Autour d’un problème extrémal étudié par Edmund Landau

Michel Balazard

Abstract

This expository article is an introduction to Landau’s problem of bounding the derivative, knowing bounds for the function and its second derivative, and some of its variants and generalizations. Connexions with convex and functional analysis, numerical integration, and approximation theory are emphasized. Among others, we describe the set of extreme points of the relevant set of functions.

Keywords

Extremal problems, Landau inequality, Kolmogorov inequality, extreme points, Peano kernel, Euler splines.
MSC classification : 41A17

1 Introduction

Soit I𝐼I un intervalle de la droite réelle {\mathbb{R}}, et n𝑛n un nombre entier supérieur ou égal à 222. Nous allons considérer des fonctions f:I:𝑓𝐼f:I\rightarrow{\mathbb{R}} vérifiant les propriétés suivantes,

(i)𝑖(i) f𝑓f est (n1)𝑛1(n-1) fois dérivable sur I𝐼I ;

(ii)𝑖𝑖(ii) la dérivée f(n1)superscript𝑓𝑛1f^{(n-1)} est absolument continue sur tout segment inclus dans I𝐼I.

Dans (i)𝑖(i) la dérivabilité est à comprendre à droite (resp. à gauche) en la borne inférieure (resp. supérieure) de I𝐼I, si celle-ci appartient à I𝐼I. L’hypothèse (ii)𝑖𝑖(ii) d’absolue continuité de f(n1)superscript𝑓𝑛1f^{(n-1)} entraîne l’existence de f(n)(x)superscript𝑓𝑛𝑥f^{(n)}(x) pour presque tout xI𝑥𝐼x\in I. L’ensemble des fonctions f𝑓f vérifiant (i)𝑖(i) et (ii)𝑖𝑖(ii) est un espace vectoriel réel que nous noterons Vn(I)subscript𝑉𝑛𝐼V_{n}(I). Observons que Vn(I)Vm(I)subscript𝑉𝑛𝐼subscript𝑉𝑚𝐼V_{n}(I)\subset V_{m}(I) si 2mn2𝑚𝑛2\leqslant m\leqslant n.

Si a𝑎a et b𝑏b sont deux nombres réels positifs, soit n(a,b;I)subscript𝑛𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I) l’ensemble des fonctions fVn(I)𝑓subscript𝑉𝑛𝐼f\in V_{n}(I) vérifiant, outre (i)𝑖(i) et (ii)𝑖𝑖(ii), les inégalités suivantes,

(iii)𝑖𝑖𝑖(iii) on a |f(t)|a𝑓𝑡𝑎\lvert f(t)\rvert\leqslant a pour tout tI𝑡𝐼t\in I ;

(iv)𝑖𝑣(iv) on a |f(n)(t)|bsuperscript𝑓𝑛𝑡𝑏\lvert f^{(n)}(t)\rvert\leqslant b pour presque tout tI𝑡𝐼t\in I.

La conjonction de (ii)𝑖𝑖(ii) et (iv)𝑖𝑣(iv) est équivalente à l’hypothèse que f(n1)superscript𝑓𝑛1f^{(n-1)} est lipschitzienne de rapport b𝑏b :

|f(n1)(t1)f(n1)(t2)|b|t1t2|(t1,t2I).superscript𝑓𝑛1subscript𝑡1superscript𝑓𝑛1subscript𝑡2𝑏subscript𝑡1subscript𝑡2subscript𝑡1subscript𝑡2𝐼\lvert f^{(n-1)}(t_{1})-f^{(n-1)}(t_{2})\rvert\leqslant b\lvert t_{1}-t_{2}\rvert\quad(t_{1},t_{2}\in I).

À la suite de Schoenberg (cf. [38], §5, p. 131), Chui et Smith ont signalé dans [10] l’interprétation cinématique de cette définition pour le cas n=2𝑛2n=2 : les fonctions f𝑓f de 2(a,b;I)subscript2𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,I) sont les lois des mouvements de particules contraintes à rester dans l’intervalle [a,a]𝑎𝑎[-a,a] de la droite, pendant l’intervalle de temps I𝐼I, et dont l’accélération est majorée par b𝑏b en valeur absolue. J’emploierai parfois ce langage.

Dans son article [27] de 1914, Landau a posé, et essentiellement résolu, le problème de déterminer quelle vitesse instantanée maximale une telle particule peut atteindre. La solution complète est explicitée dans l’article de Chui et Smith mentionné ci-dessus.

Ce travail de Landau, motivé par des considérations de théorie taubérienne, alors en plein développement (cf. [19], II, p. 416-428), a ensuite suscité une intense activité dans l’étude des majorations des dérivées d’ordres intermédiaires f(k)superscript𝑓𝑘f^{(k)}, 0<k<n0𝑘𝑛0<k<n, lorsque fn(a,b;I)𝑓subscript𝑛𝑎𝑏𝐼f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I). Appelons problème de Landau la question de déterminer les bornes supérieures

supfn(a,b;I)suptI|f(k)(t)|(0<k<n),subscriptsupremum𝑓subscript𝑛𝑎𝑏𝐼subscriptsupremum𝑡𝐼superscript𝑓𝑘𝑡0𝑘𝑛\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I)}\;\sup_{t\in I}\,\lvert f^{(k)}(t)\rvert\quad(0<k<n), (1)

et, le cas échéant, de préciser les fonctions f𝑓f extrémales.

Le résultat central de la théorie est la solution complète de ce problème en 1939 par Kolmogorov (cf. [24], pp. 277-290), dans le cas où I=𝐼I={\mathbb{R}}.

Le présent article est une introduction à cette théorie. J’ai choisi de centrer l’exposé sur le cas n=2𝑛2n=2, qui correspond au problème initial de Landau et permet de présenter les idées, également pertinentes pour le cas général, sous leur forme la plus accessible, notamment lorsqu’il s’agira de variantes «  ponctuelles  » et «  en moyenne  » du problème de Landau. Cela étant, je décrirai pour n𝑛n quelconque certaines propriétés géométriques et topologiques de l’ensemble n(a,b;I)subscript𝑛𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I), et présenterai, le plus souvent sans démonstrations, les principaux résultats connus dans ce cas général.

Par ailleurs, je n’aborde pas systématiquement la question, parfois délicate, de décrire toutes les fonctions extrémales, solutions des divers problèmes extrémaux abordés.

Voici le plan de cet article. Au §2, l’invariance du problème de Landau par translation et dilatation est utilisée pour réduire son étude à trois cas particuliers. Nous portons notamment notre attention sur l’ensemble

n(T)=n(1,1;[0,T]),subscript𝑛𝑇subscript𝑛1.10𝑇{\mathcal{L}}_{n}(T)={\mathcal{L}}_{n}(1,1;\,[0,T]),

T>0𝑇0T>0. Le §3 concerne la propriété géométrique fondamentale de l’ensemble n(T)subscript𝑛𝑇{\mathcal{L}}_{n}(T), sa convexité, et contient une description de ses points extrêmes. Le §4 présente succinctement la notion de noyau de Peano ; dans le contexte du problème de Landau, elle permet de représenter les valeurs des dérivées intermédiaires f(k)superscript𝑓𝑘f^{(k)} comme fonctions linéaires explicites de f𝑓f et f(n)superscript𝑓𝑛f^{(n)}. On en déduit une première majoration de |f(k)|superscript𝑓𝑘\left\lvert f^{(k)}\right\rvert, si fn(T)𝑓subscript𝑛𝑇f\in{\mathcal{L}}_{n}(T). Au §5, la compacité de n(T)subscript𝑛𝑇{\mathcal{L}}_{n}(T) pour la topologie de la convergence uniforme des fonctions et de leurs dérivées d’ordre <nabsent𝑛<n permet d’appliquer le théorème de Krein et Milman. Le §6 rassemble quelques généralités sur certains problèmes extrémaux dans l’ensemble n(T)subscript𝑛𝑇{\mathcal{L}}_{n}(T). Le §7 est dévolu à une étude approfondie du cas n=2𝑛2n=2. La solution, très simple, du problème initial sur 2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T) est présentée au §7.1 ; le cas de I=[0,[I=[0,\infty[ en découle au §7.2. Le §7.3 contient la solution d’une variante ponctuelle du problème, cas particulier de l’étude exhaustive effectuée par Landau en 1925, dans son article [28]. La notion de fonction de comparaison, due à Kolmogorov, est introduite au §7.4 ; elle fournit rapidement, au §7.5, la solution du problème de Landau pour I=𝐼I={\mathbb{R}}. Après avoir établi trois propriétés de prolongement au §7.6, nous donnons, au §7.7, les résultats de base sur le problème de Landau en moyenne, en utilisant les travaux de Bojanov et Naidenov (1999-2003, cf. [6], [7] et [31]). Enfin, le §7.8 est un formulaire des résultats obtenus, en revenant au cas général de l’ensemble 2(a,b;I)subscript2𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,I). Le §8 est un survol des principaux résultats connus dans le cas général. Le §8.1 présente les splines d’Euler, fonctions extrémales pour le cas I=𝐼I={\mathbb{R}}, comme l’a montré Kolmogorov ; son théorème est énoncé au §8.2. Le cas de l’intervalle I=[0,T]𝐼0𝑇I=[0,T] est l’objet du §8.3 ; celui de I=[0,[I=[0,\infty[ est présenté au §8.4. Enfin, le §8.5 mentionne quelques résultats dans le cadre des espaces de Lebesgue Lpsuperscript𝐿𝑝L^{p}.

L’article contient 32 propositions avec leurs démonstrations. Les plus importantes d’entre elles sont les propositions 1, 6, 11, 12, 16, 18, 22, 24 et 31. Par ailleurs, deux parmi les nombreuses questions encore ouvertes de cette théorie sont mentionnées explicitement.

Nous noterons

\bullet fsubscriptdelimited-∥∥𝑓\left\lVert f\right\rVert_{\infty} la borne supérieure essentielle, éventuellement infinie, d’une fonction f𝑓f à valeurs réelles, supposée définie presque partout sur I𝐼I, et mesurable ;

\bullet x𝑥\left\lfloor x\right\rfloor la partie entière, et {x}𝑥\left\{x\right\} la partie fractionnaire du nombre réel x𝑥x, de sorte que

x=x+{x};x;0{x}<1.x=\left\lfloor x\right\rfloor+\left\{x\right\}\quad;\quad\left\lfloor x\right\rfloor\in{\mathbb{Z}}\quad;\quad 0\leqslant\left\{x\right\}<1.

2 Réduction de l’étude à trois cas

La restriction d’une fonction fn(a,b;I)𝑓subscript𝑛𝑎𝑏𝐼f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I) à un sous-intervalle quelconque JI𝐽𝐼J\subset I appartient à n(a,b;J)subscript𝑛𝑎𝑏𝐽{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;J).

Si t0subscript𝑡0t_{0} est un nombre réel, point adhérent à I𝐼I et n’appartenant pas à I𝐼I, la condition |f(n)|bsuperscript𝑓𝑛𝑏\lvert f^{(n)}\rvert\leqslant b presque partout sur I𝐼I entraîne que f(n1)(t)superscript𝑓𝑛1𝑡f^{(n-1)}(t) admet une limite quand t𝑡t tend vers t0subscript𝑡0t_{0}. On en déduit que f(j)(t)superscript𝑓𝑗𝑡f^{(j)}(t) admet également une limite jsubscript𝑗\ell_{j} quand t𝑡t tend vers t0subscript𝑡0t_{0}, pour tout j𝑗j, 0j<n0𝑗𝑛0\leqslant j<n, et que la fonction g𝑔g, prolongeant f𝑓f à J=I{t0}𝐽𝐼subscript𝑡0J=I\cup\{t_{0}\}, telle que g(t0)=0𝑔subscript𝑡0subscript0g(t_{0})=\ell_{0}, appartient à n(a,b;J)subscript𝑛𝑎𝑏𝐽{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;J). Pour cette raison, nous supposerons I𝐼I fermé dans toute la suite.

Ensuite, si λ𝜆\lambda et μ𝜇\mu sont des nombres réels non nuls, et t0subscript𝑡0t_{0}\in{\mathbb{R}}, la transformation ff1maps-to𝑓subscript𝑓1f\mapsto f_{1}, où

f1(t)=μf(λ(tt0)),subscript𝑓1𝑡𝜇𝑓𝜆𝑡subscript𝑡0f_{1}(t)=\mu f\big{(}\lambda(t-t_{0})\big{)},

qui correspond à un changement d’unités de distance et de temps, et à un changement d’origine du temps, est une bijection entre n(a,b;I)subscript𝑛𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I) et n(a1,b1;I1)subscript𝑛subscript𝑎1subscript𝑏1subscript𝐼1{\mathcal{L}}_{n}(a_{1},b_{1};I_{1}), où

a1=|μ|a;b1=|μλn|b;I1=t0+I/λ.a_{1}=\left\lvert\mu\right\rvert a\quad;\quad b_{1}=\left\lvert\mu\lambda^{n}\right\rvert b\quad;\quad I_{1}=t_{0}+I/\lambda.

En utilisant une telle transformation, on ramène l’étude de l’ensemble n(a,b;I)subscript𝑛𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I) à l’un des trois cas suivants :

n(1,1;);n(1,1;[0,[);n(1,1;[0,T]), où T>0.{\mathcal{L}}_{n}(1,1;{\mathbb{R}})\quad;\quad{\mathcal{L}}_{n}(1,1;[0,\infty[)\quad;\quad{\mathcal{L}}_{n}(1,1;[0,T]),\text{ o\`{u} }T>0.

C’est ce dernier cas, en particulier pour n=2𝑛2n=2, qui va nous occuper principalement dans cet article ; nous verrons notamment ses relations avec les deux premiers. Soit donc T𝑇T un nombre réel positif ; posons

I=[0,T];n(T)=n(1,1;I).I=[0,T]\quad;\quad{\mathcal{L}}_{n}(T)={\mathcal{L}}_{n}(1,1;I).

Les éléments de 2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T) sont les lois des mouvements, de durée finie égale à T𝑇T, d’une particule contrainte à rester dans le segment [1,1]delimited-[]1.1[-1,1], et dont l’accélération est au plus 111 en valeur absolue.

Notons toutefois que certains raisonnements sont présentés plus simplement en revenant au cas général de l’étude de n(a,b;I)subscript𝑛𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I) (cf., par exemple, la proposition 6, au §4).

3 Convexité

Le nombre positif T𝑇T étant fixé dans tout ce paragraphe, nous simplifions l’écriture en posant n=n(T)subscript𝑛subscript𝑛𝑇{\mathcal{L}}_{n}={\mathcal{L}}_{n}(T) (et toujours I=[0,T]𝐼0𝑇I=[0,T]).

L’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} est une partie convexe de l’espace vectoriel Vn(I)subscript𝑉𝑛𝐼V_{n}(I) :

f,gn et ϑ[0,1]ϑf+(1ϑ)gn.𝑓𝑔subscript𝑛 et italic-ϑdelimited-[]0.1italic-ϑ𝑓1italic-ϑ𝑔subscript𝑛f,g\in{\mathcal{L}}_{n}\text{ et }\vartheta\in[0,1]\Rightarrow\vartheta f+(1-\vartheta)g\in{\mathcal{L}}_{n}.

Rappelons que les points extrêmes d’une partie C𝐶C d’un espace vectoriel réel sont les éléments x𝑥x de C𝐶C tels que

y,zC,ϑ]0,1[,x=ϑy+(1ϑ)zy=z.\forall\,y,z\in C,\;\forall\,\vartheta\in\,]0,1[\,,\;x=\vartheta y+(1-\vartheta)z\Rightarrow y=z.

Si C𝐶C est convexe, cette condition équivaut à

y,zC, 2x=y+zy=z.for-all𝑦𝑧𝐶.2𝑥𝑦𝑧𝑦𝑧\forall\,y,z\in C,\;2x=y+z\Rightarrow y=z.

Nous déterminons maintenant les points extrêmes de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}. La caractérisation présentée dans la proposition 1 ci-dessous repose sur une notion de multiplicité adaptée à l’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}. Si fn𝑓subscript𝑛f\in{\mathcal{L}}_{n}, notons F𝐹F l’ensemble des tI𝑡𝐼t\in I tels que |f(t)|=1𝑓𝑡1\left\lvert f(t)\right\rvert=1. Si t0Fsubscript𝑡0𝐹t_{0}\in F, la multiplicité de t0subscript𝑡0t_{0} est, par définition, l’unique nombre entier m𝑚m tel que

\bullet 1mn1𝑚𝑛1\leqslant m\leqslant n ;

\bullet f(j)(t0)=0superscript𝑓𝑗subscript𝑡00f^{(j)}(t_{0})=0 pour tout j𝑗j tel que 1jm11𝑗𝑚11\leqslant j\leqslant m-1 ;

\bullet m=n𝑚𝑛m=n, ou m<n𝑚𝑛m<n et f(m)(t0)0superscript𝑓𝑚subscript𝑡00f^{(m)}(t_{0})\neq 0.

Observons tout de suite que, si t0F]0,T[t_{0}\in F\,\cap\,]0,T[ et si m<n𝑚𝑛m<n, alors m𝑚m est pair, puisque t0subscript𝑡0t_{0} est un point d’extremum de f𝑓f.

Proposition 1

La fonction fn𝑓subscript𝑛f\in{\mathcal{L}}_{n} est un point extrême de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} si, et seulement si les deux conditions suivantes sont vérifiées :

(i)𝑖(i) la somme des multiplicités des éléments du fermé F={tI,|f(t)|=1}𝐹formulae-sequence𝑡𝐼𝑓𝑡1F=\left\{t\in I,\,\left\lvert f(t)\right\rvert=1\right\} est supérieure ou égale à n𝑛n ;

(ii)𝑖𝑖(ii) on a |f(n)(t)|=1superscript𝑓𝑛𝑡1\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert=1 presque partout sur IF𝐼𝐹I\setminus\leavevmode\nobreak\ F.

Démonstration

L’ensemble F𝐹F est bien un fermé pour toute fonction fn𝑓subscript𝑛f\in{\mathcal{L}}_{n}, puisqu’une telle fonction est continue.

Nous allons adapter l’argumentation de Roy dans [34], p. 1158 ; il y étudiait l’ensemble des fonctions lipschitziennes de rapport 111 sur [0,1]delimited-[]0.1[0,1].

Pour commencer, montrons que les points extrêmes de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} vérifient (i)𝑖(i) et (ii)𝑖𝑖(ii).

Soit f𝑓f un tel point extrême. Supposons que f𝑓f ne vérifie pas (i)𝑖(i). L’ensemble F𝐹F est donc fini. Notons tisubscript𝑡𝑖t_{i}, pour 1ik1𝑖𝑘1\leqslant i\leqslant k, ses éléments deux à deux distincts, et disubscript𝑑𝑖d_{i} la multiplicité de tisubscript𝑡𝑖t_{i} au sens ci-dessus (a priori F𝐹F peut être vide, on a alors k=0𝑘0k=0).

Par hypothèse, d1++dk<nsubscript𝑑1subscript𝑑𝑘𝑛d_{1}+\cdots+d_{k}<n. En particulier, di<nsubscript𝑑𝑖𝑛d_{i}<n et f(di)(ti)0superscript𝑓subscript𝑑𝑖subscript𝑡𝑖0f^{(d_{i})}(t_{i})\neq 0 pour tout i𝑖i. Pour tI𝑡𝐼t\in I, posons

Pi(t)={(tti)di si ti<T(tit)di si ti=T.subscript𝑃𝑖𝑡casessuperscript𝑡subscript𝑡𝑖subscript𝑑𝑖 si subscript𝑡𝑖𝑇superscriptsubscript𝑡𝑖𝑡subscript𝑑𝑖 si subscript𝑡𝑖𝑇P_{i}(t)=\begin{dcases}(t-t_{i})^{d_{i}}&\text{ si }t_{i}<T\\ (t_{i}-t)^{d_{i}}&\text{ si }t_{i}=T.\end{dcases}

Les polynômes Pisubscript𝑃𝑖P_{i} prennent des valeurs positives ou nulles sur I𝐼I. La continuité de f𝑓f et la formule de Taylor entraînent alors l’existence de nombres δ>0𝛿0\delta>0 et c>0𝑐0c>0 tels que

|f(t)|{1cPi(t)(1ik;tI,|tti|<δ)1c(tI,min1ik|tti|δ).𝑓𝑡cases1𝑐subscript𝑃𝑖𝑡formulae-sequence1𝑖𝑘formulae-sequence𝑡𝐼𝑡subscript𝑡𝑖𝛿1𝑐formulae-sequence𝑡𝐼subscript1𝑖𝑘𝑡subscript𝑡𝑖𝛿\left\lvert f(t)\right\rvert\leqslant\begin{dcases}1-cP_{i}(t)&(1\leqslant i\leqslant k\;;\;t\in I,\,\left\lvert t-t_{i}\right\rvert<\delta)\\ 1-c&(t\in I,\,\min_{1\leqslant i\leqslant k}\left\lvert t-t_{i}\right\rvert\geqslant\delta).\end{dcases} (2)

Soit P=P1Pk𝑃subscript𝑃1subscript𝑃𝑘P=P_{1}\cdots P_{k} et K𝐾K un majorant commun à toutes les fonctions polynomiales P/Pi𝑃subscript𝑃𝑖P/P_{i}, pour 1ik1𝑖𝑘1\leqslant i\leqslant k, et à P𝑃P elle-même, sur le segment I𝐼I (si F𝐹F est vide et k=0𝑘0k=0, on a P=1𝑃1P=1).

D’après (2), pour tI𝑡𝐼t\in I, on a, d’une part, si 1ik1𝑖𝑘1\leqslant i\leqslant k et |tti|<δ𝑡subscript𝑡𝑖𝛿\left\lvert t-t_{i}\right\rvert<\delta,

|f(t)|1cPi(t)1cKP(t),𝑓𝑡1𝑐subscript𝑃𝑖𝑡1𝑐𝐾𝑃𝑡\left\lvert f(t)\right\rvert\leqslant 1-cP_{i}(t)\leqslant 1-\frac{c}{K}P(t),

et, d’autre part, si min1ik|tti|δsubscript1𝑖𝑘𝑡subscript𝑡𝑖𝛿\min_{1\leqslant i\leqslant k}\left\lvert t-t_{i}\right\rvert\geqslant\delta,

|f(t)|1c1cKP(t).𝑓𝑡1𝑐1𝑐𝐾𝑃𝑡\left\lvert f(t)\right\rvert\leqslant 1-c\leqslant 1-\frac{c}{K}P(t).

On a donc |f|1εP𝑓1𝜀𝑃\left\lvert f\right\rvert\leqslant 1-\varepsilon P, avec ε=c/K𝜀𝑐𝐾\varepsilon=c/K. Comme P𝑃P est une fonction polynomiale de degré <nabsent𝑛<n, sa dérivée n𝑛ne est nulle. On en déduit que les deux fonctions f±εPplus-or-minus𝑓𝜀𝑃f\pm\varepsilon P appartiennent à nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, ce qui contredit le fait que f𝑓f est un point extrême de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}. Cette contradiction démontre (i)𝑖(i).

Démontrons maintenant que f𝑓f, point extrême de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, vérifie la condition (ii)𝑖𝑖(ii). L’ensemble complémentaire IF𝐼𝐹I\setminus F est un ouvert de I𝐼I ; c’est donc une réunion dénombrable d’intervalles IjIsubscript𝐼𝑗𝐼I_{j}\subset I. Pour montrer que

mes{tIF,|f(n)(t)|1}=0,mesformulae-sequence𝑡𝐼𝐹superscript𝑓𝑛𝑡10{\rm mes}\left\{t\in I\setminus F,\,\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert\neq 1\right\}=0,

il suffit de montrer que, pour chaque j𝑗j,

mes{tIj,|f(n)(t)|1}=0,mesformulae-sequence𝑡subscript𝐼𝑗superscript𝑓𝑛𝑡10{\rm mes}\left\{t\in I_{j},\,\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert\neq 1\right\}=0,

ou encore

mes{tJ,|f(n)(t)|1}=0,mesformulae-sequence𝑡𝐽superscript𝑓𝑛𝑡10{\rm mes}\left\{t\in J,\,\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert\neq 1\right\}=0, (3)

si J𝐽J est un segment quelconque inclus dans Ijsubscript𝐼𝑗I_{j}. Observons tout de suite que, |f|𝑓\left\lvert f\right\rvert étant continue et <1absent1<1 sur le compact J𝐽J, il existe ε>0𝜀0\varepsilon>0 tel que

|f(t)|1ε(tJ).𝑓𝑡1𝜀𝑡𝐽\left\lvert f(t)\right\rvert\leqslant 1-\varepsilon\quad(t\in J).

Comme fn𝑓subscript𝑛f\in{\mathcal{L}}_{n}, on a |f(n)(t)|1superscript𝑓𝑛𝑡1\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert\leqslant 1 presque partout, donc (3) équivaut à

δ>0,mes{tJ,|f(n)(t)|1δ}=0.formulae-sequencefor-all𝛿0mesformulae-sequence𝑡𝐽superscript𝑓𝑛𝑡1𝛿0\forall\,\delta>0,\quad{\rm mes}\left\{t\in J,\,\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert\leqslant 1-\delta\right\}=0. (4)

Fixons δ>0𝛿0\delta>0, et posons

K={tJ,|f(n)(t)|1δ}.𝐾formulae-sequence𝑡𝐽superscript𝑓𝑛𝑡1𝛿K=\left\{t\in J,\,\left\lvert f^{(n)}(t)\right\rvert\leqslant 1-\delta\right\}.

C’est un ensemble mesurable, et il s’agit de montrer que mes(K)=0mes𝐾0{\rm mes}(K)=0. Nous allons raisonner par l’absurde, en supposant que mes(K)>0mes𝐾0{\rm mes}(K)>0. Notons alors w𝑤w la fonction indicatrice de K𝐾K,

w(t)=[tK](0tT).𝑤𝑡delimited-[]𝑡𝐾0𝑡𝑇w(t)=[t\in K]\quad(0\leqslant t\leqslant T).

On a w0𝑤0w\geqslant 0 et 0Tw(t)𝑑t=mes(K)>0superscriptsubscript0𝑇𝑤𝑡differential-d𝑡mes𝐾0\int_{0}^{T}w(t)\,dt={\rm mes}(K)>0. La théorie des polynômes orthogonaux affirme alors l’existence d’une suite de polynômes (pk)ksubscriptsubscript𝑝𝑘𝑘(p_{k})_{k\in{\mathbb{N}}}, à coefficients réels, où pksubscript𝑝𝑘p_{k} est de degré k𝑘k, tels que

0Tpj(t)pk(t)w(t)𝑑t=[j=k](j,k)superscriptsubscript0𝑇subscript𝑝𝑗𝑡subscript𝑝𝑘𝑡𝑤𝑡differential-d𝑡delimited-[]𝑗𝑘𝑗𝑘\int_{0}^{T}p_{j}(t)\,p_{k}(t)\,w(t)\,dt=[j=k]\quad(j,k\in{\mathbb{N}}) (5)

(cf. [46], §2.2, pp. 25-26).

Pour tI𝑡𝐼t\in I, posons

g0(t)subscript𝑔0𝑡\displaystyle g_{0}(t) =0tpn(u)w(u)𝑑uabsentsuperscriptsubscript0𝑡subscript𝑝𝑛𝑢𝑤𝑢differential-d𝑢\displaystyle=\int_{0}^{t}p_{n}(u)\,w(u)\,du
g1(t)subscript𝑔1𝑡\displaystyle g_{1}(t) =0tg0(u)𝑑u=0tpn(u)w(u)(tu)𝑑uabsentsuperscriptsubscript0𝑡subscript𝑔0𝑢differential-d𝑢superscriptsubscript0𝑡subscript𝑝𝑛𝑢𝑤𝑢𝑡𝑢differential-d𝑢\displaystyle=\int_{0}^{t}g_{0}(u)\,du=\int_{0}^{t}p_{n}(u)\,w(u)\,(t-u)\,du
\displaystyle\vdots
h(t)=gn1(t)𝑡subscript𝑔𝑛1𝑡\displaystyle h(t)=g_{n-1}(t) =0tgn2(u)𝑑u=0tpn(u)w(u)(tu)n1(n1)!𝑑u.absentsuperscriptsubscript0𝑡subscript𝑔𝑛2𝑢differential-d𝑢superscriptsubscript0𝑡subscript𝑝𝑛𝑢𝑤𝑢superscript𝑡𝑢𝑛1𝑛1differential-d𝑢\displaystyle=\int_{0}^{t}g_{n-2}(u)\,du=\int_{0}^{t}p_{n}(u)\,w(u)\,\frac{(t-u)^{n-1}}{(n-1)!}\,du.

