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75mm \bbkannee65ème année, 2012-2013 \bbknumero1064

Groupes pleins-topologiques

d’après Matui, Juschenko, Monod, …
Yves de CORNULIER CNRS – Université Paris-Sud 11
Département de Mathématiques
UMR 8628 du CNRS
Bâtiment 425
91405 Orsay Cedex
yves.cornulier@math.u-psud.fr
(Janvier 2013)

1 Introduction

Le but de cet exposé est de décrire la construction récente et élégante de groupes infinis de type fini, simples et moyennables. Elle découle du théorème ci-dessous. On appelle espace de Cantor un espace homéomorphe à l’ensemble triadique de Cantor. Soit φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme d’un espace de Cantor X𝑋X, c’est-à-dire un homéomorphisme de X𝑋X sur lui-même. On suppose φ𝜑\varphi minimal, au sens où toutes ses orbites sont denses. Par définition, son groupe plein-topologique [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], est le groupe (discret!) des autohoméomorphismes de X𝑋X qui coïncident localement avec une puissance de φ𝜑\varphi (voir au §2.2 une définition plus générale et plus détaillée).

Théorème.

Le groupe plein-topologique [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] est infini, ainsi que son sous-groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}; de plus

  • (Matui, 2006) le groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est un groupe simple;

  • (Matui, 2006) si φ𝜑\varphi est un sous-décalage topologique (voir §2.1), alors le groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est un groupe de type fini;

  • (Juschenko–Monod, 2012; conjecturé par Grigorchuk–Medynets [GrMe12]) le groupe [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] est moyennable (et donc [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} aussi).

Le groupe plein-topologique [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] est un cas particulier d’une construction de W. Krieger (1980) [Kri80, p. 88] mais n’y est pas étudié dans le cas d’une action d’un autohoméomorphisme minimal. Il est ensuite111(Ajout, février 2020) Štěpánek et Rubin (1989) [SR] ont également introduit le groupe plein-topologique d’un sous-groupe d’autohoméomorphismes d’un espace compact totalement séparé: voir l’appendice B. implicitement introduit, dissimulé sous le nom «  ΓΓ\Gamma  », en termes de Csuperscript𝐶C^{\ast}-algèbres par Putnam (1989) [Pu89, Sec. 5], en étudiant dans un cadre topologique des objets introduits par Vershik [Ve81, Ve82] dans un contexte mesurable. Le groupe plein-topologique d’un autohoméomorphisme minimal est ensuite étudié de manière systématique par E. Glasner et B. Weiss [GlW95] (sous le nom «  groupe plein-fini  »), Skau [Sk97] et surtout Giordano, Putnam et Skau (1999) dans [GPS99] (et déjà, de manière implicite mais profonde, dans l’article important [GPS95]). Ces derniers montrent notamment, en utilisant un résultat de Boyle [Bo83], que la classe d’isomorphie du groupe [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] caractérise la paire {φ,φ1}𝜑superscript𝜑1\{\varphi,\varphi^{-1}\} à conjugaison près dans le groupe des autohoméomorphismes de l’espace de Cantor. Ceci a été étendu à [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} par Bezuglyi et Medynets [BeM08], avec une méthode plus directe. De l’existence d’un continuum d’autohoméomorphismes minimaux de l’espace de Cantor deux à deux non conjugués et qui sont des sous-décalages (par exemple, associés aux rotations irrationnelles, voir l’exemple plus bas), il découle que les groupes simples de type fini obtenus [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} forment également un continuum de classes d’isomorphie.

Moyennabilité

Un groupe ΓΓ\Gamma est moyennable s’il possède une moyenne (c’est-à-dire une probabilité finiment additive définie sur toutes les parties) invariante par translations à gauche. Un des intérêts de la moyennabilité est qu’elle peut aussi bien être caractérisée de manière analytique, probabiliste, dynamique et géométrique. à titre d’illustration, en voici diverses caractérisations équivalentes (qu’il n’est pas nécessaire de déchiffrer pour comprendre la suite; voir notamment [Gre, Eym, Pat]).

  • ΓΓ\Gamma admet des parties presque invariantes: pour toute partie finie SΓ𝑆ΓS\subset\Gamma et ε>0𝜀0\varepsilon>0 il existe une partie finie non vide F𝐹F de ΓΓ\Gamma telle que #(SFF)/#Fε#𝑆𝐹𝐹#𝐹𝜀\#(SF\smallsetminus F)/\#F\leq\varepsilon.

  • Toute action de ΓΓ\Gamma par autohoméomorphismes sur un espace compact non vide préserve une mesure de probabilité invariante sur les boréliens.

  • Toute action affine continue de ΓΓ\Gamma sur un convexe compact non vide d’un espace localement convexe admet un point fixe.

  • ΓΓ\Gamma n’admet pas de décomposition paradoxale (voir remarque 2.2).

  • La représentation régulière de ΓΓ\Gamma sur 2(Γ)superscript2Γ\ell^{2}(\Gamma) admet des vecteurs unitaires presque invariants.

  • L’algèbre de Banach 1(Γ)superscript1Γ\ell^{1}(\Gamma) est nucléaire.

  • L’algèbre de von Neumann de ΓΓ\Gamma est hyperfinie.

  • Le morphisme canonique de la Csuperscript𝐶C^{\ast}-algèbre maximale de ΓΓ\Gamma vers sa Csuperscript𝐶C^{\ast}-algèbre réduite est un isomorphisme.

  • Pour toute mesure de probabilité symétrique à support fini SΓ𝑆ΓS\subset\Gamma contenant 1, la marche aléatoire donnée au temps n𝑛n par multiplication à droite par un élément choisi au hasard dans S𝑆S, a une probabilité de retour en 1 décroissant sous-exponentiellement vers 0.

Les groupes moyennables constituent une classe stable par passage aux sous-groupes, quotients, extensions et limites directes. La plus petite classe de groupe stable par ces opérations contenant les groupes finis et abéliens est appelée classe des groupes élémentairement moyennables. De fait, ce sont les exemples «  immédiats  » de groupes moyennables, comprenant notamment les groupes virtuellement résolubles (c’est-à-dire, ayant un sous-groupe d’indice fini résoluble). Cependant, il est facile de vérifier que tout groupe de type fini élémentairement moyennable et non trivial admet un quotient fini non trivial (et, s’il est infini, admet un quotient infini virtuellement abélien non trivial), si bien que ces groupes sont très loin d’être simples. S’il est connu depuis le début de l’étude de la croissance des groupes que tout groupe de croissance sous-exponentielle est moyennable, les premiers exemples non triviaux (à croissance dite intermédiaire) ont été obtenus par Grigorchuk en 1984 [Gri84]. Ce sont les premiers exemples connus de groupes moyennables et non élémentairement moyennables. Ce sont des groupes d’automorphismes d’arbres enracinés de degré fini et à ce titre ils sont résiduellement finis (et donc loin d’être simples). La plus petite classe de groupes stable par les opérations décrites précédemment contenant les groupes à croissance sous-exponentielle est appelée classe des groupes sous-exponentiellement moyennables; elle contient les groupes élémentairement moyennables mais est strictement plus grosse puisqu’elle contient également les groupes à croissance intermédiaire. Les premiers exemples de groupes moyennables mais pas sous-exponentiellement moyennables, comprenant le «  groupe de la basilique  », ont été introduits par Grigorchuk et Zuk [GrZu02]; leur moyennabilité a été démontrée par Bartholdi et Virag [BV05], en utilisant les marches aléatoires; ils sont également résiduellement finis. Leur méthode a été largement généralisée et étendue [Kai05, Ers06, Bri09, BKN10], par des méthodes également basées sur les marches aléatoires et s’appliquant à des groupes agissant naturellement sur des arbres enracinés de valence finie.

On ne connaissait pas, précédemment, de groupe de type fini moyennable non trivial sans quotient fini non trivial, et donc, a fortiori, aucun qui soit infini et simple. Les exemples [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} sont à croissance exponentielle, par un résultat de Matui [Ma12], et il en découle immédiatement qu’ils ne sont pas sous-exponentiellement moyennables (voir le fait A.2).

Le critère de moyennabilité utilisé par Juschenko et Monod [JM12] est le suivant. Rappelons qu’une permutation σ𝜎\sigma de 𝐙𝐙\mathbf{Z} est à déplacement borné si |σ(n)n|𝜎𝑛𝑛|\sigma(n)-n| est borné indépendamment de n𝐙𝑛𝐙n\in\mathbf{Z}, et que deux parties A,B𝐙𝐴𝐵𝐙A,B\subset\mathbf{Z} sont commensurables si la différence symétrique AB𝐴𝐵A\bigtriangleup B est finie.

Théorème (Critère de Juschenko-Monod).

Soit ΓΓ\Gamma un groupe agissant sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} par permutations à déplacement borné. On suppose que le stabilisateur de 𝐍𝐍\mathbf{N} est moyennable. Alors ΓΓ\Gamma est moyennable.

Dans le cas d’un autohoméomorphisme minimal d’un espace de Cantor, le théorème précédent s’applique à [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], qui agit sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} via l’identification de 𝐙𝐙\mathbf{Z} à une orbite d’un élément quelconque x0subscript𝑥0x_{0} dans l’espace de Cantor: ψn𝜓𝑛\psi\cdot n, pour ψ[[φ]]𝜓delimited-[]delimited-[]𝜑\psi\in[\![\varphi]\!] et n𝐙𝑛𝐙n\in\mathbf{Z}, est l’unique entier m𝑚m tel que ψ(φn(x0))=φm(x0)𝜓superscript𝜑𝑛subscript𝑥0superscript𝜑𝑚subscript𝑥0\psi(\varphi^{n}(x_{0}))=\varphi^{m}(x_{0}). Putnam ayant montré [Pu89] que le stabilisateur dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] de toute orbite positive {φn(x):n𝐍}conditional-setsuperscript𝜑𝑛𝑥𝑛𝐍\{\varphi^{n}(x):n\in\mathbf{N}\} est localement fini (au sens où toute partie finie engendre un sous-groupe fini), le théorème implique que [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] est moyennable.

Exemples

Un exemple explicite de sous-décalage minimal φ𝜑\varphi s’obtient comme ceci: on considère un irrationnel α𝛼\alpha et on considère, sur le cercle 𝐑/𝐙𝐑𝐙\mathbf{R}/\mathbf{Z}, la rotation rα:zz+α:subscript𝑟𝛼maps-to𝑧𝑧𝛼r_{\alpha}:z\mapsto z+\alpha. On peut définir un espace [𝐑/𝐙]𝐙αsubscriptdelimited-[]𝐑𝐙𝐙𝛼[\mathbf{R}/\mathbf{Z}]_{\mathbf{Z}\alpha}, homéomorphe à l’espace de Cantor, muni d’une projection sur le cercle par laquelle la rotation rαsubscript𝑟𝛼r_{\alpha} se relève canoniquement en un autohoméomorphisme minimal φ=r~α(x)𝜑subscript~𝑟𝛼𝑥\varphi=\tilde{r}_{\alpha}(x). Une manière de l’obtenir est de remplacer chaque point x𝑥x de l’orbite 𝐙α𝐑/𝐙𝐙𝛼𝐑𝐙\mathbf{Z}\alpha\subset\mathbf{R}/\mathbf{Z} par une paire {x,x+}superscript𝑥superscript𝑥\{x^{-},x^{+}\}, et de munir l’espace ainsi obtenu de l’ordre cyclique évident et de la topologie associée. Ainsi si x𝐙α𝑥𝐙𝛼x\notin\mathbf{Z}\alpha, on définit r~α(x)=x+αsubscript~𝑟𝛼𝑥𝑥𝛼\tilde{r}_{\alpha}(x)=x+\alpha et si x𝐙α𝑥𝐙𝛼x\in\mathbf{Z}\alpha on définit r~α(x±)=(x+α)±subscript~𝑟𝛼superscript𝑥plus-or-minussuperscript𝑥𝛼plus-or-minus\tilde{r}_{\alpha}(x^{\pm})=(x+\alpha)^{\pm}; l’espace [𝐑/𝐙]𝐙αsubscriptdelimited-[]𝐑𝐙𝐙𝛼[\mathbf{R}/\mathbf{Z}]_{\mathbf{Z}\alpha} est métrisable, compact, non vide, totalement discontinu et sans point isolé et donc est homéomorphe à l’espace de Cantor; l’autohoméomorphisme r~αsubscript~𝑟𝛼\tilde{r}_{\alpha} est minimal. On vérifie alors que pour tout ε𝐙α]0,1/2[𝐑/𝐙\varepsilon\in\mathbf{Z}\alpha\,\cap\mathopen{]}0,1/2\mathclose{[}\subset\mathbf{R}/\mathbf{Z}, les translatés de l’ouvert fermé [0+,ε]superscript0superscript𝜀[0^{+},\varepsilon^{-}] séparent les points de [𝐑/𝐙]𝐙αsubscriptdelimited-[]𝐑𝐙𝐙𝛼[\mathbf{R}/\mathbf{Z}]_{\mathbf{Z}\alpha}, si bien que ([𝐑/𝐙]𝐙α,φα)subscriptdelimited-[]𝐑𝐙𝐙𝛼subscript𝜑𝛼([\mathbf{R}/\mathbf{Z}]_{\mathbf{Z}\alpha},\varphi_{\alpha}) est un sous-décalage (voir le fait 2.1.2). Cette construction est due à Keane [Kea75, §5] et le groupe plein-topologique associé est considéré spécifiquement par Matui dans [Ma06, Example 6.2]. Notons que rαsubscript𝑟𝛼r_{\alpha} est uniquement ergodique (théorème d’équidistribution de Kronecker-Weyl, voir [KH, Proposition 4.2.1]) et les valeurs propres de l’opérateur unitaire associé sur L2([𝐑/𝐙]𝐙α)=L2(𝐑/𝐙)superscript𝐿2subscriptdelimited-[]𝐑𝐙𝐙𝛼superscript𝐿2𝐑𝐙L^{2}([\mathbf{R}/\mathbf{Z}]_{\mathbf{Z}\alpha})=L^{2}(\mathbf{R}/\mathbf{Z}) sont les e2iπnαsuperscript𝑒2𝑖𝜋𝑛𝛼e^{2i\pi n\alpha} pour n𝐙𝑛𝐙n\in\mathbf{Z}; en particulier les groupes cycliques rαHomeo([𝐑/𝐙]𝐙α)delimited-⟨⟩subscript𝑟𝛼Homeosubscriptdelimited-[]𝐑𝐙𝐙𝛼\langle r_{\alpha}\rangle\subset\textnormal{Homeo}([\mathbf{R}/\mathbf{Z}]_{\mathbf{Z}\alpha}) pour α𝛼\alpha irrationnel dans [0,1/2]delimited-[]0.12[0,1/2] sont deux à deux non conjugués et donnent donc, par le résultat de Boyle et Giordano-Putnam-Skau, des groupes pleins-topologiques deux à deux non isomorphes.

L’exemple précédent est sous-groupe du groupe IET des échanges d’intervalles, introduit par Keane [Kea75], habituellement défini comme l’ensemble des translations par morceaux continues à droite de 𝐑/𝐙𝐑𝐙\mathbf{R}/\mathbf{Z} mais qui, comme Keane l’a observé [Kea75, §5], peut s’interpréter comme groupe d’autohoméomorphismes d’un compact totalement discontinu. La question de la moyennabilité du groupe entier IET est ouverte. La résoudre consisterait à démontrer un résultat de moyennabilité pour des groupes pleins-topologiques associés à certaines actions de groupes abéliens de type fini. Cependant, le théorème de Juschenko-Monod ne se généralise pas sans hypothèse supplémentaire: une construction élémentaire dans [EM12] montre que le groupe plein-topologique associé à une action libre et minimale de 𝐙2superscript𝐙2\mathbf{Z}^{2} sur un espace de Cantor peut contenir un groupe libre non abélien.

Plan

(Ci-dessous, φ𝜑\varphi est un autohoméomorphisme minimal de l’espace de Cantor.)

On va commencer par introduire les notions générales en détail, dans la partie 2; et énoncer quelques faits généraux (non spécifiques aux actions de 𝐙𝐙\mathbf{Z}), notamment le fait 2.2.4 qui montre que les groupes pleins-topologiques contiennent «  beaucoup  » d’éléments de torsion et montre en particulier que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est un groupe infini.

La partie 3 contient les principaux résultats algébriques connus sur le groupe [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}. En particulier, les résultats de Matui mentionnés plus haut sont établis au §3.1 pour la simplicité et au §3.2 pour la type-finitude dans le cas d’un sous-décalage minimal.

D’autres résultats sont prouvés au §3.4, notamment le résultat, également dû à Matui, que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} n’est jamais de présentation finie, ainsi que le fait, dû à Grigorchuk et Medynets, qu’il n’est pas finiment approximable (définition 3.4.1). Au §3.5, on prouve le résultat, aussi dû à Matui, que pour un sous-décalage minimal infini, [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} contient un semi-groupe libre à 2 générateurs et est donc à croissance exponentielle.

La partie 4 contient le résultat de moyennabilité de Juschenko-Monod. Elle est indépendante de la précédente en ce qui concerne la preuve du critère. Le fait d’appliquer le critère est lui basé sur le lemme de Putnam, qui se trouve au §3.3.

à titre d’illustration de l’importance de l’hypothèse de minimalité dans certains des résultats ci-dessus, quelques exemples de groupes pleins-topologiques [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] pour φ𝜑\varphi sous-décalage non minimal sont étudiés au §3.7.

Problèmes et questions ouvertes

On considère le groupe plein-topologique associé à un sous-décalage minimal infini sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}. Rappelons que son groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est, par un résultat de Matui, un groupe simple de type fini.

  1. (1)

    Estimer la fonction de Følner de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}, peut-être en discutant sur φ𝜑\varphi. Rappelons qu’après choix d’un système générateur fini S𝑆S symétrique et contenant 1, elle associe à n1𝑛1n\geq 1 le nombre

    Føl(n)=inf{#K#(SKK)/#(K)1/n},Føl𝑛infimumconditional-set#𝐾#𝑆𝐾𝐾#𝐾1𝑛\textnormal{F\o l}(n)=\inf\{\#K\mid\#(SK\smallsetminus K)/\#(K)\leq 1/n\},

    K𝐾K parcourant les parties finies non vides du groupe. De même, estimer la fonction de Følner dans les boules

    BFøl(n)=inf{diam(K)#(SKK)/#(K)1/n}BFøl𝑛infimumconditional-setdiam𝐾#𝑆𝐾𝐾#𝐾1𝑛\textnormal{BF\o l}(n)=\inf\{\textnormal{diam}(K)\mid\#(SK\smallsetminus K)/\#(K)\leq 1/n\}

    et la probabilité de retour des marches aléatoires sur le graphe de Cayley de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}.

  2. (2)

    Donner des résultats généraux sur la structure des sous-groupes de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]. Par exemple:

    1. (2a)

      étant moyennable, [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] ne contient pas de sous-groupe libre non abélien. Donner une preuve directe de ce fait.

    2. (2b)

      Est-ce que tous les sous-groupes de présentation finie (resp. résiduellement finis, resp. sans torsion) de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} sont élémentairement moyennables?

    3. (2c)

      Est-il vrai que tout sous-groupe de type fini de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] est à croissance exponentielle ou polynomiale? que tout sous-groupe infini de type fini possède un élément d’ordre infini?

    4. (2d)

      Est-il vrai que tout sous-groupe de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] soit contient un sous-groupe isomorphe à [[ψ]]delimited-[]delimited-[]𝜓[\![\psi]\!] (pour un autre sous-décalage minimal ψ𝜓\psi), soit est élémentairement moyennable? (Cela impliquerait une réponse positive à toutes les questions de (2b) et (2c).)

    5. (2e)

      Peut-on donner des résultats généraux sur la structure des sous-groupes élémentairement moyennables de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]?

    6. (2f)

      Classifier les morphismes entre les différents groupes [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] ou [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} (ici φ𝜑\varphi peut être plus généralement un autohoméomorphisme minimal d’un espace de Cantor). En particulier, le groupe [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} a-t-il des endomorphismes injectifs non surjectifs (autrement dit, en termes savants, est-il non cohopfien)? [Le cas des isomorphismes et automorphismes est bien compris, principalement par les résultats de Giordano, Putnam et Skau [GPS99], voir §3.6.1.]

  3. (3)

    Peut-on classifier les groupes [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} à quasi-isométrie près? Peut-on caractériser les groupes (de type fini, ou plus généralement localement compacts et compactement engendrés) qui leur sont quasi-isométriques?

  4. (4)

    Est-ce que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} admet une action propre sur un complexe cubique CAT(0) (sans hypothèse de dimension finie)? Peut-on déterminer les sous-groupes de codimension 1 dans les groupes [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}? Rappelons qu’un sous-groupe H𝐻H est dit de codimension 1 si le graphe de Schreier [[φ]]/Hsuperscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑𝐻[\![\varphi]\!]^{\prime}/H a au moins 2 bouts, voir par exemple Sageev [Sag97]. Les stabilisateurs dans [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} des points de X𝑋X sont de codimension 1 puisque le graphe de Schreier est quasi-isométrique à 𝐙𝐙\mathbf{Z}.

  5. (5)

    Est-ce que le groupe [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] a une complexité de décomposition finie? (Voir [GTY10].)

  6. (6)

    Le groupe [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} contient-il un arbre régulier trivalent quasi-isométriquement plongé? un semi-groupe libre quasi-isométriquement plongé?

  7. (7)

    Le groupe [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} a-t-il une croissance exponentielle uniforme? A-t-il un diamètre semi-libre (resp. sans torsion) uniforme (c’est-à-dire, existe-t-il un entier N𝑁N tel que pour tout système générateur, la N𝑁N-boule contient un couple d’éléments engendrant librement un semi-groupe libre (resp. contient un élément sans torsion)?

  8. (8)

    Soit sφsubscript𝑠𝜑s_{\varphi} cardinal minimal d’une famille génératrice de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}. Existe-t-il des sous-décalages minimaux avec sφsubscript𝑠𝜑s_{\varphi} arbitrairement grand?

Remerciements. Je remercie Mikael de la Salle pour une simplification substantielle de la preuve de la proposition 4.3.1 et Pierre Py pour une correction dans la preuve du théorème 3.1.6. Je suis reconnaissant envers toutes les personnes m’ayant signalé diverses coquilles, omissions ou imprécisions, et notamment Laurent Bartholdi, Pierre de la Harpe et Ralph Strebel pour leur relecture critique attentive. Je remercie Hiroki Matui et Jean-François Quint pour des discussions utiles.

2 Sous-décalages et groupes pleins-topologiques

2.1 Sous-décalages et odomètres

Si X𝑋X est un espace topologique, on note Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X) le groupe des homéomorphismes de X𝑋X sur lui-même, ou autohoméomorphismes de X𝑋X. On considère un espace topologique X𝑋X muni d’une action par autohoméomorphismes d’un groupe discret ΓΓ\Gamma; on parlera souvent du couple (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X).

On supposera souvent que X𝑋X est totalement séparé, au sens où les fonctions continues de X𝑋X vers les espaces discrets séparent les points de X𝑋X, ou de manière équivalente, les clouverts de X𝑋X forment une base de la topologie; c’est un peu plus fort que totalement discontinu (voir [SS, Ex. 129] pour un contre-exemple sous-ensemble du plan «  tipi de Cantor épointé  »), et équivalent pour des espaces localement compacts [Bou, II.§4, cor. de la prop. 6].

Commençons par introduire des exemples fondamentaux.

Définition 2.1.1.

Soit d𝐍𝑑superscript𝐍d\in\mathbf{N}^{*}, soient Adsubscript𝐴𝑑A_{d} un alphabet à d𝑑d lettres et ΓΓ\Gamma un groupe discret quelconque. L’espace AdΓsuperscriptsubscript𝐴𝑑ΓA_{d}^{\Gamma}, muni de la topologie produit, est compact totalement séparé (si d2𝑑2d\geq 2 et ΓΓ\Gamma est infini dénombrable, il est homéomorphe à un espace de Cantor). Il admet une action naturelle de ΓΓ\Gamma par décalage: si f𝑓f est une fonction de ΓΓ\Gamma dans Adsubscript𝐴𝑑A_{d} et gΓ𝑔Γg\in\Gamma, on définit gf𝑔𝑓g\cdot f par gf(γ)=f(g1γ)𝑔𝑓𝛾𝑓superscript𝑔1𝛾g\cdot f(\gamma)=f(g^{-1}\gamma). Muni de l’action de ΓΓ\Gamma, l’espace AdΓsuperscriptsubscript𝐴𝑑ΓA_{d}^{\Gamma} est appelé décalage (à d𝑑d lettres) sur ΓΓ\Gamma. Un fermé ΓΓ\Gamma-invariant est appelé sous-décalage topologique à d𝑑d lettres sur ΓΓ\Gamma (on omettra systématiquement l’adjectif topologique). Par extension et abus de langage, un espace X𝑋X muni d’une action de ΓΓ\Gamma par autohoméomorphismes sera appelé sous-décalage s’il est homéomorphe, de manière ΓΓ\Gamma-équivariante, à un sous-décalage au sens ci-dessus. Lorsqu’on parlera de décalage ou sous-décalage, on supposera toujours implicitement le nombre de lettres fini.

Le fait suivant donne une caractérisation élémentaire et très utile des sous-décalages. On rappelle qu’un clouvert est par définition un ouvert fermé. On note Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X) l’ensemble des clouverts de X𝑋X, qui est une sous-algèbre booléenne de 2Xsuperscript2𝑋2^{X}.

Fait 2.1.2.

Un espace X𝑋X muni d’une action de ΓΓ\Gamma par autohoméomorphismes est un sous-décalage si et seulement si X𝑋X est compact et il existe une partition finie de X𝑋X en clouverts, dont les ΓΓ\Gamma-translatés séparent les points. Plus précisément, il est homéomorphe, de manière ΓΓ\Gamma-équivariante, à un sous-décalage à d𝑑d lettres si et seulement s’il existe une partition de X𝑋X en (au plus) d𝑑d clouverts, dont les ΓΓ\Gamma-translatés séparent les points.

