THESE
présentée par
Pierre Martinetti
pour obtenir le grade de docteur de
l’université de Provence, spécialité
physique des particules, physique
mathématique et modélisation.
DISTANCES EN GÉOMÉTRIE NON
COMMUTATIVE
Soutenue le 1er octobre 2001, devant un jury composé de
J. M. Gracia-Bondia |
B. Iochum (directeur de thèse) |
F. Lizzi (rapporteur) |
J. Madore (rapporteur) |
C. Rovelli (président) |
T. Schücker |
Remerciements
Je tiens à remercier toute l’équipe de géométrie non
commutative de Luminy, particulièrement mon directeur de
thèse Bruno Iochum, Thomas Schücker pour de nombreuses
discussions et conseils, Serge Lazzarini, Daniel Kastler et mon
compagnon de bureau Florian Girelli.
Je remercie également les membres du jury d’avoir accepté
d’évaluer ce travail, notamment les rapporteurs John Madore et
Fedele Lizzi, les personnes venant de loin, comme Jose Gracia
Bondia, et Carlo Rovelli pour avoir assumé la lourde tâche de
président.
Ma gratitude va également à tous les membres du centre de
physique théorique, en mentionnant Dolly pour sa patience dans
la restitution des livres empruntés.
Enfin une mention spéciale pour Thomas Krajewski et Denis Perrot pour leur précieuse aide sans laquelle ce travail aurait abouti beaucoup plus difficilement…
Introduction
La géométrie de notre espace pose problème en physique car il n’en existe pas une description unique. Dans l’esprit de la relativité générale, l’espace et le temps forment un objet quadridimensionel dont la courbure est donnée par la distribution de masse. Quand un objet massif se déplace, la courbure change; la géométrie est un objet dynamique. Au contraire la mécanique quantique, et plus généralement la théorie quantique des champs, suppose la donnée a priori d’un espace dans lequel évoluent des champs. Pour reprendre une image de [?], la théorie des champs prend l’espace pour scène, alors qu’en relativité la scène elle-même participe à l’action. La contradiction est d’autant plus flagrante que chacune de ces théories est valide et vérifiée avec précision dans son domaine d’application: la gravitation pour la relativité; les interactions électromagnétiques, faibles et fortes pour la théorie quantique des champs. Cette double approche de la géométrie n’est pas forcément scandaleuse. Rien n’interdit à deux descriptions de cohabiter, tant que la cohabitation est harmonieuse. Mais les phénomènes qui relèvent à la fois de la mécanique quantique et de la gravitation, comme le tout début de l’univers dans la théorie du big-bang, ou l’effondrement gravitationel d’une étoile passée une certaine échelle, brisent cette harmonie. L’hypothèse répandue au jour d’aujourd’hui est, qu’à tout petite échelle, aucune des descriptions géométriques classiques n’est valable. La structure géométrique intime de l’espace-temps n’est pas connue. Et la mécanique quantique suggère que l’hypothèse du continu n’est pas justifiée. On estime que cette structure intime devrait être visible à des échelles de l’ordre de . C’est la longueur de Planck obtenue par combinaison des constantes fondamentales (constante de Newton), (vitesse de la lumière), (constante de Planck). La géométrie non commutative?, en étendant les concepts géométriques usuels de manière compatible à la fois avec la relativité générale et avec la mécanique quantique, propose des outils mathématiques pour appréhender la géométrie à cette échelle.
Pour l’heure bien entendu, aucune théorie ne décrit l’univers à cet ordre de précision. Parmi les candidats au titre de théorie de la gravitation quantique, aucun n’a jusqu’à présent franchi avec succès le cap de la vérification expérimentale. Une approche naturelle consiste à quantifier le champ gravitationel comme les autres champs, mais la théorie obtenue est non renormalisable, c’est à dire sans intérêt physique. Néamoins cette optique, amener la relativité à la théorie des champs, reste valable et a suscité (et suscite) des travaux considérables qui, dans les raffinements les plus récents, aboutissent à la théorie des cordes et la supersymétrie. L’unification est obtenue mais aux prix d’hypothèses physiques fortes: l’espace temps est à 11 dimensions et il existe deux fois plus de particules que celles connues jusqu’à présent (à chaque particule connue correspond un partenaire supersymétrique). Pour l’instant, aucune de ces hypothèses n’a été vérifiée. Plutôt que de vouloir traiter la relativité comme une théorie des champs, une autre approche consiste à ne pas oublier l’élément essentiel de la relativité, à savoir le caractère dynamique de la géométrie. En clair, il s’agit d’affranchir la théorie quantique des champs d’un espace donnée a priori. On parle de théorie des champs ”background independant”, telle que la ”loop quantum gravity”?. Malheureusement, pour l’instant, cette théorie ne propose pas de tests expérimentaux.
Le problème récurrent est que la théorie quantique des champs n’est pas parfaitement comprise. Autant la relativité générale a une interprétation géométrique simple, autant ce que dit la mécanique quantique de la géométrie nécessite des éclaircissements. Comment définir en effet un point de l’espace en mécanique quantique ? Ou plus exactement comment donner une signification physique à la notion de point ? Une manière simple consiste à appeler point l’endroit occupé par une particule à un instant donné. Mais à supposer que l’on connaisse avec précision un point, les relations d’incertitude de Heisenberg indiquent que l’on ne peut connaître avec précision la position de la particule à un autre instant. Autrement dit, si une particule permet de définir un point, elle ne permet pas d’en définir un autre. Bien sur, on peut considérer plusieurs particules au même instant dont on connait les positions avec précision, et on définit ainsi plusieurs points. Mais pour savoir comment ces points s’arrangent les uns par rapport aux autres, pour faire la géométrie, il faut pouvoir mesurer des distances. Pour ce faire, il faut qu’un même objet, par exemple l’une des particules, occupe à un instant donné le point , et à un autre instant le point . Connaissant sa vitesse, on mesure son temps de vol et l’on en déduit la distance. Mais plus on saura avec précision que la particule occupe le point à l’instant , moins on pourra être sur qu’elle occupe le point à l’instant suivant. La solution suggérée par la mécanique quantique est de raisonner sur des valeurs moyennes. Le point est défini comme la valeur moyenne à un instant donné de l’observable position appliquée sur l’état représentant la particule. En adoptant cette définition, on opère un changement de point de vue important: le point n’est plus défini en tant qu’objet abstrait de la géométrie (tel qu’on l’apprend à l’école: ”un point n’a pas d’épaisseur, une ligne est un ensemble infini de points”), c’est un objet algébrique, la valeur moyenne d’un opérateur sur un état.
Or les mathématiciens savent traduire en langage algébrique les propriétés géométriques d’un espace. Plus précisément, les propriétés géométriques (essentiellement la topologie, la mesure et la métrique) d’un espace ont une traduction algébrique dans l’ensemble des fonctions, à valeur complexe, définies sur cet espace. Par exemple, la distance entre deux points est la longueur du plus court chemin reliant à . Mais c’est aussi le suprémum, parmi toutes les fonctions dont la dérivée (en valeur absolue) est toujours inférieure à , du module de la différence . Ceci se vérifie sans difficulté sur un exemple simple. Choisissons comme espace la droite réelle. La fonction définie sur par a une dérivée constante , et on a bien Si une fonction est telle que , alors par le théorème de la valeur intermédiaire il existe nécessairement un réel tel que . On voit ainsi que les deux définitions de la distance, l’une comme plus court chemin, l’autre comme supremum d’une différence d’observables, coïncident.
Cet exemple élémentaire illustre comment faire de la géométrie de manière algébrique. Ainsi qu’on le rappelle
longuement dans le premier chapitre, la géométrie au sens
usuel est commutative, c’est à dire que son expression algébrique a pour cadre la théorie des algèbres commutatives.
L’idée est que la géométrie ayant pour cadre les algèbres
non commutatives (dont le principal artisan est le mathématicien A. Connes?) permet d’accéder aux
espaces dans lesquels des phénomènes physiques trouvent une
interprétation géométrique qu’ils n’avaient pas jusque
là. Par exemple le champ de Higgs (cf. chapitre 4) apparait
comme le coefficient d’une métrique dans une dimension
supplémentaire, discrète, qui rend compte des degrés de
liberté internes (spin ou isospin) d’une particule. Plus
généralement, l’espoir est que si cette interprétation
géométrique est suffisamment riche, elle pourrait ouvrir la
voie à une unification, via la géométrie, de la
relativité générale et de la théorie quantique des champs.
Une algèbre est un ensemble muni d’une loi d’addition et de multiplication par un scalaire, sur lequel est défini en outre une multiplication. Dans l’ensemble des fonctions à valeur complexe sur un espace, ces lois sont définies point par point. Pour la multiplication par exemple, si et sont deux fonctions sur un espace , alors
Parce que le produit de deux nombres complexes est commutatif, le produit de deux fonctions est commutatif, c’est à dire que l’algèbre des fonctions sur un espace est commutative. Inversement, étant donnée une algèbre commutative , on sait construire (construction de Gelfand-Naimark-Segal) un espace tel que soit l’algèbre des fonctions (continues) sur . Ainsi il est équivalent de se donner un espace ou une algèbre commutative: les propriétés géométriques d’un espace ont une traduction dans l’algèbre des fonctions sur cet espace, et inversement les propriétés algébriques d’une algèbre commutative ont une traduction dans l’espace associé par la construction GNS:
La question naturelle est
Naturellement, on ne saurait construire un espace tel qu’une
algèbre non commutative soit son algèbre de fonctions,
puisque l’algèbre des fonctions sur un espace est nécessairement commutative. La géométrie non commutative est
une adaptation du dictionnaire qui permet de passer ”d’algèbre
commutative” à ”espace” en remplacant, partout où il y a
lieu, le mot commutatif par non commutatif. Evidemment les choses
ne sont pas si simples. Abandonner la commutativité implique de
profonds changements dans les définitions du dictionnaire, et
requiert même la création de notions nouvelles. Ce sont
d’ailleurs les plus intéressantes parce qu’elles traduisent
des effets qui n’ont pas d’équivalent dans le langage
commutatif.
La définition de cet ”espace non commutatif” est l’objet du chapitre . L’accent est mis sur l’aspect métrique de ces espaces, à travers la formule définissant la distance entre deux états , (les définitions sont discutées longuement dans le premier chapitre) d’une algèbre ,
où est l’opérateur de Dirac agissant sur un espace de Hilbert support d’une représentation de l’algèbre. Des propriétés générales de cette formule sont mises en évidence, ainsi que d’importantes simplifications quand est une algèbre de von Neumann, en particulier l’invariance de la distance par projection (proposition 1.30).
Dans le deuxième chapitre, la formule de la distance est étudiée pour des algèbres de dimension finie. On trouve que le cas le plus simple, représentée sur , n’est plus résoluble explicitement dès . Deux cas particuliers de géométrie avec - quelconque - sont étudiés, ainsi que exemples avec des algèbres de matrices. Le cas permet notamment de munir la sphère d’une métrique.
Dans le troisième chapitre, on étudie la distance pour des géométries obtenues par produit de l’espace-temps riemannien avec une géométrie discrète. Des conditions sont établies garantissant que l’espace discret soit orthogonal, au sens du théorème de Pythagore, à l’espace continu. On obtient ainsi une description complète de la métrique pour un exemple de base de la géométrie non commutative, le modèle à deux couches. On montre également en toute généralité que la métrique d’une géométrie n’est pas perturbée quand on réalise son produit avec une autre géométrie.
Le dernier chapitre étudie l’évolution de la métrique lorsque la géométrie est perturbée par des champs de jauge. En se limitant à la partie scalaire de ces champs, on calcule les distances dans la géométrie du modèle standard. Il apparait alors que le champ de Higgs est le coefficient d’une métrique riemannienne dans un espace de dimension (continues) (discrète).
L’appendice contient des résultats techniques intermédiaires,
isolés afin de ne pas alourdir le corps du texte.
On emploie la convention d’Einstein de sommation sur des indices répétés, uniquement en position alternée (haut-bas).
Chapitre 1 Espace non commutatif
Avant de préciser ce qu’est un espace non commutatif, il n’est pas inutile de rappeler en quoi un espace géométrique, au sens usuel, est un espace commutatif. C’est une bonne manière de présenter des résultats fondamentaux comme le th eorème de Gelfand ou la construction GNS et d’introduire définitions et propriétés dont nous ferons un usage intensif par la suite. On trouvera les démonstrations dans des traités d’algèbres d’opérateurs tels que [?,?,?] ou dans [?] pour un traitement plus orienté vers la géométrie non commutative.
I Topologie de l’espace non commutatif
I.1 Espace commutatif
Au sens le plus élémentaire, faire de la géométrie c’est être capable de déterminer si deux éléments sont voisins l’un de l’autre. C’est en effet sous cette condition qu’un ensemble prend le nom d’espace. Mathématiquement, il s’agit de munir un ensemble d’une topologie, c’est à dire de définir la notion de sous-ensemble ouvert (d’où celle de fonction continue). Quand la topologie est suffisamment fine pour distinguer les points, est dit séparé (ou Hausdorff). est compact signifie que de tout recouvrement infini d’ouverts - - on peut extraire un recouvrement fini. On observe alors que l’ensemble des fonctions à valeur complexe continues sur est une algèbre complexe commutative qui, en tant qu’espace vectoriel, est complète pour la métrique induite par la norme
(1.1) |
( est un espace de Banach). En tant qu’algèbre est munie d’une involution ∗ naturelle héritée de la conjugaison complexe ainsi que d’une unité (la fonction constante ). La norme vérifie
( une algèbre de Banach) ainsi que
(1.2) |
( est une -algèbre). A tout espace topologique compact se trouve donc associée de manière canonique une -algèbre complexe commutative avec unité. Lorsque est seulement localement compact (tout point possède un voisinage compact), l’ensemble des fonctions continues est trop grand pour permettre de retrouver l’information topologique de l’espace. On lui préfère la -algèbre (sans unité) des fonctions continues s’annulant à l’infini.
Réciproquement, à toute -algèbre complexe commutative correspond l’espace localement compact (pour la topologie *faible, cf. paragraphe I.I.3) des caractères de . Un caractère est un homomorphisme d’algèbre (nécessairement surjectif)
Soulignons plusieurs propriétés (1.3,1.4,1.6,1.7) des caractères, simples mais essentielles en ceci qu’elles constituent le pivot de la généralisation au cas non commutatif. Tout d’abord lorsque possède une unité , d’où
(1.3) |
Il s’en suit qu’un élément inversible ne peut avoir pour image zéro; donc n’est pas inversible. Autrement dit, pour tout caractère et tout de ,
(1.4) |
ou , le spectre de , est l’ensemble des valeurs telles que n’est pas inversible. Ensuite, sachant que pour tout élément d’une -algèbre complexe
(1.5) |
l’égalité étant atteinte pour les éléments normaux (), on observe que
(1.6) |
Enfin, on montre qu’un caractère évalué sur un élément autoadjoint a valeur dans . En décomposant tout en éléments autoadjoints, avec et , il apparait qu’un caractère préserve l’involution
(1.7) |
Une forme linéaire de ce type est dite involutive.
A l’aide de ces propriétés, on établit (théorème de Gelfand) que la transformation qui à tout associe l’application ,
est un *isomorphisme isométrique (i.e. préservant
l’involution et la norme) de dans Lorsque
est munie d’une unité, est compact et est
*isomorphe à l’ensemble des fonctions continues sur .
Quand une algèbre n’a pas d’unité, on peut toujours lui en
adjoindre une en considérant l’algèbre augmentée. On
suppose donc dorénavant, sauf mention contraire, que les
algèbres ont une unité . Avec cette
convention, le théorème de Gelfand signifie que toute
-algèbre complexe commutative peut-être vue comme
l’algèbre des fonctions continues sur son espace des
caractères.
Ainsi à toute -algèbre complexe commutative est associé un espace compact , tandis qu’à tout espace compact est associé une *algèbre commutative . Le théorème de Gelfand assure que
A l’inverse on montre que l’espace des caractères de n’est autre que ,
Dans un langage plus rigoureux?, la catégorie des -algèbres commutatives complexes avec unité est équivalente à la catégorie (opposée) des espaces compacts. Sans entrer dans le détail du langage des catégories, soulignons l’importante conséquence de cette équivalence:
Proposition 1.1.
Deux -algèbre complexes commutatives sont isomorphes si et seulement si leurs espaces de caractères sont homéomorphes.
De manière plus générale, toute l’information topologique d’un espace compact est contenue dans . Soulignons que ceci reste vraie pour l’algèbre des fonctions lisses sur une variété compacte : bien que ne soit pas une -algèbre mais seulement une sous-algèbre dense de , tout caractère de s’identifie à un point de . Deux points de vue sont possibles; classiquement on prend les points comme objet premier et on interprète les résultats de l’expérience comme des évaluations d’observables sur ces points, ou bien on considère les observables comme premières et les points sont, par définition, les objets évaluant les observables. Quand l’espace peut être munie d’une topologie, c’est à dire quand les observables (vues comme fonctions continues) commutent, ces deux points de vue sont équivalents,
et les points sont les caractères de l’algèbre des observables. Mais en mécanique quantique la partie droite de l’équation, l’évaluation d’une observable en un point, est mal définie. En revanche l’ensemble des observables est bien défini et c’est une algèbre non commutative. Pour donner sens à la partie gauche de l’équation, il suffit de trouver l’objet équivalent au caractère pour une algèbre non commutative.
I.2 Construction GNS
Lorsque est une -algèbre complexe non commutative, ses caractères ne forment pas un ensemble localement compact. Ils ne sont d’ailleurs pas intéressants en regard de la non commutativité puisqu’un caractère, par nature, identifie à ( a pour image zero). Néammoins, à la lumière du théorème de Gelfand, les -algèbres non commutatives sont le candidat idéal pour jouer le rôle d’algèbre des fonctions d’un ”espace non commutatif”. En tant qu’ensemble, cet espace est composé des formes linéaires sur l’algèbre qui vérifient les propriétés des caractères, exceptées celles ayant trait à la commutativité (à savoir la multiplicativité:
Définition 1.2.
Un état sur une -algèbre complexe est une forme -linéaire positive de norme .
désigne l’ensemble des états de l’algèbre .
On rappelle qu’un élément est positif s’il est autoadjoint et ou, de manière équivalente, s’il existe un élément tel que . L’ensemble des éléments positifs est noté et une forme linéaire est positive si . On montre [?, Th. 4.3.2] qu’une forme linéaire sur une algèbre de Banach avec unité est positive si, et seulement si, elle est bornée et . Par conséquent un état se définit de manière équivalente comme une forme -linéaire positive satisfaisant
(1.8) |
ou encore comme une forme -linéaire bornée telle que
(1.9) |
La positivité est une condition nécessaire mais non suffisante pour garantir l’involutivité. Cependant quand l’algèbre a une unité la positivité implique [?, Lem. 9.11], et donc équivaut à,
(1.10) |
La propriété (1.4) n’est pas vérifiée pour les états. A la place il apparait [?, Prop. 4.3.3] que pour tout , il existe un état tel que . Avec (1.5), il vient pour tout élément normal
(1.11) |
Lorsque n’est pas commutative, la transformation de Gelfand (vue comme une application de dans les fonctions sur ) n’est pas une isométrie, sauf pour les éléments normaux dans la mesure où
L’espace des états est convexe. Les points extrémaux, c’est
à dire les états pour lesquels il n’existe pas
d’états , et de nombre
tels que , sont appelés états purs. Dans le cas commutatif, les caractères
s’identifient aux états purs. Par analogie ce sont les états
purs de , noté , qui
tiennent lieu de ”points” pour l’espace non commutatif. Il s’agit
d’une analogie, non d’une définition stricte. Pour certains
résultats, on sera amené en prendre en compte des états non
purs.
Les états de constituent le socle de l’espace non commutatif en ceci aussi qu’ils garantissent, par la construction GNS (Gelfand-Naimark-Segal), de pouvoir travailler concrètement avec vue comme sous algèbre de l’algèbre des opérateurs bornés sur l’espace de Hilbert
où la barre sur signifie la complétion au sens de la norme déduite du produit scalaire et
(1.12) |
est un idéal à gauche de appelé noyau gauche de . Les vecteurs de sont notés , et le produit scalaire est
L’*homomorphisme de -algèbre associe à tout l’opérateur borné
On note de sorte que
(1.13) |
Par définition, un *homorphisme d’une -algèbre dans l’ensemble des opérateurs bornés sur un espace de Hilbert est une représentation de sur . est appelée la représentation cyclique induite par car est un vecteur cyclique (). Une représentation sur est dite irréductible si les seuls sous-espaces de invariants sous l’action de sont et lui-même. On montre que est irréductible si et seulement si est un état pur. Pour tout état , la représentation GNS ne préserve a priori pas la norme. On a simplement
(1.14) |
car la positivité de implique [?, p. 30]. Néammoins pour un donné, il existe au moins une représentation GNS isométrique. En effet, d’après (1.11) il existe un état tel que . Avec (1.13), on obtient . Comme par (1.8), l’inégalité (1.14) devient
En prenant la somme directe des lorsque parcourt on définit une représentation isométrique de , d’où le théorème de Gelfand-Naimark:
Théorème 1.3.
