différentielles abéliennes à singularités prescrites

Quentin Gendron Centro de Investigación en Matemáticas, Guanajuato, Gto., AP 402, CP 36000, México quentin.gendron@cimat.mx  and  Guillaume Tahar Institut de Mathématiques de Jussieu - UMR CNRS 7586 Faculty of Mathematics and Computer Science, Weizmann Institute of Science, Rehovot, 7610001, Israel tahar.guillaume@weizmann.ac.il
Abstract.

The local invariants of a meromorphic Abelian differential on a Riemann surface of genus g𝑔g are the orders of zeros and poles, and the residues at the poles. The main result of this paper is that with few exceptions, every pattern of orders and residues can be obtain by an Abelian differential. These exceptions are two families in genus zero when the orders of the poles are either all simple or all nonsimple. Moreover, we even show that the pattern can be realized in each connected component of strata. Finally we give consequences of these results in algebraic and flat geometry. The main ingredient of the proof is the flat representation of the Abelian differentials.

Key words and phrases:
Abelian differential, Flat surface, Strata, Residue

1. Introduction

Soient X𝑋X une surface de Riemann compacte de genre g𝑔g et KXsubscript𝐾𝑋K_{X} son fibré en droites canonique. Une différentielle abélienne de X𝑋X est une section méromorphe non nulle de KXsubscript𝐾𝑋K_{X}. Localement, elle s’écrit f(z)dz𝑓𝑧𝑑𝑧f(z)dz, où f𝑓f est une fonction méromorphe. Il est bien connu (voir par exemple [Sai10, Encadré III.2]) que les invariants en un point P𝑃P d’une différentielle abélienne ω𝜔\omega sont l’ordre de la différentielle en P𝑃P et le résidu ResP(ω)subscriptRes𝑃𝜔\operatorname{Res}_{P}(\omega) dans le cas où P𝑃P est un pôle de ω𝜔\omega.

Ces invariants ne sont pas arbitraires mais vérifient certaines propriétés. Tout d’abord le résidu d’un pôle simple est toujours non nul. Ensuite, la somme des ordres des zéros et des pôles d’une différentielle est égale à 2g22𝑔22g-2. Enfin la somme des résidus s’annule. Réciproquement, on peut se demander s’il existe des différentielles méromorphes possédant des invariants locaux prescris satisfaisant ces relations. Deux théorèmes célèbres apportent des réponses partielles à ce problème.

Le premier est le théorème de Riemann-Roch (voir le théorème 9.3 de [Rey89]) qui permet d’obtenir certaines différentielles avec des ordres fixés. Toutefois, ce théorème ne donne aucune information sur les résidus de ces différentielles. De plus, ce résultat ne permet de montrer qu’il existe des différentielles pour tous les ordres que nous pouvons considérer. Par exemple, le fait qu’il existe des différentielles holomorphes dont les ordres sont donnés par une partition quelconque de 2g22𝑔22g-2 à été montré dans [MS93] par des méthodes complètement différentes.

Le second résultat est le théorème de Mittag-Leffler (voir la proposition 9.3 de [Rey89]) qui démontre l’existence de différentielles avec l’ordre des pôles et les résidus correspondants imposés. Toutefois, ce théorème ne donne aucune information sur les zéros de ces différentielles.

Dans cet article, nous nous proposons de répondre à la question suivante.

Étant donnés les ordres des zéros et pôles ainsi que les résidus aux pôles,
existe-t-il une surface de Riemann avec une différentielle possédant ces invariants locaux?

1.1. Définitions et résultats principaux

Afin de préciser la question précédente, nous introduisons un certain nombre de notions. Nous désignerons par

μ:=(a1,,an;b1,,bp;1,,1s)assign𝜇subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝subscript11𝑠\mu:=(a_{1},\dots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p};\underbrace{-1,\dots,-1}_{s})

une partition de 2g22𝑔22g-2 où les aisubscript𝑎𝑖a_{i} sont des nombres strictement positifs et les bisubscript𝑏𝑖b_{i} sont supérieurs ou égaux à 222. La strate Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) paramètre les différentielles de type μ𝜇\mu. Les strates (non vides) de différentielles sont des orbifoldes de dimension 2g1+n2𝑔1𝑛2g-1+n. Le théorème des résidus implique que les strates Ωg(a1,,an;1)Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛1{\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n};-1) sont vides. Dans la suite nous considérerons les partitions μ𝜇\mu de 2g22𝑔22g-2 qui ne sont pas de la forme (a1,,an;1)subscript𝑎1subscript𝑎𝑛1(a_{1},\dots,a_{n};-1). Notons qu’en général, les strates ne sont pas connexes et leurs composantes connexes ont été classifiées par [Boi15] dans le cas des différentielles méromorphes.

Soit Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) une strate abélienne, on définit l’espace résiduel de type μ𝜇\mu par

g(μ):={(r1,,rp+s)𝐂p×(𝐂)s:i=1p+sri=0}.assignsubscript𝑔𝜇conditional-setsubscript𝑟1subscript𝑟𝑝𝑠superscript𝐂𝑝superscriptsuperscript𝐂𝑠superscriptsubscript𝑖1𝑝𝑠subscript𝑟𝑖0\mathcal{R}_{g}(\mu):=\left\{(r_{1},\dots,r_{p+s})\in\mathbf{C}^{p}\times(\mathbf{C}^{\ast})^{s}:\ \sum_{i=1}^{p+s}r_{i}=0\right\}. (1.1)

Cet espace paramètre l’ensemble des configurations de résidus que peut prendre une différentielle de Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu). Soit {Pi}i{1,,p+s}subscriptsubscript𝑃𝑖𝑖1𝑝𝑠\{P_{i}\}_{i\in\{1,\dots,p+s\}} l’ensemble des pôles de ω𝜔\omega, l’application résiduelle est

g(μ):Ωg(μ)g(μ):(X,ω)(ResPi(ξ))i{1,,p+s}.:subscript𝑔𝜇Ωsubscript𝑔𝜇subscript𝑔𝜇:maps-to𝑋𝜔subscriptsubscriptRessubscript𝑃𝑖𝜉𝑖1𝑝𝑠\mathfrak{R}_{g}(\mu)\colon{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu)\to\mathcal{R}_{g}(\mu):\ (X,\omega)\mapsto(\operatorname{Res}_{P_{i}}(\xi))_{i\in\{1,\dots,p+s\}}\,. (1.2)

Nous décrivons maintenant l’image de l’application résiduelle de chaque composante connexe des strates de différentielles abéliennes. Tout d’abord dans le cas des différentielles sur les surfaces de Riemann de genre g1𝑔1g\geq 1.

Théorème 1.1.

Soit Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) une strate de différentielles abéliennes avec g1𝑔1g\geq 1. La restriction à chaque composante connexe de Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) de l’application résiduelle g(μ):Ωg(μ)g(μ):subscript𝑔𝜇Ωsubscript𝑔𝜇subscript𝑔𝜇\mathfrak{R}_{g}(\mu)\colon{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu)\to\mathcal{R}_{g}(\mu) est surjective.

Le cas des différentielles sur la sphère de Riemann est donné dans le résultat le suivant.

Théorème 1.2.

Soit μ=(a1,,an;b1,,bp;1,1)𝜇subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝11\mu=(a_{1},\dots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p};-1\dots,-1) une partition de 22-211-1 apparaît s𝑠s fois, l’image de l’application résiduelle de la strate Ω0(μ)Ωsubscript0𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{0}(\mu) est donnée par l’un des cas suivant.

  • i)

    Si s=0𝑠0s=0 et qu’il existe un indice i𝑖i tel que

    ai>j=1pbj(p+1),subscript𝑎𝑖superscriptsubscript𝑗1𝑝subscript𝑏𝑗𝑝1a_{i}>\sum_{j=1}^{p}b_{j}-(p+1), (1.3)

    alors l’image de 0(μ)subscript0𝜇\mathfrak{R}_{0}(\mu) est 0(μ){0}subscript0𝜇0\mathcal{R}_{0}(\mu)\setminus\left\{0\right\}.

  • ii)

    L’image de 0(a1,,an;1,,1)subscript0subscript𝑎1subscript𝑎𝑛11\mathfrak{R}_{0}(a_{1},\dots,a_{n};-1,\dots,-1) avec s2𝑠2s\geq 2 est le complémentaire de l’union des plans 𝐂(x1,,xs1,y1,,ys2)superscript𝐂subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2\mathbf{C}^{\ast}\cdot(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}})xi,yj𝐍subscript𝑥𝑖subscript𝑦𝑗𝐍x_{i},y_{j}\in\mathbf{N} sont premiers entre eux et

    i=1s1xi=j=1s2yjmax(a1,,an).superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗subscript𝑎1subscript𝑎𝑛\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}=\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}\leq\max(a_{1},\dots,a_{n})\,. (1.4)
  • iii)

    Dans les autres cas, l’application résiduelle 0(μ)subscript0𝜇\mathfrak{R}_{0}(\mu) est surjective.

1.2. Applications

Nous donnons deux applications, l’une à la géométrie de l’espace des modules des courbes algébriques pointées et l’autre aux différentielles abéliennes holomorphes.

Lieu de Weierstraß.

La première conséquence est un résultat sur la géométrie de l’espace des modules des courbes pointées. Notons que la première des deux assertions a été prouvée par Eisenbud et Harris dans [EH87, théorème 3.1] à l’aide des séries linéaires limites. L’illustration des courbes stables pointées de cet énoncé est donnée dans la figure 12.

Proposition 1.3.

Soit 𝔚g¯¯subscript𝔚𝑔\overline{\mathfrak{W}_{g}} l’adhérence dans ¯g,1subscript¯𝑔.1{\overline{\mathcal{M}}}_{g,1} du lieu paramétrant les points de Weierstraß des courbes algébriques de genre g𝑔g.

  • i)

    Le lieu 𝔚g¯¯subscript𝔚𝑔\overline{\mathfrak{W}_{g}} n’intersecte pas le lieu des courbes stables où g𝑔g courbes elliptiques sont attachées à un 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} contenant le point marqué.

  • ii)

    Le lieu 𝔚g¯¯subscript𝔚𝑔\overline{\mathfrak{W}_{g}} intersecte le lieu où g1𝑔1g-1 courbes elliptiques sont attachées à un 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} contenant le point marqué et l’une de ces courbes elliptiques est attachée par deux points au 1superscript1{\mathbb{P}}^{1}.

Cylindres sur une surface plate.

La seconde application est sur la géométrie des surfaces de translations associées à une différentielle abélienne holomorphe. Naveh a montré dans [Nav08] que le nombre maximal de cylindres disjoints dans une différentielle holomorphe de la strate Ωg(a1,,an)Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛{\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n}) est g+n1𝑔𝑛1g+n-1 et que cette borne est toujours atteinte. Nous précisons ce résultat dans deux directions.

Tout d’abord, nous décrivons les périodes possibles des circonférences de ces cylindres. Notons que la période d’un cylindre est un nombre complexe non nul bien définie modulo multiplication par ±1plus-or-minus1\pm 1.

Proposition 1.4.

Soient S:=Ωg(a1,,an)assign𝑆Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛S:={\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n}) une strate de différentielles abéliennes holomorphes et λ:=(λ1,,λt)(/{±1})tassign𝜆subscript𝜆1subscript𝜆𝑡superscriptsuperscriptplus-or-minus1𝑡\lambda:=(\lambda_{1},\dots,\lambda_{t})\in(\mathbb{C}^{\ast}/\{\pm 1\})^{t}. Il existe une différentielle dans S𝑆S avec t𝑡t cylindres disjoints dont les circonférences sont λ1,,λtsubscript𝜆1subscript𝜆𝑡\lambda_{1},\dots,\lambda_{t} si et seulement s’il existe une différentielle stable (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega) avec t𝑡t nœuds, telle que:

  1. (1)

    la restriction de ω𝜔\omega à chaque composante irréductible possède un pôle simple aux points nodaux;

  2. (2)

    les résidus aux points nodaux correspondant à un nœud sont ±λiplus-or-minussubscript𝜆𝑖\pm\lambda_{i};

  3. (3)

    les singularités de la restriction de ω𝜔\omega à la partie lisse de X𝑋X sont d’ordres (a1,,an)subscript𝑎1subscript𝑎𝑛(a_{1},\dots,a_{n}).

Cette proposition permet de montrer que tous les t𝑡t-uplets sont des circonférences si t<g𝑡𝑔t<g. Toutefois, il existe en général des restrictions si t=g𝑡𝑔t=g. Ces faits sont énoncés dans le corollaire 5.1.

D’autre part nous montrons que la borne sur le nombre de cylindres est atteinte dans chaque composante connexe des strates de différentielles holomorphes.

Proposition 1.5.

Dans chaque composante connexe de Ωg(a1,,an)Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛{\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n}) il existe une différentielle abélienne avec g+n1𝑔𝑛1g+n-1 cylindres.

1.3. Liens avec d’autres travaux

Le présent texte est une version améliorée de la partie sur les différentielles abéliennes du papier [GT17]. En particulier, les théorèmes 1.1 et 1.2 correspondent respectivement à la proposition 1.3 et au théorème 1.5 de [GT17]. L’amélioration la plus substantielle à été opérée dans le point ii) du théorème 1.2. La partie de [GT17] consacrée aux différentielles quadratiques apparaîtra dans [GT21] et celle consacrée aux k𝑘k-différentielles avec k3𝑘3k\geq 3 dans [GT21a].

Jusqu’à présent la question que nous traitons dans cet article a été considérée uniquement dans certains cas particuliers en genre zéro. Quelques résultats se trouvent dans la Section 2 de [EH87] en lien avec les séries linéaires limites. [Ere20] donne de manière indépendante un énoncé équivalent au point ii) du théorème 1.2 en lien avec les métriques sphériques. Un cas simple du point i) du théorème 1.2 apparaît dans [Bai+18, Lemme 3.6] en lien avec les dégénérations de différentielles abéliennes. Plus précisément, l’article [Bai+18] nous permet de comprendre les limites des différentielles d’une strate. Dans ce cas, on a besoin de connaître l’existence de différentielles dont les ordres des zéros et des pôles ainsi que des résidus ont été fixés. Notre article peut donc être vu comme la dernière pierre dans la description du bord des strates de différentielles abéliennes donnée par [Bai+18].

En plus des applications que nous donnons dans la section 5, les résultats de cet article sont utilisés en géométrie tropicale [MUW21], pour étudier la dégénération des points de Weierstraß de manière plus précise [Gen21] ou encore pour l’étude de certains espaces d’Hurwitz [Mul21].

1.4. Organisation de cet article

Le schéma de la preuve de ces théorèmes est le suivant. Dans un premier temps nous utilisons la correspondance entre les différentielles méromorphes et certaines classes de surfaces plates introduites par [Boi15] et étudiées dans [Tah18]. Cette correspondance nous permet de construire explicitement des différentielles ayant les propriétés souhaitées lorsque le genre et le nombre de singularités sont petits.

Dans un second temps, nous déduisons de ces résultats les autres cas grâce à deux opérations introduites par [KZ03]. Ces deux opérations sont l’éclatement d’un zéro et la couture d’anse. La première de ces opérations permet d’augmenter le nombre de singularités sans changer le genre d’une différentielle. La seconde préserve le nombre de singularités mais augmente le genre de la surface de Riemann sous-jacente.

Enfin, dans les cas où l’application résiduelle n’est pas surjective, nous développons des méthodes ad hoc afin de montrer la non-existence de différentielles possédant certains invariants locaux.

L’article s’organise comme suit. Pour terminer cette introduction, nous posons quelques conventions. Dans la section 2 nous faisons les rappels nécessaires sur les représentations plates des différentielles méromorphes et sur les deux opérations précédemment citées. De plus, nous introduisons les briques élémentaires qui nous permettrons de construire les différentielles avec les propriétés souhaitées. La section 3 est dédiée au cas du genre g=0𝑔0g=0 et la section 4 à celui des genres g1𝑔1g\geq 1. Enfin les preuves des applications de la section 1.2 sont données dans la section 5.

1.5. Conventions

Dans cet article nous définirons le résidu d’une forme différentielle comme étant le résidu usuel multiplié par la constante 2iπ2𝑖𝜋2i\pi. En particulier, le théorème des résidus s’énonce

γω=iResPiω,subscript𝛾𝜔subscript𝑖subscriptRessubscript𝑃𝑖𝜔\int_{\gamma}\omega=\sum_{i}\operatorname{Res}_{P_{i}}\omega\,,

où les Pisubscript𝑃𝑖P_{i} sont les pôles de ω𝜔\omega encerclés par γ𝛾\gamma. Cette convention n’a aucune incidence sur les énoncés des résultats, mais rend les preuves plus agréables.

Si une strate paramètre des différentielles avec m𝑚m singularités égales à a𝑎a, alors nous noterons cela (am)superscript𝑎𝑚(a^{m}). Par exemple Ω3(3,3;1,1)Ωsubscript33.311{\Omega\mathcal{M}}_{3}(3,3;-1,-1) pourra être notée Ω3((32);(12))Ωsubscript3superscript32superscript12{\Omega\mathcal{M}}_{3}((3^{2});(-1^{2})). Plus généralement, si nous considérons une suite (a,,a)𝑎𝑎(a,\dots,a) de m𝑚m nombres complexes tous identiques, nous noterons cette suite (am)superscript𝑎𝑚(a^{m}). Nous espérons que ces notations seront claires dans le contexte.