La fonction h=gn1subscript𝑔𝑛1h=g_{n-1} est de classe 𝒞n1superscript𝒞𝑛1{\mathcal{C}}^{n-1} et h(n1)=g0superscript𝑛1subscript𝑔0h^{(n-1)}=g_{0}. Comme g0subscript𝑔0g_{0} est l’intégrale de la fonction mesurable et bornée pnwsubscript𝑝𝑛𝑤p_{n}w, elle est lipschitzienne sur I𝐼I, de rapport ν=g0=pnw𝜈subscriptdelimited-∥∥subscriptsuperscript𝑔0subscriptdelimited-∥∥subscript𝑝𝑛𝑤\nu=\left\lVert g^{\prime}_{0}\right\rVert_{\infty}=\left\lVert p_{n}w\right\rVert_{\infty}. Par conséquent, h(n1)superscript𝑛1h^{(n-1)} est dérivable presque partout sur I𝐼I, avec h(n)=g0=pnwsuperscript𝑛subscriptsuperscript𝑔0subscript𝑝𝑛𝑤h^{(n)}=g^{\prime}_{0}=p_{n}w presque partout. Observons que h(n)superscript𝑛h^{(n)} n’est pas égale presque partout à la fonction nulle, et notons ξ=h𝜉subscriptdelimited-∥∥\xi=\left\lVert h\right\rVert_{\infty}.

Soit α=infJ𝛼infimum𝐽\alpha=\inf J et β=supJ𝛽supremum𝐽\beta=\sup J. Pour u<α𝑢𝛼u<\alpha, on a w(u)=0𝑤𝑢0w(u)=0 donc la fonction hh est nulle sur [0,α]0𝛼[0,\alpha]. Pour u>β𝑢𝛽u>\beta, on a aussi w(u)=0𝑤𝑢0w(u)=0 donc, pour t[β,T]𝑡𝛽𝑇t\in[\beta,T],

h(t)=0tpn(u)w(u)(tu)n1(n1)!𝑑u=0Tpn(u)w(u)(tu)n1(n1)!𝑑u=0,𝑡superscriptsubscript0𝑡subscript𝑝𝑛𝑢𝑤𝑢superscript𝑡𝑢𝑛1𝑛1differential-d𝑢superscriptsubscript0𝑇subscript𝑝𝑛𝑢𝑤𝑢superscript𝑡𝑢𝑛1𝑛1differential-d𝑢0h(t)=\int_{0}^{t}p_{n}(u)\,w(u)\,\frac{(t-u)^{n-1}}{(n-1)!}\,du=\int_{0}^{T}p_{n}(u)\,w(u)\,\frac{(t-u)^{n-1}}{(n-1)!}\,du=0,

d’après (5), en écrivant, pour t𝑡t fixé, le polynôme (tu)n1/(n1)!superscript𝑡𝑢𝑛1𝑛1(t-u)^{n-1}/(n-1)!, en la variable u𝑢u, comme combinaison linéaire des polynômes pk(u)subscript𝑝𝑘𝑢p_{k}(u) pour 0k<n0𝑘𝑛0\leqslant k<n.

Ainsi, la fonction hh s’annule sur IJ𝐼𝐽I\setminus J, et

h(n)(t)superscript𝑛𝑡\displaystyle h^{(n)}(t) =pn(t)w(t)=0pour presque tout tIK;formulae-sequenceabsentsubscript𝑝𝑛𝑡𝑤𝑡0pour presque tout 𝑡𝐼𝐾\displaystyle=p_{n}(t)w(t)=0\quad\text{pour presque tout }t\in I\setminus K\,;
|h(n)(t)|superscript𝑛𝑡\displaystyle\left\lvert h^{(n)}(t)\right\rvert νpour presque tout tI.formulae-sequenceabsent𝜈pour presque tout 𝑡𝐼\displaystyle\leqslant\nu\quad\text{pour presque tout }t\in I.

Soit η>0𝜂0\eta>0. On a

f(t)±ηh(t)plus-or-minus𝑓𝑡𝜂𝑡\displaystyle f(t)\pm\eta h(t) =f(t)(tIJ);absent𝑓𝑡𝑡𝐼𝐽\displaystyle=f(t)\quad(t\in I\setminus J)\,;
|f(t)±ηh(t)|plus-or-minus𝑓𝑡𝜂𝑡\displaystyle\left\lvert f(t)\pm\eta h(t)\right\rvert 1ε+ηξ(tJ);absent1𝜀𝜂𝜉𝑡𝐽\displaystyle\leqslant 1-\varepsilon+\eta\,\xi\quad(t\in J)\,;
f(n)(t)±ηh(n)(t)plus-or-minussuperscript𝑓𝑛𝑡𝜂superscript𝑛𝑡\displaystyle f^{(n)}(t)\pm\eta h^{(n)}(t) =f(n)(t)pour presque tout tIK;formulae-sequenceabsentsuperscript𝑓𝑛𝑡pour presque tout 𝑡𝐼𝐾\displaystyle=f^{(n)}(t)\quad\text{pour presque tout }t\in I\setminus K\,;
|f(n)(t)±ηh(n)(t)|plus-or-minussuperscript𝑓𝑛𝑡𝜂superscript𝑛𝑡\displaystyle\left\lvert f^{(n)}(t)\pm\eta h^{(n)}(t)\right\rvert 1δ+ηνpour presque tout tK.formulae-sequenceabsent1𝛿𝜂𝜈pour presque tout 𝑡𝐾\displaystyle\leqslant 1-\delta+\eta\,\nu\quad\text{pour presque tout }t\in K.

Par conséquent, si η=min(δ/ν,ε/ξ)𝜂𝛿𝜈𝜀𝜉\eta=\min(\delta/\nu,\varepsilon/\xi), les fonctions f±ηhplus-or-minus𝑓𝜂f\pm\eta h appartiennent à nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}. Comme hh n’est pas la fonction nulle, cela contredit le fait que f𝑓f est un point extrême de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}. Cette contradiction prouve que mes(K)=0mes𝐾0{\rm mes}(K)=0. Par suite, f𝑓f vérifie (ii)𝑖𝑖(ii).

Passons à la réciproque. En supposant que fn𝑓subscript𝑛f\in{\mathcal{L}}_{n} vérifie (i)𝑖(i), (ii)𝑖𝑖(ii), et

2f=g+h,2𝑓𝑔2f=g+h, (6)

g,hn𝑔subscript𝑛g,\,h\in{\mathcal{L}}_{n}, il nous faut montrer que g=h𝑔g=h.

Nous allons d’abord montrer que les hypothèses (ii)𝑖𝑖(ii) et (6), et l’appartenance de f𝑓f, g𝑔g et hh à nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, entraînent que g(n)=h(n)superscript𝑔𝑛superscript𝑛g^{(n)}=h^{(n)} presque partout, c’est-à-dire que gh𝑔g-h est une fonction polynomiale, de degré <nabsent𝑛<n. Notons

E={t0I,g ou h n’est pas n fois dérivable en t0, ou bien g(n)(t0)h(n)(t0)}.𝐸formulae-sequencesubscript𝑡0𝐼g ou h n’est pas n fois dérivable en t0, ou bien superscript𝑔𝑛subscript𝑡0superscript𝑛subscript𝑡0E=\left\{t_{0}\in I,\,\text{$g$ ou $h$ n'est pas $n$ fois d\'{e}rivable en $t_{0}$, ou bien }g^{(n)}(t_{0})\neq h^{(n)}(t_{0})\right\}.

Il s’agit de montrer que la mesure de E𝐸E est nulle. Écrivons

E=(EF)(E(IF)).𝐸𝐸𝐹𝐸𝐼𝐹E=(E\cap F)\cup\big{(}E\cap(I\setminus F)\big{)}.

Montrons d’abord que E(IF)𝐸𝐼𝐹E\cap(I\setminus F) est de mesure nulle. Soit E0subscript𝐸0E_{0} l’ensemble des éléments t0IFsubscript𝑡0𝐼𝐹t_{0}\in I\setminus F vérifiant au moins l’une des conditions suivantes :

\bullet g(n)(t0)superscript𝑔𝑛subscript𝑡0g^{(n)}(t_{0}) n’existe pas ;

\bullet h(n)(t0)superscript𝑛subscript𝑡0h^{(n)}(t_{0}) n’existe pas ;

\bullet f(n)(t0)superscript𝑓𝑛subscript𝑡0f^{(n)}(t_{0}) existe et |f(n)(t0)|1superscript𝑓𝑛subscript𝑡01\left\lvert f^{(n)}(t_{0})\right\rvert\neq 1 ;

\bullet g(n)(t0)superscript𝑔𝑛subscript𝑡0g^{(n)}(t_{0}) et h(n)(t0)superscript𝑛subscript𝑡0h^{(n)}(t_{0}) existent, et max(|g(n)(t0)|,|h(n)(t0)|)>1superscript𝑔𝑛subscript𝑡0superscript𝑛subscript𝑡01\max(\left\lvert g^{(n)}(t_{0})\right\rvert,\left\lvert h^{(n)}(t_{0})\right\rvert)>1.

D’après (ii)𝑖𝑖(ii) et le fait que g𝑔g et hh appartiennent à nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, l’ensemble E0subscript𝐸0E_{0} est de mesure nulle. Si l’élément t0subscript𝑡0t_{0} de IF𝐼𝐹I\setminus F n’appartient pas à E0subscript𝐸0E_{0}, alors g(n)(t0)superscript𝑔𝑛subscript𝑡0g^{(n)}(t_{0}) et h(n)(t0)superscript𝑛subscript𝑡0h^{(n)}(t_{0}) existent, donc aussi f(n)(t0)superscript𝑓𝑛subscript𝑡0f^{(n)}(t_{0}), d’après (6), et

1=|f(n)(t0)|=12|g(n)(t0)+h(n)(t0)|12(|g(n)(t0)|+|h(n)(t0)|)1,1superscript𝑓𝑛subscript𝑡012superscript𝑔𝑛subscript𝑡0superscript𝑛subscript𝑡012superscript𝑔𝑛subscript𝑡0superscript𝑛subscript𝑡011=\lvert f^{(n)}(t_{0})\rvert={\frac{1}{2}}\lvert g^{(n)}(t_{0})+h^{(n)}(t_{0})\rvert\leqslant{\frac{1}{2}}\big{(}\lvert g^{(n)}(t_{0})\rvert+\lvert h^{(n)}(t_{0})\rvert\big{)}\leqslant 1,

d’où g(n)(t0)=h(n)(t0)superscript𝑔𝑛subscript𝑡0superscript𝑛subscript𝑡0g^{(n)}(t_{0})=h^{(n)}(t_{0}), autrement dit t0Esubscript𝑡0𝐸t_{0}\not\in E. On a donc E(IF)E0𝐸𝐼𝐹subscript𝐸0E\cap(I\setminus F)\subset E_{0}, et la mesure de E(IF)𝐸𝐼𝐹E\cap(I\setminus F) est nulle.

Pour montrer que la mesure de EF𝐸𝐹E\cap F est nulle, écrivons F=F(FF)𝐹superscript𝐹𝐹superscript𝐹F=F^{\prime}\cup(F\setminus F^{\prime}), où Fsuperscript𝐹F^{\prime} est l’ensemble des points d’accumulation de F𝐹F. D’une part, l’ensemble FF𝐹superscript𝐹F\setminus F^{\prime} est constitué de points isolés, donc est au plus dénombrable. D’autre part, si t0Fsubscript𝑡0𝐹t_{0}\in F, l’égalité |g(t0)+h(t0)|=2𝑔subscript𝑡0subscript𝑡02\left\lvert g(t_{0})+h(t_{0})\right\rvert=2 et les inégalités |g(t0)|1𝑔subscript𝑡01\left\lvert g(t_{0})\right\rvert\leqslant 1 et |h(t0)|1subscript𝑡01\left\lvert h(t_{0})\right\rvert\leqslant 1 entraînent l’égalité g(t0)=h(t0)𝑔subscript𝑡0subscript𝑡0g(t_{0})=h(t_{0}). Si, de plus, t0Fsubscript𝑡0superscript𝐹t_{0}\in F^{\prime}, et si g(n)(t0)superscript𝑔𝑛subscript𝑡0g^{(n)}(t_{0}) et h(n)(t0)superscript𝑛subscript𝑡0h^{(n)}(t_{0}) existent, la formule de Taylor en t0subscript𝑡0t_{0} entraîne que (gh)(n)(t0)=0superscript𝑔𝑛subscript𝑡00(g-h)^{(n)}(t_{0})=0 ; la mesure de EF𝐸superscript𝐹E\cap F^{\prime} est donc aussi nulle.

Nous avons bien montré que gh𝑔g-h est polynomiale, de degré <nabsent𝑛<n.

Pour en conclure que g=h𝑔g=h, en supposant aussi (i)𝑖(i) vérifiée, il nous suffit de montrer que, pour tout t0Fsubscript𝑡0𝐹t_{0}\in F, les égalités

f(t0)==f(k)(t0)=0superscript𝑓subscript𝑡0superscript𝑓𝑘subscript𝑡00f^{\prime}(t_{0})=\dots=f^{(k)}(t_{0})=0 (7)

pour un certain k<n𝑘𝑛k<n, entraînent les égalités

(gh)(t0)=(gh)(t0)==(gh)(k)(t0)=0.𝑔subscript𝑡0superscript𝑔subscript𝑡0superscript𝑔𝑘subscript𝑡00(g-h)(t_{0})=(g-h)^{\prime}(t_{0})=\dots=(g-h)^{(k)}(t_{0})=0.

En effet, l’hypothèse (i)𝑖(i) entraînera alors que la fonction polynomiale gh𝑔g-h, de degré <nabsent𝑛<n, a, compte tenu des multiplicités, au moins n𝑛n zéros, et est donc nécessairement la fonction nulle.

D’une part, on a g(t0)=h(t0)𝑔subscript𝑡0subscript𝑡0g(t_{0})=h(t_{0}), puisque t0Fsubscript𝑡0𝐹t_{0}\in F. D’autre part, nous allons montrer que (7) entraîne en fait que

g(t0)=h(t0)==g(k)(t0)=h(k)(t0)=0.superscript𝑔subscript𝑡0superscriptsubscript𝑡0superscript𝑔𝑘subscript𝑡0superscript𝑘subscript𝑡00g^{\prime}(t_{0})=h^{\prime}(t_{0})=\dots=g^{(k)}(t_{0})=h^{(k)}(t_{0})=0. (8)

En effet, si (8) est fausse, soit j𝑗j le plus petit nombre entier positif tel que g(j)(t0)0superscript𝑔𝑗subscript𝑡00g^{(j)}(t_{0})\neq 0 ou h(j)(t0)0superscript𝑗subscript𝑡00h^{(j)}(t_{0})\neq 0. On a donc 1jk1𝑗𝑘1\leqslant j\leqslant k. Pour fixer les idées, posons c=g(j)(t0)/j!0𝑐superscript𝑔𝑗subscript𝑡0𝑗0c=g^{(j)}(t_{0})/j!\neq 0. La formule de Taylor nous donne alors

g(t)𝑔𝑡\displaystyle g(t) =g(t0)+c(tt0)j+o((tt0)j)(tt0,tI)absent𝑔subscript𝑡0𝑐superscript𝑡subscript𝑡0𝑗𝑜superscript𝑡subscript𝑡0𝑗formulae-sequence𝑡subscript𝑡0𝑡𝐼\displaystyle=g(t_{0})+c(t-t_{0})^{j}+o\big{(}(t-t_{0})^{j}\big{)}\quad(t\rightarrow t_{0},\,t\in I) (9)
f(t)𝑓𝑡\displaystyle f(t) =f(t0)+o((tt0)j)(tt0,tI)(d’après (7))absent𝑓subscript𝑡0𝑜superscript𝑡subscript𝑡0𝑗formulae-sequence𝑡subscript𝑡0𝑡𝐼(d’après (7))\displaystyle=f(t_{0})+o\big{(}(t-t_{0})^{j}\big{)}\quad(t\rightarrow t_{0},\,t\in I)\quad\text{\footnotesize(d'apr\`{e}s \eqref{200121a})} (10)
h(t)𝑡\displaystyle h(t) =h(t0)c(tt0)j+o((tt0)j)(tt0,tI),absentsubscript𝑡0𝑐superscript𝑡subscript𝑡0𝑗𝑜superscript𝑡subscript𝑡0𝑗formulae-sequence𝑡subscript𝑡0𝑡𝐼\displaystyle=h(t_{0})-c(t-t_{0})^{j}+o\big{(}(t-t_{0})^{j}\big{)}\quad(t\rightarrow t_{0},\,t\in I), (11)

où (11) résulte de (9), (10), et de la relation h=2fg2𝑓𝑔h=2f-g. Comme c0𝑐0c\neq 0 et g(t0)=h(t0)=±1𝑔subscript𝑡0subscript𝑡0plus-or-minus1g(t_{0})=h(t_{0})=\pm 1, les relations (9) et (11) entraînent que max(|g(t)|,|h(t)|)>1𝑔𝑡𝑡1\max\big{(}\left\lvert g(t)\right\rvert,\left\lvert h(t)\right\rvert\big{)}>1 dans un certain voisinage (épointé) de t0subscript𝑡0t_{0} dans I𝐼I. Cela contredit l’appartenance de g𝑔g et hh à nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, et cette contradiction achève la démonstration de la proposition. \Box

Dans la suite, nous noterons nsubscript𝑛{\mathcal{F}}_{n} l’ensemble des points extrêmes de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, caractérisés dans la proposition 1.

Notons que, dans le cas n=2𝑛2n=2, la condition (i)𝑖(i) équivaut à la conjonction des deux conditions suivantes :

\bullet le fermé F𝐹F est non vide ;

\bullet si F={0}𝐹0F=\left\{0\right\} (resp. F={T}𝐹𝑇F=\left\{T\right\}), on a f(0)=0superscript𝑓00f^{\prime}(0)=0 (resp. f(T)=0superscript𝑓𝑇0f^{\prime}(T)=0).

Pour ce cas n=2𝑛2n=2, donnons un exemple de fonction, point extrême de 2subscript2{\mathcal{L}}_{2}, que nous utiliserons au §7.3.2.

Proposition 2

Soit t0subscript𝑡0t_{0} et T>0𝑇0T>0, tels que 0t0T0subscript𝑡0𝑇0\leqslant t_{0}\leqslant T. On pose

C=2T+t02+(Tt0)22T,𝐶2𝑇superscriptsubscript𝑡02superscript𝑇subscript𝑡022𝑇,C=\frac{2}{T}+\frac{t_{0}^{2}+(T-t_{0})^{2}}{2T}\raisebox{1.99168pt}{,}

et on suppose que

Cmax(t0,Tt0).𝐶subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0C\geqslant\max(t_{0},T-t_{0}). (12)

Alors la fonction f𝑓f définie sur [0,T]0𝑇[0,T] par

f(t)={1+(Ct0)t+t2/2(0tt0)1+(CT+t0)(tT)(tT)2/2(t0tT),𝑓𝑡cases1𝐶subscript𝑡0𝑡superscript𝑡220𝑡subscript𝑡01𝐶𝑇subscript𝑡0𝑡𝑇superscript𝑡𝑇22subscript𝑡0𝑡𝑇f(t)=\begin{dcases}-1+(C-t_{0})t+t^{2}/2&(0\leqslant t\leqslant t_{0})\\ 1+(C-T+t_{0})(t-T)-(t-T)^{2}/2&(t_{0}\leqslant t\leqslant T),\end{dcases} (13)

est un point extrême de 2subscript2{\mathcal{L}}_{2} tel que f(t0)=Csuperscript𝑓subscript𝑡0𝐶f^{\prime}(t_{0})=C.

Démonstration

La constante C𝐶C est choisie pour que les deux formules donnent la même valeur pour f(t0)𝑓subscript𝑡0f(t_{0}), et on a f′′(t)=±1superscript𝑓′′𝑡plus-or-minus1f^{\prime\prime}(t)=\pm 1 si tt0𝑡subscript𝑡0t\neq t_{0}. Ensuite, les dérivées à droite et à gauche de f𝑓f en t=t0𝑡subscript𝑡0t=t_{0} ont pour valeur commune C𝐶C (si t0=0subscript𝑡00t_{0}=0 ou T𝑇T, il n’y a pas besoin de raccordement). Enfin, la condition (12) entraîne que f𝑓f est strictement croissante sur [0,T]0𝑇[0,T], avec f(0)=1𝑓01f(0)=-1 et f(T)=1𝑓𝑇1f(T)=1 ; on a donc |f|1𝑓1\left\lvert f\right\rvert\leqslant 1 sur [0,T]0𝑇[0,T]. Ainsi, f2𝑓subscript2f\in{\mathcal{L}}_{2}, l’ensemble F𝐹F de la proposition 1 est égal à {0,T}0𝑇\left\{0,T\right\} et les points (i)𝑖(i) et (ii)𝑖𝑖(ii) de cette proposition sont vérifiés. \Box

4 Le noyau de Peano

Nous montrons dans ce paragraphe que les dérivées intermédiaires f(k)superscript𝑓𝑘f^{(k)} des fonctions fn(T)𝑓subscript𝑛𝑇f\in\leavevmode\nobreak\ \mskip-3.0mu{\mathcal{L}}_{n}(T) sont bornées, en valeur absolue, par une quantité dépendant uniquement de k𝑘k, n𝑛n et T𝑇T.

Commençons par le cas n=2𝑛2n=2. La majoration de la valeur absolue de la dérivée d’une fonction de 2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T) s’appuie sur l’identité suivante, déjà implicite dans la démonstration du Satz 1, p. 45, de [27].

Proposition 3

Soit f:[0,T]:𝑓0𝑇f:[0,T]\rightarrow{\mathbb{R}} une fonction dérivable, dont la dérivée est absolument continue sur [0,T]0𝑇[0,T]. Pour 0xT0𝑥𝑇0\leqslant x\leqslant T, on a

f(x)=f(T)f(0)T+0TK(x,t;T)f′′(t)𝑑t,superscript𝑓𝑥𝑓𝑇𝑓0𝑇superscriptsubscript0𝑇𝐾𝑥𝑡𝑇superscript𝑓′′𝑡differential-d𝑡f^{\prime}(x)=\frac{f(T)-f(0)}{T}+\int_{0}^{T}K(x,t\,;\,T)\,f^{\prime\prime}(t)\,dt,

où, pour 0x,tTformulae-sequence0𝑥𝑡𝑇0\leqslant x,t\leqslant T, xt𝑥𝑡x\neq t,

K(x,t;T)={t/T(0t<x)(tT)/T(x<tT).𝐾𝑥𝑡𝑇cases𝑡𝑇0𝑡𝑥𝑡𝑇𝑇𝑥𝑡𝑇K(x,t\,;\,T)=\begin{dcases}t/T&(0\leqslant t<x)\\ (t-T)/T&(x<t\leqslant T).\end{dcases}

Démonstration

Observons que nous ne supposons pas que f′′superscript𝑓′′f^{\prime\prime} (définie presque partout) est essentiellement bornée. Mais, par l’hypothèse d’absolue continuité de fsuperscript𝑓f^{\prime}, cette dérivée seconde est, en tout cas, intégrable au sens de Lebesgue sur [0,T]0𝑇[0,T] et les intégrations par parties qui vont suivre sont bien licites.

Ainsi, on voit que

0x(t)f′′(t)𝑑tsuperscriptsubscript0𝑥𝑡superscript𝑓′′𝑡differential-d𝑡\displaystyle\int_{0}^{x}(-t)\,f^{\prime\prime}(t)\,dt =f(x)f(0)+xf(x)\displaystyle=f(x)-f(0)+-xf^{\prime}(x)
xT(Tt)f′′(t)𝑑tsuperscriptsubscript𝑥𝑇𝑇𝑡superscript𝑓′′𝑡differential-d𝑡\displaystyle\int_{x}^{T}(T-t)\,f^{\prime\prime}(t)\,dt =f(T)f(x)f(x)(Tx).absent𝑓𝑇𝑓𝑥superscript𝑓𝑥𝑇𝑥\displaystyle=f(T)-f(x)-f^{\prime}(x)(T-x).

En ajoutant ces deux égalités, on obtient l’énoncé. \Box

La norme L1superscript𝐿1L^{1} (par rapport à la variable t𝑡t) du noyau K(x,t;T)𝐾𝑥𝑡𝑇K(x,t\,;\,T) vaut

0T|K(x,t;T)|𝑑tsuperscriptsubscript0𝑇𝐾𝑥𝑡𝑇differential-d𝑡\displaystyle\int_{0}^{T}\left\lvert K(x,t\,;\,T)\right\rvert\,dt =0xtT𝑑t+xTTtT𝑑tabsentsuperscriptsubscript0𝑥𝑡𝑇differential-d𝑡superscriptsubscript𝑥𝑇𝑇𝑡𝑇differential-d𝑡\displaystyle=\int_{0}^{x}\frac{t}{T}\,dt+\int_{x}^{T}\frac{T-t}{T}\,dt
=x2+(Tx)22T\displaystyle=\frac{x^{2}+(T-x)^{2}}{2T}\cdotp (14)

Elle est maximale pour x=0𝑥0x=0 et x=T𝑥𝑇x=T, prenant alors la valeur T/2𝑇2T/2.

Proposition 4

Pour toute fonction f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T), on a fT/2+2/Tsubscriptdelimited-∥∥superscript𝑓𝑇22𝑇\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}\leqslant T/2+2/T.

Démonstration

Soit f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) et x[0,T]𝑥0𝑇x\in[0,T]. D’après la proposition 3, on a

|f(x)|superscript𝑓𝑥\displaystyle\left\lvert f^{\prime}(x)\right\rvert |f(T)f(0)|/T+0T|K(x,t;T)||f′′(t)|𝑑tabsent𝑓𝑇𝑓0𝑇superscriptsubscript0𝑇𝐾𝑥𝑡𝑇superscript𝑓′′𝑡differential-d𝑡\displaystyle\leqslant\left\lvert f(T)-f(0)\right\rvert/T+\int_{0}^{T}\left\lvert K(x,t\,;\,T)\right\rvert\cdot\left\lvert f^{\prime\prime}(t)\right\rvert\,dt (15)
2/T+0T|K(x,t;T)|𝑑tabsent2𝑇superscriptsubscript0𝑇𝐾𝑥𝑡𝑇differential-d𝑡\displaystyle\leqslant 2/T+\int_{0}^{T}\left\lvert K(x,t\,;\,T)\right\rvert\,dt
=2/T+(x2+(Tx)2)/2T(d’après (14))absent2𝑇superscript𝑥2superscript𝑇𝑥22𝑇(d’après (14))\displaystyle=2/T+(x^{2}+(T-x)^{2})/2T\quad\text{\footnotesize(d'apr\`{e}s \eqref{190529a})}
=2/T+T/2x(Tx)/Tabsent2𝑇𝑇2𝑥𝑇𝑥𝑇\displaystyle=2/T+T/2-x(T-x)/T (16)
2/T+T/2.absent2𝑇𝑇2\displaystyle\leqslant 2/T+T/2.

Nous déterminerons, à la proposition 16 du §7.3.2, les cas où la majoration (16) est optimale, et nous verrons, à la proposition 11 du §7.1, que la majoration fT/2+2/Tsubscriptdelimited-∥∥superscript𝑓𝑇22𝑇\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}\leqslant T/2+2/T est optimale si T2𝑇2T\leqslant 2.

Dans l’article [33], publié la même année, 1913, où Landau présentait son travail à la London Mathematical Society, Peano donna une formule générale dont la proposition 3 ci-dessus est un cas particulier. Il y considérait les intégrales successives de la fonction de Heaviside, définies sur {\mathbb{R}} par

H0(x)subscript𝐻0𝑥\displaystyle H_{0}(x) =[x0]absentdelimited-[]𝑥0\displaystyle=[x\geqslant 0]
Hm(x)subscript𝐻𝑚𝑥\displaystyle H_{m}(x) =0xHm1(t)𝑑t=[x0]xm/m!(m1).formulae-sequenceabsentsuperscriptsubscript0𝑥subscript𝐻𝑚1𝑡differential-d𝑡delimited-[]𝑥0superscript𝑥𝑚𝑚𝑚1\displaystyle=\int_{0}^{x}H_{m-1}(t)\,dt=[x\geqslant 0]\cdot x^{m}/m!\quad(m\geqslant 1).