Toute -algèbre complexe a une représentation isométrique en tant que sous-algèbre de l’algèbre des opérateurs bornés sur un espace de Hilbert.
est appelé le support de la représentation. Souvent on travaille avec l’algèbre représentée plutôt qu’avec l’algèbre définie abstraitement et on omet le symbole quand il n’y a pas d’ambiguité.
Terminons ce rapide survol par une remarque simple mais utile dès la section suivante:
(1.15) |
Pour montrer la seconde inclusion, il faut savoir que le noyau gauche est défini de manière équivalente à (1.12) par?
(1.16) |
de sorte que implique . La première inclusion est immédiate car signifie que . Une représentation est dite fidèle lorsque . Un état est fidèle quand . La représentation GNS associée à un état fidèle est donc fidèle.
I.3 Etat pur et projecteur
A tout vecteur normalisé d’un espace de Hilbert est associé de manière naturelle un projecteur orthogonal () de rang défini par
pour tout vecteur de . En particulier à tout état correspond un projecteur (dorénavant on sous entend orthogonal) de rang tel que
c’est à dire
(1.17) |
Malheureusement comme n’est pas surjective,
n’est pas forcément l’image d’un élément de ; or dans
les calculs de distance des sections suivantes, l’appartenance du
projecteur à l’algèbre est un élément simplificateur
extrèmement utile. C’est pourquoi il est important de savoir
dans quels cas tout ou partie de l’espace des états est en
correspondance avec des projecteurs de l’algèbre. Cette
question trouve une réponse dans la théorie des algèbres de
von Neumann. On commence par rappeler, sans preuve, les points
principaux de cette théorie qui permettent d’écrire
(1.17) au niveau de l’algèbre sans référence
à une représentation. Ce sont des résultats classiques
qu’on trouve en particulier, outre les ouvrages déjà citées,
dans [?]. Pour les notions de topologie plus générales on renvoie à [?].
L’espace vectoriel des application linéaires bornées à valeur complexe sur un espace de Banach est lui même un espace de Banach pour la norme d’opérateur (1.1). Cet espace noté est appelé espace dual de . Lorsque l’espace de Banach est une -algèbre , ses états sont des formes linéaires bornées donc
Lorsqu’un espace de Banach est le dual d’un autre espace de Banach , alors est appelé prédual de et l’on note . Quand est également un espace de Hilbert (i.e. sa norme provient d’un produit interne), alors s’identifie à par le théorème de Riesz de sorte qu’un espace de Hilbert est son propre (pré)dual. Mais de façon générale un espace de Banach n’a pas forcément de prédual.
Définition 1.4.
Une -algèbre complexe est appelée -algèbre lorsque est le dual d’un espace de Banach.
Il apparait alors [?, Cor. 1.13.3] qu’il n’y a qu’un seul prédual , appelé le prédual de .
est munie naturellement de la topologie uniforme définie par la norme (les ouverts sont les boules ouvertes). De même que la transformation de Gelfand est un *isomorphisme isométrique entre une -algèbre complexe commutative et l’algèbre des fonctions continues sur ses caractères, en tant qu’espace de Banach est isométriquement homéomorphe à un sous-espace de son double dual par la correspondance
Appliquée au prédual, ceci implique que
On définit sur la topologie faible comme la topologie la plus faible pour laquelle tout élément de est continu. On rappelle qu’une topologie est plus faible qu’une topologie lorsque tout ensemble ouvert au sens de est également ouvert au sens de . Comme est par définition l’ensemble des formes linéaires bornées sur , et que tout forme linéaire bornée est continue pour la topologie uniforme, la topologie faible est plus faible que la topologie uniforme. En tant que dual de , une -algèbre est également munie de la topologie *faible définie comme la plus faible topologie pour laquelle tout élément de , vu comme forme linéaire bornée sur , est continu. A noter que c’est au sens de cette topologie *faible que l’espace des caractères de , vu comme sous ensemble du dual de , est compact.
Une propriété importante des topologies stipule que pour un espace de Banach et un ensemble de formes linéaires sur , alors l’ensemble des formes -continues sur est précisément . En clair est l’ensemble des formes linéaires bornées *faiblement continues sur . De telles formes sont dites normales et on montre [?, Lem. III.3.6] qu’à toute forme normale positive non nulle correspond un unique projecteur non nul , appelé support de , tel que est fidèle sur et . L’ensemble des états normaux est
Pour déterminer si un état est normal, il est utile de savoir qu’une forme linéaire bornée est normale si et seulement si
pour toute famille de projecteurs de orthogonaux deux à deux, . Une telle famille est linéairement indépendante de sorte que si est de dimension finie, est de cardinalité finie et la propriété est vérifiée par linéarité. En d’autres termes tous les états d’une -algèbre de dimension finie sont normaux. D’après (1.15) la représentation GNS associée à un état fidèle est fidèle si bien que le support d’un état normal vérifie
(1.18) | |||
(1.19) |
Les projecteurs sont des éléments positifs et l’ensemble des projecteurs d’une -algèbre est munie de la relation d’ordre . Le support peut-être vu comme le complémentaire orthogonal de la plus grande projection annulant , , et on a [?, Def. 1.14.2]
(1.20) |
A noter que deux états de support identique, bien qu’ayant le même noyau gauche, ne sont pas nécessairement égaux.
Grâce à (1.20) il est clair que dans
On serait tenté d’identifier au projecteur
de l’équation (1.17). C’est vrai lorsque
l’état est pur. Si n’est pas pur, n’est pas
irréductible et tout projecteur de rang n’est pas
représentation d’un élément de l’algèbre. Pour établir
la correspondance état pur- projecteur de rang , on a besoin
de quelques éléments de la théorie des représentations
des -algèbres (théorie des algèbres de von Neumann).
Par définition une -algèbre est complète pour la norme, donc fermée pour la topologie uniforme. En revanche elle n’est pas nécessairement fermée pour la topologie *faible. Cependant toute -algèbre est isométriquement *isomorphe à une algèbre *faiblement fermée. Avant de préciser ce résultat, soulignons que l’ensemble des opérateurs bornés sur un espace de Hilbert est une -algèbre. De même toute sous-algèbre de autoadjointe (i.e. stable sous l’involution), munie d’une unité et fermée pour la topologie *faible est une -algèbre, appelée algèbre de von Neumann.
Un -homomorphisme entre deux -algèbres est par définition un *homomorphisme continu pour les topologies *faibles. Une -représentation sur d’une -algèbre est un -homomorphisme de dans . Comme l’image de par un -homomorphisme est *faiblement fermée [?, Prop. 1.16.2], toute -représentation de sur est une algèbre de von Neumann. Si est un état normal, la représentation GNS est une -représentation. La somme directe des pour est une -représentation fidèle. Comme tout *isomorphisme de -algèbres est isométrique [?, Thm. 4.1.8], il apparait que toute algèbre admet une -représentation isométrique en tant qu’algèbre de von Neumann. Ce résultat constitue une version ”pour algèbres” du théorème de Gelfand-Naimark.
En notant l’ensemble des états purs normaux, on montre alors que:
Lemme 1.5.
Soient de support , et le projecteur de rang sur . Alors .
Preuve. On rappelle que le commutant d’une sous-algèbre de est l’ensemble des éléments de commutant avec tous les éléments de . Le double commutant est le commutant du commutant. Puisque est pur est une représentation irréductible donc [?, Thm. 4.1.12]
Puisque est normal, est une algèbre de von Neumann et, théorème du bicommutant,
Ainsi est surjective sur . Soit l’ensemble des images inverses de par . Comme
donc, d’après la remarque
précédent l’équation (1.20), d’où et
. Le sous-espace de
invariant par , inclus dans selon
[?, Prop. 2.5.2], ne peut-être que
où . Comme n’est pas nul
d’après (1.19), .
Pour les calculs de distance à venir, on utilisera le corollaire suivant qui prouve également que deux états purs normaux de même support sont identiques.
Corollaire 1.6.
Soit le support d’un état pur normal d’une -algèbre , alors pour tout
(1.21) |
Preuve. La preuve est immédiate par application
du lemme 1.5 sur (1.17), en se
souvenant que est injective sur l’algèbre dont est
élément.
L’équation (1.21) est bien l’équivalent de
(1.17) au niveau de l’algèbre, indépendamment
d’un choix de représentation. Pour que ceci ait un sens il faut
bien entendu que ne soit pas vide. Il apparait
qu’une -algèbre (sur un espace de Hilbert
séparable) a des états purs normaux dès lors que sa
décomposition intégrale relativement à son centre contient
un facteur de type I. Pour les exemples physiques des chapitres
suivants, il n’est pas nécessaire d’aller si loin dans la
classification des algèbres de von Neumann. Le modèle
standard met en jeu des algèbres de dimension finie pour
lesquelles on sait que .
En notation de Dirac, le corollaire 1.6 ne dit rien d’autre que
(1.22) |
Pour passer de (1.21) à (1.22), il faut associer un vecteur au support , c’est à dire représenter le support comme projecteur sur un espace de Hilbert. Le choix naturel est la représentation GNS qui donne . Lorsque plusieurs états sont en jeu, chacune des représentations GNS est légitime et il est important de connaître l’image, par la représentation GNS liée à un état, du support d’un autre état.
Lemme 1.7.
Soient , les supports de , et , les représentations GNS associées. Alors soit , soit et sont des projecteurs de rang .
Preuve. Puisque est un *homomorphisme, est un projecteur. S’il est non nul, il existe au moins un vecteur normé tel que
(1.23) |
Comme est irréductible, est cyclique [?, Th. 5.1.5] et définit un état
(1.24) |
Cet état est pur [ibid. Thm. 5.1.7] et est unitairement équivalente à la représentation GNS associée à . Par (1.24) et (1.23) , si bien qu’en utilisant (1.21)
D’autre part comme ,
Autrement dit , donc qui est unitairement équivalente à . Le rang d’un opérateur est invariant par transformation unitaire et est de rang , donc est de rang . Ainsi est soit nul soit de rang .
Si est non nul, alors est équivalente à
donc est de rang . En permutant les
indices on montre de la même manière que si est
non nul, alors est de rang . Autrement dit si
implique . On montre
similairement l’équivalence dans l’autre sens, d’où le
résultat.
Au même titre que (1.22), la relation pour deux vecteurs normés distincts et
(1.25) |
admet une écriture au niveau de l’algèbre. Pour la déterminer, il convient associer un élément de l’algèbre à tout couple d’états purs normaux . Notons d’abord les équivalences simples suivantes:
Lemme 1.8.
.
Preuve. L’équivalence centrale est obtenu
grâce à l’involution. Que entraine
vient de (1.21) (en remarquant
bien entendu que n’est pas nul sinon ). De
même signifie que , soit
encore d’où, en prenant la norme,
.
Ceci permet d’écrire (1.25) dans l’algèbre, malheureusement de manière non univoque.
Lemme 1.9.
Soient , leurs supports et la représentation GNS associée à . Alors il existe une forme linéaire sur et un élément de l’algèbre tels que pour tout
où est dans le noyau de .
Preuve. Si , alors Si est non nul, c’est un projecteur de rang selon le lemme 1.7 et on note son vecteur propre normé (défini à une phase près). On pose . Alors
où et est l’opérateur tel que
pour tout . Comme est irréductible et
est une algèbre de von Neumann, si bien qu’il existe au moins un élément
Ainsi .
est défini indépendamment de mais pas . Ce lemme est moins précis que le corollaire 1.6 mais l’ambiguité ”modulo un élément du noyau” est levée si est fidèle, ce qui est le cas quand est fidèle. Requérir d’un état qu’il soit pur, normal et fidèle réduit dangereusement le champ d’investigation. Là encore la difficulté n’apparait pas dans les exemples physiques puisqu’ils font intervenir des algèbres de matrices pour lesquelles toute représentation irréductible est fidèle. A noter que lorsque ,
I.4 -algèbre réelle
Le plus souvent les -algèbres sont prises sur le corps des complexes et tous les résultats ci-dessus sont vrais sous cette hypothèse. Si peut-être vue comme une algèbre complexe ou réelle, l’algèbre des quaternions qui apparait dans la description non commutative du modèle standard est une algèbre sur mais pas sur . Il est donc important de connaitre les propriétés du cas complexe qui restent vraies dans le cas réel. La plupart des définitions ont une traduction simple. Ainsi une -algèbre réelle est une -algèbre normée complète satisfaisant
ainsi que?
Cette condition supplémentaire, qui dans le cas complexe est une conséquence de la définition, doit ici être imposée à la main. Elle est importante puisqu’elle interdit par exemple de voir muni de l’involution identité ( pour tout ) comme une -algèbre réelle (puisqu’alors ).
A priori un état d’une algèbre réelle devrait être une forme positive -linéaire à valeur dans de norme . Ce n’est toutefois pas la définition consacrée [?, p. 44].
Définition 1.10.
Un état réel sur une -algèbre réelle est une forme positive, -linéaire, à valeur dans telle que
Cette définition est analogue à (1.8), si ce n’est qu’elle inclut l’involutivité (1.10) alors que c’était une conséquence de la positivité dans le cas complexe. Par exemple l’application est une forme -linéaire sur , positive, envoyant sur mais elle n’est pas involutive. A noter [ibid, p. 51] qu’une forme -linéaire telle que est un état si et seulement si elle est bornée et de norme . Un état réel se définit donc aussi comme une forme -linéaire bornée telle que
(1.26) |
La propriété (1.11) reste vraie dans le cas réel, au moins pour les éléments positifs. Concernant les supports des états normaux, il n’est pas nécessaire pour ce qui nous concerne de savoir si de pareils objets existent dans le cas réel. On se contentera le cas échéant d’exhiber des projecteurs éléments de l’algèbre satisfaisant (1.21).
En fait la définition (1.26) est un décalque de (1.9). Plutôt que de voir un état comme une forme positive de norme (ce qui n’est pas, rappelons le, la définition d’un état réel), il est plus judicieux de prendre (1.9) pour définir un état sur une -algèbre, avec unité, de corps de référence quelconque: un état sur une algèbre quaternionique est une forme -linéaire de norme . Cette définition est encore imparfaite: n’étant pas commutative, peut-être linéaire à gauche où à droite. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre suivant.
La notion d’état réel reste valide pour une -algèbre complexe . Tout état réel de définit une forme -linéaire positive
où est la décomposition en éléments autoadjoints, cf (1.7). Puisque , est un état au sens de la définition 1.2. Si , alors et coïncident sur tout autoadjoint (et antiautoadjoint) donc sur tout et est une injection. A l’inverse tout état définit un état réel . Si , et coïncident sur tout autoadjoint et, par linéarité, sur tout . Donc et est une bijection. Si est pur il en est de même pour – implique , idem pour et n’est pas pur– et si n’est pas pur alors n’est pas pur. Autrement l’ensemble des états réels purs d’une algèbre complexe est en bijection avec l’ensemble de ses états purs,
En particulier où désigne l’evaluation au point . Dans le modèle standard (cf chapitre 4), est vue comme algèbre réelle . L’involution, l’identité et les éléments positifs sont identiques au cas complexe, en conséquence
(1.27) |
II Géométrie spinorielle
Outre la topologie, l’espace physique est muni d’une structure différentielle et d’un espace de degrés de liberté internes (le spin en mécanique quantique, l’isospin pour le modèle standard). De même que les propriétés topologiques traduites en terme d’algèbre commutative, l’objet mathématique utilisé pour décrire l’espace de la théorie quantique des champs, la variété à spin, a une définition algébrique. Privilégier cette dernière rend possible son adaptation aux espaces non commutatifs. On présente ici la construction de la structure de spin par les modules de Clifford (cf. [?] pour un exposé détaillé) plutôt que la construction en fibré principal souvent développée?,?,?.
II.1 Module de Clifford
On note une variété compacte, l’espace vectoriel réel des vecteurs en (l’espace tangent) et son dual, l’espace des -formes en (espace cotangent). Dans la carte , on désigne par et les bases des espaces cotangent et tangent.
Un -fibré vectoriel est un espace topologique localement homéomorphe au produit , où est un ouvert de et un espace vectoriel sur un corps , désignant la projection de sur . Pour tout de , , la fibre au dessus de , est isomorphe à . Une section locale de est une application de dans telle que soit l’identité de . Si est la dimension de , une section locale est la donnée de fonctions de dans , appelées composantes de la section. Une section locale est différentiable (continue) quand ces composantes sont des fonctions différentiables (continues) sur . Une section différentiable (continue) est une collection de sections locales différentiables (continues) telle que l’union des soit un recouvrement de . On note (resp. ) l’ensemble des sections différentiables (continues) de . C’est le module (par convention, à droite) sur l’algèbre (resp. ) des fonctions lisses (continues) sur ,
(1.28) |
pour tout . En prenant , où est la dimension de , et , on construit le fibré vectoriel réel , appelé fibré tangent. L’ensemble des sections est l’ensemble des champs de vecteurs lisses sur . De manière analogue, on construit le fibré cotangent dont les sections sont les champs de -forme.
Une métrique riemannienne est une application bilinéaire symétrique (), définie positive ( pour ) de dans . Si est seulement non dégénérée (), la métrique est dite pseudo-riemannienne. Dans les deux cas, définit une bijection de -module entre et , la bijection musicale
où désignent l’action par dualité de sur . Le gradient d’une fonction est par définition
(1.29) |
La métrique induit une forme bilinéaire symétrique définie positive (ou seulement non dégénérée dans le cas pseudo-riemannien) sur , pareillement notée ,
(1.30) |
En tout , et sont munis de la norme de
(1.31) |
L’algèbre extérieure sur un espace vectoriel réel est l’algèbre formelle générée par un élément identité et les produits avec , , et . Lorsque est munie d’une forme bilinéaire non dégénérée , symétrique à valeur dans , on construit l’algèbre de Clifford en ”quantifiant” la relation d’anticommutation de l’algèbre extérieure à l’aide de . Concrètement, en tant qu’espace vectoriel est identique à mais le produit est défini de sorte que
(1.32) |
pour tout . Avec le complexifié de et l’extension de , , on construit de la même manière l’algèbre de Clifford complexe . On omet dans la notation car toutes les formes non dégénérées sur donnent des algèbres de Clifford isomorphes. On obtient ainsi [?, Lem. 5.5]
(1.33) |
est munie d’une involution , obtenue en étendant
(1.34) |
avec , par linéarité à tout (restreint à l’involution coïncide avec l’identité, ce qui est cohérent puisque est un espace vectoriel réel).
Un élément de est pair lorsqu’il s’écrit comme combinaison linéaire de produits d’un nombre pair de vecteurs de . On note la sous-algèbre générée par les éléments pairs, et le sous-espace vectoriel des produits impairs de vecteurs. En tant qu’espace vectoriel, . On note la graduation correspondante
(1.35) |
Lorsque est définie positive, on définit l’élément chiralité de
(1.36) |
où est une base de orthonormée pour et
où . Modulo l’orientation,
est indépendant du choix de la base orthonormée. On
vérifie que . La chiralité
anticommute ou commute avec selon que est pair ou impair.
Lorsque est pair, pour tout de
. Etendu à tout , on montre que
coïncide avec la graduation . Lorsque est
impair, est l’identité. La restriction,
définie positive, est fondamentale car c’est elle qui par la
suite nous oblige à considérer des variétés riemanniennes.
La métrique d’une variété est définie sur les sections lisses du fibré tangent . Les champs de vecteurs lisses sont denses dans l’ensemble des champs de vecteurs continus, et s’étend en une forme bilinéaire sur les sections continues . Par complexification, on obtient une forme bilinéaire, encore notée , sur les sections continues du fibré vectoriel complexe de fibre . Sur chacune de ces fibres induit une forme bilinéaire permettant de former en tout de l’algèbre de Clifford . Le fibré vectoriel sur correspondant est noté . Le -module des sections continues de ce fibré est une -algèbre, produit et involution étant définis point par point
où désigne l’involution dans chaque , et la norme est
où la norme de est celle de la -algèbre . La construction est identique pour le fibré cotangent , ou pour n’importe quel fibré vectoriel réel sur , munie d’une forme bilinéaire non dégénérée de dans . Pour disposer d’une chiralité, on se limite aux métriques riemanniennes.
Définition 1.11.
Le fibré de Clifford sur une variété riemannienne de métrique est le fibré .
Evaluée en un point de , une section d’un fibré de Clifford est un élément de . Si est un espace vectoriel complexe sur lequel agissent chacune des algèbres via l’action de Clifford
(1.37) |
alors une section du module de Clifford agit (par convention à gauche) sur une section d’un fibré vectoriel de fibre (i.e. pour tout ) par
Lorsque l’action de est continue, c’est à dire lorsque pour tout et , est un -module à gauche. étant déjà un -module à droite, c’est un bimodule.
Définition 1.12.
Un module de Clifford sur est la donnée d’un -module des sections continues d’un fibré vectoriel complexe sur ainsi que d’un homorphisme -linéaire
Autrement dit, un module de Clifford sur est un --bimodule de sections d’un fibré vectoriel complexe sur .
Si , d’après (1.33) toutes les actions irréductibles de sont de dimension . Si , il y a deux représentations irréductibles inéquivalentes de dimension . Quand le rang du fibré (i.e. la dimension de ses fibres en tant qu’espace vectoriel) n’est pas égale à dans le cas pair, dans le cas impair, chaque fibre se décompose en somme directe de sous-espaces vectoriels invariant par l’action de l’algèbre de Clifford. Au contraire quand l’action de l’algèbre de Clifford est irréductible sur chaque fibre, est un module de Clifford irréductible.
