Fonctions zêta des hauteurs
des espaces fibrés
Introduction
Cet article est le deuxième d’une série consacrée à l’étude des hauteurs sur certaines variétés algébriques sur un corps de nombres, notamment en ce qui concerne la distribution des points rationnels de hauteur bornée.
Précisément, soient une variété algébrique projective lisse sur un corps de nombres , un fibré en droites sur et une fonction hauteur (exponentielle) pour . Si est un ouvert de Zariski de , on cherche à estimer le nombre
lorsque tend vers . L’étude de nombreux exemples a montré que l’on peut s’attendre à un équivalent de la forme
() |
pour un ouvert convenable et lorsque par exemple et (fibré anticanonique) sont amples. On a en effet un résultat de ce genre lorsque est une variété de drapeaux [11], une intersection complète lisse de bas degré (méthode du cercle), une variété torique [4], une variété horosphérique [19], une compactification équivariante d’un groupe vectoriel [10], etc. On dispose de plus d’une description conjecturale assez précise des constantes et en termes du cône des diviseurs effectifs [1] ainsi que de la constante ([15], [5]).
En fait, on étudie plutôt la fonction zêta des hauteurs, définie par la série de Dirichlet
à laquelle on applique des théorèmes taubériens standard. Sur cette série, on peut se poser les questions suivantes : domaine de convergence, prolongement méromorphe, ordre du premier pôle, terme principal, sans oublier la croissance dans les bandes verticales à gauche du premier pôle. Cela permet de proposer des conjectures de précision variable.
Dans cet article, nous considérons certaines fibrations localement triviales construites de la façon suivante. Soient un groupe algébrique linéaire sur agissant sur une variété projective lisse , une variété projective lisse sur et un -torseur sur localement trivial pour la topologie de Zariski. Ces données définissent une variété algébrique projective munie d’un morphisme dont les fibres sont isomorphes à . Le cœur du problème est de comprendre le comportement de la fonction hauteur lorsqu’on passe d’une fibre à l’autre, comportement vraiment non trivial bien qu’elles soient toutes isomorphes.
Dans notre premier article (Torseurs arithmétiques et espaces fibrés, [9]), nous avons exposé en détail la construction de hauteurs sur de telles variétés. Dans celui-ci, nous appliquons ces considérations générales au cas d’une fibration en variétés toriques provenant d’un torseur sous un tore déployé, pour l’ouvert défini par le tore. Nous avons construit les hauteurs à l’aide d’un prolongement du torseur géométrique en un torseur arithmétique, ce qui correspond en l’occurence au choix de métriques hermitiennes sur certains fibrés en droites. Écrivons la fonction zêta comme la somme des fonctions zêta des fibres
Chaque est isomorphe au tore et on peut exprimer la fonction zêta des hauteurs de à l’aide de la formule de Poisson adélique. De cette façon, la fonction zêta de apparaît comme une intégrale sur certains caractères du tore adélique de la fonction d’Arakelov du torseur arithmétique sur .
Ainsi, nous pouvons démontrer des théorèmes de montée : supposons que vérifie une conjecture, alors la vérifie. Bien sûr, la méthode reprend les outils utilisés dans la démonstration de ces conjectures pour les variétés toriques ([4, 2, 3]).
Par exemple, nous démontrons au § 5.1, sous des hypothèses minimales sur , l’holomorphie de la fonction pour ; cela implique que pour tout , le nombre de points rationnels de hauteur inférieure à est . Ensuite, sous des hypothèses raisonnables concernant , nous établissons un prolongement méromorphe de cette fonction zêta à gauche de et nous démontrons que l’ordre du pôle est inférieur ou égal à ; cela précise la majoration du nombre de points en . Enfin, lorsque , nous démontrons que le pôle est effectivement d’ordre d’où une estimation de la forme ( ‣ Introduction) et nous identifions la constante , établissant ainsi la conjecture de Manin raffinée par Peyre. Pour un fibré en droites quelconque, la preuve de la conjecture de Batyrev–Manin [1] avec son raffinement par Batyrev–Tschinkel [5] est ramenée à la détermination exacte de l’ordre du pôle, c’est-à-dire à la non-annulation d’une certaine constante. Dans le cas des variétés toriques ou des variétés horosphériques, l’utilisation de “fibrations -primitives” dans [3] et [19] a permis d’établir cette conjecture. Moyennant des hypothèses sur , cette méthode devrait s’étendre au sujet de notre étude.
Notre méthode impose de disposer de majorations de la fonction zêta des hauteurs (pour ) dans les bandes verticales à gauche du premier pôle ; nous avons ainsi tâché d’obtenir de telles majorations pour la variété . Il est en outre bien connu que cela entraîne un développement asymptotique assez précis pour le nombre de points de hauteur bornée, cf. le théorème taubérien donné en appendice. Quelques cas de variétés toriques sur avaient en effet attiré l’attention des spécialistes de théorie analytique des nombres (voir notamment les articles de É. Fouvry et R. de la Bretèche dans [16], ainsi que [6]). Notre méthode établit un tel développement pour les variétés toriques lisses, les variétés horosphériques, etc. sur tout corps de nombres.
La démonstration de l’existence d’un prolongement méromorphe de la fonction zêta des hauteurs pour les variétés toriques ou pour les variétés horosphériques faisait intervenir un théorème technique d’analyse complexe à plusieurs variables dont la démonstration se trouve dans [4], [3] et [19]. En vue d’obtenir les majorations exigées dans les bandes verticales, nous sommes obligés d’en préciser la preuve ; ceci est l’objet du § 3.
Dans les § 4 et § 5 se situe l’étude de la fonction zêta des hauteurs d’une variété torique et d’une fibration en variétés toriques. Pour les variétés toriques, nous améliorons le terme d’erreur à la suite de [4, 18, 8]. Le théorème de montée pour les fibrations généralise le résultat principal de [19].
