Reconstruction anabélienne du squelette des courbes analytiques
Résumé
Ce travail met en évidence certains comportements anabéliens des courbes analytiques au sens de la géométrie de Berkovich. Nous montrons que la connaissance du groupe fondamental tempéré de certaines courbes appelées analytiquement anabéliennes détermine leurs squelettes analytiques en tant que graphes. Le fameux demi-plan de Drinfeld en est un exemple. Le groupe fondamental tempéré d’un espace de Berkovich, introduit par André, a permis à Mochizuki de démontrer le premier résultat anabélien en géométrie de Berkovich, concernant les analytifiées de courbes hyperboliques sur . À cette fin, Mochizuki développe le langage des semi-graphes d’anabélioïdes et des tempéroïdes. Cet article consiste à associer un semi-graphe d’anabélioïdes à une courbe analytique munie d’une triangulation minimale, puis s’inspirer des résultats de Mochizuki afin de retrouver le squelette analytique de la courbe. La nouveauté de ces résultats est que les courbes que nous étudions ne sont plus supposées de nature algébrique.
Mots-clés : Géométrie anabélienne, espaces de Berkovich, groupe fondamental tempéré, courbes analytiques, semi-graphe d’anabélioïdes.
Abstract
Reconstruction of the skeleton of analytic curves. This work brings to light some anabelian behaviours of analytic curves in the context of Berkovich geometry. We show that the knowledge of the tempered fundamental group of some curves called analytically anabelian determines their analytic skeletons as graphs. The famous Drinfeld half-plane is an example of such a curve. The tempered fundamental group of a Berkovich space, introduced by André, enabled Mochizuki to prove the first anabelian result in Berkovich geometry, dealing with analytifications of hyperbolic curves over . To that end, Mochizuki develops the language of semi-graphs of anabelioids and temperoids. This article consists in associating a semi-graph of anabelioids to a Berkovich curve equipped with a minimal triangulation and in adapting the results of Mochizuki in order to recover the analytic skeleton. The novelty here is that the curves we are interested in are not supposed anymore to be of algebraic nature.
Keywords : Anabelian geometry, Berkovich spaces, tempered fundamental group, analytic curves, semi-graph of anabelioids.
Introduction
Dans la lignée des développements de la géométrie anabélienne dans le cas des courbes hyperboliques, il est loisible de se poser des questions d’inspiration anabélienne dans les espaces des Berkovich, à savoir :
Dans quelle mesure un espace -analytique est-il déterminé par son « groupe fondamental »?
Il est possible de définir en théorie de Berkovich plusieurs « groupes fondamentaux » selon que ceux-ci classent les revêtements topologiques, étales finis, ou étales. Néanmoins le groupe fondamental topologique est souvent « trop petit » tandis que le groupe fondamental étale a tendance à être « trop grand » .
Le groupe qui semble au mieux capturer les comportements anabéliens des espaces analytiques sur les corps non archimédiens est le groupe fondamental tempéré, introduit par Yves André dans [And]. Ce groupe classe les revêtements dits tempérés, définis comme les revêtements étales devenant topologiques après un changement de base fini étale, ce qui équivaut à demander que ces revêtements soient quotient d’un revêtement topologique d’un revêtement étale fini. Les revêtements topologiques tout autant que les revêtements étales finis sont des exemples de revêtements tempérés.
C’est Yves André, dans son article [And1], qui obtient pour la première fois des résultats de nature anabélienne en utilisant les espaces de Berkovich. À l’aide du groupe fondamental tempéré, il donne une description de nature géométrique des sous-groupes de Galois locaux du groupe de Galois absolu dans l’esprit de l’Esquisse d’un programme [Gro] de Grothendieck, puis introduit un avatar -adique du groupe de Grothendieck-Teichmüller . À la suite de cet article, ce sont Shinichi Mochizuki puis Emmanuel Lepage qui obtiennent les résultats les plus significatifs de géométrie anabélienne dans les espaces de Berkovich. Leurs résultats relient le groupe fondamental tempéré de l’analytifiée d’une courbe algébrique hyperbolique au graphe dual de sa réduction stable. Si est une courbe hyperbolique définie sur un corps ultramétrique complet algébriquement clos, nous savons que le type d’homotopie de l’analytifiée (au sens des espaces de Berkovich) peut être décrit à partir du modèle stable de . Plus précisément, si désigne la fibre spéciale de , le graphe dual de la réduction stable, noté , est le graphe fini dont les sommets correspondent aux composantes irréductibles de , et dont les arêtes entre les sommets correspondent aux nœuds (i.e. aux singularités en les points doubles ordinaires, qui sont les seules singularités de par hypothèse de stabilité) entre les composantes irréductibles (une arête boucle sur le même sommet lorsqu’il s’agit d’un point d’auto-intersection). Notons la compactification normale de . En définissant les cusps de comme l’ensemble des points de n’appartenant pas à , il est possible d’enrichir en un semi-graphe , en ajoutant une arête ouverte (i.e. reliée seulement à un sommet en un bout, ouverte en l’autre bout) pour chaque cusp. Il existe alors un plongement topologique canonique qui admet une rétraction par déformation topologiquement propre ([Ber]). L’espace analytique a donc le même type d’homotopie que (et que ). Le graphe ne garde pas la trace des cusps, tandis que ceux-ci jouent un rôle dans le modèle stable. Dans le cas où est la courbe hyperbolique obtenue en retirant points à , est réduit à un singleton qui sera un point de type dans , alors que est constitué de trois arêtes ouvertes reliées à ce même sommet.
Résultats de Mochizuki et Lepage
Grâce au langage des anabélioïdes, des semi-graphes d’anabélioïdes et des tempéroïdes qu’il introduit en toute généralité dans [Mzk] et [Mzk] afin de donner une saveur géométrique aux objets définis catégoriquement telles les catégories galoisiennes, Mochizuki prouve dans [Mzk] que le groupe fondamental tempéré de l’analytifiée d’une courbe hyperbolique détermine le graphe dual de sa réduction stable :
Théorème 0.1 ([Mzk], Corollary ).
Si et sont deux courbes hyperboliques sur , alors tout isomorphisme extérieur détermine, fonctoriellement en , un unique isomorphisme de graphes entre les graphes duaux étendus de leurs réductions stables : .
Mochizuki montre plus précisément qu’il est possible de reconstruire le graphe de la réduction stable d’une courbe hyperbolique à partir d’une -version du groupe fondamental tempéré qui se construit à partir de celui-ci en prenant la limite projective des quotients ayant un sous-groupe distingué sans torsion d’indice fini premier à . Ce groupe classe l’ensemble des revêtements (tempérés) qui deviennent topologiques après un changement de base étale fini de degré premier à . La reconstruction du graphe à partir de ce groupe est la suivante :
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•
les sommets de correspondent aux classes de conjugaison des sous-groupes compacts maximaux de ;
-
•
les arêtes de correspondent aux classes de conjugaison des intersections non triviales de deux sous-groupes compacts maximaux de .
Quelques années plus tard, en , Emmanuel Lepage précise le résultat de Mochizuki en montrant que si le groupe fondamental tempéré détermine en effet le graphe dual de la réduction stable d’une courbe hyperbolique, il le détermine également dans certains cas en tant que graphe métrique, c’est-à-dire que la connaissance du groupe fondamental tempéré permet de retrouver la métrique naturelle qui existe sur le graphe dual de la réduction stable. Cette métrique est telle que la longueur d’une arête correspondant à un nœud est la largeur de la couronne correspondant à la fibre générique de la complétion formelle en ce nœud. Une condition suffisante assurant un tel résultat de reconstruction métrique est de se restreindre aux courbes dites de Mumford, c’est-à-dire aux courbes algébriques propres dont les composantes irréductibles normalisées de la réduction stable sont isomorphes à (ce qui en théorie de Berkovich équivaut à dire que l’analytifié est localement isomorphe à un ouvert de , ou encore que le genre topologique de est le genre de , ou encore que admet une uniformisation par un ouvert de , ou encore qu’il n’a pas de point de type de genre …).
Théorème 0.2 ([Lep1], Th. ; [Lep2], Th. ).
Soient et deux courbes hyperboliques de Mumford sur , et un isomorphisme. Alors l’isomorphisme entre les graphes duaux des réductions stables : est un isomorphisme de graphes métriques.
Lepage va plus loin dans son article [Lep3]. En utilisant des techniques de résolution des non-singularités et en prouvant qu’une courbe de Mumford sur vérifie une telle résolution, il montre que le groupe tempéré de l’analytifiée d’une courbe de Mumford détermine son espace topologique sous-jacent. Il utilise pour cela un homéomorphisme entre l’analytifiée de toute -courbe propre et lisse et la limite projective des graphes duaux de toutes les réductions semi-stables de la courbe.
Théorème 0.3 ([Lep3], Theorem ).
Soient et deux courbes hyperboliques de Mumford sur , et un isomorphisme. Alors induit un homéomorphisme entre les analytifiées :
Dans le cas des courbes de Tate, il obtient même mieux en montrant, toujours grâce à la résolution des non-singularités, que le groupe fondamental tempéré d’une courbe de Tate épointée détermine l’espace analytique de la courbe de Tate.