La fonction Hmsubscript𝐻𝑚H_{m} est de classe 𝒞superscript𝒞{\mathcal{C}}^{\infty} sur {0}0{\mathbb{R}}\setminus\left\{0\right\}, et, si m1𝑚1m\geqslant 1, de classe 𝒞m1superscript𝒞𝑚1{\mathcal{C}}^{m-1} sur {\mathbb{R}}. On a Hm(j)=Hmjsuperscriptsubscript𝐻𝑚𝑗subscript𝐻𝑚𝑗H_{m}^{(j)}=H_{m-j} pour 0jm0𝑗𝑚0\leqslant j\leqslant m.

Voici un énoncé du théorème de Peano, qui n’est pas le plus général possible, mais qui nous suffira dans cet article.

Proposition 5

Soit T>0𝑇0T>0, k𝑘k\in{\mathbb{N}} et, pour i=1,,k𝑖1𝑘i=1,\dots,k,

αi[0,T];λi;mi{0,,n1}.\alpha_{i}\in[0,T]\quad;\quad\lambda_{i}\in{\mathbb{R}}\quad;\quad m_{i}\in\left\{0,\dots,n-1\right\}.

Considérons la forme linéaire L𝐿L définie par

L(f)=1ikλif(mi)(αi),𝐿𝑓subscript1𝑖𝑘subscript𝜆𝑖superscript𝑓subscript𝑚𝑖subscript𝛼𝑖L(f)=\sum_{1\leqslant i\leqslant k}\lambda_{i}f^{(m_{i})}(\alpha_{i}),

pour toute fonction f:[0,T]:𝑓0𝑇f:[0,T]\rightarrow{\mathbb{R}} telle que les nombres dérivés figurant dans cette somme existent (en particulier, c’est le cas si fVn([0,T])𝑓subscript𝑉𝑛0𝑇f\in V_{n}([0,T])). On suppose que L(f)=0𝐿𝑓0L(f)=0 si f𝑓f est une fonction polynomiale, de degré <nabsent𝑛<n.

On a alors, pour toute fonction fVn([0,T])𝑓subscript𝑉𝑛0𝑇f\in V_{n}([0,T]),

L(f)=0TK(t)f(n)(t)𝑑t,𝐿𝑓superscriptsubscript0𝑇𝐾𝑡superscript𝑓𝑛𝑡differential-d𝑡L(f)=\int_{0}^{T}K(t)f^{(n)}(t)\,dt, (17)

où la fonction K𝐾K, appelée noyau de Peano associé à la forme linéaire L𝐿L pour l’ordre n𝑛n, est définie par la formule

K(t)=L(Hn1,t),𝐾𝑡𝐿subscript𝐻𝑛1𝑡K(t)=L(H_{n-1,t}),

Hn1,tsubscript𝐻𝑛1𝑡H_{n-1,t} est la fonction définie sur {\mathbb{R}} par Hn1,t(x)=Hn1(xt)subscript𝐻𝑛1𝑡𝑥subscript𝐻𝑛1𝑥𝑡H_{n-1,t}(x)=H_{n-1}(x-t).

Le noyau de Peano K(t)𝐾𝑡K(t) est défini pour t[0,T]{αi,mi=n1}𝑡0𝑇subscript𝛼𝑖subscript𝑚𝑖𝑛1t\in[0,T]\setminus\left\{\alpha_{i},\;m_{i}=n-1\right\}. C’est une fonction polynomiale par morceaux, dont la valeur absolue est bornée sur son ensemble de définition par la quantité

1ik|λi|Tn1mi(n1mi)!\sum_{1\leqslant i\leqslant k}\left\lvert\lambda_{i}\right\rvert\frac{T^{n-1-m_{i}}}{(n-1-m_{i})!}\cdotp

Démonstration

Soit fVn([0,T])𝑓subscript𝑉𝑛0𝑇f\in V_{n}([0,T]) et

P(t)=f(0)+f(0)t++f(n1)(0)tn1/(n1)!𝑃𝑡𝑓0superscript𝑓0𝑡superscript𝑓𝑛10superscript𝑡𝑛1𝑛1P(t)=f(0)+f^{\prime}(0)t+\cdots+f^{(n-1)}(0)t^{n-1}/(n-1)!

le polynôme de Taylor d’ordre n1𝑛1n-1 de f𝑓f en 00. Posons g=fP𝑔𝑓𝑃g=f-P, de sorte que gVn([0,T])𝑔subscript𝑉𝑛0𝑇g\in V_{n}([0,T]). On a l’égalité f(n)=g(n)superscript𝑓𝑛superscript𝑔𝑛f^{(n)}=g^{(n)} presque partout, et L(f)=L(g)𝐿𝑓𝐿𝑔L(f)=L(g).

Appliquons à chaque terme de L(g)𝐿𝑔L(g) la formule de Taylor avec reste intégral. Comme les dérivées successives de g𝑔g au point 00 sont nulles jusqu’à l’ordre n1𝑛1n-1, on a

g(mi)(αi)=0αi(αit)n1mi(n1mi)!g(n)(t)𝑑t=0THn1,t(mi)(αi)f(n)(t)𝑑tsuperscript𝑔subscript𝑚𝑖subscript𝛼𝑖superscriptsubscript0subscript𝛼𝑖superscriptsubscript𝛼𝑖𝑡𝑛1subscript𝑚𝑖𝑛1subscript𝑚𝑖superscript𝑔𝑛𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript0𝑇superscriptsubscript𝐻𝑛1𝑡subscript𝑚𝑖subscript𝛼𝑖superscript𝑓𝑛𝑡differential-d𝑡g^{(m_{i})}(\alpha_{i})=\int_{0}^{\alpha_{i}}\frac{(\alpha_{i}-t)^{n-1-m_{i}}}{(n-1-m_{i})!}\,g^{(n)}(t)\,dt=\int_{0}^{T}H_{n-1,t}^{(m_{i})}(\alpha_{i})\,f^{(n)}(t)\,dt (18)

On obtient (17) en multipliant (18) par λisubscript𝜆𝑖\lambda_{i} et en sommant pour 1ik1𝑖𝑘1\leqslant i\leqslant k. La dernière assertion résulte de l’expression

K(t)=1ikλi(αit)n1mi(n1mi)![tαi].𝐾𝑡subscript1𝑖𝑘subscript𝜆𝑖superscriptsubscript𝛼𝑖𝑡𝑛1subscript𝑚𝑖𝑛1subscript𝑚𝑖delimited-[]𝑡subscript𝛼𝑖K(t)=\sum_{1\leqslant i\leqslant k}\lambda_{i}\frac{(\alpha_{i}-t)^{n-1-m_{i}}}{(n-1-m_{i})!}\cdot[t\leqslant\alpha_{i}]. \Box

Ainsi, la proposition 3 explicite le noyau de Peano associé à la forme linéaire

ff(x)(f(T)f(0))/Tmaps-to𝑓superscript𝑓𝑥𝑓𝑇𝑓0𝑇f\mapsto f^{\prime}(x)-\big{(}f(T)-f(0)\big{)}/T

pour l’ordre 222. Un exposé détaillé de la théorie du noyau de Peano est donné par Sard au chapter 1 de [36] (cf. en particulier le §43, p. 25).

La proposition 4 peut être généralisée, au moins qualitativement, grâce au noyau de Peano. Pour cela, il est commode de revenir à une formulation pour l’ensemble n(a,b;[0,T])subscript𝑛𝑎𝑏0𝑇{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;[0,T]) au lieu de n(T)subscript𝑛𝑇{\mathcal{L}}_{n}(T).

Proposition 6

Soit k𝑘k et n𝑛n des nombres entiers, tels que n2𝑛2n\geqslant 2 et 0<k<n0𝑘𝑛0<k<n. Il existe deux constantes positives An,ksubscript𝐴𝑛𝑘A_{n,k} et Bn,ksubscript𝐵𝑛𝑘B_{n,k}, telles que, pour T>0𝑇0T>0, a>0𝑎0a>0, b>0𝑏0b>0, et fn(a,b;[0,T])𝑓subscript𝑛𝑎𝑏0𝑇f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;[0,T]), on ait

f(k)An,kaTk+Bn,kbTnk.subscriptnormsuperscript𝑓𝑘subscript𝐴𝑛𝑘𝑎superscript𝑇𝑘subscript𝐵𝑛𝑘𝑏superscript𝑇𝑛𝑘\|f^{(k)}\|_{\infty}\leqslant A_{n,k}\,aT^{-k}+B_{n,k}\,bT^{n-k}. (19)

Démonstration

L’argumentation qui suit est une variante de celle donnée par deVore et Lorentz dans [11], Theorem 5.6, p. 38.

Tout d’abord, l’existence de constantes An,ksubscript𝐴𝑛𝑘A_{n,k} et Bn,ksubscript𝐵𝑛𝑘B_{n,k} telles que (19) soit vraie pour T=1𝑇1T=1 (et tous a𝑎a, b𝑏b, f𝑓f), entraîne (19) pour tout T𝑇T. En effet, si fn(a,b;[0,T])𝑓subscript𝑛𝑎𝑏0𝑇f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;[0,T]), alors la fonction g𝑔g, définie sur [0,1]delimited-[]0.1[0,1] par g(u)=f(Tu)𝑔𝑢𝑓𝑇𝑢g(u)=f(Tu), appartient à n(a,bTn;[0,1])subscript𝑛𝑎𝑏superscript𝑇𝑛delimited-[]0.1{\mathcal{L}}_{n}(a,bT^{n}\,;[0,1]), donc (19) avec T=1𝑇1T=1 entraîne

Tkf(k)=g(k)An,ka+Bn,kbTn,superscript𝑇𝑘subscriptnormsuperscript𝑓𝑘subscriptnormsuperscript𝑔𝑘subscript𝐴𝑛𝑘𝑎subscript𝐵𝑛𝑘𝑏superscript𝑇𝑛T^{k}\|f^{(k)}\|_{\infty}=\|g^{(k)}\|_{\infty}\leqslant A_{n,k}\,a+B_{n,k}\,bT^{n},

d’où (19).

Ensuite, pour démontrer (19) quand T=1𝑇1T=1, commençons en fixant arbitrairement n𝑛n éléments de [0,1]delimited-[]0.1[0,1],

0α1<<αn1,0subscript𝛼1subscript𝛼𝑛10\leqslant\alpha_{1}<\dots<\alpha_{n}\leqslant 1,

par exemple αi=i/nsubscript𝛼𝑖𝑖𝑛\alpha_{i}=i/n.

Si 0x10𝑥10\leqslant x\leqslant 1, déterminons les coefficients λisubscript𝜆𝑖\lambda_{i}, pour 1in1𝑖𝑛1\leqslant i\leqslant n, de sorte que la forme linéaire

Lx(f)=f(k)(x)1inλif(αi)subscript𝐿𝑥𝑓superscript𝑓𝑘𝑥subscript1𝑖𝑛subscript𝜆𝑖𝑓subscript𝛼𝑖L_{x}(f)=f^{(k)}(x)-\sum_{1\leqslant i\leqslant n}\lambda_{i}f(\alpha_{i})

s’annule lorsque f𝑓f est une fonction polynomiale, de degré <nabsent𝑛<n. Les λisubscript𝜆𝑖\lambda_{i} sont solutions d’un système linéaire n×n𝑛𝑛n\times n, dont le déterminant est le déterminant de Vandermonde formé avec les αisubscript𝛼𝑖\alpha_{i} ; les formules de Cramer montrent que les valeurs absolues de ces solutions sont bornées par des quantités, dépendant de k𝑘k et n𝑛n, mais indépendantes de x[0,1]𝑥delimited-[]0.1x\in[0,1].

D’après la proposition 5, le noyau de Peano Kxsubscript𝐾𝑥K_{x}, associé à la forme linéaire Lxsubscript𝐿𝑥L_{x} pour l’ordre n𝑛n a également une valeur absolue bornée par une quantité, disons Bn,ksubscript𝐵𝑛𝑘B_{n,k}, dépendant de k𝑘k et n𝑛n, mais indépendante de x[0,1]𝑥delimited-[]0.1x\in[0,1].

Comme

f(k)(x)superscript𝑓𝑘𝑥\displaystyle f^{(k)}(x) =1inλif(αi)+Lx(f)absentsubscript1𝑖𝑛subscript𝜆𝑖𝑓subscript𝛼𝑖subscript𝐿𝑥𝑓\displaystyle=\sum_{1\leqslant i\leqslant n}\lambda_{i}f(\alpha_{i})+L_{x}(f)
=1inλif(αi)+01Kx(t)f(n)(t)𝑑t,absentsubscript1𝑖𝑛subscript𝜆𝑖𝑓subscript𝛼𝑖superscriptsubscript01subscript𝐾𝑥𝑡superscript𝑓𝑛𝑡differential-d𝑡\displaystyle=\sum_{1\leqslant i\leqslant n}\lambda_{i}f(\alpha_{i})+\int_{0}^{1}K_{x}(t)f^{(n)}(t)\,dt,

on en déduit que

|f(k)(x)|An,ka+Bn,kb,superscript𝑓𝑘𝑥subscript𝐴𝑛𝑘𝑎subscript𝐵𝑛𝑘𝑏\lvert f^{(k)}(x)\rvert\leqslant A_{n,k}a+B_{n,k}b,

si fn(a,b;[0,1])𝑓subscript𝑛𝑎𝑏delimited-[]0.1f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;[0,1]), où

An,k=1in|λi|.subscript𝐴𝑛𝑘subscript1𝑖𝑛subscript𝜆𝑖A_{n,k}=\sum_{1\leqslant i\leqslant n}\lvert\lambda_{i}\rvert. \Box

Posons An,k=An,k/(nk)superscriptsubscript𝐴𝑛𝑘subscript𝐴𝑛𝑘𝑛𝑘A_{n,k}^{*}=A_{n,k}/(n-k) et Bn,k=Bn,k/ksuperscriptsubscript𝐵𝑛𝑘subscript𝐵𝑛𝑘𝑘B_{n,k}^{*}=B_{n,k}/k. La valeur de T𝑇T pour laquelle le majorant dans (19) est minimal est T0=(An,ka/Bn,kb)1/nsubscript𝑇0superscriptsuperscriptsubscript𝐴𝑛𝑘𝑎superscriptsubscript𝐵𝑛𝑘𝑏1𝑛T_{0}=(A_{n,k}^{*}a/B_{n,k}^{*}b)^{1/n}. Pour TT0𝑇subscript𝑇0T\geqslant T_{0}, tout élément t𝑡t de [0,T]0𝑇[0,T] appartient à un segment de longueur T0subscript𝑇0T_{0}, inclus dans [0,T]0𝑇[0,T], donc on peut majorer |f(k)(t)|superscript𝑓𝑘𝑡\lvert f^{(k)}(t)\rvert en remplaçant T𝑇T par T0subscript𝑇0T_{0} dans (19). On obtient ainsi

f(k)Cn,ka1k/nbk/n(fn(a,b;[0,T]), 0<k<n),subscriptnormsuperscript𝑓𝑘superscriptsubscript𝐶𝑛𝑘superscript𝑎1𝑘𝑛superscript𝑏𝑘𝑛𝑓subscript𝑛𝑎𝑏0𝑇.0𝑘𝑛\ \|f^{(k)}\|_{\infty}\leqslant C_{n,k}^{*}\,a^{1-k/n}\,b^{k/n}\quad\big{(}f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;[0,T]),\;0<k<n\big{)},

Cn,k=nAn,k(1k/n)Bn,kk/nsuperscriptsubscript𝐶𝑛𝑘𝑛superscriptsubscript𝐴𝑛𝑘absent1𝑘𝑛superscriptsubscript𝐵𝑛𝑘absent𝑘𝑛C_{n,k}^{*}=nA_{n,k}^{*(1-k/n)}B_{n,k}^{*k/n}.

Des expressions explicites de constantes An,ksubscript𝐴𝑛𝑘A_{n,k} et Bn,ksubscript𝐵𝑛𝑘B_{n,k}, admissibles dans (19), sont indiquées au §8.3 ci-dessous.

5 Compacité

En notant encore I=[0,T]𝐼0𝑇I=[0,T], considérons l’espace vectoriel W=Wn(I)𝑊subscript𝑊𝑛𝐼W=W_{n}(I) constitué des fonctions fVn(I)𝑓subscript𝑉𝑛𝐼f\in V_{n}(I) telles que f(n1)superscript𝑓𝑛1f^{(n-1)} est lipschitzienne, autrement dit, telles que f(n)<subscriptnormsuperscript𝑓𝑛\|f^{(n)}\|_{\infty}<\infty. C’est un cas particulier d’espace de Sobolev. Considérons deux normes sur W𝑊W :

N1(f)subscript𝑁1𝑓\displaystyle N_{1}(f) =max(f,f,,f(n1))absentsubscriptdelimited-∥∥𝑓subscriptnormsuperscript𝑓subscriptnormsuperscript𝑓𝑛1\displaystyle=\max(\left\lVert f\right\rVert_{\infty},\|f^{\prime}\|_{\infty},\dots,\|f^{(n-1)}\|_{\infty})
N2(f)subscript𝑁2𝑓\displaystyle N_{2}(f) =max(f,f,,f(n1)|,f(n))absentsubscriptdelimited-∥∥𝑓subscriptnormsuperscript𝑓subscriptdelimited-‖|superscript𝑓𝑛1subscriptnormsuperscript𝑓𝑛\displaystyle=\max(\left\lVert f\right\rVert_{\infty},\|f^{\prime}\|_{\infty},\dots,\|f^{(n-1)}|_{\infty},\|f^{(n)}\|_{\infty})

La topologie de (W,N2)𝑊subscript𝑁2(W,N_{2}) est plus fine que celle de (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}). L’espace vectoriel normé (W,N2)𝑊subscript𝑁2(W,N_{2}) est complet, l’espace (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) ne l’est pas.

Proposition 7

L’ensemble n=n(1,1;[0,T])subscript𝑛subscript𝑛1.10𝑇{\mathcal{L}}_{n}={\mathcal{L}}_{n}(1,1\,;\,[0,T]) est

\bullet compact, donc fermé et borné, dans (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) ;

\bullet fermé et borné, mais non compact, dans (W,N2)𝑊subscript𝑁2(W,N_{2}).

Démonstration

D’une part, d’après la proposition 6, nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} est borné dans (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) et dans (W,N2)𝑊subscript𝑁2(W,N_{2}). Comme les évaluations ponctuelles, ff(t0)maps-to𝑓𝑓subscript𝑡0f\mapsto f(t_{0}) et ff(n1)(t0)maps-to𝑓superscript𝑓𝑛1subscript𝑡0f\mapsto f^{(n-1)}(t_{0}), sont continues sur (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) pour tout t0Isubscript𝑡0𝐼t_{0}\in I, l’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, qui est défini par les inégalités

|f(t)|1(tI);|f(n1)(t1)f(n1)(t0)||t1t0|(t0,t1I),formulae-sequence𝑓𝑡1𝑡𝐼superscript𝑓𝑛1subscript𝑡1superscript𝑓𝑛1subscript𝑡0subscript𝑡1subscript𝑡0subscript𝑡0subscript𝑡1𝐼\left\lvert f(t)\right\rvert\leqslant 1\quad(t\in I);\quad\left\lvert f^{(n-1)}(t_{1})-f^{(n-1)}(t_{0})\right\rvert\leqslant\left\lvert t_{1}-t_{0}\right\rvert\quad(t_{0},\,t_{1}\in I),

est un fermé de (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}), et donc aussi de (W,N2)𝑊subscript𝑁2(W,N_{2}). Dans ce dernier espace, nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} contient un voisinage ouvert de 00, et n’est donc pas compact, puisque W𝑊W est de dimension infinie.

Munissons nsuperscript𝑛{\mathbb{R}}^{n} de la norme (x0,,xn1)=max(|x0|,,|xn1|)delimited-∥∥subscript𝑥0subscript𝑥𝑛1subscript𝑥0subscript𝑥𝑛1\left\lVert(x_{0},\dots,x_{n-1})\right\rVert=\max(\left\lvert x_{0}\right\rvert,\dots,\left\lvert x_{n-1}\right\rvert), et considérons l’espace 𝒞𝒞{\mathcal{C}} des fonctions continues, définies sur I𝐼I, à valeurs dans nsuperscript𝑛{\mathbb{R}}^{n}. Muni de la norme uniforme, 𝒞𝒞{\mathcal{C}} est un espace de Banach. L’application linéaire f(f,f,,f(n1))maps-to𝑓𝑓superscript𝑓superscript𝑓𝑛1f\mapsto(f,f^{\prime},\dots,f^{(n-1)}) est un isomorphisme d’espaces vectoriels normés entre (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) et un sous-espace (non fermé) de 𝒞𝒞{\mathcal{C}}, que nous noterons 𝒞1subscript𝒞1{\mathcal{C}}_{1}.

Soit n𝒞1subscriptsuperscript𝑛subscript𝒞1{\mathcal{L}}^{\prime}_{n}\subset{\mathcal{C}}_{1} l’image de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} par cet isomorphisme. Observons d’abord que nsubscriptsuperscript𝑛{\mathcal{L}}^{\prime}_{n} est un fermé, non seulement de 𝒞1subscript𝒞1{\mathcal{C}}_{1}, mais aussi de 𝒞𝒞{\mathcal{C}}. En effet, si la suite (fk)ksubscriptsubscript𝑓𝑘𝑘(f_{k})_{k\in{\mathbb{N}}} d’éléments de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} est telle que

(fk,fk,,fk(n1))(g0,g1,,gn1)𝒞(k),formulae-sequencesubscript𝑓𝑘subscriptsuperscript𝑓𝑘subscriptsuperscript𝑓𝑛1𝑘subscript𝑔0subscript𝑔1subscript𝑔𝑛1𝒞𝑘(f_{k},f^{\prime}_{k},\dots,f^{(n-1)}_{k})\rightarrow(g_{0},g_{1},\dots,g_{n-1})\in{\mathcal{C}}\quad(k\rightarrow\infty),

alors, puisque la convergence est uniforme, la fonction g0subscript𝑔0g_{0} est (n1)𝑛1(n-1) fois dérivable, et l’on a g0(i)=gisuperscriptsubscript𝑔0𝑖subscript𝑔𝑖g_{0}^{(i)}=g_{i} pour 0in10𝑖𝑛10\leqslant i\leqslant n-1. De plus, la fonction g(n1)superscript𝑔𝑛1g^{(n-1)}, limite uniforme de la suite de fonctions lipschitziennes de rapport 111, (fk(n1))subscriptsuperscript𝑓𝑛1𝑘(f^{(n-1)}_{k}), est elle-même lipschitzienne de rapport 111.

D’après la proposition 6, les normes des fonctions appartenant à nsubscriptsuperscript𝑛{\mathcal{L}}^{\prime}_{n} sont uniformément bornées par une quantité λ=λn(T)[1,[\lambda=\lambda_{n}(T)\in[1,\infty[, et toutes ces fonctions sont lipschitziennes, de rapport λ𝜆\lambda. L’ensemble nsubscriptsuperscript𝑛{\mathcal{L}}^{\prime}_{n} est donc une partie équicontinue de 𝒞𝒞{\mathcal{C}} et, pour tout t0Isubscript𝑡0𝐼t_{0}\in I, l’ensemble {G(t0),Gn}𝐺subscript𝑡0𝐺subscriptsuperscript𝑛\left\{G(t_{0}),\,G\in{\mathcal{L}}^{\prime}_{n}\right\} est borné dans nsuperscript𝑛{\mathbb{R}}^{n}, donc a une adhérence compacte.

D’après le théorème d’Ascoli (cf., par exemple, [13], §6.3, p. 87-88), nsubscriptsuperscript𝑛{\mathcal{L}}^{\prime}_{n} a une adhérence compacte dans 𝒞𝒞{\mathcal{C}}. Comme nsubscriptsuperscript𝑛{\mathcal{L}}^{\prime}_{n} est fermé, c’est un compact, et son image isomorphe nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} dans l’espace (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) est aussi compacte. \Box

Le théorème de Krein et Milman (cf. [35], Theorem 3.23, p. 75), entraîne donc la proposition suivante.

Proposition 8

L’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} est l’enveloppe convexe fermée dans (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) de l’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{F}}_{n} de ses points extrêmes.

Cela étant, le Theorem 3.2, p. 1159 de [34] incite à se demander si une propriété plus forte est vraie ou non.

Question 1

L’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} est-il l’enveloppe convexe fermée de nsubscript𝑛{\mathcal{F}}_{n} dans (W,N2)𝑊subscript𝑁2(W,N_{2})?

6 Problèmes extrémaux dans nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} : généralités

6.1 Fonctions extrémales

Plusieurs variantes du problème de Landau étudiées dans la littérature sont du type suivant. On se donne une fonction ΦΦ\Phi, à valeurs réelles, définie sur n=n(T)subscript𝑛subscript𝑛𝑇{\mathcal{L}}_{n}={\mathcal{L}}_{n}(T), convexe, et continue pour la topologie de (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}), définie au paragraphe précédent. Il s’agit de déterminer la borne supérieure supΦsupremumΦ\sup\Phi, et l’ensemble

𝒦(Φ)={fn,Φ(f)=supΦ}.𝒦Φformulae-sequence𝑓subscript𝑛Φ𝑓supremumΦ{\mathcal{K}}(\Phi)=\left\{f\in{\mathcal{L}}_{n},\,\Phi(f)=\sup\Phi\right\}.

Les éléments de 𝒦(Φ)𝒦Φ{\mathcal{K}}(\Phi) sont les fonctions extrémales pour ΦΦ\Phi.

Avant d’énoncer la proposition suivante, qui rassemble quelques faits classiques, rappelons la définition de partie extrême. Si ABE𝐴𝐵𝐸A\subset B\subset E, où E𝐸E est un espace vectoriel réel, on dit que A𝐴A est extrême dans B𝐵B si

b1,b2B,t]0,1[,tb1+(1t)b2Ab1A et b2A.\forall\,b_{1},b_{2}\in B,\;\forall t\in\,]0,1[,\;tb_{1}+(1-t)b_{2}\in A\Rightarrow b_{1}\in A\text{ et }b_{2}\in A.

Ainsi, par exemple, les points extrêmes de B𝐵B correspondent aux parties extrêmes de B𝐵B ne contenant qu’un élément. La relation binaire «  être extrême dans  » est une relation d’ordre sur l’ensemble 𝒫(E)𝒫𝐸{\mathcal{P}}(E) des parties de E𝐸E. En particulier, si A𝐴A est extrême dans B𝐵B, et si C𝐶C désigne l’ensemble des points extrêmes de B𝐵B, alors l’ensemble des points extrêmes de A𝐴A est AC𝐴𝐶A\cap C.

Proposition 9

L’ensemble 𝒦=𝒦(Φ)𝒦𝒦Φ{\mathcal{K}}={\mathcal{K}}(\Phi) est

\bullet non vide ;

\bullet compact pour la topologie de (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}) ;

\bullet extrême dans nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} ;

\bullet contenu dans l’enveloppe convexe fermée de n𝒦subscript𝑛𝒦{\mathcal{F}}_{n}\cap{\mathcal{K}} dans (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}).

Si, en outre, ΦΦ\Phi est la restriction à nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} d’une forme linéaire continue sur (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}), l’ensemble 𝒦𝒦{\mathcal{K}} est

\bullet convexe, égal à l’enveloppe convexe fermée de n𝒦subscript𝑛𝒦{\mathcal{F}}_{n}\cap{\mathcal{K}} dans (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}).

Démonstration

Les deux premières assertions découlent de la continuité de ΦΦ\Phi et de la compacité de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} pour la topologie de (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}). La troisième assertion découle de la convexité de ΦΦ\Phi.

Comme 𝒦𝒦{\mathcal{K}} est une partie extrême de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, l’ensemble des points extrêmes de 𝒦𝒦{\mathcal{K}} est n𝒦subscript𝑛𝒦{\mathcal{F}}_{n}\cap{\mathcal{K}}. La quatrième assertion résulte alors de la variante du théorème de Krein et Milman, énoncée comme Theorem 3.24, p. 76 de [35].

Enfin , la cinquième assertion résulte de l’hypothèse supplémentaire de linéarité, et du théorème de Krein et Milman. \Box

Il résulte de la première et de la quatrième assertion de la proposition 9 que n𝒦subscript𝑛𝒦{\mathcal{F}}_{n}\cap{\mathcal{K}} est non vide : il existe un point extrême de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n} où la borne supérieure de ΦΦ\Phi est atteinte. Autrement dit, pour déterminer cette borne supérieure, on peut se contenter d’examiner la restriction de ΦΦ\Phi à l’ensemble nsubscript𝑛{\mathcal{F}}_{n} des points extrêmes de nsubscript𝑛{\mathcal{L}}_{n}, dont la description est l’objet de la proposition 1.

6.2 Monotonie

Une autre propriété simple, mais essentielle, est la décroissance des bornes supérieures (1) lorsque l’intervalle I𝐼I grandit.