{rema}

La condition du fait 2.1.2 sur la partition se reformule en disant que l’algèbre booléenne Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X) est de type fini comme algèbre munie d’une action de ΓΓ\Gamma; la condition plus précise dit qu’elle est engendrée par d1𝑑1d-1 éléments disjoints.

Démonstration du fait 2.1.2.

Dans un sens, on remarque que, dans AdΓsuperscriptsubscript𝐴𝑑ΓA_{d}^{\Gamma}, les translatés des clouverts Ωi={wAdΓw(1)=i}subscriptΩ𝑖conditional-set𝑤superscriptsubscript𝐴𝑑Γ𝑤1𝑖\Omega_{i}=\{w\in A_{d}^{\Gamma}\mid w(1)=i\}, pour iAd𝑖subscript𝐴𝑑i\in A_{d}, séparent les points. Réciproquement, si X=i=1dXi𝑋superscriptsubscriptsquare-union𝑖1𝑑subscript𝑋𝑖X=\bigsqcup_{i=1}^{d}X_{i} avec Xisubscript𝑋𝑖X_{i} clouvert, on définit, pour xX𝑥𝑋x\in X, la lettre ι(x)𝜄𝑥\iota(x) comme l’unique iAd𝑖subscript𝐴𝑑i\in A_{d} tel que xXi𝑥subscript𝑋𝑖x\in X_{i}; alors on remarque que l’application continue ΓΓ\Gamma-équivariante

Ψ:X:Ψ𝑋\displaystyle\Psi:X \displaystyle\to AdΓsuperscriptsubscript𝐴𝑑Γ\displaystyle A_{d}^{\Gamma}
x𝑥\displaystyle x maps-to\displaystyle\mapsto (ι(γ1x))γΓsubscript𝜄superscript𝛾1𝑥𝛾Γ\displaystyle(\iota(\gamma^{-1}x))_{\gamma\in\Gamma}

est injective si et seulement si les translatés de la partition (Xi)subscript𝑋𝑖(X_{i}) séparent les points. La compacité de X𝑋X implique que ΨΨ\Psi est un homéomorphisme sur son image, qui est un fermé ΓΓ\Gamma-invariant de AdΓsuperscriptsubscript𝐴𝑑ΓA_{d}^{\Gamma}. ∎

On a un autre type d’exemple, en un certain sens diamétralement opposé.

Définition 2.1.3.

On dit que (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X) est un odomètre si X𝑋X est compact totalement séparé, et si l’action de ΓΓ\Gamma sur l’ensemble Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X) des clouverts de X𝑋X a toutes ses orbites finies.

Un exemple prototypique est l’action par addition de 𝐙𝐙\mathbf{Z} sur l’anneau des nombres entiers p𝑝p-adiques 𝐙psubscript𝐙𝑝\mathbf{Z}_{p}; il est souvent décrit de manière plus explicite, l’action du générateur positif de 𝐙𝐙\mathbf{Z} consistant à effectuer effectivement l’addition de 1 à un entier p𝑝p-adique, en posant les retenues!

Fait 2.1.4.

Soit X𝑋X un espace topologique muni d’une action par autohoméomorphismes de ΓΓ\Gamma. équivalences:

  1.  (i)

    X𝑋X est un odomètre;

  2.  (ii)

    X𝑋X est compact totalement séparé et toute application équivariante continue de X𝑋X vers un sous-décalage a une image finie;

  3.  (iii)

    X𝑋X est une limite projective filtrante de ΓΓ\Gamma-ensembles finis.

Si de plus X𝑋X admet une ΓΓ\Gamma-orbite dense, (iii) se reformule en:

  1. (iii’)

    X𝑋X est isomorphe, comme espace topologique muni d’une action de ΓΓ\Gamma (et canoniquement, après choix d’un point de X𝑋X dont l’orbite est dense) au quotient à droite Γ^/K^Γ𝐾\hat{\Gamma}/K du complété profini de ΓΓ\Gamma par un sous-groupe fermé K𝐾K.

Si en outre ΓΓ\Gamma est abélien, alors cela se reformule encore en

  1. (iii”)

    X𝑋X s’identifie (après choix d’un point de X𝑋X) à un groupe abélien muni d’un morphisme d’image dense émanant de ΓΓ\Gamma.

Démonstration.

(iii)\Rightarrow(i) est immédiat. Faisons sa réciproque: pour toute partie finie I𝐼I de Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X), on peut considérer l’union J(I)𝐽𝐼J(I) des ΓΓ\Gamma-orbites des éléments de I𝐼I, qui est encore finie par hypothèse et définir XIsubscript𝑋𝐼X_{I} comme le quotient de X𝑋X par la partition définie par l’algèbre booléenne engendrée par J(I)𝐽𝐼J(I), c’est un ΓΓ\Gamma-ensemble, quotient de X𝑋X. Clairement toute inclusion II𝐼superscript𝐼I\subset I^{\prime} induit une application quotient XIXIsubscript𝑋superscript𝐼subscript𝑋𝐼X_{I^{\prime}}\to X_{I}. L’application naturelle de X𝑋X vers la limite projective des XIsubscript𝑋𝐼X_{I} (I𝐼I parcourant les parties finies de Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X)) a donc une image dense; comme X𝑋X est totalement séparé, cette application est injective; par compacité c’est donc un homéomorphisme.

Pour (i)\Rightarrow(ii), il suffit de montrer qu’un sous-décalage XAΓ𝑋superscript𝐴ΓX\subset A^{\Gamma} qui est un odomètre est nécessairement fini. Par hypothèse, il existe un sous-groupe d’indice fini ΛΛ\Lambda de ΓΓ\Gamma tel que pour tout aA𝑎𝐴a\in A, en notant Ωa={wX:w(1)=a}subscriptΩ𝑎conditional-set𝑤𝑋𝑤1𝑎\Omega_{a}=\{w\in X:w(1)=a\}, on a gΩa=Ωa𝑔subscriptΩ𝑎subscriptΩ𝑎g\Omega_{a}=\Omega_{a} pour tout gΛ𝑔Λg\in\Lambda. On en déduit que X𝑋X est constitué de suites ΛΛ\Lambda-périodiques à droite (et est donc fini): en effet, on voit dans un premier temps que w(λ)=w(1)𝑤𝜆𝑤1w(\lambda)=w(1) pour tout λΛ𝜆Λ\lambda\in\Lambda et wX𝑤𝑋w\in X. Puis si gG𝑔𝐺g\in G, comme g1wXsuperscript𝑔1𝑤𝑋g^{-1}w\in X, on a g1w(λ)=g1w(1)superscript𝑔1𝑤𝜆superscript𝑔1𝑤1g^{-1}w(\lambda)=g^{-1}w(1), autrement dit w(gλ)=w(g)𝑤𝑔𝜆𝑤𝑔w(g\lambda)=w(g).

Réciproquement, si X𝑋X n’est pas un odomètre, il existe un clouvert ΩΩ\Omega dont la ΓΓ\Gamma-orbite est infinie. La construction du fait 2.1.2 fournit une application équivariante continue vers le décalage {0,1}Γsuperscript0.1Γ\{0,1\}^{\Gamma}, d’image infinie.

L’assertion supplémentaire (iii’) implique évidemment (iii) en écrivant K𝐾K comme intersection filtrante décroissante de sous-groupes ouverts d’indice fini. Réciproquement, supposons que X𝑋X est limite projective filtrante de ΓΓ\Gamma-ensembles finis Xisubscript𝑋𝑖X_{i}. En fixant un point w𝑤w dont l’orbite est dense, on peut identifier chaque Xisubscript𝑋𝑖X_{i} à un espace quotient Γ^/Λi^ΓsubscriptΛ𝑖\hat{\Gamma}/\Lambda_{i} avec ΛisubscriptΛ𝑖\Lambda_{i} ouvert d’indice fini. L’application naturelle de Γ^/Λi^ΓsubscriptΛ𝑖\hat{\Gamma}/\bigcap\Lambda_{i} vers la limite projective des Γ^/Λi^ΓsubscriptΛ𝑖\hat{\Gamma}/\Lambda_{i} est continue, injective et d’image dense, donc est un homéomorphisme par compacité; elle est ΓΓ\Gamma-équivariante.

Pour ΓΓ\Gamma abélien, pour obtenir (iii”) à partir de (iii’) (le sens inverse étant trivial), on remarque que K𝐾K est distingué et le groupe Γ^/K^Γ𝐾\hat{\Gamma}/K est bien un groupe muni d’un morphisme d’image dense émanant de ΓΓ\Gamma. ∎

2.2 Semi-groupes pleins et groupes pleins

Rappelons qu’une fonction étagée entre deux ensembles est une fonction dont l’image est finie.

Définition 2.2.1.

Soit ΓΓ\Gamma un groupe discret agissant par autohoméomorphismes sur un espace topologique. On définit le semi-groupe plein-topologique associé à (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X) comme

[[Γ,X]]s={f:XX:κ:XΓ continue étagée :xX,f(x)=κ(x).x}.[\![\Gamma,X]\!]_{\textnormal{s}}=\{f:X\to X:\;\exists\kappa:X\to\Gamma\text{ continue \'{e}tag\'{e}e }:\forall x\in X,\;f(x)=\kappa(x).x\}.

On dit que la fonction étagée κ𝜅\kappa ci-dessus est associée à f𝑓f.

Notons que la précision que κ𝜅\kappa est étagée est superflue lorsque X𝑋X est compact. Il est clair que [[Γ,X]]ssubscriptdelimited-[]Γ𝑋s[\![\Gamma,X]\!]_{\textnormal{s}} est constitué d’applications continues XX𝑋𝑋X\to X, contient l’identité et est stable par composition, c’est donc bien un semi-groupe. Si l’action de ΓΓ\Gamma sur X𝑋X est libre, ce qui sera souvent le cas par la suite, l’application κ𝜅\kappa associée à un élément f𝑓f est uniquement déterminée par f𝑓f, ce qui donne une bijection canonique entre [[Γ,X]]ssubscriptdelimited-[]Γ𝑋s[\![\Gamma,X]\!]_{\textnormal{s}} et l’ensemble 𝒞et(X,Γ)subscript𝒞et𝑋Γ\mathcal{C}_{\textnormal{et}}(X,\Gamma) des fonctions continues étagées XΓ𝑋ΓX\to\Gamma. Ceci reste valable sous l’hypothèse plus faible que tout élément de ΓΓ\Gamma distinct de l’identité a un ensemble de points fixes d’intérieur vide dans X𝑋X.

Remarquons déjà que si X𝑋X est compact métrisable, et ΓΓ\Gamma dénombrable (on considère les ensemble finis comme dénombrables), alors 𝒞et(X,Γ)subscript𝒞et𝑋Γ\mathcal{C}_{\textnormal{et}}(X,\Gamma) est dénombrable, et en particulier [[Γ,X]]ssubscriptdelimited-[]Γ𝑋s[\![\Gamma,X]\!]_{\textnormal{s}} est dénombrable.

Définition 2.2.2.

Le groupe plein-topologique de (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X) est défini comme l’ensemble des éléments inversibles du semi-groupe [[Γ,X]]ssubscriptdelimited-[]Γ𝑋s[\![\Gamma,X]\!]_{\textnormal{s}}; on le note [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!].

On peut remarquer que

[[Γ,X]]=[[Γ,X]]sHomeo(X).delimited-[]Γ𝑋subscriptdelimited-[]Γ𝑋sHomeo𝑋[\![\Gamma,X]\!]=[\![\Gamma,X]\!]_{\textnormal{s}}\cap\textnormal{Homeo}(X).

En effet, on vérifie que pour fHomeo(X)𝑓Homeo𝑋f\in\textnormal{Homeo}(X) donné par f(x)=κ(x).xformulae-sequence𝑓𝑥𝜅𝑥𝑥f(x)=\kappa(x).x, on a f1(x)=κ(f1(x))1.xformulae-sequencesuperscript𝑓1𝑥𝜅superscriptsuperscript𝑓1𝑥1𝑥f^{-1}(x)=\penalty 0\kappa(f^{-1}(x))^{-1}.x pour tout xX𝑥𝑋x\in X.

Lorsque ΓHomeo(X)ΓHomeo𝑋\Gamma\subset\textnormal{Homeo}(X) et X𝑋X est fixé, il est commode d’écrire [[Γ]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]Γs[\![\Gamma]\!]_{\textnormal{s}} et [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]. Il est souvent possible de s’y ramener, en remplaçant ΓΓ\Gamma par son image dans Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X). Si ΓΓ\Gamma est engendré par un autohoméomorphisme φ𝜑\varphi, on écrit alors [[φ]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑s[\![\varphi]\!]_{\textnormal{s}} et [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]. Dans une direction différente, le groupe ΓΓ\Gamma peut être fixé et l’espace X𝑋X sur lequel il agit variable, et on écrit alors [[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![X]\!]_{\textnormal{s}} et [[X]]delimited-[]delimited-[]𝑋[\![X]\!].

Si ΓHomeo(X)ΓHomeo𝑋\Gamma\subset\textnormal{Homeo}(X), on a toujours Γ[[Γ]]Γdelimited-[]delimited-[]Γ\Gamma\subset[\![\Gamma]\!]. Remarquons que si X𝑋X est connexe, alors toute application continue XΓ𝑋ΓX\to\Gamma est constante, de sorte que [[Γ]]s=[[Γ]]=Γsubscriptdelimited-[]delimited-[]Γsdelimited-[]delimited-[]ΓΓ[\![\Gamma]\!]_{\textnormal{s}}=[\![\Gamma]\!]=\Gamma. Cette construction est donc surtout intéressante lorsque X𝑋X est totalement séparé.

Le groupe [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!] sera considéré ici comme un groupe discret. L’adjectif (quelque peu maladroit) «  topologique  » permet de distinguer [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!] du groupe plein [Γ,X]Homeo(X)Γ𝑋Homeo𝑋[\Gamma,X]\subset\textnormal{Homeo}(X) défini comme le précédent, mais sans supposer l’application κ𝜅\kappa continue ou étagée. Le groupe plein est souvent beaucoup plus gros que le groupe plein-topologique.

{rema}

On dit que le groupe ΓΓ\Gamma est paradoxal si, munissant ΓΓ\Gamma de l’action à gauche sur lui-même, il existe dans [[Γ,Γ]]ssubscriptdelimited-[]ΓΓs[\![\Gamma,\Gamma]\!]_{\textnormal{s}} deux injections d’images disjointes. Le théorème de Tarski (voir [HS86]) dit que ΓΓ\Gamma est paradoxal si et seulement si ΓΓ\Gamma est non moyennable, et on peut alors même supposer que les images des deux injections précédentes partitionnent ΓΓ\Gamma.

On commence par quelques propriétés élémentaires et générales des groupes pleins-topologiques. En remarquant que les orbites de [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] sont contenues dans les ΓΓ\Gamma-orbites, on obtient:

Fait 2.2.3.

Si ΓHomeo(X)ΓHomeo𝑋\Gamma\subset\textnormal{Homeo}(X) est un groupe fini (ou, plus généralement, a des orbites de cardinal borné), alors les orbites de [Γ]delimited-[]Γ[\Gamma] sont de cardinal borné, de sorte que le groupe plein [Γ]delimited-[]Γ[\Gamma] (et donc [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]) est un groupe localement fini, d’exposant fini, car il se plonge dans un produit (infini) de groupes finis de cardinal borné.

Notons que X𝑋X est totalement séparé si et seulement si les clouverts séparent les points. Dans ce cas, on a

Fait 2.2.4.

Si X𝑋X est totalement séparé et si ΓΓ\Gamma agit sur X𝑋X par autohoméomorphismes avec des orbites de cardinal non borné (par exemple, ΓΓ\Gamma a une orbite infinie), alors [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] contient, pour tout n𝑛n, un sous-groupe isomorphe au groupe symétrique 𝔖nsubscript𝔖𝑛\mathfrak{S}_{n} (et contient même une copie du produit direct restreint n1𝔖nsubscriptdirect-sum𝑛1subscript𝔖𝑛\bigoplus_{n\geq 1}\mathfrak{S}_{n}). En particulier, le groupe [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] ne satisfait aucune loi (un groupe G𝐺G satisfait une loi w𝑤w, où w(t1,,tk)𝑤subscript𝑡1subscript𝑡𝑘w(t_{1},\dots,t_{k}) est un élément non trivial du groupe libre à k𝑘k générateurs, si w(g1,,gk)=1𝑤subscript𝑔1subscript𝑔𝑘1w(g_{1},\dots,g_{k})=1 pour tous g1,,gksubscript𝑔1subscript𝑔𝑘g_{1},\dots,g_{k} dans G𝐺G).

Démonstration.

On considère des éléments distincts x1,,xnsubscript𝑥1subscript𝑥𝑛x_{1},\dots,x_{n} dans une même ΓΓ\Gamma-orbite, disons xi=gix1subscript𝑥𝑖subscript𝑔𝑖subscript𝑥1x_{i}=g_{i}x_{1}. On choisit un voisinage clouvert U𝑈U de x1subscript𝑥1x_{1} tel que les giUsubscript𝑔𝑖𝑈g_{i}U sont deux à deux disjoints. Si σ𝔖n𝜎subscript𝔖𝑛\sigma\in\mathfrak{S}_{n} est une permutation de {1,,n}1𝑛\{1,\dots,n\}, alors pour xX𝑥𝑋x\in X, on définit Tσ(x)=gσ(i)gi1xgσ(i)Usubscript𝑇𝜎𝑥subscript𝑔𝜎𝑖superscriptsubscript𝑔𝑖1𝑥subscript𝑔𝜎𝑖𝑈T_{\sigma}(x)=g_{\sigma(i)}g_{i}^{-1}x\in g_{\sigma(i)}U si xgiU𝑥subscript𝑔𝑖𝑈x\in g_{i}U, et Tσ(x)=xsubscript𝑇𝜎𝑥𝑥T_{\sigma}(x)=x si xigiU𝑥subscript𝑖subscript𝑔𝑖𝑈x\notin\bigcup_{i}g_{i}U. On vérifie immédiatement que ρ:σTσ:𝜌maps-to𝜎subscript𝑇𝜎\rho:\sigma\mapsto T_{\sigma} est un morphisme injectif de 𝔖nsubscript𝔖𝑛\mathfrak{S}_{n} dans [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!].

Pour obtenir un plongement de 𝔖ndirect-sumsubscript𝔖𝑛\bigoplus\mathfrak{S}_{n}, on choisit simultanément xi(n)superscriptsubscript𝑥𝑖𝑛x_{i}^{(n)}, 1in<1𝑖𝑛1\leq i\leq n<\infty deux à deux distincts et, à n𝑛n fixé, dans la même orbite, et on choisit les Ui(n)superscriptsubscript𝑈𝑖𝑛U_{i}^{(n)} également deux à deux disjoints. Comme les ρ(n)(𝔖n)superscript𝜌𝑛subscript𝔖𝑛\rho^{(n)}(\mathfrak{S}_{n}) ont des supports deux à deux disjoints, ils commutent deux à deux et engendrent leur produit direct restreint.

Pour la dernière assertion, on utilise le fait qu’il n’existe aucune loi de groupe satisfaite simultanément par tous les groupes symétriques: en effet une telle loi serait satisfaite par tous les groupes finis, donc par les produits directs de groupes finis. Or les groupes libres, étant résiduellement finis [Sch27, p. 170], se plongent dans de tels produits. ∎

La preuve démontre en fait également

Corolaire 2.2.5.

Si X𝑋X est totalement séparé, alors [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] agit \infty-transitivement sur toute ΓΓ\Gamma-orbite, au sens où il agit transitivement, pour tout n𝑛n, sur les n𝑛n-uplets d’éléments distincts. De plus, le sous-groupe dérivé [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} agit (n2)𝑛2(n-2)-transitivement sur toute ΓΓ\Gamma-orbite de cardinal au moins n𝑛n, et donc \infty-transitivement sur toute orbite infinie.

En particulier, les [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}-orbites coïncident avec les ΓΓ\Gamma-orbites (qui sont aussi les [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]-orbites), à l’exception des ΓΓ\Gamma-orbites à deux éléments.

En outre, si la réunion des ΓΓ\Gamma-orbites de cardinal au plus 4 est d’intérieur vide, alors le commutant de [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} dans le groupe des permutations de X𝑋X (et donc dans Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X)) est trivial.

Démonstration.

En effet, on a vérifié que pour toute partie P𝑃P à n𝑛n éléments de toute orbite, il existe une action du groupe symétrique 𝔖nsubscript𝔖𝑛\mathfrak{S}_{n}, via [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!], qui induit l’action standard sur P𝑃P.

En particulier, son sous-groupe dérivé, le groupe alterné 𝔄nsubscript𝔄𝑛\mathfrak{A}_{n}, agit via [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}, qui agit donc (n2)𝑛2(n-2)-transitivement.

Pour le commutant, on remarque que si on a trois points x,gx,hx𝑥𝑔𝑥𝑥x,gx,hx distincts dans une même ΓΓ\Gamma-orbite, alors pour tout voisinage clouvert U𝑈U de x𝑥x assez petit, on a un élément de [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} permutant cycliquement les clouverts disjoints U𝑈U, gU𝑔𝑈gU et hU𝑈hU et agissant par l’identité ailleurs. En particulier, le commutant C𝐶C de [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} préserve UgUhU𝑈𝑔𝑈𝑈U\cup gU\cup hU. Comme c’est vrai pour tout voisinage clouvert de x𝑥x inclus dans U𝑈U, on en déduit que C𝐶C laisse invariant {x,gx,hx}𝑥𝑔𝑥𝑥\{x,gx,hx\}. Maintenant s’il existe deux autres points gx,hxsuperscript𝑔𝑥superscript𝑥g^{\prime}x,h^{\prime}x dans l’orbite, le même argument montre que C𝐶C laisse invariant {x,gx,hx}𝑥superscript𝑔𝑥superscript𝑥\{x,g^{\prime}x,h^{\prime}x\} et donc laisse invariant l’intersection de ces deux parties, à savoir {x}𝑥\{x\}. Comme par hypothèse l’ensemble des x𝑥x dont l’orbite a au moins 5 éléments est dense, cela prouve que C𝐶C est réduit à l’identité. ∎

Ce fait implique également, par exemple, le corolaire suivant.

Corolaire 2.2.6.

Sous les hypothèses du fait 2.2.4, [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] n’admet aucune représentation fidèle dans GLd(A)subscriptGL𝑑𝐴\textnormal{GL}_{d}(A), où A𝐴A est un anneau commutatif quelconque et d𝑑d un entier arbitraire. Il en est de même pour [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}.

Démonstration.

On fixe k𝑘k assez grand, disons k=k(d)=max(5,4d2)𝑘𝑘𝑑5.4superscript𝑑2k=k(d)=\max(5,4d^{2}). Montrons que pour tout anneau commutatif A𝐴A, il n’y a aucun morphisme non trivial de 𝔄k(d)subscript𝔄𝑘𝑑\mathfrak{A}_{k(d)} vers GLd(A)subscriptGL𝑑𝐴\textnormal{GL}_{d}(A). On remarque d’abord que le groupe alterné 𝔄ksubscript𝔄𝑘\mathfrak{A}_{k} contient d2superscript𝑑2d^{2} paires d’éléments, chacune des paires ne commutant pas, mais commutant avec toutes les autres. Il en découle aisément (voir [Ab06], à qui cette astuce est due) que tout morphisme injectif de 𝔄ksubscript𝔄𝑘\mathfrak{A}_{k} dans GLmsubscriptGL𝑚\textnormal{GL}_{m} d’un corps envoie ces 2d22superscript𝑑22d^{2} éléments sur une famille linéairement libre, impliquant en particulier que m>d𝑚𝑑m>d. Donc, par simplicité, tout morphisme de 𝔄ksubscript𝔄𝑘\mathfrak{A}_{k} dans GLdsubscriptGL𝑑\textnormal{GL}_{d} d’un corps est trivial.

Comme tout anneau commutatif réduit se plonge dans un produit de corps, on en déduit que tout morphisme de 𝔄ksubscript𝔄𝑘\mathfrak{A}_{k} dans GLd(A)subscriptGL𝑑𝐴\textnormal{GL}_{d}(A), pour A𝐴A anneau commutatif, a son image dans le noyau de GLd(A)GLd(A/N)subscriptGL𝑑𝐴subscriptGL𝑑𝐴𝑁\textnormal{GL}_{d}(A)\to\textnormal{GL}_{d}(A/N), où N𝑁N est le nilradical de A𝐴A. Or ce noyau est un groupe localement nilpotent, puisqu’il est nilpotent quand A𝐴A est un anneau commutatif de type fini ou plus généralement noethérien. Donc l’image du groupe simple non abélien 𝔄ksubscript𝔄𝑘\mathfrak{A}_{k} dans GLd(A)subscriptGL𝑑𝐴\textnormal{GL}_{d}(A) est en fait triviale.

Les sous-groupes 𝔄ksubscript𝔄𝑘\mathfrak{A}_{k} étant simples non abéliens, ils sont évidemment inclus dans [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} et l’argument s’applique donc aussi à ce dernier. ∎

Fait 2.2.7.

On suppose qu’on a une partition de X𝑋X (en parties appelées composantes). Si la partition est invariante par [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!], alors toute ΓΓ\Gamma-orbite est soit composée d’atomes (composantes réduites à un point), soit incluse dans une seule composante. Sous l’hypothèse plus faible que la partition est invariante par [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}, la même assertion est vraie pour toute orbite de cardinal distinct de 2.

Démonstration.

On se donne une ΓΓ\Gamma-orbite non réduite à un singleton (l’énoncé étant trivial pour un point fixe). Si par l’absurde elle ne vérifie pas la conclusion, elle contient deux points x,y𝑥𝑦x,y dans deux composantes distinctes, telle que la composante de x𝑥x contient un autre point w𝑤w de X𝑋X. Le fait 2.2.4 fournit dans [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] un élément fixant w𝑤w et échangeant y𝑦y et z𝑧z; cet élément ne préserve pas la partition, contradiction.