1.6. Remerciements

Nous remercions Corentin Boissy pour des discussions enrichissantes liées à cet article. Une question de David Aulicino est à l’origine de la proposition 1.4. Le premier auteur remercie l’Institut für algebraische Geometrie de la Leibniz Universität Hannover et le Centro de Ciencias Matemáticas de la Universidad Nacional Autonoma de México où il a élaboré une grande partie de ce texte. Le deuxième auteur est financé par l’Israel Science Foundation (grant No. 1167/17) et le European Research Council (ERC) dans le cadre du European Union Horizon 2020 Research and Innovation Programme (grant agreement No. 802107). Enfin, nous remercions le rapporteur anonyme d’une première version de cet article pour sa relecture attentive et ses remarques qui ont grandement amélioré la qualité de cet article.

2. Boîte à outils

Dans cette section, nous introduisons les objets et les opérations de base de nos constructions. Nous introduisons dans la section 2.1 les briques élémentaires pour construire des surfaces plates. Nous poursuivons par un rappel sur les différentielles entrelacées et les opérations d’éclatement d’un zéro et de couture d’anse dans la section 2.2. Enfin, nous discuterons un cas spécial de surfaces plates dans la section 2.3.

2.1. Briques élémentaires

Dans ce paragraphe, nous introduisons des surfaces plates à bord qui nous serviront de briques pour construire les différentielles méromorphes ayant les propriétés locales souhaitées.

Les éléments de base de nos constructions seront une généralisation des domaines basiques introduit par [Boi15]. Étant donnés des vecteurs (v1,,vl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙(v_{1},\dots,v_{l}) dans (𝐂)lsuperscriptsuperscript𝐂𝑙(\mathbf{C}^{\ast})^{l}. Nous considérons la ligne brisée L𝐿L dans 𝐂𝐂\mathbf{C} donnée par la concaténation d’une demi-droite correspondant à 𝐑subscript𝐑\mathbf{R}_{-}, des visubscript𝑣𝑖v_{i} pour i𝑖i croissant et d’une demi-droite correspondant à 𝐑+subscript𝐑\mathbf{R}_{+}. Nous supposerons que les visubscript𝑣𝑖v_{i} sont tels que L𝐿L ne possède pas de points d’auto-intersection.

Le domaine basique positif (resp. négatif) D+(v1,,vl)superscript𝐷subscript𝑣1subscript𝑣𝑙D^{+}(v_{1},\dots,v_{l}) (resp. D(v1,,vl)superscript𝐷subscript𝑣1subscript𝑣𝑙D^{-}(v_{1},\dots,v_{l})) est l’adhérence de la composante connexe de 𝐂L𝐂𝐿\mathbf{C}\setminus L contenant les nombres complexes au dessus (resp. en dessous) de L𝐿L. Étant donné un domaine positif D+(v1,,vl)superscript𝐷subscript𝑣1subscript𝑣𝑙D^{+}(v_{1},\dots,v_{l}) et un négatif D(w1,,wl)superscript𝐷subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙D^{-}(w_{1},\dots,w_{l^{\prime}}), on construit le domaine basique ouvert à gauche (resp. droite) Dg(v1,,vl;w1,,wl)subscript𝐷𝑔subscript𝑣1subscript𝑣𝑙subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙D_{g}(v_{1},\dots,v_{l};w_{1},\dots,w_{l^{\prime}}) (resp. Dd(v1,,vl;w1,,wl)subscript𝐷𝑑subscript𝑣1subscript𝑣𝑙subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙D_{d}(v_{1},\dots,v_{l};w_{1},\dots,w_{l^{\prime}})) en collant par translation les deux demi-droites correspondant à 𝐑+subscript𝐑\mathbf{R}_{+} (resp. 𝐑subscript𝐑\mathbf{R}_{-}).

On se donne b2𝑏2b\geq 2 et τ{1,,b1}𝜏1𝑏1\tau\in\left\{1,\dots,b-1\right\}. Soient (v1,,vl;w1,,wl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙(v_{1},\dots,v_{l};w_{1},\dots,w_{l^{\prime}}) des vecteurs de 𝐂superscript𝐂\mathbf{C}^{\ast} tels que la partie réelle de leurs sommes est positive et que l’argument (pris dans ]π,π]𝜋𝜋\left]-\pi,\pi\right]) des visubscript𝑣𝑖v_{i} est décroissant, des wjsubscript𝑤𝑗w_{j} est croissant. La partie polaire d’ordre b𝑏b et de type τ𝜏\tau associée à (v1,,vl;w1,,wl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙(v_{1},\dots,v_{l};w_{1},\dots,w_{l^{\prime}}) est la surface plate à bord obtenue de la façon suivante. Prenons l’union disjointe de τ1𝜏1\tau-1 domaines basiques ouverts à gauche associé à la suite vide, bτ1𝑏𝜏1b-\tau-1 domaines basiques ouverts à droite associé à la suite vide. Enfin prenons le domaine positif associé aux visubscript𝑣𝑖v_{i} et le domaine négatif associé aux wjsubscript𝑤𝑗w_{j}. On colle alors par translation la demi-droite inférieure du i𝑖i-ième domaine polaire ouvert à gauche à la demi-droite supérieure du (i+1)𝑖1(i+1)-ième. La demi-droite inférieure du domaine τ1𝜏1\tau-1 est identifiée à la demi droite de gauche du domaine positif. La demi-droite de gauche du domaine négatif est identifiée à la positive du premier domaine ouvert à gauche. On procède de même à droite. La figure 1 illustre cette construction.

τ𝜏\tau111\dots222333v𝑣vv𝑣v111222τ+1𝜏1\tau+1τ+2𝜏2\tau+2\dotsτ+2𝜏2\tau+2τ+3𝜏3\tau+3b𝑏bτ+1𝜏1\tau+1
Figure 1. Une partie polaire d’ordre b𝑏b de type τ𝜏\tau associée à (v;v)𝑣𝑣(v;v). Les demi-droites dont les labels coïncident sont identifiés par translation.

Si vi=wjsubscript𝑣𝑖subscript𝑤𝑗\sum v_{i}=\sum w_{j} nous dirons que cette partie polaire est triviale. Dans le cas contraire, nous dirons que la partie polaire est non triviale. Sur la figure 2, le dessin de gauche illustre une partie polaire non triviale.

On se donne maintenant des vecteurs (v1,,vl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙(v_{1},\dots,v_{l}) avec l1𝑙1l\geq 1 tels que la concaténation V𝑉V de ces vecteurs dans cet ordre n’a pas de points d’auto-intersection. De plus, on suppose qu’il existe deux demi-droites parallèles LDsubscript𝐿𝐷L_{D} et LFsubscript𝐿𝐹L_{F} de vecteur directeur l𝑙\overrightarrow{l}, issues respectivement du point de départ D𝐷D et final F𝐹F de V𝑉V, ne rencontrant pas V𝑉V et telles que (DF,l)𝐷𝐹𝑙(\overrightarrow{DF},\overrightarrow{l}) est une base positive de 𝐑2superscript𝐑2\mathbf{R}^{2}. On définit la partie polaire C(v1,,vl)𝐶subscript𝑣1subscript𝑣𝑙C(v_{1},\dots,v_{l}) d’ordre 111 associé aux visubscript𝑣𝑖v_{i} comme le quotient du sous-ensemble de 𝐂𝐂\mathbf{C} entre V𝑉V et les demi-droites LDsubscript𝐿𝐷L_{D} et LFsubscript𝐿𝐹L_{F} par l’identification de LDsubscript𝐿𝐷L_{D} à LFsubscript𝐿𝐹L_{F} par translation. Le résidu du pôle simple correspondant est donné par la somme FD𝐹𝐷F-D des visubscript𝑣𝑖v_{i}. Une partie polaire d’ordre 111 est donnée à droite de la figure 2.

v1subscript𝑣1v_{1}v2subscript𝑣2v_{2}111111222333222333v1subscript𝑣1v_{1}v2subscript𝑣2v_{2}333333
Figure 2. Une partie polaire non triviale associée à (v1,v2;)subscript𝑣1subscript𝑣2(v_{1},v_{2};\emptyset) d’ordre 333 (de type 111) à gauche et d’ordre 111 à droite.

D’après le théorème des résidus, l’intégration de ω𝜔\omega le long d’un lacet fermé γ𝛾\gamma est égale à la somme des résidus aux pôles encerclés par γ𝛾\gamma. En effet, rappelons notre convention que notre résidu est égal à 2iπ2𝑖𝜋2i\pi fois le résidu usuel. Cela a la conséquence suivante qui, bien qu’élémentaire, est primordiale pour notre étude.

Lemme 2.1.

Soient (v1,,vl;w1,,wl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙(v_{1},\dots,v_{l};w_{1},\dots,w_{l^{\prime}}) des nombres complexes, le pôle associé à la partie polaire d’ordre b𝑏b et de type τ𝜏\tau associée à (v1,,vl;w1,,wl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙subscript𝑤1subscript𝑤superscript𝑙(v_{1},\dots,v_{l};w_{1},\dots,w_{l^{\prime}}) est d’ordre b𝑏-b et de résidu égal à i=1lvij=1lwjsuperscriptsubscript𝑖1𝑙subscript𝑣𝑖superscriptsubscript𝑗1superscript𝑙subscript𝑤𝑗\sum_{i=1}^{l}v_{i}-\sum_{j=1}^{l^{\prime}}w_{j}.

Soit (v1,,vl)subscript𝑣1subscript𝑣𝑙(v_{1},\dots,v_{l}) avec l1𝑙1l\geq 1, le pôle associé au domaine polaire d’ordre 111 associé à visubscript𝑣𝑖v_{i} est d’ordre 11-1 et possède un résidu égal à i=1lvisuperscriptsubscript𝑖1𝑙subscript𝑣𝑖\sum_{i=1}^{l}v_{i}.

2.2. Différentielles entrelacées, éclatement de zéros et couture d’anses

Dans ce paragraphe, nous décrivons certains cas particuliers des résultats obtenus dans [Bai+18] au sujet des différentielles entrelacées. Cela nous permet de rappeler les constructions de l’éclatement des zéros et de la couture d’anse.

Tout d’abord, nous rappelons la définition d’une différentielle entrelacée. Étant donnée une partition μ:=(m1,,mt)assign𝜇subscript𝑚1subscript𝑚𝑡\mu:=(m_{1},\dots,m_{t}) telle que i=1tmi=2g2superscriptsubscript𝑖1𝑡subscript𝑚𝑖2𝑔2\sum_{i=1}^{t}m_{i}=2g-2, une différentielle entrelacée η𝜂\eta de type μ𝜇\mu sur une courbe stable t𝑡t-marquée (X,z1,,zt)𝑋subscript𝑧1subscript𝑧𝑡(X,z_{1},\ldots,z_{t}) est une collection de différentielles non nulles ηvsubscript𝜂𝑣\eta_{v} sur les composantes irréductibles Xvsubscript𝑋𝑣X_{v} de X𝑋X satisfaisant aux conditions suivantes.

  • (0)

    (Annulation comme prescrit) Chaque différentielle ηvsubscript𝜂𝑣\eta_{v} est méromorphe et le support de son diviseur est inclus dans l’ensemble des nœuds et des points marqués de Xvsubscript𝑋𝑣X_{v}. De plus, si un point marqué zisubscript𝑧𝑖z_{i} se trouve sur Xvsubscript𝑋𝑣X_{v}, alors ordziηv=misubscriptordsubscript𝑧𝑖subscript𝜂𝑣subscript𝑚𝑖\operatorname{ord}\nolimits_{z_{i}}\eta_{v}=m_{i}.

  • (1)

    (Ordres assortis) Pour chaque nœud de X𝑋X qui identifie q1Xv1subscript𝑞1subscript𝑋subscript𝑣1q_{1}\in X_{v_{1}} à q2Xv2subscript𝑞2subscript𝑋subscript𝑣2q_{2}\in X_{v_{2}},

    ordq1ηv1+ordq2ηv2=2.subscriptordsubscript𝑞1subscript𝜂subscript𝑣1subscriptordsubscript𝑞2subscript𝜂subscript𝑣22\operatorname{ord}\nolimits_{q_{1}}\eta_{v_{1}}+\operatorname{ord}\nolimits_{q_{2}}\eta_{v_{2}}=-2\,.
  • (2)

    (Résidus assortis aux pôles simples) Si à un nœud de X𝑋X qui identifie q1Xv1subscript𝑞1subscript𝑋subscript𝑣1q_{1}\in X_{v_{1}} avec q2Xv2subscript𝑞2subscript𝑋subscript𝑣2q_{2}\in X_{v_{2}} on a ordq1ηv1=ordq2ηv2=1subscriptordsubscript𝑞1subscript𝜂subscript𝑣1subscriptordsubscript𝑞2subscript𝜂subscript𝑣21\operatorname{ord}\nolimits_{q_{1}}\eta_{v_{1}}=\operatorname{ord}\nolimits_{q_{2}}\eta_{v_{2}}=-1, alors l’équation suivante est vérifiée

    Resq1ηv1+Resq2ηv2=0.subscriptRessubscript𝑞1subscript𝜂subscript𝑣1subscriptRessubscript𝑞2subscript𝜂subscript𝑣20\operatorname{Res}_{q_{1}}\eta_{v_{1}}+\operatorname{Res}_{q_{2}}\eta_{v_{2}}=0\,.

Ce n’est que pour des cas très particuliers que nous aurons besoin de savoir quand une différentielle entrelacée est lissable dans la strate Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu). Nous rappelons ici uniquement les cas qui nous intéressent. Le premier cas est celui où l’ordre des différentielles à tous les points nodaux est égal à 11-1.

Lemme 2.2.

Soit η={ηv}𝜂subscript𝜂𝑣\eta=\left\{\eta_{v}\right\} une différentielle entrelacée de type μ𝜇\mu. Si l’ordre des différentielles ηvsubscript𝜂𝑣\eta_{v} aux nœuds est 11-1, alors η𝜂\eta est lissable dans la strate Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) sans modifier les résidus aux pôles aux points non nodaux.

Notons que dans ce cas, la notion de différentielle entrelacée correspond à la notion classique de différentielle stable. Ainsi nous pourrons nous ramener à ce résultat pour prouver le lemme 3.9 et la proposition 1.4.

Maintenant nous regardons le cas des différentielles entrelacées à deux composantes.

Lemme 2.3.

Supposons que X𝑋X possède exactement deux composantes X1subscript𝑋1X_{1} et X2subscript𝑋2X_{2} reliées par un unique nœud qui identifie q1X1subscript𝑞1subscript𝑋1q_{1}\in X_{1} à q2X2subscript𝑞2subscript𝑋2q_{2}\in X_{2}. Si une différentielle entrelacée de type μ𝜇\mu vérifie ordq1η1>1>ordq2η2subscriptordsubscript𝑞1subscript𝜂11subscriptordsubscript𝑞2subscript𝜂2\operatorname{ord}\nolimits_{q_{1}}\eta_{1}>-1>\operatorname{ord}\nolimits_{q_{2}}\eta_{2}, alors elle est lissable dans Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) si et seulement si Resq2η2=0subscriptRessubscript𝑞2subscript𝜂20\operatorname{Res}_{q_{2}}\eta_{2}=0.

De plus, si cette condition est vérifiée, alors le lissage peut se faire sans modifier les résidus aux pôles de η1subscript𝜂1\eta_{1}.

Remarquons que le fait que le lissage peut se faire sans modifier les résidus n’est pas explicitement prouvé dans [Bai+18]. Toutefois, cela se déduit des techniques de [Bai+18] de la façon suivante. Comme le résidu est nul, il n’y a pas besoin de modifier la différentielle sur X1subscript𝑋1X_{1} pour pouvoir lisser. Il suffit donc de remplacer le nœud par un cylindre plat.

Maintenant, nous donnons deux applications cruciales du lemme 2.3.

Proposition 2.4 (Éclatement d’un zéro).

Soient (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega) une différentielle de type μ𝜇\mu et z0Xsubscript𝑧0𝑋z_{0}\in X un zéro d’ordre a0subscript𝑎0a_{0} de ω𝜔\omega. Soit (α1,,αt)subscript𝛼1subscript𝛼𝑡(\alpha_{1},\dots,\alpha_{t}) un t𝑡t-uplet d’entiers positifs tels que iαi=a0subscript𝑖subscript𝛼𝑖subscript𝑎0\sum_{i}\alpha_{i}=a_{0}.

Il existe une opération sur (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega) en z0subscript𝑧0z_{0} qui fournit une différentielle (X,ω)superscript𝑋superscript𝜔(X^{\prime},\omega^{\prime}) de type (α0,,αt,μ{a0})subscript𝛼0subscript𝛼𝑡𝜇subscript𝑎0(\alpha_{0},\dots,\alpha_{t},\mu\setminus\{a_{0}\}) qui ne modifie pas les résidus aux pôles de ω𝜔\omega.

Démonstration.

Partons de (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega). On forme une différentielle entrelacée en attachant au point z0subscript𝑧0z_{0} une droite projective avec une différentielle ayant les ordres souhaités. Le lemme 2.3 implique directement la proposition 2.4. ∎

La seconde construction nous permettra en particulier de faire une récurrence sur le genre des surfaces de Riemann.

Proposition 2.5 (Couture d’anse).

Soient (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega) une différentielle abélienne dans la strate Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) et z0Xsubscript𝑧0𝑋z_{0}\in X un zéro d’ordre a0subscript𝑎0a_{0} de ω𝜔\omega. Il existe une opération qui ne modifie pas les résidus aux pôles de ω𝜔\omega et qui donne une différentielle (X,ω)superscript𝑋superscript𝜔(X^{\prime},\omega^{\prime}) dans la strate Ωg+1(a0+2,μ{a0})Ωsubscript𝑔1subscript𝑎02𝜇subscript𝑎0{\Omega\mathcal{M}}_{g+1}(a_{0}+2,\mu\setminus\left\{a_{0}\right\}).

Démonstration.