II.2 Structure de Spin
Classiquement, le fibré des spineurs sur une variété
de dimension est construit à partir du fibré tangent par
le relèvement du groupe
(groupe de structure du fibré principal associé au fibré tangent) à son recouvrement universel . L’approche algébrique construit
directement un spineur comme support d’une action irréductible du groupe Spin, vu
comme sous groupe de l’algèbre de Clifford.
Soit un espace vectoriel munie d’une forme bilinéaire non dégénérée . Un vecteur est unitaire quand . Vu comme élément de , par (1.32) donc est inversible. On note l’endomorphisme de
où est la graduation définie en (1.35). Restreinte à , qui est laissé globalement invariant, l’action de est la réflexion par rapport à l’hyperplan orthogonal à (pour s’en convaincre on peut regarder avec pour le produit scalaire usuel). Par la multiplication
ces réflexions génèrent le groupe orthogonal . L’ensemble des produits pairs de réflexions est le sous-groupe des rotations (c’est la composante connexe de l’identité de ). L’ensemble des produits pairs de vecteurs unitaires de ( avec un nombre complexe de module et un unitaire de ) est un sous groupe de noté .
Pour tout , l’application () est une rotation dans . apparait comme un homomorphisme de dans . Un élément du noyau de est un unitaire central pair de et on montre [?, p. 180] qu’un tel élément est nécessairement un scalaire. Autrement dit . Pour , on définit l’homorphisme à valeur dans
où . Le groupe Spin(V) est par définition le noyau de . La conjugaison complexe est définie sur tout en étendant par linéarité pour , . est l’ensemble des unitaires pairs de satisfaisant , ou encore . En définissant la conjugaison de charge
pour tout , le groupe Spin apparait comme le sous
groupe de invariant par conjugaison de charge. Le noyau
de restreint à est . En prenant
et une métrique (pseudo-)riemannienne, on
retrouve que le spin est le recouvrement universel à deux
feuillets du groupe des rotations.
Un spineur est une section d’un fibré vectoriel sur une variété dont chaque fibre est le support d’une représentation irréductible du groupe . est donc un module de Clifford irréductible. Dans le cas où est de dimension paire, un tel module est obtenu en demandant que implémente une équivalence de Morita entre et .
Définition 1.13.
Deux -algèbres et sont Morita-équivalentes si et seulement si il existe un -module à droite plein tel que , où est la fermeture (pour la topologie de la norme d’opérateur) de l’algèbre des endomorphismes de de -rang fini.
Cette définition demande plusieurs précisions. Un -module est plein lorsqu’il est muni d’un ”produit scalaire à valeur dans ”, c’est à dire d’une forme de dans définie positive, -linéaire à droite, antisymétrique ( ), et telle que . Un endomorphisme de est dit de -rang fini lorsqu’il est du type:
. Ces opérateurs forment une algèbre qu’on munit de la norme d’opérateur
où la norme dans est définie à partir de la norme de par
Si implémente l’équivalence de Morita entre et , on montre qu’il existe un isomorphisme de fibré vectoriel où désigne le fibré vectoriel sur de fibre . est de rang , donc est de rang , ce qui signifie que est de dimension . On peut donc choisir l’action de Clifford de telle sorte que soit un module de Clifford irréductible. Rien n’assure en revanche qu’implémenter l’équivalence de Morita soit une condition nécessaire pour que soit irréductible. Mais il apparait que la condition sur pour que et soit Morita équivalente (théorème de Plymen [?, Th. 9.3]) est très exactement la condition qui, dans l’approche classique, autorise le relèvement de au groupe .
La possibilité du relèvement à correspond [ibid, Th. 9.6] à l’existence d’une bijection antilinéaire telle que
(1.38) | |||||
où et on identifie et à leurs actions sur . On montre [ibid, Lem 9.7] qu’un tel opérateur est nécessairement de carré .
Le produit scalaire sur à valeur dans est choisi de sorte que l’action de Clifford soit autoadjointe,
On note Si est orientée, il existe un repère mobile de -formes (i.e. une section lisse du fibré cotangent) tel qu’en tout de les chiralités définies par (1.36) sur chaque fibre de s’écrivent
est une section de et est une graduation (i.e. de . On note les sous-espaces propres de de sorte que
Si est de dimension paire, anticommute avec pour toute -forme . Pour ,
autrement dit échange et .
Définition 1.14.
Une structure de spin sur une variété de dimension paire est la donnée d’un bimodule garantissant l’équivalence de Morita -, d’une bijection satisfaisant (1.38) et d’une orientation de .
est alors dite variété à spin. Lorsque est de dimension impaire, la construction est analogue en remplaçant par qui est le fibré sur de fibre .
II.3 Opérateur de Dirac
Une connexion sur un fibré vectoriel est une application linéaire
(1.39) |
satisfaisant la règle de Leibniz
pour tout et désigne la dérivée extérieure de chaque étendue aux sections lisses. Les coefficients de connexion sont obtenus en écrivant localement, dans une base de , l’action de la connexion sur une base de ,
(1.40) |
Ainsi
(1.41) | |||||
où on note
Lorsque est le fibré tangent sur une variété riemannienne ou pseudo-riemannienne, il existe une unique connexion, la connexion de Levi-Civita, de torsion nulle (cf. [?] pour une définition de la torsion) et compatible avec la métrique de la manière suivante:
(1.42) |
pour tout . agit sur par ”contraction des indices”
étant des nombres réels. Après identification de à , (1.42) définit une connexion de Levi-Civita sur à valeur dans ,
(1.43) |
pour tout de . Pour , , (1.43) avec (1.40) donne d’où
Localement l’action de sur un s’écrit
où et . Par application récursive de la règle de Leibniz, s’étend à tout ,
(1.44) |
pour tout (le produit consiste à multiplier les composantes dans l’algèbre de Clifford en laissant invariante la partie ).
Pour une variété à spin , il existe une unique connexion de spin généralisant la connexion de Levi-Civita tout en étant compatible avec la structure de spin [?, Th. 9.8].
Théorème 1.15.
L’action de l’algèbre de Clifford se réécrit comme une application de dans en posant
L’objet fondamental d’une géométrie spinorielle est l’opérateur de Dirac, défini comme suit.
Définition 1.16.
L’opérateur de Dirac d’une variété à spin est l’endomorphisme de
Cet objet coïncide bien avec l’opérateur de Dirac de la théorie quantique des champs. Pour s’en convaincre, écrivons localement l’action de la connexion de spin. Tout espace de Hilbert de dimension finie admettant une base orthonormée, il existe en tout de une base orthonormée de , , ainsi qu’une base duale de , également orthonormée, . Le vielbein désigne la matrice inverse de et satisfait
(1.45) |
où . Soit un champ de matrices de Dirac, i.e. des matrices autoadjointes de ( est la dimension de la représentation irréductible de dans le cas pair, de dans le cas impair) telles que
(1.46) |
en tout de . En définissant la représentation
(1.47) |
l’action de sur
(1.48) |
(on utilise un indice grec pour les coordonnées de la variété et un indice latin pour le fibré, est contracté avec ) est bien une représentation (irréductible) de puisque
On montre alors que la connexion de spin s’écrit
(1.49) |
où et agit sur un spineur -, - selon . Quand la variété est plate (ce qui est le cas en théorie des champs quand on suppose que l’interaction a un lieu dans une région où la courbure est localement négligeable), les coefficients de connexion sont nuls et
(1.50) |
II.4 Triplets spectraux
Toute l’information géométrique d’une variété à spin, en particulier la métrique, est contenu dans l’opérateur de Dirac. Cette remarque, dont nous rappelons dans cette section les points clés, est fondamentale puisqu’en donnant une définition algébrique (i.e. en terme d’opérateur) des objets de la géométrie spinorielle, elle permet de voir la variété à spin commme un cas particulier, commutatif, d’une théorie beaucoup plus générale permettant de définir la géométrie d’espaces non commutatifs. L’objet mathématique décrivant ces géométries est le triplet spectral réel. Sa définition procède par étapes successives, en commençant par isoler les propriétés essentielles (bien sûr, elles n’apparaissent comme esssentielles qu’une fois la construction achevée) de l’opérateur de Dirac.
Proposition 1.17.
Si est l’opérateur de Dirac sur une variété à spin , alors
Preuve. L’action de Clifford est -linéaire, , donc
pour tout , et .
Grâce au facteur dans la définition 1.16, l’opérateur de Dirac est autoadjoint. étant non borné, cette affirmation nécessite quelques précautions. Notons tout d’abord qu’il existe un produit scalaire dans ,
(1.51) |
où
(1.52) |
est la forme volume de la variété et la matrice de composante . On renvoie aux ouvrages de géométries différentielles pour une étude de la théorie de l’intégration sur une variété. Ici, il nous suffit de savoir que (1.51) coïncide localement avec l’intégrale de Lebesgue. On note
(1.53) |
l’espace de Hilbert obtenue par complétion de par rapport à la norme issue de ce produit scalaire. Dans le cas où est plate, est l’espace des spineurs de carré sommable de la mécanique quantique. On conserve la même terminologie dans le cas général. On montre alors que est formellement autoadjoint () sur , puis qu’il est essentiellement autoadjoint sur , c’est à dire que est autoadjoint sur le sous-espace de composé des spineurs pour lesquels à toute suite convergente correspond un spineur tel que . Dans la suite, on identifie à en écrivant simplement que est autoadjoint.
Quand est de dimension paire, la graduation anticommute avec pour tout . Avec (1.49), (1.50) et (1.48),
Comme et appartiennent à , anticommute avec l’opérateur de Dirac,
(1.54) |
où désigne l’endomorphisme unitaire autoadjoint de , extension de , appelé chiralité
(on garde la même appellation pour et ). A noter que est une graduation de
(pour éviter un conflit de notation, dans toute la suite désigne la chiralité et ne désigne plus l’opérateur
apparaissant dans la définition de la connexion de Levi-Civita).
L’ensemble de ces propriétés est regroupé et généralisé dans les notions de triplet spectral et de -cycle. Pour tout , est un endomorphisme borné de car est une collection d’opérateurs agissant irréductiblement sur les fibres de dimension finie. Pour les mêmes raisons, d’après la proposition 1.17, est borné, de même que qui agit simplement par multiplication sur .
Définition 1.18.
Un triplet spectral pour une algèbre est la donnée d’un espace de Hilbert , d’une représentation de dans l’algèbre des opérateurs bornés sur , et d’un opérateur autoadjoint , de résolvante compacte, tel que pour tout .
Rappelons qu’un opérateur est à résolvante compacte? si et seulement si pour tout , est compact (un opérateur sur est compact quand, pour , sauf sur un sous-espace de de dimension fini).
Lorsque est une algèbre involutive, on définit la notion de -cycle.
Définition 1.19.
Soit ; un -cycle pour une algèbre involutive est un triplet spectral accompagné de
-
—
une bijection unitaire antilinéaire sur qui implémente l’involution, i.e. pour tout de ;
-
—
si est pair, une graduation de qui commute avec et anticommute avec ;
-
—
la table de multiplication-commutation suivante
n mod 8 0 1 2 3 4 5 6 7 + + - - - - + + + - + + + - + + + - + -
Pour impair, on pose (qui naturellement commute avec et ) et on note de façon générale un -cycle.
Si est une variété à spin de dimension ,
l’opérateur de Dirac et l’extension de aux
spineurs de carré sommable, alors est un -cycle. Que soit un
triplet spectral est évident compte tenu de la discussion
précédent la définition 1.18 (on renvoie
à [?,?] pour prouver que est à
résolvante compacte); que implémente l’involution (la
conjugaison complexe) de découle de (1.38);
l’action de Clifford est -linéaire donc commute
avec la représentation de ; l’anticommutation de et
est établie en (1.54); reste la table de
commutation, montrée en détail dans [?, Th.
9.19]. A toute variété à spin est associé un -cycle
mais l’inverse n’est pas vrai: la donnée d’un -cycle ne
suffit pas
à construire une variété à spin. Pour ce faire, il faut ajouter une série de conditions détaillées ci-dessous.
Nous donnons directement les conditions pour qu’un triplet spectral définisse une géométrie non commutative?, en rappelant ensuite comment, adaptées au cas commutatif, ces conditions tiennent lieu d’axiomes d’une variété à spin. Les trois premières conditions sont plus analytiques qu’algébriques. Elles sont importantes dans la définition axiomatique de la géométrie commutative spinorielle mais dans les exemples étudiés dans cette thèse (géométrie de dimension zéro ou produit de géométries dont l’une est commutative) elles sont toujours remplies. Nous les donnons ici par exhaustivité, en renvoyant à [?,?,?] pour une définition précise des objets qu’elles font intervenir.
Condition 1 (Dimension).
L’opérateur est un infinitésimal d’ordre où est la dimension (spectrale) de la géométrie.
étant à résolvante compacte, définit en restreignant à est un opérateur compact. Ainsi? la suite décroissante des valeurs propres de tend vers zéro. est un infinitésimal d’ordre signifie que cette suite décroit au moins aussi vite que ,
Lorsque et sont de dimension finie, la dimension spectrale est nulle.
Condition 2 (Régularité).
Pour tout , et appartiennent à l’intersection des domaines de toutes les puissances de la dérivation , où est élément de l’algèbre générée par et .
Cette condition est la version algébrique de la différentiabilité des coordonnées.
Condition 3 (Finitude).
est une pré--algèbre et l’ensemble des vecteurs lisses de est un module projectif fini.
Un -module est libre quand il a une base
, c’est à dire un ensemble de générateurs tels que
pour implique pour tout .
Un module projectif est une somme directe de modules
libres. Un tel module n’est pas forcément libre. Il est fini lorsqu’il a une famille génératrice de cardinalité
finie. Une pré--algèbre est une sous algèbre d’une
-algèbre, stable par le calcul fonctionnelle holomorphe
(cf [?, Def. 3.26]). En particulier
est une pré--algèbre.
Les quatre conditions restantes sont d’ordre algébriques et ce sont elles qui seront discutées dans les modèles des chapitres suivants. Au triplet spectral est adjoint une chiralité c’est à dire, lorsque la dimension spectrale est paire, une graduation de , autoadjointe, qui anticommute avec et commute avec la représentation de . On note les sous-espaces propres de . envoie un sous-espace dense de dans si bien que, dans la décomposition ,
(1.55) |
où
(1.56) |
et . Quand est impair, .
On demande également que soit le support d’une représentation de l’algèbre opposée (identique à en tant qu’espace vectoriel mais où le produit est inversé: ) implémentée par un opérateur unitaire antilinéaire ,
tel que
(1.57) |
La représentation de commute avec la représentation de , et porte une représentation de l’algèbre involutive
où l’involution est donné par De manière équivalente, on dit que est représentée à gauche et à droite
Si , de sorte que
et implémente l’involution de .
Condition 4 (Réalité).
est un -cycle. est appelée structure réelle.
Condition 5 (Premier ordre).
La représentation de commute avec
Cette condition stipule que l’opérateur de Dirac est un opérateur différentiel du premier ordre.
Condition 6 (Orientabilité).
Il existe un cycle de Hochschild tel que .
Cette condition est la généralisation de la non dégénérescence de la forme volume pour une variété orientée. Avant de définir l’homologie de Hochschild, rappelons qu’un complexe est une suite de -module , , et de morphismes de dans ,
(1.58) |
tels que . L’image d’un morphisme est incluse dans le noyau du morphisme suivant; quand cette inclusion est une égalité, , le complexe est exact. Sinon on note le module des i-cycles et le module des i-bords. Le quotient est par définition le groupe d’homologie du complexe ( est en fait un -module). L’ensemble des forme l’homologie du complexe. En remplaçant par où est un bimodule sur et le produit tensoriel de par elle-même est répété fois, on a
où l’application de dans définie par
vérifie , on définit l’homologie de Hochschild de à valeur dans le bimodule . On munit d’une structure de -bimodule
de manière à définir l’homologie de Hochschild de à valeur dans . Un cycle de Hochschild est un élément de tel que . Un élément de est représenté sur par
(1.59) |
Cette représentation est cohérente avec la proposition 1.17 qui identifie à la -forme , -bord dans la cohomologie de de Rham (cf. ci-dessous). Elle est étendue à tout par addition.
Condition 7 (Dualité de Poincaré).
Le couplage additif sur déterminé par l’indice de l’opérateur de Dirac est non-dégénéré.
Cette condition est une version algébrique de la dualité de Poincaré. Rappelons qu’en remplaçant dans (1.58) par l’espace vectoriel réel des -formes sur une variété compacte de dimension , et par la différentielle extérieure , on définit un complexe dont l’homologie est appelée cohomologie de de Rham. La dualité de Poincaré stipule que pour tout entier positif , les groupes de cohomologie de de Rham et sont duaux; c’est à dire qu’il existe une forme bilinéaire non-dégénérée de dans
où désigne la classe d’équivalence dans de . Grâce au caractère de Chern, cette forme bilinéaire se traduit par un couplage additif (i.e. une forme bi-additive) des groupes de -théorie de l’algèbre . Pour une définition de ces objets, on peut consulter [?]. Ici, contentons nous de souligner que ce couplage, noté , s’effectue grâce à l’indice de l’opérateur de Dirac (défini ci-dessous) et ne fait pas référence \ala commutativité de l’algèbre, de sorte qu’en remplaçant par une pré--algèbre quelconque (pour de tels objets, la -théorie existe et est identique à la -théorie de la -algébre obtenue par complétion), la condition 7 apparaît comme la définition abstraite de la dualité de Poincaré.
Sans entrer dans le cas général, précisons un exemple qui sera utile pour l’étude des espaces non commutatifs finis (chapitre 3). Quand la dimension spectrale est paire, la dualité de Poincaré pour pair se ramène au couplage additif de à valeur dans (car pour tout pair, ) défini de la manière suivante. On note l’ensemble des projecteurs de (algèbre des matrices à coefficients dans ) et les éléments inversibles de . On a les plongements évidents
et on définit
Deux projecteurs sont équivalents, si et seulement si ils sont conjugués via un , c’est à dire s’il existe et tels que
(1.60) |
Le quotient est un semi-groupe (ie. les éléments ne sont pas inversibles) pour l’addition
est par définition le groupe de Grothendieck? de dont les éléments sont les classes d’équivalence de , où si et seulement si . est un groupe pour l’addition avec l’élément nul et l’inverse . C’est le même procédé qui permet de construire à partir de : s’identifiant à , on utilise la notation , pour désigner les éléments de . Si et , alors est un projecteur agissant sur ( est supposée complexe) et
(1.61) |
où , sont définis dans (1.55).
Définition 1.20.
Un triplet spectral satisfaisant les sept conditions ci-dessus est un triplet spectral réel, ou encore une géométrie non commutative (spinorielle), noté .
II.5 Géométrie commutative
On appelle géométrie commutative une géométrie non commutative au sens de la définition 1.20 où l’algèbre est commutative. Parmi les géométries commutatives, les géométries de Dirac sont les triplets spectraux réels
(1.62) |
dans lesquels est une variété riemannienne compacte orientée à spin, est l’opérateur de Dirac défini par la connexion de spin et la chiralité (1.54) si est paire, si est impair. Les géométries de Dirac sont bien des géométries non commutatives, c’est à dire que vérifient les conditions de la section précédente. On renvoie à [?] pour la preuve de cette affirmation. Contentons nous de rappeler que la dimension spectrale de la géométrie de Dirac est égale à la dimension de la variété. Il est également intéressant de s’attarder sur la condition d’orientabilité dont l’appellation trouve son origine dans les géométries de Dirac.
Notons tout d’abord les simplifications dues à la commutativité de l’algèbre. est identique à son algèbre opposée. est donc le support de deux représentations distinctes, la multiplication à gauche par une fonction , et l’action à droite correspondant à la multiplication par la fonction complexe conjuguée . Ainsi , ce qui est cohérent avec (1.38) puisque (à noter le changement de convention lors du passage du -module droit à l’espace de Hilbert -linéaire à gauche). Dans (1.59), identifier à permet de voir le cycle de Hochschild comme un élément de , ensemble des dans l’homologie de Hochschild du complexe
où ( apparait fois), représenté par
(1.63) |
Soit un atlas de . est une fonction de et chacune de ses composantes est élément de . La forme volume (1.52) est l’unique -forme qui, évaluée sur toute base orthonormée et orientée de , vaille . Localement,
où est la matrice de composante et (en omettant l’indice ) est la base locale de . La forme volume est indépendante du choix des coordonnées sur l’ouvert . Lorsque est une base locale orthonormée de -formes, est la matrice identité et
où . On pose , où et est une partition de l’unité, c’est à dire un ensemble de fonctions telles que
On en déduit l’écriture non-locale de l’élément de volume,
Le -cycle de Hochschild correspondant est, par définition,
où est le groupe des permutations de et désigne à la fois un élément de et sa parité (l’exposant égale selon que la permutation est paire ou impaire). Par (1.63), en utilisant la proposition 1.17, on vérifie que
Ainsi la chiralité est bien l’image du cycle de Hochschild
correspondant à l’élément de volume.