Dans le cas d’une partition [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}-invariante, le même raisonnement (pour une orbite à au moins 3 éléments) aboutit à l’existence de points w,x,y𝑤𝑥𝑦w,x,y vérifiant les mêmes hypothèses, et d’un point supplémentaire z𝑧z dans l’orbite de x𝑥x. Si xz𝑥𝑧x\neq z, le fait 2.2.4 fournit dans [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} un élément fixant w𝑤w et permutant cycliquement x,y,z𝑥𝑦𝑧x,y,z; si x=z𝑥𝑧x=z, il fournit dans [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} un élément permutant cycliquement w,x,y𝑤𝑥𝑦w,x,y; dans les deux cas, l’élément d’ordre 3 obtenu ne préserve pas la partition. ∎

3 Propriétés algébriques des groupes pleins-topologiques sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}

3.1 Simplicité du groupe dérivé

On montre ici que si φ𝜑\varphi est un autohoméomorphisme minimal d’un compact totalement séparé X𝑋X, alors le groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est simple. Ce résultat est dû à Matui [Ma06]. Une preuve plus directe en a été donnée par Bezuglyi et Medynets [BeM08], que l’on va suivre. (On dira cependant plus loin quelques mots sur l’approche de Matui.)

La méthode de Bezuglyi-Medynets consiste à montrer directement que pour tout f[[φ]]𝑓delimited-[]delimited-[]𝜑f\in[\![\varphi]\!] non trivial, le commutateur de deux éléments à petit support (en un sens lié aux probabilités φ𝜑\varphi-invariantes sur X𝑋X) appartient au sous-groupe distingué engendré par f𝑓f. Le résultat de simplicité en découle, une fois qu’on sait exprimer tout élément comme produit d’éléments à petit support. Ceci utilise la notion de fonction de premier retour, définie ci-dessous.

Soit X𝑋X un espace topologique et soit ψ𝜓\psi un autohoméomorphisme. On dit que AX𝐴𝑋A\subset X est ψ𝜓\psi-omniscient si n𝐙ψn(A)=Xsubscript𝑛𝐙superscript𝜓𝑛𝐴𝑋\bigcup_{n\in\mathbf{Z}}\psi^{n}(A)=X, ou autrement dit, si l’ensemble

Z(x)=Z(A,ψ,x)={n𝐙:ψn(x)A}𝑍𝑥𝑍𝐴𝜓𝑥conditional-set𝑛𝐙superscript𝜓𝑛𝑥𝐴Z(x)=Z(A,\psi,x)=\{n\in\mathbf{Z}:\psi^{n}(x)\in A\}

est non vide pour tout xX𝑥𝑋x\in X.

Fait 3.1.1.

On suppose X𝑋X compact. Si AX𝐴𝑋A\subset X est un ouvert ψ𝜓\psi-omniscient, alors pour tout xX𝑥𝑋x\in X, l’ensemble Z(x)𝑍𝑥Z(x) n’est ni minoré ni majoré.

Démonstration.

Par hypothèse, Z(x)𝑍𝑥Z(x) est non vide pour tout x𝑥x. Soit Mksubscript𝑀𝑘M_{k} l’ensemble des x𝑥x pour qui sup(Z(x))ksupremum𝑍𝑥𝑘\sup(Z(x))\leq k. C’est un fermé; si on suppose par l’absurde qu’il est non vide pour au moins un k𝑘k, il est en fait non vide pour tout k𝑘k puisque ψ(Mk)=Mk1𝜓subscript𝑀𝑘subscript𝑀𝑘1\psi(M_{k})=M_{k-1}. En outre, MkMk+1subscript𝑀𝑘subscript𝑀𝑘1M_{k}\subset M_{k+1} pour tout k𝑘k, donc par compacité on obtient kMksubscript𝑘subscript𝑀𝑘\bigcap_{k}M_{k}\neq\emptyset, ce qui est une contradiction. Ceci prouve que Z(x)𝑍𝑥Z(x) n’est jamais majoré; pour la même raison il n’est jamais minoré. ∎

Ceci permet de définir, si A𝐴A est ψ𝜓\psi-omniscient, la fonction

ψA(x)=ψk(x)(x),k(x)=kA,ψ(x)={inf(Z(x)]0,+[)si xA;0sinon.formulae-sequencesubscript𝜓𝐴𝑥superscript𝜓𝑘𝑥𝑥𝑘𝑥subscript𝑘𝐴𝜓𝑥casesinfimum𝑍𝑥0si 𝑥𝐴0sinon\psi_{A}(x)=\psi^{k(x)}(x),\quad{\text{o\`{u}}}\quad k(x)=k_{A,\psi}(x)=\left\{\begin{array}[]{cl}\inf(Z(x)\cap\mathopen{]}0,+\infty\mathclose{[})&\mbox{si }x\in A\,;\\ 0&\mbox{sinon}.\end{array}\right.

La fonction ψAsubscript𝜓𝐴\psi_{A} est appelée fonction de premier retour de ψ𝜓\psi sur A𝐴A; c’est un autohoméomorphisme, de réciproque (ψ1)Asubscriptsuperscript𝜓1𝐴(\psi^{-1})_{A}. Si A𝐴A est clouvert, il est immédiat que la fonction k𝑘k est continue (c’est-à-dire localement constante), si bien que ψA[[ψ]]subscript𝜓𝐴delimited-[]delimited-[]𝜓\psi_{A}\in[\![\psi]\!] et donc ψA[[φ]]subscript𝜓𝐴delimited-[]delimited-[]𝜑\psi_{A}\in[\![\varphi]\!] si ψ[[φ]]𝜓delimited-[]delimited-[]𝜑\psi\in[\![\varphi]\!] pour un autohoméomorphisme φ𝜑\varphi préalablement fixé.

Fait 3.1.2.

Si X𝑋X est compact, ψ𝜓\psi est un autohoméomorphisme, et A𝐴A est un clouvert ψ𝜓\psi-omniscient, alors ψ1ψAsuperscript𝜓1subscript𝜓𝐴\psi^{-1}\psi_{A} est périodique.

Démonstration.

Posons v(x)=inf(Z(x)]0,+[)𝑣𝑥infimum𝑍𝑥0v(x)=\inf(Z(x)\cap\penalty 0\mathopen{]}0,+\infty\mathclose{[}) et u(x)=sup(Z(x)],0])u(x)=\sup(Z(x)\cap\penalty 0\mathopen{]}{-\infty},0]). Remarquons que

1vusupket(ψ1ψA)v(x)u(x)x=xformulae-sequence1𝑣𝑢supremum𝑘etsuperscriptsuperscript𝜓1subscript𝜓𝐴𝑣𝑥𝑢𝑥𝑥𝑥1\leq v-u\leq\sup k\quad\text{et}\quad(\psi^{-1}\psi_{A})^{v(x)-u(x)}x=x

pour tout x𝑥x. Donc (ψ1ψA)n=1superscriptsuperscript𝜓1subscript𝜓𝐴𝑛1(\psi^{-1}\psi_{A})^{n}=1, où n=(supk)!𝑛supremum𝑘n=(\sup k)!. ∎

Lemme 3.1.3.

Soit f𝑓f un autohoméomorphisme d’un espace compact totalement séparé X𝑋X, et n1𝑛1n\geq 1 un entier. On suppose que fisuperscript𝑓𝑖f^{i} est sans point fixe pour tout 1in11𝑖𝑛11\leq i\leq n-1. Alors il existe un clouvert U𝑈U tel que les (fi(U))superscript𝑓𝑖𝑈(f^{i}(U)), pour 0in10𝑖𝑛10\leq i\leq n-1, sont deux à deux disjoints et i𝐙fi(U)=Xsubscript𝑖𝐙superscript𝑓𝑖𝑈𝑋\bigcup_{i\in\mathbf{Z}}f^{i}(U)=X.

En particulier, si fn=1superscript𝑓𝑛1f^{n}=1 et si f𝑓f définit une action libre de 𝐙/n𝐙𝐙𝑛𝐙\mathbf{Z}/n\mathbf{Z}, alors les (fi(U))superscript𝑓𝑖𝑈(f^{i}(U)), pour 0in10𝑖𝑛10\leq i\leq n-1, forment une partition de X𝑋X.

Démonstration.

Pour tout xX𝑥𝑋x\in X on choisit un voisinage clouvert Vxsubscript𝑉𝑥V_{x} disjoint de 1in1fi(Vx)subscript1𝑖𝑛1superscript𝑓𝑖subscript𝑉𝑥\bigcup_{1\leq i\leq n-1}f^{i}(V_{x}). On extrait du recouvrement (Vx)subscript𝑉𝑥(V_{x}) un recouvrement fini (Wk)1kmsubscriptsubscript𝑊𝑘1𝑘𝑚(W_{k})_{1\leq k\leq m}. On pose, pour 1km1𝑘𝑚1\leq k\leq m,

Xk=Wk0<j<k,n<i<nfi(Wj).subscript𝑋𝑘subscript𝑊𝑘subscriptformulae-sequence0𝑗𝑘𝑛𝑖𝑛superscript𝑓𝑖subscript𝑊𝑗X_{k}=W_{k}\smallsetminus\bigcup_{0<j<k,\;-n<i<n}f^{i}(W_{j}).

Alors U=1kmXk𝑈subscript1𝑘𝑚subscript𝑋𝑘U=\bigcup_{1\leq k\leq m}X_{k} satisfait la condition demandée. ∎

Rappelons que par moyennabilité de 𝐙𝐙\mathbf{Z} (se reflétant ici par le théorème de Kakutani), tout autohoméomorphisme φ𝜑\varphi d’un compact non vide X𝑋X préserve une probabilité sur les boréliens. Notons φ(X)subscript𝜑𝑋\mathcal{M}_{\varphi}(X) l’ensemble des probabilités boréliennes φ𝜑\varphi-invariantes sur X𝑋X; c’est un compact pour la topologie faible-* (convergence étroite). Si B𝐵B est un borélien de X𝑋X, notons

Lφ+(U)=supμφ(X)μ(B);Lφ(U)=infμφ(X)μ(B).formulae-sequencesubscriptsuperscript𝐿𝜑𝑈subscriptsupremum𝜇subscript𝜑𝑋𝜇𝐵subscriptsuperscript𝐿𝜑𝑈subscriptinfimum𝜇subscript𝜑𝑋𝜇𝐵L^{+}_{\varphi}(U)=\sup_{\mu\in\mathcal{M}_{\varphi}(X)}\mu(B);\quad L^{-}_{\varphi}(U)=\inf_{\mu\in\mathcal{M}_{\varphi}(X)}\mu(B).
Lemme 3.1.4.

Soit φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme sans orbite finie du compact totalement séparé X𝑋X. Alors pour tout ψ[[φ]]𝜓delimited-[]delimited-[]𝜑\psi\in[\![\varphi]\!] et ε>0𝜀0\varepsilon>0, il existe m𝑚m et ψ1,,ψmsubscript𝜓1subscript𝜓𝑚\psi_{1},\dots,\psi_{m} dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] tels que ψ=ψ1ψm𝜓subscript𝜓1subscript𝜓𝑚\psi=\psi_{1}\dots\psi_{m} et Lφ+(Supp(gi))<εsubscriptsuperscript𝐿𝜑Suppsubscript𝑔𝑖𝜀L^{+}_{\varphi}(\textnormal{Supp}(g_{i}))<\varepsilon pour tout i𝑖i. Si de plus ψn=1superscript𝜓𝑛1\psi^{n}=1 pour un entier n1𝑛1n\geq 1, on peut s’arranger pour que ψin=1superscriptsubscript𝜓𝑖𝑛1\psi_{i}^{n}=1 pour tout i=1,,m𝑖1𝑚i=1,\dots,m.

Démonstration.

Soit oψ(x)subscript𝑜𝜓𝑥o_{\psi}(x) le cardinal de la ψdelimited-⟨⟩𝜓\langle\psi\rangle-orbite de x𝑥x, et posons Xn=Xn(ψ)={xoψ(x)=n}subscript𝑋𝑛subscript𝑋𝑛𝜓conditional-set𝑥subscript𝑜𝜓𝑥𝑛X_{n}=X_{n}(\psi)=\{x\mid o_{\psi}(x)=n\} et Xn=knXksubscript𝑋absent𝑛subscript𝑘𝑛subscript𝑋𝑘X_{\leq n}=\bigcup_{k\leq n}X_{k}.

Remarquons que comme φ𝜑\varphi n’a pas d’orbite finie, tout élément xX𝑥𝑋x\in X possède des voisinages clouverts avec Lφ+subscriptsuperscript𝐿𝜑L^{+}_{\varphi} arbitrairement petit. Si ψn=1superscript𝜓𝑛1\psi^{n}=1 pour un entier n1𝑛1n\geq 1, il en découle que tout élément x𝑥x possède des voisinages ψ𝜓\psi-invariants avec Lφ+subscriptsuperscript𝐿𝜑L^{+}_{\varphi} arbitrairement petit. On en déduit, si ψ𝜓\psi est périodique, l’existence d’une partition (Uj)subscript𝑈𝑗(U_{j}) en clouverts ψ𝜓\psi-invariants avec Lφ+(Uj)<εsubscriptsuperscript𝐿𝜑subscript𝑈𝑗𝜀L^{+}_{\varphi}(U_{j})<\varepsilon pour tout j𝑗j, qui induit une décomposition ψ=ψj𝜓productsubscript𝜓𝑗\psi=\prod\psi_{j}, où ψjsubscript𝜓𝑗\psi_{j} a un support inclus dans Ujsubscript𝑈𝑗U_{j}. Le lemme est donc démontré pour ψ𝜓\psi périodique, et de plus ψjn=1superscriptsubscript𝜓𝑗𝑛1\psi_{j}^{n}=1 pour tout j𝑗j.

Faisons maintenant le cas opposé où ψ𝜓\psi n’a aucune orbite finie. On choisit un entier n>1/ε𝑛1𝜀n>1/\varepsilon. Le lemme 3.1.3 montre qu’il existe un clouvert U𝑈U ψ𝜓\psi-omniscient tel que Uψi(U)=𝑈superscript𝜓𝑖𝑈U\cap\psi^{i}(U)=\emptyset pour tout 0in10𝑖𝑛10\leq i\leq n-1. Donc, comme toute probabilité borélienne φ𝜑\varphi-invariante est aussi ψ𝜓\psi-invariante, on a Lφ+(U)1/n<εsubscriptsuperscript𝐿𝜑𝑈1𝑛𝜀L^{+}_{\varphi}(U)\leq 1/n<\varepsilon. On écrit ψ=ψUτ𝜓subscript𝜓𝑈𝜏\psi=\psi_{U}\tau, où τ=ψU1ψ𝜏superscriptsubscript𝜓𝑈1𝜓\tau=\psi_{U}^{-1}\psi est périodique par le fait 3.1.2. Alors Lφ+(Supp(ψU))<εsuperscriptsubscript𝐿𝜑Suppsubscript𝜓𝑈𝜀L_{\varphi}^{+}(\textnormal{Supp}(\psi_{U}))<\varepsilon, et on peut décomposer τ𝜏\tau par le cas périodique.

Pour ψ𝜓\psi quelconque, si N𝑁N est assez grand, alors ψφN𝜓superscript𝜑𝑁\psi\varphi^{N} et φNsuperscript𝜑𝑁\varphi^{-N} n’ont pas d’orbite finie et ψ=(ψφN)φN𝜓𝜓superscript𝜑𝑁superscript𝜑𝑁\psi=(\psi\varphi^{N})\varphi^{-N}, si bien qu’on peut décomposer chacun des deux par le cas précédent. ∎

On utilise le lemme suivant, dû à Glasner et Weiss [GlW95]. Sa preuve se distingue ici par l’invocation d’arguments à caractère ergodique.

Lemme 3.1.5.

Soit φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme minimal d’un compact totalement séparé X𝑋X. Soient A,B𝐴𝐵A,B des clouverts tels que μ(B)<μ(A)𝜇𝐵𝜇𝐴\mu(B)<\mu(A) pour toute probabilité borélienne φ𝜑\varphi-invariante sur X𝑋X. Alors il existe α[[φ]]𝛼superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑\alpha\in[\![\varphi]\!]^{\prime} tel que α(B)A𝛼𝐵𝐴\alpha(B)\subset A.

Démonstration.

Le cas où X𝑋X est fini étant trivial, on suppose X𝑋X infini, si bien que l’action de 𝐙𝐙\mathbf{Z} est libre. On pose f=1A1B𝑓subscript1𝐴subscript1𝐵f=1_{A}-1_{B}; on a donc f𝑑μ>0𝑓differential-d𝜇0\int fd\mu>0 pour tout μφ(X)𝜇subscript𝜑𝑋\mu\in\mathcal{M}_{\varphi}(X). On commence par observer qu’il existe c>0𝑐0c>0 et N05subscript𝑁05N_{0}\geq 5 tels que pour tout NN0𝑁subscript𝑁0N\geq N_{0} et tout xX𝑥𝑋x\in X, on a

1Ni=0N1f(φi(x))c.1𝑁superscriptsubscript𝑖0𝑁1𝑓superscript𝜑𝑖𝑥𝑐\frac{1}{N}\sum_{i=0}^{N-1}f(\varphi^{i}(x))\geq c. (3.1)

Sinon, on trouve une suite (Nk)subscript𝑁𝑘(N_{k}) tendant vers l’infini, une suite (ck)subscript𝑐𝑘(c_{k}) avec lim¯ck0¯subscript𝑐𝑘0\overline{\lim}\,c_{k}\leq 0 et une suite (xk)subscript𝑥𝑘(x_{k}) telle que 1Nki=0Nk1f(φi(xk))ck1subscript𝑁𝑘superscriptsubscript𝑖0subscript𝑁𝑘1𝑓superscript𝜑𝑖subscript𝑥𝑘subscript𝑐𝑘\frac{1}{N_{k}}\sum_{i=0}^{N_{k}-1}f(\varphi^{i}(x_{k}))\leq c_{k}. Autrement dit, en posant μk=1Nki=0Nk1φiδxksubscript𝜇𝑘1subscript𝑁𝑘superscriptsubscript𝑖0subscript𝑁𝑘1subscriptsuperscript𝜑𝑖subscript𝛿subscript𝑥𝑘\mu_{k}=\frac{1}{N_{k}}\sum_{i=0}^{N_{k}-1}\varphi^{i}_{\ast}\delta_{x_{k}}, on a f𝑑μkck𝑓differential-dsubscript𝜇𝑘subscript𝑐𝑘\int fd\mu_{k}\leq c_{k}. Par compacité, la suite (μk)subscript𝜇𝑘(\mu_{k}) admet un point d’accumulation μ𝜇\mu pour la topologie faible-*, et donc f𝑑μ0𝑓differential-d𝜇0\int fd\mu\leq 0. Or μ𝜇\mu doit être φ𝜑\varphi-invariante et c’est une contradiction.

Considérons maintenant un clouvert non vide U𝑈U inclus dans A𝐴A, tel que les φi(U)superscript𝜑𝑖𝑈\varphi^{i}(U) pour 0i<N00𝑖subscript𝑁00\leq i<N_{0} soient deux à deux disjoints. Comme φ𝜑\varphi est minimal, U𝑈U est φ𝜑\varphi-omniscient. Soient k=kA,φ𝑘subscript𝑘𝐴𝜑k=k_{A,\varphi} la fonction temps de retour sur U𝑈U et κ𝜅\kappa une borne supérieure pour k𝑘k. On peut trouver une partition en clouverts (U)subscriptsuperscript𝑈(U^{\prime}_{\ell}) de U𝑈U telle que k𝑘k soit constante sur chacune des composantes de la partition. Remarquons que les φi(U)superscript𝜑𝑖subscriptsuperscript𝑈\varphi^{i}(U^{\prime}_{\ell}), pour 0ik(U)10𝑖𝑘subscriptsuperscript𝑈10\leq i\leq k(U^{\prime}_{\ell})-1, sont deux à deux disjoints, et qu’en faisant varier également i𝑖i ils forment une partition de U𝑈U (communément appelée partition en «  tours de Kakutani-Rokhlin  »). On raffine la partition (U)subscriptsuperscript𝑈(U^{\prime}_{\ell}) en une partition de U𝑈U en clouverts (Uj)subscript𝑈𝑗(U_{j}) et telle que chaque φi(Uj)superscript𝜑𝑖subscript𝑈𝑗\varphi^{i}(U_{j}), pour 0ik(Uj)10𝑖𝑘subscript𝑈𝑗10\leq i\leq k(U_{j})-1, soit inclus dans l’un des ensembles AB𝐴𝐵A\smallsetminus B, BA𝐵𝐴B\smallsetminus A, AB𝐴𝐵A\cap B, ou bien X(AB)𝑋𝐴𝐵X\smallsetminus(A\cup B). Comme pour la partition précédente on a une partition

X=j0ik(Uj)1φi(Uj).𝑋subscriptsquare-union𝑗subscriptsquare-union0𝑖𝑘subscript𝑈𝑗1superscript𝜑𝑖subscript𝑈𝑗X=\bigsqcup_{j}\bigsqcup_{0\leq i\leq k(U_{j})-1}\varphi^{i}(U_{j}).

Pour chaque j𝑗j, appelons «  tour  » une réunion 0ik(Uj)1φi(Uj)subscriptsquare-union0𝑖𝑘subscript𝑈𝑗1superscript𝜑𝑖subscript𝑈𝑗\bigsqcup_{0\leq i\leq k(U_{j})-1}\varphi^{i}(U_{j}). Pour chaque j𝑗j, soit Ajsubscript𝐴𝑗A_{j} (resp. Bjsubscript𝐵𝑗B_{j}, Cjsubscript𝐶𝑗C_{j}, Djsubscript𝐷𝑗D_{j}) l’ensemble des i{0,,k(Uj)1}𝑖0𝑘subscript𝑈𝑗1i\in\{0,\dots,k(U_{j})-1\} tel que φi(Uj)superscript𝜑𝑖subscript𝑈𝑗\varphi^{i}(U_{j}) appartient à AB𝐴𝐵A\smallsetminus B (resp. BA𝐵𝐴B\smallsetminus A, AB𝐴𝐵A\cap B, X(AB)𝑋𝐴𝐵X\smallsetminus(A\cup B)). Alors pour tout j𝑗j on a #(Aj)#(Bj)#subscript𝐴𝑗#subscript𝐵𝑗\#(A_{j})\geq\#(B_{j}). En effet, par (3.1), pour xUj𝑥subscript𝑈𝑗x\in U_{j}, on a

#(Aj)#(Bj)k(Uj)=1k(Uj)i=0k(Uj)1f(φi(x))c>0.#subscript𝐴𝑗#subscript𝐵𝑗𝑘subscript𝑈𝑗1𝑘subscript𝑈𝑗superscriptsubscript𝑖0𝑘subscript𝑈𝑗1𝑓superscript𝜑𝑖𝑥𝑐0\frac{\#(A_{j})-\#(B_{j})}{k(U_{j})}=\frac{1}{k(U_{j})}\sum_{i=0}^{k(U_{j})-1}f(\varphi^{i}(x))\geq c>0.

Pour tout j𝑗j, on peut trouver une permutation σjsubscript𝜎𝑗\sigma_{j} de {0,,k(Uj)1}0𝑘subscript𝑈𝑗1\{0,\dots,k(U_{j})-1\} qui envoie Bjsubscript𝐵𝑗B_{j} dans Ajsubscript𝐴𝑗A_{j}, et préserve Cjsubscript𝐶𝑗C_{j} et Djsubscript𝐷𝑗D_{j}. Cela définit naturellement un élément α[[φ]]𝛼delimited-[]delimited-[]𝜑\alpha\in[\![\varphi]\!], préservant globalement chaque tour, qui envoie B𝐵B dans A𝐴A. Remarquons qu’on peut s’arranger pour que chaque σjsubscript𝜎𝑗\sigma_{j} soit une permutation paire: en effet comme k(Uj)5𝑘subscript𝑈𝑗5k(U_{j})\geq 5 pour tout j𝑗j, au moins l’un des ensembles Aj,,Djsubscript𝐴𝑗subscript𝐷𝑗A_{j},\dots,D_{j} a deux éléments et on peut donc composer par une transposition si nécessaire. Ce choix étant fait, l’élément α𝛼\alpha obtenu est un commutateur. ∎

Théorème 3.1.6.

Soit φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme minimal d’un compact totalement séparé X𝑋X à au moins 5 points. Alors le groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est simple et est contenu dans tout sous-groupe distingué non trivial de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!].

Démonstration.

Si X𝑋X est fini, ce n’est rien d’autre que la simplicité du groupe alterné, qu’il n’est pas nécessaire de redémontrer ici. On suppose maintenant X𝑋X infini.

Considérons un sous-groupe non trivial N𝑁N de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] normalisé par [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}. Le commutant de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} dans Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X) est trivial (corolaire 2.2.5), si bien qu’on peut choisir un élément non trivial f𝑓f dans N[[φ]]𝑁superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑N\cap[\![\varphi]\!]^{\prime}.

Pour démontrer le résultat, il faut montrer que pour tous g,h[[φ]]𝑔delimited-[]delimited-[]𝜑g,h\in[\![\varphi]\!] on a [g,h]N𝑔𝑁[g,h]\in N. Supposons, dans un premier temps222Pierre Py m’a signalé une erreur dans la preuve dans une version précédente de ce texte, reprenant une erreur dans [BeM08]. L’argument donné ne fonctionnait en effet qu’en supposant N𝑁N distingué dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], ce qui ne suffisait pas à établir la simplicité de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}., que N𝑁N est distingué dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!].

Soit E𝐸E un clouvert non vide disjoint de f(E)𝑓𝐸f(E). L’application qui à μφ(X)𝜇subscript𝜑𝑋\mu\in\mathcal{M}_{\varphi}(X) associe μ(E)𝜇𝐸\mu(E) est continue; par compacité de φ(X)subscript𝜑𝑋\mathcal{M}_{\varphi}(X), il en découle que ε=Lφ(E)>0𝜀subscriptsuperscript𝐿𝜑𝐸0\varepsilon=L^{-}_{\varphi}(E)>0.