Partons de (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega). On forme une différentielle entrelacée en attachant au point z0subscript𝑧0z_{0} une courbe elliptique avec une différentielle de type (a0+2;a02)subscript𝑎02subscript𝑎02(a_{0}+2;-a_{0}-2). Le lemme 2.3 permet de conclure. ∎

Pour terminer, il est intéressant de noter que l’existence de différentielles holomorphes pour toute partition μ𝜇\mu de 2g22𝑔22g-2 prouvée par [MS93] se déduit des deux propositions précédentes et du fait que la strate Ω2(2)Ωsubscript22{\Omega\mathcal{M}}_{2}(2) est non vide. En effet, pour montrer que les strates de la forme Ωg(2g2)Ωsubscript𝑔2𝑔2{\Omega\mathcal{M}}_{g}(2g-2) ne sont pas vides, on coud successivement g2𝑔2g-2 anses à une différentielle de cette strate. Les strates avec n2𝑛2n\geq 2 zéros s’obtiennent en éclatant le zéro de ces strates. Ces deux chirurgies sont introduites dans la Section 4.2 de [KZ03].

2.3. Différentielles à cœur dégénéré

Les différentielles à cœur dégénéré constitue une famille particulièrement simple d’exemples de différentielles abéliennes. En particulier, beaucoup de problèmes géométriques se simplifient sur ces différentielles en des problèmes combinatoires.

Rappelons que le cœur d’une différentielle est l’enveloppe convexe des singularités coniques pour la métrique induite par la différentielle. On dit que le cœur est dégénéré s’il est d’intérieur vide, c’est-à-dire s’il est réduit à l’union d’un nombre fini de liens selles.

Le complémentaire du cœur d’une surface de translations S𝑆S possède autant de composantes connexes que de pôles. On appelle domaine polaire la composante à laquelle un pôle appartient. Le bord d’un domaine polaire est toujours formé par un nombre fini de liens selles (voir le lemme 2.1 de [Tah18]). De plus, si le cœur de S𝑆S est dégénéré, alors il y a exactement 2g+n+p22𝑔𝑛𝑝22g+n+p-2 connexions de selles dans S𝑆S, où n𝑛n est le nombre de zéros et p𝑝p le nombre de pôles de S𝑆S.

L’intérêt de cette notion pour notre problème est donné par la proposition suivante.

Proposition 2.6.

Dans une strate donnée, le lieu des différentielles abéliennes dont tous les résidus sont nuls est soit vide soit contient une différentielle à cœur dégénéré.

Démonstration.

Le lieu d’une strate où les résidus sont tous nuls est GL+(2,)superscriptGL2{\rm GL}^{+}(2,\mathbb{R})-invariant. Or, d’après le lemme 2.2 de [Tah18], chaque GL+(2,)superscriptGL2{\rm GL}^{+}(2,\mathbb{R})-orbite contient une surface plate dont le cœur est dégénéré. ∎

3. Les différentielles sur la sphère de Riemann

Cette section est dédié au cas des différentielles sur une surface de Riemann de genre 00. Nous y donnons la preuve du Théorème 1.2. Dans la section 3.1, nous traitons le cas général. Puis nous considérons dans la section 3.2 le cas où tous les résidus sont nuls. Enfin, nous traitons le cas des résidus colinéaires dans les strates dont tous les pôles sont simples dans la section 3.3.

3.1. Le cas général

Dans cette section nous montrons l’existence de différentielles sur la sphère de Riemann possédant les invariants souhaités dans la majorité des cas. Plus précisément, nous traitons les cas des résidus non nuls si il existe un pôle d’ordre bi2subscript𝑏𝑖2b_{i}\geq 2 et des résidus non tous colinéaires si tous les pôles sont simples.

L’objet géométrique clef de la démonstration est le suivant. Soit v:=(v1,,vt)assign𝑣subscript𝑣1subscript𝑣𝑡v:=(v_{1},\ldots,v_{t}) un uplet avec vi0subscript𝑣𝑖0v_{i}\neq 0 et i=1tvi=0superscriptsubscript𝑖1𝑡subscript𝑣𝑖0\sum_{i=1}^{t}v_{i}=0. Nous supposerons, quitte à permuter les indices, que l’argument des vecteurs v1,,vtsubscript𝑣1subscript𝑣𝑡v_{1},\ldots,v_{t} est décroissant dans ]π,π]𝜋𝜋\left]-\pi,\pi\right]. Le polygone résiduel 𝔓(v)𝔓𝑣\mathfrak{P}(v) est le polygone obtenu en concaténant les vecteurs v1,,vtsubscript𝑣1subscript𝑣𝑡v_{1},\ldots,v_{t} dans cet ordre. Remarquons que 𝔓(v)𝔓𝑣\mathfrak{P}(v) est un polygone convexe, éventuellement dégénéré, c’est à dire d’intérieur vide.

Nous commençons par traiter le cas des résidus non tous colinéaires. Rappelons que deux éléments v1subscript𝑣1v_{1} et v2subscript𝑣2v_{2} de 𝐂𝐂\mathbf{C} sont colinéaires si au moins un des visubscript𝑣𝑖v_{i} est zéro ou s’il existe α𝐑𝛼𝐑\alpha\in\mathbf{R} tel que v1=αv2subscript𝑣1𝛼subscript𝑣2v_{1}=\alpha v_{2}.

Lemme 3.1.

Soit μ:=(a;b1,,bp;(1s))assign𝜇𝑎subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠\mu:=(a;-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) une partition de 22-2. Si r=(r1,,rp+s)0(μ)𝑟subscript𝑟1subscript𝑟𝑝𝑠subscript0𝜇r=(r_{1},\dots,r_{p+s})\in\mathcal{R}_{0}(\mu) est un élément de l’espace résiduel de Ω0(μ)Ωsubscript0𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{0}(\mu) qui possède deux éléments non colinéaires, alors r𝑟r est dans l’image de l’application résiduelle 0(μ)subscript0𝜇\mathfrak{R}_{0}(\mu).

Démonstration.

Notons par rsuperscript𝑟r^{\ast} l’ensemble des résidus non nuls. Comme les risubscript𝑟𝑖r_{i} ne sont pas colinéaires, le polygone résiduel 𝔓(r)𝔓superscript𝑟\mathfrak{P}(r^{\ast}) est non dégénéré. Pour tous les pôles Pisubscript𝑃𝑖P_{i} d’ordre bisubscript𝑏𝑖-b_{i} ayant un résidu non nul risubscript𝑟𝑖r_{i}, on prend une partie polaire d’ordre bisubscript𝑏𝑖b_{i} associée à (ri;)subscript𝑟𝑖(r_{i};\emptyset) (et de type arbitraire). Pour tous les pôles Pjsubscript𝑃𝑗P_{j} d’ordre bjsubscript𝑏𝑗-b_{j} ayant un résidu nul, on prend une partie triviale d’ordre bjsubscript𝑏𝑗b_{j} associée à (rij;rij)subscript𝑟subscript𝑖𝑗subscript𝑟subscript𝑖𝑗(r_{i_{j}};r_{i_{j}}), où rij0subscript𝑟subscript𝑖𝑗0r_{i_{j}}\neq 0 est le résidu (non nul) au pôle Pijsubscript𝑃subscript𝑖𝑗P_{i_{j}}. Les collages de ces parties polaires avec le polygone résiduel se font de la façon suivante.

Étant donnée une partie polaire non triviale associée à un pôle Pisubscript𝑃𝑖P_{i}. S’il existe un pôle Pjsubscript𝑃𝑗P_{j} qui à une partie polaire associée à (ri;ri)subscript𝑟𝑖subscript𝑟𝑖(r_{i};r_{i}), alors nous collons le segment risubscript𝑟𝑖r_{i} de Pisubscript𝑃𝑖P_{i} au segment risubscript𝑟𝑖r_{i} du domaine basique négatif de Pjsubscript𝑃𝑗P_{j}. Nous continuons ces collages jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de pôles sans résidu avec une partie polaire associée à (ri;ri)subscript𝑟𝑖subscript𝑟𝑖(r_{i};r_{i}). Puis nous collons le dernier segment risubscript𝑟𝑖r_{i} au segment risubscript𝑟𝑖r_{i} du polygone résiduel. Nous faisons de même pour tous les pôles de résidus non nuls. Cette construction est illustrée par la figure 3.

111222333111444444222555555666666333999999888777777888
Figure 3. Une différentielle dans la strate Ω0(4;2,2,3;1)Ωsubscript042231{\Omega\mathcal{M}}_{0}(4;-2,-2,-3;-1) dont les résidus sont (0,i,1i,1)0𝑖1𝑖.1(0,i,-1-i,1).

La différentielle associée à cette surface plate possède clairement les invariants désirés aux pôles. Vérifions maintenant qu’elle est de genre zéro et possède un unique zéro. Remarquons que si l’on coupe cette surface le long d’un lien selle, on obtient deux surfaces connexes disjointes. En effet, les liens selles correspondent soit au bord des parties polaires, soit aux diagonales du polygone résiduel. Une telle propriété implique qu’il existe un unique zéro, car s’il y en avait deux, un lien selle entre les deux ne déconnecterait pas la surface. De manière similaire, on en déduit que le genre de la surface est nul. ∎

Nous traitons maintenant le cas des résidus colinéaires non tous nuls dans le cas où il existe au moins un pôle d’ordre supérieur ou égal à 222.

Lemme 3.2.

Soit μ:=(a;b1,,bp;(1s))assign𝜇𝑎subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠\mu:=(a;-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) une partition de 22-2 telle que p0𝑝0p\neq 0. Un élément r=(r1,,rp+s)0(μ)𝑟subscript𝑟1subscript𝑟𝑝𝑠subscript0𝜇r=(r_{1},\dots,r_{p+s})\in\mathcal{R}_{0}(\mu) non nul de l’espace résiduel est dans l’image de l’application résiduelle 0(μ)subscript0𝜇\mathfrak{R}_{0}(\mu).

Démonstration.

Par le lemme 3.1, il suffit de considérer le cas où tous les risubscript𝑟𝑖r_{i} sont colinéaires. Dans ce cas le polygone résiduel est dégénéré, mais comme les risubscript𝑟𝑖r_{i} ne sont pas tous nuls ce polygone n’est pas réduit à un point. Sans perte de généralité, nous supposerons que les résidus sont réels. De plus, nous ordonnons les indices de telle sorte que l’ensemble des résidus non nuls r={rj1,,rjt}superscript𝑟subscript𝑟subscript𝑗1subscript𝑟subscript𝑗𝑡r^{\ast}=\left\{r_{j_{1}},\dots,r_{j_{t}}\right\} satisfait rji<0subscript𝑟subscript𝑗𝑖0r_{j_{i}}<0 pour iu𝑖𝑢i\leq u et rjisubscript𝑟subscript𝑗𝑖r_{j_{i}} pour u<it𝑢𝑖𝑡u<i\leq t. Nous notons J={j1,,jt}𝐽subscript𝑗1subscript𝑗𝑡J=\left\{j_{1},\dots,j_{t}\right\}.

Prenons le pôle P1subscript𝑃1P_{1} d’ordre b1subscript𝑏1-b_{1}. Si r1=0subscript𝑟10r_{1}=0, nous associons à ce pôle une partie polaire d’ordre bisubscript𝑏𝑖b_{i} associée aux vecteurs (rj1,,rju;rju+1,,rjt)subscript𝑟subscript𝑗1subscript𝑟subscript𝑗𝑢subscript𝑟subscript𝑗𝑢1subscript𝑟subscript𝑗𝑡(-r_{j_{1}},\dots,-r_{j_{u}};r_{j_{u+1}},\dots,r_{j_{t}}). Si r10subscript𝑟10r_{1}\neq 0, on suppose que r1=rj1subscript𝑟1subscript𝑟subscript𝑗1r_{1}=r_{j_{1}} et on associe à ce pôle une partie polaire d’ordre b1subscript𝑏1b_{1} associée aux vecteurs (rj2,,rju;rju+1,,rjt)subscript𝑟subscript𝑗2subscript𝑟subscript𝑗𝑢subscript𝑟subscript𝑗𝑢1subscript𝑟subscript𝑗𝑡(-r_{j_{2}},\dots,-r_{j_{u}};r_{j_{u+1}},\dots,r_{j_{t}}). Nous associons aux pôles Pjisubscript𝑃subscript𝑗𝑖P_{j_{i}}, pour 1iu1𝑖𝑢1\leq i\leq u si 1J1𝐽1\notin J et 2iu2𝑖𝑢2\leq i\leq u si 1J1𝐽1\in J, une partie polaire d’ordre bjisubscript𝑏subscript𝑗𝑖b_{j_{i}} associée à (;rji)subscript𝑟subscript𝑗𝑖(\emptyset;-r_{j_{i}}). Pour les u<it𝑢𝑖𝑡u<i\leq t nous prenons une partie polaire d’ordre bisubscript𝑏𝑖b_{i} associée à (ri;)subscript𝑟𝑖(r_{i};\emptyset). Pour tous les pôles Pksubscript𝑃𝑘P_{k} d’ordre bksubscript𝑏𝑘-b_{k} ayant un résidu nul, on prend une partie triviale d’ordre bksubscript𝑏𝑘b_{k} associée à (±rik;±rik)plus-or-minussubscript𝑟subscript𝑖𝑘plus-or-minussubscript𝑟subscript𝑖𝑘(\pm r_{i_{k}};\pm r_{i_{k}}) avec ikJ1subscript𝑖𝑘𝐽1i_{k}\in J\setminus 1. On colle les parties polaires triviales comme dans la preuve du lemme 3.1. On obtient une union de surfaces plates à bord. Il reste à coller les bords restants aux segments de la partie polaire de P1subscript𝑃1P_{1}.

La preuve du fait que la différentielle ainsi construite vérifie les propriétés désirées est en tout point similaire à la preuve de ce fait dans la démonstration du lemme 3.1. ∎

3.2. Les résidus de tous les pôles sont nuls

Nous complétons la preuve des cas i) et iii) du théorème 1.2. Au vu des lemmes 3.1 et 3.2, il reste à montrer le résultat suivant.

Lemme 3.3.

Dans les strates Ω0(a1,,an;b1,,bp)Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1},\dots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p}) vérifiant b1,,bp2subscript𝑏1subscript𝑏𝑝2b_{1},\dots,b_{p}\geq 2, l’image de l’application résiduelle ne contient pas l’origine (0,,0)0.0(0,\dots,0) si et seulement s’il existe un indice i𝑖i tel que ai>j=1pbj(p+1)subscript𝑎𝑖superscriptsubscript𝑗1𝑝subscript𝑏𝑗𝑝1a_{i}>\sum_{j=1}^{p}b_{j}-(p+1).

Démonstration.

Nous commençons par montrer que si l’origine est dans l’image de l’application résiduelle alors tous les zéros sont d’ordres inférieurs ou égaux à j=1pbj(p+1)superscriptsubscript𝑗1𝑝subscript𝑏𝑗𝑝1\sum_{j=1}^{p}b_{j}-(p+1). Soit ω𝜔\omega une différentielle sur la sphère de Riemann de la strate Ω0(a1,,an;b1,,bp)Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1},\dots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p}) dont les résidus aux pôles sont nuls et S𝑆S la surface plate associée. Nous pouvons supposer par la proposition 2.6 que la surface S𝑆S possède un cœur dégénéré et des liens selles horizontaux. Coupons S𝑆S le long de ces liens selles et de toutes les demi-droites horizontales issues des singularités. On obtient une alors une union disjointe de demi-plan positifs et négatifs. De plus, remarquons que chaque pôle d’ordre bjsubscript𝑏𝑗-b_{j} est associé à bj1subscript𝑏𝑗1b_{j}-1 demi-plan positifs et bj1subscript𝑏𝑗1b_{j}-1 demi-plan négatifs.

Considérons une singularité conique, disons z1subscript𝑧1z_{1} d’angle 2π(a1+1)2𝜋subscript𝑎112\pi(a_{1}+1). Comme les résidus aux pôles sont nuls, on obtient directement du théorème des résidus que tout chemin fermé de S𝑆S possède une période nulle. Cela implique que les points correspondant à z1subscript𝑧1z_{1} peuvent apparaître au plus une fois par demi-plan. Comme l’angle à chaque sommet dans chaque demi plan est π𝜋\pi l’angle maximal de la singularité conique z1subscript𝑧1z_{1} est 2πj=1p(bj1)2𝜋superscriptsubscript𝑗1𝑝subscript𝑏𝑗12\pi\sum_{j=1}^{p}(b_{j}-1). Cela est équivalent au fait que l’ordre a1subscript𝑎1a_{1} de z1subscript𝑧1z_{1} est inférieur ou égal à j=1pbj(p+1)superscriptsubscript𝑗1𝑝subscript𝑏𝑗𝑝1\sum_{j=1}^{p}b_{j}-(p+1).

Nous montrons maintenant que si tous les zéros d’une différentielle sont d’ordres inférieurs ou égaux à bj(p+1)subscript𝑏𝑗𝑝1\sum b_{j}-(p+1) alors l’origine est dans l’image de l’application résiduelle. Considérons tout d’abord les strates Ω0(a1,a2;b1,,bp)Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{0}\left(a_{1},a_{2};-b_{1},\dots,-b_{p}\right) ayant deux zéros avec p1a1,a2bj(p+1)formulae-sequence𝑝1subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑏𝑗𝑝1p-1\leq a_{1},a_{2}\leq\sum b_{j}-(p+1). Pour tous les pôles nous prenons une partie polaire triviale Sisubscript𝑆𝑖S_{i} d’ordre bisubscript𝑏𝑖b_{i} et de type τisubscript𝜏𝑖\tau_{i} associée à (1;1)11(1;1). Nous choisissons les τisubscript𝜏𝑖\tau_{i} tels que iτi=a1+1subscript𝑖subscript𝜏𝑖subscript𝑎11\sum_{i}\tau_{i}=a_{1}+1. Ce choix est possible car pour chaque i𝑖i l’inégalité 1τibi11subscript𝜏𝑖subscript𝑏𝑖11\leq\tau_{i}\leq b_{i}-1 implique en sommant sur les pôles que piτibjp𝑝subscript𝑖subscript𝜏𝑖subscript𝑏𝑗𝑝p\leq\sum_{i}\tau_{i}\leq\sum b_{j}-p.