Théorème 0.4.
Soient , tels que et . Pour , posons et . Si les groupes tempérés et sont isomorphes, alors il existe tel que , et et sont isomorphes en tant qu’espaces -analytiques.
Contenu de l’article
Ces résultats concernent les courbes analytiques de nature algébrique, c’est-à-dire les analytifiées de courbes algébriques. Or, la théorie des espaces analytiques de Berkovich est suffisamment riche pour faire apparaître toutes sortes de courbes qui sont essentiellement de nature analytique, sans provenir directement de courbes algébriques. Les exemples les plus simples mais non moins importants de telles courbes sont les couronnes et les disques analytiques. Si est un corps ultramétrique complet, les couronnes (respectivement les disques) -analytiques sont les espaces -analytiques isomorphes au domaine -analytique de défini par la condition pour un certain intervalle non vide de (resp. de et contenant et rencontrant ). Dans le sillage des résultats de Mochizuki et de Lepage, il est naturel de se demander si des résultats anabéliens similaires existent pour les courbes -analytiques sans imposer que celles-ci soient de nature algébrique.
Les résultats évoqués ci-dessus faisant apparaître le graphe dual de la réduction stable , il convient d’en trouver pour les courbes -analytiques un analogue défini uniquement dans le langage de la géométrie analytique sans requérir une quelconque nature algébrique. C’est le squelette analytique qui jouera ce rôle : si est une courbe -analytique quasi-lisse, le squelette analytique de , noté , est défini comme l’ensemble des points de qui n’appartiennent à aucun disque analytique ouvert. Le squelette est alors un semi-graphe localement fini. Remarquons que lorsque et que est l’unique courbe -analytique quasi-lisse, connexe et compacte de squelette analytique vide lorsque est algébriquement clos. Par ailleurs, le squelette analytique est homéomorphe à un cercle pour une courbe de Tate, c’est-à-dire l’analytifiée d’une courbe elliptique à mauvaise réduction. Dès que l’application naturelle est surjective, il existe une rétraction par déformation topologiquement propre. En particulier, dans ce cas, a le type d’homotopie de .
Lorsque est algébriquement clos, nous appellerons courbe -analytiquement hyperbolique (3.29) toute courbe -analytique , quasi-lisse et connexe, telle que l’ensemble des nœuds (2.16) de son squelette analytique soit non vide et constitué uniquement de noeuds hyperboliques (3.26). Une courbe -analytiquement anabélienne sera alors définie comme une courbe -analytiquement hyperbolique vérifiant une condition technique, dite d’ascendance vicinale (3.56), permettant la reconstruction des arêtes ouvertes. L’analytifiée d’une -courbe algébrique est -analytiquement hyperbolique si et seulement si est une courbe hyperbolique, auquel cas est -analytiquement anabélienne. Nous montrons dans ce papier le résultat suivant lorsque est un corps non archimédien complet, non trivialement valué et algébriquement clos :
Théorème A :
Soient et deux courbes -analytiquement anabéliennes. Tout isomorphisme entre les groupes tempérés : induit (fonctoriellement en ) un isomorphisme de semi-graphes entre les squelettes analytiques associés :
Pour certaines courbes anabéliennes, dites à arêtes relativement compactes (cf. 3.42), l’isomorphisme du théorème ci-dessus peut être remplacé par l’hypothèse moins forte d’un isomorphisme entre les versions premières à , (cf. 2.47), des groupes tempérés .
Un exemple intéressant de courbe -analytiquement anabélienne (à arêtes relativement compactes) est celui du demi-plan de Drinfeld, d’un intérêt majeur en théorie des nombres et analogue non archimédien du demi-plan de Poincaré. Soit un corps non-archimédien local de caractéristique positive (i.e. est soit une extension finie de , soit du type ) contenu dans le corps ultramétrique complet et algébriquement clos dont la valuation prolonge celle de . Le demi-plan de Drinfeld, noté , est la courbe -analytique définie en tant qu’ouvert de par :
Il s’agit d’une courbe -analytiquement anabélienne, non compacte, dont le squelette analytique n’est autre que l’immeuble de Bruhat-Tits de , noté . L’anabélianité du demi-plan de Drinfeld nous permet d’énoncer le résultat suivant :
Proposition B : Pour , soit un nombre premier et un corps de nombres -adique, c’est-à-dire une extension finie de . Supposons les groupes suivants isomorphes :
alors , et les extensions et ont même degré d’inertie : , d’où un isomorphisme .
Certaines courbes -analytiquement anabéliennes peuvent par ailleurs être hyperboliques tout en ayant dans leur squelette analytique des arêtes ouvertes (appelées cusps). La quête de la propriété d’anabélianité parmi les courbes -analytiquement hyperboliques nous amène à définir deux types de cusps privilégiés : les cusps coronaires finis et discaux épointés (3.59). En traitant les cusps coronaires finis à l’aide d’une condition de total déploiement de certains -torseurs (2.36) et les cusps discaux épointés par un résultat de Mochizuki (3.61), nous obtenons finalement le théorème suivant :
Théorème C Soit un corps ultramétrique complet algébriquement clos et non trivialement valué. Alors les trois types de courbes ci-dessous sont -analytiquement anabéliennes :
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•
les courbes -analytiquement hyperboliques à arêtes relativement compactes;
-
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si est de caractéristique mixte : les courbes -analytiquement hyperboliques dont tous les cusps sont coronaires finis;
-
•
si est de caractéristique mixte : les courbes -analytiquement hyperboliques dont le squelette analytique est un semi-graphe fini et dont les cusps sont coronaires finis ou discaux épointés.
Ces cas ne traitent néanmoins pas toutes les courbes -analytiques hyperboliques, et nous ne savons pas pour le moment si toutes les courbes -analytiquement hyperboliques sont -analytiquement anabéliennes.
Nous présentons dans le langage des semi-graphes d’anabélioïdes et des tempéroïdes que Mochizuki introduit dans [Mzk], afin d’énoncer le théorème 1.44 ([Mzk], Corollary ) selon lequel, sous certaines hypothèses que nous qualifierons de mochizukiennes, un graphe d’anabélioïdes est déterminé par le tempéroïde connexe qui lui est associé.
La partie se concentre sur les courbes -analytiques. Après avoir introduit dans 2.1 quelques notions de base sur les courbes -analytiques, nous définissons dans 2.2 la notion de triangulation, de triangulation généralisée, de squelette et de nœuds d’une courbe -analytique, en nous inspirant très largement de l’étude systématique des courbes analytiques entreprise par A. Ducros dans [Duc]. Cela nous permet d’associer à une courbe -analytique quasi-lisse munie d’une triangulation généralisée des graphe et semi-graphe d’anabélioïdes et que l’on définit à partir des revêtements modérés autour des points de la triangulation. La partie 2.3 est l’occasion de définir les revêtements tempérés ainsi que le groupe fondamental tempéré d’un espace strictement -analytique.
C’est dans ce nouveau cadre analytique que nous transposons, dans , les résultats anabéliens de Mochizuki de reconstruction d’un graphe d’anabélioïdes à partir du tempéroïde connexe associé. Nous entreprenons dans 3.1 la description du semi-graphe d’anabéloïdes . La description des composantes coronaires découle d’un résultat de Berkovich sur l’aspect kummérien des revêtements modérés des couronnes analytiques, tandis que la description des composantes sommitales, plus délicate, repose sur la trivialité des revêtements modérés des disques ([Ber]), mais également sur la description des revêtements autour d’un point. Nous introduisons pour cela la courbe résiduelle associée à un point de type , ainsi que des résultats assez fins de [Duc] sur les valuations associées aux branches et l’application bijective de l’ensemble des branches issues de sur l’ensemble des points fermés d’un ouvert de Zariski de la courbe résiduelle . La partie 3.2 consiste à comprendre sous quelles contraintes sur la courbe et la triangulation généralisée le graphe d’anabélioïdes vérifie l’ensemble des conditions mochizukiennes. Ces hypothèses étant malaisées à vérifier directement, nous nous servirons d’une remarque de Mochizuki ([Mzk], Example ) selon laquelle l’ensemble des hypothèses mochizukiennes sont vérifiées sous des conditions plus simples, et notre travail consiste alors à montrer sous quelles contraintes sur et ces conditions sont vérifiées par . Ces considérations nous amènent à définir l’ensemble des courbes -analytiquement hyperboliques (3.29), puis -analytiquement anabéliennes (3.56), avant d’énoncer et de prouver nos résultats.
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à Antoine Ducros pour sa disponibilité lors de nos échanges mathématiques et pour ses nombreuses idées et commentaires dont la pertinence a souvent éclairé des points qui m’étaient obscurs. Je tiens également à remercier Emmanuel Lepage dont vient l’idée de départ de cet article et des méthodes mises en œuvre, ainsi que Shinichi Mochizuki qui a pris le temps de répondre consciencieusement à certaines de mes questions.
1 Résultats de Mochizuki
Nous allons présenter le langage des semi-graphes d’anabélioïdes et de tempéroïdes utilisé par Mochizuki dans [Mzk], [Mzk] et [Mzk] .