Par le lemme 3.1.4, on peut écrire g=gi𝑔productsubscript𝑔𝑖g=\prod g_{i} et h=hjproductsubscript𝑗h=\prod h_{j} avec Lφ+(Supp(gi))subscriptsuperscript𝐿𝜑Suppsubscript𝑔𝑖L^{+}_{\varphi}(\textnormal{Supp}(g_{i})) et Lφ+(Supp(hj))subscriptsuperscript𝐿𝜑Suppsubscript𝑗L^{+}_{\varphi}(\textnormal{Supp}(h_{j})) strictement inférieurs à ε/2𝜀2\varepsilon/2. L’élément [g,h]𝑔[g,h] appartient au sous-groupe distingué engendré par les [gi,hj]subscript𝑔𝑖subscript𝑗[g_{i},h_{j}] (comme on voit en quotientant par ce dernier). Donc il suffit de montrer que les [gi,hj]subscript𝑔𝑖subscript𝑗[g_{i},h_{j}] sont dans N𝑁N.

Soit U𝑈U le clouvert Supp(gi)Supp(hj)Suppsubscript𝑔𝑖Suppsubscript𝑗\textnormal{Supp}(g_{i})\cup\textnormal{Supp}(h_{j}); on a Lφ+(U)<ε=Lφ(E)subscriptsuperscript𝐿𝜑𝑈𝜀subscriptsuperscript𝐿𝜑𝐸L^{+}_{\varphi}(U)<\varepsilon=L^{-}_{\varphi}(E). Par le lemme 3.1.5, il existe un élément α[[φ]]𝛼superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑\alpha\in[\![\varphi]\!]^{\prime} tel que α(U)E𝛼𝑈𝐸\alpha(U)\subset E; soit q=α1fαN𝑞superscript𝛼1𝑓𝛼𝑁q=\alpha^{-1}f\alpha\in N. L’élément h^j=[hj,q]=hjqhj1q1subscript^𝑗subscript𝑗𝑞subscript𝑗𝑞superscriptsubscript𝑗1superscript𝑞1\hat{h}_{j}=[h_{j},q]=h_{j}qh_{j}^{-1}q^{-1} appartient à N𝑁N, et donc [gi,h^j]Nsubscript𝑔𝑖subscript^𝑗𝑁[g_{i},\hat{h}_{j}]\in N. Puisque q(U)U=𝑞𝑈𝑈q(U)\cap U=\emptyset, les éléments gi1superscriptsubscript𝑔𝑖1g_{i}^{-1} et qhjq1𝑞subscript𝑗superscript𝑞1qh_{j}q^{-1} commutent, donc

[gi,h^j]=gihj(qhj1q1)gi1(qhjq1)hj1=gihjgi1hj1=[gi,hj],subscript𝑔𝑖subscript^𝑗subscript𝑔𝑖subscript𝑗𝑞superscriptsubscript𝑗1superscript𝑞1superscriptsubscript𝑔𝑖1𝑞subscript𝑗superscript𝑞1superscriptsubscript𝑗1subscript𝑔𝑖subscript𝑗superscriptsubscript𝑔𝑖1superscriptsubscript𝑗1subscript𝑔𝑖subscript𝑗[g_{i},\hat{h}_{j}]=g_{i}h_{j}(qh_{j}^{-1}q^{-1})g_{i}^{-1}(qh_{j}q^{-1})h_{j}^{-1}=g_{i}h_{j}g_{i}^{-1}h_{j}^{-1}=[g_{i},h_{j}],

si bien que [gi,hj]Nsubscript𝑔𝑖subscript𝑗𝑁[g_{i},h_{j}]\in N.

On a donc démontré que tout sous-groupe distingué de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] non réduit à l’identité contient [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}. On peut appliquer ce résultat au sous-groupe de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] engendré par les éléments d’ordre 5. En effet, étant donné un tel élement, l’ensemble de ses points fixes est clouvert, et on peut appliquer le fait 3.1.3 au complémentaire de l’ensemble de ses points fixes, ce qui permet de vérifier que cet élément est contenu dans un sous-groupe de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] isomorphe au groupe alterné 𝔄5subscript𝔄5\mathfrak{A}_{5}; en particulier, tout élément d’ordre 5 est un commutateur, et d’autre part le fait 2.2.4 montre qu’il existe des éléments d’ordre 5; ceci démontre que le groupe [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est égal au sous-groupe de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] engendré par les élements d’ordre 5 (le lecteur peut vérifier qu’il en est de même pour tout ordre entier impair supérieur à 2). Ceci démontre en outre que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est engendré par ses sous-groupes isomorphes à 𝔄5subscript𝔄5\mathfrak{A}_{5}, et donc coïncide avec son sous-groupe dérivé (ce qu’on voit également en remarquant que [[φ]]′′superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑′′[\![\varphi]\!]^{\prime\prime} est non trivial et distingué dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] et contient donc le groupe dérivé).

Pour montrer le théorème, puisque [[φ]]′′=[[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑′′superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime\prime}=[\![\varphi]\!]^{\prime}, il suffit de montrer que pour tous g,h[[φ]]𝑔superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑g,h\in[\![\varphi]\!]^{\prime} on a [g,h]N𝑔𝑁[g,h]\in N. On peut donc, avec la version «  périodique d’ordre 5  » du lemme 3.1.4, faire le raisonnement précédent en supposant que gi,hj[[φ]]subscript𝑔𝑖subscript𝑗superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑g_{i},h_{j}\in[\![\varphi]\!]^{\prime}, auquel cas il suffit de supposer N𝑁N distingué dans [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} pour obtenir que [gi,hj]subscript𝑔𝑖subscript𝑗[g_{i},h_{j}] appartient à N𝑁N. ∎

L’approche de Matui, très différente, est plus complexe mais apporte d’autres informations. Elle suppose toujours de manière essentielle que Γ=[[φ]]Γdelimited-[]delimited-[]𝜑\Gamma=[\![\varphi]\!] et X𝑋X est compact totalement séparé, minimal. Elle est basée sur une étude du sous-groupe

[[φ]][x={f[[φ]]:f(φ𝐍(x))=φ𝐍(x)},φ𝐍(x)={φn(x):n𝐍};formulae-sequencesubscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥conditional-set𝑓delimited-[]delimited-[]𝜑𝑓superscript𝜑𝐍𝑥superscript𝜑𝐍𝑥superscript𝜑𝐍𝑥conditional-setsuperscript𝜑𝑛𝑥𝑛𝐍[\![\varphi]\!]_{[x\rangle}=\{f\in[\![\varphi]\!]:f(\varphi^{\mathbf{N}}(x))=\varphi^{\mathbf{N}}(x)\},\quad\text{o\`{u}}\quad\varphi^{\mathbf{N}}(x)=\{\varphi^{n}(x):n\in\mathbf{N}\};

montrant notamment que si x,y𝑥𝑦x,y appartiennent à des orbites distinctes alors [[φ]][[φ]][x[[φ]][ysuperscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑subscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥subscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑦[\![\varphi]\!]^{\prime}\subset[\![\varphi]\!]_{[x\rangle}[\![\varphi]\!]_{[y\rangle}. On utilisera ce sous-groupe à plusieurs reprises par la suite (§3.3 et §4.1), mais de manière moins approfondie que dans [Ma06].

3.2 Type-finitude

On commence par l’observation suivante qui justifie que sous des hypothèses très générales, être un sous-décalage est une condition nécessaire pour que le groupe plein-topologique et son dérivé soient de type fini.

Proposition 3.2.1.

Soit ΓΓ\Gamma un groupe agissant par autohoméomorphismes sur un espace compact totalement séparé X𝑋X, sans point fixe global. Si Λ=[[Γ]]Λdelimited-[]delimited-[]Γ\Lambda=[\![\Gamma]\!] est de type fini et X𝑋X n’a qu’un nombre fini de ΓΓ\Gamma-orbites de cardinal au plus deux, alors (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X) est un sous-décalage. Si de plus aucune ΓΓ\Gamma-orbite n’est de cardinal deux, il en est de même si ΛΛ\Lambda est un sous-groupe de [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] contenant [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}.

Démonstration.

Pour tout x𝑥x il existe γxsubscript𝛾𝑥\gamma_{x} dans ΓΓ\Gamma et un voisinage clouvert Vxsubscript𝑉𝑥V_{x} de x𝑥x disjoint de γxVxsubscript𝛾𝑥subscript𝑉𝑥\gamma_{x}V_{x}. On peut raffiner et extraire une partition (Uj)subscript𝑈𝑗(U_{j}) en clouverts telle que chaque Ujsubscript𝑈𝑗U_{j} ne contient aucune orbite.

Supposons que [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] est de type fini. Considérons un nombre fini de clouverts sur qui chaque générateur est donné par action d’un élément donné de ΓΓ\Gamma. Considérons l’algèbre booléenne ΓΓ\Gamma-invariante engendrée par ces clouverts et par les Ujsubscript𝑈𝑗U_{j}. Elle définit une partition ΓΓ\Gamma-invariante de X𝑋X. Comme les Ujsubscript𝑈𝑗U_{j} ne contiennent aucune orbite, aucune composante de cette partition ne contient d’orbite. Donc, par le fait 2.2.7, toute ΓΓ\Gamma-orbite est composée d’atomes de cette partition, donc c’est la partition triviale, ce qui montre, par le fait 2.1.2, que (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X) est un sous-décalage.

Pour ΛΛ\Lambda contenant [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}, grâce au fait 2.2.7, l’hypothèse supplémentaire permet d’appliquer le même raisonnement. ∎

On va maintenant se restreindre au cas de Γ=𝐙Γ𝐙\Gamma=\mathbf{Z}. Matui prouve le théorème suivant [Ma06, Theorem 5.4].

Théorème 3.2.2.

Soit (X,φ)𝑋𝜑(X,\varphi) un sous-décalage minimal sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}. Alors le groupe dérivé [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} du groupe plein-topologique correspondant est de type fini.

On commence par deux lemmes. Rappelons qu’un sous-décalage XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} est dit k𝑘k-propre si pour tout wX𝑤𝑋w\in X et tous m,n𝑚𝑛m,n tels que 0<|mn|k0𝑚𝑛𝑘0<|m-n|\leq k on a w(m)w(n)𝑤𝑚𝑤𝑛w(m)\neq w(n).

Lemme 3.2.3.

Soit d1𝑑1d\geq 1. Tout sous-décalage (X,φ)𝑋𝜑(X,\varphi) sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} sans orbite de cardinal au plus d𝑑d est isomorphe à un sous-décalage d𝑑d-propre (sur un autre alphabet).

Démonstration.

Par hypothèse (cf. le fait 2.1.2), X𝑋X est compact totalement séparé et il existe une partition de X𝑋X en clouverts, indexée par un ensemble fini A𝐴A, dont les ΓΓ\Gamma-translatés séparent les points. Notons φ𝜑\varphi l’autohoméomorphisme de décalage. Par hypothèse, pour tout xX𝑥𝑋x\in X, les éléments x,φ(x),,φd(x)𝑥𝜑𝑥superscript𝜑𝑑𝑥x,\varphi(x),\dots,\varphi^{d}(x) sont deux à deux distincts. Donc on peut raffiner la partition en une partition en clouverts (Vb)bBsubscriptsubscript𝑉𝑏𝑏𝐵(V_{b})_{b\in B}, indexée par un ensemble fini B𝐵B plus grand, tel que pour tout b𝑏b, les φi(Vb)superscript𝜑𝑖subscript𝑉𝑏\varphi^{i}(V_{b}), pour i=0,,d𝑖0𝑑i=0,\dots,d, sont deux à deux disjoints. La réalisation correspondante comme sous-décalage sur BΓsuperscript𝐵ΓB^{\Gamma} est donc, par définition, d𝑑d-propre. ∎

Définition 3.2.4.

Si I𝐼I est une partie finie de 𝐙𝐙\mathbf{Z}, on dit qu’un clouvert U𝑈U est I𝐼I-bon si les (φi(U))iIsubscriptsuperscript𝜑𝑖𝑈𝑖𝐼(\varphi^{i}(U))_{i\in I} sont deux à deux disjoints. On abrège «  {1,0,1}1.0.1\{-1,0,1\}-bon  » en «  bon  ». étant donné un clouvert UX𝑈𝑋U\subset X bon, on définit σU[[φ]]subscript𝜎𝑈delimited-[]delimited-[]𝜑\sigma_{U}\in[\![\varphi]\!] comme l’élément d’ordre au plus 3 qui vaut l’identité hors de φ1UUφUsuperscript𝜑1𝑈𝑈𝜑𝑈\varphi^{-1}U\cup U\cup\varphi U et permute cycliquement:

Uφφ(U)φ2φ1(U)φU.superscript𝜑𝑈𝜑𝑈superscriptsuperscript𝜑2superscript𝜑1𝑈superscript𝜑𝑈U\stackrel{{\scriptstyle\varphi}}{{\longrightarrow}}\varphi(U)\stackrel{{\scriptstyle\varphi^{-2}}}{{\longrightarrow}}\varphi^{-1}(U)\stackrel{{\scriptstyle\varphi}}{{\longrightarrow}}U.
Lemme 3.2.5.

Soit (X,φ)𝑋𝜑(X,\varphi) un sous-décalage minimal infini sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}. Le groupe [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est engendré par les σUsubscript𝜎𝑈\sigma_{U}, où U𝑈U parcourt les clouverts bons.

Démonstration.

Commençons par observer que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est engendré par ses éléments d’ordre 3: en effet il existe dans [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} des éléments d’ordre 3, et comme [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est simple (théorème 3.1.6), ils forment donc une partie génératrice. Disons qu’un élément σ𝜎\sigma d’ordre 3 est spécial s’il existe une partie à 3 éléments I={i,j,k}𝐼𝑖𝑗𝑘I=\{i,j,k\} et un clouvert U𝑈U I𝐼I-bon tel que σ𝜎\sigma est l’identité hors de iIφi(U)subscript𝑖𝐼superscript𝜑𝑖𝑈\bigcup_{i\in I}\varphi^{i}(U) et échange φi(U)superscript𝜑𝑖𝑈\varphi^{i}(U), φj(U)superscript𝜑𝑗𝑈\varphi^{j}(U) et φk(U)superscript𝜑𝑘𝑈\varphi^{k}(U) par action de φjisuperscript𝜑𝑗𝑖\varphi^{j-i}, φjksuperscript𝜑𝑗𝑘\varphi^{j-k}, et φkisuperscript𝜑𝑘𝑖\varphi^{k-i}. Si σ𝜎\sigma est un élément d’ordre 3 quelconque et κ𝜅\kappa est la fonction étagée associée, alors en regardant les fibres de la fonction x(κ(x),κ(φ(x)),κ(φ2(x)))maps-to𝑥𝜅𝑥𝜅𝜑𝑥𝜅superscript𝜑2𝑥x\mapsto(\kappa(x),\kappa(\varphi(x)),\kappa(\varphi^{2}(x))), on voit que σ𝜎\sigma est un produit d’éléments d’ordre 3 spéciaux à supports disjoints. Soit maintenant σ𝜎\sigma d’ordre 3 spécial, et U𝑈U et I𝐼I les parties correspondantes. Soit J𝐽J un segment entier contenant I𝐼I. Alors il existe une partition (Uk)subscript𝑈𝑘(U_{k}) de U𝑈U en clouverts J𝐽J-bons; on peut écrire σ𝜎\sigma comme produit de ses restrictions aux iIφi(Uk)subscript𝑖𝐼superscript𝜑𝑖subscript𝑈𝑘\bigcup_{i\in I}\varphi^{i}(U_{k}); ainsi on est ramené au cas où σ𝜎\sigma a la propriété supplémentaire que I𝐼I est J𝐽J-bon. On observe alors que pour tout intervalle entier J𝐽J, le groupe alterné est engendré par les 3-cycles (i1;i;i+1)𝑖1𝑖𝑖1(i-1;i;i+1) compris dans J𝐽J (voir par exemple [Ma06, Lemma 5.1] pour une preuve). Or ce 3-cycle correspond à l’élément σφi(U)subscript𝜎superscript𝜑𝑖𝑈\sigma_{\varphi^{i}(U)}; ainsi σ𝜎\sigma est produit de tels éléments et de leurs inverses, ce qui termine la preuve. ∎

Preuve du théorème 3.2.2.

On suppose X𝑋X infini, puisque sinon le résultat est trivial. Par le lemme 3.2.3, on peut supposer que XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} est un sous-décalage 4-propre.

On commence par l’observation suivante: si U,VX𝑈𝑉𝑋U,V\subset X sont des clouverts et si les ensembles φ1Usuperscript𝜑1𝑈\varphi^{-1}U, U𝑈U, φU𝜑𝑈\varphi U, φ1Vsuperscript𝜑1𝑉\varphi^{-1}V, V𝑉V et φV𝜑𝑉\varphi V sont deux à deux disjoints sauf peut-être φU𝜑𝑈\varphi U et φ1Vsuperscript𝜑1𝑉\varphi^{-1}V, alors, en notant [s,t]=sts1t1𝑠𝑡𝑠𝑡superscript𝑠1superscript𝑡1[s,t]=sts^{-1}t^{-1}, on a l’égalité

[σV,σU1]=σφUφ1V.subscript𝜎𝑉superscriptsubscript𝜎𝑈1subscript𝜎𝜑𝑈superscript𝜑1𝑉[\sigma_{V},\sigma_{U}^{-1}]=\sigma_{\varphi U\cap\varphi^{-1}V}. (3.2)

Si I𝐼I est une partie finie non vide de 𝐙𝐙\mathbf{Z} et fAI𝑓superscript𝐴𝐼f\in A^{I}, on définit le cylindre

Cyl(I,f)={wXw|I=f}.Cyl𝐼𝑓conditional-set𝑤𝑋evaluated-at𝑤𝐼𝑓\textnormal{Cyl}(I,f)=\{w\in X\mid w|_{I}=f\}.

Remarquons que les cylindres sont des clouverts, et sont bons (définition 3.2.4) car X𝑋X est 1-propre (et I𝐼I non vide); en outre, ils forment, en faisant varier I𝐼I et f𝑓f, une base de la topologie de X𝑋X.

On définit ΛΛ\Lambda comme le sous-groupe de [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] engendré par l’ensemble fini constitué des éléments de la forme σCyl({1,0,1},f)subscript𝜎Cyl1.0.1𝑓\sigma_{\textnormal{Cyl}(\{-1,0,1\},f)}fA{1,0,1}𝑓superscript𝐴1.0.1f\in A^{\{-1,0,1\}}. On va prouver le théorème en montrant que Λ=[[φ]]Λsuperscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑\Lambda=[\![\varphi]\!]^{\prime}. Par le lemme 3.2.5, il suffit de vérifier que les σUsubscript𝜎𝑈\sigma_{U}, pour U𝑈U clouvert bon, sont dans ΛΛ\Lambda. En décomposant U𝑈U, on voit qu’il suffit de le vérifier dans le cas où U𝑈U est un cylindre Cyl(In,h)Cylsubscript𝐼𝑛\textnormal{Cyl}(I_{n},h), où In={n,,n}subscript𝐼𝑛𝑛𝑛I_{n}=\{-n,\dots,n\}.

Vérifions donc par récurrence sur n1𝑛1n\geq 1 que pour tout hAInsuperscript𝐴subscript𝐼𝑛h\in A^{I_{n}} on a σCyl(In,h)Λsubscript𝜎Cylsubscript𝐼𝑛Λ\sigma_{\textnormal{Cyl}(I_{n},h)}\in\Lambda. C’est vrai par hypothèse pour n=1𝑛1n=1 et supposons que n2𝑛2n\geq 2 est que c’est démontré en deçà. On note τ(n)=n+1𝜏𝑛𝑛1\tau(n)=n+1 la translation sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, si bien que τ𝜏\tau agit sur les fonctions partiellement définies sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}: si on a fAI𝑓superscript𝐴𝐼f\in A^{I}, alors τfAτI𝜏𝑓superscript𝐴𝜏𝐼\tau\cdot f\in A^{\tau I} est définie par τf(n)=f(n1)𝜏𝑓𝑛𝑓𝑛1\tau\cdot f(n)=f(n-1) (on écrit τI=τ(I)𝜏𝐼𝜏𝐼\tau I=\tau(I) pour alléger les notations). La fonction τ±1hsuperscript𝜏plus-or-minus1\tau^{\pm 1}\cdot h est définie sur τ±1Insuperscript𝜏plus-or-minus1subscript𝐼𝑛\tau^{\pm 1}I_{n}. Soit h±subscriptplus-or-minush_{\pm} sa restriction à In1subscript𝐼𝑛1I_{n-1}. Notons Y±=Cyl(In1,h±)subscript𝑌plus-or-minusCylsubscript𝐼𝑛1subscriptplus-or-minusY_{\pm}=\textnormal{Cyl}(I_{n-1},h_{\pm}). Alors on a

τYτ1Y+Cyl({0},h(0)).𝜏subscript𝑌superscript𝜏1subscript𝑌Cyl00\tau Y_{-}\cup\tau^{-1}Y_{+}\subset\textnormal{Cyl}(\{0\},h(0)).

Donc, par 4-propreté, on a

Y+τiY+=YτiY=etτj+1Yτk1Y+=formulae-sequencesubscript𝑌superscript𝜏𝑖subscript𝑌subscript𝑌superscript𝜏𝑖subscript𝑌etsuperscript𝜏𝑗1subscript𝑌superscript𝜏𝑘1subscript𝑌Y_{+}\cap\tau^{i}Y_{+}=Y_{-}\cap\tau^{i}Y_{-}=\emptyset\quad\text{et}\quad\tau^{j+1}Y_{-}\cap\tau^{k-1}Y_{+}=\emptyset

pour tous i,j,k𝐙𝑖𝑗𝑘𝐙i,j,k\in\mathbf{Z} tels que 1|i|41𝑖41\leq|i|\leq 4 et 1|jk|41𝑗𝑘41\leq|j-k|\leq 4. Les hypothèses de (3.2) sont donc remplies, et on déduit que

σCyl(In,h)=[σCyl(In1,h),σCyl(In1,h+)1]subscript𝜎Cylsubscript𝐼𝑛subscript𝜎Cylsubscript𝐼𝑛1subscriptsuperscriptsubscript𝜎Cylsubscript𝐼𝑛1subscript1\sigma_{\textnormal{Cyl}(I_{n},h)}=\left[\sigma_{\textnormal{Cyl}(I_{n-1},h_{-})}\,,\,\sigma_{\textnormal{Cyl}(I_{n-1},h_{+})}^{-1}\right]

et par conséquent σCyl(In,h)Λsubscript𝜎Cylsubscript𝐼𝑛Λ\sigma_{\textnormal{Cyl}(I_{n},h)}\in\Lambda. ∎

{rema}

Dans le meilleur des cas, A𝐴A a 6 éléments (à cause de la 4-propreté), cela fait une partie génératrice à 120=6×5×4120654120=6\times 5\times 4 éléments (ou 241=2×120+124121201241=2\times 120+1 si on veut une partie symétrique avec 1), soit autant que d’injections de {1,0,1}1.0.1\{-1,0,1\} dans A𝐴A ; c’est loin d’être optimal; dans un cas particulier Matui [Ma06, §6] donne une partie génératrice à 4 éléments (voir aussi [Ma12, §3.1]).

3.3 Structure de l’abélianisé

Les résultats de cette sous-partie sont principalement dus à Giordano-Putnam-Skau et Matui [GPS99, Ma06]333(Ajout février 2020) Voir aussi l’appendice B.

Soit X𝑋X un compact totalement séparé non vide et φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme. Soit x𝑥x un point dont la φ𝜑\varphi-orbite est infinie. On note 𝐍={0,1,2}𝐍0.1.2\mathbf{N}=\{0,1,2\dots\} et 𝐍csuperscript𝐍𝑐\mathbf{N}^{c} son complémentaire dans 𝐙𝐙\mathbf{Z}. On définit

modx:[[φ]]:subscriptmod𝑥delimited-[]delimited-[]𝜑\displaystyle\textnormal{mod}_{x}:[\![\varphi]\!] \displaystyle\to 𝐙𝐙\displaystyle\mathbf{Z}
ψ𝜓\displaystyle\psi maps-to\displaystyle\mapsto #(φ𝐍c(x)ψ1(φ𝐍(x)))#(φ𝐍(x)ψ1(φ𝐍c(x)))#superscript𝜑superscript𝐍𝑐𝑥superscript𝜓1superscript𝜑𝐍𝑥#superscript𝜑𝐍𝑥superscript𝜓1superscript𝜑superscript𝐍𝑐𝑥\displaystyle\#\left(\varphi^{\mathbf{N}^{c}}(x)\cap\psi^{-1}(\varphi^{\mathbf{N}}(x))\right)-\#\left(\varphi^{\mathbf{N}}(x)\cap\psi^{-1}(\varphi^{\mathbf{N}^{c}}(x))\right)

Intuitivement, c’est le «  transfert global  » d’éléments de gauche à droite dans l’orbite de x𝑥x.

Proposition 3.3.1.

L’application modxsubscriptmod𝑥\textnormal{mod}_{x} est un morphisme de groupes et ne dépend pas du choix de x𝑥x dans son orbite; on a modx(φ)=1subscriptmod𝑥𝜑1\textnormal{mod}_{x}(\varphi)=1 (si bien que modxsubscriptmod𝑥\textnormal{mod}_{x} est surjectif). De plus, si Hom([[φ]],𝐙)Homdelimited-[]delimited-[]𝜑𝐙\textnormal{Hom}([\![\varphi]\!],\mathbf{Z}) est muni de la topologie de la convergence ponctuelle, l’application xmodxmaps-to𝑥subscriptmod𝑥x\mapsto\textnormal{mod}_{x}, définie sur la réunion des orbites infinies, est continue.

Démonstration.