Notations et conventions
Si est un schéma, on note le groupe des classes d’isomorphisme de faisceaux inversibles sur . Si est un faisceau quasi-cohérent sur , on note et les fibrés vectoriels et projectifs associés à .
On note le groupe des classes d’isomorphisme de fibrés en droites hermitiens sur (c’est-à-dire des fibrés en droites munis d’une métrique hermitienne continue sur et invariante par la conjugaison complexe)..
Si est un -schéma, et si , on désigne par le -schéma . Cette notation servira lorsque est le spectre d’un localisé de l’anneau des entiers d’un corps de nombres , de sorte que n’est autre qu’un plongement de dans .
Si est un schéma en groupes sur , désigne le groupe des -homomorphismes (caractères algébriques).
Si est lisse, le faisceau canonique de , noté , est la puissance extérieure maximale de .
3 Fonctions holomorphes dans un tube
Le but de ce paragraphe est de prouver un théorème d’analyse sur le prolongement méromorphe de certaines intégrales et leur estimation dans des bandes verticales. Ce théorème généralise un énoncé analogue de [4, 19]. La présentation en est un peu différente et le formalisme que nous introduisons permet de contrôler la croissance des fonctions obtenues. Ce contrôle est nécessaire pour utiliser des théorèmes taubériens précis et améliorer ainsi le développement asymptotique du nombre de points rationnels de hauteur bornée.
3.1 Énoncé du théorème
Soit un -espace vectoriel réel de dimension finie muni d’une mesure de Lebesgue et d’une norme . On dispose alors d’une mesure canonique sur le dual . Notons le complexifié de . On appelle tube toute partie connexe de de la forme où est une partie connexe de ; on le notera .
Soit enfin un sous-espace vectoriel de muni d’une mesure de Lebesgue .
\definame \the\smf@thm\pointrait
Une classe de contrôle est la donnée pour tout couple de -espaces vectoriels de dimension finie d’un ensemble de fonctions mesurables dites -contrôlantes vérifiant les propriétés suivantes :
-
(a)
si et sont deux fonctions de , et deux réels positifs, et si est une fonction mesurable telle que , alors ;
-
(b)
Si et si est un compact de , la fonction appartient à ;
-
(c)
si , pour tout , tend vers lorsque tend vers ;
-
(d)
si , pour tout sous-espace , la fonction -invariante
est finie et appartient à ;
-
(e)
si , pour tout sous-espace et tout projecteur de noyau , la fonction -invariante appartient à .
Il existe une classe de contrôle contenant toutes les classes de contrôles : l’ensemble est défini par récurrence sur la dimension de par les trois conditions (a, c, e) dans la définition 3.1. La dernière condition est alors automatique.
Dans la suite, on fixe une classe de contrôle , et on abrège l’expression -contrôlante en -contrôlante.
\definame \the\smf@thm\pointrait
Une fonction sur un tube est dite -contrôlée s’il existe une fonction -contrôlante telle que pour tout compact , il existe un réel de sorte que l’inégalité
soit vérifiée pour tout et tout .
Considérons une fonction sur un tube, . Soit un sous-espace vectoriel de , muni d’une mesure de Lebesgue . On considère la projection et on munit de la mesure de Lebesgue quotient. On pose, quand cela a un sens,
(3.1.1) |
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Soit et une fonction holomorphe -contrôlée. Soit un sous-espace vectoriel de et l’image de par la projection . Alors, l’intégrale qui définit converge en tout et définit une fonction holomorphe -contrôlée sur .
Proof.
Comme est -contrôlée, il existe une fonction et, pour tout compact , un réel de sorte que pour tout et tout , on ait . La condition (3.1, d) des classes de contrôles jointe au théorème de convergence dominée de Lebesgue implique que l’intégrale qui définit converge et que la somme est une fonction holomorphe sur . Par construction, cette fonction est -invariante. Comme elle est analytique, elle est donc invariante par et définit ainsi une fonction holomorphe sur . De plus, si désigne la projection , pour tout et tout , on a
où appartient par définition à . Tout compact de étant de la forme pour un compact de , le lemme est ainsi démontré. ∎
Fonction caractéristique d’un cône
Soit un cône convexe polyédral ouvert de . La fonction caractéristique de est la fonction sur définie par l’intégrale convergente
(3.1.2) |
où est le cône dual de , étant muni de la mesure de Lebesgue duale de la mesure .
Si est simplicial, c’est-à-dire qu’il existe formes linéaires indépendantes telles que si et seulement si pour tout , alors
(On a noté le volume du parallélépipède fondamental dans de base les .) Dans le cas général, toute triangulation de par des cônes simpliciaux permet d’exprimer sous la forme d’une somme de fractions rationnelles de ce type. Elle se prolonge ainsi en une fonction rationnelle sur dont les pôles sont exactement les hyperplans de définis par les équations des faces de . Elle est de plus strictement positive sur .
Une autre façon de construire un cône est de s’en donner des générateurs, autrement dit de l’écrire comme quotient d’un cône simplicial. À ce titre, on a la proposition suivante.
\propname \the\smf@thm\pointrait
Soit un cône polyédral convexe ouvert de dont l’adhérence ne contient pas de droite. Soit un sous-espace vectoriel de tel que . On note la projection .
La restriction à de la fonction est -contrôlée (pour la classe ). L’intégrale qui définit converge donc absolument et pour tout , on a
\remaname \the\smf@thm\pointrait
Les hypothèses impliquent que ne contient pas de droite. En effet, s’il existait un vecteur non nul de , il existerait deux vecteurs et de tels que mais . Comme , ce qui contredit l’hypothèse que ne contient pas de droite.
Proof.