Ensuite, nous collons les bords des parties polaires de manière cyclique. Plus précisément, nous collons le segment supérieur de Sisubscript𝑆𝑖S_{i} au segment inférieur de Si+1subscript𝑆𝑖1S_{i+1} modulo p𝑝p. Une telle construction est représentée sur la figure 4. La surface plate ainsi obtenue possède deux singularités coniques et est de genre nul. De plus, l’angle de la singularité conique à gauche des liens selles est d’angle 2πτi2𝜋subscript𝜏𝑖2\pi\sum\tau_{i}. La différentielle ainsi construite appartient à la strate Ω0(a1,a2;b1,,bp)Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{0}\left(a_{1},a_{2};-b_{1},\dots,-b_{p}\right) et les résidus aux pôles sont nuls.

111333a𝑎ab𝑏b222111333222444555b𝑏ba𝑎a555444
Figure 4. Une différentielle dans Ω0(4,1;3,4)Ωsubscript04.134{\Omega\mathcal{M}}_{0}(4,1;-3,-4) dont les résidus sont nuls.

Nous traitons maintenant les strates Ω0(a1,a2,a3;b1,,bp)Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎3subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1},a_{2},a_{3};-b_{1},\dots,-b_{p}), avec a1,a2a3subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎3a_{1},a_{2}\leq a_{3}. Il y a deux cas à considérer suivant que a1,a2>bip1subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑏𝑖𝑝1a_{1},a_{2}>\sum b_{i}-p-1 ou non.

Si a1+a2bip1subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑏𝑖𝑝1a_{1}+a_{2}\leq\sum b_{i}-p-1 (et donc p1a3bip1𝑝1subscript𝑎3subscript𝑏𝑖𝑝1p-1\leq a_{3}\leq\sum b_{i}-p-1), alors il existe une différentielle à résidus nuls dans la strate Ω0(a1+a2,a3;b1,,bp)Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎3subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1}+a_{2},a_{3};-b_{1},\dots,-b_{p}). Donc en éclatant le zéro d’ordre a1+a2subscript𝑎1subscript𝑎2a_{1}+a_{2} en deux zéros d’ordres a1subscript𝑎1a_{1} et a2subscript𝑎2a_{2} par la proposition 2.4, nous obtenons la différentielle souhaitée.

Supposons maintenant que a1+a2>bip1subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑏𝑖𝑝1a_{1}+a_{2}>\sum b_{i}-p-1 (ou de manière équivalente a3<p1subscript𝑎3𝑝1a_{3}<p-1). Dans le reste de la preuve nous noterons b:=biassign𝑏subscript𝑏𝑖b:=\sum b_{i}. Remarquons que a1,a2a3subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎3a_{1},a_{2}\leq a_{3} et a1+a2+a3=b2subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎3𝑏2a_{1}+a_{2}+a_{3}=b-2 impliquent que 3a3b23subscript𝑎3𝑏23a_{3}\geq b-2. Nous obtenons donc que 3p>b+13𝑝𝑏13p>b+1, ce qui implique que l’un des pôles est d’ordre 22-2.

Nous donnons maintenant la description d’une différentielle ayant les propriétés attendues. Cette construction est illustrée dans la figure 5 dans le cas de Ω0(33,24,3)Ωsubscript0superscript33superscript243{\Omega\mathcal{M}}_{0}(3^{3},-2^{4},-3). Dans un premier temps, nous décrivons le procédé, puis nous ajusterons les constantes pour obtenir les singularités coniques souhaitées.

Pour le pôle d’ordre 22-2, prenons une partie polaire triviale d’ordre 222 associée à (v1,v2;v3)subscript𝑣1subscript𝑣2subscript𝑣3(v_{1},v_{2};v_{3}) avec v3=v1+v2subscript𝑣3subscript𝑣1subscript𝑣2v_{3}=v_{1}+v_{2}. Pour chaque pôle Pisubscript𝑃𝑖P_{i} nous prenons une partie polaire triviale d’ordre bisubscript𝑏𝑖b_{i} de type τisubscript𝜏𝑖\tau_{i} associée à (vji;vji)subscript𝑣subscript𝑗𝑖subscript𝑣subscript𝑗𝑖(v_{j_{i}};v_{j_{i}}) pour un ji{1,2,3}subscript𝑗𝑖1.2.3j_{i}\in\{1,2,3\}. Puis nous collons le segment vjisubscript𝑣subscript𝑗𝑖v_{j_{i}} du triangle au segment vjisubscript𝑣subscript𝑗𝑖v_{j_{i}} correspondant au domaine basique négatif de cette partie polaire. Cette opération ajoute une contribution angulaire de 2πτi2𝜋subscript𝜏𝑖2\pi\tau_{i} et 2π(biτi)2𝜋subscript𝑏𝑖subscript𝜏𝑖2\pi(b_{i}-\tau_{i}) aux singularités coniques correspondant aux sommets du segment vjisubscript𝑣subscript𝑗𝑖v_{j_{i}}. Nous faisons de même pour tous les pôles jusqu’à obtenir une surface plate S1subscript𝑆1S_{1} dont le bord est composé des trois segments vjsubscript𝑣𝑗v_{j}. Nous prenons maintenant le triangle v1v2v3subscript𝑣1subscript𝑣2subscript𝑣3v_{1}v_{2}v_{3} et collons par translation ses trois arêtes au bord de S1subscript𝑆1S_{1}. La surface plate ainsi obtenue est de genre zéro, possède trois zéros distincts et n’a pas de résidus aux pôles.

Il reste à ajuster le choix des segments vjisubscript𝑣subscript𝑗𝑖v_{j_{i}} et des types τisubscript𝜏𝑖\tau_{i} pour chaque pôle afin d’obtenir les angles souhaités. La remarque clé est que chaque pôle Pisubscript𝑃𝑖P_{i} contribue à exactement deux singularités coniques et que la contribution à chacune d’elles est d’angle compris entre 2π2𝜋2\pi et 2π(bi1)2𝜋subscript𝑏𝑖12\pi(b_{i}-1). Réciproquement, si cette condition est satisfaite, alors la construction précédente permet de construire la différentielle souhaitée.

La situation peut donc être modélisée par un graphe biparti ΓΓ\Gamma dont trois sommets Aisubscript𝐴𝑖A_{i} représentent les trois sommets du triangle v1v2v3subscript𝑣1subscript𝑣2subscript𝑣3v_{1}v_{2}v_{3} et p1𝑝1p-1 autres sommets Bisubscript𝐵𝑖B_{i} représentent les pôles Pisubscript𝑃𝑖P_{i} distincts du pôle avec la partie polaire associée au triangle. Il y a une arête entre les sommets Bisubscript𝐵𝑖B_{i} et Ajsubscript𝐴𝑗A_{j} pour chaque multiple de 2π2𝜋2\pi de la contribution de Pisubscript𝑃𝑖P_{i} à la singularité conique Ajsubscript𝐴𝑗A_{j}. Un exemple est schématisé dans la figure 5.

v11superscriptsubscript𝑣11v_{1}^{1}v21superscriptsubscript𝑣21v_{2}^{1}v31superscriptsubscript𝑣31v_{3}^{1}v12superscriptsubscript𝑣12v_{1}^{2}v22superscriptsubscript𝑣22v_{2}^{2}v33superscriptsubscript𝑣33v_{3}^{3}111222v22superscriptsubscript𝑣22v_{2}^{2}v21superscriptsubscript𝑣21v_{2}^{1}222111v31superscriptsubscript𝑣31v_{3}^{1}v32superscriptsubscript𝑣32v_{3}^{2}v32superscriptsubscript𝑣32v_{3}^{2}v33superscriptsubscript𝑣33v_{3}^{3}v11superscriptsubscript𝑣11v_{1}^{1}v12superscriptsubscript𝑣12v_{1}^{2}
Figure 5. Une différentielle dans Ω0((33);(24),3)Ωsubscript0superscript33superscript243{\Omega\mathcal{M}}_{0}((3^{3});(-2^{4}),-3) avec résidus nuls et son graphe ΓΓ\Gamma.

Il suffit de montrer qu’il est possible de distribuer les arêtes de telle façon que les sommets Bisubscript𝐵𝑖B_{i} soient de valence bisubscript𝑏𝑖b_{i}, connectés à précisément deux sommets Ajsubscript𝐴𝑗A_{j}, et que la valence de Ajsubscript𝐴𝑗A_{j} soit ajsubscript𝑎𝑗a_{j}. Une telle distribution peut être obtenue de la façon suivante. Rappelons que le plus grand zéro (que nous supposerons être z3subscript𝑧3z_{3}) est d’ordre a3p1subscript𝑎3𝑝1a_{3}\leq p-1. Nous partons du graphe où tous les sommets Bisubscript𝐵𝑖B_{i} sont connectés à A1subscript𝐴1A_{1} par exactement une arête et toutes les autres arêtes connectent A2subscript𝐴2A_{2}. Prenons un sommet Bisubscript𝐵𝑖B_{i} quelconque. Il y a bi1subscript𝑏𝑖1b_{i}-1 arêtes entre Bisubscript𝐵𝑖B_{i} et A2subscript𝐴2A_{2}. Si la valence de A2subscript𝐴2A_{2} moins bi1subscript𝑏𝑖1b_{i}-1 est supérieure ou égale à a2subscript𝑎2a_{2}, alors nous remplaçons les bi1subscript𝑏𝑖1b_{i}-1 arêtes entre Bisubscript𝐵𝑖B_{i} et A2subscript𝐴2A_{2} par bi1subscript𝑏𝑖1b_{i}-1 arêtes entre Bisubscript𝐵𝑖B_{i} et A3subscript𝐴3A_{3}. Nous recommençons alors cette opération jusqu’à l’indice i0subscript𝑖0i_{0} tel que la valence de A2subscript𝐴2A_{2} moins bi01subscript𝑏subscript𝑖01b_{i_{0}}-1 soit strictement inférieure à a2subscript𝑎2a_{2}. Dans ce cas, nous remplaçons des arêtes entre Bi0subscript𝐵subscript𝑖0B_{i_{0}} et A2subscript𝐴2A_{2} par des arêtes entre Bi0subscript𝐵subscript𝑖0B_{i_{0}} et A3subscript𝐴3A_{3}, de telle façon que la valence de A2subscript𝐴2A_{2} soit égale à a2subscript𝑎2a_{2}. Le sommet Bi0subscript𝐵subscript𝑖0B_{i_{0}} est alors connecté aux trois sommets Aisubscript𝐴𝑖A_{i}. Donc nous enlevons l’arête entre A1subscript𝐴1A_{1} et Bi0subscript𝐵subscript𝑖0B_{i_{0}} pour la mettre entre A3subscript𝐴3A_{3} et Bi0subscript𝐵subscript𝑖0B_{i_{0}}. Comme a1subscript𝑎1a_{1} est strictement plus petit que p1𝑝1p-1, cette opération est toujours possible. Pour terminer, nous remplaçons autant d’arêtes que nécessaire entre A1subscript𝐴1A_{1} et les Bjsubscript𝐵𝑗B_{j} pour j>i0𝑗subscript𝑖0j>i_{0} pour les connecter à A3subscript𝐴3A_{3} afin que la valence de A1subscript𝐴1A_{1} soit a1subscript𝑎1a_{1}. Notons qu’il existe toujours assez d’arêtes entre A1subscript𝐴1A_{1} et les Bjsubscript𝐵𝑗B_{j} pour obtenir la valence a3subscript𝑎3a_{3} à A3subscript𝐴3A_{3} car il y a un total de p1𝑝1p-1 sommets Bisubscript𝐵𝑖B_{i} et a3p1subscript𝑎3𝑝1a_{3}\leq p-1.

Pour conclure le cas des différentielles de genre zéro avec des résidus nuls, nous considérons les strates ayant n4𝑛4n\geq 4 zéros. Soient a1subscript𝑎1a_{1} et a2subscript𝑎2a_{2} les zéros de plus petits ordres. En notant b=ibi𝑏subscript𝑖subscript𝑏𝑖b=\sum_{i}b_{i} on a

a1+a22n(b2)i(bi1)4n<bp,subscript𝑎1subscript𝑎22𝑛𝑏2subscript𝑖subscript𝑏𝑖14𝑛𝑏𝑝a_{1}+a_{2}\leq\frac{2}{n}\left(b-2\right)\leq\sum_{i}(b_{i}-1)-\frac{4}{n}<b-p,

où la deuxième égalité s’obtient en remarquant que 2n122𝑛12\tfrac{2}{n}\leq\tfrac{1}{2} et bi2subscript𝑏𝑖2b_{i}\geq 2 impliquent que 2binbi12subscript𝑏𝑖𝑛subscript𝑏𝑖1\tfrac{2b_{i}}{n}\leq b_{i}-1. On en déduit que a1+a2bp1subscript𝑎1subscript𝑎2𝑏𝑝1a_{1}+a_{2}\leq b-p-1 et donc que le cas n4𝑛4n\geq 4 s’obtient en éclatant un zéro d’une différentielle ayant n1𝑛1n-1 zéros d’ordres a1+a2subscript𝑎1subscript𝑎2a_{1}+a_{2}, aisubscript𝑎𝑖a_{i} pour i3𝑖3i\geq 3 et p𝑝p pôles d’ordres bjsubscript𝑏𝑗-b_{j}. ∎

3.3. Les pôles sont tous simples

Dans cette section, nous montrons le point ii) du théorème 1.2 qui traite du cas des différentielles en genre zéro n’ayant que des pôles simples.

Nous commençons par le cas des strates Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})). Nous définissons deux types de graphes que nous utilisons de manière essentielle dans la preuve.

Définition 3.4.

Un graphe de connexion est un arbre biparti connexe ΓΓ\Gamma possédant A𝐴A arêtes, dont les sommets sont partitionnés en ΓΓ+subscriptΓsubscriptΓ\Gamma_{-}\cup\Gamma_{+} et auxquels sont attribués des poids réels strictement positifs, tels que:

  1. i)

    la somme des poids des sommets de Γ+subscriptΓ\Gamma_{+} est égale à celle des poids des sommets de ΓsubscriptΓ\Gamma_{-};

  2. ii)

    considérant l’opération qui consiste à retirer une feuille et soustraire le poids de ce sommet à celui qui lui est relié, appliquant cette opération entre une et A1𝐴1A-1 fois à ΓΓ\Gamma, on obtient alors des graphes dont les poids sont strictement positifs.

Définition 3.5.

Soit r1,,rssubscript𝑟1subscript𝑟𝑠r_{1},\dots,r_{s} des nombres complexes 𝐑𝐑\mathbf{R}-colinéaires de somme nulle, un graphe associé aux risubscript𝑟𝑖r_{i} est un arbre biparti connexe vérifiant les propriétés suivantes. Étant donné α𝐂𝛼superscript𝐂\alpha\in\mathbf{C}^{\ast} tel que ri:=αri𝐑assignsuperscriptsubscript𝑟𝑖𝛼subscript𝑟𝑖superscript𝐑r_{i}^{\prime}:=\alpha r_{i}\in\mathbf{R}^{\ast} pour tout is𝑖𝑠i\leq s, les sommets de Γ+subscriptΓ\Gamma_{+} (resp. ΓsubscriptΓ\Gamma_{-}) sont en bijection avec les risuperscriptsubscript𝑟𝑖r_{i}^{\prime} positifs (resp. négatifs) et le poids du sommet correspondant à risubscript𝑟𝑖r_{i} est |ri|superscriptsubscript𝑟𝑖|r_{i}^{\prime}|.

L’image de l’application résiduelle des strates Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) est décrite par le résultat suivant en terme de graphes.

Lemme 3.6.

Soit Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) une strate de genre zéro avec s𝑠s pôles simples et un unique zéro d’ordre s2𝑠2s-2. Les nombres complexes (r1,,rs)subscript𝑟1subscript𝑟𝑠(r_{1},\ldots,r_{s}) sont dans l’image de l’application résiduelle si et seulement si l’une des propriétés est satisfaite.

  1. (1)

    Les nombres (r1,,rs)subscript𝑟1subscript𝑟𝑠(r_{1},\ldots,r_{s}) ne sont pas colinéaires.

  2. (2)

    Les nombres (r1,,rs)subscript𝑟1subscript𝑟𝑠(r_{1},\ldots,r_{s}) sont colinéaires et il existe un graphe associé aux risubscript𝑟𝑖r_{i} qui est un graphe de connexion.

Avant de passer à la preuve de ce résultat, nous illustrons ces notions dans un exemple. Nous illustrons maintenant les concepts introduits dans un exemple.

Exemple 3.7.

Nous illustrons la correspondance entre une différentielle de Ω0(5;(17))Ωsubscript05superscript17{\Omega\mathcal{M}}_{0}(5;(-1^{7})) et le graphe de connexion associé. La figure 6 montre que l’image de l’application résiduelle de cette strate contient les résidus (3,(13),(23))3superscript13superscript23(3,(1^{3}),(-2^{3})).

111222333444555666111444222555333666222222222333111111111
Figure 6. Une différentielle dans Ω0(5;(17))Ωsubscript05superscript17{\Omega\mathcal{M}}_{0}(5;(-1^{7})) avec résidus (3,(13),(23))3superscript13superscript23\left(3,(1^{3}),(-2^{3})\right) et son graphe de connexion.
Démonstration du lemme 3.6.