Commençons par définir un semi-graphe qui consiste en une collection de données suivante :
-
•
un ensemble dont les éléments sont appelés sommets;
-
•
un ensemble dont les éléments sont appelés arêtes et consistent en des ensembles de cardinal au plus dont les éléments sont les branches, et tels que si : ;
-
•
une collection de flèches avec
Si pour une arête , une branche de et un sommet , on dira que (ou ) aboutit à . Un semi-graphe sera dit fini (resp. dénombrable) si les deux ensembles et sont finis (resp. dénombrables), et localement fini si pour chaque sommet l’ensemble des arêtes aboutissant à est fini. On parlera de graphe lorsque toutes les arêtes contiennent deux branches.
Un morphisme entre deux semi-graphes
est une collection d’applications , qui rend compatibles entre elles les collections et et telle que si l’arête de est envoyée sur l’arête de , alors on a une injection . Une arête de ne peut donc pas être envoyée sur une arête de qui a un nombre strictement inférieur de branches.
1.1 Le monde des anabélioïdes
Si est un groupe profini, nous noterons la catégorie des ensembles finis sur lesquels opère continûment (i.e. de manière à ce que les stabilisateurs des points soient des sous-groupes ouverts de ). Soit la catégorie des ensembles finis, et
le foncteur « oubli » défini en oubliant l’action de . Le foncteur est exact (i.e. commute aux colimites finies et limites finies) et conservatif (i.e. un morphisme de est un isomorphisme si et seulement si est un isomorphisme de ).
Rappelons (voir [Cad] ou [SGA], Exposé pour une exposition détaillée) qu’une catégorie est appelée catégorie galoisienne si elle est équivalente à une catégorie de la forme avec un groupe profini.
Grothendieck en donne également une caractérisation ne faisant appel à aucun groupe profini. Plus précisément, en vertu de [SGA] (Exposé , Th. ), une catégorie est galoisienne si elle seulement si elle vérifie les conditions suivantes :
-
•
les limites finies et les colimites finies existent dans ,
-
•
il existe un foncteur covariant qui est exact et conservatif,
-
•
tout morphisme de se factorise par où est un épimorphisme strict et un monomorphisme qui induit un isomorphisme sur un sommande direct de .
Un tel foncteur exact et conservatif est appelé un foncteur fondamental de la catégorie galoisienne . La donnée d’un foncteur fondamental permet de construire une équivalence de catégorie entre et où le groupe profini est défini par :
équivalence par laquelle le foncteur est identifié à .
Le groupe est appelé le groupe fondamental de la catégorie galoisienne munie du foncteur fondamental . Deux foncteurs fondamentaux sont toujours isomorphes, et un tel isomorphisme induit fonctoriellement un isomorphisme de groupes fondamentaux. Par ailleurs, tout automorphisme d’un foncteur fondamental induit un automorphisme intérieur du groupe fondamental. De là, la classe d’isomorphismes de ne dépend pas de , et nous pouvons considérer le groupe fondamental de , défini à unique isomorphisme extérieur près. C’est un groupe profini. Remarquons qu’une catégorie galoisienne est connexe puisqu’elle possède un objet final, la limite vide.
Afin de développer une intuition plus géométrique et d’être cohérent avec la philosophie anabélienne de Mochizuki nous conserverons la terminologie de [Mzk] en appelant anabélioïde connexe toute catégorie équivalente à une catégorie de la forme où est un groupe profini. Ainsi un anabélioïde connexe n’est autre qu’une catégorie galoisienne, mais dont les morphismes sont définis dans l’autre sens.
Définition 1.1.
Si et sont des anabélioïdes connexes, un morphisme d’anabélioïdes est défini comme étant un foncteur exact . Un isomorphisme d’anabélioïdes entre deux anabélioïdes connexes est un morphisme dont le foncteur correspondant est une équivalence de catégories.
Exemple 1.2.
Si et sont soit deux -schémas localement noethériens connexes non vides, soit deux bons espaces -analytiques connexes, la catégorie (resp ) des revêtements étales finis de (resp. de ) est une catégorie galoisienne, donc un anabélioïde connexe. Un morphisme de -schémas (ou d’espaces -analytiques) induit par changement de base un foncteur exact , i.e. un morphisme d’anabélioïdes , ce qui explique le choix de ce sens des flèches. Le groupe fondamental de l’anabélioïde connexe n’est autre que le groupe fondamental algébrique . Ainsi :
Remarque 1.3.
Les catégories galoisiennes sont des exemples de topoi élémentaires (qui ne sont cependant pas des topoi de Grothendieck), et le sens des flèches dans la définition des morphismes d’anabélioïdes connexes coïncide avec la convention pour les morphismes géométriques de topoi élémentaires.
Remarque 1.4.
La catégorie est l’exemple le plus simple d’anabélioïde connexe (obtenu en appliquant au groupe trivial). Cela nous permet de considérer les foncteurs fondamentaux entre catégories galoisiennes comme des « points fondamentaux » des anabélioïdes connexes pensés comme objets géométriques.
Définition 1.5.
Un point de base d’un anabélioïde connexe n’est autre qu’un morphisme d’anabélioïdes .
Remarque 1.6.
Si est une catégorie galoisienne, un foncteur exact de dans est conservatif, c’est-à-dire que c’est un foncteur fondamental. Par conséquent il existe une correspondance bijective entre les foncteurs fondamentaux de la catégorie galoisienne et les points de base de l’anabélioïde connexe . Si est un point de base de (considéré en tant qu’anabélioïde) et est le foncteur associé, on définit le groupe fondamental de l’anabélioïde muni de , noté , comme égal au groupe . La classe d’isomorphisme de ce groupe étant indépendante du choix du point de base, on pourra considérer qui sera défini à unique isomorphisme extérieur près.
Remarque 1.7.
Un foncteur qui définit une équivalence de catégories est nécessairement exact, par conséquent un isomorphisme d’anabélioïdes connexes n’est autre qu’une équivalence de catégories .
Définition 1.8.
Une catégorie est un anabélioïde si elle est équivalente à une catégorie produit
où est un ensemble fini et est un anabélioïde connexe pour tout . En d’autres termes, dans le langage de [SGA], un anabélioïde est une « catégorie multi-galoisienne ». Un morphisme d’anabélioïdes sera défini comme dans le cas connexe, c’est-à-dire comme un foncteur exact dans le sens opposé.
Remarque 1.9.
Les anabéloïdes forment une -catégorie. Si sont des -morphismes entre deux anabélioïdes et , un -morphisme est défini comme une transformation naturelle entre les foncteurs et .
Définition 1.10.
Soit une catégorie admettant les colimites finies, possédant ainsi un objet initial .
-
1.
Un objet différent de est dit connexe lorsqu’il n’existe pas dans d’écriture sous forme de coproduit avec pour .
-
2.
Pour tout objet de , une décomposition de est une écriture de la forme :
où est un ensemble fini, et . En particulier l’objet est connexe si et seulement si l’ensemble d’indexation de toute décomposition de est de cardinal .
-
3.
Lorsque est une catégorie galoisienne, alors cf. tout objet de peut être écrit :
où les sont des objets connexes tous distincts de . Cette décomposition est unique à permutations près, et les sont appelées les composantes connexes de .
Proposition 1.11.
Si est l’anabélioïde défini en 1.8, alors tout objet de admet, à permutations près, une unique décomposition de la forme :
où les sont des objets connexes, tous distincts de , et appelés les composantes connexes de .
Démonstration.
En tant que catégorie multi-galoisienne, admet les limites et colimites finies, d’où un objet final (resp. initial) noté (resp. ), unique à unique isomorphisme près, et défini comme la limite (resp. colimite) vide. Pour , notons et les objets initiaux et finals de l’anabélioïde connexe . Si , notons défini en prenant le produit de avec les pour . Si , notons la composante de sur selon la décomposition de sorte que . On a alors :
Par conséquent un objet de n’est connexe que s’il est de la forme pour un certain et objet connexe. En couplant ces considérations au résultat d’unicité de la décomposition d’un objet non vide (i.e. non initial) d’une catégorie galoisienne en somme finie d’objets connexes (cf. définition 1.10, ou [Cad], pour la preuve), on obtient l’unicité voulue : soit , , et formé des éléments tels que . Pour chaque , considérons la décomposition (unique à permutation près des facteurs) de en ces composantes connexes :
où est un ensemble fini et est un objet connexe, pour tout . Il est alors clair que s’écrit :
que tous les sont des objets connexes de , et que cette décomposition est unique à permutations près. ∎
Corollaire 1.12.
Si est l’anabélioïde défini en 1.8, alors l’ensemble fini et les anabélioïdes connexes (pour ) sont canoniquement déterminés par l’anabélioïde abstrait . Les sont appelées les composantes connexes de l’anabélioïde .
Démonstration.
Notons (rappelons qu’il est défini en prenant le produit de avec les pour ). Les sont des objets connexes de , et l’on obtient la décomposition :
Par la proposition 1.11 précédente, une telle décomposition est unique (à permutations des facteurs près). De là les sont entièrement déterminés par en tant que composantes connexes de l’élément final , de même que l’ensemble . Ainsi, pour chaque , l’anabélioïde connexe est déterminé tout aussi canoniquement par en tant que sous-catégorie pleine de formée des objets au-dessus de . ∎
Soit un anabélioïde et . Désignons par la catégorie des objets de au-dessus de , c’est-à-dire la catégorie dont les objets sont les flèches de , et dont les flèches entre et sont les -morphismes . Soit le foncteur défini en prenant le produit fibré avec .