La preuve est une adaptation des paragraphes 7.1 et 7.2 de [19]. Soit une famille minimale de générateurs de . Chaque face de dont la dimension est engendre un sous-espace vectoriel qui est l’orthogonal d’un des .
Comme , il existe une forme linéaire qui est nulle sur mais qui n’appartient à aucune face de ; posons . Soit un supplémentaire de dans . Si et sont tels que , on doit avoir pour tout générateur de l’inégalité , soit (rappelons que n’est pas nul), quand et quand . Soit alors l’intervalle de défini par ces inégalités. (Si tous les sont positifs, c’est-à-dire , on a , tandis que s’ils sont tous négatifs, .) Les fonctions et sont linéaires par morceaux par rapport à un éventail de qu’on peut supposer complet et régulier (voir par exemple [12] pour la définition, ou [2]).
Alors, si et , on a
de sorte que la fonction telle que est (à une constante multiplicative près) la différence des transformées de Fourier des fonctions
pour et .
Comme et appartient au bord de , est de partie réelle strictement positive, à moins que . Soit un compact de . Il résulte alors des estimations des transformées de Fourier de fonctions linéaires par morceaux et positives (voir [2], proposition 2.3.2, p. 614, et aussi infra, prop. 4.2) une majoration de la fonction
de la forme
où pour tout , la famille est une base de . D’après le lemme 3.1 ci-dessous, la fonction appartient à .
La fonction est donc absolument intégrable sur . C’est la transformée de Fourier de la fonction dont il est facile de voir qu’elle est intégrable sur tout sous-espace et donc aussi . La formule de Poisson s’applique (après un léger argument de régularisation) et s’écrit
Or, l’application identifie à , et à . Ainsi, on obtient
∎
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Soit un -espace vectoriel de dimension , une base de et la fonction . Alors, .
Proof.
Soit un sous-espace vectoriel de de dimension . Quitte à réordonner les indices, on peut supposer que est l’image d’une application linéaire de la forme . Si on réalise par son supplémentaire , la fonction est donnée par l’intégrale
Elle est dominée par l’intégrale convergente
et le théorème de convergence dominée implique alors que pour tout vecteur distinct de ,
Le lemme est ainsi démontré. ∎
\definame \the\smf@thm\pointrait
Soient un ouvert convexe de ayant pour point adhérent et un cône polyédral ouvert contenant .
Soit une famille de formes linéaires deux à deux non proportionnelles définissant les faces de .
On note l’ensemble des fonctions holomorphes telles qu’il existe un voisinage convexe de dans de sorte que la fonction définie par
admet un prolongement holomorphe -contrôlé dans .
Par le théorème d’extension de Bochner (voir par exemple [13]), une telle fonction s’étend en une fonction holomorphe sur le tube de base l’enveloppe convexe de . En particulier, il n’aurait pas été restrictif de prendre pour l’intersection du cône avec un voisinage convexe de dans .
On constate aussi que est nécessairement -contrôlée dans . Enfin, il est facile de vérifier que ne dépend pas du choix des formes linéaires qui définissent les faces de .
Si est un cône polyédral et si est un sous-espace vectoriel de tel que l’image de dans ne contient pas de droite, la proposition 3.1 implique donc que la fonction appartient à l’espace défini par la classe de contrôle .
Le théorème principal de cette section est le suivant.
\theoname \the\smf@thm\pointrait
Soit un sous-espace vectoriel muni d’une mesure de Lebesgue.
Soit l’intersection de avec un voisinage convexe de et soit . Soit un sous-espace vectoriel de , la projection , et .
Alors, la fonction appartient à .
Si de plus l’adhérence du cône ne contient pas de droite et si pour tout ,
alors pour tout ,
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Supposons de plus que est la restriction à d’une fonction holomorphe -contrôlée sur . Alors, la fonction sur est méromorphe dans un voisinage convexe de , ses pôles étant simples définis par les faces (de codimension ) de .
3.2 Démonstration du théorème
D’après le lemme 3.1, la fonction est holomorphe et -contrôlée sur . Le but est de montrer qu’elle y est la restriction d’une fonction méromorphe dont on contrôle les pôles et la croissance. La démonstration est fondée sur l’application successive du théorème des résidus pour obtenir le prolongement méromorphe. La définition des classes de contrôle est faite pour assurer l’intégrabilité ultérieure de chacun des termes obtenus.
Par récurrence, il suffit de démontrer le résultat lorsque . Soit un générateur de . Munissons la droite de la mesure de Lebesgue . Soit une famille de formes linéaires deux à deux non proportionnelles positives sur et dont les noyaux sont les faces de .
Soit un ouvert convexe et symétrique par rapport à l’origine, assez petit de sorte que pour tout et tout , et que la fonction
admette un prolongement holomorphe -contrôlé sur . L’intégrale à étudier est
On veut déplacer la droite d’intégration vers la gauche. Fixons tel que . Ainsi, si , appartient à pour tout et tout .
Notons , et les ensembles des tels que respectivement , et . Soit l’ensemble des tels que pour tout , .
Dans la bande , les pôles de la fonction holomorphe
sont ainsi donnés par
Le pôle est simple si et seulement si pour tout tel que ,
Comme et sont non proportionnelles, est une forme linéaire non nulle ; notons le complémentaire des hyperplans qu’elles définissent lorsque parcourent les éléments de .
Si et si , la formule des résidus pour le contour délimité par le rectangle , s’écrit
Lorsque , l’hypothèse que est -contrôlée et l’axiome (3.1,c) des classes de contrôles impliquent que ces deux dernières intégrales (sur les segments horizontaux du rectangle) tendent vers . De même, l’axiome (3.1,d) assure la convergence des deux premières intégrales vers les intégrales correspondantes de à .
