termes, ce sont les produits , o est un nombre de Weil au sens de la d finition 5.
Le lien entre nombres de Weil et conjugaison complexe se pr sente alors ainsi :
Proposition 6.
Soit . Alors est un corps conjugaison complexe ; autrement dit, il s’ crit , o est un corps
totalement r el et un l ment de totalement positif.
Preuve. De l’identit , on tire ; d’o pour tout de . Soit alors . De , il suit que le sous-corps est totalement r el ; et de que est racine du polyn me de . Comme est non r el (en vertu de l’hypoth se ), il vient et .
Enfin, aucun des conjugu s de n’ tant r el, le corps est donc totalement imaginaire et le discriminant du polyn me est totalement n gatif.
Corollaire 7.
Sous les m mes hypoth ses, la cl ture galoisienne de est encore un corps conjugaison complexe et la restriction de la conjugaison est centrale dans . En particulier, est une extension quadratique totalement imaginaire du corps galoisien (totalement) r el .
Preuve. Notons la cl ture galoisienne de , i.e. le compositum des lorsque d crit . Nous avons pour un de , donc , avec , comme annonc .
Théorème 8.
Notons la plus grande sous-extension totalement r elle de . On a alors :
;
d’o :
.
Preuve. Cela r sulte du th or me 90 de Hilbert appliqu l’extension .
Corollaire 9.
Soit un corps de nombres, sa plus grande sous-extension totalement r elle et le sous-corps conjugaison complexe engendr sur par les nombres de Weil contenus dans . On a alors l’alternative suivante :
(i)
ou bien on a : , auquel cas le groupe se r duit ;
(ii)
ou bien on a : , auquel cas le corps est conjugaison complexe et il vient :
.
Preuve. Puisque contient , son sous-corps est encore la plus grande sous-extension totalement r elle de . Cela tant, dans le premier cas, il suit directement : ; et dans le second, il vient, en vertu du th or me 90 :
.
2. Corps conjugaison -adique et -nombres de Weil
Nous allons maintenant d finir l’analogue -adique de la conjugaison complexe et des nombres de Weil pour chaque nombre premier donn .
2.a. Corps totalement -adiques et corps conjugaison -adique
Nous supposons fix s dans cette section un plongement de la cl ture alg brique de dans le compl t de la cl ture alg brique du corps ; en d’autres termes, nous regardons comme un sous-corps de . Cel point est essentiel pour parler sans ambigu t de conjugaison -adique.
Définition 10.
Nous disons qu’un corps de nombres est :
(i)
totalement -adique, lorsque tous ses conjugu s par sont contenus dans ; en d’autres termes lorsque toutes les places de au-dessus de sont de degr ;
(ii)
conjugaison -adique, lorsque c’est une extension non d compos e (aux places) au-dessus de d’un sous-corps totalement -adique ;
(iii)
conjugaison -adique quadratique non ramifi e, lorsque c’est une extension quadratique totalement inerte (aux places) au-dessus de d’un sous-corps totalement -adique.
Pr cisons tout cela la lumi re de la situation l’infini :
(i)
La premi re condition affirme qu’un corps est totalement -adique, d s lors qu’on a l’ galit entre compl t s en chaque place de au-dessus de :
.
C’est l’analogue exact de la condition qui d finit un corps totalement r el.
(ii)
La seconde condition affirme qu’un corps est conjugaison -adique d s lorsqu’il contient un sous-corps totalement -adique tel qu’en chaque place de au-dessus de le corps admette une unique place au-dessus de ; de sorte que l’on a dans ce cas l’ galit entre degr global et degr local :
.
C’est videmment un analogue de la condition de conjugaison complexe.
(iii)
La troisi me condition dit que est conjugaison -adique quadratique non ramifi e lorsque les extensions locales sont non ramifi es et de degr 2. Elle demande donc une analogie plus troite avec la situation classique o l’extension locale l’infini est naturellement de degr 2 et non ramifi e111En toute rigueur (cf. [Ja3]), la complexification d’une place r elle n’est pas de la ramification.. On a alors (puisque F est totalement -adique) et , o d signe une racine primitive - me de l’unit dans (puisque poss de une unique extension quadratique non ramifi e, savoir ).
La condition de de degr et de non ramification introduite dans la d finition de la conjugaison -adique n’est pas anodine, comme le montre la proposition suivante :
Proposition 11.
On a les r gles de composition suivantes :
(i)
Le compositum de deux corps totalement -adiques est totalement -adique.