Proposition 1.13 ([Mzk], Prop. ).
La catégorie est un anabélioïde, et le foncteur est exact, c’est-à-dire qu’il définit un morphisme d’anabélioïdes .
Remarque 1.14.
Les composantes connexes de l’anabélioïde sont ici en bijection avec les composantes connexes de en tant qu’objet de . Par conséquent est un anabélioïde connexe si et seulement si est lui-même un objet connexe.
Définition 1.15.
Un morphisme d’anabélioïdes est un revêtement fini étale s’il se factorise comme la composée d’un isomorphisme avec le morphisme où .
Remarque 1.16.
Un morphisme continu entre deux groupes profinis et induit naturellement un foncteur exact , c’est-à-dire un morphisme d’anabélioïdes . Un tel morphisme est un revêtement fini étale si et seulement si est une injection qui permet d’identifier à un sous-groupe ouvert de . Par ailleurs, tout revêtement fini étale d’anabélioïdes connexes peut être écrit sous cette forme sous un choix approprié des points de base à la source et au but.
Nous allons maintenant définir la notion de semi-graphe d’anabélioïdes introduite par Mochizuki dans [Mzk], qui est la transcription dans le langage anabélioïdique des semi-graphes de groupes profinis introduits par le même auteur dans [Mzk]. Nous introduirons ensuite la catégorie des recouvrements finis étales d’un tel semi-graphe qui permettra de définir ses revêtements finis étales.
Définition 1.17.
Un semi-graphe d’anabélioïdes (connexes) consiste en une collection de données suivante :
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•
un semi-graphe ;
-
•
pour chaque sommet , un anabélioïde connexe ;
-
•
pour chaque arête , un anabélioïde connexe ;
-
•
pour chaque branche d’une arête aboutissant à un sommet , un morphisme d’anabélioïdes , c’est-à-dire un foncteur exact .
Nous appellerons anabélioïdes constituants les différents anabélioïdes connexes et . Un semi-graphe d’anabélioïdes est dit connexe (resp. fini, dénombrable, localement fini) lorsque le semi-graphe sous-jacent est connexe (resp. fini, dénombrable, localement fini). Nous parlerons de graphe d’anabélioïdes lorsque sera un graphe.
Il y a une notion naturelle de morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes : un morphisme entre deux semi-graphes d’anabélioïdes et est la donnée :
-
•
d’un morphisme entre les semi-graphes associés : ,
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•
pour chaque sommet (resp. arête ) de envoyé sur un sommet (resp. ) de , des morphismes d’anabélioïdes et ,
-
•
un isomorphisme entre les morphismes d’anabélioïdes composés et (i.e un isomorphisme entre les foncteurs associés et définis dans l’autre sens) dès que est une branche aboutissant à .
Remarque 1.18.
Les -morphismes entre et forment de manière naturelle une catégorie ([Mzk], ), de sorte que l’on pourra parler de la -catégorie des semi-graphes d’anabélioïdes, notée . Soit la -catégorie dont les objets coïncident avec ceux de et dont les morphismes entre deux semi-graphes d’anabélioïdes et correspondent aux classes d’isomorphismes des -morphismes dans . On appellera la catégorie grossière des semi-graphes d’anabélioïdes.
D’après [Mzk] , si est un -morphisme localement ouvert entre deux semi-graphes d’anabélioïdes totalement détachés et sommitalement minces (ces notions seront définies dans la section 1.3, voir aussi [Mzk] pour localement ouvert), n’a aucun -automorphisme non trivial dans . De là, si l’on se restreint aux morphismes localement ouverts entre semi-graphes d’anabélioïdes totalement détachés et sommitalement minces, ces morphismes peuvent être considérés comme de simples morphismes de la catégorie plutôt que comme des -morphismes de la -catégorie . De là, dans ce cadre, le produit fibré de deux semi-graphes d’anabélioïdes et au-dessus d’un troisième est bien défini et existe dans la catégorie grossière . Hors de ce cadre, le produit fibré est à considérer au sens du -produit fibré dans la -catégorie . Remarquons néanmoins que les semi-graphes d’anabélioïdes que nous étudierons par la suite vérifieront les hypothèses mochizukiennes (voir section 1.3), en particulier les semi-graphes seront totalement détachés, sommitalement minces, et les morphismes localement ouverts, ce qui nous permettra en pratique de considérer le produit fibré (ou le changement de base) dans .
Définition 1.19.
Soit un semi-graphe d’anabélioïdes non vide ayant un nombre fini de composantes connexes.
Définissons la catégorie des recouvrements finis de , notée comme la catégorie dont les objets sont déterminés par la donnée de où :
-
•
pour chaque sommet ou arête , ,
-
•
pour chaque branche d’une arête aboutissant au sommet , est un isomorphisme dans ,
et dont les morphismes sont obtenus de manière naturelle à partir des morphismes au sein des différents anabélioïdes constituants de sorte que ces morphismes soient compatibles avec les différents .
Proposition 1.20 ([Mzk]).
La catégorie des recouvrements finis de est un anabélioïde, qui est connexe lorsque le semi-graphe d’anabélioïdes est lui-même connexe.
Lorsque est connexe, étant un anabélioïde connexe, il a un groupe fondamental.
Définition 1.21.
Si est un semi-graphe d’anabélioïdes connexe, son groupe fondamental, noté , est défini comme égal au groupe fondamental de l’anabélioïde connexe . Il est défini à unique isomorphisme extérieur près.
Considérons maintenant un semi-graphe d’anabélioïdes . Prenons et considérons le revêtement fini étale d’anabélioïdes . Alors les définitions précédentes impliquent que est exactement la catégorie des recouvrements finis (i.e. un ) d’un certain semi-graphe d’anabélioïdes équipé d’un morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes au-dessus d’un morphisme de semi-graphes qui est propre, c’est-à-dire qui préserve le nombre de branches des arêtes. Remarquons que est un semi-graphe connexe dès que et sont connexes.
Plus précisément, si est par exemple un sommet de , l’ensemble des sommets de au-dessus de correspond à l’ensemble des composantes connexes de , et l’anabélioïde connexe est isomorphe à où est la composante connexe de correspondant à .
Définition 1.22.
-
1.
Si est un semi-graphe d’anabélioïdes, un revêtement fini étale de est un morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes induit par le revêtement fini étale d’anabélioïdes pour un certain .
-
2.
Un morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes est dit localement trivial (resp. localement fini étale) si et seulement si les morphismes induits entre chaque anabélioïde constituant sont des isomorphismes (resp. sont finis étales).
1.2 Le monde des tempéroïdes
Nous allons ici décrire le langage des tempéroïdes introduit par Mochizuki dans [Mzk], qui permettra de définir le groupe fondamental tempéré d’un semi-graphe d’anabélioïdes, analogue dans un contexte beaucoup plus catégorique du groupe fondamental tempéré d’espaces analytiques que nous introduirons dans la suite.
Si est un groupe topologique, notons la catégorie dont les objets sont les ensembles dénombrables discrets munis d’une action continue (i.e. à stabilisateurs ouverts) de , et dont les morphismes sont les morphismes de -ensembles. Un objet de est connexe (au sens des catégories) si et seulement si l’action de est transitive sur . Soit la catégorie des ensembles dénombrables discrets.
Définition 1.23.
-
1.
Un groupe topologique est dit tempéré lorsqu’il peut être écrit comme une limite projective de groupes topologiques discrets dénombrables.
-
2.
Un tempéroïde connexe est défini comme un couple où :
-
•
est une catégorie équivalente à pour un certain groupe tempéré ,
-
•
est une classe d’isomorphismes de foncteurs conservatifs préservant les limites finies et les colimites dénombrables.
Les foncteurs dont la classe d’isomorphisme est sont appelés les foncteurs fibres de .
-
•
-
3.
Un tempéroïde est défini comme un couple où :
-
•
est une catégorie équivalente à une catégorie produit où est un ensemble dénombrable et est un tempéroïde connexe pour tout .
-
•
est la donnée des classes d’isomorphismes des foncteurs contenant les foncteurs se factorisant par les foncteurs fibres des , c’est-à-dire les composés :
pour et .
Les foncteurs dont la classe d’isomorphisme est dans sont appelés les foncteurs fibres de .
-
•
-
4.
Soient et des tempéroïdes. Un morphisme de tempéroïdes est défini comme un foncteur dans le sens opposé qui préserve les colimites dénombrables et les limites finies, et tel que
c’est-à-dire qui préserve les foncteurs fibres.
Remarque 1.24.
Soit un ensemble dénombrable et un tempéroïde connexe, pour tout . Considérons
Alors l’ensemble et les différents sont entièrement déterminés par tout entier. Les différents seront appelés les composantes connexes de . Ce résultat se montre comme dans 1.11 et 1.12, et découle de l’unicité de la décomposition en objets connexes de l’objet initial de .
Remarque 1.25.