Par suite, si , on a
(3.2.1) |
Il résulte alors des axiomes (3.1,e) et (3.1,d) des classes de contrôles que la fonction
(3.2.2) |
définie sur s’étend en une fonction holomorphe -contrôlée sur . En particulier, se prolonge méromorphiquement à et les pôles de sont donnés par une famille finie de formes linéaires. Le lemme suivant les interprète géométriquement.
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Les faces de sont les noyaux des formes linéaires deux à deux non proportionnelles sur et pour et .
De plus, si et , le noyau de rencontre .
Proof.
Un vecteur appartient à si et seulement si pour tout . Par suite, si et seulement si il existe tel que pour tout . Si , cette condition est exactement . Pour les autres , elle devient
d’où la première partie du lemme.
Pour la seconde, soit et deux éléments distincts de . Si le noyau de ne recontre pas , quitte à permuter et , on a
pour tout et cela contredit le fait que et définissent deux faces distinctes de . ∎
On sait que est holomorphe sur . Il résulte du lemme que les formes linéaires avec et sont des pôles apparents dès que . Les autres correspondent aux faces de !
Autrement dit, nous avons déjà prouvé que est la restriction à d’une fonction méromorphe dont les pôles (simples) sont donnés par les faces de . Montrons comment contrôler la croissance de dans les bandes verticales.
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Soit un espace vectoriel, un sous-espace vectoriel, un voisinage de dans . Soit une fonction holomorphe sur et soit une forme linéaire sur . Si la fonction est -contrôlée, est -contrôlée.
Proof.
Il faut montrer que est -contrôlée dans un voisinage de tout point de . Soit donc et un voisinage compact de contenu dans . Soit telle que pour tout et tout ,
Supposons d’abord que . Si , il existe un voisiange compact de où . Alors, pour tout et tout , on a
ce qui prouve que est -contrôlée dans .
Si , soit tel que , un voisinage compact de assez petit et tels que pour tout et tout , . La fonction est une fonction holomorphe sur le disque unité fermé . D’après le principe du maximum, on a donc pour tout ,
L’axiome (3.1,b) assure alors l’existence d’une fonction telle que pour tout ,
La fonction est donc -contrôlée dans un voisinage de . ∎
Il reste à démontrer que si pour tout , , alors
Comme , l’hypothèse se récrit
D’autre part, la formule (3.2.1) donne
Un vecteur non nul de ne peut appartenir qu’à au plus faces de et seuls les générateurs de appartiennent à faces. Comme est supposé n’être pas un générateur de , . Lorsque tend vers , on a donc
où le second membre ne dépend plus de . Comme on peut appliquer cette formule à , on obtient donc
Le théorème est ainsi démontré.
\remaname \the\smf@thm\pointrait
La démonstration s’adapte sans peine lorsque dépend uniformément de paramètres supplémentaires.
4 Variétés toriques
Dans ce paragraphe, nous montrons comment les raffinements analytiques du paragraphe 3 permettent de préciser le développement asymptotique obtenu par Batyrev–Tschinkel dans [4] pour la fonction zêta des hauteurs d’une variété torique. Les résultats techniques que nous rappelons à l’occasion seront réutilisés au paragraphe suivant, lorsque nous traiterons le cas d’une fibration en variétés toriques.
4.1 Préliminaires
Rappels adéliques
Notons le spectre de l’anneau des entiers de . Si est une place de , on définit la norme sur de la manière habituelle, comme le module associé à une mesure de Haar additive sur . En particulier, si est une uniformisante en une place finie , est l’inverse du cardinal du corps résiduel en .
Soit un tore déployé de dimension sur . Désignons par la collection de ses sous-groupes compacts maximaux aux places à l’infini et . Il nous faut faire quelques rappels sur la structure du groupe des caractères de . On a un homomorphisme de noyau fini , obtenu en associant à un caractère adélique son type à l’infini, c’est-à-dire sa restriction au sous-groupe de dont les composantes aux places finies sont triviales. En choisissant une norme sur , on obtient ainsi une “norme” sur .
Il existe enfin un homomorphisme , tel que l’image du caractère algébrique est le caractère adélique dont le type à l’infini s’identifie à sur chaque composante.
Le quotient est un -module de type fini et de rang (où , et désignant comme d’habitude les nombres de places réelles et complexes) et l’on peut fixer une décomposition , par exemple à l’aide d’un scindage de la suite exacte
(Rappelons que est supposé déployé.)
Rappels sur les variétés toriques
Notons , c’est un espace vectoriel sur de dimension finie . Considérons une compactification équivariante de , lisse sur . D’après la théorie des variétés toriques (cf. par exemple [14], [12]), est définie par un éventail complet et régulier de formé de cônes convexes simpliciaux rationnels. Il existe ainsi une famille (minimale) de vecteurs de telle que tout cône soit engendré par une sous-famille de cardinal . On note l’ensemble des cônes de de dimension .
L’espace vectoriel des fonctions continues dont la restriction à chaque cône de est linéaire est un espace vectoriel de dimension finie sur , d’ailleurs égale à ; munissons le d’une norme arbitraire. L’espace vectoriel est isomorphe à ; il possède une base canonique formée des fibrés en droites -linéarisés associés aux diviseurs -invariants sur . À chaque correspond un tel diviseur ; à un diviseur -invariant correspond l’unique fonction telle que . Dans cette description, le cône des diviseurs effectifs correspond simplement l’ensemble des éléments de dont les coordonnées vérifient pour tout . Plus généralement, on notera l’ensemble des éléments de tels que pour tout ; le cône ouvert est aussi noté et encore .
Cette base de et l’homomorphisme canonique induisent des sous-groupes à un paramètre , d’où, pour tout caractère , des caractères de , autrement dit des caractères de Hecke.