Soit r:=(r1,,rs)assign𝑟subscript𝑟1subscript𝑟𝑠r:=(r_{1},\dots,r_{s}) un élément de l’espace résiduel de la strate Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) avec s2𝑠2s\geq 2. Si tous les résidus ne sont pas colinéaires alors le polygone résiduel introduit dans la section 3.1 est non dégénéré. On obtient la différentielle abélienne avec les invariants souhaités en collant des cylindres infinis à toutes les arêtes de ce polygone.

Nous supposerons donc à partir de maintenant que les risubscript𝑟𝑖r_{i} sont colinéaires. Supposons qu’il existe un graphe ΓΓ\Gamma associé à r𝑟r qui soit un graphe de connexion. On construit une différentielle de la façon suivante. Pour chaque résidu risubscript𝑟𝑖r_{i} on prend une partie polaire d’ordre 111 associée à risubscript𝑟𝑖r_{i}. Considérons une feuille de ΓΓ\Gamma. On peut coller le segment au bord de la partie polaire correspondante au segment au bord de la partie polaire correspondant à l’autre sommet de l’arête. Puis on enlève la feuille du graphe et le poids de cette feuille à l’autre sommet. On recommence cette procédure pour une feuille du nouveau graphe. Cette opération est faite de manière inductive jusqu’à ce que le graphe soit réduit à un sommet.

Nous justifions maintenant que cette opération est toujours possible. Supposons tout d’abord que le graphe possède strictement plus de deux sommets. Comme par le point ii) le poids d’une feuille est toujours strictement plus petit que le poids du sommet auquel elle est reliée, le collage est toujours possible. Enfin le point i) dit que la différence des poids est nulle, ce qui implique que la surface obtenue est sans bord. On vérifie maintenant que cette surface plate est de genre zéro et possède un unique zéro. La surface est formée de domaines polaires reliés par des liens selles tous horizontaux. La surface est de genre zéro car s’il existait un lacet fermé homotopiquement non trivial, cela impliquerait un chemin fermé sur le graphe de connexion. Or celui-ci est un arbre. L’arbre étant connexe, la surface l’est également. Il reste à montrer que les extrémités des liens selles constituent une unique singularité conique. En tant que graphe plongé dans la surface, le graphe des liens selles est dual de celui défini par le graphe de connexion avec des arcs reliant les pôles. Le graphe de connexion étant un arbre, il ne définit qu’une seule face. Par conséquent, le graphe des liens selles n’a qu’un seul sommet.

Supposons maintenant qu’il existe une différentielle ω𝜔\omega dans Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) dont les résidus sont (r1,,rs)subscript𝑟1subscript𝑟𝑠(r_{1},\dots,r_{s}). Supposons que les résidus soient colinéaires, nous les supposerons réels sans perte de généralité. Nous construisons un graphe associé aux risubscript𝑟𝑖r_{i} qui est un graphe de connexion. Les sommets de Γ+subscriptΓ\Gamma_{+} (resp. ΓsubscriptΓ\Gamma_{-}) sont associés aux pôles de ω𝜔\omega dont le résidu est positif (resp. négatif). Les poids sont les valeurs absolues des résidus. Enfin deux sommets sont connectés si et seulement si le bord de leurs domaines polaires respectifs contiennent un même lien selle.

Le fait que ω𝜔\omega soit de genre zéro et ne possède qu’un zéro implique clairement que ce graphe biparti est un arbre. Le théorème des résidus implique directement le point i) qui dit que la différence des poids est nulle. Regardons maintenant l’effet de l’opération qui enlève une feuille au graphe de connexion (dans le cas où il possède au moins deux arêtes). Cette opération revient à couper la différentielle ω𝜔\omega le long d’un lien selle v𝑣v dont l’un des côté est un unique domaine polaire. De plus, le domaine polaire adjacent à ce lien selle est remplacé par le domaine polaire associé aux vecteurs précédents privés de v𝑣v (qui est un ensemble non vide car ω𝜔\omega est non singulière). Les autres domaines polaires et les identifications restent les mêmes. À chaque étape, cette opération produit une différentielle de genre zéro avec un unique zéro et des pôles simples dont tous les résidus sont non nuls. Cela implique clairement le point ii) des graphes de connexion. ∎

Nous montrons maintenant que les s𝑠s-uplets qui ne sont pas dans l’image de l’application résiduelle 0(s2;(1s))subscript0𝑠2superscript1𝑠\mathfrak{R}_{0}(s-2;(-1^{s})) sont commensurables entre eux.

Lemme 3.8.

Soient r:=(x1,,xs1,y1,,ys2)assign𝑟subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2r:=(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) avec xisubscript𝑥𝑖x_{i} et yjsubscript𝑦𝑗y_{j} réels strictement positifs. Si le s𝑠s-uplet r𝑟r n’appartiennent pas à l’image de 0(s2;(1s))subscript0𝑠2superscript1𝑠\mathfrak{R}_{0}(s-2;(-1^{s})), alors les xisubscript𝑥𝑖x_{i} et yjsubscript𝑦𝑗y_{j} sont commensurables entre eux.

Démonstration.

Nous procédons à une démonstration par récurrence. Si on a s1=1subscript𝑠11s_{1}=1 ou s2=1subscript𝑠21s_{2}=1, toutes les configurations de résidus sont réalisables. Si s1=s2=2subscript𝑠1subscript𝑠22s_{1}=s_{2}=2, les seuls uplets qui ne sont pas dans l’image de l’application résiduelle sont proportionnels à (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1).

À présent, on suppose que la proposition est démontrée pour tous les couples (a,b)(s1,s2)𝑎𝑏subscript𝑠1subscript𝑠2(a,b)\neq(s_{1},s_{2}) tels que as1𝑎subscript𝑠1a\leq s_{1} et bs2𝑏subscript𝑠2b\leq s_{2}. Nous considérons un uplet qui n’est pas dans l’image avec s1subscript𝑠1s_{1} nombres positifs et s2subscript𝑠2s_{2} négatifs. Si tous les xisubscript𝑥𝑖x_{i} et yjsubscript𝑦𝑗y_{j} sont égaux, alors on a s1=s2subscript𝑠1subscript𝑠2s_{1}=s_{2} et le uplet est proportionnel à (1,,1,1,,1)1.111(1,\dots,1,-1,\dots,-1).

On peut donc supposer qu’il existe deux résidus, disons xs1subscript𝑥subscript𝑠1x_{s_{1}} et ys2subscript𝑦subscript𝑠2-y_{s_{2}}, tels que ys2<xs1subscript𝑦subscript𝑠2subscript𝑥subscript𝑠1y_{s_{2}}<x_{s_{1}}. Le (s1)𝑠1(s-1)-uplet obtenu en retirant le résidu ys2subscript𝑦subscript𝑠2-y_{s_{2}} et en remplaçant xs1subscript𝑥subscript𝑠1x_{s_{1}} par xs1ys2subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦subscript𝑠2x_{s_{1}}-y_{s_{2}} n’est pas réalisable. En effet, si ce nouveau uplet était réalisable, il existerait un graphe de connexion qui lui serait associé. Il suffirait d’ajouter à ce graphe une branche avec comme poids ys2subscript𝑦subscript𝑠2y_{s_{2}} au sommet de poids xs1ys2subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦subscript𝑠2x_{s_{1}}-y_{s_{2}} et de remplacer le poids xs1ys2subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦subscript𝑠2x_{s_{1}}-y_{s_{2}} par xs1subscript𝑥subscript𝑠1x_{s_{1}}. Ce graphe serait un graphe de connexion pour la configuration initiale, ce qui est absurde.

Ainsi, quitte à changer les signes, tout s𝑠s-uplet non réalisable avec s1subscript𝑠1s_{1} résidus positifs et s2subscript𝑠2s_{2} négatifs s’obtient à partir d’un s1𝑠1s-1-uplet non réalisable (x1,,xs1,y1,,ys21)subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠21(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}-1}) auquel on ajoute un résidu ys2subscript𝑦subscript𝑠2y_{s_{2}} et on remplace un résidu xisubscript𝑥𝑖x_{i} par xi+ys2subscript𝑥𝑖subscript𝑦subscript𝑠2x_{i}+y_{s_{2}}. On peut supposer, quitte à changer l’ordre, que i=s1𝑖subscript𝑠1i=s_{1} et on note xs1:=xs1+ys2assignsubscriptsuperscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦subscript𝑠2x^{\prime}_{s_{1}}:=x_{s_{1}}+y_{s_{2}}. On cherche donc pour quelles valeurs de ys2subscript𝑦subscript𝑠2y_{s_{2}} le s𝑠s-uplet (x1,,xs1,y1,,ys2)subscript𝑥1subscriptsuperscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2(x_{1},\dots,x^{\prime}_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) est non réalisable. Par hypothèse de récurrence, on normalise ces nombres de telle sorte que les xisubscript𝑥𝑖x_{i} et les yjsubscript𝑦𝑗y_{j} avec js2𝑗subscript𝑠2j\neq s_{2} sont des entiers premiers entre eux. Si ys2subscript𝑦subscript𝑠2y_{s_{2}} n’était pas un entier, alors ces résidus seraient dans l’image. En effet, un graphe de connexion serait obtenu de la façon suivante. On permute y1subscript𝑦1y_{1} et ys2subscript𝑦subscript𝑠2y_{s_{2}}. On prend s1subscript𝑠1s_{1} sommets en haut et s2subscript𝑠2s_{2} sommets en bas. Le sommet i0subscript𝑖0i_{0} en haut est relié au sommet j0subscript𝑗0j_{0} en bas si et seulement si pour J=j0𝐽subscript𝑗0J=j_{0} ou J=j0+1𝐽subscript𝑗01J=j_{0}+1, on a

ii01xijJyjii0xi.subscript𝑖subscript𝑖01subscript𝑥𝑖subscript𝑗𝐽subscript𝑦𝑗subscript𝑖subscript𝑖0subscript𝑥𝑖\sum_{i\leq i_{0}-1}x_{i}\leq\sum_{j\leq J}y_{j}\leq\sum_{i\leq i_{0}}x_{i}\,.

Les poids des sommets sont évidemment donnés par les yjsubscript𝑦𝑗y_{j}, les xisubscript𝑥𝑖x_{i} pour i<s1𝑖subscript𝑠1i<s_{1} et xs1subscriptsuperscript𝑥subscript𝑠1x^{\prime}_{s_{1}} pour i=s1𝑖subscript𝑠1i=s_{1}. Par conséquent, pour obtenir une configuration non réalisable, il est nécessaire que ys2subscript𝑦subscript𝑠2y_{s_{2}} soit un entier. En effet, dans le cas contraire, les sommes partielles ne peuvent pas coïncider car l’une des familles de sommes partielles n’est pas constituée d’entiers et donc l’opération consistant à retirer une feuille au graphe peut toujours s’effectuer. ∎

Nous pouvons donc maintenant procéder à la preuve du point ii) du théorème 1.2 dans le cas des strates Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})). Concrètement, nous montrons que l’image de l’application résiduelle de Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) avec s2𝑠2s\geq 2 est le complémentaire de l’union des plans 𝐂(x1,,xs1,y1,,ys2)superscript𝐂subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2\mathbf{C}^{\ast}\cdot(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}})xi,yj𝐍subscript𝑥𝑖subscript𝑦𝑗𝐍x_{i},y_{j}\in\mathbf{N} sont premiers entre eux et

i=1s1xi=j=1s2yjs2.superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗𝑠2\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}=\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}\leq s-2\,.
Démonstration.

Étant donné un élément qui n’appartient pas à l’image de l’application résiduelle de Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})). Par le lemme 3.8 on peut supposer que cet élément est de la forme (x1,,xs1,y1,,ys2)subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) avec xisubscript𝑥𝑖x_{i} et yjsubscript𝑦𝑗y_{j} des entiers premiers entre eux. Nous montrons par récurrence que ce s𝑠s-uplet vérifie l’équation (1.4). Rappelons que cette équation est l’inégalité i=1s1xi=j=1s2yjs2superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗𝑠2\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}=\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}\leq s-2.

Nous commençons par montrer qu’il existe au moins quatre éléments du s𝑠s-uplet qui sont égaux à ±1plus-or-minus1\pm 1. Cela est vrai dans le cas des strates Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) avec s4𝑠4s\leq 4 puisque qu’on vérifie sans difficultés grâce au lemme 3.6 que le seul élément qui n’est pas dans l’image est (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1). Par récurrence, on considère un s𝑠s-uplet r:=(x1,,xs1,y1,,ys2)assign𝑟subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2r:=(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) qui n’est pas dans l’image de l’application résiduelle. Si tous les xi,yjsubscript𝑥𝑖subscript𝑦𝑗x_{i},y_{j} sont égaux entre eux, le résultat est clair. Sinon on peut supposer que min(xi)=xs1<max(yj)=ys2subscript𝑥𝑖subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦𝑗subscript𝑦subscript𝑠2\min(x_{i})=x_{s_{1}}<\max(y_{j})=y_{s_{2}}. Le s1𝑠1s-1-uplet r:=(x1,,xs11,y1,,ys21,xs1ys2)assignsuperscript𝑟subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠11subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠21subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦subscript𝑠2r^{\prime}:=(x_{1},\dots,x_{s_{1}-1},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}-1},x_{s_{1}}-y_{s_{2}}) n’est pas réalisable. En effet, si c’était le cas il existerait un graphe de connexion associé à ces résidus On obtiendrait un graphe de connexion pour r𝑟r en collant une feuille de poids xs1subscript𝑥subscript𝑠1x_{s_{1}} au sommet de poids xs1ys2subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦subscript𝑠2x_{s_{1}}-y_{s_{2}}. Si le pgcd de rsuperscript𝑟r^{\prime} est d>1𝑑1d>1, alors r𝑟r est de la forme (dk1,,dks11,x,dl1,dls21,y)𝑑subscript𝑘1𝑑subscript𝑘subscript𝑠11𝑥𝑑subscript𝑙1𝑑subscript𝑙subscript𝑠21𝑦(dk_{1},\dots,dk_{s_{1}-1},x,-dl_{1},-dl_{s_{2}-1},-y) avec x𝑥x et y𝑦y premiers avec d𝑑d. Mais alors il existe une différentielle qui possède ces résidus obtenue en collant sur un segment les cylindres de circonférence (x,dk1,,dks11)𝑥𝑑subscript𝑘1𝑑subscript𝑘subscript𝑠11(x,dk_{1},\dots,dk_{s_{1}-1}) (dans cet ordre) en haut et (dl1,dls21,y)𝑑subscript𝑙1𝑑subscript𝑙subscript𝑠21𝑦(-dl_{1},-dl_{s_{2}-1},-y) en bas. Par conséquent d=1𝑑1d=1.

En supposant (sans perte de généralité) que xs1=min(xi,yi)subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑥𝑖subscript𝑦𝑖x_{s_{1}}=\min(x_{i},y_{i}), on obtient, par hypothèse de récurrence, que trois nombres parmi x1,,xs11,y1,,ys21subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠11subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠21x_{1},\dots,x_{s_{1}-1},y_{1},\dots,y_{s_{2}-1} sont égaux à 111. Ajoutant xs1subscript𝑥subscript𝑠1x_{s_{1}} (qui vaut 111 par hypothèse) à cette liste, on obtient que r𝑟r possède au moins quatre éléments égaux à ±1plus-or-minus1\pm 1.

L’équation (1.4) est clairement satisfaite pour l’unique élément (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1) qui n’est pas dans l’application résiduelle de Ω0(2;(14))Ωsubscript02superscript14{\Omega\mathcal{M}}_{0}(2;(-1^{4})). Supposons maintenant par récurrence qu’elle est satisfaite pour tous les t𝑡t-uplet qui ne sont pas dans l’application résiduelle des strates Ω0(t2;(1t){\Omega\mathcal{M}}_{0}(t-2;(-1^{t}) avec 4t<s4𝑡𝑠4\leq t<s. Considérons l’élément (x1,,xs1,y1,,ys2)subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) qui n’est pas dans l’image de l’application résiduelle de Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})). Si les résidus sont tous égaux entre eux, la borne est clairement satisfaite. Sinon, comme il existe un élément du s𝑠s-uplet égal à 111, on peut supposer que xs1>1subscript𝑥subscript𝑠11x_{s_{1}}>1 et ys2=1subscript𝑦subscript𝑠21y_{s_{2}}=1. En enlevant le résidu ys2subscript𝑦subscript𝑠2-y_{s_{2}} du s𝑠s-uplet et en l’ajoutant à xs1subscript𝑥subscript𝑠1x_{s_{1}}, on obtient un (s1)𝑠1(s-1)-uplet qui n’est pas dans l’application résiduelle. Par récurrence, il vérifie l’équation (1.4) avec s1𝑠1s-1 termes. Comme ys2=1subscript𝑦subscript𝑠21y_{s_{2}}=1, on a

j=1s2yj=1+j=1s21yj1+(s1)2=s2.superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗1superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠21subscript𝑦𝑗1𝑠12𝑠2\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}=1+\sum_{j=1}^{s_{2}-1}y_{j}\leq 1+(s-1)-2=s-2\,.

Ceci démontre par récurrence la borne de l’équation (1.4).

Réciproquement, soit (x1,,xs1,y1,,ys2)subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) un élément avec xisubscript𝑥𝑖x_{i} et yjsubscript𝑦𝑗y_{j} des entiers premiers entre eux. S’il existe une différentielle ω𝜔\omega de Ω0(s2;(1s2))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠2{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s-2})) qui possède ces résidus, alors les longueurs de liens-selles de ω𝜔\omega sont entières. Comme il y a s1𝑠1s-1 liens-selles, la somme des xisubscript𝑥𝑖x_{i} est supérieure ou égal à s1𝑠1s-1 et donc l’équation (1.4) n’est pas satisfaite. ∎

En utilisant cette caractérisation nous présentons dans la table 1 les éléments de l’espace résiduel qui ne sont pas dans l’image de l’application résiduelle des strates Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) pour s6𝑠6s\leq 6.