Tout groupe profini est tempéré. Si est un groupe tempéré, alors sa topologie admet une base de sous-groupes ouverts distingués, et tout sous-groupe ouvert de est fermé et d’indice dénombrable. Si est un sous-groupe, alors l’ensemble muni de l’action à gauche de définit un objet de si et seulement si est ouvert dans . Par ailleurs est naturellement un tempéroïde connexe dont les foncteurs fibres sont définis comme l’ensemble des foncteurs isomorphes au foncteur oubli
Soit la classe d’isomorphisme de ces foncteurs fibres.
La définition que donne Mochizuki dans son article initial [Mzk] d’un tempéroïde connexe ne fait pas intervenir la classe d’isomorphisme de foncteurs fibres . Néanmoins, une telle définition est insuffisante pour définir correctement le groupe fondamental d’un tempéroïde connexe. Afin de pallier cet écueil Mochizuki introduit dans les corrections [Mzk’] la notion de Galois-dénombrable (Galois-countable), qui pour les groupes topologiques considérés est une condition d’existence d’une base dénombrable. Lorsque tous les groupes, tempéroïdes et semi-graphes d’anabélioïdes sont Galois-dénombrables, tous les résultats structuraux jusqu’à de [Mzk] restent vrai et le groupe fondamental tempéré est correctement défini. Néanmoins, dans notre cadre des courbes analytiques développé dans la partie 2, il n’est pas clair que les groupes tempérés (au sens de [And], voir 2.3) soient Galois-dénombrables. Cette condition de Galois-dénombrabilité peut cependant être contournée par la donnée d’une classe de foncteurs fibres, et notre cadre des semi-graphes d’anabélioïdes des courbes analytiques munies d’une triangulation fera naturellement apparaître une classe de foncteurs fibres géométriques (cf. 1.36).
En pensant aux tempéroïdes connexes comme à des analogues d’anabélioïdes connexes, stables par coproduits dénombrables et où les groupes prodiscret remplacent les groupes profinis, nous aimerions être capables de définir le « groupe fondamental » d’un tempéroïde connexe. La proposition suivante le permet :
Proposition 1.26 ([Mzk], Prop. 3.2).
Soient et deux groupes tempérés. Alors il y a une bijection naturelle entre les classes d’isomorphismes de morphismes de tempéroïdes connexes et l’ensemble des homorphismes continus extérieurs (i.e. l’ensemble des orbites de l’action de par conjugaison à droite sur l’ensemble des homomorphismes continus de dans ).
Remarque 1.27.
Deux morphismes de tempéroïdes sont dits isomorphes si les foncteurs associés sont isomorphes, c’est-à-dire s’il existe une transformation naturelle entre et dont tous les morphismes induits sont des isomorphismes.
Définition 1.28 (Groupe fondamental tempéré d’un tempéroïde connexe).
La proposition précédente permet d’affirmer que si est un tempéroïde connexe, alors tous les groupes tempérés tels que soit isomorphe à sont isomorphes entre eux (de façon canonique modulo les automorphismes intérieurs). Cela permet ainsi de définir le groupe fondamental tempéré de , noté
comme étant égal au groupe défini à unique isomorphisme extérieur près. Il s’agit donc d’un groupe tempéré, et l’on a dès que est un foncteur fibre de .
Nous allons maintenant introduire la notion de revêtement étale d’un tempéroïde, qui se définit de manière très analogue à celle de revêtement étale fini d’un anabélioïde.
Proposition 1.29.
Soit un tempéroïde et . Soit la catégorie des objets de au-dessus de , et l’ensemble des classes d’isomorphisme des foncteurs contenant ceux qui se factorisent par les foncteurs fibres de le long du foncteur canonique obtenu en oubliant la structure au-dessus de . Alors est un tempéroïde dont les composantes connexes correspondent aux composantes connexes de en tant qu’objet de . De plus, le foncteur défini en prenant le produit avec commute avec les limites finies et les colimites dénombrables et définit donc un morphisme de tempéroïdes :
Définition 1.30.
Un morphisme de tempéroïdes connexes est un revêtement étale s’il se factorise comme le composé d’un isomorphisme avec le morphisme où .
Si est une catégorie, nous noterons la catégorie formée à partir de dont les objets sont tous les coproduits dénombrables « formels » arbitraires d’objets de . Si et sont deux ensembles dénombrables d’indices, les morphismes sont définis de manière naturelle par :
Remarque 1.31.
Soit est un anabélioïde connexe muni d’un point de base défini par un foncteur fondamental . Ce foncteur se prolonge naturellement en un foncteur : . Alors est naturellement un tempéroïde connexe dont les foncteurs fibres sont définis comme les foncteurs de à isomorphes à . On appellera ce tempéroïde la tempérification de . En particulier, si est un groupe profini, on a une équivalence de catégories .
Définition 1.32.
Soit un semi-graphe non vide d’anabélioïdes.
Définissons la catégorie des recouvrements de , notée
comme la catégorie dont les objets sont déterminés par la donnée de où :
-
•
pour chaque sommet ou arête , ,
-
•
pour chaque branche d’une arête aboutissant au sommet , est un isomorphisme dans ,
et dont les morphismes sont obtenus de manière naturelle à partir des morphismes au sein des de sorte que ces morphismes soient compatibles avec les différents .
Remarque 1.33.
Nous avons implicitement utilisés dans la définition précédente le fait que les foncteurs se prolongent tout naturellement en des foncteurs : .
Considérons maintenant un semi-graphe d’anabélioïdes . Si , les définitions précédentes impliquent que la catégorie au-dessus de est exactement la catégorie des recouvrements (i.e. un d’un certain semi-graphe d’anabélioïdes équipé d’un morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes. Remarquons que est connexe dès que est connexe.
Définition 1.34.
Si est un semi-graphe d’anabélioïdes, un revêtement étale de est un morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes induit comme dans ce qui précède par un certain .
Par analogie avec le monde des revêtements finis de semi-graphes d’anabélioïdes nous aimerions pouvoir dire que est un tempéroïde connexe dès que est connexe. Or cela est faux généralement, et afin d’avoir des résultats similaires nous allons avoir besoin d’introduire une certaine catégorie de revêtements étales qui contiendra à la fois les revêtements finis et les revêtements étales triviaux (isomorphes à un coproduit dénombrable de copies de la base), et à laquelle il sera suffisant de se restreindre.
Si est un semi-graphe d’anabélioïdes, nous allons définir la catégorie des recouvrements tempérés de qui sera une sous-catégorie pleine de contenant les recouvrements finis . On aura ainsi des injections pleines :
Définition 1.35 (Revêtements tempérés).
Un recouvrement étale est dit tempéré si le revêtement étale de semi-graphes d’anabélioïdes auquel il donne lieu est tel qu’il existe un revêtement étale fini avec la propriété que pour chaque sommet ou arête de , la restriction de à trivialise la restriction de à . Cela revient à dire que par le changement de base le revêtement est trivial, c’est-à-dire isomorphe au coproduit d’un nombre dénombrable de copies de .
Un tel revêtement étale induit par un recouvrement tempéré sera appelé revêtement tempéré du semi-graphe d’anabélioïdes . La catégorie des recouvrements tempérés sera notée
Soit est un semi-graphe d’anabélioïdes. Si est une composante (sommet ou arête) du semi-graphe sous-jacent , tout foncteur fondamental de se prolonge en un foncteur conservatif et préservant les limites finies et colimites dénombrables
Définition 1.36.
Un foncteur fibre géométrique de dans est défini comme un foncteur composé
où est une composante de et un point de base de . Lorsque est connexe, tous les foncteurs fibres géométriques sont isomorphes.
Soit l’ensemble des foncteurs de dans isomorphes à un foncteur fibre géométrique.
Le prochain résultat, de [Mzk], nous montre que les revêtements tempérés sont suffisants dans la théorie des tempéroïdes, et assez riches pour pouvoir définir sous certaines hypothèses le groupe fondamental tempéré d’un semi-graphe d’anabélioïdes.
Proposition 1.37 (Groupe tempéré d’un semi-graphe d’anabélioïdes).
Soient et des semi-graphes d’anabélioïdes connexes, quasi-cohérents, totalement élevés, totalement détachés et sommitalement minces (ces notions seront définies dans la suite) . Alors :
-
1.
La catégorie munie de la classe d’isomorphisme de foncteurs fibres est un tempéroïde connexe, ce qui permet de définir le groupe fondamental tempéré du semi-graphe , noté
comme égal au groupe fondamental tempéré du tempéroïde connexe . On a donc une équivalence de catégories :
-
2.
L’injection pleine induit une injection de groupes topologiques
-
3.
Tout morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes induit un morphisme de tempéroïdes connexes . Par ailleurs si est un revêtement tempéré et si est cohérent, alors le morphisme induit est un revêtement étale.
Remarque 1.38.