(ii)
En revanche, le compositum de deux corps conjugaison -adique n’est pas n cessairement un corps conjugaison -adique.
(iii)
Mais le compositum de deux corps conjugaison -adique quadratique non ramifi e est encore un corps conjugaison -adique quadratique non ramifi e.
Preuve. Examinons successivement les diverses assertions :
(i)
Si et sont deux corps totalement -adiques, on a par d finition : et pour chaque de ; donc , de sorte que le compositum est encore totalement -adique.
(ii)
Consid rons, par exemple, deux extension absolument galoisiennes et , de groupes respectifs et , lin airement disjointes sur et non d compos es aux places au dessus de . Sous ces hypoth ses, le compositum est encore galoisien et son groupe de Galois est le produit direct . Les extensions locales et sont aussi galoisiennes de groupes respectifs et ; mais elles ne sont plus en g n ral disjointes, de sorte que le sous-groupe de d composition de la place dans l’extension , qui s’identifie au groupe de Galois , est alors le produit amalgam :
.
Il suit de l que le sous-groupe n’est normal dans que si l’extension locale est ab lienne, ce qui n’est pas le cas en g n ral : et sont alors conjugaison -adique, mais non leur compositum .
(iii)
Soient maintenant et deux corps conjugaison -adique, tous deux extensions quadratiques totalement inertes (aux places au-dessus de ) de leurs sous-corps totalement -adiques maximaux respectifs et . Dans le diagramme d’extensions :
le compositum est ainsi totalement -adique et les extensions quadratiques et sont totalement inertes (aux places -adiques).
- Si elles co ncident, est une extension quadratique totalement inerte (aux places au-dessus de ) du corps totalement -adique .
- Sinon, est biquadratique et non ramifi e sur (aux places au-dessus de ), mais non totalement inerte (puisque non cyclique), de sorte que l’unique sous-extension quadratique de contenant autre que et se trouve tre le sous-corps de d composition commun toutes les places -adiques : en d’autres termes, est totalement -adique et en est une extension quadratique totalement inerte (aux places au-dessus de ).
2.b. D finition des -nombres de Weil (i.e. au sens -adique)
D’apr s la d finition 5, les nombres de Weil classiques sont caract ris s l’aide de la norme locale l’infini par l’identit :
.
Une autre fa on d’exprimer cette m me identit consiste introduire le corps des racines du polyn me minimal de sur , puis son sous-corps r el , et d finir la norme locale comme l’op rateur , de sorte qu’avec ces notations il vient ou , suivant que est r el ou non ; et, dans les deux cas :
,
o est le groupe des racines de l’unit dans .
Sous cette derni re forme, la traduction -adique de la d finition des nombres de Weil est imm diate : d signons toujours par le corps des racines du polyn me minimal de sur ; mais crivons maintenant son sous-corps -adique et la norme locale correspondante . Cela tant :
Définition 12.
Nous disons qu’un l ment est un nombre de Weil -adique (ou encore un -nombre de Weil) lorsque la norme locale de chacun de ses conjugu s est une racine de l’unit , ce qui s’ crit :
,
o d signe le groupe (d’ordre 2 ou ) des racines de l’unit de .
L’ensemble des -nombres de Weil est encore un sous-groupe de .
Si un -nombre de Weil poss de un plongement -adique (i.e. si l’on a pour un ), il r sulte clairement de la d finition que , et donc lui-m me, est une racine de l’unit . En particulier :
Proposition 13.
Si est un corps de nombres qui poss de au moins un plongement -adique, autrement dit dont l’un au moins des conjugu s est contenu dans , le groupe des -nombres de Weil contenus dans se r duit au sous-groupe des racines de l’unit dans .
Si maintenant est un -nombre de Weil qui n’est pas une racine de l’unit , le contre-exemple donn dans la proposition 11 montre qu’il n’y a pas lieu d’attendre une caract risation aussi simple que dans le cas classique, sauf imposer de s v res restrictions. Par exemple :
Définition & Proposition 14.
Convenons de dire qu’un -nombre de Weil est -quadratique lorsque le corps est conjugaison -adique quadratique non ramifi e. Alors :
(i)
La cl ture galoisienne du corps engendr par un nombre de Weil -quadratique est un corps conjugaison -adique quadratique non ramifi e.
(ii)
Le sous-corps de engendr sur par l’ensemble des nombres de Weil -quadratiques est l’unique extension quadratique non ramifi e (aux places au-dessus de ) de l’extension totalement -adique maximale de .