Si , , et commutent avec un projecteur de , alors la géométrie non commutative peut s’écrire comme somme directe de deux géométries non commutatives définies sur et (pour des géométries de Dirac, ceci correspond à une variété non connexe). Pour éviter ces cas, on dit qu’une géométrie non commutative est irréductible lorsqu’il n’y a pas de projecteur non nul commutant avec , , et . Ainsi toute variété à spin connexe de dimension définit par (1.62) une géométrie de Dirac irréductible, c’est à dire une géométrie non commutative irréductible, de dimension spectrale , définie sur l’algèbre . A l’inverse, selon le théorème suivant énoncé dans [?] et dont on trouve une démonstration détaillée dans [?], toute géométrie non commutative sur , irréductible et de dimension spectrale est une géométrie de Dirac pour une variété à spin.
Théorème 1.21.
Soit une géométrie non commutative irréductible sur , de dimension spectrale où est une variété compacte orientée connexe sans bord. Alors
-
—
Il existe une unique métrique riemannienne sur telle que la distance géodésique sur soit donnée par
(1.64) -
—
est une variété à spin et les opérateurs pour lesquelles forment une union d’espaces affines identifiés par les structures de spin sur .
-
—
La fonctionnelle définit une forme quadratique sur chacun de ces espaces affines, atteignant son minimum pour , l’opérateur de Dirac correspondant à la structure de spin; ce minimum est proportionnel à l’action d’Einstein-Hilbert, c’est à dire l’intégrale de la courbure scalaire
Les deux et troisième points nécessitent quelques explications. La structure de spin de est donnée par le bimodule défini par l’opérateur (cf. condition de finitude) et l’opérateur . En règle générale, l’opérateur de Dirac correspondant à cette structure de spin n’est pas l’opérateur . La seule chose qu’on puisse affirmer est que
pour vérifiant
(1.65) |
le signe étant négatif lorsque et seulement lorsque ou mod . Tout satisfaisant (1.65) définit un opérateur tel que . Ainsi pour la structure de spin donnée par , l’ensemble des opérateurs déterminant la même métrique que est un espace affine. Si maintenant on considère une variété riemannienne où la métrique est fixée, il existe plusieurs structures de spin sur (le nombre de structure de spin est fini et est déterminé par la cohomologie de Cech de ). Fixer une structure de spin détermine de manière unique l’opérateur , et les opérateur du type définissent un ensemble de géométries équivalentes. Ainsi les structures de spin d’une variété riemannienne permettent de classifier, au regard de la topologie, les géométries sur .
La fonctionnelle du troisième point est définie par
où est l’intégrale de la forme volume sur la
sphère et Wres est le résidu de
Wodzicki (cf [?, Th. 7.5] pour une
définition).
Le triplet spectral réel est un outil permettant de classifier les géométries spinorielles sur une variété compacte (sans bord). L’avantage de cette formulation algébrique est que la définition 1.20 est valable pour des pré--algèbres quelconques, pas forcément commutatives. Dans la première partie de ce chapitre, on a vu que les -algèbre non commutatives étaient des candidats sérieux pour jouer le rôle de fonctions sur un espace non commutatif. De même que le théorème de Gelfand, par analogie avec le cas commutatif, justifie le choix des états purs d’une -algèbre comme points d’un espace non commutatif, de même le théorème 1.21 suggère que le triplet spectral réel est un bon outil pour faire la géométrie de ces espaces non commutatifs. En particulier, et c’est l’objet de cette thèse, la formule (1.64) dans sa formulation générale définit une distance sur l’espace des états d’une algèbre.
III La distance
III.1 La formule de la distance
Classiquement, la distance entre deux points , est la longueur du plus court chemin reliant à . Physiquement cette manière de voir n’est pas acceptable car la mécanique quantique invalide l’idée d’un chemin entre deux points. D’autre part un point n’est pas accessible à l’expérience autrement que par l’intermédiaire d’une observable. Pour concilier géométrie et mécanique quantique, il faudrait donc définir une distance qui ne fasse référence qu’aux valeurs prises par les observables sur et . Qu’apparaissent des valeurs d’observables sur d’autres points est toléré, à condition que les-dits points soient caractérisés autrement que par une appartenance à un chemin entre et . Par ailleurs une distance est par définition une fonction de deux variables à valeur réelle, positive, symétrique, réflexive () et qui vérifie l’inégalité triangulaire. La manière la plus simple d’implémenter ces propriétés au niveau des observables est de considérer une quantité du type où est une fonction complexe sur l’espace. Dans le cas le plus simple de la droite réelle, . Pour que il faut au moins que
(1.66) |
désignant la dérivée de . Caractériser par son appartenance au segment viole les principes d’une ”bonne” distance au sens quantique. Heureusement la condition (1.66) peut s’exprimer indépendamment de et . En posant
(1.67) |
où est l’ensemble des fonctions dérivables sur , on vérifie aisément que , le suprémum étant atteint par la fonction de dérivée constante (égale à ): .
Dans cette formule les points demeurent les objets premiers (non seulement parce qu’il s’agit d’une distance entre points, mais aussi parce que sont privilégiées des valeurs d’observables en des points précis). Cependant le théorème de Gelfand assure qu’un points de l’espace n’est rien d’autre qu’un état pur de l’algèbre commutative des observables continues sur cet espace. En représentant sur l’espace des fonctions réelles de carré sommable par simple multiplication point par point, (1.67) s’écrit
(1.68) |
où est l’opérateur de dérivation sur . Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer que pour tout ,
d’où
En remplaçant par une variété riemannienne à spin , par , par et par un opérateur tel que soit un triplet spectral au sens de la définition 1.18, (1.68) est identique à (1.64). Cette définition de la distance géodésique, en apparence plus complexe que la définition usuelle, est en fait plus précise puisqu’elle se généralise immédiatement à tout triplet spectral.?,?
Définition 1.22.
Soit un triplet spectral. La distance entre deux états et est
(1.69) |
On vérifie immédiatement que cette distance est positive, symétrique et reflexive, et presque immédiatement qu’elle satisfait l’inégalité triangulaire puisque
A noter que cette définition n’impose pas au triplet spectral d’être réel, la seule condition indispensable est que le commutateur reste borné pour tout . Dans le chapitre suivant, on étudiera des exemples de distance associée à des triplets réels et à d’autres non réels. De même n’est pas nécessairement une (pré)--algèbre. Cependant les propriétés des -algèbres, et à plus forte raison celles des -algèbres, permettent de mener bon nombre de calculs à terme. De plus c’est ce type d’algèbre qui s’interprète comme fonction sur l’espace non commutatif, on s’intéresse donc dans la suite essentiellement aux triplets spectraux sur des -algèbres.
Dans le cas commutatif, soulignons que (1.64), qui fait intervenir l’algèbre des fonctions continues, n’est pas la traduction exacte de (1.69) appliquée au triplet (1.62) construit sur l’algèbre des fonctions lisses. La formulation de (1.64) est empruntée à [?] qui reprend [?] où cette formule est donnée avec pour algèbre l’algèbre des fonctions bornées mesurables sur (dense dans ). Dans [?], la formule de la distance est donnée directement pour . Ce point est discuté dans la section I du chapitre 3.
III.2 Positivité et condition sur la norme
L’idée que la distance pour la droite réelle est ”réalisée” par une fonction positive de dérivée partout égale à prend dans le cas général la forme d’un lemme extrèmement utile pour les calculs explicites. On montre que la distance non commutative est réalisée par un élément positif de l’algèbre tel que la norme du commutateur égale . Quelques préliminaires simples sont nécessaires. Dans tout ce qui suit est un triplet spectral dans lequel est une -algèbre, , deux états de et la distance définie par (1.69). On note l’ensemble des éléments de l’algèbre satisfaisant la condition sur la norme:
Lemme 1.23.
1) si et seulement si
2) S’il existe tel que et alors .
Preuve. 1) Si , alors et coincident sur . Pour , et donc
d’où, par linéarité, . A l’inverse il est évident que si alors .
2) Posons . Soit est un réel positif non nul. donc . Comme ,
(1.70) |
Le résultat est prouvé en faisant tendre vers l’infini.
Lemme 1.24.
Si est finie alors
Preuve. Si commute avec l’algèbre toutes les distances sont infinies donc il existe au moins un élément tel que . A noter que si , alors de sorte qu’il existe au moins un élément autoadjoint qui ne commute pas avec . On note l’ensemble des de tel que . Puisque ,
(1.71) |
Si , la preuve est immédiate. Pour , on note l’ensemble des tels que et Clairement
(1.72) |
Pour tout posons
où . Noter que
de sorte que
(la partie droite est l’inégalité triangulaire, l’inégalité de gauche est stricte sinon serait infinie en vertu du lemme 1.23). Comme
satisfait
il apparait qu’à tout élément de est associé un élément de tel que . Ainsi
Avec (1.71) et (1.72), il vient , ce qui est
précisément le résultat.
Pour clore cette présentation générale de la formule de la distance, citons un corollaire du lemme 1.23 pour un triplet spectral où est une -algèbre. Il permet d’isoler certains états purs normaux pathologiques.
Corollaire 1.25.
Soient un état pur normal d’une -algèbre et son support. Si , alors est à une distance infinie de tous les autres états purs normaux.
Preuve. On note , . D’après le lemme 1.23, il suffit de montrer que pour tout état pur distinct de . Selon (1.18) (avec ) c’est simplement prouver que . Supposons donc que et montrons qu’alors . La preuve est analogue à celle du lemme 1.7. Soit la représentation GNS de et . Puisque , est non nul et donc un projecteur de rang . Soit un vecteur propre normalisé de . On sait que l’état pur induit par n’est autre que .
Par ailleurs comme pour tout vecteur de ,
Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz? il existe un nombre complexe de module tel que . Ainsi
pour tout . D’où le résultat.
IV Isométrie
IV.1 Symétrie de l’espace non commutatif
Au sens usuel, une symétrie d’un espace est une transformation sous laquelle l’espace est globalement invariant. Au sens topologique, il s’agit d’un homéomorphisme. L’ensemble des homéomorphismes d’un espace topologique est un groupe pour la loi de composition des applications. Comme la proposition 1.1 introduit une équivalence entre l’identification topologique de deux espaces (compacts) et - homéomorphe à - et l’identitification de leur algèbre de fonctions continues - isomorphe à - il est naturel de chercher une correspondance entre les symétries de et des ”symétries” de . Une algèbre n’étant a priori pas un espace topologique, une symétrie d’algèbre n’est pas définie en terme d’homéomorphisme mais plutôt en terme de bijection préservant la structure algébrique (et l’involution s’il y a lieu). Plus précisément on note l’ensemble des automorphismes d’une algèbre involutive sur le corps , c’est à dire l’ensemble des applications de dans , -linéaires, inversibles, telles que et . est un groupe pour la composition des applications. Par application immédiate de la proposition 1.1, on obtient la correspondance désirée entre symétries topologiques et symétries algébriques.
Corollaire 1.26.
Le groupe des automorphismes d’une -algèbre commutative est isomorphe au groupe des homéomorphismes de son espace de caractères.
Lorsque est l’algèbre des fonctions lisses sur une variété compacte , on a?
pour une algèbre non commutative s’interprète ainsi comme le groupe des ”difféomorphismes” de l’espace non commutatif.
L’action d’un automorphisme sur l’espace non commutatif se traduit par un changement de représentation dans le triplet spectral
Dire que est une symétrie, c’est dire que et décrivent des ”espaces non commutatifs identiques”. Les guillements sont de rigueur car la notion ”d’espaces non commutatifs identiques” n’a pas été définie. En terme algébrique, on préfère parler d’équivalence (unitaire).
Définition 1.27.
Deux triplets spectraux réels et sont dits (unitairement) équivalents s’il existe un opérateur unitaire de dans et un isomorphisme d’algèbre de sur tels que
L’équivalence de triplets spectraux non réels est définie pareillement en omettant les conditions sur et . En posant et , on vérifie que tout automorphisme est bien une symétrie au sens non commutatif, mais pas nécessairement une isométrie. En effet, les distances calculées dans la géométrie ou dans la géométrie équivalente ont peu de chance d’être égales dans la mesure où
(1.73) |
n’est pas équivalent à
(1.74) |
sauf si est l’identité de .
IV.2 Invariance de la distance
Pour trouver des symétries de l’espace non commutatif qui préservent les distances, plusieurs approchent sont possibles. La plus naturelle, mais non la plus facile, consiste à s’en tenir strictement aux définitions et à déterminer les automorphismes pour lesquels (1.74) est équivalent à . Cette question est l’objet du paragraphe suivant. L’autre approche s’appuie sur la remarque suivante: bien que l’action d’un automorphisme n’ait été envisagée qu’au niveau de la représentation, il existe une autre action de , tout aussi naturelle, à l’intérieur de l’espace des états
Comme préserve l’involution, il préserve la positivité et , donc est bien un état. En notant
il est immédiat que tout automorphisme, vu comme agissant à la fois sur l’espace des états et sur le triplet spectral, préserve les distances.
Proposition 1.28.
Pour tout automorphisme de et tout état , dans ,
Preuve. En posant ,
Déterminer tous les automorphismes isométriques au sens n’est pas aisé, nous allons simplement en exhiber une certaine classe que nous emploierons ensuite pour des calculs explicites de distance. La non commutativité de met en évidence un sous groupe normal de masqué dans le cas commutatif, à savoir l’ensemble des pour lesquels il existe un unitaire de tel que
Un tel automorphisme, noté , est dit intérieur. L’ensemble des automorphismes intérieurs est un groupe pour la composition des applications,
(1.75) |
Quand est commutative ne présente aucun intéret puisqu’il ne contient que l’identité. Quand ce n’est pas l’algèbre qui commute avec un unitaire , mais l’opérateur de Dirac, on dit que l’automorphisme intérieur associé commute avec . Alors est une isométrie au sens précisé au début du paragraphe aussi bien qu’au sens de son action sur l’espace des états.
Proposition 1.29.
Un automorphisme intérieur commutant avec est une isométrie aux sens suivants:
Preuve. En utilisant
où .
A noter que par la proposition 1.28,
est aussi une isométrie pour l’espace des états
dans la géométrie puisque
.
Outre les automorphismes intérieurs, d’autres applications remarquables de l’algèbre dans elle-même sont les projections
(1.76) |
où . La projection du triplet spectral est, par définition, le triplet
(1.77) |
et on note la distance associée. En général n’est pas injective si bien que la forme linéaire n’est pas nécessairement un état, par exemple si est dans le noyau de (pour une -algèbre, il suffit de considérer un état dont le support est orthogonal au projecteur). En revanche tout état (pur) de est un état (pur) de (pour s’en convaincre il suffit d’écrire ). En clair
Lorsque commute avec l’opérateur de Dirac, la projection est une isométrie pour au sens suivant.
Proposition 1.30.
Soient un projecteur de et deux états de . Si alors
Preuve. Pour tout , d’où
Cette borne supérieure est atteinte par où réalise le suprémum pour la distance ,
car
Soulignons que cette proposition n’implique pas que la distance entre deux états de dans la géométrie égale la distance dans la géométrie , ni même que la distance entre et dans soit égale à la distance entre et dans (ce qui n’aurait aucun sens puisque, rappelons le, ) ). Si on définit l’action de la projection dans l’espace des états par
alors une projection qui commute avec l’opérateur de Dirac est une isométrie,
mais seulement sur .
Chapitre 2 Espace fini
Les exemples les plus simples d’espaces non commutatifs sont associés à des algèbres de dimension finie. On peut résoudre de manière systématique les contraintes imposées par les axiomes de la géométrie non commutative et établir une classification complète des triplets spectraux finis?,?. L’objet de ce chapitre est de déterminer explicitement la métrique de ces espaces. Il apparait rapidement que les distances ne sont pas calculables exactement, sauf dans certains cas dont nous présentons ici un éventail. Les résultats de ce chapitre ont fait l’objet de l’article?. Précisons encore une fois que la formule (1.69) définit une distance sur l’ensemble des états d’une algèbre indépendamment des axiomes de la géométrie non commutative, aussi dans un premier temps nous considérons des triplets spectraux qui ne sont pas réels. En dimension fini, et pour tout sont bornés. La seule contrainte qu’on impose à l’opérateur de Dirac est d’être autoadjoint. Dans la mesure du possible, on s’est efforcé de tenir à ce souci de généralité mais les calculs devenant rapidement impraticables, on s’est limité pour les espaces finis commutatifs aux opérateurs à entrées réelles. De même, pour l’espace à deux points on est revenu aux axiomes afin de sélectionner un opérateur simple permettant de mener les calculs à terme. Quoi qu’il en soit, l’importance des axiomes est discutée dans la dernière partie du chapitre.
S’appuyant sur l’équivalence dans le cas commutatif entre caractères et états purs, on a choisi de ne considérer que les distances entre états purs.
I Topologie des espaces finis
I.1 Espace des états purs
Toute -algèbre de dimension finie est isomorphe à une somme directe finie d’algèbres de matrices? à entrées complexes si est une algèbre complexe, à entrées réelles, complexes ou quaternioniques si est une algèbre réelle. Ainsi
(2.1) |
où , ou et est un symbole générique pour désigner les corps ou .
Lemme 2.1.
Soient , deux -algèbres, alors .
Preuve. Tout état pur de s’étend en un état sur
(la positivité est immédiate puisque ). Si n’est pas pur, il existe deux états et et un réel tels que Ainsi
où et sont des états de . Comme est pur, d’où
c’est à dire . est donc pur et
Soit . Si alors est un état de S’il n’est pas pur, alors c’est une combinaison linéaire convexe de deux états et que l’on étend à par
car est pur. Donc et est pur. Un raisonnement analogue montre que si , restreint à est un état pur de .
Reste la possibilité que et soient tous deux non nuls. En ce cas où
sont tous deux des états de . Comme et que est pur, d’où
De même , donc est nul.
Ce lemme appliqué récursivement sur donne
(2.2) |
si bien que pour connaitre il suffit de connaitre les états purs de et .
I.2 Etat de , et
Dans la section I.I.4, un état sur une algèbre de corps de référence est défini comme une forme -linéaire à valeur dans et de norme . Dès lors vu comme algèbre sur n’a qu’un état: l’identité. Dit autrement les algèbres réelle , complexe et quaternionique n’ont chacune qu’un état (pur). Ceci reste vrai pour et vues comme algèbre réelle. Pour tout d’abord, un état est, au sens de la définition 1.10, une application -linéaire positive à valeur dans satisfaisant et , c’est à dire . En clair coincide avec la partie réelle.
Lemme 2.2.
L’unique état de l’algèbre réelle est
où avec désigne un quaternion quelconque.
Preuve. La représentation de sur l’espace vectoriel réel de dimension quatre, dont la base canonique vérifie , , et , est
avec Par définition,
de sorte que
En conséquence toute forme -linéaire est positive. Par linéarité, un état est complètement déterminé par les valeurs qu’il prend sur . Comme ,
pour tout . Autrement dit
et Dans la
représentation matricielle de sur , d’où
Il peut sembler peu satisfaisant de ne disposer avec , sous algèbre des matrices dont l’ensemble des états purs est de cardinalité infini (voir paragraphe suivant), que d’un seul état pur. Afin d’élargir le champ d’investigation, on peut modifier la définition d’un état réel et ne plus exiger que l’involution soit conservée. a alors plusieurs états mais toujours un seul état pur. En effet, si on note la forme linéaire telle que , et qu’on adopte des définitions similaires pour et , il vient
(2.3) | |||||
où et . Chacun des deux facteurs de la moitié droite de (2.3) envoyant en est un état, si bien que n’est pas pur sauf si .
I.3 Etats des algèbres de matrices
L’espace des états de et ne dépend pas du corps de référence. En revanche en dépend. On note
pour désigner vue comme algèbre sur le corps .
Considérons d’abord les cas .
Une forme -linéaire sur se décompose de manière unique sur la base ,
où , est la base canonique de . Pour tout , ,
où désigne la matrice de composante . A noter qu’à cause de la non commutativité, la notion de forme -linéaire est ambiguë (conformément à l’usage? on considère la -linéarité à droite). Dans les trois cas réel, complexe et quaternionique un état envoie en donc .
Pour ou
(2.4) |
Un état est involutif, , d’où pour tout . La trace est un produit scalaire pour donc . On note une base orthonormée de vecteurs propres de , les valeurs propres correspondantes et les projecteurs associés. Les sont des éléments positifs de l’algèbre donc
De plus
(2.5) |
où va de à . Comme et , le premier facteur du terme de droite de (2.5) est un état. De même, parce que les sont positifs et leur somme vaut , le deuxième facteur est aussi un état. En conséquence n’est pur que si est de rang . On pose et on note un vecteur propre normé de . Alors
(2.6) |
A tout état pur de est associé un projecteur de rang , et tout projecteur de rang définit un état pur. A noter que pour ce résultat est conforme au chapitre (tout état d’une algèbre complexe de dimension finie est normal). Un vecteur propre normé n’est défini qu’à un facteur de module près ( dans le cas réel, une phase dans le cas complexe) ce qui prouve que l’espace des états purs n’est autre que l’espace des droites de .
Lemme 2.3.
Pour ou ,
Dans le cas réel n’est autre que la sphère où les points antipodaux sont identifiés. En basse dimension on trouve? que est difféomorphe au cercle . Dans le cas complexe peut-être vu comme un quotient de la sphère dans la mesure où tout élément de rencontre en un cercle . En basse dimension il apparait que est difféomorphe à .