Proposition 10

Soit a𝑎a et b𝑏b des nombres réels strictement positifs, k𝑘k et n𝑛n des nombres entiers tels que 0<k<n0𝑘𝑛0<k<n. Si I𝐼I est un intervalle fermé de {\mathbb{R}}, posons

σ(a,b;k,n;I)=supfn(a,b;I)f(k).subscript𝜎𝑎𝑏𝑘𝑛𝐼subscriptsupremum𝑓subscript𝑛𝑎𝑏𝐼subscriptnormsuperscript𝑓𝑘\sigma_{\infty}(a,b\,;\,k,n\,;\,I)=\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I)}\|f^{(k)}\|_{\infty}.

Si J𝐽J est un intervalle fermé de {\mathbb{R}} tel que IJ𝐼𝐽I\subset J, on a

σ(a,b;k,n;J)σ(a,b;k,n;I).subscript𝜎𝑎𝑏𝑘𝑛𝐽subscript𝜎𝑎𝑏𝑘𝑛𝐼\sigma_{\infty}(a,b\,;\,k,n\,;\,J)\leqslant\sigma_{\infty}(a,b\,;\,k,n\,;\,I).

Démonstration

Soit fn(a,b;J)𝑓subscript𝑛𝑎𝑏𝐽f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,J) et t0Jsubscript𝑡0𝐽t_{0}\in J. Il existe un nombre réel t1subscript𝑡1t_{1} tel que

t0t1+IJsubscript𝑡0subscript𝑡1𝐼𝐽t_{0}\in t_{1}+I\subset J

(on peut prendre t1=±dist(t0,I)subscript𝑡1plus-or-minusdistsubscript𝑡0𝐼t_{1}=\pm{\rm dist}(t_{0},I)). La fonction g:I:𝑔𝐼g:I\rightarrow{\mathbb{R}}, définie par g(t)=f(t+t1)𝑔𝑡𝑓𝑡subscript𝑡1g(t)=f(t+t_{1}), appartient à n(a,b;I)subscript𝑛𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I), donc

|f(k)(t0)|=|g(k)(t0t1)|σ(a,b;k,n;I).superscript𝑓𝑘subscript𝑡0superscript𝑔𝑘subscript𝑡0subscript𝑡1subscript𝜎𝑎𝑏𝑘𝑛𝐼\lvert f^{(k)}(t_{0})\rvert=\lvert g^{(k)}(t_{0}-t_{1})\rvert\leqslant\sigma_{\infty}(a,b\,;\,k,n\,;\,I).

Comme t0subscript𝑡0t_{0} est un élément quelconque de J𝐽J, on a bien l’inégalité annoncée. \Box

7 Le cas n=2𝑛2n=2

7.1 Le problème extrémal de Landau pour I=[0,T]𝐼0𝑇I=[0,T]

Soit T>0𝑇0T>0. Pour simplifier l’écriture dans les cas où une seule valeur de T𝑇T intervient, nous posons =2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}={\mathcal{L}}_{2}(T).

Soit

σ(T)=supff.subscript𝜎𝑇subscriptsupremum𝑓subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓\sigma_{\infty}(T)=\sup_{f\in{\mathcal{L}}}\,\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}.

Des fonctions extrémales pour ce problème étant faciles à déterminer, les propositions 4 et 10 vont nous fournir la valeur de σ(T)subscript𝜎𝑇\sigma_{\infty}(T).

Proposition 11

On a

σ(T)={2/T+T/2(T2)2(T2).subscript𝜎𝑇cases2𝑇𝑇2𝑇22𝑇2\sigma_{\infty}(T)=\begin{dcases}2/T+T/2&(T\leqslant 2)\\ 2&(T\geqslant 2).\end{dcases}

Démonstration

Par la proposition 4, on a σ(T)2/T+T/2subscript𝜎𝑇2𝑇𝑇2\sigma_{\infty}(T)\leqslant 2/T+T/2.

Si T2𝑇2T\leqslant 2, la fonction f𝑓f définie par

f(t)=t2/2+(2/T+T/2)t1𝑓𝑡superscript𝑡222𝑇𝑇2𝑡1f(t)=-t^{2}/2+(2/T+T/2)t-1 (20)

appartient à {\mathcal{L}} et vérifie f(0)=2/T+T/2superscript𝑓02𝑇𝑇2f^{\prime}(0)=2/T+T/2, donc σ(T)=2/T+T/2subscript𝜎𝑇2𝑇𝑇2\sigma_{\infty}(T)=2/T+T/2.

Si T>2𝑇2T>2, la proposition 10 montre que σ(T)σ(2)=2subscript𝜎𝑇subscript𝜎22\sigma_{\infty}(T)\leqslant\sigma_{\infty}(2)=2. La fonction f𝑓f définie par

f(t)={t2/2+2t1(0t2)1(t>2).𝑓𝑡casessuperscript𝑡222𝑡10𝑡21𝑡2f(t)=\begin{dcases}-t^{2}/2+2t-1&(0\leqslant t\leqslant 2)\\ 1&(t>2).\end{dcases} (21)

appartient à {\mathcal{L}} et vérifie f(0)=2superscript𝑓02f^{\prime}(0)=2, donc σ(T)=2subscript𝜎𝑇2\sigma_{\infty}(T)=2. \Box

7.2 Le problème extrémal de Landau pour I=[0,[I=[0,\infty[

La proposition suivante est un corollaire de la proposition 11.

Proposition 12

On a

supf2(1,1;[0,[)f=2\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,[0,\infty[\,)}\,\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}=2

Démonstration

La proposition 10 montre que cette borne supérieure est σ(2)=2absentsubscript𝜎22\leqslant\sigma_{\infty}(2)=2, borne atteinte si f𝑓f est définie par (21). \Box

Schoenberg montre dans [38] (Theorem 9, p. 149) que toute fonction f2(1,1;[0,[)f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;[0,\infty[\,), vérifiant f=2subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓2\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}=2, est telle que

f(t)=±(t2/2+2t1)(0t2).𝑓𝑡plus-or-minussuperscript𝑡222𝑡10𝑡2f(t)=\pm(-t^{2}/2+2t-1)\quad(0\leqslant t\leqslant 2).

7.3 Variante ponctuelle du problème extrémal de Landau

Fixons maintenant un point t0I=[0,T]subscript𝑡0𝐼0𝑇t_{0}\in I=[0,T]. Nous nous proposons de déterminer la quantité

σ(t0,T)=supff(t0),𝜎subscript𝑡0𝑇subscriptsupremum𝑓superscript𝑓subscript𝑡0\sigma(t_{0},T)=\sup_{f\in{\mathcal{L}}}f^{\prime}(t_{0}),

et une fonction f𝑓f extrémale pour ce problème, c’est-à-dire telle que f(t0)=σ(t0,T)superscript𝑓subscript𝑡0𝜎subscript𝑡0𝑇f^{\prime}(t_{0})=\sigma(t_{0},T). L’invariance de l’ensemble {\mathcal{L}} par l’application ffmaps-to𝑓𝑓f\mapsto-f montre que l’on a également

σ(t0,T)=supf|f(t0)|.𝜎subscript𝑡0𝑇subscriptsupremum𝑓superscript𝑓subscript𝑡0\sigma(t_{0},T)=\sup_{f\in{\mathcal{L}}}\,\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert.

Ce problème est un cas particulier de celui étudié par Landau dans son article [28] de 1925. La condition sur f′′superscript𝑓′′f^{\prime\prime} y est plus générale, étant de la forme 2αf′′2β2𝛼superscript𝑓′′2𝛽-2\alpha\leqslant f^{\prime\prime}\leqslant 2\beta, ou même simplement 2αf′′2𝛼superscript𝑓′′-2\alpha\leqslant f^{\prime\prime} ou f′′2βsuperscript𝑓′′2𝛽f^{\prime\prime}\leqslant 2\beta.

7.3.1 Les fonctions φ𝜑\varphi et G𝐺G

L’étude de ce problème s’appuie sur la considération des deux fonctions suivantes,

φ(x)𝜑𝑥\displaystyle\varphi(x) =2x2+4x(x0)absent2superscript𝑥24𝑥𝑥0\displaystyle=\sqrt{2x^{2}+4}\,-x\quad(x\geqslant 0)
G(x,y)𝐺𝑥𝑦\displaystyle G(x,y) =2x+y+x2+y22(x+y)(x0,y0,x+y>0).absent2𝑥𝑦superscript𝑥2superscript𝑦22𝑥𝑦formulae-sequence𝑥0formulae-sequence𝑦0𝑥𝑦0\displaystyle=\frac{2}{x+y}+\frac{x^{2}+y^{2}}{2(x+y)}\quad(x\geqslant 0,\,y\geqslant 0,\,x+y>0).

Observons que G𝐺G est symétrique : G(x,y)=G(y,x)𝐺𝑥𝑦𝐺𝑦𝑥G(x,y)=G(y,x).

Proposition 13

La fonction φ(x)𝜑𝑥\varphi(x) est décroissante pour 0x20𝑥20\leqslant x\leqslant\sqrt{2}, croissante pour x2𝑥2x\geqslant\sqrt{2}, avec φ(0)=φ(4)=2𝜑0𝜑42\varphi(0)=\varphi(4)=2 et φ(2)=2𝜑22\varphi(\sqrt{2})=\sqrt{2}.

En particulier, on a φ(x)2𝜑𝑥2\varphi(x)\geqslant\sqrt{2} pour tout x0𝑥0x\geqslant 0.

Démonstration

Cela résulte du calcul de la dérivée,

φ(x)=1+2/2+4/x2(x>0).superscript𝜑𝑥1224superscript𝑥2𝑥0\varphi^{\prime}(x)=-1+2/\sqrt{2+4/x^{2}}\quad(x>0). \Box
Proposition 14

Pour x,y0𝑥𝑦0x,y\geqslant 0 tels que x+y>0𝑥𝑦0x+y>0, on a

G(x,y)𝐺𝑥𝑦\displaystyle G(x,y) >y(y<φ(x))absent𝑦𝑦𝜑𝑥\displaystyle>y\quad(y<\varphi(x))
G(x,y)𝐺𝑥𝑦\displaystyle G(x,y) =y(y=φ(x))absent𝑦𝑦𝜑𝑥\displaystyle=y\quad(y=\varphi(x))
G(x,y)𝐺𝑥𝑦\displaystyle G(x,y) <y(y>φ(x)).absent𝑦𝑦𝜑𝑥\displaystyle<y\quad(y>\varphi(x)).

Démonstration

Cela résulte de l’identité

yG(x,y)x+y=12x2+2(x+y)2(x0,y0,x+y>0).𝑦𝐺𝑥𝑦𝑥𝑦12superscript𝑥22superscript𝑥𝑦2formulae-sequence𝑥0formulae-sequence𝑦0𝑥𝑦0\frac{y-G(x,y)}{x+y}=\frac{1}{2}-\frac{x^{2}+2}{(x+y)^{2}}\quad(x\geqslant 0,\,y\geqslant 0,\,x+y>0). \Box

7.3.2 Détermination de σ(t0,T)𝜎subscript𝑡0𝑇\sigma(t_{0},T)

Pour commencer, observons que l’application fgmaps-to𝑓𝑔f\mapsto g, où g(t)=f(Tt)𝑔𝑡𝑓𝑇𝑡g(t)=-f(T-t), est une involution sur {\mathcal{L}}, telle que f(t0)=g(Tt0)superscript𝑓subscript𝑡0superscript𝑔𝑇subscript𝑡0f^{\prime}(t_{0})=g^{\prime}(T-t_{0}). On se ramène donc au cas t0T/2subscript𝑡0𝑇2t_{0}\leqslant T/2, c’est-à-dire t0Tt0subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0t_{0}\leqslant T-t_{0}.

Proposition 15

Soit f𝑓f\in{\mathcal{L}}, t0[0,T]subscript𝑡00𝑇t_{0}\in[0,T], et hh, hsuperscripth^{\prime} tels que

h0,h0,h+h>0,0t0ht0t0+hT.formulae-sequence0formulae-sequencesuperscript0formulae-sequencesuperscript00subscript𝑡0subscript𝑡0subscript𝑡0superscript𝑇h\geqslant 0,\;h^{\prime}\geqslant 0,\;h+h^{\prime}>0,\quad 0\leqslant t_{0}-h\leqslant t_{0}\leqslant t_{0}+h^{\prime}\leqslant T.

Alors f(t0)G(h,h).superscript𝑓subscript𝑡0𝐺superscriptf^{\prime}(t_{0})\leqslant G(h,h^{\prime}).

Démonstration

En appliquant la proposition 3 à la fonction tf(t0h+t)maps-to𝑡𝑓subscript𝑡0𝑡t\mapsto f(t_{0}-h+t) sur l’intervalle [0,h+h]0superscript[0,h+h^{\prime}], on obtient

f(t0)superscript𝑓subscript𝑡0\displaystyle f^{\prime}(t_{0}) =f(t0+h)f(t0h)h+h+0h+hK(h,t;h+h)f′′(t0h+t)𝑑tabsent𝑓subscript𝑡0superscript𝑓subscript𝑡0superscriptsuperscriptsubscript0superscript𝐾𝑡superscriptsuperscript𝑓′′subscript𝑡0𝑡differential-d𝑡\displaystyle=\frac{f(t_{0}+h^{\prime})-f(t_{0}-h)}{h+h^{\prime}}+\int_{0}^{h+h^{\prime}}K(h,t\,;\,h+h^{\prime})\,f^{\prime\prime}(t_{0}-h+t)\,dt
2/(h+h)+0h+h|K(h,t;h+h)|𝑑t(car f)absent2superscriptsuperscriptsubscript0superscript𝐾𝑡superscriptdifferential-d𝑡(car f)\displaystyle\leqslant 2/(h+h^{\prime})+\int_{0}^{h+h^{\prime}}\left\lvert K(h,t\,;\,h+h^{\prime})\right\rvert\,dt\quad\text{\footnotesize(car $f\in{\mathcal{L}}$)}
=2/(h+h)+(h2+h2)/2(h+h),absent2superscriptsuperscript2superscript22superscript\displaystyle=2/(h+h^{\prime})+(h^{2}+h^{\prime 2})/2(h+h^{\prime}),

d’après (14). \Box

Nous pouvons maintenant déterminer σ(t0,T)𝜎subscript𝑡0𝑇\sigma(t_{0},T). Pour chaque couple (t0,T)subscript𝑡0𝑇(t_{0},T), une fonction extrémale est mentionnée dans la démonstration.

Proposition 16

Soit t0[0,T/2]subscript𝑡00𝑇2t_{0}\in[0,T/2]. On a

σ(t0,T)={2/T+T/2t0(Tt0)/T(t02 et T2t02+4)2t02+4t0(t02 et T>2t02+4)2(t0>2).𝜎subscript𝑡0𝑇cases2𝑇𝑇2subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0𝑇subscript𝑡02 et 𝑇2superscriptsubscript𝑡0242superscriptsubscript𝑡024subscript𝑡0subscript𝑡02 et 𝑇2superscriptsubscript𝑡0242subscript𝑡02\sigma(t_{0},T)=\begin{dcases}2/T+T/2-t_{0}(T-t_{0})/T&(t_{0}\leqslant\sqrt{2}\,\text{ et }\,T\leqslant\sqrt{2t_{0}^{2}+4}\,)\\ \sqrt{2t_{0}^{2}+4}\,-t_{0}&(t_{0}\leqslant\sqrt{2}\,\text{ et }\,T>\sqrt{2t_{0}^{2}+4})\\ \sqrt{2}&(t_{0}>\sqrt{2}).\end{dcases}

Démonstration

D’après la proposition 15, on a toujours σ(t0,T)G(t0,Tt0)=2/T+T/2t0(Tt0)/T𝜎subscript𝑡0𝑇𝐺subscript𝑡0𝑇subscript𝑡02𝑇𝑇2subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0𝑇\sigma(t_{0},T)\leqslant G(t_{0},T-t_{0})=2/T+T/2-t_{0}(T-t_{0})/T (cf. (16)).

\bullet Si t02subscript𝑡02t_{0}\leqslant\sqrt{2} et Tt0φ(t0)𝑇subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0T-t_{0}\leqslant\varphi(t_{0}), on a aussi t0φ(Tt0)subscript𝑡0𝜑𝑇subscript𝑡0t_{0}\leqslant\varphi(T-t_{0}), donc G(t0,Tt0)max(t0,Tt0)𝐺subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0G(t_{0},T-t_{0})\geqslant\max(t_{0},T-t_{0}), d’après la proposition 14. La proposition 2 donne alors explicitement une fonction f1subscript𝑓1f_{1}\in{\mathcal{L}} telle que f1(t0)=G(t0,Tt0)superscriptsubscript𝑓1subscript𝑡0𝐺subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0f_{1}^{\prime}(t_{0})=G(t_{0},T-t_{0}).

\bullet Si t02subscript𝑡02t_{0}\leqslant\sqrt{2} et Tt0>φ(t0)𝑇subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0T-t_{0}>\varphi(t_{0}), le choix h=t0subscript𝑡0h=t_{0}, h=φ(t0)superscript𝜑subscript𝑡0h^{\prime}=\varphi(t_{0}), dans la proposition 15, fournit l’inégalité

σ(t0,T)G(t0,φ(t0))=φ(t0).𝜎subscript𝑡0𝑇𝐺subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0\sigma(t_{0},T)\leqslant G\big{(}t_{0},\varphi(t_{0})\big{)}=\varphi(t_{0}).

Pour montrer que σ(t0,T)=φ(t0)𝜎subscript𝑡0𝑇𝜑subscript𝑡0\sigma(t_{0},T)=\varphi(t_{0}), considérons la fonction f2subscript𝑓2f_{2} définie sur [0,T]0𝑇[0,T] par

f2(t)={1+(φ(t0)t0)t+t2/2(0tt0)1(tφ(t0)t0)2/2(t0tt0+φ(t0))1(t0+φ(t0)tT).subscript𝑓2𝑡cases1𝜑subscript𝑡0subscript𝑡0𝑡superscript𝑡220𝑡subscript𝑡01superscript𝑡𝜑subscript𝑡0subscript𝑡022subscript𝑡0𝑡subscript𝑡0𝜑subscript𝑡01subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0𝑡𝑇f_{2}(t)=\begin{dcases}-1+\big{(}\varphi(t_{0})-t_{0}\big{)}t+t^{2}/2&(0\leqslant t\leqslant t_{0})\\ 1-(t-\varphi(t_{0})-t_{0})^{2}/2&\big{(}t_{0}\leqslant t\leqslant t_{0}+\varphi(t_{0})\big{)}\\ 1&\big{(}t_{0}+\varphi(t_{0})\leqslant t\leqslant T\big{)}.\end{dcases} (22)

Les trois branches de f2subscript𝑓2f_{2} et de f2superscriptsubscript𝑓2f_{2}^{\prime} se raccordent continûment aux points t0subscript𝑡0t_{0} et t0+φ(t0)subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0t_{0}+\varphi(t_{0}) ; pour la fonction f2subscript𝑓2f_{2} au point t0subscript𝑡0t_{0}, on utilise l’équation

φ(t0)2+2t0φ(t0)t024=0.𝜑superscriptsubscript𝑡022subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0superscriptsubscript𝑡0240\varphi(t_{0})^{2}+2t_{0}\varphi(t_{0})-t_{0}^{2}-4=0.

La dérivée seconde f2′′superscriptsubscript𝑓2′′f_{2}^{\prime\prime} ne prend que les valeurs 00 et ±1plus-or-minus1\pm 1. Comme φ(t0)2t0𝜑subscript𝑡02subscript𝑡0\varphi(t_{0})\geqslant\sqrt{2}\geqslant t_{0}, on vérifie que f2(t)subscript𝑓2𝑡f_{2}(t) croît strictement de f2(0)=1subscript𝑓201f_{2}(0)=-1 à f2(t0+φ(t0))=1subscript𝑓2subscript𝑡0𝜑subscript𝑡01f_{2}\big{(}t_{0}+\varphi(t_{0})\big{)}=1 lorsque t𝑡t croît de 00 à t0+φ(t0)subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0t_{0}+\varphi(t_{0}). Ainsi, f2subscript𝑓2f_{2}\in{\mathcal{L}} et f2(t0)=φ(t0)superscriptsubscript𝑓2subscript𝑡0𝜑subscript𝑡0f_{2}^{\prime}(t_{0})=\varphi(t_{0}), d’où le résultat.

\bullet Si t0>2subscript𝑡02t_{0}>\sqrt{2}, donc Tt0t0>2𝑇subscript𝑡0subscript𝑡02T-t_{0}\geqslant t_{0}>\sqrt{2}, le choix h=h=2superscript2h=h^{\prime}=\sqrt{2}, dans la proposition 15, fournit l’inégalité

σ(t0,T)G(2,2)=2.𝜎subscript𝑡0𝑇𝐺222\sigma(t_{0},T)\leqslant G(\sqrt{2},\sqrt{2})=\sqrt{2}.

Si l’on pose f3(t)=q(tt02)subscript𝑓3𝑡𝑞𝑡subscript𝑡02f_{3}(t)=q(t-t_{0}-\sqrt{2}), on a f3subscript𝑓3f_{3}\in{\mathcal{L}} et f3(t0)=2superscriptsubscript𝑓3subscript𝑡02f_{3}^{\prime}(t_{0})=\sqrt{2}, d’où l’égalité σ(t0,T)=2𝜎subscript𝑡0𝑇2\sigma(t_{0},T)=\sqrt{2}. \Box

Notons que, dans la proposition 16,

\bullet si T2𝑇2T\leqslant 2, seul le premier cas se produit ;

\bullet si 2<T222𝑇222<T\leqslant 2\sqrt{2}, seuls les deux premiers cas se produisent ;

\bullet si T>22𝑇22T>2\sqrt{2}, seuls les deux derniers cas se produisent.

7.4 Une fonction de comparaison

La fonction suivante joue un rôle central dans l’étude du problème de Landau sur {\mathbb{R}}. Elle est définie comme la fonction q::𝑞q:{\mathbb{R}}\rightarrow{\mathbb{R}}, de période 42424\sqrt{2}, telle que

q(t)𝑞𝑡\displaystyle q(t) =1t2/2(|t|2)absent1superscript𝑡22𝑡2\displaystyle=1-t^{2}/2\quad(\left\lvert t\right\rvert\leqslant\sqrt{2})
q(t+22)𝑞𝑡22\displaystyle q(t+2\sqrt{2}) =q(t)(|t|2).absent𝑞𝑡𝑡2\displaystyle=-q(t)\quad(\left\lvert t\right\rvert\leqslant\sqrt{2}).

On en déduit que cette dernière relation est valable pour tout t𝑡t, et que q𝑞q est une fonction paire. On a aussi la relation q(2+t)=q(2t)𝑞2𝑡𝑞2𝑡q(\sqrt{2}+t)=-q(\sqrt{2}-t) pour tout t𝑡t.

La figure 1 donne une représentation graphique des fonctions q𝑞q, qsuperscript𝑞q^{\prime} et q′′superscript𝑞′′q^{\prime\prime}. La fonction q𝑞q est dérivable sur {\mathbb{R}}, et deux fois dérivable sur (2+22)222{\mathbb{R}}\setminus(\sqrt{2}+2\sqrt{2}\,{\mathbb{Z}}), vérifiant

q(t)superscript𝑞𝑡\displaystyle q^{\prime}(t) =tabsent𝑡\displaystyle=-t
q′′(t)superscript𝑞′′𝑡\displaystyle q^{\prime\prime}(t) =1,absent1\displaystyle=-1,

pour |t|2𝑡2\left\lvert t\right\rvert\leqslant\sqrt{2}. On a

q=q′′=1;q=2,\left\lVert q\right\rVert_{\infty}=\left\lVert q^{\prime\prime}\right\rVert_{\infty}=1\quad;\quad\left\lVert q^{\prime}\right\rVert_{\infty}=\sqrt{2},

et la fonction q𝑞q vérifie l’équation différentielle

|q|=1q 2/2.𝑞1superscript𝑞22\left\lvert q\right\rvert=1-q^{\prime\,2}/2. (23)
Refer to caption
Figure 1: La fonction q𝑞q et ses dérivées, première et seconde

En revenant au cas général, nous dirons qu’une fonction φn(a,b;I)𝜑subscript𝑛𝑎𝑏𝐼\varphi\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I) est une fonction de comparaison pour cet ensemble si

fn(a,b;I),t0,t1I,f(t0)=φ(t1)|f(t0)||φ(t1)|.formulae-sequencefor-all𝑓subscript𝑛𝑎𝑏𝐼for-allsubscript𝑡0formulae-sequencesubscript𝑡1𝐼𝑓subscript𝑡0𝜑subscript𝑡1superscript𝑓subscript𝑡0superscript𝜑subscript𝑡1\forall f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;\,I),\;\forall\,t_{0},t_{1}\in I,\;f(t_{0})=\varphi(t_{1})\Rightarrow\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert\leqslant\left\lvert\varphi^{\prime}(t_{1})\right\rvert.

Cette notion a été introduite par Kolmogorov (cf. [24], p. 281, [6], p. 265). Elle est l’objet d’une étude détaillée au chapitre 3 de [25].

Nous allons voir que la fonction q𝑞q est une fonction de comparaison pour 2(1,1;)subscript21.1{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}), mais nous aurons l’usage d’une propriété plus précise.

Proposition 17

Soit T22𝑇22T\geqslant 2\sqrt{2}, et t0subscript𝑡0t_{0} tel que 2t0T22subscript𝑡0𝑇2\sqrt{2}\,\leqslant t_{0}\leqslant T-\sqrt{2}. Si f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) et t1subscript𝑡1t_{1}\in{\mathbb{R}}, on a

f(t0)=q(t1)|f(t0)||q(t1)|.𝑓subscript𝑡0𝑞subscript𝑡1superscript𝑓subscript𝑡0superscript𝑞subscript𝑡1f(t_{0})=q(t_{1})\Rightarrow\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert\leqslant\left\lvert q^{\prime}(t_{1})\right\rvert.

Démonstration

Supposons d’abord f(t0)0𝑓subscript𝑡00f(t_{0})\geqslant 0 et f(t0)0superscript𝑓subscript𝑡00f^{\prime}(t_{0})\geqslant 0. Soit t2subscript𝑡2t_{2} tel que 2t202subscript𝑡20-\sqrt{2}\leqslant t_{2}\leqslant 0, et q(t2)=q(t1)𝑞subscript𝑡2𝑞subscript𝑡1q(t_{2})=q(t_{1}). On a donc

t2=q(t2)=|q(t1)|.subscript𝑡2superscript𝑞subscript𝑡2superscript𝑞subscript𝑡1-t_{2}=q^{\prime}(t_{2})=\left\lvert q^{\prime}(t_{1})\right\rvert.

Si t2=0subscript𝑡20t_{2}=0, on a f(t0)=q(t2)=1𝑓subscript𝑡0𝑞subscript𝑡21f(t_{0})=q(t_{2})=1, donc f(t0)=0=q(t2)superscript𝑓subscript𝑡00superscript𝑞subscript𝑡2f^{\prime}(t_{0})=0=q^{\prime}(t_{2}).

Si 2t2<02subscript𝑡20-\sqrt{2}\leqslant t_{2}<0, on a

1f(t0t2)1𝑓subscript𝑡0subscript𝑡2\displaystyle 1\geqslant f(t_{0}-t_{2}) =f(t0)+0t2f(t0+t)𝑑tabsent𝑓subscript𝑡0superscriptsubscript0subscript𝑡2superscript𝑓subscript𝑡0𝑡differential-d𝑡\displaystyle=f(t_{0})+\int_{0}^{-t_{2}}f^{\prime}(t_{0}+t)\,dt
=q(t2)t2f(t0)+0t2(f(t0+t)f(t0))𝑑tabsent𝑞subscript𝑡2subscript𝑡2superscript𝑓subscript𝑡0superscriptsubscript0subscript𝑡2superscript𝑓subscript𝑡0𝑡superscript𝑓subscript𝑡0differential-d𝑡\displaystyle=q(t_{2})-t_{2}f^{\prime}(t_{0})+\int_{0}^{-t_{2}}\big{(}f^{\prime}(t_{0}+t)-f^{\prime}(t_{0})\big{)}\,dt
q(t2)t2f(t0)+0t2(t)𝑑t,absent𝑞subscript𝑡2subscript𝑡2superscript𝑓subscript𝑡0superscriptsubscript0subscript𝑡2𝑡differential-d𝑡\displaystyle\geqslant q(t_{2})-t_{2}f^{\prime}(t_{0})+\int_{0}^{-t_{2}}(-t)\,dt,

puisque f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). On en déduit

t2f(t0)1q(t2)+t22/2=t2q(t2),subscript𝑡2superscript𝑓subscript𝑡01𝑞subscript𝑡2superscriptsubscript𝑡222subscript𝑡2superscript𝑞subscript𝑡2-t_{2}f^{\prime}(t_{0})\leqslant 1-q(t_{2})+t_{2}^{2}/2=-t_{2}q^{\prime}(t_{2}),

et donc encore f(t0)q(t2)superscript𝑓subscript𝑡0superscript𝑞subscript𝑡2f^{\prime}(t_{0})\leqslant q^{\prime}(t_{2}).