Soit un semi-graphe d’anabélioïdes connexe, quasi-cohérent, totalement élevé, totalement détaché et sommitalement mince. Supposons également que chaque arête aboutit au moins à un sommet. Soit une famille de revêtements étales finis galoisiens de qui est cofinale (c’est-à-dire telle que si pour chaque est induit par un certain , alors la famille est cofinale dans ). Nous savons alors que le groupe profini peut être construit comme la limite projective :
Pour tout notons le « revêtement universel » de , i.e. le revêtement étale localement trivial de dont le semi-graphe sous-jacent correspond au revêtement universel du semi-graphe correspondant à . Le groupe est alors un groupe libre discret. Par ailleurs est un revêtement tempéré galoisien, dont le groupe de Galois s’insère dans une suite exacte :
La famille est un système projectif, et le groupe tempéré de peut être décrit de la manière suivante :
1.3 Hypothèses mochizukiennes
Avant d’énoncer le résultat fondamental sur les semi-graphes d’anabélïoides dont nous nous servirons dans la suite, nous allons tout d’abord avoir besoin de définir certaines notions que l’on qualifiera de mochizukiennes.
Si est un semi-graphe d’anabélïoides, notons et (ou ) les groupes fondamentaux des anabélioïdes connexes et dont on choisit des points de bases, pour chaque sommet et chaque branche d’une arête aboutissant à . La branche définit un morphisme de groupes (extérieur) . On dira que est de type injectif lorsque tous les morphismes de ce type sont injectifs. Si est de type injectif, nous continuerons à noter l’image de dans par , celle-ci étant définie à conjugaison près dans .
Définition 1.39.
Soit un semi-graphe d’anabélioïdes de type injectif. Un approximateur de sera défini comme un morphisme de semi-graphes d’anabélioïdes au-dessus d’un même semi-graphe tel que est de type injectif et :
-
1.
il existe un entier tel que pour tout sommet de le groupe soit fini de cardinal ;
-
2.
si est une arête ou un sommet de , alors le morphisme de groupes induit par le morphisme d’anabélioïdes est surjectif.
Définition 1.40.
Un groupe profini est dit mince lorsque le centralisateur de tout sous-groupe ouvert de est trivial.
Remarque 1.41.
Un groupe profini est mince si et seulement si le centre de tout sous-groupe ouvert est trivial. En effet la nécessité de cette condition est évidente, tandis que l’autre sens se montre comme suit : si est un sous-groupe ouvert et , alors le sous-groupe engendré par et est ouvert et est dans son centre, donc trivial par hypothèse.
Définition 1.42.
Soit un semi-graphe d’anabélioïdes de type injectif de semi-graphe sous-jacent .
-
1.
est dit totalement détaché lorsque, pour tout sommet auquel une branche aboutit, est d’ordre infini et pour tout :
-
i)
l’intersection est triviale dans si
-
ii)
l’intersection est triviale dans si est une branche différente de aboutissant à .
-
i)
-
2.
est dit totalement élevé si pour tout sommet de et pour tout entier il existe un approximateur et un sous-groupe d’ordre tel que dans l’intersection soit triviale pour toute branche aboutissant à .
-
3.
est dit sommitalement mince si pour tout sommet de l’anabélioïde connexe est mince, c’est-à-dire si est un groupe mince.
Les définitions précédentes étant de nature locale, nous allons donner une dernière définition de nature plus globale, celle que quasi-cohérence.
Définition 1.43.
Un semi-graphe d’anabélioïdes de type injectif sera dit quasi-cohérent lorsque pour tout entier et toute collection de revêtements finis étales de degrés (où décrit toutes les composantes du graphe , ie. l’ensemble des arêtes et des sommets), il existe un approximateur tel que, pour toute composante de , le tiré en arrière à du « revêtement universel » de (ie. le revêtement fini étale déterminé par le sous-groupe trivial de ) trivialise .
sera dit cohérent s’il est quasi-cohérent et que, pour chaque composante de , le groupe profini est topologiquement finiment engendré.
1.4 Reconstruction du semi-graphe sous-jacent d’un tempéroïde
Nous allons énoncer un résultat de Mochizuki, fondamental dans la suite de ce texte, qui justifie l’usage que l’on fait des semi-graphes d’anabélioïdes. Il faut le voir comme une version faible de [Mzk] , Corollary 3.9.
Mochizuki définit les morphismes quasi-géométriques de tempéroïdes puis énonce un résultat général important qui donne sous certaines hypothèses une correspondance entre les morphismes localement ouverts de semi-graphes d’anabéloïdes et les morphismes quasi-géométriques des tempéroïdes correspondants. Il n’est cependant pas nécessaire ici de définir les morphismes quasi-géométriques car nous utiliserons une version plus faible de son résultat. En effet, en remarquant que tout isomorphisme de tempéroïdes est quasi-géométrique, on obtient le résultat suivant :
Théorème 1.44 (Reconstruction du semi-graphe d’anabélioïdes sous-jacent, [Mzk] (Corollary 3.9)).
Soient et des graphes d’anabélioïdes connexes, de type injectif, quasi-cohérents, totalement élevés, totalement détachés et sommitalement minces. Alors en appliquant on obtient une bijection naturelle entre les isomorphismes de semi-graphes d’anabélioïdes et les isomorphismes de tempéroïdes connexes
2 Courbes analytiques et semi-graphes d’anabélioïdes associés
2.1 Courbes -analytiques
Soit un corps non archimédien complet algébriquement clos. Le corps résiduel peut être a priori de caractéristique nulle. Désignons par l’exposant caractéristique de , i.e. sa caractéristique si elle est non nulle et sinon. Nous travaillerons dans la suite avec la notion d’espace analytique au sens de Berkovich introduite dans le livre fondateur [Ber]. En particulier un espace de Berkovich sera localement compact et localement connexe par arcs.
Nous désignerons par courbe -analytique tout espace -analytique séparé dont toutes les composantes connexes sont de dimension -analytique égale à . D’après [Ber] nous savons que les courbes -analytiques ont localement l’allure d’ « arbres réel » et sont localement simplement connexes, ce qui nous permettra d’y appliquer la théorie du groupe fondamental topologique et du revêtement universel. Si est une courbe -analytique, en reprenant les définitions de [Ber] ou [Duc], nous parlerons des points de type , , ou . Pour notons l’ensemble des points de de type . Alors et forment une partition de . Notons également l’ensemble des points rigides de . Nous avons puisque est supposé algébriquement clos.
-
1.
Droites -analytiques affine et projective
-
•
La droite affine -analytique, , est la courbe -analytique connexe, sans bord et lisse dont les points sont les semi-normes multiplicatives sur l’anneau de polynômes qui étendent la norme de . Elle est recouverte par les domaines affinoïdes de la forme :
définis par la condition (voir [Ber] pour la définition de domaine affinoïde, de et du spectre analytique d’une -algèbre de Banach ).
-
•
La droite projective -analytique, , est la courbe -analytique propre (compacte et sans bord), connexe et lisse dont les points sont les semi-normes multiplicatives sur l’anneau des polynômes vérifiant pour au moins un , modulo la relation d’équivalence qui identifie deux semi-normes et si et seulement s’il existe tel que l’on ait pour tout polynôme homogène de degré .
Soit le point de défini par la relation : . On a un isomorphisme d’espaces -analytiques
donné par : pour tout .
En reprenant les notations de [Duc], pour tout couple , notons le point de (identifié à ) défini par :
Comme est algébriquement clos, points rigides et points de type coïncident, et correspondent aux « évaluations » en , , données par . Si , est de type si et seulement si , dans le cas contraire il est de type . Il existe également des points de type dès que n’est pas sphériquement clos, ce qui est le cas par exemple pour .
Il existe une métrique naturelle sur l’ensemble des points de type et de , invariante sous le groupe des automorphismes (-analytiques) de . Elle est définie par la formule suivante :
-
•
-
2.
Disques et couronnes -analytiques
Si est un intervalle compact de , notons la courbe -analytique associée à l’algèbre affinoïde
Si sont des intervalles compacts de , il y a un morphisme naturel qui identifie à un domaine analytique de . Si est un intervalle arbitraire de , on définit
où décrit les intervalles compacts de . Il aurait été possible et équivalent de définir comme le domaine analytique de défini par la condition . Une couronne désignera une courbe -analytique isomorphe à pour un certain intervalle de . Les couronnes sont en particulier des courbes quasi-lisses (nous utilisons ici la terminologie de [Duc18]), lisses dans le cas ouvert.
Définition 2.1 (Module d’une couronne -analytique).
Si est un intervalle de , le module de la couronne est défini comme la quantité :
Le module d’une couronne -analytique , noté , est défini comme le module de pour tout intervalle de tel que l’on ait un isomorphisme . Par cohérence avec la définition donnée de la métrique sur , la longueur d’une couronne sera définie comme : .
Si et vérifient , alors correspond au module de l’unique couronne ouverte dont le bord est constitué des deux points et .
Remarque 2.2.
Si et sont deux intervalles de , les couronnes et sont isomorphes si et seulement si . Par conséquent la définition ci-dessus du module d’une couronne ne dépend pas a posteriori du choix de l’intervalle .
Nous appellerons disque toute courbe -analytique isomorphe au domaine analytique de définit par les conditions ou pour un certain . Les disques sont en particulier des courbes quasi-lisses, lisses dans le cas ouvert.
Définition 2.3 (Revêtement étale modéré d’un espace analytique et groupe fondamental modéré).
-
•
Soit un morphisme étale entre deux espaces analytiques. Si , est dit modéré en si l’entier est premier à , où est une clôture galoisienne de . On dit que est modéré s’il l’est en tout point .