Pour le cas quaternionique les arguments ci-dessus ne sont pas valides pour plusieurs raisons. D’une part la notion d’état quaternionique n’a pas été clairement identifiée. Si on s’en tient à la remarque de la fin de la section I.I.4, un état sur est une forme -linéaire bornée de norme . Rien ne garantit qu’une telle forme soit involutive. D’autre part même si on impose l’involutivité, la non commutativité de empêche d’écrire l’équation (2.4). Cependant on peut voir qu’un vecteur quaternionique définit bien un état. Dans le détail, considérons l’espace vectoriel (à droite) quaternionique muni du produit scalaire à valeur dans
ou sont les composantes des vecteurs et . Ce produit scalaire définit une norme à valeur réelle
et vérifie l’inégalité de Cauchy-Schwarz?, de sorte que pour
Ainsi pour un vecteur normalisé l’application
est de norme
cette borne supérieure étant atteinte pour . Par conséquent est un état quaternionique au sens de la section I.I.4. En désignant par la sphère quaternionique de dimension , on a
Contrairement aux cas réel et complexe, deux vecteurs normés
et avec ne définissent pas le même
état car . En particulier l’algèbre
ne permet pas de munir d’une
métrique.
Prendre recouvre deux exemples, et . Comme ce dernier n’apparait dans aucun modèle physique, nous ne l’étudierons pas. L’algèbre réelle est de dimension . Tout élément - est la base canonique de - s’écrit sous forme d’une matrice réelle pour peu qu’on voit chaque nombre complexe sous la forme
On note
L’ensemble est une base de l’algèbre et tout élément s’écrit
Une forme -linéaire à valeur dans se décompose sur la base définie par
de sorte que
où et sont les matrices réelles de composantes , respectivement et , les matrices de composantes , . Noter que tandis que d’où
Si est un état réel alors , c’est à dire
pour toute matrice et . Comme les parties imaginaires et réelles des sont indépendantes, on peut prendre et quelconque. Il vient d’où
De manière analogue
On note les valeurs propres de , les projecteurs associés, les valeurs propres de et les projecteurs correspondants, c’est à dire
(2.7) |
Quand , et est l’identité des matrices . Requérir revient à imposer
(2.8) |
Pour écrire la condition de positivité, notons d’abord la table de multiplication
permettant d’obtenir
d’où
Cette expression doit être réelle positive pour tout . En particulier lorsque et on a avec (2.7 , ce qui prouve que est une matrice positive. Lorsque est l’identité et , on a avec (2.8) , ce qui n’est pas possible sauf si .
En conséquence un état de définit, et est défini par, une matrice réelle symétrique telle que
où varie de à . De même que dans (2.5), chacun des deux facteurs du terme de droite est un état si bien que est pur si et seulement si est de rang un. Deux vecteurs réels normés et égaux à un signe près définissent le même état pur d’où
Pour clore cette étude des états des algèbres de dimension finie, précisons que les projecteurs mis en évidence pour les algèbres réelles et quaternioniques ne sont a priori pas des supports au sens donné dans le chapitre puisque dans toutes les références citées la notion de -algèbre est définie pour des algèbres complexes. Par exemple le projecteur associé à l’état réel de n’est pas de rang et il existe deux vecteurs (ceux de la base canonique de ) permettant d’écrire
II Espace à 1 point
II.1 Définition et propriétés générales
Les espaces finis apparaissent comme des espaces de points ( désigne dans (2.1) le nombre de composantes de ) muni chacun d’une fibre identique à . Lorsque on parle d’espace à un point. Les cas sont sans intéret. L’exemple le plus simple est représenté de manière irréductible sur . L’opérateur est alors élément de l’algèbre. Pour utiliser les propriétés des -algèbres, on prend de sorte que tous les états sont normaux. Dans toute la section , et est un élément autoadjoint de . Les états et leur support sont indicés par les vecteurs de :
(2.9) |
Le fait que soit dans permet d’isoler facilement des points pathologiques. Si est un vecteur propre de , est appelé état propre. Son support commute avec . Par le corollaire 1.25 on obtient immédiatement que de tels états sont isolés.
Corollaire 2.4.
Tous les états propres de sont à une distance infinie des autres états purs.
A noter que si est un projecteur propre de de
rang supérieur à , tous les états purs de support sont également des points isolés.
Pour exploiter l’identité entre et , il convient d’associer à tout état pur un -uplet normé de nombres complexes. Pour ceci permet d’écrire la distance non commutative comme une métrique sur la sphère . Le choix de la base de dans laquelle on écrit la représentation de l’algèbre fixe la correspondance entre et l’ensemble des -uplets normés de complexes: si à l’opérateur est associé la matrice , au vecteur est associé (modulo un facteur de phase) le n-uplet de manière à ce que On dit que le choix de la base de la représentation induit une orientation de l’espace des états purs et, de même qu’on identifie l’opérateur à sa matrice, on identifie le vecteur au n-uplet de ses composantes. Ce point n’est pas aussi transparent qu’il parait puisque, pour le calcul des distances, on peut changer de base dans (vu comme espace de représentation de ) sans changer de base dans (vu comme espace où vivent les représentants des classes d’équivalence de ) sous réserve que ce changement de base commute avec l’opérateur de Dirac. En effet supposons qu’à l’opérateur soit associé dans une nouvelle base la matrice tandis qu’à est toujours associé le n-uplet . Alors, pour peu que le changement de base commute avec et bien que
le calcul de la distance entre deux états purs quelconques ne sera pas modifié en vertu de la proposition 1.29. Les orientations les plus naturelles sont celles induites par les bases orthonormées de vecteurs propres de . Elles se déduisent toutes les unes des autres par un unitaire qui commute avec , de sorte qu’elles sont toutes équivalentes pour les distances et on peut sans ambiguité évoquer l’orientation induite par la diagonalisation de , ou simplement l’orientation induite par .
Dans l’orientation induite par , on note les composantes du vecteur et celles du support . Les support des états propres, les supports propres, sont simplement les éléments de la base canonique de . Par le lemme 1.23 si deux états purs , ne coincident pas sur l’ensemble des supports propres alors ils sont à une distance infinie. En composantes, ce qui permet de caractériser facilement des couples d’états à distance infinie.
Corollaire 2.5.
Si pour au moins une valeur de alors .
II.2 L’exemple de
Pour , l’espace des états purs est isomorphe à la sphère . Un isomorphisme explicite est donné par la projection de Hopf qui à tout vecteur complexe de dimension deux normé à une phase près associe le point de - vue comme une surface dans - de coordonnées cartésiennes
(2.10) |
On dira que deux états , sont de même altitude quand . L’altitude est une caractéristique intrinsèque d’un état dans l’orientation induite par . En effet si sont les composantes de dans une base propre et un unitaire, puisque
les composantes de dans l’orientation induite par la base sont . On suppose que les deux valeurs propres , de l’opérateur de Dirac sont distinctes (sinon est proportionnel à l’identité et les distances sont toutes infinies) et que commute avec la forme diagonale de ,
(2.11) |
où . Alors , et l’altitude de dans l’orientation induite par est . Ainsi on peut légitimement espérer que l’altitude soit une donnée pertinente pour caractériser les propriétés métriques des états purs. C’est effectivement le cas.
Proposition 2.6.
Deux points de la sphère d’altitude différente sont à une distance infinie. En particuliers les pôles sont des points isolés.
Preuve. Les deux états propres de correspondent aux vecteurs
qui par (2.10) sont envoyés sur les pôles de la
sphère (points de coordonnées et ). Par
le corollaire 2.4, ces points sont à distance
infinie de tous les autres. Si maintenant deux points et ne sont pas de
même altitude, par définition de on a nécessairement
ou/et
. Le résultat est alors
immédiat par le corollaire 2.5.
Le vecteur représentant est de composantes . Le point de associé a pour coordonnées
(2.12) |
où . Autrement dit pour deux points quelconques , de et leur image , par la rotation (2.12), la proposition 1.29 assure que
La géométrie munie la sphère
d’une métrique invariante par rotation d’axe , cet axe
étant déterminé de manière non ambigüe par la
diagonalisation de l’opérateur de Dirac. Les symétries mises
en place dans le chapitre précédent ne suffisent pas à
déterminer complètement cette métrique, il faut
entreprendre des calculs explicites qui ici ne sont pas
difficiles.
Proposition 2.6’. La distance entre deux états purs est finie si et seulement si ils sont de même altitude. Alors la distance non commutative est la distance euclidienne sur le cercle à un facteur multiplicatif près
Le résultat est exprimé de manière équivalente, au niveau algébrique, par
Preuve. Dans la base qui diagonalise on note les composantes de ( est pris autoadjoint en vertu du lemme 1.24). Si et ne sont pas de même altitude alors la distance est infinie. On suppose donc que . Comme en outre , cette condition impose que et . On prend distinct de , donc . Le vecteur n’étant défini qu’à une phase près, on suppose que . Alors
(2.13) |
et
Un rapide calcul indique d’où
cette borne supérieure étant atteinte par n’importe quel élément tel que
Il suffit alors de remarquer que pour obtenir le résultat.
En calculant
explicitement à l’aide de (2.13), on trouve que , d’où la seconde expression de la proposition.
III Espace à deux points
Pour l’espace le plus simple correspond à l’algèbre representée par une matrice diagonale par bloc sur
(2.14) |
avec et . A noter que cette définition de la représentation suppose qu’une base de est déjà fixée, modulo un unitaire du type
(2.15) |
En effet rien ne garantit que dans d’autres bases soit toujours représenté sous une forme diagonale par bloc. Pour une définition intrinsèque de , il faut se donner une -graduation de , c’est à dire un opérateur qui laisse globalement invariant deux sous espaces et de de dimension respective et . est alors définie comme la somme directe de la représentation fondamentale de sur et de sur . Contrairement à l’espace à un point où la représentation est surjective, l’orientation induite par la diagonalisation de n’est pas pertinente car dans une base qui diagonalise l’opérateur de Dirac, répétons le, n’est plus forcément de la forme (2.14). En clair, il faut considérer que est une matrice autoadjointe quelconque, ou abandonner l’aspect diagonal par bloc de la représentation. Dans les deux cas la détermination du suprémum dans la formule de la distance reste ardue. La prise en compte des axiomes de la géométrie non commutative, en restreignant le choix de l’opérateur de Dirac, permet de mener les calculs à terme.
III.1 Triplet spectral et orientation
Trois des axiomes, relatifs à l’analyse fonctionnelle, sont systématiquement vérifiés par les triplets spectraux finis?. La dualité de Poincaré est discutée de manière générale pour les triplets finis dans la dernière partie de ce chapitre. Restent la réalité, la condition d’ordre un et l’orientabilité. Puisque la dimension spectrale est nulle, il faut montrer qu’il existe (réalité) un opérateur antilinéaire de dans lui-même tel que , Tout élément de est un cycle. Les générateurs de sont les éléments de . Il doit donc exister , dans tels que (orientabilité) la graduation s’écrive . Enfin l’opérateur de Dirac satisfait (condition du première ordre) . Rappelons que par définition la graduation commute avec et anticommute avec .
Si , apparait comme une matrice unitaire composée avec la conjugaison complexe, . La relation de commutation s’écrit ce qui ne peut être vrai pour tout et puisque l’algèbre n’est pas commutative. En revanche si est représentée sur par simple multiplication matricielle, alors un possible est l’opérateur d’involution puisque ,
et on vérifie, pour n’importe quel opérateur de Dirac,
Pour que , on peut prendre
où . En effet
Concernant la graduation, le choix le plus simple est de prendre sauf et où
n’est autre que la graduation de . Ainsi et . Comme commute avec tout , on vérifie que
Enfin,
est nul pour tout si et seulement si . s’écrit donc, selon la graduation de ,
où un vecteur non nul de .
A priori, représenter l’algèbre sur ne
facilite pas le calcul de la norme du commutateur .
Cependant la
norme d’opérateur sur est égale à la norme d’opérateur sur ? si bien que, pour le calcul des distances, tout ce
passe comme si on travaillait avec le triplet spectral au lieu de
L’ensemble des états purs de est l’union de avec l’état de . La correspondance entre un état de et les composantes du vecteur -l’orientation de - est fixée par l’opérateur de Dirac de la manière suivante. On suppose que
car diviser par une constante revient à multiplier les distances par cette même constante. En notant le premier vecteur de la base canonique de , il existe un opérateur unitaire tel que
On appelle orientation induite par le choix de la base où est la matrice du type (2.15) correspondant à . Dans cette base est toujours diagonal par bloc et s’écrit
(2.16) |
Cette base n’est pas unique. Dans toute base se déduisant de par un unitaire du type (2.15) commutant avec , la représentation est diagonale par bloc et l’opérateur de Dirac s’écrit . Comme dans l’espace à un point, les orientations induites par ces choix de base sont toutes équivalentes pour le calcul des distances, on peut donc sans ambigüité parler de l’orientation induite par et la représentation, ou plus simplement de l’orientation induite. A la différence du cas à un point, le choix de l’orientation fait intervenir non seulement l’opérateur de Dirac mais aussi la représentation car la préservation de (2.14) ne va pas de pair avec la préservation de , c’est à dire, tout unitaire commutant avec (2.16) n’est pas nécessairement du type (2.15).
III.2 Distances
Dans l’orientation induite, les vecteurs propres orthonormés à une phase près de sont
où , sont les vecteurs de la base canonique de . Ils correspondent aux valeurs propres et les projecteurs propres s’écrivent
où est la base canonique de . La différence essentielle avec l’espace à un point est que seul appartient à l’algèbre. Les états propres et sont bien des états de mais ne sont pas purs. On pourrait y voir une contradiction avec les conclusions de la section I.3 où il est indiqué que tout état d’une -algèbre de dimension finie est normal, donc de support inclus dans l’algèbre. En fait est le support de vu comme état (pur) de , de même pour . Les supports de et vus comme états de coincident et valent
qui appartient bien à et n’est pas de rang . Le projecteur propre quant à lui est bien support d’un état propre pur qui, par le corollaire 1.25, est à une distance infinie des autres états purs. Bien que n’étant pas un support d’états purs, vérifie l’équation (1.21) à une constante multiplicative près: (on utilise la notation 2.9 pour les états). On peut considérer ”presque comme” un état pur et penser qu’il est aussi à distance infinie des autres états purs. C’est un cas particulier dû au fait que , tout comme , projette sur deux directions , en somme directe par rapport à l’algèbre (i.e. il n’existe pas d’élément de l’algèbre pour lesquels serait non nul). Pour des questions plus générales sur les liens entre métriques sur les états purs et métriques sur les états, on renvoie à [?].
Avoir sélectionner grâce aux axiomes un opérateur de Dirac simple permet d’exprimer facilement sa norme, puis de calculer les distances, en dimension quelconque. On note les composantes d’un vecteur de dans l’orientation induite.
Proposition 2.7.
Si , sont tels que pour tout ,
Par ailleurs est à distance infinie de tous les états purs excepté et
Preuve. Soit autoadjoint en vertu du lemme 1.24, les composantes de et celles de .
est nul si et seulement si, pour tout ,
(2.17) |
Deux états purs et coincident sur l’ensemble des éléments commutant avec lorsque
(2.18) |
pour tout remplissant les conditions (2.17). En particulier si
(2.19) |
où sont deux éléments fixés dans , alors (2.18) se réduit à
(2.20) |
On obtient une équation de ce type pour tout couple d’indice . En désignant par , les vecteurs de dimension de composantes , , (2.20) indique que Il existe donc un facteur de phase tel que , ou encore
(2.21) |
En conséquence si et ne satisfont pas (2.21) pour tout , ils ne coincident pas sur et par le lemme 1.23, .
Si pour tout , alors puisque . Donc . De plus et pour , d’où
où la somme porte de à . On note et les deux vecteurs de de composantes respectives , . Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz,
(2.22) |
D’autre part
(2.23) |
Insérée dans (2.22),
Cette borne supérieure est atteinte par tout du type et . Pour conclure, il suffit de remarquer, comme à la fin de l’espace à un point, que
et de multiplier par
En considérant plutôt que , (2.18) devient
Pour des éléments du type (2.19) on obtient . Autrement dit est colinéaire à . Si tel n’est pas le cas alors et ne coincide pas sur les éléments commutant avec donc la distance est infinie.
Pour finir . En vertu de
(2.23), ,
Appliquons ces résultats à . L’espace des états purs est l’union disjointe de la sphère et du point . Le point isolé correspond au vecteur
qui, par la fibration de Hopf, est envoyé sur le pôle sud de la sphère. Le point correspondant à est le pôle nord, et c’est le seul point qui se trouve à distance finie de . Les conditions sur la finitude des autres distances sont identiques à celles du cas à point et on retrouve que la distance sur des plans de même altitude est, à une constante près, la distance euclidienne du cercle (selon [?], on peut rendre finie la distance entre plans d’altitude constante en agrandissant l’espace de représentation).
A noter que l’ajout du point donne un sens à l’orientation induite. Dans l’espace à un point rien ne permet de distinguer les deux points isolés, tandis que dans l’espace à deux points le pôle sud est par définition l’unique point isolé.
D’autres espaces à deux points du type ne sont pas étudiés ici, pas plus que les sommes de plus de deux algèbres comprenant au moins une algèbre non commutative car les calculs deviennent rapidement impraticables. En revanche les sommes d’algèbres commutatives constituent une classe d’exemples intéressants. Leur étude est l’objet du reste de ce chapitre.
IV Espaces finis commutatifs
Un espace fini commutatif de points est décrit par un triplet spectral ( où est représenté sur par les matrices diagonales
avec . Cependant on sait (lemme 1.24) que pour les calculs de distance on peut supposer que les sont des réels positifs. Pour simplifier les calculs on se limite aux opérateurs de Dirac à entrée réelle. Comme n’intervient qu’au travers du commutateur , on peut sans perte de généralité supposer qu’il est de la forme:
L’espace des états purs est composé de fois l’état pur de . Si désigne la occurence de , on a
Pour alléger les notations on écrit cette équation , de sorte que la formule de la distance devient
(2.24) |
s’interprète comme la matrice d’incidence d’un réseau?: deux points and sont reliés d’un trait si et seulement si l’élement de matrice correspondant n’est pas nul. Par exemple un espace de quatre points avec est représenté par le graphe cyclique
Un chemin est une suite de points distincts tels que
Dans l’espace commutatif de deux points l’unique distance est
Ainsi il est naturel de définir la longueur d’un chemin par
Deux points , sont dits connectés lorsqu’il existe au moins un chemin . La distance géodésique est par définition la longueur du plus court chemin reliant .
Proposition 2.8.
1) Soit l’opérateur obtenu en annulant une ou plusieurs lignes, ainsi que les colonnes correspondantes, de l’opérateur et la distance associée. Alors .
2) La distance entre deux points et ne dépend que des éléments de matrice correspondant à des points situés sur un chemin .
3) La distance entre deux points est finie si et seulement si ils sont connectés.
Preuve. 1) Soit tel que si les lignes et colonnes sont annulées, autrement. est un projecteur qui commute avec ainsi qu’avec . Dès lors et
2) Soit le graphe associé à l’ensemble des points appartenant au moins à un chemin , et l’ensemble des points qui n’appartiennent à aucun chemin . Tout point de est connecté à par au plus un chemin. Pour un élément de , il existe au plus un point tel que et soient connectés par un chemin dont tous les points (excepté ) sont dans . Soit l’opérateur obtenue en annulant toutes les lignes et colonnes correspondant aux points de , et l’élément qui réalise le suprémum pour la distance . Soit défini par , sauf pour les points de où l’on pose ou si n’existe pas. Alors
et . D’après , d’où le résultat.
3) Supposons que et soient connectés. Il existe au moins un chemin dont la longueur est la distance géodésique . Soit l’opérateur obtenu en annulant les lignes et colonnes ne correspondant à aucun point de . Alors . L’inégalité triangulaire indique que
La distance est plus petite que la distance
géodésique, donc elle est finie. Quand et ne sont pas
connectés, on définit par si et
sont connectés, autrement. Alors et
. Puisque est arbitraire, est infinie.
Afin de simplifier les notations, on pose
(2.25) |
Dans les espaces de et points, ces notations se réduisent à
(2.26) |
IV.1 Espace régulier
Un espace commutatif de points est dit régulier lorsque tous les coefficients de l’opérateur sont égaux
Proposition 2.9.
1) La distance entre deux points d’un espace régulier de constante est
2) Si le lien entre deux points - et uniquement ce lien- est coupé, , alors
Preuve. Un espace régulier est symétrique par rapport à toutes les permutations d’indices. Toutes les distances sont égales et pour fixer les notations on calcule . De même lorsque un lien est coupé, on peut sans perte de généralité poser . désigne l’opérateur obtenu de en posant . Pour comme pour , (2.24) et (2.25) donnent
(2.27) |
Pour calculer cette distance, il faut d’abord calculer la norme
du commutateur pour ensuite déterminer le suprémum.
Lemme 2.10.