Les cas correspondant aux trois autres possibilités pour (sgnf(t0),sgnf(t0))sgn𝑓subscript𝑡0sgnsuperscript𝑓subscript𝑡0\big{(}{\rm sgn}\,f(t_{0}),{\rm sgn}\,f^{\prime}(t_{0})\big{)} se ramènent à celui que nous avons traité, en remplaçant la fonction f𝑓f par g𝑔g, t0subscript𝑡0t_{0} par t0subscriptsuperscript𝑡0t^{\prime}_{0}, et t1subscript𝑡1t_{1} par t1subscriptsuperscript𝑡1t^{\prime}_{1}, avec,

\bullet pour (+,)(+,-), g(t)=f(Tt)𝑔𝑡𝑓𝑇𝑡g(t)=f(T-t), t0=Tt0subscriptsuperscript𝑡0𝑇subscript𝑡0t^{\prime}_{0}=T-t_{0} et t1=t1subscriptsuperscript𝑡1subscript𝑡1t^{\prime}_{1}=t_{1} ;

\bullet pour (,+)(-,+), g(t)=f(Tt)𝑔𝑡𝑓𝑇𝑡g(t)=-f(T-t), t0=Tt0subscriptsuperscript𝑡0𝑇subscript𝑡0t^{\prime}_{0}=T-t_{0} et t1=t1+22subscriptsuperscript𝑡1subscript𝑡122t^{\prime}_{1}=t_{1}+2\sqrt{2} ;

\bullet pour (,)(-,-), g(t)=f(t)𝑔𝑡𝑓𝑡g(t)=-f(t), t0=t0subscriptsuperscript𝑡0subscript𝑡0t^{\prime}_{0}=t_{0} et t1=t1+22subscriptsuperscript𝑡1subscript𝑡122t^{\prime}_{1}=t_{1}+2\sqrt{2}. \Box

La propriété de q𝑞q d’être une fonction de comparaison pour 2(1,1;)subscript21.1{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}) découle de cette proposition : si f2(1,1;)𝑓subscript21.1f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}), si t0,t1subscript𝑡0subscript𝑡1t_{0},\,t_{1}\in{\mathbb{R}} et f(t0)=q(t1)𝑓subscript𝑡0𝑞subscript𝑡1f(t_{0})=q(t_{1}), la proposition 17 appliquée au point 22\sqrt{2} et à la fonction g:[0,22]:𝑔delimited-[]0.22g:[0,2\sqrt{2}]\rightarrow{\mathbb{R}} définie par g(t)=f(t+t02)𝑔𝑡𝑓𝑡subscript𝑡02g(t)=f(t+t_{0}-\sqrt{2}\,), fournit bien l’inégalité |f(t0)||q(t1)|superscript𝑓subscript𝑡0superscript𝑞subscript𝑡1\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert\leqslant\left\lvert q^{\prime}(t_{1})\right\rvert.

7.5 Le problème de Landau pour I=𝐼I={\mathbb{R}}

La solution du problème de Landau sur {\mathbb{R}} peut être énoncée sous la forme précisée qui suit.

Proposition 18

Pour f2(1,1;)𝑓subscript21.1f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}) et t𝑡t\in{\mathbb{R}}, on a

|f(t)|2(1|f(t)|).superscript𝑓𝑡21𝑓𝑡\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(t)\right\rvert\big{)}}.

En particulier,

supf2(1,1;)f=2,subscriptsupremum𝑓subscript21.1subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓2\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}})}\,\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}=\sqrt{2}, (24)

et cette borne est atteinte pour f=q𝑓𝑞f=q.

Démonstration

Comme |f(t)|1𝑓𝑡1\left\lvert f(t)\right\rvert\leqslant 1, il existe t1subscript𝑡1t_{1}\in{\mathbb{R}} tel que f(t)=q(t1)𝑓𝑡𝑞subscript𝑡1f(t)=q(t_{1}). Comme q𝑞q est une fonction de comparaison pour 2(1,1;)subscript21.1{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}), on a

|f(t)||q(t1)|=2(1|q(t1)|)=2(1|f(t)|),superscript𝑓𝑡superscript𝑞subscript𝑡121𝑞subscript𝑡121𝑓𝑡\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\left\lvert q^{\prime}(t_{1})\right\rvert=\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert q(t_{1})\right\rvert\big{)}}=\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(t)\right\rvert\big{)}},

où l’on a utilisé l’équation différentielle (23). \Box

La fonction q𝑞q n’est pas l’unique fonction f2(1,1;)𝑓subscript21.1f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}) vérifiant (24). Un autre exemple (parmi une infinité) est la fonction tq(min(|t|,22))maps-to𝑡𝑞𝑡.22t\mapsto q\big{(}\min(\left\lvert t\right\rvert,2\sqrt{2}\,)\big{)}.

De façon analogue, on déduit de la proposition 17 la proposition suivante.

Proposition 19

Soit f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) et t𝑡t tel que 2tT22𝑡𝑇2\sqrt{2}\leqslant t\leqslant T-\sqrt{2}. On a

|f(t)|2(1|f(t)|).superscript𝑓𝑡21𝑓𝑡\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(t)\right\rvert\big{)}}\,.

En particulier, si 2t0T22subscript𝑡0𝑇2\sqrt{2}\leqslant t_{0}\leqslant T-\sqrt{2}, on retrouve le fait, vu à la proposition 16, que

supf2(T)|f(t0)|=2.subscriptsupremum𝑓subscript2𝑇superscript𝑓subscript𝑡02\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(T)}\,\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert=\sqrt{2}.

7.6 Propriétés de prolongement

Si T>0𝑇0T>0, h>00h>0, et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T), il est possible que f𝑓f ne soit pas prolongeable en une fonction appartenant à 2(T+h)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T+h). En revanche, si 0<ε10𝜀10<\varepsilon\leqslant 1 et si hh est assez petit, un tel prolongement est possible pour la fonction (1ε)f1𝜀𝑓(1-\varepsilon)f, comme le précise la proposition suivante.

Proposition 20

Soit T>0𝑇0T>0, h>00h>0, 0<ε10𝜀10<\varepsilon\leqslant 1, et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). Si

|ϑ|1 et  0<hε/(|ϑ|+σ(T)),italic-ϑ1 et  0𝜀italic-ϑsubscript𝜎𝑇\left\lvert\vartheta\right\rvert\leqslant 1\,\text{ et }\,0<h\leqslant\varepsilon/\big{(}\left\lvert\vartheta\right\rvert+\sigma_{\infty}(T)\big{)},

alors la fonction g𝑔g définie sur [0,T+h]0𝑇[0,T+h] par

g(t)={(1ε)f(t)(0tT)(1ε)f(T)+(1ε)f(T)(tT)+ϑ(tT)2/2(T<tT+h)𝑔𝑡cases1𝜀𝑓𝑡0𝑡𝑇1𝜀𝑓𝑇1𝜀superscript𝑓𝑇𝑡𝑇italic-ϑsuperscript𝑡𝑇22𝑇𝑡𝑇g(t)=\begin{dcases}(1-\varepsilon)f(t)&(0\leqslant t\leqslant T)\\ (1-\varepsilon)f(T)+(1-\varepsilon)f^{\prime}(T)(t-T)+\vartheta(t-T)^{2}/2&(T<t\leqslant T+h)\end{dcases} (25)

appartient à 2(T+h)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T+h).

Démonstration

Les deux branches de la fonction g𝑔g et de sa dérivée se raccordent au point T𝑇T, et |g′′|1superscript𝑔′′1\left\lvert g^{\prime\prime}\right\rvert\leqslant 1 presque partout. Par conséquent, g2(T+h)𝑔subscript2𝑇g\in{\mathcal{L}}_{2}(T+h) pourvu que sa valeur absolue soit bornée par 111 sur ]T,T+h]]T,T+h], ce qui sera réalisé si

(1ε)|f(T)|+(1ε)|f(T)|h+|ϑ|h2/21,1𝜀𝑓𝑇1𝜀superscript𝑓𝑇italic-ϑsuperscript221(1-\varepsilon)\left\lvert f(T)\right\rvert+(1-\varepsilon)\left\lvert f^{\prime}(T)\right\rvert h+\left\lvert\vartheta\right\rvert h^{2}/2\leqslant 1,

ou encore, puisque |f(T)|1𝑓𝑇1\left\lvert f(T)\right\rvert\leqslant 1 et |f(T)|σ(T)superscript𝑓𝑇subscript𝜎𝑇\left\lvert f^{\prime}(T)\right\rvert\leqslant\sigma_{\infty}(T), si

0<h2 et  1ε+σ(T)h+|ϑ|h1,02 et 1𝜀subscript𝜎𝑇italic-ϑ10<h\leqslant 2\,\text{ et }\,1-\varepsilon+\sigma_{\infty}(T)h+\left\lvert\vartheta\right\rvert h\leqslant 1,

c’est-à-dire si hε/(|ϑ|+σ(T))𝜀italic-ϑsubscript𝜎𝑇h\leqslant\varepsilon/\big{(}\left\lvert\vartheta\right\rvert+\sigma_{\infty}(T)\big{)}, quantité 1/2absent12\leqslant 1/2. \Box

La proposition suivante décrit un cas où le prolongement de f𝑓f est possible, non au sens ordinaire, mais, en quelque sorte, «  à l’intérieur  » de sa courbe représentative.

Proposition 21

Soit T>0𝑇0T>0 et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). On suppose qu’il existe t0[0,T[t_{0}\in[0,T[ tel que f(t0)=0superscript𝑓subscript𝑡00f^{\prime}(t_{0})=0 et f(t0)<1𝑓subscript𝑡01f(t_{0})<1. Soit hh tel que 0<h41f(t0)041𝑓subscript𝑡00<h\leqslant 4\sqrt{1-f(t_{0})}. Alors la fonction g𝑔g définie sur [0,T+h]0𝑇[0,T+h] par

g(t)={f(t)(0tt0)f(t0)+(tt0)2/2(t0<tt0+h/4)f(t0)+h2/16(tt0h/2)2/2(t0+h/4<tt0+3h/4)f(t0)+(tt0h)2/2(t0+3h/4<tt0+h)f(th)(t0+h<tT+h)𝑔𝑡cases𝑓𝑡0𝑡subscript𝑡0𝑓subscript𝑡0superscript𝑡subscript𝑡022subscript𝑡0𝑡subscript𝑡04𝑓subscript𝑡0superscript216superscript𝑡subscript𝑡0222subscript𝑡04𝑡subscript𝑡034𝑓subscript𝑡0superscript𝑡subscript𝑡022subscript𝑡034𝑡subscript𝑡0𝑓𝑡subscript𝑡0𝑡𝑇g(t)=\begin{dcases}f(t)&(0\leqslant t\leqslant t_{0})\\ f(t_{0})+(t-t_{0})^{2}/2&(t_{0}<t\leqslant t_{0}+h/4)\\ f(t_{0})+h^{2}/16-(t-t_{0}-h/2)^{2}/2&(t_{0}+h/4<t\leqslant t_{0}+3h/4)\\ f(t_{0})+(t-t_{0}-h)^{2}/2&(t_{0}+3h/4<t\leqslant t_{0}+h)\\ f(t-h)&(t_{0}+h<t\leqslant T+h)\end{dcases} (26)

appartient à 2(T+h)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T+h).

Démonstration

Les cinq branches de g𝑔g et de sa dérivée se raccordent aux points de jonctions des intervalles consécutifs, on a |g′′|1superscript𝑔′′1\left\lvert g^{\prime\prime}\right\rvert\leqslant 1 presque partout, et la «  bosse  », insérée dans la courbe représentative de f𝑓f, a une hauteur h2/161f(t0)superscript2161𝑓subscript𝑡0h^{2}/16\leqslant 1-f(t_{0}). \Box

Enfin, en adoptant un autre point de vue, on peut se demander à quelle condition un élément f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in\leavevmode\nobreak\ {\mathcal{L}}_{2}(T) est prolongeable en une fonction appartenant à 2(1,1;)subscript21.1{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}). La réponse est fournie par la proposition suivante.

Proposition 22

Soit f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). Les quatre assertions suivantes sont équivalentes.

(i)𝑖(i) Il existe g2(1,1;)𝑔subscript21.1g\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}) dont la restriction à [0,T]0𝑇[0,T] coïncide avec f𝑓f, et telle que gsuperscript𝑔g^{\prime} est à support compact ;

(ii)𝑖𝑖(ii) Il existe g2(1,1;)𝑔subscript21.1g\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}) dont la restriction à [0,T]0𝑇[0,T] coïncide avec f𝑓f ;

(iii)𝑖𝑖𝑖(iii) Pour tout t[0,T]𝑡0𝑇t\in[0,T], on a |f(t)|2(1|f(t)|)superscript𝑓𝑡21𝑓𝑡\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(t)\right\rvert\big{)}}\, ;

(iv)𝑖𝑣(iv) On a |f(0)|2(1|f(0)|)superscript𝑓021𝑓0\left\lvert f^{\prime}(0)\right\rvert\leqslant\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(0)\right\rvert\big{)}}\, et |f(T)|2(1|f(T)|)superscript𝑓𝑇21𝑓𝑇\left\lvert f^{\prime}(T)\right\rvert\leqslant\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(T)\right\rvert\big{)}}\,.

Démonstration

Les implications (i)(ii)𝑖𝑖𝑖(i)\Rightarrow(ii) et (iii)(iv)𝑖𝑖𝑖𝑖𝑣(iii)\Rightarrow(iv) sont triviales, et l’implication (ii)(iii)𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖(ii)\Rightarrow(iii) découle de la proposition 18. Il reste à démontrer que (iv)𝑖𝑣(iv) entraîne (i)𝑖(i).

Si la condition (iv)𝑖𝑣(iv) est remplie, définissons une fonction g::𝑔g:{\mathbb{R}}\rightarrow{\mathbb{R}} par

g(t)={f(0)sgnf(0)f(0)2/2(t|f(0)|)f(0)+f(0)t+sgnf(0)t2/2(|f(0)|<t0)f(t)(0<tT)f(T)+f(T)(tT)sgnf(T)(tT)2/2(T<tT+|f(T)|)f(T)+sgnf(T)f(T)2/2(t>T+|f(T)|)𝑔𝑡cases𝑓0sgnsuperscript𝑓0superscript𝑓superscript022𝑡superscript𝑓0𝑓0superscript𝑓0𝑡sgnsuperscript𝑓0superscript𝑡22superscript𝑓0𝑡0𝑓𝑡0𝑡𝑇𝑓𝑇superscript𝑓𝑇𝑡𝑇sgnsuperscript𝑓𝑇superscript𝑡𝑇22𝑇𝑡𝑇superscript𝑓𝑇𝑓𝑇sgnsuperscript𝑓𝑇superscript𝑓superscript𝑇22𝑡𝑇superscript𝑓𝑇g(t)=\begin{dcases}f(0)-{\rm sgn}\,f^{\prime}(0)\cdot f^{\prime}(0)^{2}/2&(t\leqslant-\left\lvert f^{\prime}(0)\right\rvert)\\ f(0)+f^{\prime}(0)t+{\rm sgn}\,f^{\prime}(0)\cdot t^{2}/2&(-\left\lvert f^{\prime}(0)\right\rvert<t\leqslant 0)\\ f(t)&(0<t\leqslant T)\\ f(T)+f^{\prime}(T)(t-T)-{\rm sgn}\,f^{\prime}(T)\cdot(t-T)^{2}/2&(T<t\leqslant T+\left\lvert f^{\prime}(T)\right\rvert)\\ f(T)+{\rm sgn}\,f^{\prime}(T)\cdot f^{\prime}(T)^{2}/2&(t>T+\left\lvert f^{\prime}(T)\right\rvert)\end{dcases} (27)

Les branches de g𝑔g se raccordent, et de même pour gsuperscript𝑔g^{\prime}, aux points de jonctions. La fonction g𝑔g est continûment dérivable, et gsuperscript𝑔g^{\prime} est lipschitzienne de rapport 111, et à support compact. De plus, la deuxième et la quatrième branche sont monotones, les sens de variation étant donnés par les signes de f(0)superscript𝑓0f^{\prime}(0) et f(T)superscript𝑓𝑇f^{\prime}(T), respectivement. Pour vérifier que g2(1,1;)𝑔subscript21.1g\in\leavevmode\nobreak\ {\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}), il reste donc seulement à vérifier que les constantes définissant la première et la cinquième branche de g𝑔g ont des valeurs absolues 1absent1\leqslant 1, ce qui résulte de (iv)𝑖𝑣(iv). \Box

Observons que l’équivalence entre (iii)𝑖𝑖𝑖(iii) et (iv)𝑖𝑣(iv) est une sorte de «  principe du maximum  » dans l’ensemble 2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T).

La proposition suivante est issue du Lemma 1, p. 60 de [7]

Proposition 23

Soit T>22𝑇22T>2\sqrt{2} et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). Alors il existe g2(1,1;)𝑔subscript21.1g\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}), dont la dérivée est à support compact, et telle que f(t)=g(t)𝑓𝑡𝑔𝑡f(t)=g(t) pour tout t[2,T2]𝑡2𝑇2t\in[\sqrt{2},T-\sqrt{2}\,].

Démonstration

D’après la proposition 19, la fonction f𝑓f vérifie

|f(t)|2(1|f(t)|)(2tT2).superscript𝑓𝑡21𝑓𝑡2𝑡𝑇2\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\sqrt{2\big{(}1-\left\lvert f(t)\right\rvert\big{)}}\quad(\sqrt{2}\leqslant t\leqslant T-\sqrt{2}\,).

Le résultat découle donc de la proposition 22, avec le segment [0,T]0𝑇[0,T] remplacé par le segment [2,T2]2𝑇2[\sqrt{2},T-\sqrt{2}\,]. \Box

7.7 Le problème extrémal pour la vitesse moyenne

Si f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T), la quantité

ΦT(f)=0T|f(t)|𝑑tsubscriptΦ𝑇𝑓superscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\Phi_{T}(f)=\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt

est la variation totale de f𝑓f. Dans l’interprétation cinématique, c’est la distance totale parcourue par la particule lors de ses allées et venues dans le segment [1,1]delimited-[]1.1[-1,1], pendant l’intervalle de temps 0tT0𝑡𝑇0\leqslant t\leqslant T. Quant à ΦT(f)/TsubscriptΦ𝑇𝑓𝑇\Phi_{T}(f)/T, c’est la valeur moyenne de la valeur absolue de la vitesse de la particule.

La proposition 9 s’applique à ΦTsubscriptΦ𝑇\Phi_{T}, qui est convexe et continue pour la topologie de (W,N1)𝑊subscript𝑁1(W,N_{1}). Pour T>0𝑇0T>0, nous noterons

σ1(T)=supf2(T)ΦT(f).subscript𝜎1𝑇subscriptsupremum𝑓subscript2𝑇subscriptΦ𝑇𝑓\sigma_{1}(T)=\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(T)}\Phi_{T}(f).

Par convention, σ1(0)=0subscript𝜎100\sigma_{1}(0)=0.

L’étude de σ1(T)subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T) et des fonctions extrémales correspondantes a été notamment abordée, sous une forme plus générale, par Bojanov et Naidenov (cf. [6] et [7]), puis Naidenov (cf. [31]). Le présent paragraphe est une introduction à ces travaux.

7.7.1 Observations préalables

Nous utiliserons les trois faits suivants.

\bullet Si f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) et si fsuperscript𝑓f^{\prime} ne s’annule pas dans l’intervalle ]α,β[[0,T]]\alpha,\beta[\,\subset[0,T], alors

αβ|f(t)|𝑑t=|αβf(t)𝑑t|=|f(β)f(α)|2.superscriptsubscript𝛼𝛽superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript𝛼𝛽superscript𝑓𝑡differential-d𝑡𝑓𝛽𝑓𝛼2\int_{\alpha}^{\beta}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt=\left\lvert\int_{\alpha}^{\beta}f^{\prime}(t)\,dt\right\rvert=\left\lvert f(\beta)-f(\alpha)\right\rvert\leqslant 2.

\bullet Si f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) et si f(t0)=0superscript𝑓subscript𝑡00f^{\prime}(t_{0})=0, où 0t0T0subscript𝑡0𝑇0\leqslant t_{0}\leqslant T, alors

|f(t)||tt0|(0tT).superscript𝑓𝑡𝑡subscript𝑡00𝑡𝑇\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\left\lvert t-t_{0}\right\rvert\quad(0\leqslant t\leqslant T).

\bullet Si αt0β𝛼subscript𝑡0𝛽\alpha\leqslant t_{0}\leqslant\beta, l’intégrale

αβ|tt0|𝑑t=(t0α)2+(βt0)22superscriptsubscript𝛼𝛽𝑡subscript𝑡0differential-d𝑡superscriptsubscript𝑡0𝛼2superscript𝛽subscript𝑡022\int_{\alpha}^{\beta}\left\lvert t-t_{0}\right\rvert\,dt=\frac{(t_{0}-\alpha)^{2}+(\beta-t_{0})^{2}}{2}

est une fonction de la variable t0subscript𝑡0t_{0}, décroissante sur [α,(α+β)/2]𝛼𝛼𝛽2[\alpha,(\alpha+\beta)/2], croissante sur [(α+β)/2,β]𝛼𝛽2𝛽[(\alpha+\beta)/2,\beta]. Son maximum est atteint aux points α𝛼\alpha et β𝛽\beta, et vaut (βα)2/2superscript𝛽𝛼22(\beta-\alpha)^{2}/2.

7.7.2 Valeur de σ1(T)subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T) pour T4𝑇4T\leqslant 4

Proposition 24

Pour 0<T20𝑇20<T\leqslant 2, on a σ1(T)=2subscript𝜎1𝑇2\sigma_{1}(T)=2.

Démonstration

Supposons 0<T20𝑇20<T\leqslant 2. La fonction

τ(t)=1+(2/TT/2)t+t2/2(0tT),𝜏𝑡12𝑇𝑇2𝑡superscript𝑡220𝑡𝑇\tau(t)=-1+(2/T-T/2)t+t^{2}/2\quad(0\leqslant t\leqslant T),

vérifie τ′′=1superscript𝜏′′1\tau^{\prime\prime}=1, τ(0)=1𝜏01\tau(0)=-1, τ(T)=1𝜏𝑇1\tau(T)=1, et

τ(t)=t+2/TT/2t0(0tT).formulae-sequencesuperscript𝜏𝑡𝑡2𝑇𝑇2𝑡00𝑡𝑇\tau^{\prime}(t)=t+2/T-T/2\geqslant t\geqslant 0\quad(0\leqslant t\leqslant T).

Elle appartient donc à 2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T) (on a d’ailleurs τ(t)=f(Tt)𝜏𝑡𝑓𝑇𝑡\tau(t)=-f(T-t), si f𝑓f est définie par (20)). Comme

0T|τ(t)|𝑑t=0Tτ(t)𝑑t=τ(T)τ(0)=2,superscriptsubscript0𝑇superscript𝜏𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript0𝑇superscript𝜏𝑡differential-d𝑡𝜏𝑇𝜏02\int_{0}^{T}\left\lvert\tau^{\prime}(t)\right\rvert\,dt=\int_{0}^{T}\tau^{\prime}(t)\,dt=\tau(T)-\tau(0)=2,

on a σ1(T)2subscript𝜎1𝑇2\sigma_{1}(T)\geqslant 2.

Maintenant, soit f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). Examinons deux cas.

Premier cas : il existe t0[0,T]subscript𝑡00𝑇t_{0}\in[0,T] tel que f(t0)=0superscript𝑓subscript𝑡00f^{\prime}(t_{0})=0.

On a alors

0T|f(t)|𝑑t0T|tt0|𝑑tT2/22.superscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript0𝑇𝑡subscript𝑡0differential-d𝑡superscript𝑇222\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt\leqslant\int_{0}^{T}\left\lvert t-t_{0}\right\rvert\,dt\leqslant T^{2}/2\leqslant 2.

Second cas : la dérivée fsuperscript𝑓f^{\prime} ne s’annule pas sur [0,T]0𝑇[0,T]. On a donc ΦT(f)2subscriptΦ𝑇𝑓2\Phi_{T}(f)\leqslant 2.

Par conséquent, σ1(T)2subscript𝜎1𝑇2\sigma_{1}(T)\leqslant 2. \Box

Proposition 25

Pour 2T42𝑇42\leqslant T\leqslant 4, on a

σ1(T)=T2/22T+4.subscript𝜎1𝑇superscript𝑇222𝑇4\sigma_{1}(T)=T^{2}/2-2T+4.

Démonstration

Nous explicitons dans ce cas particulier la remarque de Bojanov et Naidenov, p. 68 de [7].

Posons

φ(t)=1+(t2)2/2(0tT).𝜑𝑡1superscript𝑡2220𝑡𝑇\varphi(t)=-1+(t-2)^{2}/2\quad(0\leqslant t\leqslant T). (28)

On a φ2(T)𝜑subscript2𝑇\varphi\in{\mathcal{L}}_{2}(T), et

ΦT(φ)=0T|t2|𝑑t=2+(T2)2/2=T2/22T+4,subscriptΦ𝑇𝜑superscriptsubscript0𝑇𝑡2differential-d𝑡2superscript𝑇222superscript𝑇222𝑇4\Phi_{T}(\varphi)=\int_{0}^{T}\left\lvert t-2\right\rvert\,dt=2+(T-2)^{2}/2=T^{2}/2-2T+4,

donc σ1(T)T2/22T+4subscript𝜎1𝑇superscript𝑇222𝑇4\sigma_{1}(T)\geqslant T^{2}/2-2T+4.

Pour démontrer l’inégalité en sens inverse, considérons f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). Examinons deux cas.

Premier cas : la dérivée fsuperscript𝑓f^{\prime} ne s’annule pas sur [0,T]0𝑇[0,T]. On a alors ΦT(f)2<2+(T2)2/2subscriptΦ𝑇𝑓22superscript𝑇222\Phi_{T}(f)\leqslant 2<2+(T-2)^{2}/2.

Second cas : la dérivée fsuperscript𝑓f^{\prime} s’annule en un point t0[0,T]subscript𝑡00𝑇t_{0}\in[0,T] ; on a donc |f(t)||tt0|superscript𝑓𝑡𝑡subscript𝑡0\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\leqslant\left\lvert t-t_{0}\right\rvert pour tout t[0,T]𝑡0𝑇t\in[0,T].

Premier sous-cas : t02subscript𝑡02t_{0}\geqslant 2. On a alors

ΦT(f)subscriptΦ𝑇𝑓\displaystyle\Phi_{T}(f) =02|f(t)|𝑑t+2T|f(t)|𝑑tabsentsuperscriptsubscript02superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript2𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\displaystyle=\int_{0}^{2}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{2}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt
σ1(2)+2T|tt0|𝑑tabsentsubscript𝜎12superscriptsubscript2𝑇𝑡subscript𝑡0differential-d𝑡\displaystyle\leqslant\sigma_{1}(2)+\int_{2}^{T}\left\lvert t-t_{0}\right\rvert\,dt
2+(T2)2/2.absent2superscript𝑇222\displaystyle\leqslant 2+(T-2)^{2}/2.

Deuxième sous-cas : t0T2subscript𝑡0𝑇2t_{0}\leqslant T-2. Ce sous-cas se ramène au précédent en remplaçant la fonction f𝑓f par la fonction tf(Tt)maps-to𝑡𝑓𝑇𝑡t\mapsto f(T-t).