Les fibrés en droites sur seront systématiquement munis de leur métrique adélique canonique introduite notamment dans [2]. Cela nous fournit un homomorphisme canonique qui induit un homomorphisme
(4.1.1) |
On vérifie aisément, par exemple sur les formules données dans [2], que les sous-groupes compacts maximaux aux places archimédiennes agissent de manière isométrique. De plus, le choix d’une -linéarisation fournit une unique -droite de sections ne s’annulant pas sur , donc en particulier une fonction hauteur sur les points adéliques de comme dans la définition LABEL:hauteuradelique. Cette fonction s’étend en une application “bilinéaire”
(On a identifié et .)
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Soit et notons le caractère adélique qu’il définit. On a alors
Proof.
Par définition, est le fibré en droite trivial sur muni de la -linéarisation dans laquelle agit par multiplication par le caractère algébrique . Ainsi, la droite de sections rationnelles -invariante et ne s’annulant pas sur est engendrée par le caractère vu comme fonction rationnelle sur . La définition de implique que
Or,
∎
Mesures
Pour toute place de , on fixe une mesure de Haar sur . On suppose que pour presque toute place finie , la mesure du sous-groupe compact est égale à . Alors, est une mesure de Haar sur le groupe localement compact . On en déduit pour tout une mesure de Haar sur . Pour presque toute place finie , la mesure de est égale à ; définissons ainsi, si est une place finie, . On munit alors de la mesure
Remarquons que est le facteur local en la place finie de la fonction zêta de Dedekind du corps .
Tout -isomorphisme induit alors des mesures de Haar et sur pour toute place de , indépendantes de l’isomorphisme. On en déduit aussi une mesure de Haar sur .
D’autre part, le fibré canonique sur est métrisé. Peyre a montré dans [15] comment en déduire une mesure sur . Pour toute place , on dispose d’une mesure sur définie par la formule
si est un système arbitraire de coordonnées locales sur . Si l’on restreint la mesure à , on obtient donc
(4.1.2) |
désignant la fonction de telle que pour tout , ( correspond à la classe anticanonique).
Pour presque toute place finie , on a alors
La décomposition cellulaire des variétés toriques (point n’est besoin ici d’invoquer le théorème de Deligne sur les conjectures de Weil) implique alors que
Par suite, le produit infini
est convergent. Définissons une mesure sur par
si est finie et si est archimédienne. Ainsi, le produit infini converge et définit une mesure, dite mesure de Tamagawa sur . Le nombre de Tamagawa de est alors définie par
(4.1.3) |
\remaname \the\smf@thm\pointrait
La différence de formulation avec la définition que donne Peyre dans [15] n’est qu’apparente. Peyre a choisi la mesure sur de la façon suivante : si est une place finie, , si est une place réelle, est la mesure de Lebesgue usuelle sur et si est une place complexe, est le double de la mesure usuelle sur . Le volume de est alors égal à .
4.2 Transformations de Fourier
On s’intéresse à la transformée de Fourier de la fonction sur le groupe abélien localement compact . Rappelons qu’on a noté l’ensemble des tels que pour tout . Alors, si , la fonction est intégrable (cf. [19], § 3.4), si bien que la transformée de Fourier existe pour tout . Elle se décompose par construction en un produit , où
et sont les produits des intégrales locales (renormalisées) aux places finies et archimédiennes. (Les transformées de Fourier locales existent même dès que pour tout , .)
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Soit la partie convexe définie par pour tout . Il existe une fonction
holomorphe en telle que est bornée et telle que le produit des transformées de Fourier locales aux places non archimédiennes s’écrive, pour tout et tout
Proof.
Si est fixé, c’est la proposition 2.2.6 de [2]. Le fait que soit borné indépendamment de se déduit immédiatement de la preuve dans loc. cit. ∎
\coroname \the\smf@thm\pointrait
La fonction se prolonge en une fonction méromorphe pour . Plus précisément, le produit se prolonge en une fonction holomorphe dans et
si et seulement si .
Comme conséquence facile de l’estimation par Rademacher des valeurs des fonctions de Hecke pour les caractères non ramifiés, estimation qui repose sur le principe de Phragmén–Lindelöf, on obtient la majoration suivante :
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Pour tout , il existe et un réel tels que si ,
Passons maintenant aux places archimédiennes. La proposition suivante précise la proposition 2.3.2 de [2].
\propname \the\smf@thm\pointrait
Pour tout compact , il existe un réel telle que pour tout et tout , on ait la majoration
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Désignons par l’éventail dans . Si , désignons par la fonction définie par . Pour tout compact de contenu dans , il existe une constante telle que pour tout et tout décomposé sous la forme , on ait
Proof.
Si l’on note la décomposition de à l’infini, on remarque que
Il suffit alors d’appliquer la proposition précédente. ∎
Preuve de la proposition 4.2.
Il faut estimer
Soit un cône de base . Si désigne la mesure du parralèlotope de base les , on a
(4.2.1) |
Ainsi, on a
(4.2.2) |
D’autre part, supposons que , on peut intégrer par parties et écrire
(4.2.3) |
En combinant les égalités (4.2.2) et (4.2.3) pour tous les indices tels que , on obtient une majoration
Finalement, comme , on a une estimation
et la proposition s’en déduit. ∎
4.3 Définition d’une classe de contrôle
Soit un réel strictement positif. Si et sont deux -espaces vectoriels de dimension finie avec , notons le sous-monoïde de engendré par les fonctions telles que pour tout , il existe , et une famille de formes linéaires sur vérifiant :
-
•
la famille forme une base de ;
-
•
pour tout et tout , on a
(4.3.1)
Notons alors .
\propname \the\smf@thm\pointrait
Les définissent une classe de contrôle au sens de la définition 3.1.
La preuve de cette proposition consiste en une série d’inégalités faciles mais techniques. Nous la repoussons à l’appendice B.