Preuve. Elle est identique mutatis mutandis celle du cas classique. Si est un nombre de Weil -adique qui est quadratique, la cl ture galoisienne est bien conjugaison -adique quadratique , en vertu de la proposition 11(iii), comme compos de tels corps. Plus g n ralement, le compositum de tous les v rifie encore la m me propri t . Et il reste simplement voir que son sous-corps -adique maximal est aussi l’extension totalement -adique maximale de . Or :
(a)
Pour , notons une racine primitive -ieme de l’unit dans , et observons que c’est un nombre de Weil -quadratique, de sorte que contient le corps cyclotomique . Il suit de l que, pour tout nombre alg brique totalement -adique, le compositum est encore toatalement -adique. Ainsi, le produit tant bien -quadratique, contient .
(b)
Et pour , on conclut de m me en prenant une racine cubique de l’unit .
3. Nombres de Weil et valeurs absolues -adiques
Commen ons par rappeler ou pr ciser quelques r sultats sur les valeurs absolues.
3.a. Comparaison des valeurs absolues r elles et -adiques
Classiquement les valeurs absolues normalis es r elles (i.e. valeurs dans ) sont d finies sur le groupe multilicatif d’un corps de nombres par les formules :
et la normalisation est dict e par la formule du produit : .
Par composition avec le logarithme r el, on obtient ainsi le plongement logarithmique usuel (o d crit l’ensemble des places finies ou infinies de ) :
Le noyau des valeurs absolues r elles attach es aux places finies :
est ainsi le groupe des unit s usuelles ( l’infini) du corps ; celui des valeurs absolues attach es aux places l’infini :
est le groupe de Weil ( l’infini) d fini plus haut ; enfin l’intersection :
,
i.e. le noyau de toutes les valeurs absolues r elles, se r duit au sous-groupe de form des racines de l’unit du corps , d’apr s un vieux r sultat de Kronecker.
En ce qui concerne les valeurs absolues -adiques (i.e. valeurs -adiques), les choses sont plus compliqu es : classiquement les valeurs absolues principales normalis es sont d finies sur le groupe multilicatif d’un corps de nombres par les formules :
o d signe la projection naturelle du groupe multiplicatif sur son sous-groupe sans torsion ; et la normalisation est dict e par la formule du produit : . C’est le point de vue adopt dans [Ja2, Ja3].
Par composition avec le logarithme -adique, on obtient ainsi le plongement logarithmique (o d crit maintenant l’ensemble des places finies de ) :
Malheureusement, cette d finition n’est pas suffisante pour rendre compte des propri t s normiques des -nombres de Weil ; et c’est pourquoi, il est pr f rable de consid rer dans ce contexte les valeurs absolues non principales valeurs dans le groupe multiplicatif sans torsion , en proc dant comme suit : faisons choix d’un plongement du corps des nombres complexes dans la cl ture alg brique du compl t -adique de . Cela tant, chaque plongement l’infini de
dans ou , correspond alors un plongement de dans , donn par
.
Définition 15.
La lettre d signant maintenant soit une place finie soit un plongement l’infini d’un corps de nombres , nous appelons valeur absolue -adique (non principale) attach e l’application valeurs dans le groupe sans torsion qui est d finie sur le groupe multiplicatif par la formule :
Remarque. La d finition de la valeur absolue -adique en une place l’infini d pend videmment du choix du plongement de dans ; en revanche, la famille , est, l’ordre pr s, ind pendante du choix effectu .
Proposition 16.
Les valeurs absolues non principales v rifient encore la formule du produit :
.
Preuve. Un calcul l mentaire donne, en effet :
;
d’o le r sultat annonc , le produit des valeurs absolues principales tant gal 1.
Proposition 17.
Avec les conventions pr c dentes, il vient :
(i)
Le noyau des valeurs absolues -adiques attach es aux places qui ne divisent pas est encore le groupe des unit s usuelles du corps :
.
(ii)
Le noyau des valeurs absolues -adiques attach es aux places qui divisent est le -groupe de Weil d fini plus haut :
.
(iii)
Le noyau de toutes les valeurs absolues -adiques, i.e. l’intersection
.
est le sous-groupe de form des unit s (au sens usuel) qui sont normes chaque tage fini de la -extension cyclotomique du corps .
Preuve. La condition () impose la fois pour et pour ; de sorte que les l ments de sont encore les unit s (au sens ordinaire) du corps .
En termes normiques, la condition () s’ crit : , o d signe le sous-groupe de torsion de ; elle caract rise donc les -nombres de Weil.