Que modxsubscriptmod𝑥\textnormal{mod}_{x} est un morphisme est un fait général sur le groupe des permutations à déplacement borné de 𝐙𝐙\mathbf{Z} et est laissé en exercice au lecteur. Le fait que modx=modφ(x)subscriptmod𝑥subscriptmod𝜑𝑥\textnormal{mod}_{x}=\textnormal{mod}_{\varphi(x)} en découle, car modφ(x)(ψ)=modx(φ1ψφ)subscriptmod𝜑𝑥𝜓subscriptmod𝑥superscript𝜑1𝜓𝜑\textnormal{mod}_{\varphi(x)}(\psi)=\textnormal{mod}_{x}(\varphi^{-1}\circ\psi\circ\varphi) pour tout ψ[[φ]]𝜓delimited-[]delimited-[]𝜑\psi\in[\![\varphi]\!].

Vérifions la deuxième assertion. Il faut montrer que si (xn)subscript𝑥𝑛(x_{n}) converge vers x𝑥x et ψ𝜓\psi est fixé alors modxn(ψ)subscriptmodsubscript𝑥𝑛𝜓\textnormal{mod}_{x_{n}}(\psi) est égal, pour n𝑛n assez grand, à modx(ψ)subscriptmod𝑥𝜓\textnormal{mod}_{x}(\psi). Soit m𝑚m une borne supérieure sur la fonction étagée associée à ψ𝜓\psi. Soit (Ui)subscript𝑈𝑖(U_{i}) une partition en clouverts trivialisant ψ𝜓\psi. Il existe n0subscript𝑛0n_{0} tel que pour tout |i|m𝑖𝑚|i|\leq m, l’élément φi(xn)superscript𝜑𝑖subscript𝑥𝑛\varphi^{i}(x_{n}) est dans la même composante de la partition (Ui)subscript𝑈𝑖(U_{i}) que x𝑥x. On en déduit facilement que modxn(ψ)=modx(ψ)subscriptmodsubscript𝑥𝑛𝜓subscriptmod𝑥𝜓\textnormal{mod}_{x_{n}}(\psi)=\textnormal{mod}_{x}(\psi) pour tout nn0𝑛subscript𝑛0n\geq n_{0}. ∎

En particulier, s’il existe une φ𝜑\varphi-orbite dense (par exemple, X𝑋X est minimal), alors modxsubscriptmod𝑥\textnormal{mod}_{x} ne dépend pas de x𝑥x, on le note alors mod.

Théorème 3.3.2.

Si X𝑋X est un compact totalement séparé et φ𝜑\varphi agit minimalement, alors le noyau [[φ]]0=Ker(mod)superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0Kermod[\![\varphi]\!]^{0}=\textnormal{Ker}(\textnormal{mod}) est engendré par ses éléments d’ordre fini.

Cela implique en particulier que mod est l’unique morphisme de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] vers 𝐙𝐙\mathbf{Z} envoyant φ𝜑\varphi sur 1. Or, il existe d’autres manières de construire ce morphisme. Par exemple, si μ𝜇\mu est une probabilité borélienne invariante, on vérifie directement que l’application ιμ:ψkψ𝑑μ:subscript𝜄𝜇maps-to𝜓subscript𝑘𝜓differential-d𝜇\iota_{\mu}:\psi\mapsto\int k_{\psi}d\mu, où kψsubscript𝑘𝜓k_{\psi} est la fonction étagée associée à ψ𝜓\psi, est un morphisme vers 𝐑𝐑\mathbf{R} envoyant φ𝜑\varphi sur 1, et il en découle facilement que ιμ=modsubscript𝜄𝜇mod\iota_{\mu}=\textnormal{mod} (et en particulier que ιμsubscript𝜄𝜇\iota_{\mu} prend des valeurs entières et ne dépend pas de μ𝜇\mu).

Pour prouver le théorème 3.3.2, on a besoin du lemme classique suivant, qui servira aussi dans la preuve de la moyennabilité; il semble remonter à Putnam [Pu89, Sec. 5]; même si tous les ingrédients de la preuve y sont contenus, le résultat n’y est pas explicité; cependant les papiers ultérieurs s’y réfèrent. Une preuve directe est donnée par Juschenko et Monod dans [JM12] (voir aussi Matui [Ma06, Proposition 3.2], dans un langage un peu différent mais à portée plus générale).

Lemme 3.3.3 (Putnam).

Si X𝑋X est compact totalement séparé et φ𝜑\varphi est un autohoméomorphisme minimal, alors pour tout xX𝑥𝑋x\in X le stabilisateur [[φ]][xsubscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥[\![\varphi]\!]_{[x\rangle} de l’orbite positive φ𝐍(x)superscript𝜑𝐍𝑥\varphi^{\mathbf{N}}(x) est localement fini.

Démonstration.

Soit ixsubscript𝑖𝑥i_{x} la fonction orbitale nφn(x)maps-to𝑛superscript𝜑𝑛𝑥n\mapsto\varphi^{n}(x); soit jxsubscript𝑗𝑥j_{x} l’action de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} obtenue à partir de celle sur l’orbite de x𝑥x via la bijection ix:𝐙φ𝐙(x):subscript𝑖𝑥𝐙superscript𝜑𝐙𝑥i_{x}:\mathbf{Z}\to\varphi^{\mathbf{Z}}(x); autrement dit, pour ψ[[φ]]𝜓delimited-[]delimited-[]𝜑\psi\in[\![\varphi]\!], on définit jx(ψ)subscript𝑗𝑥𝜓j_{x}(\psi) comme la permutation ix1ψixsuperscriptsubscript𝑖𝑥1𝜓subscript𝑖𝑥i_{x}^{-1}\circ\psi\circ i_{x} de 𝐙𝐙\mathbf{Z}.

L’assertion du lemme revient à affirmer que toute partie finie F𝐹F (qu’on peut supposer symétrique) de [[φ]][xsubscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥[\![\varphi]\!]_{[x\rangle} engendre un groupe agissant sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} (via jxsubscript𝑗𝑥j_{x}) avec orbites finies. Posons τx(ψ)(n)=jx(ψ)(n)nsubscript𝜏𝑥𝜓𝑛subscript𝑗𝑥𝜓𝑛𝑛\tau_{x}(\psi)(n)=j_{x}(\psi)(n)-n, si bien que τx(ψ):𝐙𝐙:subscript𝜏𝑥𝜓𝐙𝐙\tau_{x}(\psi):\mathbf{Z}\to\mathbf{Z} est une fonction bornée. Fixons F𝐹F. Soient

m=supθF,n𝐙|τx(θ)(n)|,A={m,,m}F.formulae-sequence𝑚subscriptsupremumformulae-sequence𝜃𝐹𝑛𝐙subscript𝜏𝑥𝜃𝑛𝐴superscript𝑚𝑚𝐹m=\sup_{\theta\in F,\,n\in\mathbf{Z}}|\tau_{x}(\theta)(n)|,\quad A=\{-m,\dots,m\}^{F}.

On a une application anti-équivariante naturelle α𝛼\alpha continue de X𝑋X dans le décalage (A𝐙,T)superscript𝐴𝐙𝑇(A^{\mathbf{Z}},T) (avec T(w)(n)=w(n1)𝑇𝑤𝑛𝑤𝑛1T(w)(n)=w(n-1)), qui envoie yX𝑦𝑋y\in X sur la suite n(θτy(θ)(n))maps-to𝑛maps-to𝜃subscript𝜏𝑦𝜃𝑛n\mapsto(\theta\mapsto\tau_{y}(\theta)(n)). Son image est un sous-décalage minimal. Ceci implique facilement (voir par exemple [MH38, Theorem 7.2]) que si on définit I𝐼I comme l’ensemble des n𝐙𝑛𝐙n\in\mathbf{Z} tels que Tnα(x)superscript𝑇𝑛𝛼𝑥T^{-n}\alpha(x) et α(x)𝛼𝑥\alpha(x) coïncident sur {0,,m1}0𝑚1\{0,\dots,m-1\}, alors I𝐼I est coborné, au sens où la fonction d(,I)𝑑𝐼d(\cdot,I) est bornée sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}. On peut indexer I𝐼I de façon strictement croissante: I={pn,n𝐙}𝐼subscript𝑝𝑛𝑛𝐙I=\{p_{n},n\in\mathbf{Z}\}, si bien que la suite (pn+1pn)n𝐙subscriptsubscript𝑝𝑛1subscript𝑝𝑛𝑛𝐙(p_{n+1}-p_{n})_{n\in\mathbf{Z}} est bornée. On définit l’intervalle entier Pn={pn,pn+1,,pn+11}subscript𝑃𝑛subscript𝑝𝑛subscript𝑝𝑛1subscript𝑝𝑛11P_{n}=\{p_{n},p_{n}+1,\dots,p_{n+1}-1\}, de telle manière que 𝐙𝐙\mathbf{Z} est la réunion disjointe des Pnsubscript𝑃𝑛P_{n}. Si 0km10𝑘𝑚10\leq k\leq m-1 et θF𝜃𝐹\theta\in F, alors

jx(θ)(pn+k)pn=subscript𝑗𝑥𝜃subscript𝑝𝑛𝑘subscript𝑝𝑛absent\displaystyle j_{x}(\theta)(p_{n}+k)-p_{n}= τx(θ)(pn+k)+ksubscript𝜏𝑥𝜃subscript𝑝𝑛𝑘𝑘\displaystyle\tau_{x}(\theta)(p_{n}+k)+k
=\displaystyle= Tpnτx(θ)(k)+k=Tpnα(x)(k)(θ)+ksuperscript𝑇subscript𝑝𝑛subscript𝜏𝑥𝜃𝑘𝑘superscript𝑇subscript𝑝𝑛𝛼𝑥𝑘𝜃𝑘\displaystyle T^{-p_{n}}\tau_{x}(\theta)(k)+k=T^{-p_{n}}\alpha(x)(k)(\theta)+k
=\displaystyle= α(x)(k)(θ)+k=τx(θ)(k)+k=jx(θ)(k)0𝛼𝑥𝑘𝜃𝑘subscript𝜏𝑥𝜃𝑘𝑘subscript𝑗𝑥𝜃𝑘0\displaystyle\alpha(x)(k)(\theta)+k=\tau_{x}(\theta)(k)+k=j_{x}(\theta)(k)\geq 0

car θ[[φ]][x𝜃subscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥\theta\in[\![\varphi]\!]_{[x\rangle}. Comme les éléments de F𝐹F translatent les points d’au plus m𝑚m, cela démontre que jx(θ)(Pn)nnPnsubscript𝑗𝑥𝜃subscript𝑃𝑛subscriptsuperscript𝑛𝑛subscript𝑃superscript𝑛j_{x}(\theta)(P_{n})\subset\bigcup_{n^{\prime}\geq n}P_{n^{\prime}} pour tout θF𝜃𝐹\theta\in F, et comme F𝐹F est supposé symétrique, le même argument montre que jx(θ)(Pn)nnPnsubscript𝑗𝑥𝜃subscript𝑃𝑛subscriptsuperscript𝑛𝑛subscript𝑃superscript𝑛j_{x}(\theta)(P_{n})\subset\bigcup_{n^{\prime}\leq n}P_{n^{\prime}}, et par conséquent chaque Pnsubscript𝑃𝑛P_{n} est stable par jx(F)subscript𝑗𝑥𝐹j_{x}(F). Comme ils sont de cardinal borné, la preuve est terminée. ∎

Preuve du théorème 3.3.2.

Soit ψ[[φ]]0𝜓superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0\psi\in[\![\varphi]\!]^{0}. Soit m𝑚m une borne supérieure sur la fonction étagée associée. Soient I=φNc(x)ψ1(φ𝐍(x))𝐼superscript𝜑superscript𝑁𝑐𝑥superscript𝜓1superscript𝜑𝐍𝑥I=\varphi^{N^{c}}(x)\cap\psi^{-1}(\varphi^{\mathbf{N}}(x)) et J=φN(x)ψ1(φ𝐍c(x))𝐽superscript𝜑𝑁𝑥superscript𝜓1superscript𝜑superscript𝐍𝑐𝑥J=\varphi^{N}(x)\cap\psi^{-1}(\varphi^{\mathbf{N}^{c}}(x)). Par hypothèse, I𝐼I et J𝐽J ont même cardinal et sont inclus dans φ{m,,m}(x)superscript𝜑𝑚𝑚𝑥\varphi^{\{-m,\dots,m\}}(x). Le fait 2.2.4 montre qu’il existe une involution s[[φ]]𝑠delimited-[]delimited-[]𝜑s\in[\![\varphi]\!] qui échange les éléments de I𝐼I et les éléments de J𝐽J, et dont la fonction étagée associée est bornée par 2m2𝑚2m. Dans la preuve du fait, en choisissant leurs supports assez petits, on peut supposer qu’ils évitent l’ensemble fini φ{2m,,2m}(x)superscript𝜑2𝑚.2𝑚𝑥\varphi^{\{-2m,\dots,2m\}}(x). Par conséquent, l’élément sψ𝑠𝜓s\psi stabilise φ𝐍(x)superscript𝜑𝐍𝑥\varphi^{\mathbf{N}}(x). Par le lemme 3.3.3, sψ𝑠𝜓s\psi est d’ordre fini. ∎

On va maintenant donner une version plus précise du théorème 3.3.2, due à Matui.

Proposition 3.3.4.

Le groupe [[φ]]0superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0[\![\varphi]\!]^{0} est engendré par ses éléments d’ordre 2.

Démonstration.

Dans la preuve du théorème 3.3.2, on a montré, après avoir fixé xX𝑥𝑋x\in X que tout élément de [[φ]]0superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0[\![\varphi]\!]^{0} est produit d’une involution et d’un élément de [[φ]][xsubscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥[\![\varphi]\!]_{[x\rangle}, qui est localement fini par le lemme 3.3.3. Il suffit donc de montrer que tout élément d’ordre fini est produit d’éléments d’ordre 2. L’argument du lemme 3.1.4 montre que tout élément d’ordre fini est produit (à supports disjoints) d’éléments ψisubscript𝜓𝑖\psi_{i} d’ordre fini nisubscript𝑛𝑖n_{i} définissant une action libre d’un groupe cyclique 𝐙/ni𝐙𝐙subscript𝑛𝑖𝐙\mathbf{Z}/n_{i}\mathbf{Z} sur le support de ψisubscript𝜓𝑖\psi_{i}. Par le lemme 3.1.3, il existe un clouvert U𝑈U tel que le support de ψisubscript𝜓𝑖\psi_{i} est union disjointe des (φ(U))0ini1subscript𝜑𝑈0𝑖subscript𝑛𝑖1(\varphi(U))_{0\leq i\leq n_{i}-1}. L’argument du fait 2.2.4 montre qu’on peut plonger le groupe symétrique sur {0,,ni1}0subscript𝑛𝑖1\{0,\dots,n_{i}-1\} dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], de façon à envoyer le nisubscript𝑛𝑖n_{i}-cycle (012)012(012\dots) sur ψisubscript𝜓𝑖\psi_{i}. Donc ψisubscript𝜓𝑖\psi_{i} est produit d’éléments d’ordre 2. ∎

Corolaire 3.3.5.

Le quotient [[φ]]0/[[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{0}/[\![\varphi]\!]^{\prime} est un 2-groupe abélien élémentaire et l’abélianisé [[φ]]/[[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]/[\![\varphi]\!]^{\prime} est isomorphe au produit direct de 𝐙𝐙\mathbf{Z} et de [[φ]]0/[[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{0}/[\![\varphi]\!]^{\prime}.∎

La classe d’isomorphie du groupe [[φ]]0/[[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{0}/[\![\varphi]\!]^{\prime} est donc déterminée par sa dimension comme espace vectoriel sur 𝐙/2𝐙𝐙2𝐙\mathbf{Z}/2\mathbf{Z}. Celle-ci dépend, en général, de φ𝜑\varphi. Matui [Ma06] prouve que ce groupe est isomorphe au groupe des co-invariants sous φ𝜑\varphi du groupe des fonctions continues de X𝑋X dans 𝐙/2𝐙𝐙2𝐙\mathbf{Z}/2\mathbf{Z}.

3.4 Approximation et présentation infinie

Définition 3.4.1.

Un (semi-)groupe G𝐺G est finiment approximable (ou LEF «  locally embeddable into finite groups  ») s’il vérifie l’une des conditions équivalentes suivantes

  • tout système fini d’égalités et inégalités sans paramètre ayant une solution dans G𝐺G a une solution dans un (semi-)groupe fini;

  • G𝐺G est isomorphe à un sous-groupe d’un ultraproduit de (semi-)groupes finis;

  • (pour G𝐺G groupe dénombrable) G𝐺G est isomorphe au quotient d’un groupe résiduellement fini par un sous-groupe distingué N𝑁N qui est réunion d’une suite croissante de sous-groupes distingués finis de G𝐺G.

Un groupe est finiment approximable comme groupe si et seulement s’il l’est comme (semi-)groupe. Un (semi-)groupe est finiment approximable si et seulement si tout ses sous-(semi-)groupes de type fini le sont. Un (semi-)groupe résiduellement fini est finiment approximable; la réciproque est vraie pour les (semi-)groupes de présentation finie mais pas pour les groupes de type fini (ces observations sont dues à Stëpin [St84]). Il découle de la définition qu’ils forment une classe stable par passage aux sous-(semi-)groupes et limites inductives filtrantes. On va montrer le résultat suivant.

Théorème 3.4.2 (Grigorchuk-Medynets [GrMe12]).

Pour tout X𝑋X compact totalement séparé muni d’une action minimale de 𝐙𝐙\mathbf{Z}, le semi-groupe (et donc le groupe) plein-topologique est finiment approximable.

Notons que ce résultat est faux pour un autohoméomorphisme arbitraire, voir l’exemple de la proposition 3.7.4.

Corolaire 3.4.3 (Matui [Ma06]).

Pour Γ=𝐙Γ𝐙\Gamma=\mathbf{Z}, considérons un sous-décalage (Γ,X)Γ𝑋(\Gamma,X) minimal infini. Soit ΛΛ\Lambda un sous-groupe de [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] (ou sous-semi-groupe de [[Γ]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]Γs[\![\Gamma]\!]_{\textnormal{s}}) contenant [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime}. Alors il n’est pas de présentation finie.

Démonstration.

Par le théorème 3.4.2, ΛΛ\Lambda est finiment approximable; si par l’absurde il est de présentation finie, il en découle qu’il est aussi résiduellement fini, et donc que [[Γ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!]^{\prime} est aussi résiduellement fini. Or c’est un groupe simple par le théorème 3.1.6, et il est infini par le fait 2.2.4, ce qui est contradictoire. (Cet argument, basé sur la résiduelle finitude, combine l’idée de Grigorchuk-Medynets [GrMe12] d’utiliser la résiduelle finitude, avec, en amont, l’approche de Matui qui a permis de montrer le théorème 3.4.2.) ∎

{rema}

Il est fructueux et naturel de penser à un résultat de présentation infinie G=G𝐺subscript𝐺G=G_{\infty} comme un résultat d’approximation: un groupe (de type fini) de présentation infinie peut être approché par des groupes Gnsubscript𝐺𝑛G_{n} obtenus en tronquant une présentation sur un nombre fini de générateurs, ou parfois en prenant des quotients Gn/Hnsubscript𝐺𝑛subscript𝐻𝑛G_{n}/H_{n} de ces derniers (par exemple finis) qui ne sont pas quotients de Gsubscript𝐺G_{\infty}.

Le théorème 3.4.2 se prouve par spécification au cas des sous-décalages, auquel cas il est valable sous des conditions moins restrictives que la minimalité. On a besoin d’introduire quelques notions classiques.

Définition 3.4.4.

Dans un décalage A𝐙superscript𝐴𝐙A^{\mathbf{Z}}, un motif est une fonction partiellement définie, à domaine de définition un intervalle entier fini, de 𝐙𝐙\mathbf{Z} vers A𝐴A, à translation près. Un motif d’un sous-décalage XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} est autorisé ou interdit selon qu’il est ou non la restriction d’un élément de X𝑋X à un intervalle entier fini.

On dit qu’un sous-décalage XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} est de type fini s’il est défini par un nombre fini de motifs interdits, autrement dit s’il existe un clouvert UA𝐙𝑈superscript𝐴𝐙U\subset A^{\mathbf{Z}} tel que X=n𝐙TnU𝑋subscript𝑛𝐙superscript𝑇𝑛𝑈X=\bigcap_{n\in\mathbf{Z}}T^{n}U, où T𝑇T est la fonction de décalage sur A𝐙superscript𝐴𝐙A^{\mathbf{Z}}.

On dit qu’un sous-décalage XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} est irréductible si pour tout couple (w1,w2)subscript𝑤1subscript𝑤2(w_{1},w_{2}) de motifs autorisés dans X𝑋X, il existe un motif autorisé de X𝑋X admettant w1subscript𝑤1w_{1} comme segment initial et w2subscript𝑤2w_{2} comme segment terminal.

Notons qu’un sous-décalage XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} est caractérisé par l’ensemble de ses motifs autorisés. On vérifie aisément qu’un sous-décalage de type fini irréductible sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} a un ensemble dense de points périodiques, et qu’un sous-décalage minimal sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} est également irréductible (voir [MH38]).

Proposition 3.4.5.

Pour tout sous-décalage irréductible sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, le semi-groupe (et donc le groupe) plein-topologique est finiment approximable.

Lemme 3.4.6.

Soit XA𝐙𝑋superscript𝐴𝐙X\subset A^{\mathbf{Z}} un sous-décalage de type fini irréductible sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} et non vide. Alors X𝑋X est l’intersection décroissante d’une suite de sous-décalages de type fini irréductibles.

Démonstration.

Pour tout ensemble de mots Z𝑍Z, on note XZsubscript𝑋𝑍X_{Z} le sous-décalage défini par l’ensemble de mots interdits Z𝑍Z. Pour n1𝑛1n\geq 1, soit Pnsubscript𝑃𝑛P_{n} l’ensemble des motifs interdits de taille n𝑛n. Clairement X=n1XPn𝑋subscript𝑛1subscript𝑋subscript𝑃𝑛X=\bigcap_{n\geq 1}X_{P_{n}} et chaque XPnsubscript𝑋subscript𝑃𝑛X_{P_{n}} est un sous-décalage de type fini; il reste à vérifier que XPnsubscript𝑋subscript𝑃𝑛X_{P_{n}} est irréductible. Considérons des motifs w1subscript𝑤1w_{1} et w2subscript𝑤2w_{2} de XPnsubscript𝑋subscript𝑃𝑛X_{P_{n}}, qu’on peut supposer de taille au moins n𝑛n. Soient u1subscript𝑢1u_{1} le segment terminal de taille n𝑛n de w1subscript𝑤1w_{1} et u2subscript𝑢2u_{2} le segment initial de taille n𝑛n de w2subscript𝑤2w_{2}. Comme u1subscript𝑢1u_{1} et u2subscript𝑢2u_{2} sont des motifs de X𝑋X, il existe, par irréductibilité, un motif v𝑣v de X𝑋X ayant u1subscript𝑢1u_{1} pour segment initial et u2subscript𝑢2u_{2} pour segment terminal. En écrivant v=u1uu2𝑣subscript𝑢1𝑢subscript𝑢2v=u_{1}uu_{2}, on en déduit que w1uw2subscript𝑤1𝑢subscript𝑤2w_{1}uw_{2} est autorisé dans XPnsubscript𝑋subscript𝑃𝑛X_{P_{n}}, ce qui démontre que XPnsubscript𝑋subscript𝑃𝑛X_{P_{n}} est irréductible. ∎

Preuve de la proposition 3.4.5.

Si X𝑋X est fini, il n’y a rien à démontrer. On suppose donc X𝑋X infini. Il découle alors de l’irréductibilité que X𝑋X est sans point isolé.

Grâce au lemme 3.4.6, on écrit X=Xn𝑋subscript𝑋𝑛X=\bigcap X_{n} (intersection décroissante) où XnA𝐙subscript𝑋𝑛superscript𝐴𝐙X_{n}\subset A^{\mathbf{Z}} est un sous-décalage ayant un ensemble dense de points périodiques. On affirme que le morphisme naturel lim[[Xn]]s[[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]subscript𝑋𝑛ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s\underrightarrow{\lim}[\![X_{n}]\!]_{\textnormal{s}}\to[\![X]\!]_{\textnormal{s}} est un isomorphisme. La surjectivité découle de celle de [[Xn]]s[[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]subscript𝑋𝑛ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![X_{n}]\!]_{\textnormal{s}}\to[\![X]\!]_{\textnormal{s}} pour tout n𝑛n; montrons l’injectivité. Par la surjectivité de [[A𝐙]]s[[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]superscript𝐴𝐙ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![A^{\mathbf{Z}}]\!]_{\textnormal{s}}\to[\![X]\!]_{\textnormal{s}}, cela revient à vérifier que si ψ,ψ[[A𝐙]]s𝜓superscript𝜓subscriptdelimited-[]delimited-[]superscript𝐴𝐙s\psi,\psi^{\prime}\in[\![A^{\mathbf{Z}}]\!]_{\textnormal{s}} et ψ𝜓\psi et ψsuperscript𝜓\psi^{\prime} coïncident sur X𝑋X, alors ils coïncident sur Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} pour n𝑛n assez grand. Il suffit, par compacité, de le montrer localement sur x𝑥x. En supposant le contraire, il existe donc xX𝑥𝑋x\in X tel que pour tout voisinage clouvert V𝑉V de x𝑥x et tout n𝑛n, les fonctions ψ𝜓\psi et ψsuperscript𝜓\psi^{\prime} ne coïncident pas sur VXn𝑉subscript𝑋𝑛V\cap X_{n}. On choisit V𝑉V sur qui ψ𝜓\psi et ψsuperscript𝜓\psi^{\prime} sont des translations par des entiers distincts kk𝑘superscript𝑘k\neq k^{\prime}. Soit =|kk|𝑘superscript𝑘\ell=|k-k^{\prime}|. Ainsi, tout élément de UX𝑈𝑋U\cap X est \ell-périodique, si bien que UX𝑈𝑋U\cap X est fini, et donc x𝑥x est isolé dans X𝑋X, ce qui est contradictoire.