Troisième sous-cas : T2<t0<2𝑇2subscript𝑡02T-2<t_{0}<2. On a alors

ΦT(f)0T|tt0|𝑑t0T|t2|𝑑t=2+(T2)2/2.subscriptΦ𝑇𝑓superscriptsubscript0𝑇𝑡subscript𝑡0differential-d𝑡superscriptsubscript0𝑇𝑡2differential-d𝑡2superscript𝑇222\Phi_{T}(f)\leqslant\int_{0}^{T}\left\lvert t-t_{0}\right\rvert\,dt\leqslant\int_{0}^{T}\left\lvert t-2\right\rvert\,dt=2+(T-2)^{2}/2. \Box

7.7.3 Sous-additivité

Proposition 26

La fonction σ1subscript𝜎1\sigma_{1} est sous-additive : pour T1,T2>0subscript𝑇1subscript𝑇20T_{1},T_{2}>0, on a

σ1(T1+T2)σ1(T1)+σ1(T2).subscript𝜎1subscript𝑇1subscript𝑇2subscript𝜎1subscript𝑇1subscript𝜎1subscript𝑇2\sigma_{1}(T_{1}+T_{2})\leqslant\sigma_{1}(T_{1})+\sigma_{1}(T_{2}).

Démonstration

Pour T=T1+T2𝑇subscript𝑇1subscript𝑇2T=T_{1}+T_{2} et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T), on a

ΦT(f)=0T1|f(t)|𝑑t+0T2|f(T1+t)|𝑑tσ1(T1)+σ1(T2).subscriptΦ𝑇𝑓superscriptsubscript0subscript𝑇1superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript0subscript𝑇2superscript𝑓subscript𝑇1𝑡differential-d𝑡subscript𝜎1subscript𝑇1subscript𝜎1subscript𝑇2\Phi_{T}(f)=\int_{0}^{T_{1}}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{0}^{T_{2}}\left\lvert f^{\prime}(T_{1}+t)\right\rvert\,dt\leqslant\sigma_{1}(T_{1})+\sigma_{1}(T_{2}). \Box

En écrivant T=2T/2+2{T/2}𝑇2𝑇22𝑇2T=2\left\lfloor T/2\right\rfloor+2\left\{T/2\right\}, on en déduit une première majoration de σ1(T)subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T) :

σ1(T)T/2σ1(2)+σ1(2{T/2})2T/2+2T+2(T>0).formulae-sequencesubscript𝜎1𝑇𝑇2subscript𝜎12subscript𝜎12𝑇22𝑇22𝑇2𝑇0\sigma_{1}(T)\leqslant\left\lfloor T/2\right\rfloor\sigma_{1}(2)+\sigma_{1}(2\left\{T/2\right\})\leqslant 2\left\lfloor T/2\right\rfloor+2\leqslant T+2\quad(T>0). (29)

Pour 4T84𝑇84\leqslant T\leqslant 8, on déduit des propositions 25 et 26 la majoration

σ1(T)2σ1(T/2)=4+(T4)2/4(4T8).formulae-sequencesubscript𝜎1𝑇2subscript𝜎1𝑇24superscript𝑇4244𝑇8\sigma_{1}(T)\leqslant 2\sigma_{1}(T/2)=4+(T-4)^{2}/4\quad(4\leqslant T\leqslant 8). (30)
Proposition 27

La limite

limTσ1(T)/Tsubscript𝑇subscript𝜎1𝑇𝑇\lim_{T\rightarrow\infty}\sigma_{1}(T)/T

existe, et est égale à

infT>0σ1(T)/T.subscriptinfimum𝑇0subscript𝜎1𝑇𝑇\inf_{T>0}\sigma_{1}(T)/T.

Démonstration

D’après (29), la fonction σ1subscript𝜎1\sigma_{1} est bornée sur tout intervalle ]0,A]]0,A] (par A+2𝐴2A+2). Le résultat découle alors de la sous-additivité de σ1subscript𝜎1\sigma_{1} et de la version continue du lemme de Fekete donnée par Hille et Phillips dans [21], Theorem 7.6.1, p. 244. \Box

La proposition 31 ci-dessous prouvera que cette limite vaut 1/2121/\sqrt{2}.

7.7.4 Continuité

Proposition 28

La fonction σ1subscript𝜎1\sigma_{1} est continue sur ]0,[]0,\infty[.

Démonstration

Nous allons montrer les inégalités

σ1(T+h)subscript𝜎1𝑇\displaystyle\sigma_{1}(T+h) σ1(T)+hσ(T)(T>0,h>0)absentsubscript𝜎1𝑇subscript𝜎𝑇formulae-sequence𝑇00\displaystyle\leqslant\sigma_{1}(T)+h\sigma_{\infty}(T)\quad(T>0,\,h>0) (31)
σ1(T+h)subscript𝜎1𝑇\displaystyle\sigma_{1}(T+h) σ1(T)hσ(T)σ1(T)(T>0, 0<h1/σ(T))absentsubscript𝜎1𝑇subscript𝜎𝑇subscript𝜎1𝑇𝑇0.01subscript𝜎𝑇\displaystyle\geqslant\sigma_{1}(T)-h\sigma_{\infty}(T)\sigma_{1}(T)\quad(T>0,\,0<h\leqslant 1/\sigma_{\infty}(T)) (32)

Compte tenu de (29), comme σ(T)subscript𝜎𝑇\sigma_{\infty}(T) est une fonction décroissante de T𝑇T, il en résultera que, pour tous α𝛼\alpha, A𝐴A tels que 0<α<A0𝛼𝐴0<\alpha<A, nous aurons

|σ1(T+h)σ1(T)|Ch(αTA, 0<h1/σ(α)),subscript𝜎1𝑇subscript𝜎1𝑇𝐶𝛼𝑇𝐴.01subscript𝜎𝛼\left\lvert\sigma_{1}(T+h)-\sigma_{1}(T)\right\rvert\leqslant Ch\quad(\alpha\leqslant T\leqslant A,\;0<h\leqslant 1/\sigma_{\infty}(\alpha)\,),

avec C=(A+2)σ(α)𝐶𝐴2subscript𝜎𝛼C=(A+2)\sigma_{\infty}(\alpha), d’où la continuité annoncée ; σ1subscript𝜎1\sigma_{1} est même lipschitzienne sur tout segment de ]0,[]0,\infty[.

Démontrons (31). Pour T,h>0𝑇0T,h>0, et f2(T+h)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T+h), on a

TT+h|f(t)|𝑑thσ(T+h)hσ(T),superscriptsubscript𝑇𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡subscript𝜎𝑇subscript𝜎𝑇\int_{T}^{T+h}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt\leqslant h\,\sigma_{\infty}(T+h)\leqslant h\,\sigma_{\infty}(T),

donc

ΦT+h(f)=0T|f(t)|𝑑t+TT+h|f(t)|𝑑tσ1(T)+hσ(T).subscriptΦ𝑇𝑓superscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript𝑇𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡subscript𝜎1𝑇subscript𝜎𝑇\Phi_{T+h}(f)=\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{T}^{T+h}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt\leqslant\sigma_{1}(T)+h\sigma_{\infty}(T).

Démontrons (32). Soit T>0𝑇0T>0 et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) telle que ΦT(f)=σ1(T)subscriptΦ𝑇𝑓subscript𝜎1𝑇\Phi_{T}(f)=\sigma_{1}(T). Si 0<h1/σ(T)01subscript𝜎𝑇0<h\leqslant 1/\sigma_{\infty}(T), posons ε=hσ(T)𝜀subscript𝜎𝑇\varepsilon=h\sigma_{\infty}(T), et considérons la fonction g𝑔g définie par (25), avec ϑ=0italic-ϑ0\vartheta=0. Elle appartient à 2(T+h)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T+h), et

σ1(T+h)subscript𝜎1𝑇\displaystyle\sigma_{1}(T+h) 0T|g(t)|𝑑t=(1ε)0T|f(t)|𝑑tabsentsuperscriptsubscript0𝑇superscript𝑔𝑡differential-d𝑡1𝜀superscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\displaystyle\geqslant\int_{0}^{T}\left\lvert g^{\prime}(t)\right\rvert\,dt=(1-\varepsilon)\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt
=(1ε)σ1(T)=σ1(T)hσ(T)σ1(T).absent1𝜀subscript𝜎1𝑇subscript𝜎1𝑇subscript𝜎𝑇subscript𝜎1𝑇\displaystyle=(1-\varepsilon)\sigma_{1}(T)=\sigma_{1}(T)-h\sigma_{\infty}(T)\sigma_{1}(T). \Box

7.7.5 Monotonie

Proposition 29

La fonction σ1subscript𝜎1\sigma_{1} est strictement croissante sur [2,[[2,\infty[.

Démonstration

La proposition 25 permet de se ramener à l’intervalle [4,[[4,\infty[. On a d’abord la minoration σ1(T)4subscript𝜎1𝑇4\sigma_{1}(T)\geqslant 4 pour tout T4𝑇4T\geqslant 4, car la fonction f0subscript𝑓0f_{0} définie par

f0(t)={1+(t2)2/2(0t2)0(2<t<T2)1+(tT+2)2/2(T2tT)subscript𝑓0𝑡cases1superscript𝑡2220𝑡202𝑡𝑇21superscript𝑡𝑇222𝑇2𝑡𝑇f_{0}(t)=\begin{dcases}-1+(t-2)^{2}/2&(0\leqslant t\leqslant 2)\\ 0&(2<t<T-2)\\ -1+(t-T+2)^{2}/2&(T-2\leqslant t\leqslant T)\end{dcases}

appartient à 2(T)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T) et vérifie ΦT(f0)=4subscriptΦ𝑇subscript𝑓04\Phi_{T}(f_{0})=4. Ensuite, soit f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T) telle que ΦT(f)=σ1(T)subscriptΦ𝑇𝑓subscript𝜎1𝑇\Phi_{T}(f)=\sigma_{1}(T). Comme ΦT(f)>2subscriptΦ𝑇𝑓2\Phi_{T}(f)>2, il existe t0]0,T[t_{0}\in\,]0,T[ tel que f(t0)=0superscript𝑓subscript𝑡00f^{\prime}(t_{0})=0. Quitte à remplacer f𝑓f par f𝑓-f, on peut supposer que f(t0)<1𝑓subscript𝑡01f(t_{0})<1. Pour 0<h41f(t0)041𝑓subscript𝑡00<h\leqslant 4\sqrt{1-f(t_{0})}, la fonction g𝑔g définie dans la proposition 21 appartient à 2(T+h)subscript2𝑇{\mathcal{L}}_{2}(T+h) et on a

σ1(T+h)ΦT+h(g)=ΦT(f)+h2/8>σ1(T)subscript𝜎1𝑇subscriptΦ𝑇𝑔subscriptΦ𝑇𝑓superscript28subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T+h)\geqslant\Phi_{T+h}(g)=\Phi_{T}(f)+h^{2}/8>\sigma_{1}(T)

La croissance stricte de σ1subscript𝜎1\sigma_{1} sur [4,[[4,\infty[ résulte de cette croissance stricte locale, et de la continuité de σ1subscript𝜎1\sigma_{1} (proposition 28). \Box

7.7.6 Comportement asymptotique de σ1(T)subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T) lorsque T𝑇T tend vers l’infini

Bojanov et Naidenov ont remarqué dans [7] (Theorem 2, p. 68), que l’on peut déterminer la valeur exacte de σ1(T)subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T) pour une suite de valeurs de T𝑇T tendant vers l’infini. La clé de ce calcul est la proposition suivante.

Proposition 30

Soit f2(1,1;)𝑓subscript21.1f\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}) telle que fsuperscript𝑓f^{\prime} est à support compact. On a

22|f(t)|𝑑t2.superscriptsubscript22superscript𝑓𝑡differential-d𝑡2\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt\leqslant 2.

Démonstration

Nous suivons ici la démonstration du Theorem 1, p. 268 de [6].

Posons

φ(u)=22|f(u+t)|𝑑t(u).𝜑𝑢superscriptsubscript22superscript𝑓𝑢𝑡differential-d𝑡𝑢\varphi(u)=\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}\left\lvert f^{\prime}(u+t)\right\rvert\,dt\quad(u\in{\mathbb{R}}).

Il s’agit de montrer que φ(0)2𝜑02\varphi(0)\leqslant 2.

La fonction φ𝜑\varphi est continûment dérivable sur {\mathbb{R}}, et à support compact. Elle atteint donc son maximum global, en un point u0subscript𝑢0u_{0}\in{\mathbb{R}}, où sa dérivée s’annule :

0=φ(u0)=|f(u0+2)||f(u02)|.0superscript𝜑subscript𝑢0superscript𝑓subscript𝑢02superscript𝑓subscript𝑢020=\varphi^{\prime}(u_{0})=\left\lvert f^{\prime}(u_{0}+\sqrt{2})\right\rvert-\left\lvert f^{\prime}(u_{0}-\sqrt{2})\right\rvert.

Posons g(t)=f(u0+t)𝑔𝑡𝑓subscript𝑢0𝑡g(t)=f(u_{0}+t) pour t𝑡t\in{\mathbb{R}}. La fonction g𝑔g appartient à 2(1,1;)subscript21.1{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}) et

|g(2)|=|g(2)|.superscript𝑔2superscript𝑔2\left\lvert g^{\prime}(\sqrt{2})\right\rvert=\left\lvert g^{\prime}(-\sqrt{2})\right\rvert. (33)

Comme pour la proposition 24, examinons deux cas.

Premier cas : il existe t0[2,2]subscript𝑡022t_{0}\in[-\sqrt{2},\sqrt{2}] tel que g(t0)=0superscript𝑔subscript𝑡00g^{\prime}(t_{0})=0.

Définissons alors une fonction Q𝑄Q sur [2,2]22[-\sqrt{2},\sqrt{2}] par

Q(t)={|g(t0t2)|(2tt0)|g(t0t+2)|(t0t2).𝑄𝑡casessuperscript𝑔subscript𝑡0𝑡22𝑡subscript𝑡0superscript𝑔subscript𝑡0𝑡2subscript𝑡0𝑡2Q(t)=\begin{dcases}\lvert g^{\prime}(t_{0}-t-\sqrt{2})\rvert&(-\sqrt{2}\leqslant t\leqslant t_{0})\\ \lvert g^{\prime}(t_{0}-t+\sqrt{2})\rvert&\quad(t_{0}\leqslant t\leqslant\sqrt{2}).\end{dcases}

Les deux branches se raccordent au point t0subscript𝑡0t_{0}, d’après (33). La fonction Q𝑄Q est donc, comme gsuperscript𝑔g^{\prime}, lipschitzienne de rapport 111. De plus Q(±2)=|g(t0)|=0𝑄plus-or-minus2superscript𝑔subscript𝑡00Q(\pm\sqrt{2})=\left\lvert g^{\prime}(t_{0})\right\rvert=0. On a donc

Q(t)2|t|(2t2).𝑄𝑡2𝑡2𝑡2Q(t)\leqslant\sqrt{2}-\left\lvert t\right\rvert\quad(-\sqrt{2}\leqslant t\leqslant\sqrt{2}).

Par conséquent,

φ(0)𝜑0\displaystyle\varphi(0) φ(u0)=22|g(t)|𝑑tabsent𝜑subscript𝑢0superscriptsubscript22superscript𝑔𝑡differential-d𝑡\displaystyle\leqslant\varphi(u_{0})=\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}\left\lvert g^{\prime}(t)\right\rvert\,dt
=2t0|g(t)|𝑑t+t02|g(t)|𝑑t=22Q(t)𝑑tabsentsuperscriptsubscript2subscript𝑡0superscript𝑔𝑡differential-d𝑡superscriptsubscriptsubscript𝑡02superscript𝑔𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript22𝑄𝑡differential-d𝑡\displaystyle=\int_{-\sqrt{2}}^{t_{0}}\left\lvert g^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{t_{0}}^{\sqrt{2}}\left\lvert g^{\prime}(t)\right\rvert\,dt=\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}Q(t)\,dt
22(2|t|)𝑑t=2.absentsuperscriptsubscript222𝑡differential-d𝑡2\displaystyle\leqslant\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}\big{(}\sqrt{2}-\left\lvert t\right\rvert\big{)}\,dt=2.

Second cas : la dérivée gsuperscript𝑔g^{\prime} ne s’annule pas sur [2,2]22[-\sqrt{2},\sqrt{2}].

Elle est donc de signe constant, et

φ(0)22|g(t)|𝑑t=|22g(t)𝑑t|=|g(2)g(2)|2.𝜑0superscriptsubscript22superscript𝑔𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript22superscript𝑔𝑡differential-d𝑡𝑔2𝑔22\varphi(0)\leqslant\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}\left\lvert g^{\prime}(t)\right\rvert\,dt=\left\lvert\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}g^{\prime}(t)\,dt\right\rvert=\left\lvert g(\sqrt{2})-g(-\sqrt{2})\right\rvert\leqslant 2. \Box

La borne 222 de la proposition 30 est optimale ; elle est atteinte, par exemple, pour

f(t)={q(t2)(|t|2)sgn(t)(|t|2).𝑓𝑡cases𝑞𝑡2𝑡2sgn𝑡𝑡2f(t)=\begin{dcases}q(t-\sqrt{2}\,)&(\left\lvert t\right\rvert\leqslant\sqrt{2})\\ {\rm sgn}\,(t)&(\left\lvert t\right\rvert\geqslant\sqrt{2}).\end{dcases}
Proposition 31

Pour N𝑁N\in{\mathbb{N}}, on a

σ1(2N2+4)=2N+4.subscript𝜎12𝑁242𝑁4\sigma_{1}\big{(}2N\sqrt{2}+4)=2N+4.

Démonstration

Le résultat est vrai pour N=0𝑁0N=0, d’après la proposition 25.

Supposons N1𝑁1N\geqslant 1. Soit T=2N2+4𝑇2𝑁24T=2N\sqrt{2}+4 et f2(T)𝑓subscript2𝑇f\in{\mathcal{L}}_{2}(T). D’après la proposition 23, f𝑓f coïncide sur le segment [2,T2]2𝑇2[\sqrt{2},T-\sqrt{2}] avec une fonction g2(1,1;)𝑔subscript21.1g\in{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;{\mathbb{R}}) telle que gsuperscript𝑔g^{\prime} est à support compact.

On a

0T|f(t)|𝑑tsuperscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\displaystyle\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt =02|f(t)|𝑑t+22N2+2|g(t)|𝑑t+T2T|f(t)|𝑑tabsentsuperscriptsubscript02superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript22𝑁22superscript𝑔𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript𝑇2𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\displaystyle=\int_{0}^{2}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{2}^{2N\sqrt{2}+2}\left\lvert g^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{T-2}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt
=02|f(t)|𝑑t+T2T|f(t)|𝑑t+1kN22|g((2k1)2+t+2)|𝑑tabsentsuperscriptsubscript02superscript𝑓𝑡differential-d𝑡superscriptsubscript𝑇2𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡subscript1𝑘𝑁superscriptsubscript22superscript𝑔2𝑘12𝑡2differential-d𝑡\displaystyle=\int_{0}^{2}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\int_{T-2}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt+\sum_{1\leqslant k\leqslant N}\int_{-\sqrt{2}}^{\sqrt{2}}\left\lvert g^{\prime}\big{(}(2k-1)\sqrt{2}+t+2\big{)}\right\rvert\,dt
2σ1(2)+2N=2N+4.absent2subscript𝜎122𝑁2𝑁4\displaystyle\leqslant 2\sigma_{1}(2)+2N=2N+4.

d’après la proposition 30.

Cette majoration est atteinte lorsque

f(t)={1(t2)2/2(0t2)q(t2)(2t2N2+2)(1)N(1(t2N22)2/2)(2N2+22N2+4).𝑓𝑡cases1superscript𝑡2220𝑡2𝑞𝑡22𝑡2𝑁22superscript1𝑁1superscript𝑡2𝑁22222𝑁222𝑁24f(t)=\begin{dcases}1-(t-2)^{2}/2&(0\leqslant t\leqslant 2)\\ q(t-2)&(2\leqslant t\leqslant 2N\sqrt{2}+2)\\ (-1)^{N}\big{(}1-(t-2N\sqrt{2}-2)^{2}/2\big{)}&(2N\sqrt{2}+2\leqslant 2N\sqrt{2}+4).\end{dcases} (34)
Proposition 32

Pour tout nombre réel positif T𝑇T, on a l’encadrement

T/2σ1(T)T/2+5.𝑇2subscript𝜎1𝑇𝑇25T/\sqrt{2}\leqslant\sigma_{1}(T)\leqslant T/\sqrt{2}\,+5.

Démonstration

La minoration résulte de la proposition 27 et de la valeur 1/2121/\sqrt{2} de la limite de σ1(U)/Usubscript𝜎1𝑈𝑈\sigma_{1}(U)/U quand U𝑈U tend vers l’infini, valeur déterminée grâce à la proposition 31.

Pour la majoration, d’une part, si T<42𝑇42T<4\sqrt{2}, on a σ1(T)5subscript𝜎1𝑇5\sigma_{1}(T)\leqslant 5, d’après (30). D’autre part, si T42𝑇42T\geqslant 4\sqrt{2}, on écrit T=2N2+y𝑇2𝑁2𝑦T=2N\sqrt{2}+y, où N𝑁N est un nombre entier 2absent2\geqslant 2 et 0y<220𝑦220\leqslant y<2\sqrt{2}, d’où

σ1(T)subscript𝜎1𝑇\displaystyle\sigma_{1}(T) =σ1(2(N2)2+4+z)(avec z=y+424[424,624[)absentsubscript𝜎12𝑁224𝑧(avec z=y+424[424,624[)\displaystyle=\sigma_{1}\big{(}2(N-2)\sqrt{2}+4+z\big{)}\quad\text{\footnotesize(avec $z=y+4\sqrt{2}-4\in[4\sqrt{2}-4,6\sqrt{2}-4[\,$)}
σ1(2(N2)2+4)+σ1(z)(d’après la proposition 26)absentsubscript𝜎12𝑁224subscript𝜎1𝑧(d’après la proposition 26)\displaystyle\leqslant\sigma_{1}\big{(}2(N-2)\sqrt{2}+4\big{)}+\sigma_{1}(z)\quad\text{\footnotesize(d'apr\`{e}s la proposition \ref{200427a})}
2(N2)+4+5(d’après la proposition 31, et (30) donnant σ1(z)5)absent2𝑁245(d’après la proposition 31, et (30) donnant σ1(z)5)\displaystyle\leqslant 2(N-2)+4+5\quad\text{\footnotesize(d'apr\`{e}s la proposition \ref{190615b}, et \eqref{200629a} donnant $\sigma_{1}(z)\leqslant 5$)}
=2N+5T/2+5.absent2𝑁5𝑇25\displaystyle=2N+5\leqslant T/\sqrt{2}\,+5. \Box

Il serait intéressant de déterminer σ1(T)subscript𝜎1𝑇\sigma_{1}(T) pour tout T𝑇T.

7.8 Formulaire

Revenons maintenant à l’ensemble 2(a,b;I)subscript2𝑎𝑏𝐼{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,I), où a𝑎a et b𝑏b sont des nombres réels positifs quelconques, et I𝐼I un segment de longueur T𝑇T. Posons

σ(a,b;t0,T)𝜎𝑎𝑏subscript𝑡0𝑇\displaystyle\sigma(a,b\,;\,t_{0},T) =supf2(a,b;I)|f(t0)|absentsubscriptsupremum𝑓subscript2𝑎𝑏𝐼superscript𝑓subscript𝑡0\displaystyle=\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,I)}\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert
σ(a,b;T)subscript𝜎𝑎𝑏𝑇\displaystyle\sigma_{\infty}(a,b\,;\,T) =supf2(a,b;I)fabsentsubscriptsupremum𝑓subscript2𝑎𝑏𝐼subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓\displaystyle=\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,I)}\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}
σ1(a,b;T)subscript𝜎1𝑎𝑏𝑇\displaystyle\sigma_{1}(a,b\,;\,T) =supf2(a,b;I)0T|f(t)|𝑑t.absentsubscriptsupremum𝑓subscript2𝑎𝑏𝐼superscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\displaystyle=\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,I)}\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt.

Comme nous l’avons vu au §2, en posant f1(t)=(1/a)f(ta/b)subscript𝑓1𝑡1𝑎𝑓𝑡𝑎𝑏f_{1}(t)=(1/a)f(t\sqrt{a/b}\,), la transformation ff1maps-to𝑓subscript𝑓1f\mapsto f_{1} applique 2(a,b;[0,T])subscript2𝑎𝑏0𝑇{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,[0,T]) sur 2(1,1;[0,Tb/a])subscript21.10𝑇𝑏𝑎{\mathcal{L}}_{2}(1,1\,;\,[0,T\sqrt{b/a}\,]). On a f(t)=af1(tb/a)𝑓𝑡𝑎subscript𝑓1𝑡𝑏𝑎f(t)=af_{1}(t\sqrt{b/a}\,), donc

f(t0)superscript𝑓subscript𝑡0\displaystyle f^{\prime}(t_{0}) =abf1(t0b/a)(0t0T)absent𝑎𝑏subscriptsuperscript𝑓1subscript𝑡0𝑏𝑎0subscript𝑡0𝑇\displaystyle=\sqrt{ab}\,f^{\prime}_{1}(t_{0}\sqrt{b/a}\,)\quad(0\leqslant t_{0}\leqslant T)
fsubscriptdelimited-∥∥superscript𝑓\displaystyle\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty} =abf1absent𝑎𝑏subscriptdelimited-∥∥subscriptsuperscript𝑓1\displaystyle=\sqrt{ab}\,\left\lVert f^{\prime}_{1}\right\rVert_{\infty}
0T|f(t)|𝑑tsuperscriptsubscript0𝑇superscript𝑓𝑡differential-d𝑡\displaystyle\int_{0}^{T}\left\lvert f^{\prime}(t)\right\rvert\,dt =a0Tb/a|f1(t)|𝑑t.absent𝑎superscriptsubscript0𝑇𝑏𝑎superscriptsubscript𝑓1𝑡differential-d𝑡\displaystyle=a\int_{0}^{T\sqrt{b/a}}\left\lvert f_{1}^{\prime}(t)\right\rvert\,dt.

On déduit de la proposition 11 les formules

σ(a,b;T)=abσ(1,1;Tb/a)={2a/T+bT/2(T2a/b)2ab(T2a/b).subscript𝜎𝑎𝑏𝑇𝑎𝑏subscript𝜎1.1𝑇𝑏𝑎cases2𝑎𝑇𝑏𝑇2𝑇2𝑎𝑏2𝑎𝑏𝑇2𝑎𝑏\sigma_{\infty}(a,b\,;\,T)=\sqrt{ab}\cdot\sigma_{\infty}(1,1\,;\,T\sqrt{b/a}\,)=\begin{dcases}2a/T+bT/2&(T\leqslant 2\sqrt{a/b}\,)\\ 2\sqrt{ab}&(T\geqslant 2\sqrt{a/b}\,).\end{dcases} (35)

Comme l’a observé Hadamard (cf. [18], p. 70), dans le premier de ces deux cas, on a la majoration σ(a,b;T)4a/Tsubscript𝜎𝑎𝑏𝑇4𝑎𝑇\sigma_{\infty}(a,b\,;\,T)\leqslant 4a/T.

La proposition 12 fournit la relation

supf2(a,b;[0,[)f=2ab.\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,[0,\infty[)}\,\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}=2\sqrt{ab}.

Sous la condition 0t0T/20subscript𝑡0𝑇20\leqslant t_{0}\leqslant T/2, on déduit de la proposition 16 les formules

σ(a,b;t0,T)𝜎𝑎𝑏subscript𝑡0𝑇\displaystyle\sigma(a,b\,;\,t_{0},T) =abσ(1,1;t0b/a;Tb/a)absent𝑎𝑏subscript𝜎1.1subscript𝑡0𝑏𝑎𝑇𝑏𝑎\displaystyle=\sqrt{ab}\cdot\sigma_{\infty}(1,1\,;\,t_{0}\sqrt{b/a}\,\,;\,T\sqrt{b/a}\,)
={2a/T+bT/2bt0(Tt0)/T(t02a/b et T2t02+4a/b)2t02b2+4abbt0(t02a/b et T>2t02+4a/b)2ab(t0>2a/b).absentcases2𝑎𝑇𝑏𝑇2𝑏subscript𝑡0𝑇subscript𝑡0𝑇subscript𝑡02𝑎𝑏 et 𝑇2superscriptsubscript𝑡024𝑎𝑏2superscriptsubscript𝑡02superscript𝑏24𝑎𝑏𝑏subscript𝑡0subscript𝑡02𝑎𝑏 et 𝑇2superscriptsubscript𝑡024𝑎𝑏2𝑎𝑏subscript𝑡02𝑎𝑏\displaystyle=\begin{dcases}2a/T+bT/2-bt_{0}(T-t_{0})/T&(t_{0}\leqslant\sqrt{2a/b}\,\text{ et }\,T\leqslant\sqrt{2t_{0}^{2}+4a/b}\,)\\ \sqrt{2t_{0}^{2}b^{2}+4ab}\,-bt_{0}&(t_{0}\leqslant\sqrt{2a/b}\,\text{ et }\,T>\sqrt{2t_{0}^{2}+4a/b}\,)\\ \sqrt{2ab}&(t_{0}>\sqrt{2a/b}).\end{dcases}

L’égalité (24) fournit l’égalité

supf2(a,b;)f=2ab.subscriptsupremum𝑓subscript2𝑎𝑏subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓2𝑎𝑏\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{2}(a,b\,;\,{\mathbb{R}})}\,\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty}=\sqrt{2ab}.