Preuve. est une matrice carrée de dimension
et de rang puisque son noyau est généré par les vecteurs indépendants
où est à la position, . De plus est une matrice autoadjointe de trace nulle; elle a donc deux valeurs propres non nulles . Autrement dit et un calcul direct donne Ainsi
Soit la matrice carrée de dimension
et de rang puisque est généré par les vecteurs indépendants
où est à la position, Puisque est autoadjointe et que , la matrice a quatre valeurs propres réelles , et son polynôme caractéristique est
(2.28) |
Par calcul direct il vient
Le coefficient en est la somme des mineurs de de degré . Un mineur formé de la première (ou la seconde) colonne, de trois autres colonnes et des lignes associées est également un mineur de . Comme est de rang , ses mineurs de degré supérieur à sont nuls et . Il en est de même pour les mineurs avec . Au final, les seuls mineurs non nuls sont
L’addition de ces mineurs donnent
On peut résoudre (2.28) et obtenir
Lemme 2.11.
Dans l’espace régulier, le suprémum des dans (2.27) est atteint lorsque tous les sont égaux.
Preuve. On pose
Supposons que réalise le suprémum, c’est à dire
Alors
- est positif: est globalement paire, on peut donc choisir positif.
- supposons que des soient plus grands que et désignons les de manière générique par . Soit maintenant le (n-1)-uplet où les sont remplacés par . décroit car
et
Fixer les valeurs des autres permet de voir comme fonction de la seule variable ,
dont la dérivée est
Puisque ,
dès que . est continue et , donc il existe avec . Ceci signifie que le n-uplet initial en n’atteint pas le suprémum en contradiction avec l’hypothèse. Par conséquent .
- pour tout : en remplacant par , la preuve est identique au paragraphe précédent.
- Tous les sont égaux: soient et les deux plus petites valeurs des , choisies telles que . signifie que tous les sont égaux. Si , alors
Supposons que des soient égaux à . La somme sur tous les donne:
En fixant les valeurs des et en considérant non plus comme une constante mais comme la valeur de la variable , apparait comme une fonction de deux variables et . Il vient
Comme
pour , on a De plus
donc il existe tel que
, ce qui contredit notre
hypothèse. Par conséquent .
Preuve de la proposition 2.9
1) Grâce au lemme 2.11, pour . La condition sur la norme de l’équation (2.27) s’écrit
Ce polynôme en n’a pas de solution réelle sauf si
Cette borne supérieure est atteinte lorsque
2) Posons
Par le lemme 2.10
(2.29) |
Soit . Comme et sont tous
deux positifs, (4.6) implique . En
répétant toute la procédure du lemme 2.11
on trouve que cette borne supérieure est atteinte lorsque tous
les sont égaux et
.
Ces deux exemples ne doivent pas laisser croire que les distances dans les espaces finis sont toujours explicitement calculables. C’est le cas pour mais pas pour .
IV.2 Espace à trois points
On considère un espace de trois points avec comme opérateur de Dirac
ou . Par permutation des coefficients on obtient toutes les distances à partir de .
Proposition 2.12.
Dans un espace à trois points avec l’opérateur de Dirac ci-dessus,
Preuve. L’équation (2.24) et les notations (2.26) donnent
Un calcul direct donne
est la plus grande valeur de pour laquelle il existe un point appartenant à l’ellipse
(2.30) |
est la valeur positive de pour laquelle l’équation en (2.30) a un discriminant nul, c’est à dire
Les trois distances vérifient une inégalité triangulaire ”au carré”
(2.31) |
ainsi que deux autres inégalités obtenues par permutations des indices. Disposant d’une formule exacte pour chaque distance d’un espace de trois points, on peut raisonnablement se demander s’il est possible d’inverser la métrique pour remonter à l’opérateur de Dirac. Plus exactement, étant donnés trois nombres positifs vérifiant (2.31), existe t-il une géométrie dans laquelle sont les distances d’un espace commutatif de trois points ?
Proposition 2.13.
Soient trois nombres réels strictement positifs qui vérifient Il existe un opérateur tel que , , . Les coefficients de sont
and sont déduits par permutation de .
Preuve. En posant , , , la proposition 2.12 donne
apparait comme la résistance électrique entre les points 1 et 2 du circuit en triangle.
Trouver le coefficient signifie déterminer trois résistances induisant une impédance entre les points . Un résultat classique d’électricité ? précise que le circuit en triangle est équivalent au circuit en étoile où
(2.32) |
et ayant des formules analogues obtenues par permutations des indices. Dans le circuit en étoile,
d’où
Inseré dans (2.32) ce système d’équations conduit à
IV.3 Espace à quatre points
Calculer les distances dans un espace de points est une tâche sans fin. Le calcul de la norme du commutateur n’est a priori plus génériquement possible dès que ( étant une matrice antisymmétrique réelle, son polynôme caractéristique est alors d’ordre 5 et il n’y pas de formule explicite pour les racines des polynômes de degré supérieur à 4). Bien que pour la norme soit toujours calculable, il apparait que la détermination du suprémum n’est déjà plus toujours possible dès .
On utilise les notations (2.26) ainsi que
où sont les composantes d’une matrice antisymmétrique réelle. Ainsi
Proposition 2.14.
1) est la racine d’un polynôme de degré .
2) Généralement n’est pas calculable par radicaux.
3) Il existe des cas où est calculable. Par exemple quand , on a le résultat suivant:
avec
Par permutation on déduit , , (resp. ) de (resp.).
La suite de cette section est entièrement consacrée à la preuve de la proposition 2.14. Pour dans , on note le vecteur colonne de composantes . Les fonctions de dans
permettent de définir les surfaces et dans
Lemme 2.15.
1) Pour ,
2) Si est tel que , alors .
Preuve. 1) Les quatre valeurs propres de sont d’où
2) Montrons que la preuve étant identique pour les autres composantes de . Comme et , alors . Si
Un calcul explicite de montre que
d’où . La
preuve est identique lorsque
.
Comme corollaire immédiat, l’équation (2.24) s’écrit
(2.33) |
ou est le premier vecteur de la base canonique de
et désigne le produit scalaire euclidien usuel.
Cette formule n’est pas utilisable dans la mesure où
n’est pas définie par une forme quadratique. Il
est plus facile de travailler avec .
Lemme 2.16.
.
Preuve. Le suprémum dans (2.33) est atteint en un point tel que , s’il est défini, est parallèle à l’axe des . Si , alors n’est pas défini mais
par le lemme 2.15. Si , alors est colinéaire à , de sorte que
Pour conclure, il suffit de remarquer que pour tout
, il existe tel que , par exemple
où
Ainsi la distance est une racine commune à un polynôme de plusieurs variables et à ses polynômes dérivés. Avant d’entreprendre des calculs explicites, rappelons quelques résultats concernant les systèmes d’équations polynômiales.
Remarques sur les systèmes d’équations polynômiales
Soient et deux polynômes de la forme
avec . Sans connaître explicitement les racines , de , , on peut calculer ? par une série de manipulations algébriques des coefficients , le résultant de et
(2.34) |
est un polynôme en et . et ont une racine commune si et seulement si leur résultant est nul. Un résultant bien connu est le discriminant
dont les racines sont les racines doubles de .
Lorsque et sont des polynômes de plusieurs variables , on désigne par le résultant de et vu en tant que polynôme en . De même désigne le discriminant de vu commme polynôme en .
Lemme 2.17.
Soit un polynôme de degré 2 en dont les coefficients sont des fonctions réelles de et . Si
pour , alors est une racine du polynôme et est une racine de .
Preuve. En posant , on obtient
signifie que , c’est à dire d’où
Ainsi implique si bien que est une racine double de et
Preuve de la proposition 2.14
Au lieu de , on utilise une forme effective pour éliminer le terme correctif apparaissant dans (2.34) de manière à ce que les racines de correspondent exactement à l’existence d’une racine commune à et :
où est le coefficient de plus haut degré de vu
comme polynôme en et . Bien entendu le
numérateur est pris après simplification (pas toujours
possible) de la fraction.
1) Par calcul direct, . L’expression exacte des est donnée en annexe. Ce sont des polynômes en de la forme
Le discriminant d’un polynôme de degré quatre est
En remplaçant par on voit que est un
polynôme en de degré .
2) Il suffit d’exhiber un contre-exemple. Prenons
qui donne
C’est un polynôme de degré 2 en et . Les résultants sont facilement calculables et l’on obtient
Posons maintenant
a une racine réelle , deux racines complexes distinctes , et leurs conjuguées & .
La théorie de Galois permet de montrer que ne peut être résolu par radicaux. On indique ici les étapes essentielles du raisonnement, renvoyant au livre [?] pour une présentation détaillée de la théorie. On remarque que , et sont premiers. Si où sont dans avec de degré au plus , alors (on peut supposer ce coefficient positif), et . Par interpolation, on détermine pour chacun des triplets possibles le polynôme correspondant,
On vérifie ensuite qu’aucun de ces polynômes ne divisent . Donc est irréductible sur . Soit une ”splitting field” extension de . Puisque a cinq racines distinctes, son groupe de Galois
est isomorphe à un sous groupe du groupe de symmétrie (groupe des permutations des racines . Comme n’a pas de racines doubles, est séparable et
où est l’ordre de et son indice, c’est à dire le nombre de cosets dans . Si est une racine de alors
donc est divisible par 5. Donc contient un élément d’ordre 5, à savoir le 5-cycle . Un autre élément, noté , de est donné par la restriction à de la conjugaison complexe
est d’ordre deux, donc est divisible par 2. Comme
est d’ordre trois,
est un multiple de et
divise . Dans la mesure où n’a pas de sous
groupe d’ordre 30, Puisque les
sous-groupes résolubles de sont d’ordre au plus
[?, Thm. A 38], le théorème de Galois
indique que n’est pas résoluble par radicaux, tout comme
3) Lorsque et
Ce polynôme a quatre racines simples et quatre racines doubles
On sait d’après les lemmes 2.15 et 2.16 que est l’un de ces et que la valeur associée est une racine double de . La valeur associée est déterminée en résolvant . On détermine ensuite sous quelles conditions chacun des vérifie et on prend le plus grand d’entre eux. Dans le détail, cette méthode appliquée à donne et
Ainsi ne peut être solution que si . En utilisant les valeurs de et données en annexe, on trouve que ne peut pas être solution sauf si . Au contraire et sont toujours susceptibles d’être solution. Maintenant appliquons la proposition 2.8 en annulant tous les liens sauf . On trouve de sorte que si alors Comme et , lorsque , et autrement. Lorsque , n’est pas défini mais la preuve est identique.
Le calcul de est semblable. On cherche maintenant le maximum de . est un polynôme en de degré douze avec les racines simples et les racines doubles
, | ||||
, |
Les valeurs des et en appendice permettent de
vérifier que (resp. ) ne peut-être solution que si
(resp. . Comme précédemment,
et sont susceptibles d’être toujours solution. On
obtient le résultat en remarquant que ,
, et que si et sont susceptibles
d’être solution, alors .
Contrairement à l’espace à trois points, les distances dans l’espace à quatre points ne peuvent pas être lues directement dans l’opérateur de Dirac à l’aide d’un algorithme fini. Le calcul des distances relève donc d’une approche plus pragmatique et doit être envisagé cas par cas. Il n’est pas non plus possible de remonter des distances vers l’opérateur de Dirac: caractériser les métriques qui proviennent d’un opérateur de Dirac est une question sans réponse claire dans la mesure où il n’y a pas ici de formules à inverser comme cela a pu être le cas dans l’espace à trois points. Il y a cependant une solution pour peu que l’on relâche une contrainte sur le triplet spectral, à savoir le choix de l’espace de représentation. On montre en effet, et c’est l’objet de la dernière section de ce chapitre, que pour toute métrique dans un espace de points il est possible de construire un triplet spectral, satisfaisant aux axiomes de la géométrie non commutative, tel que la distance associée soit précisément la métrique désirée.
V Distance et axiomes de la géométrie non commutative
Dans les sections précédentes nous n’avons que peu tenu compte des axiomes de la géométrie non commutative présentés dans le premier chapitre. Ces axiomes sont introduits afin que la géométrie (1.62) coïncide avec la géométrie spinorielle riemannienne. Dans l’optique où les espaces finis seraient des équivalents discrets de variété riemannienne, il peut être important que les triplets considérés soient des triplets spectraux réels (cf. définition 1.20). Mais dans le cas finis, ces axiomes? obligent à travailler avec des matrices dont la taille croit rapidement avec le nombre de points. Les calculs explicites sont vite impraticables sauf dans quelques cas simples. Telle est la raison pour laquelle nous n’en avons pas tenu compte dans la section consacrée aux espaces commutatifs finis. Cet oubli volontaire n’est pas lourd de conséquence car on peut montrer que pour les espaces commutatifs finis les axiomes n’imposent pas de contraintes sur les métriques susceptibles d’être décrites par un triplet spectral. Autrement dit, étant donnés nombres réels () strictement positifs tels que
(2.35) |
il existe un triplet spectral réel avec tel que la distance associée sur l’ensemble des états purs de soit donnée par les nombres . Pour le montrer nous aurons besoin du lemme suivant.
On note les composantes d’un éléments de et la représentation de sur . Les sont des réels satisfaisant (2.35).
Lemme 2.18.
Il existe un triplet spectral réel tel que
(2.36) |
Preuve. Raisonnons par récurrence sur . Pour prenons , ,
L’opérateur et la structure réelle sont
où désigne la conjugaison complexe.
Dans le cas fini les axiomes se réduisent à la réalité, le premier ordre, l’orientabilité et la dualité de Poincaré?. Dans le cas présent les deux premiers axiomes sont des relations de commutations (, ) et de multiplication () faciles à vérifier. A noter que la représentation de l’algèbre opposée est
est bien une chiralité puisque , et anticommute avec . La condition d’orientabilité est vrai pour peu que l’on écrive
Concernant la dualité de Poincaré, on sait par la périodicité de Bott? que tous les groupes pour impair sont isomorphes à , qui est nul pour l’algèbre , tandis que pour pair
Le seul couplage est donc de dans . Pour , les projecteurs de sont et . Tout autre projecteur pour quelconque est équivalent, au sens de (1.60), à ou , qui sont donc les générateurs de . Le couplage (1.61) est donnée par la matrice de la forme d’intersection de coefficients
où
et est donné en (1.56). En dimension finie, un opérateur d’un espace de dimension dans un espace de dimension et son adjoint ont des images de même dimension, de sorte que
Ainsi
(2.37) | |||||
où l’on utilise que la dimension d’un projecteur est donné par sa trace. On trouve alors
qui est de déterminant non nul, donc la dualité de Poincaré est satisfaite. Enfin un rapide calcul garantit que
Supposons maintenant que aient été construits pour . Construire le triplet spectral à l’ordre consiste très exactement à répéter la construction de l’ordre . Soit et
avec pour tout et . Désignons de manière générique par les opérateurs ou . est diagonal par bloc et défini de manière récursive par
Comme pour , on définit
L’opérateur de Dirac et la conjugaison de charge sont données par
On vérifie alors aisément tous les axiomes, sauf la dualité de Poincaré qui nécessite quelques précautions. Chaque itération ajoute un générateur au groupe . La matrice de la forme d’intersection n’est autre que la matrice de multiplicité? du triplet spectral et on trouve
Pour tout entier on peut toujours considérer le triplet spectral trivial avec d’évidentes representation et conjugaison de charge et une chiralité égale à -1. La somme directe de ce triplet spectral avec , conduit à une matrice de multiplicité qui n’est pas dégénérée pour suffisamment grand.
Pour finir, le calcul de la norme du commutateur découle de la structure diagonale par
bloc des opérateurs et de l’hypothèse de récurrence.
On peut ainsi montrer le résultat annoncé.
Proposition 2.19.
Etant donnés nombres réels positifs satisfaisant (2.35), il existe un triplet spectral avec satisfaisant aux axiomes tel que la distance non commutative soit donnée par les nombres .
Preuve. Grâce au lemme ci-dessus on construit un triplet spectral obéissant aux conditions (2.36). Lorsque vérifie la condition sur la norme, alors , d’où
Fixons maintenant deux points tels que et prenons , fini pour tout grâce à l’inégalité triangulaire); en particulier, . Par (2.35), pour tout et . Ainsi par (2.36). D’où
et le résultat pour peu que soit finie. Si tel n’est
pas le cas alors et sont également infinis
pour tout . L’inégalité (2.36) n’impose aucune
contrainte sur et puisque les éléments de
matrice de correspondant s’annulent. On peut donc envoyer
à l’infini et on a bien
.
En conclusion, une fois donnée , les axiomes de la géométrie non commutative n’apportent aucune contrainte sur les métriques susceptibles d’être obtenues par un opérateur de Dirac. De telles contraintes apparaissent quand on impose une autre condition, comme fixer ainsi que nous l’avons fait dans la discussion des cas à trois et quatre points. Il est important de souligner que la fonction qui associe une métrique à un opérateur de Dirac est surjective. Dans les modèles de gravité quantique basé sur les valeurs propres de l’opérateur de Dirac?, on a également besoin de savoir combien d’opérateurs de Dirac correspondent à une métrique donnée, ainsi que les relations entre leurs spectres.
La contrainte (2.35) est une condition nécessaire et suffisante pour que les nombres soient des distances. Rien n’empêche de poser une condition plus forte. Par exemple si l’on désire voir l’espace non commutatif comme une disrcétisation de l’espace euclidien, les doivent, selon la dimension de cet espace, vérifier des conditions supplémentaires?,? (pour que six nombres positifs soient les distances euclidiennes entre sommets d’une pyramide, il ne suffit pas qu’ils vérifient l’inégalité triangulaire trois par trois).
Chapitre 3 Produit du continu par le discret
L’un des intérets de la géométrie non commutative en physique est de proposer des modèles simples d’espace-temps où cohabitent le discret et le continu. Un même formalisme permet de rendre compte des symétries de l’espace-temps continu de la relativité générale (malheureusement uniquement avec signature euclidienne), à savoir l’invariance par difféomorphisme, ainsi que des symétries de jauge des interactions électrofaibles et fortes. Ces dernières sont interprétées géométriquement comme symétries d’un espace interne discret. Nous reviendrons longuement dans le dernier chapitre sur cette interpétation qui donne une justification géométrique au champ de Higgs. Ici nous étudions l’aspect métriques de ce type de géométries, décrites par des produits tensoriels de triplets spectraux.
Pour établir les notations on donne une preuve simple, extraite de [?], de l’égalité (1.64) entre distance non commutative et distance géodésique pour une variété riemannienne compacte à spin. Ensuite sont établies des propriétés générales de la distance associée au produit de triplets spectraux. En particulier il est connu?,? que dans le modèle à deux couches,
la distance sur chaque copie de la variété est la distance géodésique tandis que la distance entre les couches ne dépend que du triplet spectral interne. Ce résultat est généralisé à tout produit tensoriel de géométries. Pour finir, la distance est explicitement calculée pour des modèles d’espace temps euclidien. A noter que la distance dans le continu a été étudiée dans l’optique voisine des algèbres de Lie dans [?]. Les résultats de ce chapitre ont donné lieu à l’article [?].
I Distance pour une variété à spin
Le triplet spectral associé à une variété riemannienne compacte à spin avec une métrique est donné par (1.62). D’apès la proposition 1.17, la partie connexion de spin de l’opérateur de Dirac commute avec si bien que pour tout ,
où est l’action de Clifford (1.47), les vielbein, les matrices de Dirac euclidiennes (1.46) et les matrices de Dirac riemanniennes (1.48) qui vérifient, grâce à (1.45),
(conformément au chapitre I, on utilise un indice grec pour la variété et un indice latin pour les degrés de liberté de spin; se contractent avec ). Pour le calcul des distances, on peut considérer que le triplet spectral d’une variété à spin est
(3.1) |
La dimension spectrale est la dimension de la variété qu’on prend égale à . Le triplet spectral est pair donc la chiralité (1.54) s’écrit
où est donnée en (1.36) et désigne traditionnellement le produit des matrices gamma euclidiennes. Le produit scalaire de est donné par (1.51) ou le couplage de à valeur dans est le produit scalaire euclidien des spineurs vus comme vecteurs colonnes dont les entrées sont des fonctions d’onde,
où désigne le vecteur ligne complexe conjugué de .
Comme énoncé dans le théorème 1.21, la distance non commutative (1.69)
(3.2) |
coincide avec la distance géodésique entre les points de . C’est un résultat classique ? mais la preuve introduit idées et notations dont nous ferons un usage intensif par la suite, aussi nous donnons en détail la démonstration.