Or [[Xn]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]subscript𝑋𝑛s[\![X_{n}]\!]_{\textnormal{s}} agit sur Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} avec un ensemble dense d’orbites finies, donc est résiduellement fini. Comme être finiment approximable est stable par limites inductives filtrantes, on en déduit que lim[[Xn]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]subscript𝑋𝑛s\underrightarrow{\lim}[\![X_{n}]\!]_{\textnormal{s}} l’est aussi, et donc [[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![X]\!]_{\textnormal{s}} est finiment approximable. ∎

{rema}

Une preuve de la proposition 3.4.5 dans le cadre restreint aux groupes pleins-topologiques (au lieu des semi-groupes) aurait été compliquée par le fait que les applications de restriction ne sont pas forcément continues.

Démonstration du théorème 3.4.2.

Montrons que le semi-groupe [[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![X]\!]_{\textnormal{s}} est finiment approximable. Il suffit de montrer que quelle que soit la partie finie F𝐹F, il existe un morphisme u𝑢u du sous-semi-groupe engendré par F𝐹F vers un groupe qu’on sait déjà finiment approximable, et qui est injectif en restriction à F𝐹F. On indexe injectivement F={fi}𝐹subscript𝑓𝑖F=\{f_{i}\} et on choisit pour ij𝑖𝑗i\neq j un élément xijXsubscript𝑥𝑖𝑗𝑋x_{ij}\in X tel que fi(xij)fj(xij)subscript𝑓𝑖subscript𝑥𝑖𝑗subscript𝑓𝑗subscript𝑥𝑖𝑗f_{i}(x_{ij})\neq f_{j}(x_{ij}). On considère une partition finie de X𝑋X en clouverts, sur lesquels les fisubscript𝑓𝑖f_{i} se trivialisent, et séparant fi(xij)subscript𝑓𝑖subscript𝑥𝑖𝑗f_{i}(x_{ij}) et fj(xij)subscript𝑓𝑗subscript𝑥𝑖𝑗f_{j}(x_{ij}) pour tous ij𝑖𝑗i\neq j. On considère l’algèbre booléenne 𝐙𝐙\mathbf{Z}-invariante engendrée par cette partition, Y𝑌Y le quotient correspondant. On voit que Y𝑌Y est minimal et, par le fait 2.1.2, est un sous-décalage. On note [[XY]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]right-semidirect-product𝑋𝑌s[\![X\rightthreetimes Y]\!]_{\textnormal{s}} l’ensemble des éléments de [[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![X]\!]_{\textnormal{s}} dont la fonction étagée associée est constante sur les fibres de XY𝑋𝑌X\to Y (ceci est défini en toute généralité (ΓΓ\Gamma quelconque) par W. Krieger [Kri80]). Ainsi on a un morphisme u𝑢u de semi-groupes canonique [[XY]]s[[Y]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]right-semidirect-product𝑋𝑌ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑌s[\![X\rightthreetimes Y]\!]_{\textnormal{s}}\to[\![Y]\!]_{\textnormal{s}}; on remarque que F[[XY]]s𝐹subscriptdelimited-[]delimited-[]right-semidirect-product𝑋𝑌sF\subset[\![X\rightthreetimes Y]\!]_{\textnormal{s}} et que par construction fisubscript𝑓𝑖f_{i} et fjsubscript𝑓𝑗f_{j} ont des images distinctes par cette projection, pour tous ij𝑖𝑗i\neq j. Comme [[Y]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑌s[\![Y]\!]_{\textnormal{s}} est finiment approximable par la proposition 3.4.5, on en déduit que [[X]]ssubscriptdelimited-[]delimited-[]𝑋s[\![X]\!]_{\textnormal{s}} l’est aussi. ∎

3.5 Sous-groupes abéliens libres et sous-semi-groupes libres

Dans tout groupe, il est naturel de s’intéresser à la question d’existence de sous-groupes et sous-semi-groupes libres. On commence par la proposition suivante.

Proposition 3.5.1.

Soient X𝑋X un compact totalement séparé infini et φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme minimal. Alors [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} n’est pas de torsion; il contient en fait un groupe abélien libre de rang infini.

Démonstration.

On choisit un clouvert non vide UX𝑈𝑋U\subset X disjoint de V=φ(U)𝑉𝜑𝑈V=\varphi(U). Soit σ𝜎\sigma l’élément d’ordre deux qui échange U𝑈U et V𝑉V par action de φ±1superscript𝜑plus-or-minus1\varphi^{\pm 1} et agit par l’identité ailleurs. Alors φV=σφUσ1subscript𝜑𝑉𝜎subscript𝜑𝑈superscript𝜎1\varphi_{V}=\sigma\varphi_{U}\sigma^{-1}, et on voit donc que σ𝜎\sigma et φUsubscript𝜑𝑈\varphi_{U} engendrent un groupe isomorphe au groupe 𝐙2σright-normal-factor-semidirect-productsuperscript𝐙2delimited-⟨⟩𝜎\mathbf{Z}^{2}\rtimes\langle\sigma\rangle (qui est un produit en couronne 𝐙(𝐙/2𝐙)𝐙𝐙2𝐙\mathbf{Z}\wr(\mathbf{Z}/2\mathbf{Z})). Ce groupe contient bien la diagonale de 𝐙2superscript𝐙2\mathbf{Z}^{2} dans son sous-groupe dérivé.

Si W𝑊W est un clouvert de X𝑋X, notons [[φ]][W]subscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[]𝑊[\![\varphi]\!]_{[W]} l’ensemble des éléments de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] qui sont l’identité hors de W𝑊W. Soit W𝑊W un clouvert non vide et montrons que [[φ]][W]subscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[]𝑊[\![\varphi]\!]_{[W]} n’a pas un dérivé de torsion. Comme l’action est minimale, la fonction de retour φWsubscript𝜑𝑊\varphi_{W} est bien définie, et on a [[φW]]=[[φ]][W]delimited-[]delimited-[]subscript𝜑𝑊subscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[]𝑊[\![\varphi_{W}]\!]=[\![\varphi]\!]_{[W]}. Le cas précédent s’applique donc.

Considérant une famille infinie (Wn)subscript𝑊𝑛(W_{n}) de clouverts non vides deux à deux disjoints, les sous-groupes [[φ]][Wn][[φ]]subscriptsuperscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[]subscript𝑊𝑛superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}_{[W_{n}]}\subset[\![\varphi]\!]^{\prime} ont des supports deux à deux disjoints, si bien que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} contient une copie du produit direct restreint n[[φ]][Wn]subscriptdirect-sum𝑛subscriptsuperscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[]subscript𝑊𝑛\bigoplus_{n}[\![\varphi]\!]^{\prime}_{[W_{n}]}. Comme [[φ]][Wn]subscriptsuperscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[]subscript𝑊𝑛[\![\varphi]\!]^{\prime}_{[W_{n}]} contient un sous-groupe cyclique infini, on en déduit que [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} contient un groupe abélien libre de rang infini dénombrable. ∎

Notons que le groupe de l’allumeur de réverbères (𝐙/2𝐙)𝐙𝐙2𝐙𝐙(\mathbf{Z}/2\mathbf{Z})\wr\mathbf{Z} contient un semi-groupe libre à deux générateurs (cela se voit directement, et a été largement généralisé, par exemple par Rosenblatt [Ros74] au cas des groupes de type fini résolubles non virtuellement nilpotents). Le théorème suivant, dû à Matui [Ma12], généralise une construction de Dahmani, Fujiwara et Guirardel [DFG11] dans le cas des échanges d’intervalles.

Rappelons qu’un groupe est à croissance exponentielle s’il possède une partie finie S𝑆S telle qu’en notant Snsuperscript𝑆𝑛S^{n} l’ensemble des produits de n𝑛n élements de S𝑆S, on ait lim¯#(Sn)1/n>1¯#superscriptsuperscript𝑆𝑛1𝑛1\underline{\lim}\#(S^{n})^{1/n}>1.

Théorème 3.5.2 (Matui).

Soient X𝑋X un compact totalement séparé et φ𝜑\varphi un autohoméomorphisme minimal. On suppose en outre que (X,φ)𝑋𝜑(X,\varphi) n’est pas un odomètre (cf. définition 2.1.3). Alors tout sous-groupe du groupe plein-topologique [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] contenant [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} contient un sous-groupe isomorphe au groupe de l’allumeur de réverbères. En particulier, il contient un semi-groupe libre à deux générateurs et a une croissance exponentielle.

Démonstration.

Comme X𝑋X n’est pas un odomètre, commençons par observer que, par compacité, il existe xX𝑥𝑋x\in X possédant des voisinages clouverts arbitrairement petits à orbite infinie dans Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X).

Il suffit bien entendu de démontrer le théorème dans le cas de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}, mais commençons par [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] pour éviter, dans un premier temps, des complications techniques non essentielles. Comme x𝑥x n’est pas fixe, on peut se donner un voisinage clouvert U𝑈U de x𝑥x disjoint de φ(U)𝜑𝑈\varphi(U), et dont l’orbite dans Clo(X)Clo𝑋\textnormal{Clo}(X) par φ𝜑\varphi est infini. Soit ψ=φU𝜓subscript𝜑𝑈\psi=\varphi_{U} la fonction de premier retour. On remarque que φUsubscript𝜑𝑈\varphi_{U} n’est pas un odomètre: sinon, il existerait un entier m1𝑚1m\geq 1, une partition (Ui)i𝐙/m𝐙subscriptsubscript𝑈𝑖𝑖𝐙𝑚𝐙(U_{i})_{i\in\mathbf{Z}/m\mathbf{Z}} de U𝑈U en clouverts et des ni𝐙subscript𝑛𝑖𝐙n_{i}\in\mathbf{Z} tels que ψ(Ui)=Ui+1𝜓subscript𝑈𝑖subscript𝑈𝑖1\psi(U_{i})=U_{i+1} pour tout i𝑖i et ψ=φni𝜓superscript𝜑subscript𝑛𝑖\psi=\varphi^{n_{i}} sur Uisubscript𝑈𝑖U_{i}. Si n=ni𝑛subscript𝑛𝑖n=\sum n_{i}, on en déduit que ψm=φnsuperscript𝜓𝑚superscript𝜑𝑛\psi^{m}=\varphi^{n} sur U𝑈U, donc φn(U)=Usuperscript𝜑𝑛𝑈𝑈\varphi^{n}(U)=U contredisant le choix de U𝑈U. Il existe donc un clouvert V𝑉V inclus dans U𝑈U, dont la ψ𝜓\psi-orbite est infinie.

Vérifions que dans le 𝐙/2𝐙𝐙2𝐙\mathbf{Z}/2\mathbf{Z}-espace vectoriel (𝐙/2𝐙)Usuperscript𝐙2𝐙𝑈(\mathbf{Z}/2\mathbf{Z})^{U}, la famille des 𝟏ψnVsubscript1superscript𝜓𝑛𝑉\mathbf{1}_{\psi^{n}V} est libre: sinon on a une relation du type k=abεi𝟏ψnV=0superscriptsubscript𝑘𝑎𝑏subscript𝜀𝑖subscript1superscript𝜓𝑛𝑉0\sum_{k=a}^{b}\varepsilon_{i}\mathbf{1}_{\psi^{n}V}=0 avec ab𝑎𝑏a\leq b, εi{0,1}subscript𝜀𝑖0.1\varepsilon_{i}\in\{0,1\} et εa=εb=1subscript𝜀𝑎subscript𝜀𝑏1\varepsilon_{a}=\varepsilon_{b}=1. Elle montre, en translatant, que pour tout kb𝑘𝑏k\geq b, l’élément 𝟏ψkVsubscript1superscript𝜓𝑘𝑉\mathbf{1}_{\psi^{k}V} est dans le sous-groupe additif engendré par les 𝟏ψVsubscript1superscript𝜓𝑉\mathbf{1}_{\psi^{\ell}V} pour {a,k1}𝑎𝑘1\ell\in\{a,\dots k-1\}; par récurrence il en découle qu’il appartient en fait au sous-groupe additif engendré par les 𝟏ψVsubscript1superscript𝜓𝑉\mathbf{1}_{\psi^{\ell}V} pour {a,b1}𝑎𝑏1\ell\in\{a,\dots b-1\}, qui est un sous-groupe fini indépendant de k𝑘k. Ceci contredit que les (𝟏ψkV)kbsubscriptsubscript1superscript𝜓𝑘𝑉𝑘𝑏(\mathbf{1}_{\psi^{k}V})_{k\geq b} sont deux à deux distincts; la famille (𝟏ψnV)n𝐙subscriptsubscript1superscript𝜓𝑛𝑉𝑛𝐙(\mathbf{1}_{\psi^{n}V})_{n\in\mathbf{Z}} est donc libre.

Si F(𝐙/2𝐙)(𝐙)𝐹superscript𝐙2𝐙𝐙F\in(\mathbf{Z}/2\mathbf{Z})^{(\mathbf{Z})} est une partie finie de 𝐙𝐙\mathbf{Z}, on définit AF=nF𝟏ψnU(𝐙/2𝐙)Usubscript𝐴𝐹subscript𝑛𝐹subscript1superscript𝜓𝑛𝑈superscript𝐙2𝐙𝑈A_{F}=\sum_{n\in F}\mathbf{1}_{\psi^{n}U}\in(\mathbf{Z}/2\mathbf{Z})^{U}, et σF[[φ]]subscript𝜎𝐹delimited-[]delimited-[]𝜑\sigma_{F}\in[\![\varphi]\!] comme l’involution qui échange AFsubscript𝐴𝐹A_{F} et φ(AF)𝜑subscript𝐴𝐹\varphi(A_{F}) par action de φ±1superscript𝜑plus-or-minus1\varphi^{\pm 1}, et agit par l’identité ailleurs. On a σF[[φ]]subscript𝜎𝐹delimited-[]delimited-[]𝜑\sigma_{F}\in[\![\varphi]\!] et l’application FσFmaps-to𝐹subscript𝜎𝐹F\mapsto\sigma_{F} est un morphisme injectif, par ce qui précède. Si on définit ΨΨ\Psi comme le produit (commutatif) de ψ𝜓\psi et φψφ1𝜑𝜓superscript𝜑1\varphi\circ\psi\circ\varphi^{-1}, alors on vérifie que ΨσFΨ1=σT(F)Ψsubscript𝜎𝐹superscriptΨ1subscript𝜎𝑇𝐹\Psi\circ\sigma_{F}\circ\Psi^{-1}=\sigma_{T(F)}, où T:nn+1:𝑇maps-to𝑛𝑛1T:n\mapsto n+1 est la translation de 𝐙𝐙\mathbf{Z}. Ainsi ΨΨ\Psi et σ{0}subscript𝜎0\sigma_{\{0\}} engendrent un groupe H𝐻H isomorphe au groupe de l’allumeur de réverbères.

Pour obtenir un allumeur à l’intérieur de [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime}, on suppose en outre que les φiUsuperscript𝜑𝑖𝑈\varphi^{i}U sont disjoints pour 0i30𝑖30\leq i\leq 3 (on peut le supposer car l’orbite de x𝑥x a au moins 4 éléments). Considérons le groupe H𝐻H précédemment construit, et l’élément d’ordre deux s𝑠s échangeant Uφ(U)𝑈𝜑𝑈U\cup\varphi(U) et φ2(U)φ3(U)superscript𝜑2𝑈superscript𝜑3𝑈\varphi^{2}(U)\cup\varphi^{3}(U) par action de φ±2superscript𝜑plus-or-minus2\varphi^{\pm 2} et agissant par l’identité ailleurs; on voit que le groupe engendré par s𝑠s et H𝐻H est isomorphe au produit semidirect (H×H)sright-normal-factor-semidirect-product𝐻𝐻delimited-⟨⟩𝑠(H\times H)\rtimes\langle s\rangle, où s𝑠s agit par permutation des facteurs. Il est facile de voir que ce groupe contient, dans son dérivé, un groupe isomorphe à l’allumeur, par exemple le sous-groupe de H×H𝐻𝐻H\times H engendré par (Ψ,Ψ1)ΨsuperscriptΨ1(\Psi,\Psi^{-1}) et (σ{0},σ{0})subscript𝜎0subscript𝜎0(\sigma_{\{0\}},\sigma_{\{0\}}). ∎

{rema}

Réciproquement, dans le cas d’un odomètre X𝑋X (pour une action d’un groupe abélien ΓΓ\Gamma quelconque), on vérifie sans peine que tout sous-groupe de type fini de [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!] est virtuellement abélien, donc à croissance polynomiale; en particulier, [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!] ne contient pas de sous-semi-groupe libre à deux générateurs.

3.6 Autres résultats

Mentionnons quelques autres résultats sur la structure de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], quand φ𝜑\varphi est un autohoméomorphisme minimal d’un espace compact totalement séparé.

3.6.1 Isomorphismes et automorphismes

Un résultat de Giordano, Putnam et Skau [GPS99], sous une version légèrement améliorée par Bezuglyi et Medynets [BeM08] (mais avec une approche différente) montre que si φ1,φ2subscript𝜑1subscript𝜑2\varphi_{1},\varphi_{2} sont des autohoméomorphismes minimaux d’espaces de Cantor Xisubscript𝑋𝑖X_{i} et, si pour i=1,2𝑖1.2i=1,2 on se donne un sous-groupe ΛisubscriptΛ𝑖\Lambda_{i} de [[φi]]delimited-[]delimited-[]subscript𝜑𝑖[\![\varphi_{i}]\!] contenant [[φi]]superscriptdelimited-[]delimited-[]subscript𝜑𝑖[\![\varphi_{i}]\!]^{\prime}, alors tout isomorphisme Λ1Λ2subscriptΛ1subscriptΛ2\Lambda_{1}\to\Lambda_{2} est induit par un homéomorphisme h:X1X2:subscript𝑋1subscript𝑋2h:X_{1}\to X_{2}, au sens où Λ2=hΛ1h1subscriptΛ2subscriptΛ1superscript1\Lambda_{2}=h\Lambda_{1}h^{-1}. En particulier, le groupe des automorphismes de Λ1subscriptΛ1\Lambda_{1} s’identifie au normalisateur de Λ1subscriptΛ1\Lambda_{1} dans Homeo(X1)Homeosubscript𝑋1\textnormal{Homeo}(X_{1}).

D’autre part, un théorème de la thèse de Boyle [Bo83] (disponible dans [GPS95] ou, généralisé, dans [BoTo98]) montre que pour un autohoméomorphisme minimal φ𝜑\varphi de l’espace de Cantor X𝑋X, si ψ[[φ]]𝜓delimited-[]delimited-[]𝜑\psi\in[\![\varphi]\!] a les mêmes orbites que φ𝜑\varphi alors le groupe cyclique ψdelimited-⟨⟩𝜓\langle\psi\rangle est conjugué à φdelimited-⟨⟩𝜑\langle\varphi\rangle dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]. Giordano, Putnam et Skau combinent ces résultats pour montrer que, sous les hypothèses précédentes, φ1delimited-⟨⟩subscript𝜑1\langle\varphi_{1}\rangle et φ2delimited-⟨⟩subscript𝜑2\langle\varphi_{2}\rangle sont conjugués dans Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X), et déduisent également que le groupe des automorphismes de tout sous-groupe ΛΛ\Lambda de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] contenant [[φ]]superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!]^{\prime} est engendré par [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] et par le commutant de φ𝜑\varphi dans Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X). En particulier, le groupe des automorphismes extérieurs de [[φ]]0superscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑0[\![\varphi]\!]^{0} (voir §3.3) s’identifie au commutant Cφsubscript𝐶𝜑C_{\varphi} de φ𝜑\varphi dans Homeo(X)Homeo𝑋\textnormal{Homeo}(X), et celui de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], au quotient de Cφsubscript𝐶𝜑C_{\varphi} par son sous-groupe cyclique central φdelimited-⟨⟩𝜑\langle\varphi\rangle.

3.6.2 Distorsion

Dans [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!], pour φ𝜑\varphi autohoméomorphisme minimal d’un espace compact totalement séparé infini X𝑋X, les sous-groupes cycliques sont non distordus; autrement dit pour toute partie finie S𝑆S et tout sous-groupe cyclique infini zdelimited-⟨⟩𝑧\langle z\rangle inclus dans le sous-groupe engendré par S𝑆S, la longueur de z𝑧z par rapport à S𝑆S croît linéairement. En effet, en fixant xX𝑥𝑋x\in X et en considérant l’action jxsubscript𝑗𝑥j_{x} de [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} par permutations à déplacement borné obtenue en identifiant l’orbite de x𝑥x à 𝐙𝐙\mathbf{Z} (voir la preuve du lemme 3.3.3), on voit que si la longueur de (zn)superscript𝑧𝑛(z^{n}) croît sous-linéairement, alors ses orbites dans 𝐙𝐙\mathbf{Z} sont finies; en particulier, en prenant la réunion des orbites contenues dans 𝐍𝐍\mathbf{N}, on obtient une partie finie A𝐴A telle que A𝐍𝐴𝐍A\bigtriangleup\mathbf{N} est invariant par z𝑧z. Or le lemme de Putnam (lemme 3.3.3) implique que le stabilisateur de 𝐍+k𝐍𝑘\mathbf{N}+k est localement fini pour tout k𝐙𝑘𝐙k\in\mathbf{Z}, et l’argument du début de la preuve du critère 4.1.1 implique alors que le stabilisateur de A𝐍𝐴𝐍A\bigtriangleup\mathbf{N} est localement fini, si bien que z𝑧z est de torsion.

Ce résultat de non-distorsion des groupes cycliques est également vrai dans le cas du groupe des échanges d’intervalles (C. Novak [Nov09]).

3.7 Quelques exemples non minimaux

On va indiquer quelques exemples de sous-décalages non minimaux sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, pour qui la structure du groupe plein-topologique est très différente du cas d’un sous-décalage minimal.

On commence par une construction due à van Douwen [Do90]. Considérons un alphabet A={a1,a2,,aq}𝐴subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎𝑞A=\{a_{1},a_{2},\dots,a_{q}\} à q𝑞q lettres. Considérons le décalage propre φ𝜑\varphi associé à l’ensemble des mots bi-infinis propres

Apro𝐙={wA𝐙n𝐙,w(n)w(n+1)}.subscriptsuperscript𝐴𝐙proconditional-set𝑤superscript𝐴𝐙formulae-sequencefor-all𝑛𝐙𝑤𝑛𝑤𝑛1A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}=\{w\in A^{\mathbf{Z}}\mid\forall n\in\mathbf{Z},\;w(n)\neq w(n+1)\}.
Proposition 3.7.1.

Si q3𝑞3q\geq 3, alors le groupe plein-topologique [[Apro𝐙]]delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!] contient un sous-groupe libre non abélien (agissant fidèlement sur au moins une orbite).

Démonstration.

La preuve consiste à plonger dans [[Apro𝐙]]delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!] le produit libre de q𝑞q groupes cycliques d’ordre 2, sachant que le produit libre de 3 groupes cycliques d’ordre 2 contient un sous-groupe d’indice 2 libre à 2 générateurs. Pour toute lettre aisubscript𝑎𝑖a_{i}, on définit une involution σi[[Apro𝐙]]subscript𝜎𝑖delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro\sigma_{i}\in[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!] comme ceci: si wApro𝐙𝑤subscriptsuperscript𝐴𝐙prow\in A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}, on pose

σi(w)=φκi(w)w, oùκi(w)={1si w(0)=ai;1si w(1)=ai;0dans les autres cas,formulae-sequencesubscript𝜎𝑖𝑤superscript𝜑subscript𝜅𝑖𝑤𝑤 oùsubscript𝜅𝑖𝑤cases1si 𝑤0subscript𝑎𝑖1si 𝑤1subscript𝑎𝑖0dans les autres cas\sigma_{i}(w)=\varphi^{\kappa_{i}(w)}w,\textnormal{ o\`{u}}\quad\kappa_{i}(w)=\left\{\begin{array}[]{cl}1&\mbox{si }w(0)=a_{i};\\ -1&\mbox{si }w(1)=a_{i};\\ 0&\mbox{dans les autres cas},\end{array}\right.

en remarquant que les conditions w(0)=ai𝑤0subscript𝑎𝑖w(0)=a_{i} et w(1)=ai𝑤1subscript𝑎𝑖w(1)=a_{i} sont exclusives. On vérifie bien que σisubscript𝜎𝑖\sigma_{i} est une involution échangeant les clouverts disjoints {κi=1}subscript𝜅𝑖1\{\kappa_{i}=1\} et {κi=1}subscript𝜅𝑖1\{\kappa_{i}=-1\} et appartient à [[Apro𝐙]]delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!]. Vérifions que les σisubscript𝜎𝑖\sigma_{i} engendrent un produit libre de groupes cycliques d’ordre 2. Il faut montrer que pour tout mot non trivial m=j=1nσkj𝑚superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑛subscript𝜎subscript𝑘𝑗m=\prod_{j=1}^{n}\sigma_{{k_{j}}} sans deux lettres consécutives égales (n1𝑛1n\geq 1 et kjkj+1subscript𝑘𝑗subscript𝑘𝑗1k_{j}\neq k_{j+1} pour tout 1j<n1𝑗𝑛1\leq j<n), on a m1𝑚1m\neq 1. En effet, on choisit w𝑤w tel que w(j)=kj𝑤𝑗subscript𝑘𝑗w(j)=k_{j} pour tout j=1,,n𝑗1𝑛j=1,\dots,n, tel que w(0){k1,kn}𝑤0subscript𝑘1subscript𝑘𝑛w(0)\notin\{k_{1},k_{n}\} et w(n+1)kn𝑤𝑛1subscript𝑘𝑛w(n+1)\neq k_{n}. Alors on vérifie que m1w=φnwwsuperscript𝑚1𝑤superscript𝜑𝑛𝑤𝑤m^{-1}\cdot w=\varphi^{-n}w\neq w.