Enfin, on déduit des propositions 24, 25 et 31 les formules

σ1(a,b;T)subscript𝜎1𝑎𝑏𝑇\displaystyle\sigma_{1}(a,b\,;\,T) =aσ1(1,1;Tb/a)absent𝑎subscript𝜎11.1𝑇𝑏𝑎\displaystyle=a\cdot\sigma_{1}(1,1\,;\,T\sqrt{b/a}\,)
={2a(T2a/b)bT2/22Tab+4a(2a/b<T4a/b)(2N+4)a(T=2N2a/b+4a/b,N),absentcases2𝑎𝑇2𝑎𝑏𝑏superscript𝑇222𝑇𝑎𝑏4𝑎2𝑎𝑏𝑇4𝑎𝑏2𝑁4𝑎formulae-sequence𝑇2𝑁2𝑎𝑏4𝑎𝑏𝑁\displaystyle=\begin{dcases}2a&(T\leqslant 2\sqrt{a/b}\,)\\ bT^{2}/2-2T\sqrt{ab}\,+4a&(2\sqrt{a/b}\,<T\leqslant 4\sqrt{a/b}\,)\\ (2N+4)a&(T=2N\sqrt{2a/b}\,+4\sqrt{a/b},\,N\in{\mathbb{N}}),\end{dcases}

et de la proposition 32 l’encadrement

Tab/2σ1(a,b;T)Tab/2+5a(T>0).formulae-sequence𝑇𝑎𝑏2subscript𝜎1𝑎𝑏𝑇𝑇𝑎𝑏25𝑎𝑇0T\sqrt{ab/2}\,\leqslant\sigma_{1}(a,b\,;\,T)\leqslant T\sqrt{ab/2}\,+5a\quad(T>0).

8 Introduction au cas général

8.1 Splines d’Euler

Chilov a conjecturé, et Kolmogorov a démontré en 1939, qu’une certaine suite de fonctions, analogue à la suite des fonctions de Bernoulli, fournit la solution du problème de maximiser les normes des dérivées intermédiaires f(k)subscriptnormsuperscript𝑓𝑘\|f^{(k)}\|_{\infty} (0<k<n)0𝑘𝑛(0<k<n) des fonctions de n(a,b;)subscript𝑛𝑎𝑏{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;{\mathbb{R}}). Voici cette construction, essentiellement sous la forme que lui a donnée Schoenberg dans son article [38].

On pose

e0(x)subscript𝑒0𝑥\displaystyle e_{0}(x) ={(1)x(x)0(x)absentcasessuperscript1𝑥𝑥0𝑥\displaystyle=\begin{dcases}(-1)^{\lfloor x\rfloor}&(x\notin{\mathbb{Z}})\\ 0&(x\in{\mathbb{Z}})\end{dcases}
en(x)subscript𝑒𝑛𝑥\displaystyle e_{n}(x) =0xnen1(t)𝑑tcn(n,x),absentsuperscriptsubscript0𝑥𝑛subscript𝑒𝑛1𝑡differential-d𝑡subscript𝑐𝑛formulae-sequence𝑛superscript𝑥\displaystyle=\int_{0}^{x}ne_{n-1}(t)\,dt-c_{n}\quad(n\in{\mathbb{N}}^{*},\,x\in{\mathbb{R}}),

où la constante cnsubscript𝑐𝑛c_{n} est choisie pour que l’intégrale 02en(t)𝑑tsuperscriptsubscript02subscript𝑒𝑛𝑡differential-d𝑡\int_{0}^{2}e_{n}(t)\,dt soit nulle :

cn=1202(0xnen1(t)𝑑t)𝑑x=02nen1(t)(1t/2)𝑑t.subscript𝑐𝑛12superscriptsubscript02superscriptsubscript0𝑥𝑛subscript𝑒𝑛1𝑡differential-d𝑡differential-d𝑥superscriptsubscript02𝑛subscript𝑒𝑛1𝑡1𝑡2differential-d𝑡c_{n}={\frac{1}{2}}\int_{0}^{2}\Big{(}\int_{0}^{x}ne_{n-1}(t)\,dt\Big{)}\,dx=\int_{0}^{2}ne_{n-1}(t)(1-t/2)\,dt.

La fonction e0subscript𝑒0e_{0} est normalisée (e0(x)=(e0(x+0)+e0(x0))/2subscript𝑒0𝑥subscript𝑒0𝑥0subscript𝑒0𝑥02e_{0}(x)=\big{(}e_{0}(x+0)+e_{0}(x-0)\big{)}/2), et impaire.

On montre alors, par récurrence sur n𝑛n\in{\mathbb{N}}, que

\bullet ensubscript𝑒𝑛e_{n} est de classe 𝒞n1superscript𝒞𝑛1{\mathcal{C}}^{n-1} pour n1𝑛1n\geqslant 1 ;

\bullet ensubscript𝑒𝑛e_{n} est de période 222 ;

\bullet ensubscript𝑒𝑛e_{n} coïncide sur ]0,1[]0,1[ avec un polynôme de degré n𝑛n, disons Ensubscript𝐸𝑛E_{n} ;

\bullet cn=1201nen1(t)𝑑tsubscript𝑐𝑛12superscriptsubscript01𝑛subscript𝑒𝑛1𝑡differential-d𝑡c_{n}={\frac{1}{2}}\int_{0}^{1}ne_{n-1}(t)\,dt pour n1𝑛1n\geqslant 1 ;

\bullet en(x+1)=en(x)subscript𝑒𝑛𝑥1subscript𝑒𝑛𝑥e_{n}(x+1)=-e_{n}(x) pour x𝑥x\in{\mathbb{R}} ;

\bullet en(1x)=(1)nen(x)subscript𝑒𝑛1𝑥superscript1𝑛subscript𝑒𝑛𝑥e_{n}(1-x)=(-1)^{n}e_{n}(x) pour x𝑥x\in{\mathbb{R}} ;

\bullet cn=0subscript𝑐𝑛0c_{n}=0 pour n𝑛n pair, n2𝑛2n\geqslant 2 ;

\bullet ensubscript𝑒𝑛e_{n} est impaire si n𝑛n est pair, et paire si n𝑛n est impair.

Notons la relation

en(k)=n!(nk)!enk(0kn)superscriptsubscript𝑒𝑛𝑘𝑛𝑛𝑘subscript𝑒𝑛𝑘0𝑘𝑛e_{n}^{(k)}=\frac{n!}{(n-k)!}\,e_{n-k}\quad(0\leqslant k\leqslant n) (36)

(pour k=n𝑘𝑛k=n, cette relation est valable sur {\mathbb{R}}\setminus{\mathbb{Z}}).

Les premiers polynômes Ensubscript𝐸𝑛E_{n} sont

E0(x)subscript𝐸0𝑥\displaystyle E_{0}(x) =1absent1\displaystyle=1
E1(x)subscript𝐸1𝑥\displaystyle E_{1}(x) =x1/2absent𝑥12\displaystyle=x-1/2
E2(x)subscript𝐸2𝑥\displaystyle E_{2}(x) =x2xabsentsuperscript𝑥2𝑥\displaystyle=x^{2}-x
E3(x)subscript𝐸3𝑥\displaystyle E_{3}(x) =x33x2/2+1/4absentsuperscript𝑥33superscript𝑥2214\displaystyle=x^{3}-3x^{2}/2+1/4
E4(x)subscript𝐸4𝑥\displaystyle E_{4}(x) =x42x3+x.absentsuperscript𝑥42superscript𝑥3𝑥\displaystyle=x^{4}-2x^{3}+x.

Cette suite vérifie, comme les fonctions ensubscript𝑒𝑛e_{n}, la relation En=nEn1subscriptsuperscript𝐸𝑛𝑛subscript𝐸𝑛1E^{\prime}_{n}=nE_{n-1}. C’est donc une suite de polynômes d’Appell (cf. [2]). Par conséquent, on a l’identité entre séries formelles en deux variables (éléments de [x][[z]]delimited-[]𝑥delimited-[]delimited-[]𝑧{\mathbb{Q}}[x][[z]]),

n0En(x)znn!=E(z)ezx,subscript𝑛0subscript𝐸𝑛𝑥superscript𝑧𝑛𝑛𝐸𝑧superscript𝑒𝑧𝑥\sum_{n\geqslant 0}E_{n}(x)\frac{z^{n}}{n!}=E(z)e^{zx},

E(z)𝐸𝑧E(z) est une série formelle à déterminer, en la variable z𝑧z. Pour cela, on remarque que la relation en(x)+en(x+1)=0subscript𝑒𝑛𝑥subscript𝑒𝑛𝑥10e_{n}(x)+e_{n}(x+1)=0 entraîne

En(0)+En(1)=2[n=0](n),subscript𝐸𝑛0subscript𝐸𝑛12delimited-[]𝑛0𝑛E_{n}(0)+E_{n}(1)=2[n=0]\quad(n\in{\mathbb{N}}),

donc

E(z)+E(z)ez=2,𝐸𝑧𝐸𝑧superscript𝑒𝑧2E(z)+E(z)e^{z}=2,

c’est-à-dire

n0En(x)znn!=2ezxez+1\sum_{n\geqslant 0}E_{n}(x)\frac{z^{n}}{n!}=\frac{2e^{zx}}{e^{z}+1}\cdotp (37)

Les Ensubscript𝐸𝑛E_{n} sont les polynômes d’Euler (cf. [32], pp. 23-29).

L’identité

2ezxez+1=ez(x1/2)coshz/2\frac{2e^{zx}}{e^{z}+1}=\frac{e^{z(x-1/2)}}{\cosh z/2}\cdotp

entraîne

En(x)=0νn(nν)Eν2ν(x1/2)nν,subscript𝐸𝑛𝑥subscript0𝜈𝑛binomial𝑛𝜈subscript𝐸𝜈superscript2𝜈superscript𝑥12𝑛𝜈E_{n}(x)=\sum_{0\leqslant\nu\leqslant n}\binom{n}{\nu}\frac{E_{\nu}}{2^{\nu}}(x-1/2)^{n-\nu}, (38)

où les Eνsubscript𝐸𝜈E_{\nu} sont les nombres d’Euler***Comme pour les nombres et polynômes de Bernoulli, on adopte la même notation pour les nombres et polynômes d’Euler, ce qui ne doit mener à aucune confusion. (suite A122045 de [43]), définis par leur série génératrice exponentielle

ν0Eνzνν!=1coshz\sum_{\nu\geqslant 0}E_{\nu}\frac{z^{\nu}}{\nu!}=\frac{1}{\cosh z}\cdotp

Les nombres d’Euler sont entiers. Ceux d’indice impair sont nuls, et ceux d’indice pair ont des signes alternés. Les premiers nombres d’Euler non nuls sont

E0=1;E2=1;E4=5;E6=61;E8=1385.E_{0}=1\quad;\quad E_{2}=-1\quad;\quad E_{4}=5\quad;\quad E_{6}=-61\quad;\quad E_{8}=1385.

Rappelons qu’une fonction f𝑓f, à valeurs réelles, définie sur un segment [α,β]𝛼𝛽[\alpha,\beta], est une spline de degré k𝑘superscriptk\in{\mathbb{N}}^{*}, si elle est de classe 𝒞k1superscript𝒞𝑘1{\mathcal{C}}^{k-1}, et s’il existe une subdivision

t0=α<t1<<tj=βsubscript𝑡0𝛼subscript𝑡1subscript𝑡𝑗𝛽t_{0}=\alpha<t_{1}<\dots<t_{j}=\beta

et j𝑗j polynômes de degrés kabsent𝑘\leqslant k, disons P1subscript𝑃1P_{1},…, Pjsubscript𝑃𝑗P_{j}, tels que

f(t)=Pi(t)(ti1<t<ti, 1ij).𝑓𝑡subscript𝑃𝑖𝑡subscript𝑡𝑖1𝑡subscript𝑡𝑖.1𝑖𝑗f(t)=P_{i}(t)\quad(t_{i-1}<t<t_{i},\,1\leqslant i\leqslant j). (39)

On suppose en général que cette décomposition est minimale, c’est-à-dire que Pisubscript𝑃𝑖P_{i} et Pi+1subscript𝑃𝑖1P_{i+1} sont distincts pour tout i𝑖i. Par convention, une spline de degré 00 est simplement une fonction en escalier sur [α,β]𝛼𝛽[\alpha,\beta]. On peut étendre la notion de spline de degré k𝑘k au cas d’une fonction définie sur toute la droite réelle : sa restriction à tout segment doit être une spline de degré k𝑘k sur ce segment.

Il résulte de ce qui précède que, pour tout n𝑛n\in{\mathbb{N}}, la fonction ensubscript𝑒𝑛e_{n} est une spline de degré n𝑛n sur {\mathbb{R}}.

Pour n𝑛n\in{\mathbb{N}}, posons

rn=supx|en(x)|.subscript𝑟𝑛subscriptsupremum𝑥subscript𝑒𝑛𝑥r_{n}=\sup_{x\in{\mathbb{R}}}\left\lvert e_{n}(x)\right\rvert.

Compte tenu des relations en(x+1)=en(x)subscript𝑒𝑛𝑥1subscript𝑒𝑛𝑥e_{n}(x+1)=-e_{n}(x) et en(1x)=(1)nen(x)subscript𝑒𝑛1𝑥superscript1𝑛subscript𝑒𝑛𝑥e_{n}(1-x)=(-1)^{n}e_{n}(x), on a

rn=sup0x1/2|en(x)|.subscript𝑟𝑛subscriptsupremum0𝑥12subscript𝑒𝑛𝑥r_{n}=\sup_{0\leqslant x\leqslant 1/2}\left\lvert e_{n}(x)\right\rvert.

On montre par récurrence sur n1𝑛1n\geqslant 1 que

\bullet |en(x)|subscript𝑒𝑛𝑥\left\lvert e_{n}(x)\right\rvert croît strictement de |en(0)|=0subscript𝑒𝑛00\left\lvert e_{n}(0)\right\rvert=0 à |en(1/2)|=2n|En|subscript𝑒𝑛12superscript2𝑛subscript𝐸𝑛\left\lvert e_{n}(1/2)\right\rvert=2^{-n}\left\lvert E_{n}\right\rvert (cf. (38)), lorsque x𝑥x croît de 00 à 1/2121/2, si n𝑛n est pair ;

\bullet |en(x)|subscript𝑒𝑛𝑥\left\lvert e_{n}(x)\right\rvert décroît strictement de |en(0)|subscript𝑒𝑛0\left\lvert e_{n}(0)\right\rvert à |en(1/2)|=0subscript𝑒𝑛120\left\lvert e_{n}(1/2)\right\rvert=0, lorsque x𝑥x croît de 00 à 1/2121/2, si n𝑛n est impair.

Pour déterminer la valeur de en(0)subscript𝑒𝑛0e_{n}(0), considérons la série génératrice exponentielle de la suite En(0)subscript𝐸𝑛0E_{n}(0) :

n0En(0)znn!subscript𝑛0subscript𝐸𝑛0superscript𝑧𝑛𝑛\displaystyle\sum_{n\geqslant 0}E_{n}(0)\frac{z^{n}}{n!} =2ez+1(d’après (37))absent2superscript𝑒𝑧1(d’après (37))\displaystyle=\frac{2}{e^{z}+1}\quad\text{\footnotesize(d'apr\`{e}s \eqref{200307a})}
=2ez14e2z1absent2superscript𝑒𝑧14superscript𝑒2𝑧1\displaystyle=\frac{2}{e^{z}-1}-\frac{4}{e^{2z}-1}
=2n0Bnzn1n!4n0Bn(2z)n1n!,absent2subscript𝑛0subscript𝐵𝑛superscript𝑧𝑛1𝑛4subscript𝑛0subscript𝐵𝑛superscript2𝑧𝑛1𝑛,\displaystyle=2\sum_{n\geqslant 0}B_{n}\frac{z^{n-1}}{n!}-4\sum_{n\geqslant 0}B_{n}\frac{(2z)^{n-1}}{n!}\raisebox{1.99168pt}{,}

où les Bnsubscript𝐵𝑛B_{n} sont les nombres de Bernoulli, dont la série génératrice exponentielle est z/(ez1)𝑧superscript𝑒𝑧1z/(e^{z}-1). On a donc

En(0)=Bn+1n+1(22n+2)(n),subscript𝐸𝑛0subscript𝐵𝑛1𝑛12superscript2𝑛2𝑛E_{n}(0)=\frac{B_{n+1}}{n+1}(2-2^{n+2})\quad(n\in{\mathbb{N}}),

et c’est aussi la valeur de en(0)subscript𝑒𝑛0e_{n}(0), si n1𝑛1n\geqslant 1. Ainsi, compte tenu des signes des nombres d’Euler et de Bernoulli, on a

rn=(1)n/2{2nEn(n pair)(2n+22)Bn+1/(n+1)(n impair).subscript𝑟𝑛superscript1𝑛2casessuperscript2𝑛subscript𝐸𝑛𝑛 pairsuperscript2𝑛22subscript𝐵𝑛1𝑛1𝑛 impairr_{n}=(-1)^{\left\lfloor n/2\right\rfloor}\cdot\begin{dcases}2^{-n}E_{n}&(n\text{ pair})\\ (2^{n+2}-2)B_{n+1}/(n+1)&(n\text{ impair}).\end{dcases}

Les premières valeurs de la suite (rn)subscript𝑟𝑛(r_{n}) sont

r0=1;r1=12;r2=14;r3=14;r4=516;r5=12r_{0}=1\quad;\quad r_{1}={\frac{1}{2}}\quad;\quad r_{2}=\frac{1}{4}\quad;\quad r_{3}=\frac{1}{4}\quad;\quad r_{4}=\frac{5}{16}\quad;\quad r_{5}=\frac{1}{2}\cdotp

Les splines d’Euler sont définies par Schoenberg au moyen de la relation

n(x)=en(x+εn)/en(εn)(x),subscript𝑛𝑥subscript𝑒𝑛𝑥subscript𝜀𝑛subscript𝑒𝑛subscript𝜀𝑛𝑥{\mathcal{E}}_{n}(x)=e_{n}(x+\varepsilon_{n})/e_{n}(\varepsilon_{n})\quad(x\in{\mathbb{R}}),

εn=0subscript𝜀𝑛0\varepsilon_{n}=0 si n𝑛n est impair, et εn=1/2subscript𝜀𝑛12\varepsilon_{n}=1/2 si n𝑛n est pair. On a donc |en(εn)|=rnsubscript𝑒𝑛subscript𝜀𝑛subscript𝑟𝑛\left\lvert e_{n}(\varepsilon_{n})\right\rvert=r_{n} et

n=n(0)=1.subscriptdelimited-∥∥subscript𝑛subscript𝑛01\left\lVert{\mathcal{E}}_{n}\right\rVert_{\infty}={\mathcal{E}}_{n}(0)=1.

La fonction nsubscript𝑛{\mathcal{E}}_{n} est une spline de degré n𝑛n sur {\mathbb{R}} ; ses principales propriétés ont été résumées par Schoenberg dans [39] ((VIII), p. 335) sous la forme suivante.

La fonction n(x)subscript𝑛𝑥{\mathcal{E}}_{n}(x) a toutes les propriétés de la fonction cosπx𝜋𝑥\cos\pi x en ce qui concerne les symétries, les zéros, le signe et le sens de variation.

D’ailleurs, dans le même article, p. 336, Schoenberg explicite la série de Fourier de n(x)subscript𝑛𝑥{\mathcal{E}}_{n}(x), et en déduit la formule asymptotique uniforme

n(x)=cosπx+O(3n).subscript𝑛𝑥𝜋𝑥𝑂superscript3𝑛{\mathcal{E}}_{n}(x)=\cos\pi x+O(3^{-n}).

Dans les années précédant la parution de l’article de Kolmogorov [24], les premières propriétés extrémales des fonctions ensubscript𝑒𝑛e_{n} furent découvertes. Pour n𝑛superscriptn\in{\mathbb{N}}^{*} et ω>0𝜔0\omega>0, notons Xn(ω)subscript𝑋𝑛𝜔X_{n}(\omega) l’ensemble des fonctions réelles de période ω>0𝜔0\omega>0, (n1)𝑛1(n-1) fois dérivables, et à dérivée (n1)𝑛1(n-1)e lipschitzienne de rapport 111.

Bernstein démontra en 1935 (cf. la version russe et corrigée [5], p. 170-172, de la note [4], et l’article de Favard [14] de 1936), que la borne supérieure de fsubscriptdelimited-∥∥𝑓\left\lVert f\right\rVert_{\infty}, lorsque fXn(ω)𝑓subscript𝑋𝑛𝜔f\in X_{n}(\omega) est de moyenne nulle, était (ω/2)nrn/n!superscript𝜔2𝑛subscript𝑟𝑛𝑛(\omega/2)^{n}r_{n}/n!, borne atteinte seulement pour les translatées de la fonction

fn(x)=(ω/2)nen(2x/ω)n!(x).subscript𝑓𝑛𝑥superscript𝜔2𝑛subscript𝑒𝑛2𝑥𝜔𝑛𝑥f_{n}(x)=(\omega/2)^{n}\,\frac{e_{n}(2x/\omega)}{n!}\quad(x\in{\mathbb{R}}). (40)

Si ω=2π𝜔2𝜋\omega=2\pi, ces valeurs extrémales sont parfois notées Knsubscript𝐾𝑛K_{n} et appelées constantes de Favard. En développant les fonctions ensubscript𝑒𝑛e_{n} en séries de Fourier, on peut montrer que

Kn=4π{k0(1)k(2k+1)n1(n pair)k0(2k+1)n1(n impair)subscript𝐾𝑛4𝜋casessubscript𝑘0superscript1𝑘superscript2𝑘1𝑛1𝑛 pairsubscript𝑘0superscript2𝑘1𝑛1𝑛 impairK_{n}=\frac{4}{\pi}\cdot\begin{dcases}\sum_{k\geqslant 0}\,(-1)^{k}(2k+1)^{-n-1}&(n\text{ pair})\\ \sum_{k\geqslant 0}\,(2k+1)^{-n-1}&(n\text{ impair})\end{dcases}

Les deux suites (K2m)msubscriptsubscript𝐾2𝑚𝑚(K_{2m})_{m\in{\mathbb{N}}} et (K2m+1)msubscriptsubscript𝐾2𝑚1𝑚(K_{2m+1})_{m\in{\mathbb{N}}} sont adjacentes ; leur limite commune est 4/π4𝜋4/\pi.

Une autre propriété, découverte en 1936 par Favard (cf. la note [15] et l’article [16] de 1937 ; cf. également l’article d’Akhiezer et Krein [1] de 1937) est le fait que la fonction f=fn𝑓subscript𝑓𝑛f=f_{n}, définie par (40), réalise le maximum de la distance

Em(f)=infp𝒯m1(ω)fp,subscript𝐸𝑚𝑓subscriptinfimum𝑝subscript𝒯𝑚1𝜔subscriptdelimited-∥∥𝑓𝑝E_{m}(f)=\inf_{p\in{\mathcal{T}}_{m-1}(\omega)}\left\lVert f-p\right\rVert_{\infty},

lorsque f𝑓f décrit Xn(ω)subscript𝑋𝑛𝜔X_{n}(\omega), où 𝒯m1(ω)subscript𝒯𝑚1𝜔{\mathcal{T}}_{m-1}(\omega) désigne l’ensemble des polynômes trigonométriques de période ω𝜔\omega et de degré <mabsent𝑚<m. Pour m=1𝑚1m=1, cette propriété découle de celle démontrée par Bernstein. On a Em(fn)=(ω/2)nrn/mnn!subscript𝐸𝑚subscript𝑓𝑛superscript𝜔2𝑛subscript𝑟𝑛superscript𝑚𝑛𝑛E_{m}(f_{n})=(\omega/2)^{n}r_{n}/m^{n}n!.

8.2 Le théorème de Kolmogorov

Nous avons vu que n=1subscriptnormsubscript𝑛1\|{\mathcal{E}}_{n}\|_{\infty}=1 pour tout n𝑛n. Comme, pour presque tout x𝑥x, on a

n(n)(x)=en(n)(x+εn)/en(εn)=n!e0(x+εn)/en(εn),superscriptsubscript𝑛𝑛𝑥superscriptsubscript𝑒𝑛𝑛𝑥subscript𝜀𝑛subscript𝑒𝑛subscript𝜀𝑛𝑛subscript𝑒0𝑥subscript𝜀𝑛subscript𝑒𝑛subscript𝜀𝑛{\mathcal{E}}_{n}^{(n)}(x)=e_{n}^{(n)}(x+\varepsilon_{n})/e_{n}(\varepsilon_{n})=n!e_{0}(x+\varepsilon_{n})/e_{n}(\varepsilon_{n}),

on a nn)=n!/rn\|{\mathcal{E}}_{n}^{n)}\|_{\infty}=n!/r_{n}. Notons sn=rn/n!subscript𝑠𝑛subscript𝑟𝑛𝑛s_{n}=r_{n}/n! et

qn(x)=n(xsn1/n)(x),subscript𝑞𝑛𝑥subscript𝑛𝑥superscriptsubscript𝑠𝑛1𝑛𝑥q_{n}(x)={\mathcal{E}}_{n}(xs_{n}^{1/n})\quad(x\in{\mathbb{R}}),

de sorte que qnn(1,1;)subscript𝑞𝑛subscript𝑛1.1q_{n}\in{\mathcal{L}}_{n}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}). La fonction q𝑞q du §7.4 n’est autre que q2subscript𝑞2q_{2}.

Pour les dérivées intermédiaires de qnsubscript𝑞𝑛q_{n}, on a

qn(k)=snk/nn(k)=snk/nrnen(k)=n!snk/n(nk)!rnenk=n!snk/nrnk(nk)!rn=snk/sn1k/n,subscriptnormsuperscriptsubscript𝑞𝑛𝑘superscriptsubscript𝑠𝑛𝑘𝑛subscriptnormsuperscriptsubscript𝑛𝑘superscriptsubscript𝑠𝑛𝑘𝑛subscript𝑟𝑛subscriptnormsuperscriptsubscript𝑒𝑛𝑘𝑛superscriptsubscript𝑠𝑛𝑘𝑛𝑛𝑘subscript𝑟𝑛subscriptnormsubscript𝑒𝑛𝑘𝑛superscriptsubscript𝑠𝑛𝑘𝑛subscript𝑟𝑛𝑘𝑛𝑘subscript𝑟𝑛subscript𝑠𝑛𝑘superscriptsubscript𝑠𝑛1𝑘𝑛\|q_{n}^{(k)}\|_{\infty}=s_{n}^{k/n}\|{\mathcal{E}}_{n}^{(k)}\|_{\infty}=\frac{s_{n}^{k/n}}{r_{n}}\|e_{n}^{(k)}\|_{\infty}=\frac{n!s_{n}^{k/n}}{(n-k)!r_{n}}\|e_{n-k}\|_{\infty}=\frac{n!s_{n}^{k/n}r_{n-k}}{(n-k)!r_{n}}=s_{n-k}/s_{n}^{1-k/n},

d’après (36).

Le fait remarquable, conjecturé par Chilov, et démontré par Kolmogorov, est que qn(k)subscriptnormsuperscriptsubscript𝑞𝑛𝑘\|q_{n}^{(k)}\|_{\infty} est le maximum de f(k)subscriptnormsuperscript𝑓𝑘\|f^{(k)}\|_{\infty}, lorsque f𝑓f décrit n(1,1;)subscript𝑛1.1{\mathcal{L}}_{n}(1,1;\,{\mathbb{R}}), pour tout k𝑘k tel que 0kn0𝑘𝑛0\leqslant k\leqslant n. Par les considérations d’homogénéité du §2, on en déduit l’énoncé suivant.

Théorème (Kolmogorov 1939, [24])

Soit n𝑛n un nombre entier supérieur ou égal à 222. Si a𝑎a et b𝑏b sont deux nombres réels positifs, on a, pour toute fonction f𝑓f appartenant à n(a,b;)subscript𝑛𝑎𝑏{\mathcal{L}}_{n}(a,b;\,{\mathbb{R}}),

f(k)snksn1k/na1k/nbk/n(0kn).subscriptnormsuperscript𝑓𝑘subscript𝑠𝑛𝑘superscriptsubscript𝑠𝑛1𝑘𝑛superscript𝑎1𝑘𝑛superscript𝑏𝑘𝑛0𝑘𝑛\|f^{(k)}\|_{\infty}\leqslant\frac{s_{n-k}}{s_{n}^{1-k/n}}\,a^{1-k/n}\cdot b^{k/n}\quad(0\leqslant k\leqslant n).