Par la définition (1.34) de l’involution dans , si bien qu’en choisissant les matrices de Dirac autoadjointes, on choisit en fait une action de Clifford autoadjointe,
Ainsi la norme d’opérateur de , pour une fonction réelle selon le lemme 1.24, s’écrit
où on utilise ainsi que l’équation (1.31). D’où
Soit maintenant une géodésique minimale entre et . On désigne par un point la dérivée totale par rapport au paramètre . Pour tout
avec . Les fonctions sont les composantes d’un champ de vecteur . On note les composantes de , si bien que
Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz,
Si atteint le suprémum, en tout et
Cette borne supérieure est atteinte par la fonction
(3.3) |
En effet, et
(3.4) |
Pour montrer cette dernière inégalité, choisissons , de coordonnées dans une carte donnée, où est l’image de par la transformation infinitésimale , , désignant le flot généré par le champ de vecteurs avec la condition initiale . Alors, avec ,
c’est à dire
(3.5) |
Comme est le plus court chemin de à , . Ainsi
(3.6) |
Par (3.5)
Inseré dans le membre de droite de (3.6) dont la partie gauche est développée par rapport à , cette équation donne
qui est vraie quel que soit , d’où (3.4) et finalement
II Produit de géométries
II.1 Produit tensoriel de triplets spectraux
Le produit tensoriel d’un triplet spectral réel pair muni d’une chiralité , par le triplet spectral réel est le triplet spectral défini par
La représentation est (dans ce chapitre nous n’utiliserons ni la chiralité ni la structure réelle du triplet produit mais toutes deux sont définies, cf [?]). Dans la mesure où les triplets spectraux ne forment pas un espace vectoriel, la notation est essentiellement une convention. Ce produit est commutatif car lorsque est pair et muni d’une chiralité , alors le triplet spectral est également défini (il suffit de permuter les facteurs)
(3.7) |
et il est équivalent à via l’opérateur unitaire
En physique ce produit tensoriel est utilisé pour décrire un espace continu dont chaque point est muni d’une fibre discrète. Dans le modèle standard l’espace interne est choisie de manière à ce que le groupe des unitaires de , modulo le relèvement aux spineurs?,?, soit le groupe de jauge des interactions. est une algèbre de matrices, est l’espace des fermions et l’opérateur de Dirac interne a pour coefficients les masses des fermions, éventuellement pondérées par la matrice unitaire de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa. Nous reviendrons longuement sur le modèle standard dans le chapitre consacré aux fluctuations de la métrique. Ici nous étudions de manière plus générale la distance pour des produits tensoriels de triplets spectraux sans présupposer, dans un premier temps au moins, que l’un est fini et l’autre relatif à une variété différentiable.
Néammoins, afin de ne pas multiplier les notations, tous les objets relatifs au premier terme du produit tensoriel sont appelés externes alors que ceux relatifs au second sont dits internes.
II.2 Distance dans l’espace interne et dans l’espace externe
Pour fixer les notations on suppose que est pair et l’on travaille avec . Pour étudier cette géométrie, le premier point est de calculer l’espace des états. Soient et des états de et respectivement. La paire agissant comme est un état de . En effet
Pour montrer la positivité, on note un élément positif de , et . Alors
La somme sur est finie. La matrice de composantes est autoadjointe et se décompose sur ses projecteurs propres . La valeur propre associé au vecteur propre est positive puisque La composante du projecteur propre est de sorte que
Le produit de deux états purs est un état mais pas nécessairement pur. Qui plus est, il peut exister des états (purs) de qui ne s’écrivent pas comme produit tensoriel. Quoi qu’il en soit, nous ne considérons ici que des états du type . Cette restriction n’est pas gênante dans la mesure où, dès qu’une des algèbres est commutative, tout état pur et de cette forme [?, p. 857].
Proposition 3.1.
Soit et deux -algèbres dont l’une au moins est abélienne. Alors
En ce cas tout état pur de s’écrit
et sont appelés respectivement partie externe et interne de . Dans le modèle à deux couches est abélienne si bien que tout état pur de est du type où , , désignent les états purs de et ceux de . Il est? connu que est la distance géodésique tandis que est une constante. Ce résultat s’étend à tout produit de deux triplets spectraux. Une fois fixé la partie externe , ne dépend que de ; de même ne dépend que de .
Théorème 3.2.
Soient , et les distances associées à , , respectivement. Quels que soient , dans et , dans ,
Preuve. Notons les éléments de et ceux de . Tout élément de s’écrit
où l’indice de sommation parcourt un sous-ensemble fini de . L’équation (3.7) donne
En multipliant à droite et à gauche par l’opérateur unitaire , on peut écrire
où on utilise le fait que commute avec et anticommute avec . Quels que soient deux éléments d’un espace normé,
d’où
et |
En factorisant le terme de gauche de cette dernière inégalité par ,
(3.9) |
Pour chaque et , on définit l’élément de par
est autoadjoint. En effet, puisque est positif il existe tel que
où et ; ainsi
Ainsi l’élément de
est normal. En notant l’ensemble des états de et une notation similaire, il vient d’après l’équation (1.11)
où l’on a remarqué que est également normal. Avec (3.9) on trouve
Comme , on obtient finalement
Cette borne supérieure est atteinte par où réalise le suprémum pour ,
Ce théorème ne donne pas une description complète de la géométrie. Dans les modèles du type discret continu, il indique que la distance sur chaque copie de la variété est la distance géodésique alors que la distance à l’intérieur d’une fibre ne dépend pas de la fibre choisie et est complètement déterminée par la partie interne du triplet spectral. Ceci ne donne aucune information sur la distance croisée, c’est à dire la distance entre états correspondant à différents points de la fibre et différents points de la variété. A noter également que la discussion sur la distance de Gromov entre variétés munies de métriques différentes? n’est pas transposable ici car de telles variétés échappent à la description par un produit tensoriel de triplets spectraux.
II.3 Distance croisée
Les points clés du théorème 3.2 sont les équations (II.2) et (3.9). La première oublie la partie interne du commutateur et fait sens pour la distance entre états de même partie interne. Au contraire (3.9) ne prend pas en compte la partie externe du commutateur et suffit à déterminer la distance entre états de même partie externe. Le calcul de la distance croisée nécessite de prendre en considération à la fois la partie interne et la parti externe du commutateur, ce qui rend le calcul beaucoup plus délicat. Cependant lorsque décrit une variété et est une -algèbre alors la distance croisée entre états dont les parties internes sont des états purs normaux, en somme directe (cf. la définition ci-dessous) et dont la somme des supports commute avec l’opérateur de Dirac interne, s’interpète en terme de modèle de Kaluza-Klein discret. Bien que l’espace interne soit disconnexe, il apparait que la distance non commutative coincide avec la distance géodésique d’une variété connexe compacte de dimension . Cette variété demeure ”virtuelle” en ceci que les points entre les couches de dimension ne font pas partie de la géométrie. Le plongement de l’espace non commutatif dans un espace continu de dimension supérieur est un artifice de calcul. Il ne doit pas masquer une propriété fondamentale, à savoir que deux parties d’un espace non commutatif n’ont pas besoin d’être connectées pour être à distance finie.
Ce résultat s’applique à une toute petite classe d’états, néammoins il est significatif puisque les distances du modèle standard entre dans ce cadre. Tout le calcul repose sur l’observation suivante: si dans une géométrie deux états purs normaux , sont en somme directe et que la somme de leur support commute avec l’opérateur de Dirac, alors coincide avec la distance d’une géométrie où .
Pour traiter le modèle standard il est important que les résultats de ce chapitre soient vrais pour des algèbres réelles. Comme on utilise seulement la propriété (1.21), il n’est pas nécessaire d’étudier la théorie des -algèbres réelles. On appelle simplement, par abus de langage, état normal d’une algèbre réelle tout état réel auquel est associé un projecteur de l’algèbre satisfaisant (1.21). Dans ce chapitre, désigne indifféremment une -algèbre complexe ou une algèbre réelle admettant des états réels normaux. On désigne génériquement par les corps et .
Définition 3.3.
Deux états normaux , de sont dits en somme directe si pour tout .
Cette définition se justifie en remarquant que si , alors les idéaux bilatères principaux et sont en somme directe. Rappelons que pour tout élément de , l’idéal bilatère principal? est l’ensemble des sommes où . Si , alors et sont en somme directe en ce sens que leur intersection est vide. En effet si alors il existe , , et dans tels que
En multipliant à gauche par , on trouve que pour tout . Autrement dit , d’où .
Proposition 3.4.
Soient les supports de deux états purs normaux , d’une algèbre sur . Soit un triplet spectral dans laquelle . Si sont en somme directe alors
où , sont les deux états purs de et est la distance associée au triplet dans lequel
où , et est une application linéaire bornée de dans .
Preuve. La preuve découle de la proposition 1.30 avec . Les états sont en somme directe donc par (1.21), inclus dans , est en somme directe avec . Comme il est immédiat que
On obtient un isomorphisme explicite en identifiant , à la base canonique de
(3.10) |
Les deux états purs , de extraient respectivement les première et deuxième composantes du doublet de nombres complexes , de sorte que
d’où par la proposition 1.30.
Naturellement est en somme directe avec puisque, si , alors . D’où
Par définition est la projection sur de la restriction de à ,
où est une application de dans et , des endomorphismes de , respectivement (les parties antidiagonales sont adjointes l’une de l’autre car est autoadjoint).
On note l’identité de et l’identité de . Pour tout ,
(3.11) |
Ainsi commute avec la partie diagonale de et la distance coincide avec celle calculée en prenant , tout autre chose égale. On a alors d’où
cette borne supérieure étant atteinte par .
Soulignons que, quoique puisse être non borné, est
nécessairement borné. Pour s’en convaincre rappelons que si
est un opérateur borné sur un espace de Hilbert et
un projecteur de rang , alors est borné (on
vérifie par l’inégalité de Cauchy-Schwarz que pour tout
, ). Par
définition d’un triplet spectral, est borné
donc est bornée, de
même que sa restriction à .
Naturellement ce résultat n’a d’intérêt que pour des états purs dont la somme des supports commutent avec l’opérateur de Dirac sans qu’aucun des supports pris individuellement ne commute avec . On sait en effet, par le corollaire 1.25, qu’un tel état est infiniment distant des autres états purs.
La proposition 3.4 s’étend immédiatement à des produits de géométries.
Définition 3.5.
Un état de est dit ”semi-normal” quand .
Quelle que soit la géométrie externe, si la somme des parties internes de deux états semi-normaux en somme directe commute avec l’opérateur de Dirac interne, la distance est identique à la distance calculée en projetant la géométrie interne sur .
Corollaire 3.6.
Soient , deux états semi-normaux de , une géométrie dans laquelle et . Si, en tant qu’états normaux de , et sont en somme directe alors
où , sont les états purs de et est la distance associé au triplet , étant le triplet défini par application de la proposition précédente à .
Preuve. Puisque ,
et . Comme , le résultat est immédiat.
Supposons maintenant que , donné par (3.1), décrive une variété riemannienne compacte à spin de dimension quatre. On note
deux états semi-normaux de . Comme est abélienne, et sont purs selon la proposition 3.1. Si est une algèbre réelle, on prend et comme état pur externe. La preuve suivante est écrite pour le cas complexe, son adaptation au cas réelle est immédiate.
Si et sont en somme directe et que la somme de leur support commute avec l’opérateur de Dirac interne, alors l’espace interne est orthogonal à la variété au sens du théorème de Pythagore.
Théorème 3.7.
Soient deux états purs normaux en somme directe, de supports , tels que Pour tous points de
Preuve. La preuve se divise en trois étapes. Tout d’abord la géométrie est isométriquement projetée sur un modèle à deux couches. Ensuite on montre que la distance coïncide avec la distance géodésique d’une variété riemannienne compacte de dimension et, enfin, qu’elle vérifie le théorème de Pythagore.
1) Avec les notations du corollaire 3.6, en posant et ,
(3.12) |
Comme , la distance est celle d’un modèle à deux couches. Dans la géométrie réduite un élément générique de s’écrit, d’après (3.10),
où et . Conformément au lemme 1.24, on suppose que est positif, c’est à dire que et sont des fonctions réelles (réelles positives si est vue comme algèbre réelle).
Selon (3.11), est représenté par L’opérateur de Dirac , où est donné par la proposition 3.4, est tel que
(3.13) |
Les états purs et agissent selon
2) Montrons que coincide avec la distance géodésique d’une variété compacte
munies des coordonnées , de la métrique
et d’une structure de spin par l’ajout aux matrices gamma précédentes de
D’après la section 1 de ce chapitre, il suffit de montrer que coincide avec la distance non commutative du triplet
(pour éviter toute confusion, précisons que la notation n’a aucun lien avec le commutant).
Pour se faire, on note le sous-ensemble de composé de toutes les fonctions du type
où et sont des fonctions réelles sur . Alors
où
est une parabole en positive et de coefficient directeur positif, c’est à dire que atteint son maximum sur ses bords, en ou . Remarquons que
et, par (3.13)
De même
d’où
En conséquence, puisque ,
(3.15) |
La démonstration de l’inégalité opposée requiert une connaissance plus appronfondie de la géometrie de . Comme est diagonale par blocs et ne dépend pas de , les coefficients de la connexion de Levi-Civita sont
où l’on pose On note l’élément de longueur dans . Les équations des géodésiques s’écrivent
(3.16) | |||
(3.17) |
et, parce que ne dépend pas non plus de , elles se réduisent à
(3.18) | |||||
(3.19) |
où est une constante réelle. En d’autres termes, la projection sur d’une géodésique de est une géodésique de , et la projection de sur l’hyperplan de codimension contenant et orthogonal à est une ligne droite (c’est à dire une géodésique de l’hyperplan).
Soit une géodésique de paramétrisée par son élément de longueur . En utilisant (3.18),
(3.20) |
Soit l’élément de longueur de . En supposant que (ce point est discuté plus bas),
(3.21) | |||
(3.22) |
Pour tout point de , on note une géodésique minimale de entre les points et , et sa projection sur . On définit la fonction ,
où est définie en (3.3). En prenant avec ,
(3.23) |
L’équation (3.22) indique que
Inseré dans (3.23) sous la forme , on obtient
En utilisant (3.21),
(3.24) |
Par ailleurs et , de sorte que (3.13) donne
Par (3.4) on trouve alors . Comme dans le cas d’une variété, on suppose qu’il existe une suite de fonctions lisses sur convergeant vers telle que, avec une notation évidente, la suite vérifie pour tout . Avec (3.24), on obtient alors
(3.25) |
Ce résultat est vrai aussi longtemps que . Si ce n’est pas le cas, alors
car (3.20) indique que et par définition n’est pas dégénérée. En clair, est une constante. Une telle équation ne peut pas être l’équation d’une géodésique à moins que . Par conséquent (3.25) est vrai tant que .
Lorsque , (3.12) donne . En notant la distance associée au triplet seul, la proposition 3.2 garantit que Cette distance est calculée dans le corollaire 3.4 et vaut
(3.26) |
La projection de la géodésique est, par (3.19), une géodésique entre et , c’est à dire un point. est une ligne droite dans l’hyperplan. Dès lors, et
Par conséquent et (3.25) est vrai même si .
3) La dernière étape consiste à montrer que (3.25) satisfait le théorème de Pythagore. étant constant, l’équation (3.21) signifie que et sont égaux à une constante près. De cette manière on peut paramétriser une géodésique de par plutôt que par et obtenir, grâce aux équations des géodésiques,
où est une constante réelle. Alors
d’où
(3.27) | |||||
D’une part le théorème 3.2 donne , d’autre part
par (3.26). Avec (3.25) et (3.27), ceci prouve que
Avec ce théorème, toutes les distances du modèle à deux couches sont connues. Quand l’algèbre interne est de dimension finie, tous les états appartenant à des composantes différentes de la décomposition (2.1) de sont en somme directe, donc susceptibles de relever de ce théorème.
III Exemples
Appliquons ces résultats à des modèles d’espace temps où l’algèbre interne est l’une de celles décrites au chapitre précédent.
III.1 Espace fini commutatif
Soit , , représentée diagonalement sur . Le support du état de est la matrice de la base canonique de . Tous les états sont en somme directe. Pour que , il faut et il suffit que
(3.28) |
Dans la représentation graphique de la section II.IV, en se souvenant que la distance ne dépend que des chemins reliant à (proposition 2.8), la condition (3.28) signifie que le seul chemin entre les points et est précisément le lien .
Dans le cas plus simple, , le théorème 3.7 muni le modèle à deux couches d’une métrique cylindrique. Pour , (3.28) impose qu’un lien au moins soit coupé, mettons pour fixer les notations. L’espace non commutatif correspondant est un modèle à trois couches. On désigne les points par . Les couches et forment un modèle à deux couches avec une métrique cylindrique de coefficient supplémentaire . De même pour les couches et avec un coefficient . En revanche le théorème 3.7 ne dit rien de la distance croisée entre et . On sait seulement, en vertu du théorème 3.2 et des résultats de la section II.IV.2, que
Le schéma est similaire pour . L’espace non commutatif est un modèle à quatre couches. Les trois paires sont munies d’une métrique cylindrique et les autres distances croisées ne sont pas connues. L’espace régulier ne satisfait pas les conditions requises, aussi le prochain exemple sera non commutatif.
III.2 Espace à deux points
Les notations sont celles de la section II.III. Rappelons simplement que est représentée par une matrice diagonale par bloc sur . L’opérateur de Dirac est
où désigne le premier vecteur de la base canonique de . L’état de est en somme directe avec tous les états purs de . La somme des supports
commute avec si et seulement si c’est à dire . En d’autres termes est le pôle nord de la sphère qui, rappelons le, est l’unique point à distance finie de .
Concernant la distance croisée entre deux états de , on serait tenté de relacher une des hypothèses du théorème 3.7 et s’intéresser à des états , qui ne sont pas en somme directe. Cette condition n’est en effet pas nécessaire pour effectuer la projection du triplet spectral telle qu’elle est présentée dans la proposition 3.4. Du moment que et sont orthogonaux, est un projecteur et on trouve que la distance est la même que celle calculée avec le triplet . Grâce au lemme 1.9 il apparait que est isomorphe à .
Pour , deux états purs orthogonaux sont à une distance infinie l’un de l’autre puisque d’altitude , différentes (sauf éventuellement deux états purs sur l’équateur):
Par l’inégalité triangulaire il est immédiat que toute distance est également infinie. Les cas n’ont pas été envisagés dans le chapitre précédent car la détermination du suprémum n’est pas aisée.
Chapitre 4 Fluctuation de la métrique
I Connexion et perturbation de la métrique
Les théories de jauge, du type Yang-Mills, sont construites sur un fibré vectoriel où les fibres sont le support d’une représentation du groupe de jauge de l’interaction. De la même manière qu’à un espace compact est associée l’algèbre de ses fonctions continues, à tout fibré vectoriel est associé le module de ses sections continues défini en (1.28). C’est un module sur qui est fini et projectif [?, Prop. 2.9]. La définition d’un module projectif fini est donnée dans la section I.II.4 (énoncé de la condition de finitude); de toutes ses propriétés nous retiendrons celle-ci: tout module projectif fini sur est le module des sections continues d’un fibré vectoriel sur . Ce théorème, du à Serre et Swan, est le pendant pour les fibrés vectoriels du théorème de Gelfand. Comme pour le couple espace compact/-algèbre commutative, on montre que la catégorie des fibrés vectoriels sur un espace compact est équivalente à la catégorie des modules projectifs sur . Ainsi un module projectif fini sur l’algèbre d’un triplet spectral réel est un bon candidat pour jouer le rôle de fibré vectoriel pour la géométrie en question, et servir de support à la formulation non commutative d’une théorie de jauge.
I.1 Transformation de jauge
Dans une théorie de jauge, le potentiel de jauge - le quadrivecteur potentiel pour l’électromagnétisme par exemple - est la forme locale d’une connexion, une transformation de jauge correspondant à un changement de connexion. En géométrie non commutative, la connexion? est définie par analogie avec la formule (1.39). Au lieu d’une variété , on se donne un triplet spectral . est remplacé par un -module projectif fini . La proposition 1.17 suggère que les -formes de la géométrie soient générées par des éléments du type . L’ensemble des sections de est un -module. On demande donc que l’ensemble des -formes de la géométrie soit un -module. Autrement dit
(4.1) |
Définition 4.1.
Soit un triplet spectral. Une connexion sur un -module projectif fini est une application -linéaire satisfaisant la règle de Leibniz
pour tout .
Lorsque qu’un fibré vectoriel est muni d’un produit scalaire fibre à fibre, le module hérite d’une structure hermitienne à valeur dans :
Adaptée à un module (par convention à droite) sur une -algèbre quelconque, la structure hermitienne défini un -module.
Définition 4.2.
Un -module sur une -algèbre est un espace vectoriel qui est aussi un -module (pas forcément projectif fini) muni d’un couplage tel que
où et , tel que soit complet pour la norme
Les modules plein de la définition 1.13 de l’équivalence de Morita sont des -modules.
Quand un -module projectif fini est aussi un -module - est une -algèbre - se pose la question de la compatibilité de la connexion avec la structure hermitienne. L’équivalent non commutatif de la connexion de Levi-Civita est une connection hermitienne, ie. une connexion satisfaisant la version non commutative de (1.42), à savoir
(4.2) |
Précisons que si , , , alors
La différence d’un signe entre (1.42) et (4.2) provient de la définition , puisqu’alors . Un théorème fondamental de la géométrie riemannienne indique que pour toute variété (pseudo)-riemannienne, il existe une unique connexion compatible avec la métrique et de torsion nulle. Pour les -modules projectifs fini, on un théorème du même ordre, qui repose sur le fait que tout module projectif fini sur est de la forme
(4.3) |
où désigne le -module des vecteurs colonnes de dimension à entrée dans , et . Tout élément d’un -module projectif fini est un -vecteur colonne et, puisque est un -module, est un vecteur à entrée dans . On note le vecteur de composante tel que , et le vecteur de composante . On montre alors que l’ensemble des connexions hermitiennes est un espace affine.
Proposition 4.3.
Soit un -module projectif fini. La structure hermitienne de est induite par la structure hermitienne canonique de . Sur ce module, toutes les connexions hermitiennes sont données par
où est une matrice hermitienne.