Strate Éléments pas dans l’image de l’application résiduelle (modulo 𝐂superscript𝐂\mathbf{C}^{\ast}))
Ω0(0;(12))Ωsubscript00superscript12{\Omega\mathcal{M}}_{0}(0;(-1^{2})) \emptyset
Ω0(1;(13))Ωsubscript01superscript13{\Omega\mathcal{M}}_{0}(1;(-1^{3})) \emptyset
Ω0(2;(14))Ωsubscript02superscript14{\Omega\mathcal{M}}_{0}(2;(-1^{4})) (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1)
Ω0(3;(15))Ωsubscript03superscript15{\Omega\mathcal{M}}_{0}(3;(-1^{5})) (2,1,1,1,1)2.1111(2,1,-1,-1,-1)
Ω0(4;(16))Ωsubscript04superscript16{\Omega\mathcal{M}}_{0}(4;(-1^{6})) (1,1,1,1,1,1),(2,1,1,2,1,1),(2,2,1,1,1,1),(3,1,1,1,1,1)1.1.11112.1.12112.211113.11111(1,1,1,-1,-1,-1),(2,1,1,-2,-1,-1),(2,2,-1,-1,-1,-1),(3,1,-1,-1,-1,-1)
Table 1. Les éléments qui ne sont pas des résidus de différentielles des strates Ω0(s2;(1s){\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s}) avec s6𝑠6s\leq 6.

Nous passons maintenant au cas des strates possédant au moins deux zéros. Elle s’obtient en utilisant le résultat pour les strates avec un unique zéro. Afin de décrire l’image de l’application résiduelle, nous faisons appel à la notion de différentielle stable rappelée dans la section 2.2.

Lemme 3.9.

Soit Ω0(a1,,an;(1s))Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1},\dots,a_{n};(-1^{s})) une strate de genre zéro avec s𝑠s pôles simples et n2𝑛2n\geq 2 zéros. Le s𝑠s-uplet (r1,,rs)subscript𝑟1subscript𝑟𝑠(r_{1},\ldots,r_{s}) est dans l’image de l’application résiduelle si et seulement s’il existe une différentielle stable de genre zéro (X,ω)𝑋𝜔(X,\omega) telle que:

  1. (1)

    la restriction de ω𝜔\omega à chaque composante irreductible de X𝑋X possède un pôle simple aux points nodaux;

  2. (2)

    la restriction de ω𝜔\omega à la partie lisse de la courbe stable X𝑋X possède des singularités d’ordres (a1,,an;(1s))subscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript1𝑠(a_{1},\dots,a_{n};(-1^{s})) et les résidus aux pôles sont (r1,,rs)subscript𝑟1subscript𝑟𝑠(r_{1},\dots,r_{s});

  3. (3)

    la restriction de ω𝜔\omega à chaque composante irréductible de X𝑋X possède un unique zéro.

Démonstration.

Soit r:=(r1,,rs)0(μ)assign𝑟subscript𝑟1subscript𝑟𝑠subscript0𝜇r:=(r_{1},\dots,r_{s})\in\mathcal{R}_{0}(\mu) un élément de l’espace résiduel de la strate Ω0(a1,,an;(1s))Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1},\dots,a_{n};(-1^{s})). Supposons que r𝑟r soit dans l’image de l’application résiduelle de cette strate. Montrons l’existence d’une différentielle stable vérifiant les conditions du lemme 3.9. Soit ω𝜔\omega une différentielle de Ω0(μ)Ωsubscript0𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{0}(\mu) ayant pour résidus r𝑟r. Quitte à perturber ω𝜔\omega sans changer les résidus, on peut supposer qu’il n’existe pas de liens selles horizontaux entre deux singularités coniques distinctes. En effet, le lieu de la strate Ω0(μ)Ωsubscript0𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{0}(\mu) où les résidus sont r𝑟r est une variété orbifold de dimension n1𝑛1n-1 munie d’un atlas où les coordonnées sont les périodes des cycles de l’homologie relative (voir [Bai+19]). Comme tous les résidus sont réels, toute demi-droite horizontale issue d’une singularité conique heurte cette même singularité en temps fini. Coupons la surface plate associée à ω𝜔\omega le long de ces liens selles. On obtient une union disjointe de cylindres et de demi-cylindres infinis.

La hauteur des cylindres d’aire finie peut être choisie arbitrairement sans changer la strate et les résidus. En faisant tendre toutes les hauteurs de ces cylindres vers l’infini, on obtient une différentielle stable. De plus, comme chaque zéro est relié à un autre par un cylindre, il y a précisément un zéro sur chaque composante irréductible de cette différentielle.

L’autre implication est claire une conséquence directe du lemme 2.2. En effet, on obtient une différentielle dans la strate Ω0(μ)Ωsubscript0𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{0}(\mu) ayant les résidus r𝑟r par le lissage de la différentielle stable satisfaisant les conditions du lemme 3.9. ∎

Nous sommes maintenant en mesure de prouver le point ii) du théorème 1.2 pour toutes les strates avec n2𝑛2n\geq 2 zéros.

Il s’agit de montrer que l’image de l’application résiduelle de Ω0(a1,,an;(1s))Ωsubscript0subscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a_{1},\dots,a_{n};(-1^{s})) avec s2𝑠2s\geq 2 est le complémentaire de l’union des plans 𝐂(x1,,xs1,y1,,ys2)superscript𝐂subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2\mathbf{C}^{\ast}\cdot(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}})xi,yj𝐍subscript𝑥𝑖subscript𝑦𝑗𝐍x_{i},y_{j}\in\mathbf{N} sont premiers entre eux et

i=1s1xi=j=1s2yjmax(a1,,an).superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗subscript𝑎1subscript𝑎𝑛\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}=\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}\leq\max(a_{1},\dots,a_{n})\,.
Démonstration.

Considérons tout d’abord un s𝑠s-uplet (x1,,xs1,y1,,ys2)subscript𝑥1subscript𝑥subscript𝑠1subscript𝑦1subscript𝑦subscript𝑠2(x_{1},\dots,x_{s_{1}},-y_{1},\dots,-y_{s_{2}}) avec xisubscript𝑥𝑖x_{i} et yjsubscript𝑦𝑗y_{j} des entiers premiers entre eux tels que T:=i=1s1xi=j=1s2yj>max(a1,,an)assign𝑇superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗subscript𝑎1subscript𝑎𝑛T:=\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}=\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}>\max(a_{1},\dots,a_{n}). Si n=1𝑛1n=1, on a déjà montré qu’il existe une différentielle avec ces invariants locaux. Cela implique que si la somme T𝑇T est strictement supérieure à s2𝑠2s-2, alors il suffit d’éclater le zéro d’une différentielle de Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})) qui possède ces résidus. On considère à partir de maintenant les s𝑠s-uplets tels que max(ai)<Ts2subscript𝑎𝑖𝑇𝑠2\max(a_{i})<T\leq s-2.

Si s1=s2=s/21subscript𝑠1subscript𝑠2𝑠21s_{1}=s_{2}=s/2-1, alors ce uplet est réalisable dans la strate Ω0(s/21,s/21;(1s))Ωsubscript0𝑠21𝑠21superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s/2-1,s/2-1;(-1^{s})). En effet il suffit de lisser la différentielle stable formée de la façon suivante. Elle possède deux composantes irréductibles X1subscript𝑋1X_{1} et X2subscript𝑋2X_{2} avec un nœud entre les deux. Chaque composante contient un zéro, la composante X1subscript𝑋1X_{1} contient tous les résidus positifs et X2subscript𝑋2X_{2} les résidus négatifs. Le résidu aux points nodaux est l’opposé des sommes des résidus.

On considère maintenant les strates distinctes de Ω0(s/21,s/21;(1s))Ωsubscript0𝑠21𝑠21superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s/2-1,s/2-1;(-1^{s})). Nous supposons par récurrence que le résultat est vrai pour n1𝑛1n-1. Comme nous avons l’inégalité min(ai)+max(ai)s2subscript𝑎𝑖subscript𝑎𝑖𝑠2\min(a_{i})+\max(a_{i})\leq s-2, il s’ensuit que min(1+ai)+max(1+ai)min(s1,s2)+max(s1,s2)1subscript𝑎𝑖1subscript𝑎𝑖subscript𝑠1subscript𝑠2subscript𝑠1subscript𝑠2\min(1+a_{i})+\max(1+a_{i})\leq\min(s_{1},s_{2})+\max(s_{1},s_{2}). On en déduit l’inégalité 1+min(ai)max(s1,s2)1subscript𝑎𝑖subscript𝑠1subscript𝑠21+\min(a_{i})\leq\max(s_{1},s_{2}). Cette inégalité est stricte sauf si a1=a2=s/21subscript𝑎1subscript𝑎2𝑠21a_{1}=a_{2}=s/2-1, que nous ne considérons pas ici. Sans perte de généralité, on suppose que a1subscript𝑎1a_{1} est le zéro d’ordre minimal et que s1s2subscript𝑠1subscript𝑠2s_{1}\geq s_{2}. C’est donc l’inégalité 1+a1<s11subscript𝑎1subscript𝑠11+a_{1}<s_{1} qui est satisfaite.

Comme Ts2𝑇𝑠2T\leq s-2, la configuration n’est pas réalisable dans la strate Ω0(s2;(1s))Ωsubscript0𝑠2superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(s-2;(-1^{s})). Il est démontré dans la preuve du théorème 1.2 pour le cas n=1𝑛1n=1 qu’une telle configuration compte au moins quatre résidus de valeur absolue égale à 111.

Nous allons considérer la différentielle stable sur la courbe stable formée de deux composantes X1subscript𝑋1X_{1} et X2subscript𝑋2X_{2} reliées par un unique nœud construite de la façon suivante. Choisissons un ensemble 𝒫𝒫\mathcal{P} de 1+a11subscript𝑎11+a_{1} éléments xisubscript𝑥𝑖x_{i} tel que, si tous les éléments de norme 111 sont positifs, alors le complémentaire de 𝒫𝒫\mathcal{P} contient au moins un résidu de valeur absolue 111. Sur X1subscript𝑋1X_{1}, on met le zéro d’ordre a1subscript𝑎1a_{1} et les poles simples dont les résidus sont dans 𝒫𝒫\mathcal{P}. Le résidu au point nodal est l’opposé de la somme de ces résidus. Une telle différentielle existe car elle possède un unique pôle simple dont le résidu est négatif. Sur la composante X2subscript𝑋2X_{2}, on met tous les autres zéros et pôles. Par construction, il existe au moins un pôle dont le résidu est de valeur absolue 111. Donc le pgcd des résidus des pôles de cette composante est égal à 111. De plus, la somme des résidus négatifs sur X2subscript𝑋2X_{2} est égale à T𝑇T, qui est par hypothèse strictement supérieure à l’ordre du zéro maximal de X2subscript𝑋2X_{2}. Comme cet ordre coïncide avec le maximum sur tous les ordres, l’hypothèse de récurrence donne une différentielle sur X2subscript𝑋2X_{2} possédant ces invariants. On obtient la différentielle souhaitée en lissant cette différentielle stable.

Réciproquement, on considère un s𝑠s-uplet avec i=1s1xi=j=1s2yjmax(a1,,an)superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑗1subscript𝑠2subscript𝑦𝑗subscript𝑎1subscript𝑎𝑛\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}=\sum_{j=1}^{s_{2}}y_{j}\leq\max(a_{1},\dots,a_{n}). Nous supposons que ce s𝑠s-uplet est réalisé par une différentielle telle que n𝑛n est minimal. Notons que nous avons montré que n2𝑛2n\geq 2 dans la première partie de cette section. Sans perte de généralité, on supposera que an=max(a1,,an)subscript𝑎𝑛subscript𝑎1subscript𝑎𝑛a_{n}=\max(a_{1},\dots,a_{n}).

On considère une différentielle stable satisfaisant les conditions du lemme 3.9. Considérons une composante X1subscript𝑋1X_{1} qui est reliée au reste de la courbe par un unique nœud, i.e. cette composante correspond à une feuille du graphe dual. Comme ce graphe contient au moins deux feuilles, nous supposerons que X1subscript𝑋1X_{1} ne contient pas ansubscript𝑎𝑛a_{n}.

Supposons que le résidu de la restriction de la différentielle à X1subscript𝑋1X_{1} possède un résidu positif au point nodal. Par stabilité, la restriction de la différentielle au complémentaire X~~𝑋\widetilde{X} de X1subscript𝑋1X_{1} possède un pôle avec un résidu négatif au point nodal correspondant. Cette restriction satisfait aux conditions du lemme 3.9 (en considérant le point nodal avec X1subscript𝑋1X_{1} comme un pôle de la partie lisse). Supposons que les s1~~subscript𝑠1\widetilde{s_{1}} premiers résidus positifs appartiennent à X~~𝑋\widetilde{X}, on a alors i=1s1~xii=1s1xiansuperscriptsubscript𝑖1~subscript𝑠1subscript𝑥𝑖superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖subscript𝑎𝑛\sum_{i=1}^{\widetilde{s_{1}}}x_{i}\leq\sum_{i=1}^{s_{1}}x_{i}\leq a_{n}. En posant d𝑑d le pgcd des résidus de la partie lisse de X~~𝑋\widetilde{X}, cette inégalité implique que i=1s1~xidi=1s1xidansuperscriptsubscript𝑖1~subscript𝑠1subscript𝑥𝑖𝑑superscriptsubscript𝑖1subscript𝑠1subscript𝑥𝑖𝑑subscript𝑎𝑛\sum_{i=1}^{\widetilde{s_{1}}}\tfrac{x_{i}}{d}\leq\sum_{i=1}^{s_{1}}\tfrac{x_{i}}{d}\leq a_{n}. Comme il y a n1𝑛1n-1 zéros sur X~~𝑋\widetilde{X}, cela contredit la minimalité de notre exemple. ∎

Nous terminons cette section par un exemple qui illustre les construction du lemme 3.9.

Exemple 3.10.

Dans cet exemple, nous donnons des différentielles dans Ω0(1,3;(16))Ωsubscript01.3superscript16{\Omega\mathcal{M}}_{0}(1,3;(-1^{6})) et Ω0(2,2;(16))Ωsubscript02.2superscript16{\Omega\mathcal{M}}_{0}(2,2;(-1^{6})) dont les résidus sont (2,1,1,1,1,2)2.1.1112(2,1,1,-1,-1,-2) dans la figure 7. Les graphes duaux des différentielles stables que l’on obtient en faisant tendre les hauteurs des cylindres fini vers l’infini. Ces différentielles stables sont celles données dans le lemme 3.9. Les pôles simples correspondent aux demi-arêtes et les labels aux résidus de ces pôles. On peut remarquer que ces résidus ne sont pas dans l’image de 0(4;(16))subscript04superscript16\mathfrak{R}_{0}(4;(-1^{6})).

111111222222333333444444555555666666000011111122244444-411-111-122-2111111222222333333444444555555666666000011111122222-222211-122-211-1
Figure 7. Différentielles dans Ω0(2,2;(16))Ωsubscript02.2superscript16{\Omega\mathcal{M}}_{0}(2,2;(-1^{6})) et Ω0(1,3;(16))Ωsubscript01.3superscript16{\Omega\mathcal{M}}_{0}(1,3;(-1^{6})) avec résidus (2,1,1,1,1,2)2.1.1112(2,1,1,-1,-1,-2) et leurs graphes duaux des différentielles stables associées.

4. Les différentielles sur les surfaces de genre supérieur

Dans cette section nous prouvons le théorème 1.1 qui énonce la surjectivité de l’application résiduelle de chaque composante connexe en genre g1𝑔1g\geq 1. Nous allons tout d’abord traiter le cas des différentielles sur les surfaces de Riemann de genre 111 dans la section 4.1. Le cas des strates de genre supérieur ou égal à 222 est donné dans la section 4.2.

4.1. Différentielles en genre 111

En genre un, Boissy à montré dans la section 4.2 de [Boi15] que les composantes connexes des strates sont caractérisées par le nombre de rotation rot(S)rot𝑆{\rm rot}(S) des surfaces de translations associées. Pour une surface de translation S𝑆S définie par une différentielle méromorphe de Ω1(a1,,an;b1,,bp)Ωsubscript1subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{1}(a_{1},\dots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p}) avec une base symplectique de lacets lisses de l’homologie (α,β)𝛼𝛽(\alpha,\beta) le nombre de rotation est

rot(S):=pgcd(a1,,an;b1,,bp,Ind(α),Ind(β)),assignrot𝑆pgcdsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝Ind𝛼Ind𝛽{\rm rot}(S):={\rm pgcd}(a_{1},\dots,a_{n};b_{1},\dots,b_{p},{\rm Ind}(\alpha),{\rm Ind}(\beta))\,,

Ind(α)Ind𝛼{\rm Ind}(\alpha) est l’indice de l’application de Gauss du lacet α𝛼\alpha. On a le résultat suivant dû à Boissy.

  • i)

    Si n=p=1𝑛𝑝1n=p=1, la strate est Ω1(a;a)Ωsubscript1𝑎𝑎{\Omega\mathcal{M}}_{1}(a;-a) avec a2𝑎2a\geq 2 et chaque composante connexe correspond à un nombre de rotation qui est un diviseur strict de a𝑎a.

  • ii)

    Sinon, il existe une composante connexe correspondant à chaque nombre de rotation qui est un diviseur de pgcd(a1,,an;b1,,bp)pgcdsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\rm pgcd}(a_{1},\dots,a_{n};b_{1},\dots,b_{p}).