Ces inégalités deviennent des égalités pour

f(x)=aqn(x(b/a)1/n)(x).𝑓𝑥𝑎subscript𝑞𝑛𝑥superscript𝑏𝑎1𝑛𝑥f(x)=aq_{n}\big{(}x(b/a)^{1/n}\big{)}\quad(x\in{\mathbb{R}}).

Notons que snk/sn1k/n=Knk/Kn1k/nsubscript𝑠𝑛𝑘superscriptsubscript𝑠𝑛1𝑘𝑛subscript𝐾𝑛𝑘superscriptsubscript𝐾𝑛1𝑘𝑛s_{n-k}/s_{n}^{1-k/n}=K_{n-k}/K_{n}^{1-k/n}. Ces quantités sont majorées, indépendamment de n𝑛n et k𝑘k, par K1=π/2subscript𝐾1𝜋2K_{1}=\pi/2.

La démonstration de Kolmogorov repose sur le fait essentiel suivant : la fonction qnsubscript𝑞𝑛q_{n} est une fonction de comparaison pour n(1,1;)subscript𝑛1.1{\mathcal{L}}_{n}(1,1;\,{\mathbb{R}}), c’est-à-dire que

fn(1,1;),t0,t1,f(t0)=qn(t1)|f(t0)||qn(t1)|.formulae-sequencefor-all𝑓subscript𝑛1.1for-allsubscript𝑡0formulae-sequencesubscript𝑡1𝑓subscript𝑡0subscript𝑞𝑛subscript𝑡1superscript𝑓subscript𝑡0subscriptsuperscript𝑞𝑛subscript𝑡1\forall\,f\in{\mathcal{L}}_{n}(1,1\,;\,{\mathbb{R}}),\;\forall\,t_{0},t_{1}\in{\mathbb{R}},\;f(t_{0})=q_{n}(t_{1})\Rightarrow\left\lvert f^{\prime}(t_{0})\right\rvert\leqslant\left\lvert q^{\prime}_{n}(t_{1})\right\rvert.

Bang (1941, cf. [3]) a donné une démonstration du théorème procédant en deux temps : on traite d’abord le cas des fonctions f𝑓f périodiques (et même presque périodiques), puis on approche une fonction quelconque de n(a,b;)subscript𝑛𝑎𝑏{\mathcal{L}}_{n}(a,b;\,{\mathbb{R}}) par une fonction périodique. La même démarche est suivie par Cavaretta dans [9].

Par ailleurs, Bang donne une formulation du théorème en termes d’intégrales (plutôt que de dérivées) successives. Soit f0subscript𝑓0f_{0} une fonction mesurable bornée sur {\mathbb{R}} et (fn)nsubscriptsubscript𝑓𝑛𝑛(f_{n})_{n\in{\mathbb{N}}} une suite obtenue par intégrations successives,

fn(x)=0xfn1(t)𝑑t+dn(n,x),subscript𝑓𝑛𝑥superscriptsubscript0𝑥subscript𝑓𝑛1𝑡differential-d𝑡subscript𝑑𝑛formulae-sequence𝑛superscript𝑥f_{n}(x)=\int_{0}^{x}f_{n-1}(t)\,dt+d_{n}\quad(n\in{\mathbb{N}}^{*},\;x\in{\mathbb{R}}),

(dn)nsubscriptsubscript𝑑𝑛𝑛(d_{n})_{n\in{\mathbb{N}}} est une suite réelle arbitraire. Posons Mn=fnsubscript𝑀𝑛subscriptdelimited-∥∥subscript𝑓𝑛M_{n}=\left\lVert f_{n}\right\rVert_{\infty}. Seule M0subscript𝑀0M_{0} est, a priori, supposée finie, et non nulle. Le théorème de Kolmogorov, vu par Bang (cf. [3], p. 7), est alors l’assertion selon laquelle la suite ρn=(Mn/M0sn)1/nsubscript𝜌𝑛superscriptsubscript𝑀𝑛subscript𝑀0subscript𝑠𝑛1𝑛\rho_{n}=(M_{n}/M_{0}s_{n})^{1/n} (pour n1𝑛1n\geqslant 1) est croissante au sens large. Lorsque l’on prend fn=en/n!subscript𝑓𝑛subscript𝑒𝑛𝑛f_{n}=e_{n}/n! pour tout n𝑛n, la suite ρnsubscript𝜌𝑛\rho_{n} correspondante est la constante 111.

8.3 Le cas I=[0,T]𝐼0𝑇I=[0,T]

Un résultat analogue à (35) n’est connu explicitement que pour une seule autre valeur de n𝑛n, à savoir n=3𝑛3n=3. Voici ce résultat, dû à M. Sato (1982, cf. [37]) :

supf3(a,b;[0,T])fsubscriptsupremum𝑓subscript3𝑎𝑏0𝑇subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓\displaystyle\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{3}(a,b\,;\,[0,T])}\left\lVert f^{\prime}\right\rVert_{\infty} ={4a/(αT)+16b(αT)2(TT0)C3,1a2/3b1/3(TT0)absentcases4𝑎𝛼𝑇16𝑏superscript𝛼𝑇2𝑇subscript𝑇0subscript𝐶3.1superscript𝑎23superscript𝑏13𝑇subscript𝑇0\displaystyle=\begin{dcases}4\cdot a/(\alpha T)+\frac{1}{6}\cdot b(\alpha T)^{2}&(T\leqslant T_{0})\\ C_{3,1}\cdot a^{2/3}b^{1/3}&(T\geqslant T_{0})\end{dcases}
supf3(a,b;[0,T])f′′subscriptsupremum𝑓subscript3𝑎𝑏0𝑇subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓′′\displaystyle\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{3}(a,b\,;\,[0,T])}\left\lVert f^{\prime\prime}\right\rVert_{\infty} ={4a/(αT)2+23b(αT)(TT0)C3,2a1/3b2/3(TT0),absentcases4𝑎superscript𝛼𝑇223𝑏𝛼𝑇𝑇subscript𝑇0subscript𝐶3.2superscript𝑎13superscript𝑏23𝑇subscript𝑇0\displaystyle=\begin{dcases}4\cdot a/(\alpha T)^{2}+\frac{2}{3}\cdot b(\alpha T)&(T\leqslant T_{0})\\ C_{3,2}\cdot a^{1/3}\,b^{2/3}&(T\geqslant T_{0}),\end{dcases}

T0=T0(a,b)=(81a/b)1/3;C3,1=35/3/2;C3,2=231/3,T_{0}=T_{0}(a,b)=(81a/b)^{1/3}\quad;\quad C_{3,1}=3^{5/3}/2\quad;\quad C_{3,2}=2\cdot 3^{1/3}, (41)

et où α𝛼\alpha est la solution dans [1/3,1/2[[1/3,1/2[ de l’équation biquadratique

1224α=T3baα2(1α)2.1224𝛼superscript𝑇3𝑏𝑎superscript𝛼2superscript1𝛼212-24\alpha=\frac{T^{3}b}{a}\alpha^{2}(1-\alpha)^{2}.

Ce résultat a notamment l’intérêt de mettre en évidence que, pour TT0𝑇subscript𝑇0T\leqslant T_{0}, les bornes supérieures cherchées ne sont pas de la forme du second membre de l’inégalité (19), avec des constantes A3,ksubscript𝐴3𝑘A_{3,k} et B3,ksubscript𝐵3𝑘B_{3,k} indépendantes de T𝑇T.

Cela étant, dans le cas général, où n𝑛n est un nombre entier quelconque, plusieurs auteurs ont explicité des constantes An,ksubscript𝐴𝑛𝑘A_{n,k} et Bn,ksubscript𝐵𝑛𝑘B_{n,k} admissibles dans la proposition 6. Une première observation est que l’inégalité (19) s’applique en particulier au cas où f=P𝑓𝑃f=P est une fonction polynomiale de degré au plus n1𝑛1n-1, vérifiant |f|1𝑓1\left\lvert f\right\rvert\leqslant 1 sur [0,2]delimited-[]0.2[0,2] (ou [1,1]delimited-[]1.1[-1,1]). On peut alors prendre a=1𝑎1a=1, T=2𝑇2T=2, et b𝑏b arbitrairement petit. Ainsi,

An,k2ksupdegPn1max|t|1|P(k)(t)|.subscript𝐴𝑛𝑘superscript2𝑘subscriptsupremumdegree𝑃𝑛1subscript𝑡1superscript𝑃𝑘𝑡A_{n,k}\geqslant 2^{k}\sup_{\deg P\leqslant n-1}\max_{\left\lvert t\right\rvert\leqslant 1}\,\lvert P^{(k)}(t)\rvert.

Or cette borne supérieure est connue, grâce à un théorème des frères Markov (cf. le survol de A. Shadrin [41]) : elle est atteinte lorsque P𝑃P est le (n1)𝑛1(n-1)e polynôme de Tchebychev, défini par l’identité Tn1(x)=cos(n1)arccosxsubscript𝑇𝑛1𝑥𝑛1𝑥T_{n-1}(x)=\cos(n-1)\arccos x, et pour t=1𝑡1t=1. On a donc

An,k2k|Tn1(k)(1)|.subscript𝐴𝑛𝑘superscript2𝑘superscriptsubscript𝑇𝑛1𝑘1A_{n,k}\geqslant 2^{k}\lvert T_{n-1}^{(k)}(1)\rvert.

Notons que

|Tn1(k)(1)|=Tn1(k)(1)=(n1)2kk!(2k)!(n+k2)!(nk1)!\lvert T_{n-1}^{(k)}(1)\rvert=T_{n-1}^{(k)}(1)=(n-1)\frac{2^{k}k!}{(2k)!}\frac{(n+k-2)!}{(n-k-1)!}\cdotp

En approchant une fonction fn(a,b;[0,T])𝑓subscript𝑛𝑎𝑏0𝑇f\in{\mathcal{L}}_{n}(a,b\,;[0,T]) par son polynôme de meilleure approximation de degré n1absent𝑛1\leqslant n-1, Gorny avait obtenu en 1939 une valeur An,ksubscript𝐴𝑛𝑘A_{n,k} double de cette borne inférieure (cf. [17], (3), p. 321). L’année suivante, Cartan fut le premier a obtenir l’inégalité (19) avec la valeur optimale, An,k=2kTn1(k)(1)subscript𝐴𝑛𝑘superscript2𝑘superscriptsubscript𝑇𝑛1𝑘1A_{n,k}=2^{k}T_{n-1}^{(k)}(1).

Une démarche possible est alors de choisir cette valeur pour An,ksubscript𝐴𝑛𝑘A_{n,k}, et de chercher une constante admissible Bn,ksubscript𝐵𝑛𝑘B_{n,k} la plus petite possible. En prenant T=2𝑇2T=2, f(t)=Tn(t1)𝑓𝑡subscript𝑇𝑛𝑡1f(t)=T_{n}(t-1) dans (19), on obtient

Tn(k)(1)Tn1(k)(1)+Bn,kTn(n)(1)2nk,superscriptsubscript𝑇𝑛𝑘1superscriptsubscript𝑇𝑛1𝑘1subscript𝐵𝑛𝑘superscriptsubscript𝑇𝑛𝑛1superscript2𝑛𝑘T_{n}^{(k)}(1)\leqslant T_{n-1}^{(k)}(1)+B_{n,k}T_{n}^{(n)}(1)2^{n-k},

d’où

Bn,kAn,kk(2n1)(nk)(n1)n!22n1B_{n,k}\geqslant A_{n,k}\cdot\frac{k(2n-1)}{(n-k)(n-1)\,n!2^{2n-1}}\cdotp (42)

En 1940, Cartan obtenait la valeur admissible

Bn,k=An,k/n!subscript𝐵𝑛𝑘subscript𝐴𝑛𝑘𝑛B_{n,k}=A_{n,k}/n!

(cf. [8], (7), p. 11, et (12), p. 13). En 1990, Kallioniemi a obtenu la valeur

Bn,k=An,kk(2(n1)2+k1)(nk)(n1)(n+k2)n!22n2subscript𝐵𝑛𝑘subscript𝐴𝑛𝑘𝑘2superscript𝑛12𝑘1𝑛𝑘𝑛1𝑛𝑘2𝑛superscript22𝑛2B_{n,k}=A_{n,k}\cdot\frac{k\big{(}2(n-1)^{2}+k-1\big{)}}{(n-k)(n-1)(n+k-2)\,n!2^{2n-2}} (43)

(cf. [22], Theorem 4.3, p. 84), dont le quotient par le second membre de (42) est compris entre 111 et 222.

La recherche actuelle sur ce problème est structurée par une conjecture de 1976, due à Karlin (cf. [23], p. 423), et stipulant qu’une certaine fonction spline ZTsubscript𝑍𝑇Z_{T}, dite spline de Zolotareff, et précisément décrite par KarlinKarlin donne cette description pour l’ensemble n(ρ,1;[0,1])subscript𝑛𝜌.1delimited-[]0.1{\mathcal{L}}_{n}(\rho,1\,;[0,1]), où ρ>0𝜌0\rho>0 ; le passage à notre n(1,1;[0,T])subscript𝑛1.10𝑇{\mathcal{L}}_{n}(1,1\,;\,[0,T]) s’effectuerait suivant les principes d’homogénéité du §2. ([23], Theorem 5.1, p. 376, et §5, p. 403-411), vérifie

supfn(1,1;[0,T])f(k)=ZT(k)=|ZT(k)(0)|(0<k<n).formulae-sequencesubscriptsupremum𝑓subscript𝑛1.10𝑇subscriptnormsuperscript𝑓𝑘subscriptnormsuperscriptsubscript𝑍𝑇𝑘superscriptsubscript𝑍𝑇𝑘00𝑘𝑛\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{n}(1,1\,;\,[0,T])}\|f^{(k)}\|_{\infty}=\|Z_{T}^{(k)}\|_{\infty}=\lvert Z_{T}^{(k)}(0)\rvert\quad(0<k<n).

En particulier, lorsque T4(n!/2)1/n𝑇4superscript𝑛21𝑛T\leqslant 4(n!/2)^{1/n}, la fonction spline ZTsubscript𝑍𝑇Z_{T} est un polynôme, obtenu par changement de variable entre [1,1]delimited-[]1.1[-1,1] et [0,T]0𝑇[0,T], à partir d’un polynôme de Zolotareff. Ces polynômes ont été introduits en 1868 par Zolotareff dans sa thèse d’habilitation (cf. [47], p. 130-166), dont voici une traduction française des premières lignes.

Le problème, dont je donne la solution dans cet article, est le suivant :

«  De la fonction entière (polynomiale)

F(x)=xnσxn1+,𝐹𝑥superscript𝑥𝑛𝜎superscript𝑥𝑛1F(x)=x^{n}-\sigma x^{n-1}+\cdots,

σ𝜎\sigma est un coefficient fixé, trouver les coefficients restants de sorte que cette fonction garde la plus petite valeur possible lorsque x𝑥x reste entre les bornes 11-1 et 111, et trouver le maximum de cette fonction.  »

Pour σ=0𝜎0\sigma=0, cette question a été résolue par P. L. Tchebychev dans le mémoire Théorie des mécanismes connus sous le nom de parallélogrammes, 1853.

Dans ce cas, F(x)𝐹𝑥F(x) s’exprime très simplement à l’aide des fonctions trigonométriques ; elle est précisément égale à 21ncosnarccosxsuperscript21𝑛𝑛𝑥2^{1-n}\cos n\arccos x.

Lorsque σ𝜎\sigma n’est pas nul, nous démontrons que F(x)𝐹𝑥F(x) s’exprime très simplement à l’aide des fonctions de Jacobi (…)

Pour le cas polynomial (T4(n!/2)1/n𝑇4superscript𝑛21𝑛T\leqslant 4(n!/2)^{1/n}), la conjecture de Karlin a été démontrée en 2014 par Shadrin (cf. [42]).

8.4 Le cas I=[0,[I=[0,\infty[

Posons

Cn,k=supfn(1,1;[0,[)f(k)(n2; 0<k<n).C_{n,k}=\sup_{f\in{\mathcal{L}}_{n}(1,1;\,[0,\infty[)}\|f^{(k)}\|_{\infty}\quad(n\geqslant 2\,;\,0<k<n).

L’égalité C2,1=2subscript𝐶2.12C_{2,1}=2, due à Landau, est l’objet de la proposition 12 ci-dessus. Les valeurs C3,1subscript𝐶3.1C_{3,1} et C3,2subscript𝐶3.2C_{3,2} de (41), ont été obtenues par Matorin en 1955 (cf. [30]).

Schoenberg et Cavaretta ont montré en 1970 (cf. [40]) l’existence d’une suite (qn+)n2subscriptsuperscriptsubscript𝑞𝑛𝑛2(q_{n}^{+})_{n\geqslant 2} de fonctions vérifiant

\bullet qn+superscriptsubscript𝑞𝑛q_{n}^{+} est une spline de degré n𝑛n sur [0,[[0,\infty[ ;

\bullet qn+n(1,1;[0,[)q_{n}^{+}\in{\mathcal{L}}_{n}(1,1;\,[0,\infty[) pour tout n2𝑛2n\geqslant 2 ;

\bullet f(k)qn+(k)subscriptdelimited-∥∥superscript𝑓𝑘subscriptnormsuperscriptsubscript𝑞𝑛𝑘\left\lVert f^{(k)}\right\rVert_{\infty}\leqslant\|q_{n}^{+(k)}\|_{\infty} pour n2𝑛2n\geqslant 2, fn(1,1;[0,[)f\in{\mathcal{L}}_{n}(1,1;\,[0,\infty[), et 0<k<n0𝑘𝑛0<k<n.

Les fonctions qn+superscriptsubscript𝑞𝑛q_{n}^{+} sont explicitement connues pour n=2𝑛2n=2 et 333 (cf. [38], pp. 147-156). Pour n4𝑛4n\geqslant 4, les fonctions qn+superscriptsubscript𝑞𝑛q_{n}^{+} sont définies par un passage à la limite, donnant des estimations des bornes Cn,ksubscript𝐶𝑛𝑘C_{n,k} qui sont «  far from explicit  » (cf. [40], p. 304).

Concernant le comportement asymptotique de ces constantes, la question principale est la suivante.

Question 2

Soit λ𝜆\lambda tel que 0<λ<10𝜆10<\lambda<1. La quantité Cn,k1/nsuperscriptsubscript𝐶𝑛𝑘1𝑛C_{n,k}^{1/n} tend-elle vers une limite quand n𝑛n tend vers l’infini et k/n𝑘𝑛k/n tend vers λ𝜆\lambda? Si la réponse est oui, que vaut cette limite?

Pour 0<λ<10𝜆10<\lambda<1, posons

w+(λ)=lim suplnCn,kn;w(λ)=lim inflnCn,kn(n,k/nλ).w^{+}(\lambda)=\limsup\frac{\ln C_{n,k}}{n}\quad;\quad w^{-}(\lambda)=\liminf\frac{\ln C_{n,k}}{n}\quad(n\rightarrow\infty,\;k/n\rightarrow\lambda).

En 1955, en utilisant la méthode de comparaison de Kolmogorov, Matorin obtint la majoration

Cn,kTn(k)(1)/Tn(n)(1)k/nsubscript𝐶𝑛𝑘superscriptsubscript𝑇𝑛𝑘1superscriptsubscript𝑇𝑛𝑛superscript1𝑘𝑛C_{n,k}\leqslant T_{n}^{(k)}(1)/T_{n}^{(n)}(1)^{k/n}

(cf. [30], (3), p. 13). La formule de Stirling sous la forme

(k!)1/nλλeλnλ(n,k/nλ)similar-tosuperscript𝑘1𝑛superscript𝜆𝜆superscript𝑒𝜆superscript𝑛𝜆formulae-sequence𝑛𝑘𝑛𝜆(k!)^{1/n}\sim\lambda^{\lambda}e^{-\lambda}n^{\lambda}\quad(n\rightarrow\infty,\;k/n\rightarrow\lambda)

permet d’en déduire la majoration

w+(λ)(1+λ)ln(1+λ)+(λ1)ln(1λ)λln(4λ)(0<λ<1).superscript𝑤𝜆1𝜆1𝜆𝜆11𝜆𝜆4𝜆0𝜆1w^{+}(\lambda)\leqslant(1+\lambda)\ln(1+\lambda)+(\lambda-1)\ln(1-\lambda)-\lambda\ln(4\lambda)\quad(0<\lambda<1). (44)

La même année, par une méthode entièrement différente, fondée sur des considérations d’analyse complexe et d’analyse fonctionnelle, Malliavin obtenait dans sa thèse la majoration

Cn,k210elnnπenμ(k/n)(μ(λ)=0λlntan(πt/2)dt)subscript𝐶𝑛𝑘superscript210𝑒𝑛𝜋superscript𝑒𝑛𝜇𝑘𝑛𝜇𝜆superscriptsubscript0𝜆𝜋𝑡2𝑑𝑡C_{n,k}\leqslant 2^{10}\frac{e\ln n}{\pi}\,e^{n\mu(k/n)}\quad\big{(}\,\mu(\lambda)=-\int_{0}^{\lambda}\ln\tan(\pi t/2)\,dt\,\big{)} (45)

(cf. [29], 11.3.4, p. 238, et 14.6, p. 254), d’où découle immédiatement l’inégalité w+(λ)μ(λ)superscript𝑤𝜆𝜇𝜆w^{+}(\lambda)\leqslant\mu(\lambda). On peut vérifier que cette majoration est toujours meilleure que (44).

En ce qui concerne w(λ)superscript𝑤𝜆w^{-}(\lambda), la minoration obtenue en 1967 par Stechkin,

Cn,kκp1/2(n/p)p,subscript𝐶𝑛𝑘𝜅superscript𝑝12superscript𝑛𝑝𝑝C_{n,k}\geqslant\kappa p^{-1/2}(n/p)^{p},

p=min(k,nk)𝑝𝑘𝑛𝑘p=\min(k,n-k), et où κ𝜅\kappa est une constante positive absolue (cf. [44], (23), p. 445), fournit l’inégalité

w(λ)min(λ,1λ)ln1/min(λ,1λ)(0<λ<1).superscript𝑤𝜆𝜆.1𝜆1𝜆.1𝜆0𝜆1w^{-}(\lambda)\geqslant\min(\lambda,1-\lambda)\ln 1/\min(\lambda,1-\lambda)\quad(0<\lambda<1).

8.5 Autres normes

Pour conclure, voici quelques indications sur un problème généralisant ceux considérés dans ce survol. On se donne, comme précédemment, un intervalle I𝐼I de {\mathbb{R}}, deux nombres entiers k𝑘k et n𝑛n, vérifiant l’encadrement 0<k<n0𝑘𝑛0<k<n, deux nombres réels positifs a𝑎a et b𝑏b, mais aussi trois éléments p,q,r𝑝𝑞𝑟p,\,q,\,r de [1,]1[1,\infty], et on se propose de déterminer la borne supérieure

σp,q,r(a,b;k,n;I)=supf(k)q,subscript𝜎𝑝𝑞𝑟𝑎𝑏𝑘𝑛𝐼supremumsubscriptnormsuperscript𝑓𝑘𝑞\sigma_{p,q,r}(a,b\,;\,k,n\,;\,I)=\sup\|f^{(k)}\|_{q},

lorsque f𝑓f parcourt l’ensemble des fonctions f:I:𝑓𝐼f:I\rightarrow{\mathbb{R}}, qui sont (n1)𝑛1(n-1) fois dérivables, dont la dérivée (n1)𝑛1(n-1)e est localement absolument continue dans I𝐼I, et telles que

fpa;f(n)rb.\|f\|_{p}\leqslant a\quad;\quad\|f^{(n)}\|_{r}\leqslant b.

L’essentiel de ce texte était dévolu au cas p=q=r=𝑝𝑞𝑟p=q=r=\infty, mais nous avons vu, par exemple, l’égalité

σ,1,(1,1; 1,2;[0,2N2+4])=2N+4(N)subscript𝜎.11.11.2delimited-[]0.2𝑁242𝑁4𝑁\sigma_{\infty,1,\infty}(1,1\,;\,1,2\,;\,[0,2N\sqrt{2}\,+4])=2N+4\quad(N\in{\mathbb{N}})

(proposition 31 ci-dessus). Notons que, dans l’article [7], dont ce résultat est issu, Bojanov et Naidenov obtiennent une égalité similaire pour n=2𝑛2n=2 ou 333, p=r=𝑝𝑟p=r=\infty, et q𝑞q quelconque.

Le livre [26] de Kwong et Zettl contient une introduction au problème général.

Si I=𝐼I={\mathbb{R}}, Stein a montré en 1957 que l’inégalité

f(k)psnksn1k/nfp1k/nf(n)pk/n(0kn),subscriptnormsuperscript𝑓𝑘𝑝subscript𝑠𝑛𝑘superscriptsubscript𝑠𝑛1𝑘𝑛superscriptsubscriptnorm𝑓𝑝1𝑘𝑛superscriptsubscriptnormsuperscript𝑓𝑛𝑝𝑘𝑛0𝑘𝑛\|f^{(k)}\|_{p}\leqslant\frac{s_{n-k}}{s_{n}^{1-k/n}}\cdot\|f\|_{p}^{1-k/n}\cdot\|f^{(n)}\|_{p}^{k/n}\quad(0\leqslant k\leqslant n),

due à Kolmogorov pour p=𝑝p=\infty, est valable pour toute valeur de p[1,]𝑝1p\in[1,\infty] (cf. [45], p. 586-588). Outre p=𝑝p=\infty, cette majoration est aussi optimale pour p=1𝑝1p=1 (Ditzian, 1975, cf. [12], p. 149). Pour p=2𝑝2p=2, la majoration optimale est simplement

f(k)2f21k/nf(n)2k/n(0kn),subscriptnormsuperscript𝑓𝑘2superscriptsubscriptnorm𝑓21𝑘𝑛superscriptsubscriptnormsuperscript𝑓𝑛2𝑘𝑛0𝑘𝑛\|f^{(k)}\|_{2}\leqslant\|f\|_{2}^{1-k/n}\cdot\|f^{(n)}\|_{2}^{k/n}\quad(0\leqslant k\leqslant n),

et p=1,2,𝑝1.2p=1,2,\infty sont les seules valeurs pour lesquelles les bornes σp,p,p(a,b;k,n;)subscript𝜎𝑝𝑝𝑝𝑎𝑏𝑘𝑛\sigma_{p,p,p}(a,b\,;\,k,n\,;\,{\mathbb{R}}) soient connues.

Si I=[0,[I=[0,\infty[, le premier résultat est l’inégalité démontrée en 1932 par Hardy et Littlewood,

f22f21/2f′′21/2,subscriptnormsuperscript𝑓22superscriptsubscriptnorm𝑓212superscriptsubscriptnormsuperscript𝑓′′212\|f^{\prime}\|_{2}\leqslant\sqrt{2}\;\|f\|_{2}^{1/2}\cdot\|f^{\prime\prime}\|_{2}^{1/2},

où la constante 22\sqrt{2} est optimale (cf. [20], Theorem 6, p. 249). Dans [29] (14.1, p. 251), Malliavin énonce l’inégalité générale

f(k)2enμ(k/n)f21k/nf(n)2k/n(0<k<n)subscriptnormsuperscript𝑓𝑘2superscript𝑒𝑛𝜇𝑘𝑛superscriptsubscriptnorm𝑓21𝑘𝑛superscriptsubscriptnormsuperscript𝑓𝑛2𝑘𝑛0𝑘𝑛\|f^{(k)}\|_{2}\leqslant e^{n\mu(k/n)}\;\|f\|_{2}^{1-k/n}\cdot\|f^{(n)}\|_{2}^{k/n}\quad(0<k<n)

(où μ𝜇\mu est définie dans (45)), dans le cas où f𝑓f est indéfiniment dérivable sur ]0,[]0,\infty[.

Enfin, si I=[0,T]𝐼0𝑇I=[0,T], les résultats actuellement les plus précis sont ceux des articles de Bojanov et Naidenov déjà cités.

Remerciements

Je remercie Sonia Fourati de m’avoir invité et encouragé à écrire cet article, et l’arbitre anonyme d’avoir suggéré l’écriture du §8.

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BALAZARD, Michel
Aix Marseille Univ, CNRS, Centrale Marseille, I2M, Marseille, France
Adresse électronique : balazard@math.cnrs.fr