Remarquons qu’il existe dans Apro𝐙subscriptsuperscript𝐴𝐙proA^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}} une orbite dense (choisir un mot bi-infini propre contenant tout mot fini propre comme sous-mot) et [[Apro𝐙]]delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!] agit donc fidèlement sur cette orbite. ∎

Cette construction est apparentée à la première preuve connue, due à Schreier [Sch27, p. 170], de la résiduelle finitude des groupes libres.

Corolaire 3.7.2 (Schreier).

Tout groupe libre est résiduellement fini.

Démonstration.

Clairement on peut se ramener au cas d’un groupe libre de type fini; un tel groupe peut se plonger dans [[Apro𝐙]]delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!] par la proposition. Il suffit alors de remarquer que comme la réunion des orbites finies, c’est-à-dire l’ensemble des suites périodiques, est dense dans Apro𝐙subscriptsuperscript𝐴𝐙proA^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}, le groupe plein-topologique [[Apro𝐙]]delimited-[]delimited-[]subscriptsuperscript𝐴𝐙pro[\![A^{\mathbf{Z}}_{\textnormal{pro}}]\!] est résiduellement fini. ∎

La construction de la proposition a été adaptée par Elek et Monod [EM12] pour exhiber un sous-décalage minimal sur 𝐙2superscript𝐙2\mathbf{Z}^{2} dont le groupe plein-topologique contient un sous-groupe libre.

Passons à des exemples plus élémentaires, toujours avec Γ=𝐙Γ𝐙\Gamma=\mathbf{Z}. On considère l’alphabet {a,b}𝑎𝑏\{a,b\} et YA𝐙𝑌superscript𝐴𝐙Y\subset A^{\mathbf{Z}} l’ensemble des suites ne contenant pas le motif ba𝑏𝑎ba. Ainsi Y𝑌Y est constitué des deux suites constantes et des suites commençant par une infinité de a𝑎a et terminant par une infinité de b𝑏b. (C’est un sous-décalage de type fini mais pas irréductible.) On peut identifier Y𝑌Y à la compactification 𝐙{±}𝐙plus-or-minus\mathbf{Z}\cup\{\pm\infty\}n𝐙𝑛𝐙n\in\mathbf{Z} correspond à l’élément pour lequel la transition de a𝑎a à b𝑏b est en position (n,n+1)𝑛𝑛1(n,n+1), et ++\infty et -\infty correspondent à la suite constante a𝑎a et b𝑏b respectivement.

Proposition 3.7.3.

Sous cette identification, [[Y]]delimited-[]delimited-[]𝑌[\![Y]\!] est le groupe des permutations de 𝐙𝐙\mathbf{Z} qui coïncident avec une translation hors d’un ensemble fini.

Ce groupe est bien connu. Il a un morphisme vers 𝐙𝐙\mathbf{Z}, donné par la longueur de translation à l’infini, dont le noyau est constitué des permutations à support fini de 𝐙𝐙\mathbf{Z}. Il est finiment approximable (voir la définition 3.4.1) [Neu37, p. 127], mais pas résiduellement fini puisqu’il contient un groupe simple infini. Il peut s’interpréter comme le groupe des permutations du graphe de Cayley standard de 𝐙𝐙\mathbf{Z} qui préserve presque toute arête et fixe les bouts.

Preuve de la proposition 3.7.3.

Soit H2subscript𝐻2H_{2} le groupe défini dans la proposition. Vérifions d’abord que H2[[Y]]subscript𝐻2delimited-[]delimited-[]𝑌H_{2}\subset[\![Y]\!]. Comme H2subscript𝐻2H_{2} est engendré par la translation τ(n)=n+1𝜏𝑛𝑛1\tau(n)=n+1 et par la transposition (0,1)0.1(0,1), il suffit de vérifier que cette dernière est dans [[Y]]delimited-[]delimited-[]𝑌[\![Y]\!]: c’est bien le cas car elle est définie par la fonction κ𝜅\kappa définie par κ(w)=1𝜅𝑤1\kappa(w)=1 si (w(0),w(1),w(2))=(a,b,b)𝑤0𝑤1𝑤2𝑎𝑏𝑏(w(0),w(1),w(2))=(a,b,b), par κ(w)=1𝜅𝑤1\kappa(w)=-1 si (w(0),w(1),w(2))=(a,a,b)𝑤0𝑤1𝑤2𝑎𝑎𝑏(w(0),w(1),w(2))=(a,a,b) et κ(w)=0𝜅𝑤0\kappa(w)=0 sinon.

Montrons maintenant que tout σ[[Y]]𝜎delimited-[]delimited-[]𝑌\sigma\in[\![Y]\!] appartient à H2subscript𝐻2H_{2}. Par définition de [[Y]]delimited-[]delimited-[]𝑌[\![Y]\!], il existe k𝑘k tel que la fonction étagée κ𝜅\kappa définissant σ𝜎\sigma est de la forme κ(w)=κ(w|{k,,k})𝜅𝑤superscript𝜅evaluated-at𝑤𝑘𝑘\kappa(w)=\kappa^{\prime}(w|_{\{-k,\dots,k\}}). Soient fa,fbsubscript𝑓𝑎subscript𝑓𝑏f_{a},f_{b} les fonctions constantes égales à a𝑎a et b𝑏b sur {k,,k}𝑘𝑘\{-k,\dots,k\}. Soit N=κ(fb)subscript𝑁superscript𝜅subscript𝑓𝑏N_{-}=\kappa^{\prime}(f_{b}) et N+=κ(fa)subscript𝑁superscript𝜅subscript𝑓𝑎N_{+}=\kappa^{\prime}(f_{a}). Alors on voit que σ(n)=n+N+𝜎𝑛𝑛subscript𝑁\sigma(n)=n+N_{+} pour tout nk𝑛𝑘n\geq k et σ(n)=n+N𝜎𝑛𝑛subscript𝑁\sigma(n)=n+N_{-} pour tout nk1𝑛𝑘1n\leq-k-1. Cet argument montre en fait que tout σ[[Y]]s𝜎subscriptdelimited-[]delimited-[]𝑌s\sigma\in[\![Y]\!]_{\textnormal{s}} est une translation de chaque côté à partir d’un certain rang. Le fait que σ𝜎\sigma est une permutation implique de plus que N+=Nsubscript𝑁subscript𝑁N_{+}=N_{-}, donc [[Y]]H2delimited-[]delimited-[]𝑌subscript𝐻2[\![Y]\!]\subset H_{2}. ∎

L’exemple suivant est similaire. On considère un alphabet A={a,b,c}𝐴𝑎𝑏𝑐A=\{a,b,c\} et on considère le sous-décalage Ysuperscript𝑌Y^{\prime} défini par l’interdiction de tous les motifs de deux lettres, sauf aa𝑎𝑎aa, ab𝑎𝑏ab, bc𝑏𝑐bc, cb𝑐𝑏cb. Ainsi Ysuperscript𝑌Y^{\prime} est constitué de l’ensemble Z𝑍Z des suites translatées de aaabcbcbc𝑎𝑎𝑎𝑏𝑐𝑏𝑐𝑏𝑐\dots aaabcbcbc\dots, et de trois points, la suite constante a𝑎a (notée ++\infty, et les deux suites bcbcbc𝑏𝑐𝑏𝑐𝑏𝑐\dots bcbcbc\dots, notées pairsubscriptpair-\infty_{\textnormal{pair}} (pour celle avec w(0)=c𝑤0𝑐w(0)=c) et impairsubscriptimpair-\infty_{\textnormal{impair}} (pour celle avec w(0)=b𝑤0𝑏w(0)=b). Comme Z𝑍Z est dense, pour décrire [[Y]]delimited-[]delimited-[]superscript𝑌[\![Y^{\prime}]\!], il suffit de comprendre son action sur Z𝑍Z. On identifie Z𝑍Z à 𝐙𝐙\mathbf{Z} en identifiant n𝑛n à l’unique suite wZ𝑤𝑍w\in Z telle (w(n),w(n+1))=(a,b)𝑤𝑛𝑤𝑛1𝑎𝑏(w(n),w(n+1))=(a,b). Remarquons, pour la consistance des notations, que l’élément correspondant à 2n2𝑛2n (resp. 2n+12𝑛12n+1) tend vers pairsubscriptpair-\infty_{\textnormal{pair}} (resp. impairsubscriptimpair-\infty_{\textnormal{impair}}) quand n𝑛n tend vers -\infty.

Proposition 3.7.4.

Sous cette identification, [[Y]]delimited-[]delimited-[]superscript𝑌[\![Y^{\prime}]\!] est le groupe des permutations de 𝐙𝐙\mathbf{Z} qui, en restriction à chacune des parties 𝐍𝐍\mathbf{N}, 2𝐍2𝐍-2\mathbf{N} et 2𝐍12𝐍1-2\mathbf{N}-1, coïncident avec une translation hors d’un ensemble fini.

La preuve, similaire à celle de la proposition 3.7.3, est laissée au lecteur.

Ce groupe est connu, du moins son sous-groupe d’indice 2 constitué des permutations qui, modulo un ensemble fini, préservent 2𝐍2𝐍-2\mathbf{N} et 2𝐍12𝐍1-2\mathbf{N}-1: c’est le groupe de Houghton H3subscript𝐻3H_{3} (introduit dans [Hou78]). En effet, si on munit 𝐙𝐙\mathbf{Z} d’une structure de graphe en joignant n𝑛n à n+1𝑛1n+1 pour tout n1𝑛1n\geq-1 et n𝑛n à n+2𝑛2n+2 pour tout n2𝑛2n\leq-2, le graphe obtenu est constitué de 3 branches infinies jointes en 0; H3subscript𝐻3H_{3} est par définition le groupe des permutations de 𝐙𝐙\mathbf{Z} qui préservent la structure de graphe sauf en un nombre fini d’arêtes et fixent les bouts. Ici, [[Y]]delimited-[]delimited-[]superscript𝑌[\![Y^{\prime}]\!] est son sur-groupe d’indice 2, le stabilisateur du bout ++\infty. On déduit que [[Y]]delimited-[]delimited-[]superscript𝑌[\![Y^{\prime}]\!] est un groupe de présentation finie (puisque H3subscript𝐻3H_{3} l’est, par un résultat non publié de Burns et Solitar, prouvé par Brown dans [Bro87]). Comme il contient le groupe simple infini des permutations à support fini alternées, [[Y]]delimited-[]delimited-[]superscript𝑌[\![Y^{\prime}]\!] n’est donc pas finiment approximable (voir la définition 3.4.1), en contraste avec [[Y]]delimited-[]delimited-[]𝑌[\![Y]\!].

En général, pour n2𝑛2n\geq 2, le groupe de Houghton Hnsubscript𝐻𝑛H_{n} est le groupe des permutations d’un graphe constitué de n𝑛n branches infinies jointes en un point, qui préservent la structure de graphe sauf en un nombre fini d’arêtes, et fixent les bouts. Une généralisation facile de l’exemple précédent fournit un sous-décalage de type fini dont le groupe plein-topologique contient le groupe de Houghton Hnsubscript𝐻𝑛H_{n} comme sous-groupe d’indice fini.

4 Moyennabilité

4.1 Le critère

On va commencer par une construction générale. étant donné un groupe ΓΓ\Gamma, on définit le groupe des translations par morceaux TM(Γ)TMΓ\textnormal{TM}(\Gamma) comme le groupe plein-topologique associé à l’action à gauche de ΓΓ\Gamma sur l’espace topologique discret ΓΓ\Gamma. Si ΓΓ\Gamma est muni d’une métrique invariante à gauche dont les boules sont finies (tout groupe dénombrable possède une telle métrique), on peut interpréter ce groupe de manière purement métrique, à savoir comme l’ensemble des permutations σ𝜎\sigma de ΓΓ\Gamma à déplacement borné au sens où supγΓd(γ,σ(γ))<subscriptsupremum𝛾Γ𝑑𝛾𝜎𝛾\sup_{\gamma\in\Gamma}d(\gamma,\sigma(\gamma))<\infty.

Si ΓΓ\Gamma agit par autohoméomorphismes sur un espace topologique X𝑋X, et si xX𝑥𝑋x\in X, soit ixsubscript𝑖𝑥i_{x} l’application orbitale γγxmaps-to𝛾𝛾𝑥\gamma\mapsto\gamma x de ΓΓ\Gamma vers X𝑋X. Si x𝑥x a un stabilisateur trivial, ixsubscript𝑖𝑥i_{x} est une bijection de ΓΓ\Gamma vers l’orbite ΓxΓ𝑥\Gamma x, et l’action de [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!], restreinte à l’orbite ΓxΓ𝑥\Gamma x, est conjuguée, via la bijection ixsubscript𝑖𝑥i_{x}, à une action de [[Γ,X]]delimited-[]Γ𝑋[\![\Gamma,X]\!] sur ΓΓ\Gamma par translations par morceaux, donnée par le morphisme jx:[[Γ,X]]TM(Γ):subscript𝑗𝑥delimited-[]Γ𝑋TMΓj_{x}:[\![\Gamma,X]\!]\to\textnormal{TM}(\Gamma) défini par jx(γ)=ix1γixsubscript𝑗𝑥𝛾superscriptsubscript𝑖𝑥1𝛾subscript𝑖𝑥j_{x}(\gamma)=i_{x}^{-1}\circ\gamma\circ i_{x}.

On a vu (proposition 3.7.1) que pour Γ=𝐙Γ𝐙\Gamma=\mathbf{Z}, pour un sous-décalage convenable (X,φ)𝑋𝜑(X,\varphi) avec une orbite dense, le groupe [[𝐙,X]]=[[φ]]delimited-[]𝐙𝑋delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\mathbf{Z},X]\!]=[\![\varphi]\!] peut contenir un sous-groupe libre agissant fidèlement sur l’orbite d’un point x𝑥x. Par conséquent, en prenant l’image par jxsubscript𝑗𝑥j_{x}, on voit que le groupe TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) contient également des sous-groupes libres, et n’est donc pas moyennable. Cependant c’est en utilisant ce groupe que Juschenko et Monod prouvent leur résultat.

Théorème 4.1.1 (Critère de Juschenko-Monod).

Soit G𝐺G un groupe et considérons une action de G𝐺G sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} par permutations à déplacement borné, c’est-à-dire, donnée par un morphisme GTM(𝐙)𝐺TM𝐙G\to\textnormal{TM}(\mathbf{Z}). On suppose que le stabilisateur {gGg(𝐍)=𝐍}conditional-set𝑔𝐺𝑔𝐍𝐍\{g\in G\mid g(\mathbf{N})=\mathbf{N}\} de 𝐍𝐍\mathbf{N} est moyennable. Alors G𝐺G est lui-même moyennable.

On discutera la preuve de ce critère plus loin. Commençons par la principale conséquence.

Corolaire 4.1.2.

Le groupe plein-topologique [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] associé à un autohoméomorphisme minimal d’un compact totalement séparé X𝑋X est moyennable.

Le théorème s’applique: fixons en effet xX𝑥𝑋x\in X et faisons agir [[φ]]delimited-[]delimited-[]𝜑[\![\varphi]\!] sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} par permutations à déplacement borné via jxsubscript𝑗𝑥j_{x}. Alors le stabilisateur de 𝐍𝐍\mathbf{N} est égal au stabilisateur [[φ]][xsubscriptdelimited-[]delimited-[]𝜑delimited-[⟩𝑥[\![\varphi]\!]_{[x\rangle} de l’orbite positive {φnx:n𝐍}conditional-setsuperscript𝜑𝑛𝑥𝑛𝐍\{\varphi^{n}x:n\in\mathbf{N}\} de x𝑥x, qui, par le lemme de Putnam (lemme 3.3.3) est localement fini (c’est-à-dire réunion croissante filtrante de groupes finis), donc moyennable.

4.2 Sur la démonstration du critère

Le critère est basé sur le résultat analytique suivant. Notons 𝖢2subscript𝖢2\mathsf{C}_{2} le groupe cyclique d’ordre 2 et 𝖢2(𝐙)superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})} le groupe des fonctions à support fini 𝐙𝖢2𝐙subscript𝖢2\mathbf{Z}\to\mathsf{C}_{2}, qui s’identifie à l’ensemble des parties finies de 𝐙𝐙\mathbf{Z}.

Théorème 4.2.1 (Juschenko-Monod).

L’action affine de 𝖢2(𝐙)TM(𝐙)right-normal-factor-semidirect-productsuperscriptsubscript𝖢2𝐙TM𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\rtimes\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) sur 𝖢2(𝐙)superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})} préserve une moyenne.

Ici, l’action est simplement l’action affine engendrée par l’action 𝐙/2𝐙𝐙2𝐙\mathbf{Z}/2\mathbf{Z}-linéaire de TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) et par le groupe des translations. Le théorème s’applique pour démontrer le critère 4.1.1 à l’aide du fait suivant.

Fait 4.2.2.

Si un groupe discret G𝐺G agit sur un ensemble X𝑋X en préservant une moyenne, et si chaque point a un stabilisateur moyennable, alors G𝐺G est lui-même moyennable.

Démonstration.

On commence par rappeler que G𝐺G est moyennable si, et seulement si, pour toute action de G𝐺G par transformations affines continues sur un espace localement convexe préservant un convexe compact non vide K𝐾K, l’action fixe un point de K𝐾K (au besoin, on choisit cela comme définition de moyennabilité; voir par exemple [Gre]). Soit donc une telle action; il suffit en fait de montrer que G𝐺G préserve une probabilité sur les boréliens de K𝐾K, car le barycentre de cette dernière (voir par exemple [Luk, Theorem 2.29]) est alors un point de K𝐾K fixé par G𝐺G.

On choisit donc un sous-ensemble IX𝐼𝑋I\subset X contenant exactement un élément de chaque G𝐺G-orbite, et pour tout iI𝑖𝐼i\in I soit Hisubscript𝐻𝑖H_{i} son stabilisateur. Par moyennabilité, Hisubscript𝐻𝑖H_{i} fixe un point κiKsubscript𝜅𝑖𝐾\kappa_{i}\in K. L’application iκimaps-to𝑖subscript𝜅𝑖i\mapsto\kappa_{i} s’étend de manière unique en une fonction G𝐺G-équivariante XK𝑋𝐾X\to K. L’image directe d’une moyenne invariante sur X𝑋X est une moyenne invariante sur K𝐾K, définissant une forme linéaire positive normalisée G𝐺G-invariante sur (K)superscript𝐾\ell^{\infty}(K). Celle-ci se restreint en une forme linéaire positive normalisée sur C(K)𝐶𝐾C(K), qui définit par le théorème de représentation de Riesz une unique mesure de probabilité de Radon sur K𝐾K, qui par unicité est G𝐺G-invariante. ∎

Preuve du théorème 4.1.1.

Soit maintenant G𝐺G vérifiant le critère du théorème 4.1.1 et montrons que G𝐺G est moyennable.

L’hypothèse de stabilisateur implique en particulier que le noyau de l’action de G𝐺G sur 𝐙𝐙\mathbf{Z} est moyennable; la moyennabilité étant stable par extensions et passage au quotient, on peut donc se ramener au cas d’une action fidèle, ce qui revient à supposer que G𝐺G est contenu dans TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}).

Vérifions d’abord que pour toute partie B𝐵B de 𝐙𝐙\mathbf{Z} telle que 𝐍B𝐍𝐵\mathbf{N}\bigtriangleup B est finie, le stabilisateur GBsubscript𝐺𝐵G_{B} de B𝐵B dans G𝐺G est moyennable. Commençons par le cas de B=𝐍+k={k,k+1,}𝐵𝐍𝑘𝑘𝑘1B=\mathbf{N}+k=\{k,k+1,\dots\} pour k𝐙𝑘𝐙k\in\mathbf{Z}. En effet, remarquons d’abord que tout sous-groupe de TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) préserve une moyenne sur chacune de ses orbites dans 𝐙𝐙\mathbf{Z}. Si par l’absurde G𝐍+ksubscript𝐺𝐍𝑘G_{\mathbf{N}+k} est non moyennable, alors pour tout j𝐙𝑗𝐙j\in\mathbf{Z}, en appliquant le fait 4.2.2 à l’orbite de j𝑗j pour l’action de G𝐍+ksubscript𝐺𝐍𝑘G_{\mathbf{N}+k}, on obtient que le stabilisateur (G𝐍+k)jsubscriptsubscript𝐺𝐍𝑘𝑗(G_{\mathbf{N}+k})_{j} est non moyennable. Or pour j=k𝑗𝑘j=k ce stabilisateur est contenu dans G𝐍+k+1subscript𝐺𝐍𝑘1G_{\mathbf{N}+k+1} et pour j=k1𝑗𝑘1j=k-1 ce stabilisateur est contenu dans G𝐍+k1subscript𝐺𝐍𝑘1G_{\mathbf{N}+k-1}. Ceci montre que G𝐍+k+1subscript𝐺𝐍𝑘1G_{\mathbf{N}+k+1} et G𝐍+k1subscript𝐺𝐍𝑘1G_{\mathbf{N}+k-1} sont non moyennables, et donc par une récurrence de chaque côté, G𝐍+jsubscript𝐺𝐍𝑗G_{\mathbf{N}+j} est non moyennable pour tout j𝐙𝑗𝐙j\in\mathbf{Z}, contredisant pour j=0𝑗0j=0 l’hypothèse du critère. Si maintenant B𝐵B est quelconque, il existe une permutation à support fini de 𝐙𝐙\mathbf{Z} échangeant B𝐵B et 𝐍+k𝐍𝑘\mathbf{N}+k pour un certain (unique) k𝐙𝑘𝐙k\in\mathbf{Z}, on remarque alors que le stabilisateur GBsubscript𝐺𝐵G_{B} est inclus dans le sous-groupe engendré par le stabilisateur de G𝐍+ksubscript𝐺𝐍𝑘G_{\mathbf{N}+k}, qui est moyennable par ce qui précède, et par le groupe des permutations à support fini, qui est distingué et moyennable. Le stabilisateur GBsubscript𝐺𝐵G_{B} est donc lui-même moyennable.

Terminons maintenant la preuve. On a une première action, dite ordinaire, de TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) sur le 𝐙/2𝐙𝐙2𝐙\mathbf{Z}/2\mathbf{Z}-espace vectoriel 𝖢2(𝐙)superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}, donnée par w𝟏A=𝟏w(A)𝑤subscript1𝐴subscript1𝑤𝐴w\cdot\mathbf{1}_{A}=\mathbf{1}_{w(A)}. On a également une action affine de TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) sur 𝖢2(𝐙)superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}, de partie linéaire l’action ordinaire, donnée par

w𝟏A=𝟏w(A)+𝟏𝐍𝟏w(𝐍).𝑤subscript1𝐴subscript1𝑤𝐴subscript1𝐍subscript1𝑤𝐍w\cdot\mathbf{1}_{A}=\mathbf{1}_{w(A)}+\mathbf{1}_{\mathbf{N}}-\mathbf{1}_{w(\mathbf{N})}.

Le stabilisateur de 𝟏Asubscript1𝐴\mathbf{1}_{A} pour cette action affine est égal au stabilisateur pour l’action ordinaire de la différence symétrique A𝐍𝐴𝐍A\bigtriangleup\mathbf{N}. Cette action affine préserve une moyenne par le théorème 4.2.1. Pour toute partie finie A𝐴A, le stabilisateur de 𝟏Asubscript1𝐴\mathbf{1}_{A} dans G𝐺G pour l’action affine est égal au stabilisateur G𝐍Asubscript𝐺𝐍𝐴G_{\mathbf{N}\bigtriangleup A} de 𝐍A𝐍𝐴\mathbf{N}\bigtriangleup A pour l’action ordinaire dont on vient de vérifier la moyennabilité. Le fait 4.2.2 s’applique donc à l’action affine de G𝐺G sur 𝖢2(𝐙)superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}, si bien que G𝐺G est moyennable. ∎

4.3 Preuve du théorème 4.2.1

Le groupe 𝖢2𝐙superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{\mathbf{Z}} des fonctions 𝐙𝖢2𝐙subscript𝖢2\mathbf{Z}\to\mathsf{C}_{2} est muni de la topologie produit, qui en fait un groupe compact, et de la mesure produit de la mesure équirépartie sur 𝖢2={0,1}subscript𝖢20.1\mathsf{C}_{2}=\{0,1\}, qui est sa mesure de Haar.

Juschenko et Monod observent que l’existence d’une moyenne invariante comme dans le théorème 4.2.1 découle de l’existence d’une suite d’éléments non nuls fnL2(𝖢2𝐙,𝐑)subscript𝑓𝑛superscript𝐿2superscriptsubscript𝖢2𝐙𝐑f_{n}\in L^{2}(\mathsf{C}_{2}^{\mathbf{Z}},\mathbf{R}) telle que

  1. (1)

    (fn)subscript𝑓𝑛(f_{n}) est asymptotiquement TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z})-invariante, c’est-à-dire que pour tout gTM(𝐙)𝑔TM𝐙g\in\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) on a limnfngfn2/fn2=0subscript𝑛subscriptnormsubscript𝑓𝑛𝑔subscript𝑓𝑛2subscriptnormsubscript𝑓𝑛20\lim_{n\to\infty}\|f_{n}-gf_{n}\|_{2}/\|f_{n}\|_{2}=0;

  2. (2)

    (fn)subscript𝑓𝑛(f_{n}) est asymptotiquement supportée par l’hyperplan H0=𝖢2𝐙{0}={u𝖢2𝐙:u(0)=0}subscript𝐻0superscriptsubscript𝖢2𝐙0conditional-set𝑢superscriptsubscript𝖢2𝐙𝑢00H_{0}=\mathsf{C}_{2}^{\mathbf{Z}\smallsetminus\{0\}}=\{u\in\mathsf{C}_{2}^{\mathbf{Z}}:u(0)=0\}, au sens où limnfn𝟏H02/fn2=1subscript𝑛subscriptnormsubscript𝑓𝑛subscript1subscript𝐻02subscriptnormsubscript𝑓𝑛21\lim_{n\to\infty}\|f_{n}\mathbf{1}_{H_{0}}\|_{2}/\|f_{n}\|_{2}=1.