4.4 La fonction zêta des hauteurs et la formule de Poisson
On s’intéresse fonction zêta des hauteurs de restreinte à l’ouvert dense formé par le tore ; c’est par définition la série génératrice
quand elle converge. Des théorèmes taubériens standard (voir l’appendice) permettront de déduire de résultats analytiques sur un développement asymptotique du nombre de points de hauteur bornée
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Lorsque décrit un compact de , la fonction zêta des hauteurs converge uniformémént en . Plus généralement, la série
converge absolument uniformément lorsque décrit un compact de et un compact de .
Proof.
Par conséquent, on peut appliquer la formule sommatoire de Poisson sur le tore adélique pour le sous-groupe discret . Compte tenu de l’invariance de l’accouplement de hauteurs par le sous-groupe compact maximal de , on en déduit la formule
(4.4.1) |
où est la mesure de Haar sur le groupe des caractères unitaires continus sur le groupe duale de la mesure de comptage sur .
Rappelons que l’on a décomposé le groupe , où est un groupe discret. De plus, si ,
si bien que
où est la mesure de Lebesgue sur telle que , étant la mesure de comptage sur .
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Si est la mesure de Lebesgue sur définie par le réseau , on a
Proof.
Par multiplicativité, il suffit de traiter le cas et . Notons le sous-groupe de formé des tels que . La suite exacte
permet de munir de la mesure de Haar telle que . La suite exacte duale
et la discrétude du groupe des caractères de permet de munir de le mesure . Avec ces normalisations, la constante devant la formule de Poisson est . Compte tenu des normalisations choisies, le théorème classique selon lequel , cf. par exemple [20], p. 116, devient
d’où le lemme. ∎
Soit . On décale la fonction zêta des hauteurs de : si ,
Soit la fonction définie par la série
de sorte que si ,
(4.4.2) |
\propname \the\smf@thm\pointrait
Si , la fonction appartient à l’espace défini par la classe de contrôle du paragraphe 4.3.
De plus, pour tout ,
le nombre de Tamagawa de .
Proof.
On a vu que l’on pouvait écrire
Par suite, la fonction
admet un prolongement holomorphe pour .
De plus, il résulte des corollaires 4.2 et 4.2 que pour tout , il existe tel que si pour tout on a , alors
formule dans laquelle désigne l’image de par l’homomorphisme de noyau fini “type à l’infini” . Ainsi, on obtient un prolongement holomorphe de la fonction pour si l’on prouve que pour tout , la série
converge localement uniformément en si . Fixons . Alors, lorsque , les formes linéaires forment une base de . Il est facile de remplacer la sommation sur le sous-groupe discret par une intégrale sur l’espace vectoriel qu’il engendre, lequel est d’ailleurs un supplémentaire de envoyé diagonalement dans . La convergence est alors une conséquence de la proposition B.
Pour obtenir l’assertion sur la croissance de , il faut montrer que si , est un compact de , et , on a une majoration
où parcourt un ensemble fini et où pour tout , est une base de . Il nous faut récrire un peu différemment la majoration de obtenue ci-dessus en remarquant que si la forme des transformées de Fourier aux places finies fournit le prolongement méromorphe, la convergence de la série provient, elle, des estimations archimédiennes. On écrit ainsi
et donc
Par suite,
où est défini par la série
On a la majoration
et comme précédemment, on remplace la sommation sur le sous-groupe discret par l’intégrale sur l’espace vectoriel qu’il engendre. La proposition B fournit alors pour tout une estimation
où est une base de et l’élément de qui coïncide avec sur le cône de l’éventail . L’application est une forme linéaire sur . On a ainsi
Comme on peut prendre et arbitrairement petits, la contrôlabilité est établie.
Il reste à calculer la limite quand par valeurs supérieures de . Le cône est simplicial et
Ainsi,
D’après ce qui précède, la série qui définit converge uniformément pour ; cela permet de permuter sommation et limite, si bien que
En écrivant,
on voit que la limite est nulle si l’un des (car une des fonctions n’a pas de pôle en , les autres ont au plus un pôle simple). Étudions maintenant le cas . Utilisant la formule (4.1.2), il vient
C’est un produit eulérien absolument convergent pour , d’où un prolongement par continuité en , de valeur
en vertu de la définition (4.1.3) de la mesure de Tamagawa de . Ainsi,
Finalement, on a donc
ainsi qu’il fallait démontrer. ∎
\theoname \the\smf@thm\pointrait
La fonction zêta des hauteurs (décalée)
converge localement uniformément sur le tube et définit une fonction holomorphe sur . Si et si désigne la classe de contrôle introduite au sous-paragraphe 4.3, elle appartient à l’espace (défini en 3.1) des fonctions méromorphes -contrôlées dont les pôles sont simples et donnés par les faces du cône .
De plus, pour tout ,
En spécialisant la fonction zêta des hauteurs à la droite qui correspond au fibré en droite anticanonique, on obtient le corollaire:
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Si , il existe , une fonction holomorphe pour telle que
-
(i)
;
-
(ii)
Pour tout et tout , ;
-
(iii)
Pour tout et tout , .
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Si désigne le rang de , il existe un polynôme unitaire de degré et un réel tels que pour tout ,
Lorsque et lorsque la variété torique est projective et telle que est engendré par ses sections globales, ce corollaire avait été démontré précédemment par R. de la Bretèche. Sa méthode est différente ; elle est fondée sur le travail de P. Salberger [18] et une étude fine des sommes de fonctions arithmétiques en plusieurs variables (voir [7, 6] et [8] pour un cas particulier).
5 Application aux fibrations en variétés toriques
5.1 Holomorphie
Soit un -schéma projectif et plat. Soit un -torseur, et notons l’homomorphisme de fonctorialité des torseurs. Fixons un relèvement de cet homomorphisme (c’est-à-dire, un choix de métriques hermitiennes à l’infini sur les images d’une base de , prolongés par multiplicativité à l’image de ).