Un tel morphisme modéré est un revêtement modéré de X lorsque est recouvert par des ouverts avec et chaque est fini étale (voir la notion de covering space de [DJg]).
Nous noterons la catégorie des revêtements modérés finis de .
-
•
Lorsque est connexe est une catégorie galoisienne (et a fortiori un anabélioïde connexe) dont nous noterons le groupe fondamental et qui sera appelé le groupe fondamental modéré de . En particulier la catégorie sera équivalente à la catégorie des ensembles finis munis d’une action continue de .
Remarque 2.4.
Cette définition de morphisme modéré est légèrement différente de la notion de « tame morphism » que Berkovich introduit dans [Ber] en imposant seulement que soit premier avec . Notre nouvelle définition a l’avantage d’être plus maniable. Attention à ne pas penser qu’être modéré pour en signifierait que l’extension devrait être modérément ramifiée. Une telle définition serait moins restrictive (puisque est automatiquement modérément ramifiée dès que est premier avec , ce qui est en particulier le cas lorsque est premier avec ).
Si est un point d’une courbe analytique , l’ensemble des branches de en est défini par :
où décrit l’ensemble des voisinages ouverts de . Si est un voisinage ouvert de , est défini comme l’image de dans . Une section de est un pour un certain voisinage ouvert de .
Définition 2.5 (Degré d’un morphisme fini et plat).
Soit un morphisme fini et plat entre espaces -analytiques, et .
-
•
Si est un domaine affinoïde de contenant , son image réciproque est un domaine affinoïde de dont l’algèbre des fonctions est un -module fini et localement libre; si est connexe le rang de ce module est bien défini et ne dépend pas du choix de . On l’appellera le degré de au-dessus de , et on le notera . La fonction est localement constante sur , ce qui permet sans ambiguïté de définir dès que est supposé connexe et non vide.
-
•
Supposons que et sont des courbes -analytiques, et soit . Comme induit une application naturelle , il est loisible de considérer l’ensemble . Si , considérons un voisinage ouvert de dans qui est un arbre tel que soit une réunion disjointe (finie) d’arbres qui sépare les antécédents de . Soit la composante connexe de correspondant à . Le morphisme est alors fini et plat, et son degré ne dépend pas du choix de . On le note alors : .
Remarque 2.6.
Lorsque est un bon espace (i.e. que chaque point de possède un voisinnage -affinoïde), alors l’est aussi, et dans ce cas n’est rien d’autre que le rang du -module libre . C’est le cas en particulier dès que est une courbe -analytique en vertu de la proposition de [Duc] selon laquelle toute courbe -analytique est un bon espace.
Un morphisme entre deux espaces -analytiques est dit totalement déployé en si pour tout , le morphisme est un isomorphisme. Lorsque est de degré , est totalement déployé en si et seulement si la fibre est de cardinal , ce qui revient à dire que est localement au voisinage de un revêtement topologique (cf. [And], III.).
2.2 Squelette, triangulation et noeuds d’une courbe -analytique
Définition 2.7.
Soit une courbe -analytique quasi-lisse :
-
1.
Le squelette analytique de , noté , est défini comme l’ensemble des points de qui n’appartiennent à aucun disque analytique ouvert.
-
2.
Un voisinage totalement découpé autour de est un voisinage ouvert de tel que l’application soit bijective et que toute composante connexe de soit une couronne ou un disque.
Si est surjective, alors d’après les théorèmes et de [Duc] nous savons qu’il existe une rétraction par déformation . En particulier a le type d’homotopie de .
Remarque 2.8.
Un point de type ou d’une courbe -analytique quasi-lisse admet toujours un voisinage totalement découpé :
-
•
Si , admet un voisinage ouvert totalement découpé qui est une couronne telle que et dont l’adhérence dans est un arbre compact. En outre est de type si , de type (avec ) si et n’est pas un point isolé, et lorsque est un point isolé de (cf. [Duc], Théorème ).
-
•
Si , un voisinage de totalement découpé peut être choisi tel que son adhérence est un arbre compact et que est réunion disjointe de disques et d’un nombre fini de couronnes. Cela peut être vu comme une conséquence observée par Berkovich du théorème de réduction semi-stable. Néanmoins, nous nous servirons plutôt de [Duc] où l’auteur propose un cheminement « dans l’autre sens » , c’est-à-dire en partant de l’étude locale pour arriver au théorème de réduction stable. La remarque ci-dessus découle alors de [Duc], Théorème 4.5.4.
Remarque 2.9.
Dans [Duc] l’auteur utilise le terme de « graphe » même lorsqu’une arête est « ouverte » au sens où elle ne contient qu’une branche. Néanmoins, dans ce texte, afin d’être cohérent avec le langage de Mochizuki, nous différencierons un graphe (toutes les arêtes ont branches) d’un semi-graphe (les arêtes peuvent avoir également ou branche). D’après [Duc], Théorème 5.1.11, le squelette analytique d’une courbe analytique quasi-lisse est un semi-graphe localement fini contenu dans et qui contient le bord analytique de . Si rencontre chaque composante connexe de , alors c’est un semi-graphe analytiquement admissible dans le sens de [Duc], c’est-à-dire que c’est un sous-semi-graphe fermé de dont toute composante connexe du complémentaire est un disque relativement compact dans .
Définition 2.10 (Squelette tronqué).
Soit est une courbe -analytique quasi-lisse. Nous savons que est un semi-graphe (cf. remarque 2.9 ci-dessus). Notons , appelé le squelette analytique tronqué de , le plus grand sous-graphe de . Il est obtenu à partir de en retirant les arêtes qui ont strictement moins de deux branches aboutissant à des sommets.
Une interprétation du squelette tronqué en terme de composantes relativement connexe sera donnée dans la suite de ce texte. Cette définition est cohérente avec celle de squelette tronqué d’une triangulation que nous donnons en 2.19.
Définition 2.11.
Si est une couronne -analytique, un domaine analytique de est une sous-couronne de s’il peut être défini comme l’image réciproque selon la rétraction d’un sous-intervalle non vide de . On a dans ce cas .
Remarque 2.12.
Il y a un homéomorphisme naturel dès que est un intervalle de . En particulier si est une couronne admet une compactification topologique canonique dont les éléments n’appartenant pas à sont appelés les bouts de .
Définition 2.13 (Triangulation).
Soit une courbe -analytique quasi-lisse. Nous appellerons triangulation de tout sous-ensemble discret et fermé dans tel que toute composante connexe de soit un disque relativement compact ou une couronne -analytique.
Remarque 2.14.
Attention, notre définition de triangulation diffère de celle que Ducros donne dans [Duc] dans la mesure où celui-ci exige que les composantes connexes de soient relativement compactes. L’écart que nous prenons vis-à-vis de cette définition en autorisant les couronnes qui apparaissent parmi ces composantes à ne pas être relativement compactes nous permettra notamment de traiter le cas des courbes non compactes. Ducros autorise également des points rigides dans sa définition de triangulation, tandis que nous nous restreignons ici aux triangulations constituées uniquement de points de type ou . Cette restriction permettra une bonne description des composantes sommitales du graphe d’anabélioïdes que l’on associera à une triangulation (voir 3.1.5). Remarquons que dans le cas où est une courbe -analytique compacte, squelette et squelette tronqué coïncident.
Remarque 2.15.
Si est strictement -analytique et si la valuation sur n’est pas triviale, alors possède au moins une triangulation constituée uniquement de points de type ([Duc], Théorème 5.1.14).
Définition 2.16 (Nœuds d’un sous-semi-graphe).
Soit un sous-semi-graphe localement fini de . Si , le genre de , noté , est défini comme égal à si est de type ou , et comme étant le genre de la courbe résiduelle (que nous définirons dans la section 3.1.4) si est de type . En reprenant les notations de [Duc] nous dirons qu’un point est un nœud de s’il satisfait l’une au moins des conditions suivantes :
-
1.
est un sommet topologique de de valence
-
2.
-
3.
Remarque 2.17.
Nous savons d’après [Duc] () que si , il y a au plus deux branches de issues de , avec égalité si et seulement si est intérieur. Il est possible également que soit vide, cela se produit si et seulement si est un point isolé de . Si , on en déduit que est un nœud de si et seulement si .
Remarque 2.18.
Soit une courbe -analytique connexe, quasi-lisse, non vide et son squelette dont on note l’ensemble des nœuds. Lorsque est non vide, les composantes connexes relativement compactes de sont des couronnes ou des disques (ce n’est plus le cas cependant lorsque est vide, par exemple pour une courbe de Tate). Si les composantes connexes non relativement compactes de sont des couronnes, alors est une triangulation de . En revanche il se peut que certaines composantes non relativement compactes ne soient pas des couronnes, auquel cas ne constitue pas une triangulation de . Cela se produit typiquement lorsqu’on enlève un point de type à une courbe -analytique quasi-lisse de squelette analytique non vide. Si désigne la rétraction canonique de sur , enlever revient à rajouter l’arête ouverte : . Or n’a aucune raison d’être une couronne. Cela nous amène à définir la notion de triangulation généralisée :
Définition 2.19 (Triangulation généralisée et squelettes associés).