En effet, considérons une telle suite (fn)subscript𝑓𝑛(f_{n}). La suite des transformées de Fourier (fn^)^subscript𝑓𝑛(\widehat{f_{n}}) est une suite dans 2(𝖢2(𝐙))superscript2superscriptsubscript𝖢2𝐙\ell^{2}\big{(}\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\big{)}, asymptotiquement TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z})-invariante par (1). La transformée de Fourier entrelace la multiplication par 𝟏H0subscript1subscript𝐻0\mathbf{1}_{H_{0}} à la projection sur l’ensemble des fonctions dans 2(𝖢2(𝐙))superscript2superscriptsubscript𝖢2𝐙\ell^{2}\big{(}\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\big{)} qui sont invariantes par 𝖢2({0})superscriptsubscript𝖢20\mathsf{C}_{2}^{(\{0\})}. Donc par (2), la suite (fn^)^subscript𝑓𝑛(\widehat{f_{n}}) est asymptotiquement 𝖢2({0})superscriptsubscript𝖢20\mathsf{C}_{2}^{(\{0\})}-invariante. Puisque 𝖢2(𝐙)TM(𝐙)right-normal-factor-semidirect-productsuperscriptsubscript𝖢2𝐙TM𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\rtimes\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) est engendré par 𝖢2({0})superscriptsubscript𝖢20\mathsf{C}_{2}^{(\{0\})} et TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}), on en déduit que la suite (fn^)^subscript𝑓𝑛(\widehat{f_{n}}) est asymptotiquement 𝖢2(𝐙)TM(𝐙)right-normal-factor-semidirect-productsuperscriptsubscript𝖢2𝐙TM𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\rtimes\textnormal{TM}(\mathbf{Z})-invariante; autrement dit en posant un=|fn^|/fn2subscript𝑢𝑛^subscript𝑓𝑛subscriptnormsubscript𝑓𝑛2u_{n}=|\widehat{f_{n}}|/\|f_{n}\|_{2}, on a un2=1subscriptnormsubscript𝑢𝑛21\|u_{n}\|_{2}=1 et ungun20subscriptnormsubscript𝑢𝑛𝑔subscript𝑢𝑛20\|u_{n}-gu_{n}\|_{2}\to 0 pour tout g𝖢2(𝐙)TM(𝐙)𝑔right-normal-factor-semidirect-productsuperscriptsubscript𝖢2𝐙TM𝐙g\in\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\rtimes\textnormal{TM}(\mathbf{Z}). Ainsi un21=1subscriptnormsuperscriptsubscript𝑢𝑛211\|u_{n}^{2}\|_{1}=1 et, par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on obtient

un2gun21un+gun2ungun22ungun2,subscriptnormsuperscriptsubscript𝑢𝑛2𝑔superscriptsubscript𝑢𝑛21subscriptnormsubscript𝑢𝑛𝑔subscript𝑢𝑛2subscriptnormsubscript𝑢𝑛𝑔subscript𝑢𝑛22subscriptnormsubscript𝑢𝑛𝑔subscript𝑢𝑛2\|u_{n}^{2}-gu_{n}^{2}\|_{1}\leq\|u_{n}+gu_{n}\|_{2}\|u_{n}-gu_{n}\|_{2}\leq 2\|u_{n}-gu_{n}\|_{2},

si bien que un2gun210subscriptnormsuperscriptsubscript𝑢𝑛2𝑔superscriptsubscript𝑢𝑛210\|u_{n}^{2}-gu_{n}^{2}\|_{1}\to 0. Par conséquent, si m𝑚m est une valeur d’adhérence faible-* dans (𝖢2(𝐙))superscriptsuperscriptsubscript𝖢2𝐙\ell^{\infty}\big{(}\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\big{)} de la suite de probabilités (un2)superscriptsubscript𝑢𝑛2(u_{n}^{2}) de 1(𝖢2(𝐙))superscript1superscriptsubscript𝖢2𝐙\ell^{1}\big{(}\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\big{)}, alors m𝑚m définit une moyenne 𝖢2(𝐙)TM(𝐙)right-normal-factor-semidirect-productsuperscriptsubscript𝖢2𝐙TM𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}\rtimes\textnormal{TM}(\mathbf{Z})-invariante sur 𝖢2(𝐙)superscriptsubscript𝖢2𝐙\mathsf{C}_{2}^{(\mathbf{Z})}.

Cette observation étant faite, Juschenko et Monod donnent explicitement une suite (fn)n1subscriptsubscript𝑓𝑛𝑛1(f_{n})_{n\geq 1}, à savoir, en identifiant 𝖢2subscript𝖢2\mathsf{C}_{2} et {0,1}0.1\{0,1\}

fn:{0,1}𝐙\displaystyle f_{n}\colon\qquad\{0,1\}^{\mathbf{Z}} \displaystyle\to ]0,1]\displaystyle]0,1]
x=(xj)j𝐙𝑥subscriptsubscript𝑥𝑗𝑗𝐙\displaystyle x=(x_{j})_{j\in\mathbf{Z}} maps-to\displaystyle\mapsto exp(nj𝐙xje|j|/n)𝑛subscript𝑗𝐙subscript𝑥𝑗superscript𝑒𝑗𝑛\displaystyle\exp\left(-n\sum_{j\in\mathbf{Z}}x_{j}e^{-|j|/n}\right)

La condition (2) se vérifie facilement, tandis que (1) demande plus de travail (d’analyse élémentaire).

On va utiliser ici une autre suite de fonctions, qui nous a été indiquée par M. de la Salle, pour laquelle ces vérifications sont plus directes. On définit, pour n1𝑛1n\geq 1

hn:{0,1}𝐙\displaystyle h_{n}\colon\qquad\{0,1\}^{\mathbf{Z}} \displaystyle\to [0,1]delimited-[]0.1\displaystyle[0,1]
x=(xj)j𝐙𝑥subscriptsubscript𝑥𝑗𝑗𝐙\displaystyle x=(x_{j})_{j\in\mathbf{Z}} maps-to\displaystyle\mapsto j𝐙hnj(xj),subscriptproduct𝑗𝐙subscript𝑛𝑗subscript𝑥𝑗\displaystyle\prod_{j\in\mathbf{Z}}h_{nj}(x_{j}),

avec

(hnj(0),hnj(1))=2(cosθnj,sinθnj);θnj=π4min(|j|n,1)[0,π/4].formulae-sequencesubscript𝑛𝑗0subscript𝑛𝑗12subscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑗𝜋4𝑗𝑛.10𝜋4(h_{nj}(0),h_{nj}(1))=\sqrt{2}(\cos\theta_{nj},\sin\theta_{nj});\qquad\theta_{nj}=\frac{\pi}{4}\min\left(\sqrt{\frac{|j|}{n}},1\right)\in[0,\pi/4].

Remarquons que le produit définissant hn(x)subscript𝑛𝑥h_{n}(x) est fini puisque hnj=1subscript𝑛𝑗1h_{nj}=1 si |j|>n𝑗𝑛|j|>n. On observe également que θn0=0subscript𝜃𝑛00\theta_{n0}=0, si bien que hn0(1)=0subscript𝑛010h_{n0}(1)=0 et hn(x)=0subscript𝑛𝑥0h_{n}(x)=0 si x0=1subscript𝑥01x_{0}=1. En d’autres termes, on a hn=hn𝟏H0subscript𝑛subscript𝑛subscript1subscript𝐻0h_{n}=h_{n}\mathbf{1}_{H_{0}}, ce qui donne (2) (avec hnsubscript𝑛h_{n} en lieu et place de fnsubscript𝑓𝑛f_{n}). Notons que hn2=1subscriptnormsubscript𝑛21\|h_{n}\|_{2}=1 pour tout n1𝑛1n\geq 1, puisque hnj2=1subscriptnormsubscript𝑛𝑗21\|h_{nj}\|_{2}=1 pour tous n𝑛n et j𝑗j (l’ensemble {0,1}0.1\{0,1\} étant muni de la mesure de Haar de 𝖢2subscript𝖢2\mathsf{C}_{2}). Il reste à prouver (1), ou, ce qui revient au même:

Proposition 4.3.1.

Pour tout gTM(𝐙)𝑔TM𝐙g\in\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) on a

limnhn,g1hn=1.subscript𝑛subscript𝑛superscript𝑔1subscript𝑛1\lim_{n\to\infty}\langle h_{n},g^{-1}h_{n}\rangle=1.
Démonstration.

On a g1hn(x)=hn(gx)superscript𝑔1subscript𝑛𝑥subscript𝑛𝑔𝑥g^{-1}h_{n}(x)=h_{n}(gx) et (gx)j=xgj(j)subscript𝑔𝑥𝑗subscript𝑥superscript𝑔𝑗𝑗(gx)_{j}=x_{g^{-j}(j)}, si bien que (g1hn)(x)=j𝐙hng(j)(xj)superscript𝑔1subscript𝑛𝑥subscriptproduct𝑗𝐙subscript𝑛𝑔𝑗subscript𝑥𝑗(g^{-1}h_{n})(x)=\prod_{j\in\mathbf{Z}}h_{n\,g(j)}(x_{j}). On a donc, par le théorème de Fubini, la formule

hn,g1hn=j𝐙hnj,hng(j)=j𝐙cos(θnjθng(j)).subscript𝑛superscript𝑔1subscript𝑛subscriptproduct𝑗𝐙subscript𝑛𝑗subscript𝑛𝑔𝑗subscriptproduct𝑗𝐙subscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑔𝑗\langle h_{n},g^{-1}h_{n}\rangle=\prod_{j\in\mathbf{Z}}\langle h_{nj},h_{n\,g(j)}\rangle=\prod_{j\in\mathbf{Z}}\cos(\theta_{nj}-\theta_{n\,g(j)}).

En utilisant l’inégalité cos(x)exp(x2)𝑥superscript𝑥2\cos(x)\geq\exp(-x^{2}) valable pour tout x[π/4,π/4]𝑥𝜋4𝜋4x\in[-\pi/4,\pi/4], on en déduit

hn,g1hnexp(j𝐙(θnjθng(j))2).subscript𝑛superscript𝑔1subscript𝑛subscript𝑗𝐙superscriptsubscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑔𝑗2\langle h_{n},g^{-1}h_{n}\rangle\geq\exp\left(-\sum_{j\in\mathbf{Z}}(\theta_{nj}-\theta_{n\,g(j)})^{2}\right). (4.1)

On va majorer la somme dans le terme de droite. En utilisant que

|jk||jk|max(1,j),j,k𝐍,formulae-sequence𝑗𝑘𝑗𝑘1𝑗for-all𝑗𝑘𝐍|\sqrt{j}-\sqrt{k}|\leq\frac{|j-k|}{\max(1,\sqrt{j})},\quad\forall j,k\in\mathbf{N},

on obtient, en posant c=supj𝐙||g(j)||j||𝑐subscriptsupremum𝑗𝐙𝑔𝑗𝑗c=\sup_{j\in\mathbf{Z}}\big{|}|g(j)|-|j|\big{|}

|θnjθng(j)|πc4n1max(1,|j|).subscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑔𝑗𝜋𝑐4𝑛11𝑗|\theta_{nj}-\theta_{n\,g(j)}|\leq\frac{\pi c}{4\sqrt{n}}\frac{1}{\max(1,\sqrt{|j|})}.

Il en découle, en remarquant en outre que θnjθng(j)=0subscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑔𝑗0\theta_{nj}-\theta_{n\,g(j)}=0 si |j|n+c𝑗𝑛𝑐|j|\geq n+c

j𝐙(θnjθng(j))2=subscript𝑗𝐙superscriptsubscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑔𝑗2absent\displaystyle\sum_{j\in\mathbf{Z}}(\theta_{nj}-\theta_{n\,g(j)})^{2}= |j|n+c(θnjθng(j))2subscript𝑗𝑛𝑐superscriptsubscript𝜃𝑛𝑗subscript𝜃𝑛𝑔𝑗2\displaystyle\sum_{|j|\leq n+c}(\theta_{nj}-\theta_{n\,g(j)})^{2}
\displaystyle\leq π2c216n|j|n+c1max(1,|j|)superscript𝜋2superscript𝑐216𝑛subscript𝑗𝑛𝑐11𝑗\displaystyle\frac{\pi^{2}c^{2}}{16n}\sum_{|j|\leq n+c}\frac{1}{\max(1,|j|)}
\displaystyle\leq π2c216n(3+log(n+c))superscript𝜋2superscript𝑐216𝑛3𝑛𝑐\displaystyle\frac{\pi^{2}c^{2}}{16n}(3+\log(n+c))
=O(c2lognn+c2logc)=Oc(lognn)absent𝑂superscript𝑐2𝑛𝑛superscript𝑐2𝑐subscript𝑂𝑐𝑛𝑛\displaystyle=O\left(c^{2}\frac{\log n}{n}+c^{2}\log c\right)=O_{c}\left(\frac{\log n}{n}\right)

donc par (4.1) on obtient que hn,g1hnsubscript𝑛superscript𝑔1subscript𝑛\langle h_{n},g^{-1}h_{n}\rangle tend bien vers 1 à g𝑔g fixé. ∎

{rema}

La preuve de la proposition 4.3.1 montre que pour tout gTM(𝐙)𝑔TM𝐙g\in\textnormal{TM}(\mathbf{Z}) fixé, on a 1hn,ghn=O(log(n)/n)1subscript𝑛𝑔subscript𝑛𝑂𝑛𝑛1-\langle h_{n},gh_{n}\rangle=O(\log(n)/n), ou de manière équivalente hnghn2=O((logn/n)1/2)subscriptnormsubscript𝑛𝑔subscript𝑛2𝑂superscript𝑛𝑛12\|h_{n}-gh_{n}\|_{2}=O((\log n/n)^{1/2}).

D’autre part, remarquons que la preuve de la proposition s’applique sans changement à tout gTM(|𝐙|)𝑔TM𝐙g\in\textnormal{TM}(|\mathbf{Z}|), où ce dernier désigne le groupe des permutations g𝑔g de 𝐙𝐙\mathbf{Z} telles que supn𝐙||g(n)||n||<subscriptsupremum𝑛𝐙𝑔𝑛𝑛\sup_{n\in\mathbf{Z}}\Big{|}|g(n)|-|n|\Big{|}<\infty. Ce groupe contient strictement TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}), par exemple il contient l’involution nnmaps-to𝑛𝑛n\mapsto-n qui n’est pas dans TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}); il est également isomorphe au sous-groupe TM(𝐍)TM𝐍\textnormal{TM}(\mathbf{N}) de TM(𝐙)TM𝐙\textnormal{TM}(\mathbf{Z}), comme on voit en conjuguant par la bijection 2-lipschitzienne de 𝐙𝐙\mathbf{Z} sur 𝐍𝐍\mathbf{N} qui envoie n0𝑛0n\geq 0 sur 2n2𝑛2n et n1𝑛1-n\leq-1 sur 2n12𝑛12n-1.

Annexe A Classes élémentaires

Soit 𝒞𝒞\mathcal{C} une classe de groupes (invariante par isomorphie). On définit (𝒞)𝒞\mathscr{E}(\mathcal{C}) comme la plus petite classe de groupes contenant 𝒞𝒞\mathcal{C} et stable par isomorphie et passage aux sous-groupes, quotients, extensions et limites inductives filtrantes. On l’appelle classe élémentaire engendrée par 𝒞𝒞\mathcal{C}.

Le lemme suivant est bien connu.

Lemme A.1.

On suppose 𝒞𝒞\mathcal{C} stable par passage aux sous-groupes et aux quotients. On définit par récurrence transfinie

  • 0(𝒞)=𝒞subscript0𝒞𝒞\mathscr{E}_{0}(\mathcal{C})=\mathcal{C};

  • si α𝛼\alpha est un ordinal, α+1(𝒞)subscript𝛼1𝒞\mathscr{E}_{\alpha+1}(\mathcal{C}) comme l’ensemble des groupes isomorphes à une extension à noyau dans α(𝒞)subscript𝛼𝒞\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}) et quotient dans 𝒞𝒞\mathcal{C}, ou à une limite directe (c’est-à-dire limite inductive filtrante d’injections) de groupes de α(𝒞)subscript𝛼𝒞\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C});

  • α(𝒞)=β<αβ(𝒞)subscript𝛼𝒞subscript𝛽𝛼subscript𝛽𝒞\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C})=\bigcup_{\beta<\alpha}\mathscr{E}_{\beta}(\mathcal{C}) pour α𝛼\alpha ordinal limite.

Alors (𝒞)=αα(𝒞)𝒞subscript𝛼subscript𝛼𝒞\mathscr{E}(\mathcal{C})=\bigcup_{\alpha}\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}). En particulier (𝒞)𝒞\mathscr{E}(\mathcal{C}) est la plus petite classe de groupes stable par isomorphie et par passage aux limites directes et extensions à quotient dans 𝒞𝒞\mathcal{C}.

Démonstration.

Par une récurrence transfinie immédiate, chaque α(𝒞)subscript𝛼𝒞\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}) est stable par passage aux sous-groupes, et toute limite directe de groupes dans α(𝒞)subscript𝛼𝒞\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}) est dans α+1(𝒞)subscript𝛼1𝒞\mathscr{E}_{\alpha+1}(\mathcal{C}), si bien que 𝒞=αα(𝒞)superscript𝒞subscript𝛼subscript𝛼𝒞\mathcal{C}^{\prime}=\bigcup_{\alpha}\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}) est stable par passage aux sous-groupes, quotients et limites directes; la stabilité à la fois par passage au quotient et aux limites directes implique la stabilité par passage aux limites inductives filtrantes. Il reste à vérifier la stabilité de 𝒞superscript𝒞\mathcal{C}^{\prime} par passage aux extensions. Vérifions, par récurrence transfinie sur β𝛽\beta, qu’il est stable par extension avec quotient dans β(𝒞)subscript𝛽𝒞\mathscr{E}_{\beta}(\mathcal{C}). C’est vrai pour β=0𝛽0\beta=0; on suppose que c’est acquis pour tout β<βsuperscript𝛽𝛽\beta^{\prime}<\beta. Si β𝛽\beta est limite il n’y a rien à faire, on suppose donc β=γ+1𝛽𝛾1\beta=\gamma+1. On considère donc un groupe G𝐺G, extension avec noyau N𝑁N dans 𝒞superscript𝒞\mathcal{C}^{\prime} et quotient Q𝑄Q dans γ+1(𝒞)subscript𝛾1𝒞\mathscr{E}_{\gamma+1}(\mathcal{C}). Si Q𝑄Q est limite directe de groupes dans γ(𝒞)subscript𝛾𝒞\mathscr{E}_{\gamma}(\mathcal{C}), alors G𝐺G est limite directe de leurs images réciproques dans G𝐺G, qui sont par récurrence dans 𝒞superscript𝒞\mathcal{C^{\prime}}, et donc G𝐺G est dans 𝒞superscript𝒞\mathcal{C}^{\prime}. Sinon, Q𝑄Q est extension avec noyau M𝑀M dans Cγsubscript𝐶𝛾C_{\gamma} et quotient dans 𝒞𝒞\mathcal{C}. L’image réciproque M1subscript𝑀1M_{1} de M𝑀M dans G𝐺G est donc, par récurrence, dans 𝒞superscript𝒞\mathcal{C}^{\prime}, et donc G𝐺G, extension de noyau M1subscript𝑀1M_{1} et noyau dans 𝒞𝒞\mathcal{C}, l’est donc également. ∎

Le lemme peut être utile pour montrer qu’un groupe n’appartient pas à la classe élémentaire engendrée par 𝒞𝒞\mathcal{C}. Le cas le plus évident (servant souvent sous sa forme contraposée) est le suivant:

Fait A.2.

Supposons la classe 𝒞𝒞\mathcal{C} stable par passage aux sous-groupes et aux quotients. Si G𝐺G est un groupe simple de type fini dans (𝒞)𝒞\mathscr{E}(\mathcal{C}), alors G𝐺G est dans 𝒞𝒞\mathcal{C}.

Démonstration.

Par hypothèse, G𝐺G n’a aucune décomposition non triviale en extension ou en limite directe. Cela impose que l’ordinal minimal α𝛼\alpha tel que Gα(𝒞)𝐺subscript𝛼𝒞G\in\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}) est 0. ∎

Exemple A.3.

Soit 𝒜𝒜\mathcal{A} la classe des groupes de type fini abéliens et \mathcal{F} la classe des groupes finis. La classe (𝒜)𝒜\mathscr{E}(\mathcal{A}\cup\mathcal{F}), introduite par Day [Da57, p. 520] et notamment étudiée par Chou [Ch80] est appelée classe des groupes élémentairement moyennables. Soit 𝒮𝒮\mathcal{SE} la classe des groupes de type fini à croissance sous-exponentielle. La classe (𝒮)𝒮\mathscr{E}(\mathcal{SE}) est appelée classe des groupes sous-exponentiellement moyennables. On a 𝒜𝒮𝒜𝒮\mathcal{A}\cup\mathcal{F}\subset\mathcal{SE}, si bien que (𝒜)(𝒮)𝒜𝒮\mathscr{E}(\mathcal{A}\cup\mathcal{F})\subset\mathscr{E}(\mathcal{SE}).

La classe des groupes moyennables est stable par passage aux extensions et aux limites directes, et contient les groupes à croissance sous-exponentielle, si bien que ces classes sont constituées de groupes moyennables (ce qui est l’unique justification de la terminologie!).

Une autre application du lemme A.1 est la suivante.

Fait A.4.

Soit G𝐺G un groupe de type fini élémentairement moyennable et infini. Alors G𝐺G a virtuellement un morphisme surjectif sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, au sens où il a un sous-groupe d’indice fini ayant un morphisme surjectif vers 𝐙𝐙\mathbf{Z}. De manière équivalente, il possède un quotient infini et virtuellement abélien.

Démonstration.

Montrons plus généralement que si 𝒞𝒞\mathcal{C} est une classe de groupes stable par passage aux sous-groupes et quotients telle que tout groupe infini dans 𝒞𝒞\mathcal{C} a virtuellement un morphisme surjectif sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, alors il en est de même pour tout G𝐺G infini de type fini dans (𝒞)𝒞\mathscr{E}(\mathcal{C}).

Supposons le contraire. Soit α𝛼\alpha minimal tel que Gα(𝒞)𝐺subscript𝛼𝒞G\in\mathscr{E}_{\alpha}(\mathcal{C}). Alors α𝛼\alpha n’est pas un ordinal limite et par hypothèse, α0𝛼0\alpha\neq 0, donc α=β+1𝛼𝛽1\alpha=\beta+1 est un successeur. Comme G𝐺G est de type fini, il est donc extension à noyau N𝑁N dans β(𝒞)subscript𝛽𝒞\mathscr{E}_{\beta}(\mathcal{C}) et quotient Q𝑄Q dans 𝒞𝒞\mathcal{C}. Si Q𝑄Q est infini, alors il a virtuellement un morphisme surjectif sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, et donc G𝐺G aussi. Si Q𝑄Q est fini, alors N𝑁N est d’indice fini, et par minimalité de α𝛼\alpha a virtuellement un morphisme surjectif sur 𝐙𝐙\mathbf{Z}, et donc G𝐺G aussi.

Pour la reformulation, il est clair que l’existence d’un quotient virtuellement abélien implique l’existence d’un sous-groupe d’indice fini avec un abélianisé infini; la réciproque est vraie: si G𝐺G admet un sous-groupe d’indice fini H𝐻H d’abélianisé infini, alors si N𝑁N est l’intersection des conjugués de [H,H]𝐻𝐻[H,H] dans G𝐺G alors G/N𝐺𝑁G/N est virtuellement abélien et infini. ∎

Annexe B Ajout (février 2020)

(En dehors des ajouts datés de février 2020 liés à cet appendice, la version coïncide avec celle envoyée à l’éditeur en mars 2013.)

Stěpánek et Rubin (1989) [SR] ont introduit de façon générale le groupe plein-topologique d’un sous-groupe du groupe des autohoméomorphismes d’un espace compact totalement séparé. Ils se placent dans le cadre du groupe des automorphismes d’une algèbre booléenne, mais utilisent explicitement la dualité de Stone. Ils démontrent [SR, Lemma 5.17]: Soit X𝑋X un espace compact totalement séparé. Soit ΓΓ\Gamma un sous-groupe libre non trivial de Homeo(X)Homeo𝑋\mathrm{Homeo}(X) agissant topologiquement librement sur X𝑋X. Alors [[Γ]]delimited-[]delimited-[]Γ[\![\Gamma]\!] (noté PW(Γ)PWΓ\mathrm{PW}(\Gamma) “elements piecewise in ΓΓ\Gamma”) n’est pas simple. Plus précisément, ils construisent un morphisme non nul [[Γ]]𝐙delimited-[]delimited-[]Γ𝐙[\![\Gamma]\!]\to\mathbf{Z}. En fait la preuve fonctionne en supposant seulement qu’il existe x0Xsubscript𝑥0𝑋x_{0}\in X de stabilisateur trivial, et qu’il existe une partie M𝑀M de ΓΓ\Gamma telle que pour tout gΓ𝑔Γg\in\Gamma on ait gMM𝑔𝑀𝑀gM\bigtriangleup M fini et que de plus le morphisme Γ𝐙Γ𝐙\Gamma\to\mathbf{Z}, g|gMM||MgM|maps-to𝑔𝑔𝑀𝑀𝑀𝑔𝑀g\mapsto|gM\smallsetminus M|-|M\smallsetminus gM| est non nul. En effet, ce morphisme se prolonge en un morphisme [[Γ]]𝐙delimited-[]delimited-[]Γ𝐙[\![\Gamma]\!]\to\mathbf{Z} donné par f|fMM||MfM|maps-to𝑓𝑓superscript𝑀superscript𝑀superscript𝑀𝑓superscript𝑀f\mapsto|fM^{\prime}\smallsetminus M^{\prime}|-|M^{\prime}\smallsetminus fM^{\prime}| avec M=Mx0superscript𝑀𝑀subscript𝑥0M^{\prime}=Mx_{0}. La construction au début du §3.3 est en fait un cas particulier de cette situation.

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