Enfin, la condition normique caract rise pr cis ment les l ments qui sont normes locales aux places au-dessus de dans la -extension cyclotomique de (cf. e.g. [Ja2, Ja3]). D’o le r sultat annonc , en vertu du principe de Hasse, puisque les unit s sont videmment normes locales aux places trang res dans l’extension procyclique .
Nous allons voir que ce groupe ne se r duit pas toujours au sous-groupe .
3.b. Étude du noyau des valeurs absolues -adiques
D’apr s ce qui pr c de, le goupe est un sous-groupe du groupe des unit s qui contient le sous-groupe des racines de l’unit . Dans la double inclusion
il est facile de voir que l’ galit est, en fait, possible droite comme gauche, comme l’illustrent les propositions suivantes :
Proposition 18.
Si est un corps de nombres totalement -adique, le noyau des valeurs absolues -adiques se r duit au groupe des racines de l’unit .
Preuve. C’est imm diat car, la norme locale tant alors l’identit , on a imm diatement :
.
Proposition 19.
Si est un corps conjugaison -adique admettant comme sous-corps totalement -adique maximal (en d’autres termes, si est un corps de nombres dans lequel aucune des places -adiques n’admet de d composition), le noyau des valeurs absolues -adiques dans est gal au groupe des unit s .
Preuve. Dans ce cas, en effet, la norme locale co ncide avec la norme globale ; et il vient donc :
,
puisque les unit s d’un corps de nombres sont videmment de norme .
Plus g n ralement, la d termination du groupe peut tre men e bien tr s simplement d s lors que le corps consid r est conjugaison -adique :
Théorème 20.
Soit K une extension galoisienne de degr non d compos e (aux places au-dessus de ) d’un sous-corps totalement -adique ; pour chaque place de , d signons par l’induit du caract re de la repr sentation unit du sous-groupe de d composition de l’une quelconque des places de au-dessus de .
Avec ces notations, le caract re du -module multiplicatif est donn par la formule :
Preuve. On sait par le th or me de repr sentation de Herbrand que le tensoris multiplicatif du groupe des unit s est un -module de caract re :
.
En d’autres termes, c’est la somme directe de sous-modules monog nes (not s multiplicativement) de caract res respectifs et de sous-modules de caract re unit . Ce point acquis, le noyau de la norme locale , autrement dit le noyau de l’idempotent , est l’image de l’idempotent suppl mentaire ; et c’est donc la somme directe des modules . D’o la formule annonc e :
Scolie 21.
Soit un corps de nombres conjugaison -adique et son sous-corps totalement -adique maximal. Le noyau des valeurs absolues -adiques dans est alors la somme directe du sous-groupe fini et d’un -module libre de dimension :
,
o et d nombrent les places r elles ou complexes des corps et consid r s.
Preuve. D’apr s le th or me, lorsque est galoisien sur de groupe , le -module est la somme directe de son sous-module de torsion et d’un -module libre de dimension : .
Il s’agit de voir que la formule de rang obtenue est ind pendante de l’hypoth se galoisienne utilis e pour la d montrer. Or, si d signe le degr de l’extension et la norme associ e, le tensoris n’est autre que le noyau de l’idempotent dans le -espace construit sur les unit s de ; et son image est le sous-espace construit sur les unit s de .
Corollaire 22.
Sous les m mes hypoth ses que dans le scolie :
(i)
L’ galit a lieu si et seulement si le corps est soit totalement -adique, soit extension quadratique totalement imaginaire et conjugaison -adique d’un sous-corps la fois totalement r el et totalement -adique.
(ii)
L’ galit a lieu si et seulement si le sous-corps totalement -adique est le corps des rationnels ou un corps quadratique imaginaire .
Preuve. La premi re galit s’ crit : ; et la seconde : .
Appendice : lien avec les unit s logarithmiques
D’apr s la proposition 17, le noyau de toutes les valeurs absolues est le sous-groupe des unit s du corps qui sont normes chaque tage fini de la -extension cyclotomique .
Or, dans la th orie -adique du corps de classes (cf. [Ja2, Ja3]), le groupe des -normes cyclotomiques globales est le sous-groupe des unit s logarithmiques du tensoris multiplicatif , qui est d fini partir des valuations logarithmiques par :
.
Rassemblant alors la description de donn e par la proposition 17 et le calcul de rang effectu dans le scolie 21, nous obtenons imm diatement :
Théorème 23.