Nous commençons par montrer la surjectivité de l’application résiduelle 1(s;(1s))subscript1𝑠superscript1𝑠\mathfrak{R}_{1}(s;(-1^{s})) avec s2𝑠2s\geq 2. Par le résultat précédent, ces strates sont connexes.

Lemme 4.1.

L’application résiduelle de la strate Ω1(s;(1s))Ωsubscript1𝑠superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{1}(s;(-1^{s})) est surjective pour s>1𝑠1s>1.

Démonstration.

Considérons la strate Ω1(s;(1s))Ωsubscript1𝑠superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{1}(s;(-1^{s})), avec s>1𝑠1s>1 et r:=(r1,,rs)assign𝑟subscript𝑟1subscript𝑟𝑠r:=(r_{1},\dots,r_{s}) un élément de l’espace résiduel 1(s;(1s))subscript1𝑠superscript1𝑠\mathcal{R}_{1}(s;(-1^{s})). Prenons un tore plat S1subscript𝑆1S_{1} tel que le lien selle le plus petit est strictement supérieur à |ri|subscript𝑟𝑖\sum|r_{i}|. Nous enlevons de S1subscript𝑆1S_{1} le polygone résiduel 𝔓(r)𝔓𝑟\mathfrak{P}(-r). Cette opération est réalisable par notre hypothèse sur la longueur des liens selles de S1subscript𝑆1S_{1}. Pour chacun des pôles Pisubscript𝑃𝑖P_{i}, nous prenons une partie polaire d’ordre 111 associée à risubscript𝑟𝑖r_{i}. Nous collons le bord de ces parties polaires au bord de S1𝔓(r)subscript𝑆1𝔓𝑟S_{1}\setminus\mathfrak{P}(r) par translation. La construction est représentée par le dessin de la figure 8. On vérifie sans problème que la surface ainsi obtenue est de genre 111 et possède une unique singularité conique.

111222333444111222333444
Figure 8. Une différentielle de Ω1(4;(14))Ωsubscript14superscript14{\Omega\mathcal{M}}_{1}(4;(-1^{4})) dont les résidus sont (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1).

Nous montrons maintenant la surjectivité de l’application résiduelle restreinte à chaque composante connexe de genre supérieur ou égal à un.

Preuve du théorème 1.1 en genre 111.

Nous fixons une strate Ω1(μ)Ωsubscript1𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{1}(\mu) de genre 111 avec la partition μ:=(a1,,an;b1,,bp;(1s))assign𝜇subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠\mu:=(a_{1},\dots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) et un élément r𝑟r de l’espace résiduel 1(μ)subscript1𝜇\mathcal{R}_{1}(\mu). Commençons par remarquer qu’il suffit de montrer le résultat pour les strates avec un unique zéro. En effet, la proposition 7.1 de [Boi15] implique que dans chaque composante connexe de strates avec n2𝑛2n\geq 2 zéros, il existe une différentielle obtenue en éclatant le zéro d’une différentielle avec un unique zéro. Le résultat se déduit car la proposition 2.4 montre que cette opération ne modifie pas les résidus aux pôles. Dans la suite nous supposerons que n=1𝑛1n=1.

Dans le cas où s0𝑠0s\neq 0, les strates sont connexes. Si p=0𝑝0p=0, la surjectivité de l’application résiduelle a été montrée dans le lemme 4.1. Dans le cas où p0𝑝0p\neq 0, alors le théorème 1.2 montre qu’il existe une différentielle dans Ω0(a2;b1,,bp;(1s))Ωsubscript0𝑎2subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{0}(a-2;-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) dont les résidus sont r𝑟r. On obtient une différentielle dans Ω1(μ)Ωsubscript1𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{1}(\mu) ayant pour résidus r𝑟r en cousant une anse à ces différentielles (voir la proposition 2.5).

À partir de maintenant, nous supposerons que s=0𝑠0s=0, i.e. que les strates paramètrent des différentielles dont les pôles sont d’ordres bi2subscript𝑏𝑖2b_{i}\geq 2. La proposition est trivialement vraie lorsqu’il y a un unique pôle. On supposera donc que p2𝑝2p\geq 2 dans la suite de la preuve. La proposition 6.1 de [Boi15] nous indique que chaque strate peut s’obtenir en cousant une anse à différentielles de genre 00. De plus, le théorème 1.2 indique qu’il existe des différentielles dans ces strates dont les résidus sont (r1,,rp)0(μ){(0,,0)}subscript𝑟1subscript𝑟𝑝subscript0𝜇0.0(r_{1},\dots,r_{p})\in\mathcal{R}_{0}(\mu)\setminus\left\{(0,\dots,0)\right\}. La couture d’anse à partir de ces strates permet d’obtenir une différentielle dans chaque composante connexe de Ω1(a;b1,,bp)Ωsubscript1𝑎subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{1}(a;-b_{1},\dots,-b_{p}) dont les résidus sont (r1,,rp)(0,,0)subscript𝑟1subscript𝑟𝑝0.0(r_{1},\dots,r_{p})\neq(0,\dots,0). Il reste donc à construire dans chaque composante connexe des strates Ω1(a;b1,,bp)Ωsubscript1𝑎subscript𝑏1subscript𝑏𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{1}(a;-b_{1},\dots,-b_{p}) une différentielle dont tous les résidus sont nuls.

Dans ce cas, nous considérons la construction suivante. Pour tous les pôles, nous prenons une partie polaire de type bisubscript𝑏𝑖b_{i} associée aux vecteurs (1;1)11(1;1). On colle le bord supérieur de Pisubscript𝑃𝑖P_{i} au bord inférieur de Pi+1subscript𝑃𝑖1P_{i+1}. Il reste deux liens selles homologues que l’on relie par un cylindre. La surface obtenue possède les invariants locaux souhaités.

111222a𝑎ac𝑐cβ𝛽\beta222111111222a𝑎ac𝑐cβ𝛽\beta222111333444c𝑐cb𝑏b444333444333c𝑐cb𝑏b333444b𝑏ba𝑎a555555α𝛼\alphab𝑏ba𝑎a555555α𝛼\alpha
Figure 9. Une différentielle de la strate Ω1(6;3,3)Ωsubscript1633{\Omega\mathcal{M}}_{1}(6;-3,-3) dont les résidus sont (0,0)0.0(0,0) et de nombre de rotation 111 à gauche et 333 à droite.

Une base de l’homologie est donnée par une géodésique périodique α𝛼\alpha du cylindre (donc d’indice zéro) et le lacet β𝛽\beta suivant. Il coupe α𝛼\alpha dans le cylindre puis le lien selle au bord du domaine polaire Ppsubscript𝑃𝑝P_{p}, puis tourne à gauche avant de ressortir de ce domaine polaire en coupant l’autre lien selle et ainsi de suite. Le cas de la strate Ω1(6;3,3)Ωsubscript1633{\Omega\mathcal{M}}_{1}(6;-3,-3) est illustré dans la figure 9. Remarquons que changer le type τ𝜏\tau d’une partie polaire change d’autant l’indice de β𝛽\beta. On peut donc obtenir pour β𝛽\beta tous les indices dans J=[p,p+i=1pbi]𝐽𝑝𝑝superscriptsubscript𝑖1𝑝subscript𝑏𝑖J=\left[p,-p+\sum_{i=1}^{p}b_{i}\right]. À moins que la totalité des pôles ne soient d’ordre 22-2, on obtient ainsi toutes les composantes connexes de la strate. En effet, si μ=(a;3,2,,2)𝜇𝑎322\mu=(a;-3,-2,\dots,-2), alors la strate est connexe. Il suffit donc de montrer que la longueur de l’intervalle J𝐽J est supérieur ou égale à minibisubscript𝑖subscript𝑏𝑖\min_{i}b_{i}, si (b1,,bp)(2,,2)subscript𝑏1subscript𝑏𝑝2.2(b_{1},\dots,b_{p})\neq(2,\dots,2) et (b1,,bp)(3,2,,2)subscript𝑏1subscript𝑏𝑝3.2.2(b_{1},\dots,b_{p})\neq(3,2,\dots,2). Cette inégalité est clairement satisfaite en dehors du cas p=2𝑝2p=2 et b1=b2=3subscript𝑏1subscript𝑏23b_{1}=b_{2}=3 (cas déjà considéré plus haut).

Dans une strate minimale avec uniquement des pôles d’ordre 22-2, il y a exactement deux composantes connexes. La construction qui précède ne permet d’obtenir que la composante dont le nombre de rotation a la même parité que p𝑝p. On propose alors une deuxième construction. On prend p1𝑝1p-1 parties polaires et on les colle comme précédemment. La dernière partie polaire est associée aux vecteurs (i,1;1,i)𝑖.11𝑖(i,1;1,i). On identifie les vecteurs i𝑖i entre eux et les deux autres bords comme précédemment. Cette construction est illustrée dans la figure 10 dans le cas de la strate Ω1(4;2,2)Ωsubscript1422{\Omega\mathcal{M}}_{1}(4;-2,-2). Le lacet β𝛽\beta est défini comme précédemment et a pour indice p𝑝p. Le lacet α𝛼\alpha connecte le milieu de des segments v𝑣v sans sortir du domaine polaire de Ppsubscript𝑃𝑝P_{p}. Son indice est donc 111. On construit une différentielle avec n’importe quels résidus dans la composante connexe dont le nombre de rotation est 111.

222333111111β𝛽\betaα𝛼\alpha222333
Figure 10. Une différentielle de Ω1(4;2,2)Ωsubscript1422{\Omega\mathcal{M}}_{1}(4;-2,-2) avec résidus (0,0)0.0(0,0) dont le nombre de rotation est 111.

Il reste le cas des composantes connexes de Ω1(2p;(2p))Ωsubscript12𝑝superscript2𝑝{\Omega\mathcal{M}}_{1}(2p;(-2^{p})) avec p𝑝p impair pour lesquelles le nombre de rotation est 222. On reprend la construction précédente pour les p2𝑝2p-2 premiers pôles. On associe au pôle Pp1subscript𝑃𝑝1P_{p-1} partie polaire est associée aux vecteurs (i,1;1,i)𝑖.11𝑖(i,1;1,i). On associe à Ppsubscript𝑃𝑝P_{p} la partie polaire associée à (i;i)𝑖𝑖(i;i). On identifie les bords comme précédemment. Cette construction est illustrée dans la figure 11 dans le cas de la strate Ω1(6;2,2,2)Ωsubscript16222{\Omega\mathcal{M}}_{1}(6;-2,-2,-2) Ainsi, les lacets analogues à ceux de la construction précédente auront pour indices respectifs p1𝑝1p-1 et 222. Le nombre de rotation de la surface est donc 222.

222333b𝑏ba𝑎aβ𝛽\betaα𝛼\alpha222333b𝑏ba𝑎a
Figure 11. Une différentielle de Ω1(6;2,2,2)Ωsubscript16222{\Omega\mathcal{M}}_{1}(6;-2,-2,-2) avec résidus (0,0,0)0.0.0(0,0,0) dont le nombre de rotation est 222.

4.2. Différentielles en genre supérieur ou égal à 222

Les composantes connexes des strates ont été classifiées par Boissy dans le théorème 1.2 de [Boi15]. La preuve du théorème 1.1 dans le cas g2𝑔2g\geq 2 n’utilise pas la description des composantes connexes mais repose sur le fait que chaque composante connexe peut s’obtenir via les opérations de couture d’anse et éclatement d’un zéro.

Preuve du théorème 1.1 en genre g2𝑔2g\geq 2.

Commençons par le cas des strates avec un unique zéro. Plus précisément, fixons une partition μ:=(a;b1,,bp;(1s))assign𝜇𝑎subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠\mu:=(a;-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) de 2g22𝑔22g-2 avec g2𝑔2g\geq 2 et un uplet r𝑟r dans l’espace résiduel g(μ)subscript𝑔𝜇\mathcal{R}_{g}(\mu). Par le résultat de la section 4.1, chaque composante connexe de la strate Ω1(a2g;b1,,bp;(1s))Ωsubscript1𝑎2𝑔subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{1}(a-2g;-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) contient une différentielle ω𝜔\omega dont les résidus sont r𝑟r. De plus, la proposition 6.1 de [Boi15] montre que chaque composante connexe d’une strate de genre g2𝑔2g\geq 2 peut être obtenue par l’ajout d’une anse à un zéro d’une différentielle de genre g1𝑔1g-1. La proposition 2.5 montre que la couture d’anse ne modifie pas les résidus. On obtient donc une différentielle dans la strate Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu) dont les résidus sont r𝑟r en cousant successivement g1𝑔1g-1 anses à l’unique zéro de ω𝜔\omega.

Nous considérons maintenant le cas des strates avec n2𝑛2n\geq 2 zéros. Fixons une partition quelconque μ:=(a1,,an;b1,,bp;(1s))assign𝜇subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠\mu:=(a_{1},\ldots,a_{n};-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) de 2g22𝑔22g-2 avec g2𝑔2g\geq 2. La proposition 7.1 de [Boi15] implique que l’éclatement du zéro de différentielles Ωg(ai;b1,,bp;(1s))Ωsubscript𝑔subscript𝑎𝑖subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\sum a_{i};-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) permet d’obtenir une différentielle dans chaque composante connexe de Ωg(μ)Ωsubscript𝑔𝜇{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\mu). La proposition 2.4 montre que cette opération ne modifie pas les résidus aux pôles. La surjectivité de la restriction de l’application résiduelle g(μ)subscript𝑔𝜇\mathfrak{R}_{g}(\mu) à chaque composante connexe est donc induite par la surjectivité de l’application résiduelle sur chaque composantes connexes de la strate Ωg(ai;b1,,bp;(1s))Ωsubscript𝑔subscript𝑎𝑖subscript𝑏1subscript𝑏𝑝superscript1𝑠{\Omega\mathcal{M}}_{g}(\sum a_{i};-b_{1},\dots,-b_{p};(-1^{s})) que nous avons montré au paragraphe précédent. ∎

5. Applications

Cette section est dédiée à la preuve des applications énoncées dans la section 1.2. La section 5.1 donne la preuve de la proposition 1.3 sur les points de Weierstraß et la section 5.2 la preuve de la proposition 1.4 sur les cylindres dans les surfaces de translation.

5.1. Limites des points de Weierstraß

L’étude des limites des points de Weierstraß dans la compactification de Deligne-Mumford a pris une grande ampleur grâce aux travaux d’Eisenbud et Harris sur les séries linéaires limites (voir e.g. [EH87]). L’une des limites de leur méthode est de se restreindre aux courbes de type compact. Esteves et Medeiros l’ont étendue aux courbes ayant deux composantes dans [EM02]. Nos résultats et la description de la compactification de la variété d’incidence de [Bai+18] permettent en théorie une description complète des limites de points de Weierstraß dans ¯g,1subscript¯𝑔.1{\overline{\mathcal{M}}}_{g,1}. Nous illustrons cela dans les cas de la proposition 1.3.

Nous montrons tout d’abord que l’adhérence du lieu de Weierstraß ne rencontre pas celui des courbes stables X𝑋Xg𝑔g courbes elliptiques sont attachées à un 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} contenant le point marqué (voir le théorème 3.1 de [EH87]). Ces courbes sont représentées à gauche de la figure 12.

z𝑧zX1subscript𝑋1X_{1}Xgsubscript𝑋𝑔X_{g}1superscript1{\mathbb{P}}^{1}X2subscript𝑋2X_{2}\dotsz𝑧zX0subscript𝑋0X_{0}Xg2subscript𝑋𝑔2X_{g-2}1superscript1{\mathbb{P}}^{1}X1subscript𝑋1X_{1}\dots
Figure 12. Les courbes pointées considérées dans la proposition 1.3. Les courbes Xisubscript𝑋𝑖X_{i} sont de genre 111.

Par [Bai+18, Section 3.6], l’adhérence du lieu de Weierstraß dans ¯g,1subscript¯𝑔.1{\overline{\mathcal{M}}}_{g,1} coïncide avec la projection de la compactification de la variété d’incidence de Ωg(g,1,,1)Ωsubscript𝑔𝑔.1.1{\Omega\mathcal{M}}_{g}(g,1,\dots,1). D’après le théorème 1.3 de l’article loc. cit., il suffit de montrer qu’il n’existe pas de différentielle entrelacée lissable sur une courbe semi-stablement équivalente à X𝑋X.

Soit ξ𝜉\xi une différentielle entrelacée sur (une courbe semi-stablement équivalente à) X𝑋X. La restriction ξ0subscript𝜉0\xi_{0} de ξ𝜉\xi à 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} possède un zéro d’ordre supérieur ou égal à g𝑔g. De plus, ξ0subscript𝜉0\xi_{0} possède une singularité d’ordre supérieur ou égal à 22-2 (et distinct de 11-1) aux points nodaux de 1superscript1{\mathbb{P}}^{1}. Notons bisubscript𝑏𝑖-b_{i} l’ordre des pôles aux points nodaux. Comme la différentielle ξ0subscript𝜉0\xi_{0} possède au plus g𝑔g pôles et que ceux-ci sont d’ordre 22-2, on obtient l’inégalité (bi1)gsubscript𝑏𝑖1𝑔\sum(b_{i}-1)\leq g. Donc la différentielle ξ0subscript𝜉0\xi_{0} sur 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} vérifie l’inégalité (1.3). Le théorème 1.2 implique qu’au moins deux pôles possèdent des résidus non nuls. La condition résiduelle globale de la définition 1.2 de [Bai+18] n’est donc pas satisfaite et ξ𝜉\xi n’est pas lissable.