Toute endomorphisme inversible de définit un endomorphisme de l’espace des connexions
(4.4) |
On peut choisir de faire agir un endomorphisme de sur l’espace des connexions autrement, mais l’action (4.4) permet de caractériser facilement un certain type d’endomorphisme qui préserve l’hermicité. Un endomorphisme -linéaire de possède un adjoint s’il existe un endomorphisme tel que
pour tout . On note l’algèbre des endomorphismes avec adjoint (c’est une -algèbre pour la norme d’opérateur [?,Th. 3.1]. Un tel endomorphisme est unitaire s’il préserve la structure hermitienne
c’est à dire si (l’endomorphisme identité). Le groupe des endomorphismes unitaire est noté . On montre alors? que si est une connexion hermitienne sur et , alors est une connexion hermitienne. D’où la définition d’une transformation de jauge.
Définition 4.4.
L’action de sur les connexions hermitiennes est appelée transformation de jauge.
La matrice de la proposition 4.3 est l’équivalent non commutatif du potentiel de jauge.
I.2 Opérateur de Dirac covariant
Etant donnés une géométrie et un -module projectif fini , on peut construire des connexions sur . L’interprétation géométrique de ces connexions, c’est à dire leur influence sur la géométrie , passe par la construction d’un nouveau triplet spectral.
Tout élément d’un -module projectif fini est un -vecteur colonne. On note le -vecteur ligne correspondant. L’ensemble des pour est un -module projectif à gauche, noté , où l’action de est
Proposition 4.5.
Soit un triplet spectral réel de dimension et une connexion hermitienne sur un -module projectif finie . Soit
et l’opérateur agissant sur par
Alors avec
est un triplet spectral réel de dimension .
L’action de sur est défini en voyant comme un opérateur sur via la définition (4.1) de
De même on définit
Quand les deux géométries sont difficilement comparables puisqu’elles ne reposent pas sur le même espace des états. En revanche, si on choisit le -module trivial , on obtient , et
Définition 4.6.
L’opérateur est appelé opérateur de Dirac covariant.
L’emploi du terme covariant se justifie en remarquant que l’action d’un unitaire , par la modification de la connexion, induit une transformation de en
où . Autrement dit sous une transformation de jauge, se transforme selon
qui est bien la loi de transformation du potentiel vecteur en électromagnétisme
Comme a priori pour un quelconque de , le remplacement de par , c’est à dire le passage d’une théorie à connexion nulle à une théorie covariante, induit une perturbation de la métrique appelée fluctuation interne de la métrique. Par analogie avec la connexion de Levi-Civita qui est nulle si et seulement si l’espace est plat, les fluctuations internes de la métrique rendent compte d’une courbure de l’espace non commutatif qui n’a pas d’équivalent commutatif puisqu’alors est nul.
Le reste de ce chapitre est consacré à l’adaptation des résultats des chapitres précédents en présence d’une connexion non nulle.
II Fluctuations de la métrique dans les produits de géométrie
Soit un triplet spectral réel. Pour alléger les notations, on note au lieu de l’espace des -formes.
Lemme 4.7.
.
Preuve. (axiome du premier ordre) et (réalité) garantissent que
Comme conséquence immédiate,
(4.5) |
Soit un produit de géométries tel que défini au chapitre II. Les 1-formes sont données par?,?
où est l’ensemble des 0-formes de , les autres termes étant définis de manière analogue. Quand est le triplet spectral d’une variété,
oú . Une 1-forme du triplet total est
où , , . Un potentiel vecteur est donné par
(4.6) |
avec un champ de vecteur (sur ) à valeur dans les éléments anti-adjoints de et un champs scalaire à valeur dans . Pour une algèbre de matrices (ou une somme directe d’algèbres de matrices), les éléments anti-adjoints forment l’algèbre de Lie du groupe des unitaires. Ce groupe de Lie représente le groupe de jauge de la théorie, donc est un potentiel de jauge. Dans [?] une formule est donnée pour les fluctuations de la métrique dues à . Ici nous nous intéressons aux fluctuations provenant uniquement du champ scalaire , et on suppose que . Alors (4.5) devient
(4.7) |
Dorénavant on écrit . Pour ne pas alourdir les notations, on désigne toujours par la distance associatée au triplet . Selon (3.7), une fluctuation scalaire substitue
à . La différence essentielle est que maintenant l’opérateur de Dirac dépend de , de sorte que tout point de définit un triplet spectral interne
Cette interprétation de la fluctuation scalaire permet une adaption facile du théorème 3.2.
II.1 Distance dans le continu et dans le discret
Théorème 3.2’. Soit la distance géodésique dans et la distance associée au triplet spectral . Pour tout (, désignent les états purs associés) et ,
Preuve. La preuve du théorème 3.2 s’adapte facilement. Les notations sont identiques exceptées que est un état pur et s’écrit . est remplacé par . Avec ,
Comme est normal,
L’équation (3.9) étant remplacée par , on obtient
La suite de la preuve est identique à celle du théorème
3.2.
A noter que dans (II.1) on utilise que est
un caractère (i.e. que c’est un état pur et que est
commutative). Le théorème 3.7 est modifié plus
sérieusement car la fluctuation introduit une dépendance en
du coefficient supplémentaire
dans la métrique de Kaluza-Klein.
II.2 Distance croisée
Les notations sont celles du théorème 3.7.
Theorème 3.7’. Soient deux états purs normaux de en somme directe tels que la somme de leurs supports commute avec en tout . Alors
où est la distance géodésique de la variété à spin munie de la métrique
dans laquelle est la
métrique de la variété initiale et est la restriction
à la représentation de de la projection de
sur la représentation de .
Preuve. Sauf mention contraire, les notations sont celles du théorème 3.7. La première partie de la preuve est à peine modifiée. Soit . Grâce à (4.7) et à la définition (4.6) de ,
Evaluée en , l’expression ci-dessus donne
par hypothèses, indiquant que est l’endomorphisme nul de si bien que par le lemme 3.6,
La différence avec le théorème 3.7 est que dépend de . Plus précisément, est une matrice dont les entrées sont des champs scalaires sur .
Désormais dépend de mais est constant par rapport à . Les équations des géodésiques (3.16, 3.19) ne se réduisent pas à (3.18) mais à
par (3.16). Ainsi est une constante. La seule différence avec la première équation (3.18) est que
(4.9) |
est maintenant fonction de . On définit par
(4.10) |
où est une géodésique minimale entre et le point fixe . désigne sa projection sur (noter que n’est pas une géodésique de ). En supposant que
(4.11) |
pour tout , on écrit et
(4.12) |
Si (4.11) n’est pas vérifiée, on note l’ensemble des points de pour lesquels . désigne l’ensemble des points correspondants dans . Pour tout , (4.9) donne
et au lieu de (4.12),
Inséré dans en tant que , cette expression garantit que
La fonction est, par définition (4.10), constante sur un hyperplan dans un voisinage de . Dans un référentiel adéquat - désignant les coordonnées de l’hyperplan et la coordonnée supplémentaire - on écrit et . Ainsi
d’où et le résultat.
Quelques précisions sur ce théorème. Tout d’abord, puisque tous les coefficients de la métrique sont dépendants en , la distance géodésique ne peut en aucun cas satisfaire le théorème de Pythagore. Ensuite, rappelons que par définition une métrique n’est pas dégénérée et, implicitement, nous avons supposer que ne s’annule en aucun point. C’était nécessaire dans le théorème 3.7 afin que la distance reste finie. Ici la question est plus subtile dans la mesure où peut très bien n’être nul que pour certains points . Soit l’ensemble de ces points. Pour tout , par la proposition 2’. De plus
donc pour tout , ce qui contredit le théorème 4’ dès que . Une solution est de considérer que avec est un point isolé à distance infinie de tout autre point et de définir comme . Si tout chemin entre et traverse , cette opération découpe en morceaux disconnexes. Une meilleure solution consiste à prendre en compte la partie non scalaire de la fluctuation. Faute de temps, cet aspect n’est pas étudié dans cette thèse. On renvoie à [?] pour l’étude du champ de jauge vu comme métrique.
III Exemples
Dans cette dernière section, on étudie la métrique d’espace produit du discret par le continu dont la partie interne est l’une de celles décrites dans le chapitre II. On donne également un résultat concernant la distance dans le modèle standard.
III.1 Espaces commutatifs - le modèle à deux couches
Avec les notations de la section 3.III.1, on vérifie que dès que . Cette condition n’est pas nécessaire et la fluctuation peut être telle que le théorème 3.7’ s’applique alors que le théorème 3.7 ne s’appliquait pas dans la théorie de jauge nulle. Bien entendu le cas le plus simple, , muni le modèle à deux couches d’une métrique cylindrique ou le coefficient supplémentaire de la métrique est une fonction de la variété.
III.2 Le modèle standard.
Le triplet spectral du modèle standard (cf. [?,?,?] et [?] pour le calcul détaillé de la masse du boson de Higgs) est le produit du triplet spectral réel (1.62), noté ici , par une géométrie interne où l’algèbre réelle
est representée sur
La base de est donnée par les fermions gauches
et la base de est formée des fermions droits (le modèle a été construit du temps où les neutrinos n’avaient pas de masse). L’indice de couleur des quarks est omis. et correspondent aux antiparticules. est représenté par
où, en écrivant et le nombre de générations de fermions,
On définit une structure réelle
et un opérateur de Dirac interne
dont les entrées sont les matrices
où est la matrice
(4.13) |
Ici, et désignent les bases canoniques de et respectivement. , , sont les matrices de masse
dont les coefficients sont les masses des fermions élémentaires, éventuellement pondérées par la matrice unitaire de Cabibbo-Kobayashi-Maskawa. La chiralité, dernier élément du triplet spectral réel, est
La présence de la représentation conjuguée dans oblige à voir comme une algèbre réelle. Par conséquent, l’état pur de n’est plus l’identité mais la partie réelle. L’état pur de est décrit dans le chapitre I. Concernant , on remarquera simplement qu’étant linéaires, deux états purs ayant même noyau sont proportionnels; comme ils coïncide sur l’identité, ils sont alors égaux. L’algèbre interne étant réelle, par produit tensoriel l’algèbre externe doit être vue comme l’algèbre réelle et un état pur externe est .
La géométrie non commutative donne une interprétation du champ de Higgs comme -forme de la géométrie interne. Par fluctuation scalaire, les -formes sont étroitement liées à la métrique et le champ de Higgs s’interprète en effet comme coefficient d’une métrique.
Le calcul suivant est mené en jauge nulle .
Proposition 4.8.
La partie finie de la géométrie du modèle standard avec fluctuation interne scalaire de la métrique en jauge nulle est un modèle à deux couches indexées par les états de et . Chacune des couches est une copie de la variété riemannienne à spin initiale, munie de sa métrique. La composante supplémentaire de la métrique, correspondant à la dimension discrète, est
où est le doublet de Higgs et la masse du quark top.
Preuve. signifie et afin que .
Puisque est une -forme?, le lemme 4.7 donne et on peut prendre . Par un calcul explicite?,
où est un champ scalaire à valeur quaternionique. Alors
(4.14) |
où
avec , deux champs scalaires complexes.
Par (1.69), les distances dans le modèle standard sont identiques à celles du triplet , où est la sous-algèbre des éléments auto-adjoints de , avec
La représentation de ce triplet est la restriction de à . Pour les quaternions, substitue
En d’autres termes, à chaque représentation de correspond la somme directe de la représentation fondamentale de avec elle-même. Dans ce cas, vu comme état pur de est bien l’identité. La projection associée est simplement le nombre qui satisfait naturellement (1.21). Il en va de même pour vu comme état pur de (on note le projecteur associé). On obtient alors que
commute avec défini en (4.14). Le théorème 3.7’ s’applique pour les états de dont la partie interne est ou . Puisque
où est le sous-ensemble de généré par les anti-leptons, le coefficient de métrique supplémentaire est
Comme attendu, est une matrice , où est la dégénérescence de la représentation de dans , et , sont définis de manière similaire. En utilisant la forme explicite (4.13),
Les autres distances mettent en oeuvre les états purs de et sont infinies. En effet,
ne met aucune contrainte sur , si bien que pour et ,
Pour , avec garantit que la distance est infinie. Alors
par le théorème 3.2’, et . La preuve est rigoureusement la même pour . Pour , il suffit de se rappeler qu’il existe tel que , ce qui rend infinie.
Conclusion
Calculer explicitement les distances par la formule (1.69) permet d’avoir une image ”intuitive” des espaces non commutatifs. Dans cette thèse, ces calculs ont pu être menés à terme parce que la géométrie présentait des propriétés particulières: deux des coefficients de l’opérateur de Dirac nuls pour l’espace à quatre points, états en somme directe dont la somme des supports commute avec pour les produits de géométrie. Un premier axe de recherche est de s’affranchir de ces contraintes qui sont purement techniques et n’ont pas de justification physique.
Dans le cas commutatif fini, une piste est d’ajouter une condition sur le triplet spectral. En exigeant que les distances entre points satisfassent, outre l’inégalité triangulaire, les mêmes propriétés que les distances entre points d’un espace euclidien de dimension donnée, on peut espérer caractériser des opérateurs de Dirac pour lesquels les calculs soient possibles. .
Concernant les produits de géométrie, il est probable que le
modèle à deux couches muni d’une métrique cylindrique n’est
plus significatif dès lors que les états ne sont plus en
somme directe et/ou que la somme de leurs supports ne commutent
pas avec . On pouvait espérer que le fibré en sphère
construit par projection de l’algèbre interne sur
(quand les états ne sont pas en somme directe mais seulement
orthogonaux) était une bonne piste. Malheureusement, comme
discuté à la fin du chapitre III, de tels états sont à
distance infinie (sauf peut-être ceux sur l’équateur, i.e.
d’altitude dans la fibration de Hopf). Pour deux états
non orthogonaux, la somme des supports n’est pas un projecteur et
on ne peut plus simplifier le calcul en projetant l’algèbre
interne sur une algèbre de dimension inférieure. L’exemple du
cas à quatre point laisse augurer qu’un calcul direct sera vite
impraticable. Plutôt que de résoudre des cas académiques,
il semble donc préférable d’entreprendre des calculs au cas
par cas, pour les modèles dictés par la physique.
Une autre question ouverte est la définition non commutative
d’une géodésique. En particulier dans l’espace fini
commutatif, doit-on considérer que tout état appartenant à
un chemin est élément d’une ”géodésique” entre
et (car si on coupe tous les liens attachés à cet
état, la distance entre et augmente) ou faut-il
raffiner cette définition en trouvant un équivalent de la
propriété élémentaire vérifiée pour la droite
réelle: la géodésique est l’ensemble des points où la
dérivée de la fonction réalisant le suprémum dans la
formule de la distance est partout égale à ?
Plus urgent, car en relation avec la physique, est de prendre en compte la partie non scalaire de la fluctuation. Une formule existe? pour une connexion de jauge non nulle mais en l’absence de fluctuation scalaire. Le résultat, via l’holonomie de la connexion, permet de caractériser la finitude de la distance. Il est donc d’une grande importance physique puisqu’il peut rendre finie la métrique du secteur interaction forte du modèle standard. Ecrire la preuve de ce résultat est une priorité, en l’associant ensuite aux résultats présentés dans cette thèse afin d’obtenir une formule pour une fluctuation complète comprenant à la fois une partie scalaire et une partie de jauge. Ce résulat trouverait une application directe dans le tore non commutatif dont les fluctuations internes de la métrique, contrairement au cas commutatif où est nul, sont hautement non triviales.
Alors seulement on pourra espérer interpréter physiquement
les distances non commutatives du modèle standard et proposer
des tests expérimentaux. Déceler une structure discrète à
l’échelle de Planck n’est peut-être pas hors de porté de
l’expérience, comme le suggèrent les travaux sur les jets de
rayons gamma? selon lesquels une structure discrète
de la géométrie peut se révèler par addition d’effets
minuscules sur une longue trajectoire.
Deux points enfin restent en suspend. Tout d’abord l’impossibilité pour l’instant de traiter des métriques pseudo-riemanniennes (cf [?] pour des propositions sur cette question) qui rend délicate l’interprétation physique mentionnée ci-dessus, et les zéros du doublet de Higgs avec le lien qu’ils établissent entre la dégénéréscence de la métrique au sens non commutatif et des problèmes subtils de théorie des champs tels que le problème de Gribov?.
Annexe.
Coefficients de pour le cas général à quatre points
Calcul de lorsque
, | ||||
, | ||||
, |
Le choix des signes est dicté par le signe de l’expression dans la valeur absolue.
Calcul de quand
Le choix des signes est dicté par le signe de l’expression dans la valeur absolue.
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- 58 C. Rovelli, Spectral noncommutative geometry and quantization: a simple example, Phys. Rev. Lett. 83 (1999) 1079-1083, gr-qc/9904029.
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- 60 S. Sakai -algebras and -algebras, Springler-Verlag (1971).
- 61 I. J. Schoenberg, Metric spaces and positive definite functions, Trans. Amer. Math. Soc. 44 (1938).
- 62 T. Schücker, J.M. Zylinski, Connes’ model building kit, Journ. Geom. Phys. 16 (1995) 207–236, hep-th/9312186.
- 63 T. Schücker, Spin group and almost commutative geometry, hep-th/0007047.
- 64 T. Schücker, Geometry and forces, Ecole d’été ”Noncommutative geometry and applications”, Lisbonne, septembre 1997, hep-th/9712095.
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- 68 R. Wulkenhaar, Gyros as geometry of the standard model, hep-th/9712183.
Index
- §I.2
- §I.1
- §I.3
- §I.3
- 1.76
- §IV.2
- §IV.2
- §I.2
- §I.2
- §II.4
- §I.3
- c 1.37
- §I.1
- §II.1
- §I.1
- §I.4
- Définition 1.11
- §II.1
- §II.1
- §II.1
- §I.1
- §I.1
- D Définition 1.16
- Dis(P) §IV.3
- 1.55
- §I.1
- §II.1
- g §II.1
- 1.54
- 1.36, §II.3
- §II.1
- §II.1
- 1.40
- §II.2
- gradient 1.29
- Condition 3
- §I.2
- §I.1
- §IV.2
- §II.4
- §I.1
- §II.2
- §II.4
- 3.3
- §II.1
- 1.53
- §II.4
- §I.3
- 1.39
- §II.3
- 1.12, 1.16, 1.20
- 1.52
- Lemme 1.5
- §II.2
- §I.2
- Lemme 2.2
- §II.1
- §I.4
- §I.2
- §I.3
- §I.4
- Lemme 1.5
- §I.2
- §II.4
- Res(P) 2.34
- S Définition 1.14
- §I.2
- §I.3
- §II.1
- §I.3
- §I.3
- §II.1
- Lemme 1.5
- §I.1
- Spin §II.2
- §II.2
- §I.3
- §I.2
- §II.1
- §II.1
- §II.1
- §II.1
- §II.1
- §I.1
- Définition 1.4
- Lemme 1.5
- §I.2
- §II.1
- §II.4
Résumé: Cette thèse étudie l’aspect métrique de la géométrie non commutative à travers la formulation de Connes de la distance entre états d’une algèbre.
La définition d’un espace non commutatif est l’objet du premier chapitre. Des propriétés générales de la formule de la distance sont mises en évidence ainsi que d’importantes simplifications quand l’algèbre est de von Neumann.
Dans le deuxième chapitre, les distances sont calculées pour des algèbres de dimension finie. Les cas et sont envisagés.
Dans la troisième chapitre, on étudie la distance pour des géométries obtenues par produit de l’espace -temps riemannien avec une géométrie discrète. Des conditions sont établies garantissant que l’espace discret soit orthogonal, au sens du théorème de Pythagore, à l’espace continu. On obtient ainsi une description complète de la métrique pour un exemple de base de la géométrie non commutative, le modèle à deux couches. On montre également en toute généralité que la métrique d’une géométrie n’est pas perturbée quand on réalise son produit avec une autre géométrie.
Le dernier chapitre étudie l’évolution de la métrique
lorsque la géométrie est perturbée par des champs de
jauges. En se limitant à la partie scalaire de ces champs, on
calcule les distances dans la géométrie du modèle
standard. Il apparait que le champ de Higgs est le coefficient
d’une métrique riemannienne dans un espace de dimension 4
(continues) + 1 (discrète).
Summary: The aim of this thesis is the metric aspect of noncommutative geometry as defined by Connes.
The first chapter exposes the definition of a noncommutative space as well as general properties of the distance formula between states of an algebra. Simplifications occur when dealing with von Neumann algebras.
Some distances for finite dimensional algebras are explicitly computed in the second chapter, including and .
Third part studies the distance for product of geometries. Conditions are found making the internal discrete space orthogonal to the continuous riemannian spacetime. This gives a complete description of the metric of a basic noncommutative example: the two sheet model.
In the last chapter, one studies the fluctuations of the metric
when the geometry is gauged. Limiting ourselves to the scalar
part of the gauge field, one compute the distances in the
geometry of the standard model and find that the Higgs field is
the component of a metric in a fifth discrete dimension.
Mots clés: géométrie non commutative,
états, distance, théorie de jauge, champ de Higgs.
Laboratoire: Centre de physique théorique, CNRS Luminy case 907, 13288 Marseille cedex 9.