Soient un corps de nombres conjugaison -adique, puis son sous-corps totalement -adique maximal, et la norme locale associ e . Notons le -groupe des id les principaux du corps , puis le sous-groupe unit de , et le groupe des unit s logarithmiques. Avec ces notations, le tensoris -adique du noyau est l’intersection :
.
Et c’est le produit direct du -groupe des racines de l’unit de par un -module libre de dimension :
,
o et d nombrent les places r elles ou complexes des corps et consid r s.
Remarque. On prendra garde que le produit tensoriel par a tu le groupe .
Corollaire 24.
Sous les hypoth ses du th or me, le -groupe des unit s logarithmiques du corps est la racine dans du produit du -groupe des unit s logarithmiques de par le noyau des valeurs absolues (non principales) :
.
Il suit de l que le d faut de la conjecture de Gross g n ralis e pour le corps (et le premier ) est le m me que celui de . En particulier, satisfait la conjecture de Gross g n ralis e si et seulement si son sous-corps la satisfait aussi.
Preuve. Nous avons trivialement : ; donc, en notant le degr de l’extension , la double inclusion :
;
ce qui nous donne le r sultat annonc , les unit s logarithmiques constituant un sous-module pur de . Et comme l’intersection se r duit au sous-groupe des racines de l’unit dans , nous en tirons la formule de rang :
.
Cela tant, si maintenant et d signent respectivement le d faut de la conjecture de Gross dans et dans (cf. e.g. [FG, Gr, Ja1]), il vient ainsi :
;
d’o l’ galit annonc e :
.
Remarque. Le corps satisfait ainsi la conjecture de Gross g n ralis e (pour le nombre premier ) d s que son sous-corps est ab lien sur , alors m me qu’il peut tr s bien ne pas tre lui-m me absolument galoisien.
Exemple. Un corps de nombres absolument galoisien groupe de Galois di dral v rifie ainsi la conjecture de Gross g n ralis e en tout premier qui ne se d compose pas au-dessus de son unique sous-corps quadratique .
Théorème 25.
Soient un corps de nombres conjugaison -adique ; son sous-corps totalement -adique maximal ; et le nombre de places complexes de . Si satisfait la conjecture de Leopoldt (pour le nombre premier ), le groupe de Galois de la plus grande pro--extension ab lienne de qui est cyclotomiquement ramifi e est un -module de rang :
.
Ce r sultat, qui ne pr suppose aucune hypoth se sur le comportement des places l’infini, fournit en particulier une minoration de l’invariant lambda d’Iwasawa attach aux -groupes de classes d’id aux dans la -extension cyclotomique du corps consid r :
Corollaire 26.
Sous les hypoth ses et avec les notations du th or me, l’invariant lambda d’Iwasawa attach aux -groupes de -classes d’id aux dans la -extension cyclotomique v rifie la minoration :
.
Preuve du Th or me. Rappelons qu’une pro--extension ab lienne d’un corps de nombres est dite cyclotomiquement ramifi e (cf. [JS], D f. 1) lorsque :
(i)
toutes les places au-dessus de se ramifient infiniment dans et que
(ii)
l’extension induite sur la tour cyclotomique est non ramifi e.
D’apr s la th orie -adique globale du corps de classes (cf. [JS], Th. 2), le sous-groupe de normes qui fixe est le produit o est le groupe des unit s locales qui sont normes cyclotomiques et d signe, comme d’habitude, le sous-groupe principal du -adifi du groupe des id les de . Cela tant, pour valuer le -rang du groupe , il est commode de le remplacer par le sous-groupe d’indice fini
, o d signe le -corps des classes de Hilbert de , i.e. la plus grande -extension ab lienne du corps qui est non ramifi e. Il vient ainsi :
,
o est le groupe des unit s semi-locales attach aux places -adiques, est le noyau des valeurs absolues -adiques dans , et est l’image dans du sous-groupe unit de .
Si maintenant satisfait la conjecture de Leopoldt (pour le premier ), le groupe s’injecte dans et l’intersection est l’image bijective du sous-groupe . Il vient donc :
.
Or, sous l’hypoth se de conjugaison -adique, est le noyau dans de l’op rateur norme , dont l’image est d’indice fini dans le sous-groupe correspondant relatif , de -rang gal au degr . En fin de compte, il suit :
;
ce qui donne pr cis ment la formule annonc e : .
R f rences
[BF]C.J. Buschnel & A. Fr hlich,
Nonabelian congruences Gauss sums and -adic simple algebras,
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[De]R. Deligne,
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[Dn]Ch. Deninger,
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[FG]L. J. Federer & B. H. Gross (whith an appendix by W. Sinnot),
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