Donnons nous une -variété torique lisse , compactification équivariante de . Soit le -schéma obtenu par les constructions du § LABEL:constructions.
On obtient alors un diagramme canonique, qui provient des propositions LABEL:prop:iota-eta, LABEL:prop:hat-iota-eta, du théorème LABEL:theo:picard et de l’oubli des métriques hermitiennes :
(5.1.1) |
Le schéma contient comme ouvert dense. On s’intéresse à la fonction zêta des hauteurs de . Lorsque , notons l’image de par l’homomorphisme (4.1.1). Si de plus , on notera enfin
\propname \the\smf@thm\pointrait
Soient une partie convexe telle que converge normalement si la partie réelle de appartient à .
Alors, la fonction zêta des hauteurs de converge absolument pour tout tel que la partie réelle de appartient à et la partie réelle de appartient à . La convergence est de plus uniforme si la partie la partie réelle de décrit un compact de .
Proof.
On peut décomposer la fonction zêta des hauteurs de en écrivant
(5.1.2) |
D’après la remarque LABEL:rema:torsion-torique, le fibré inversible admet une section -invariante qui n’a ni pôles ni zéros sur l’ouvert . En utilisant cette section, on obtient, en vertu du théorème LABEL:theo:comp-torsarith et de la proposition LABEL:prop:comp-tordue une égalité
(5.1.3) |
où représente la classe du -torseur arithmétique . On rappelle que si , on a une expression de la hauteur en produit de hauteurs locales
On peut appliquer la formule sommatoire de Poisson sur le tore adélique , d’où, en utilisant l’invariance des hauteurs locales par les sous-groupes compacts maximaux,
(5.1.4) |
où l’intégration est sur le groupe des caractères (unitaires continus) du groupe localement compact , muni de son unique mesure de Haar qui permet cette formule.
L’utilisation de la formule de Poisson est justifiée par le fait que les deux membres convergent absolument. La série du membre de gauche est traitée dans [4], Theorem 4.2, lorsque , c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de torsion. Comme il existe une constante ne dépendant que de et telle que
et comme , la convergence absolue du membre de gauche en résulte. (Voir aussi le lemme 4.4.) Quant à l’intégrale du membre de droite, on peut négliger le caractère dont la valeur absolue est et on retrouve une intégrale dont la convergence absolue est prouvée dans [4] (preuve du théorème 4.4). Cela prouve aussi que lorsque décrit un compact de , la fonction zêta des hauteurs de la fibre en est bornée indépendamment de .
En reportant cette majoration dans la décomposition (5.1.2), il en résulte la convergence absolue de la fonction zêta des hauteurs de lorsque la partie réelle de appartient à et appartient à , uniformément lorsque décrit un compact de ce cône. ∎
Dans [9], définition LABEL:defi:LArakelov, on a défini la notion de fonction d’Arakelov attachée à un torseur arithmétique et à une fonction sur un espace adélique. Appliquée au -torseur arithmétique sur défini par et à la fonction , la définition devient
(On a utilisé le fait que est la classe du -torseur arithmétique .)
Un corollaire de la démonstration de la proposition précédente est alors le suivant :
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Sous les hypothèses de la proposition 5.1, on a la formule
Proof.
Cette dernière formule est le point de départ pour établir, moyennant des hypothèses supplémentaires sur , un prolongement méromorphe de la fonction zêta des hauteurs de .
5.2 Prolongement méromorphe
Fixons une section de l’homomorphisme canonique , autrement dit un choix de fonctions hauteurs compatible au produit tensoriel, ce que Peyre appelle système de hauteurs dans [17], 2.2. Concernant , on utilise toujours les métriques adéliques canoniques utilisées au paragraphe 4. Ainsi, on écrira et , les chapeaux devenant inutiles. L’application est supposée être la composée de l’application donnée par la restriction du torseur à la fibre générique, et de la section fixée.
Ces restrictions ne sont pas vraiment essentielles mais simplifient beaucoup les notations.
Notons , , et . Soient et les cônes ouverts, intérieurs des cônes effectifs dans et . L’espace vectoriel possède une base naturelle, formée des fibrés en droites -linéarisés associés aux diviseurs -invariants sur . Dans cette base, le cône est simplement l’ensemble des strictement positifs.
On note l’application linéaire déduite de et . Notons . Les théorèmes LABEL:theo:picard et LABEL:theo:effectif identifient à , et l’intérieur du cône effectif de à l’image de par la projection . Si est muni de sa -linéarisation canonique, la proposition LABEL:prop:canonique dit que est l’image du couple par cette même projection.
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
On note que est un groupe discret et que la mesure est donc proportionnelle à la mesure de comptage.
Proof.
Si s’écrit dans , on remarque que l’on a les égalités
et
car (lemme 4.1)
On utilise ensuite le théorème de Fubini. ∎
On utilise enfin les notations du § 3.
Hypothèses \the\smf@thm\pointrait
On fait les hypothèses suivantes :
-
•
le cône est un cône polyédral (de type fini). Notons les formes linéaires définissant ses faces ;
-
•
la fonction zêta des hauteurs de converge localement normalement pour ;
-
•
il existe un voisinage convexe de l’origine dans et pour tout caractère une fonction holomorphe sur le tube tels que, si ,
-
•
il existe un réel strictement positif tel que pour tout , les fonctions vérifient une majoration uniforme
pour un réel et une constante ;
-
•
si désigne le nombre de Tamagawa de , pour tout appartenant à ,
\remaname \the\smf@thm\pointrait
Dans le cas où est une variété de drapeaux généralisée, ces hypothèses correspondent à des énoncés sur les séries d’Eisenstein tordues par des caractères de Hecke. Ils sont établis dans [19].