Maintenant, nous montrons que l’adhérence du lieu de Weierstraß coupe le lieu de ¯g,1subscript¯𝑔.1{\overline{\mathcal{M}}}_{g,1} donné de la façon suivante. Ces courbes sont formées d’un 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} contenant le point marqué attaché à g2𝑔2g-2 courbes elliptiques X1,,Xg2subscript𝑋1subscript𝑋𝑔2X_{1},\dots,X_{g-2} par un unique point et à une courbe elliptique X0subscript𝑋0X_{0} par deux points. Elles sont représentées à droite de la figure 12.

Il suffit construire une différentielle entrelacée lissable de type (g,(1g2))𝑔superscript1𝑔2(g,(1^{g-2})) sur une de ces courbes. Sur toutes les courbes elliptiques, on prend la différentielle holomorphe. Sur la courbe projective, on prend une différentielle dans Ω0(g,(1g2);(2g))Ωsubscript0𝑔superscript1𝑔2superscript2𝑔{\Omega\mathcal{M}}_{0}(g,(1^{g-2});(-2^{g})) avec g2𝑔2g-2 résidus nuls. Une telle différentielle existe par le théorème 1.2. On colle alors la courbe elliptique X0subscript𝑋0X_{0} aux deux pôles dont les résidus ne sont pas nuls. Les autres courbes elliptiques sont collées aux pôles dont les résidus sont nuls. Le théorème 1.3 de [Bai+18] implique que cette différentielle entrelacée est lissable.

5.2. Cylindres dans une surface plate

Un cylindre dans une surface de translation est un cylindre composé de géodésiques fermées parallèles et dont le bord est formé de connexions de selles. Naveh a montré dans [Nav08] que le nombre maximal de cylindres disjoints dans une surface de la strate S:=Ωg(a1,,an)assign𝑆Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛S:={\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n}) est g+n1𝑔𝑛1g+n-1.

Nous décrivons les périodes possibles des circonférences de ces cylindres, prouvant la proposition 1.4. On fixe (λ1,,λt)(/{±1})tsubscript𝜆1subscript𝜆𝑡superscriptsuperscriptplus-or-minus1𝑡(\lambda_{1},\dots,\lambda_{t})\in(\mathbb{C}^{\ast}/\{\pm 1\})^{t} pour le reste de cette section.

Supposons qu’il existe une différentielle ω𝜔\omega de S𝑆S qui possède une famille de t𝑡t cylindres disjoints de circonférences respectives λ1,,λtsubscript𝜆1subscript𝜆𝑡\lambda_{1},\dots,\lambda_{t}. Nous montrons l’existence d’une différentielle stable dont les zéros sont d’ordres (a1,,an)subscript𝑎1subscript𝑎𝑛(a_{1},\dots,a_{n}) avec des pôles simples aux nœuds dont les résidus sont ±λiplus-or-minussubscript𝜆𝑖\pm\lambda_{i}. Coupons ω𝜔\omega le long d’une d’une géodésique périodique dans chaque cylindre. Nous pouvons alors remplacer les deux demi-cylindres obtenus par deux demi-cylindres infinis de même circonférence. On obtient donc une différentielle entrelacée avec des pôles simples aux nœuds. De plus, les résidus de ces pôles sont égaux à plus ou moins la circonférence des cylindres. On en déduit le sens direct de la proposition 1.4.

La direction réciproque est une application directe du lissage des nœuds des différentielles stables avec pôles simples aux nœuds (voir le lemme 2.2).

Ce résultat permet de comprendre parfaitement les circonférences des cylindres sur une surface de translation pour t<g𝑡𝑔t<g et dans le cas minimal pour t=g𝑡𝑔t=g.

Corollaire 5.1.

Tous les t𝑡t-uplets de 𝐂/{±1}superscript𝐂plus-or-minus1\mathbf{C}^{\ast}/\{\pm 1\} avec t<g𝑡𝑔t<g sont réalisables comme périodes des circonférences de cylindres disjoints d’une différentielle de Ωg(a1,,an)Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛{\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n}).

Un g𝑔g-uplet de 𝐂/{±1}superscript𝐂plus-or-minus1\mathbf{C}^{\ast}/\{\pm 1\} est constitué des périodes des circonférences de cylindres disjoints d’une différentielle de Ωg(2g2)Ωsubscript𝑔2𝑔2{\Omega\mathcal{M}}_{g}(2g-2) si et seulement si il n’est pas de la forme c(λ1,,λg)𝑐subscript𝜆1subscript𝜆𝑔c\cdot(\lambda_{1},\dots,\lambda_{g}) avec c𝑐c dans 𝐂superscript𝐂\mathbf{C}^{\ast} et (λ1,,λg)𝐍subscript𝜆1subscript𝜆𝑔𝐍(\lambda_{1},\dots,\lambda_{g})\in\mathbf{N} tel que i=1gλi2g2superscriptsubscript𝑖1𝑔subscript𝜆𝑖2𝑔2\sum_{i=1}^{g}\lambda_{i}\leq 2g-2.

Avant de passer à la preuve de ce résultat nous faisons une remarque sur le cas t=g𝑡𝑔t=g avec n2𝑛2n\geq 2 zéros.

Remarque 5.2.

On considère une strate Ωg(a1,,an)Ωsubscript𝑔subscript𝑎1subscript𝑎𝑛{\Omega\mathcal{M}}_{g}(a_{1},\dots,a_{n}). En général, il peut exister une différentielle qui possède des cylindres disjoints de circonférences (λ1,,λg)𝐍subscript𝜆1subscript𝜆𝑔𝐍(\lambda_{1},\dots,\lambda_{g})\in\mathbf{N} avec i=1gλimax(a1,,an)superscriptsubscript𝑖1𝑔subscript𝜆𝑖subscript𝑎1subscript𝑎𝑛\sum_{i=1}^{g}\lambda_{i}\leq\max(a_{1},\dots,a_{n}). Par exemple, il existe une différentielle avec des cylindres disjoints de circonférences (1,1,1,1)1.1.1.1(1,1,1,1) dans la strate Ω4(4,1,1)Ωsubscript44.1.1{\Omega\mathcal{M}}_{4}(4,1,1). Une telle différentielle peut être obtenue en lissant la différentielle stable suivante. Elle est formée à partir de deux différentielles. La première est une différentielle de la strate Ω0(1,1;1,1,1,1)Ωsubscript01.11111{\Omega\mathcal{M}}_{0}(1,1;-1,-1,-1,-1) dont les résidus sont égaux à (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1). La seconde est une différentielle de Ω1(4;1,1,1,1)Ωsubscript141111{\Omega\mathcal{M}}_{1}(4;-1,-1,-1,-1) dont les résidus sont (1,1,1,1)1.111(1,1,-1,-1). Pour chaque différentielle, on colle deux pôles simples de résidus opposés entre eux. Puis on colle les deux pôles simples restant d’une différentielle aux deux pôles simples restant de l’autre différentielle.

Démonstration.

Si t<g𝑡𝑔t<g, il existe une différentielle stable sur une courbe stable irréductible qui satisfait les hypothèses de la proposition 1.4. En effet, le théorème 1.1 donne une différentielle ω𝜔\omega dans la strate Ωgt(a1,,an;(12t))Ωsubscript𝑔𝑡subscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript12𝑡{\Omega\mathcal{M}}_{g-t}(a_{1},\dots,a_{n};(-1^{2t})) dont les résidus sont ±λiplus-or-minussubscript𝜆𝑖\pm\lambda_{i}. On forme la différentielle stable de la proposition 1.4 en collant deux pôles simples dont les résidus sont opposés.

On considère maintenant le cas où t=g𝑡𝑔t=g et dans la strate Ωg(2g2)Ωsubscript𝑔2𝑔2{\Omega\mathcal{M}}_{g}(2g-2). Supposons que le g𝑔g-uplet n’est pas de la forme c(λ1,,λg)𝑐subscript𝜆1subscript𝜆𝑔c\cdot(\lambda_{1},\dots,\lambda_{g}) avec c𝑐c dans 𝐂superscript𝐂\mathbf{C}^{\ast} et (λ1,,λg)𝐙subscript𝜆1subscript𝜆𝑔𝐙(\lambda_{1},\dots,\lambda_{g})\in\mathbf{Z} tel que i=1gλi2g2superscriptsubscript𝑖1𝑔subscript𝜆𝑖2𝑔2\sum_{i=1}^{g}\lambda_{i}\leq 2g-2. Le point ii) du théorème 1.2 donne l’existence d’une différentielle dans Ω0(2g2;(12g))Ωsubscript02𝑔2superscript12𝑔{\Omega\mathcal{M}}_{0}(2g-2;(-1^{2g})) dont les résidus sont ±λiplus-or-minussubscript𝜆𝑖\pm\lambda_{i}. On forme la différentielle stable de la proposition 1.4 en collant deux pôles simples dont les résidus sont opposés. Réciproquement, supposons que le g𝑔g-uplet n’est pas de la forme donné par le corollaire 5.1. Notons tout d’abord que toutes les différentielles stables de la proposition 1.4 sont irréductibles dans ce cas. En effet, chaque composante contient au moins un zéro de la différentielle. En normalisant la courbe stable sous jacente on obtient une différentielle de Ω0(2g2;(12g))Ωsubscript02𝑔2superscript12𝑔{\Omega\mathcal{M}}_{0}(2g-2;(-1^{2g})) dont les résidus sont ±λiplus-or-minussubscript𝜆𝑖\pm\lambda_{i}. Cela contredit le point ii) du théorème 1.2. ∎

Pour terminer, nous montrons la proposition 1.5 qui affirme l’existence une différentielle avec g+n1𝑔𝑛1g+n-1 cylindres disjoints dans chaque composante connexe des strates de différentielles holomorphes. La classification des composantes connexes est donnée dans les théorèmes 1 et 2 de [KZ03]. Nous rappelons simplement ici que les composantes connexes sont classifiées par hyperellipticité et parité de la structure spin.

La preuve de la proposition 1.5 suit le schéma suivant. Dans le cas des strates minimales, i.e. avec n=1𝑛1n=1, nous construisons une différentielle stable sur une courbe algébrique irréductible de genre géométrique 00 avec g𝑔g nœuds dont le lissage par le lemme 2.2 donne une différentielle dans la composante souhaitée. Chaque nœud correspond à un cylindre sur la différentielle lissée. De cette manière, on obtient la borne souhaitée dans toutes les composantes de la strate minimale. Les strates non minimales se traitent en dégénérant les différentielles stables du cas minimal, puis en lissant ces différentielles.

Commençons par la strate Ω3(4)Ωsubscript34{\Omega\mathcal{M}}_{3}(4) qui possède deux composantes: l’une hyperelliptique et l’autre impaire. Considérons trois nombres réels strictement positifs r1,r2,r3subscript𝑟1subscript𝑟2subscript𝑟3r_{1},r_{2},r_{3} non commensurables entre eux et les parties polaires d’ordre 111 associées à (±ri;)plus-or-minussubscript𝑟𝑖(\pm r_{i};\emptyset). Collons successivement sur un segment les cylindres associés à risubscript𝑟𝑖r_{i} avec i𝑖i croissant. Sur la partie inférieure du segment, on colle successivement les cylindres associés à r3subscript𝑟3-r_{3}, r2subscript𝑟2-r_{2} et r1subscript𝑟1-r_{1} dans le cas hyperelliptique et r2subscript𝑟2-r_{2}, r3subscript𝑟3-r_{3} et r1subscript𝑟1-r_{1} dans le cas impair. Les différentielles possédant les propriétés souhaitées sont obtenues en lissant les différentielles stables construites en collant les points à l’infini des cylindres de même circonférence.

Dans le cas g4𝑔4g\geq 4 nous construisons une différentielle qui contient g𝑔g cylindres dans chacune des trois composantes de Ωg(2g2)Ωsubscript𝑔2𝑔2{\Omega\mathcal{M}}_{g}(2g-2). Dans la suite, nous décrirons uniquement les normalisations des différentielles stables dont le lissage possède ces propriétés. Considérons g𝑔g nombres réels strictement positifs risubscript𝑟𝑖r_{i} non commensurables entre eux. Prenons les 2g2𝑔2g parties polaires d’ordre 111 associées respectivement à (±ri;)plus-or-minussubscript𝑟𝑖(\pm r_{i};\emptyset). On colle successivement sur un segment les g𝑔g cylindres positifs associés à risubscript𝑟𝑖r_{i} avec i𝑖i croissant. Sur la partie inférieure de ce segment on colle successivement les cylindres associés à risubscript𝑟𝑖-r_{i} avec i𝑖i décroissant dans le cas hyperelliptique. Pour les composantes de parité, nous collons les cylindres associés à risubscript𝑟𝑖-r_{i} dans les ordres g,1,2,,g1𝑔.1.2𝑔1g,1,2,\dots,g-1 et g,1,2,,g3,g1,g2𝑔.1.2𝑔3𝑔1𝑔2g,1,2,\dots,g-3,g-1,g-2. Ces deux constructions sont illustrées dans la figure 13.

111222333444111222333444111222333444111333222444
Figure 13. Différentielles stables dans le bord des composantes impaires et paires de la composante Ω4(6)Ωsubscript46{\Omega\mathcal{M}}_{4}(6).

Les deux différentielles ainsi formées sont clairement non hyperelliptiques. Il reste donc à vérifier qu’elles sont de parités distinctes. Nous décrivons des lacets qui forment une base symplectique de l’homologie sur la différentielle lissée. Les g𝑔g premiers lacets αisubscript𝛼𝑖\alpha_{i} sont donnés par une géodésique périodique dans chaque cylindre associé à risubscript𝑟𝑖r_{i}. Les g𝑔g autres lacets βisubscript𝛽𝑖\beta_{i} sont des courbes qui vont du cylindre de résidu risubscript𝑟𝑖-r_{i} à celui de résidu risubscript𝑟𝑖r_{i} en intersectant uniquement αisubscript𝛼𝑖\alpha_{i}. Un choix possible pour les βisubscript𝛽𝑖\beta_{i} est représenté sur la figure 13. Les indices des αisubscript𝛼𝑖\alpha_{i} sont nuls. De plus, dans la première différentielle, on peut choisir pour i{1,,g1}𝑖1𝑔1i\in\{1,\dots,g-1\} les βisubscript𝛽𝑖\beta_{i} tels qu’ils n’intersectent pas les demi-droites verticales représentées sur la figure 13. Dans la seconde différentielle, c’est possible pour i{1,,g3,g1}𝑖1𝑔3𝑔1i\in\{1,\dots,g-3,g-1\}. Tous ces lacets sont d’indice nul. Dans les deux différentielles, pour joindre les cylindres d’indice g𝑔g, on peut choisir un lacet d’indice g1𝑔1g-1 comme représenté sur la figure 13. Enfin dans la seconde différentielle, on peut choisir βg2subscript𝛽𝑔2\beta_{g-2} d’indice 111 comme représenté sur la figure 13. Donc les indices des courbes de ces deux familles diffèrent uniquement pour le lacet βg2subscript𝛽𝑔2\beta_{g-2}. L’équation (4) de [KZ03] de la parité d’une différentielle en fonction des indices des courbes d’une base symplectique implique que ces deux différentielles sont de parités distinctes.

Enfin nous montrons qu’il existe une différentielle qui possède g+n1𝑔𝑛1g+n-1 cylindres dans chaque composante connexe des strates avec n2𝑛2n\geq 2 zéros. Pour cela, nous dégénérons les différentielles stables du cas minimal de la façon suivante. Soit a1subscript𝑎1a_{1} un zéro d’ordre inférieur ou égal à g1𝑔1g-1 et maximal pour cette propriété. Nous choisissons sur les différentielles précédentes a1+1subscript𝑎11a_{1}+1 pôles consécutifs dont les résidus sont de même signe. Puis nous ajoutons un cylindre vertical fini entre ces cylindres et les autres cylindres de la différentielle. Enfin nous faisons tendre la hauteur de ce cylindre vers l’infini. Les graphes duaux de différentielles stables obtenues de manière similaire sont présentées dans la figure 7. On considère maintenant le zéro d’ordre a2a1subscript𝑎2subscript𝑎1a_{2}\leq a_{1} et maximal pour cette propriété. On fait la même construction sur la composante irréductible de la différentielle stable qui contient le zéro d’ordre 2g2a12𝑔2subscript𝑎12g-2-a_{1}. En effet, cette composante possède au moins 2g2a12a22𝑔2subscript𝑎12subscript𝑎2\tfrac{2g-2-a_{1}}{2}\geq a_{2} pôles dont les résidus sont de même signes. En itérant cette construction on obtient une différentielle stable au bord de chaque composante connexe. De plus, elle préserve la parité (et l’hyperellipticité dans le cas Ωg(g1,g1)Ωsubscript𝑔𝑔1𝑔1{\Omega\mathcal{M}}_{g}(g-1,g-1)) des différentielles stables. Comme cette opération ajoute un cylindre pour chaque zéro, la différentielle obtenue en lissant ces différentielles stables possède g+n1𝑔𝑛1g+n-1 cylindres et appartient à la composante souhaitée.

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  • Duke University Press

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    • European Mathematical Society (EMS) Publishing House, Zurich

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      • European Mathematical Society (EMS) Publishing House, Zurich

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        • Springer, Berlin/Heidelberg

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          • Scuola Normale Superiore, Pisa

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            • Springer, Berlin/Heidelberg

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              • École Normale Supérieure de Rennes

                1

                • European Mathematical Society (EMS) Publishing House, Zurich

                  1

                  • European Mathematical Society

                    1

                    • Springer-Verlag

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                      • Birkhäuser

                        1

                        • ENS Éditions, Lyon

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                          • Springer Netherlands

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                            • [EM02] Eduardo Esteves and Nivaldo Medeiros “Limit canonical systems on curves with two components.” In Invent. Math. 149.2, 2002, pp. 267–338 DOI: 10.1007/s002220200211
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