Dans la suite, on travaille avec les classes de contrôle introduites au paragraphe 4.3.
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Sous les hypothèses précédentes, pour tout réel , la fonction appartient à , pour la classe .
Proof.
Il suffit de reprendre la démonstration de la proposition 4.4, d’y insérer les majorations que nous avons supposées et de majorer
∎
Grâce au théorème d’analyse 3.1, on en déduit un prolongement méromorphe pour la fonction zêta des hauteurs de .
\theoname \the\smf@thm\pointrait
La fonction zêta des hauteurs décalée de admet un prolongement méromorphe dans un voisinage de dans . Cette fonction a des pôles simples donnés par les équations des faces de . De plus, si ,
le nombre de Tamagawa de .
Proof.
Le seul point qui n’a pas été rappelé est que le nombre de Tamagawa est est le produit de ceux de et ([9], théorème 2.5.5). ∎
\coroname \the\smf@thm\pointrait
Il existe et un polynôme tels que le nombre de points de dont la hauteur anticanonique est inférieure ou égale à vérifie un développement asymptotique
lorsque tend vers . Le degré de est égal au rang de moins et son coefficient dominant vaut
Appendix A Un théorème taubérien
Le but de ce paragraphe est de démontrer un théorème taubérien dont la preuve nous a été communiquée par P. Etingof. Ce théorème est certainement bien connu des experts mais que nous n’avons pu le trouver sous cette forme dans la littérature.
\theoname \the\smf@thm\pointrait
Soient une suite croissante de réels strictement positifs, une suite de réels positifs et la série de Dirichlet
On fait les hypothèses suivantes :
-
•
la série définissant converge dans un demi-plan ;
-
•
elle admet un prolongement méromorphe dans un demi-plan ;
-
•
dans ce domaine, elle possède un unique pôle en , de multiplicité . On note ;
-
•
enfin, il existe un réel de sorte que l’on ait pour l’estimation,
Alors il existe un polynôme unitaire de degré tel que pour tout , on ait, lorsque tend vers ,
On introduit pour tout entier la fonction
de sorte que .
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Sous les hypothèses du théorème A, il existe pour tout entier un polynôme de degré et de coefficient dominant tel que pour tout , on ait l’estimation, lorsque tend vers ,
Proof.
Soit arbitraire. On remarque, en vertu de l’intégrale classique
que l’on a la formule
l’intégrale étant absolument convergente puisque .
On veut décaler le coutour d’intégration vers la droite verticale , où est un réel arbitraire tel que . Dans le rectangle , , il y a un unique pôle en . Le résidu y vaut
où est un polynôme unitaire de degré . Il en résulte que
où et sont les intégrales sur les segments horizontaux (orientés de la gauche vers la droite). Lorsque tend vers , ces intégrales sont et tendent donc vers . Les hypothèses sur et le fait que montrent que est absolument intégrable sur la droite , l’intégrale étant majorée par . Par conséquent, on a
Le lemme est ainsi démontré. ∎
Preuve du théorème.
On va démontrer par récurrence descendante que la conclusion du lemme précédent vaut en fait pour tout entier . Arrivés à , le théorème sera prouvé. Montrons donc comment passer de à .
Pour tout , on a facilement l’inégalité
Fixons un réel tel que . D’après le lemme précédent, il existe un réel tel que
On constate que l’on a alors, si ,
où
si tend vers et . Toujours lorsque et , on a
Prenons où est choisi de sorte que . Alors, lorsque , et
On a alors un développement
Le coefficient dominant de est égal à d’où le théorème par récurrence descendante. ∎
Appendix B Démonstration de quelques inégalités
Le but de cet appendice est de démontrer les inégalités sous-jacentes à la proposition 4.3 qui affirmait l’existence d’une classe de contrôle.
Rappelons les notations.
Soit un réel strictement positif. Si et sont deux -espaces vectoriels de dimension finie avec , notons le sous-monoïde de engendré par les fonctions telles qu’il existe et une famille de formes linéaires sur vérifiant :
-
•
la famille forme une base de ;
-
•
pour tout et tout , on a
(B.1)
On définit ensuite .
\theoname \the\smf@thm\pointrait
Les définissent une classe de contrôle au sens de la définition 3.1.
Proof.
\propname \the\smf@thm\pointrait
Soient , un supplémentaire de dans , une mesure de Lebesgue sur , une base de . Pour tout , il existe une constante et un ensemble de bases de tels que pour tous et ,
Proof.
On raisonne par récurrence sur . Soient , tels que et fixons une mesure de Lebesgue sur telle que . Alors,
et, en appliquant le lemme B ci-dessous, | |||
∎
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
On a une majoration, valable pour tous réels et tout ,
où pour tout et tout , de sorte que pour tout , notant la base canonique de , les familles sont libres.
Proof.
On découpe l’intégrale en , , …, et on majore chaque terme.
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
On a une majoration, valable pour tout et tout ,
Il reste à démontrer ce lemme. Pour cela, on a besoin de deux lemmes supplémentaires !
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Pour tous et et tous tels que ,
Proof.
On ne traite que le cas , l’autre étant symétrique et le cas élémentaire. Faisons le changement de variables , d’où . Pour , . Lorsque , . Ainsi, l’intégrale vaut
Si , on majore l’intégrale par
puisque .
Lorsque , . On minore par lorsque et par lorsque , d’où les inégalités
De plus, , si bien que
Le lemme est donc démontré. ∎
\lemmname \the\smf@thm\pointrait
Si , , on a
Proof.
On fait le changement de variables , soit . Ainsi, l’intégrale vaut
Si , , donc et l’intégrale vérifie
Si , on découpe l’intégrale de à et de à .
Finalement,
ainsi qu’il fallait démontrer. ∎
References
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