-
1.
Soit une courbe -analytique quasi-lisse. Nous appellerons triangulation généralisée de tout sous-ensemble discret et fermé dans tel que toute composante connexe relativement compacte de soit un disque ou une couronne et tel que toute composante connexe non relativement compacte de s’écrive où le squelette analytique est un intervalle tracé sur constitué de points intérieurs de genre nul.
-
2.
Si est une triangulation généralisée de , la réunion de et des squelettes des composantes connexes de qui sont des couronnes relativement compactes est un sous-graphe localement fini et analytiquement admissible de tracé sur . Le graphe sera alors appelé le squelette tronqué de la triangulation .
-
3.
Si est une triangulation généralisée de , la réunion de et des squelettes des composantes connexes de qui ne sont pas des disques est un semi-graphe localement fini tracé sur . Le semi-graphe sera alors appelé le squelette de la triangulation généralisée . Il est obtenu à partir du squelette tronqué , qui est un graphe, en ajoutant des arêtes ouvertes qui sont exactement les squelettes analytiques des composantes connexes non relativement compactes de .
Remarque 2.20.
Toute triangulation de est un cas particulier de triangulation généralisée, et ces deux notions coïncident dans le cas où est compacte. Avec les notations précédentes, constitue toujours une triangulation généralisée de , de squelette . Réciproquement, si est une triangulation généralisée de et que et désignent les squelette et squelette tronqué, alors contient tous les noeuds de ([Duc], Théorème ). En revanche il se peut qu’un nœud de ne soit pas un nœud de , cela se produit lorsque est dans l’intérieur de , de genre , que est de valence dans tout en étant un sommet de valence dans , autrement dit si parmi les composantes connexes de issues de il y en a exactement deux qui sont des couronnes relativement compactes, et au moins une qui est non relativement compacte.
Remarque 2.21.
Un point de qui est unibranche dans est un nœud de si et seulement s’il est soit de genre strictement positif, soit appartient au bord analytique de . Cette définition diffère légèrement de celle de [Duc], cet écart nous permettant simplement d’alléger par la suite certains énoncés et d’affirmer qu’une triangulation généralisée non réduite à un singleton d’une courbe -analytique est minimale si et seulement si elle est constituée exactement des nœuds de son squelette, comme nous le montre la proposition suivante.
Proposition 2.22 (Points superflus d’une triangulation généralisée, cf. [Duc], pour le cas compact).
Soit une courbe -analytique quasi-lisse et une triangulation généralisée de dont on note le squelette. Soit et , notons la composante connexe de contenant . Le sous-ensemble est une triangulation généralisée si et seulement si les trois conditions suivantes sont satisfaites :
-
i)
-
ii)
-
iii)
est un intervalle ouvert ou bien un intervalle semi-ouvert d’extrémité .
Si est une triangulation généralisée de de squelette , nous savons d’une part que contient tous les nœuds de , d’autre part que contient le squelette analytique de . Par conséquent toute triangulation généralisée de contient les nœuds de . Voici un résultat de minimalité de triangulation pour les courbes compactes :
Proposition 2.23 ([Duc], ).
Soit une courbe -analytique quasi-lisse, connexe et compacte. Soit l’ensemble (potentiellement vide) des nœuds de . Trois cas sont possibles :
-
1.
est non vide : ce cas se présente si et seulement si possède une plus petite triangulation, auquel cas cette triangulation coïncide avec . Si et si est strictement -analytique, alors est une triangulation de type .
-
2.
est non vide mais est vide : cela se produit si et seulement si est une courbe de Tate, i.e. isomorphe à un quotient de la forme pour un certain vérifiant (cela n’est possible que lorsque est non trivialement valué). Dans ce cas est un cercle, et les triangulations minimales de sont les singletons avec . possède donc une infinité de triangulations minimales, dont une infinité sont de type .
-
3.
est vide : cela se présente si et seulement si . Dans ce cas les triangulations minimales sont les singletons avec . La courbe possède donc une infinité de triangulations minimales, dont une infinité sont de type dès que .
2.2.1 Semi-graphe d’anabélioïdes d’une triangulation généralisée
Nous allons maintenant associer à une triangulation généralisée un graphe d’anabélioïdes. Fixons pour la suite de cette partie une courbe -analytique connexe, quasi-lisse et non vide munie d’une triangulation généralisée . Commençons par lui associer un graphe (resp. semi-graphe) qui n’est autre que l’analogue du squelette tronqué (resp. squelette) de la triangulation généralisée S.
Notons (respectivement ) l’ensemble des composantes connexes de qui sont des couronnes relativement compactes (respectivement des composantes non relativement compactes) et l’ensemble des composantes connexes de qui sont des disques. Si , l’inclusion s’étend à la compactification naturelle (cf. 2.12) en une application (mais celle-ci n’est pas forcément injective, en particulier si la couronne « boucle sur elle-même », i.e. si est homéomorphe à un cercle).
Définition 2.24.
-
1.
Le graphe localement fini associé à la triangulation généralisée , noté , est défini par :
-
•
ses sommets correspondent aux éléments de ;
-
•
ses arêtes correspondent aux éléments de : si est une arête nous désignerons par la couronne associée, étant alors définie comme l’ensemble constitué des deux bouts de ;
-
•
les branches (au sens des semi-graphes) d’une arête correspondent aux bouts (au sens -analytique) de , et une branche de aboutit à .
-
•
-
2.
Le semi-graphe localement fini associé à la triangulation généralisée , noté , est défini par :
-
•
ses sommets et ses arêtes fermées (c’est-à-dire contenant deux branches) correspondent exactement à ceux de ;
-
•
ses arêtes ouvertes (contenant une seule branche) correspondent aux éléments de , i.e. aux arêtes non relativement compactes : si est une telle arête nous désignerons par la composante associée, étant alors définie comme le singleton constitué de l’unique bout de correspondant à son bord topologique dans ;
-
•
l’unique branche d’une arête ouverte correspondant à une composante aboutit au sommet de qui correspond au bord topologique de dans .
-
•
Si , définissons comme l’image de l’application naturelle : . Soit le revêtement topologique universel de , et l’ensemble des préimages des éléments de . Définissons :
Définition 2.25 (Graphe d’anabélioïdes associé à une triangulation généralisée).
Le graphe (resp. le semi-graphe ) peut être enrichi en un graphe d’anabélioïdes (resp. semi-graphe d’anabélioïdes) que l’on notera
et qui sera défini par :
-
•
si est un sommet,
-
•
si est une arête,
-
•
si est une branche de aboutissant à , alors
est défini par le foncteur exact induit naturellement par l’unique plongement qui relève à le plongement naturel et selon lequel le relevé de la branche aboutit à .
Remarque 2.26.
Le graphe prend en compte uniquement les couronnes relativement compactes (i.e. les éléments de ) parmi les arêtes qui apparaissent comme composantes connexes de . Néanmoins la situation est différente pour le graphe d’anabélioïdes , dont est le graphe sous-jacent : la définition même de l’anabélioïde connexe associé à un sommet permet de garder une trace des composantes non relativement compactes (i.e. des éléments de ) issues de ce sommet.
Remarque 2.27.
Le passage par le revêtement topologique universel dans la définition de l’étoile implique que si une couronne « boucle sur » (ses deux bouts sont constitués du sommet ), elle apparaît deux fois dans via ses deux branches. Sans un tel recours au revêtement universel le graphe d’anabélioïdes ne saurait être totalement détaché. La compatibilité de avec les hypothèses mochizukiennes sera investi dans la section 3.2.
2.2.2 Revêtements de Kummer, -torseurs et cochaînes harmoniques
Si est un espace -analytique et si est un entier inversible dans , la suite exacte de Kummer sur
induit une injection
dont on notera on notera l’image. Nous savons d’après [Ber] que tout faisceau étale localement constant sur est représentable, ce qui est en particulier le cas de tout -torseur. Par conséquent classe tous les -torseurs étales analytiques sur à isomorphisme près. Si son image dans par correspond à . Les éléments de vus comme -torseurs étales analytiques seront appelés les -torseurs de Kummer.
Exemple 2.28.
Si est un intervalle non vide de , la fonction induit un revêtement fini et plat (en fait étale modéré) qui permet d’identifier au -torseur de Kummer , où est la coordonnée standard de .
Proposition 2.29 ([Duc], et ).
Soit une -couronne :
-
1.
Si est une sous-couronne de (voir définition 2.11), l’injection de dans induit un isomorphisme de groupes :
-
2.
Comme est -divisible (puisque est supposé algébriquement clos), est isomorphe à . Cet isomorphisme est non canonique mais le devient dès que l’on fixe une orientation de .
-
3.
Toute composante connexe d’un -torseur de Kummer de est une couronne.
Définition 2.30 (Cochaînes harmoniques sur un semi-graphe localement fini).
Soit un semi-graphe localement fini et un groupe abélien. Une -cochaîne harmonique sur est une application : satisfaisant les deux propriétés suivantes :
-
1.
si et correspondent à la même arête munie de ses deux orientations distinctes : .
-
2.
si est un sommet de :
L’ensemble des -cochaînes harmoniques de forme un groupe abélien noté .
Lemme 2.31.
Soit un semi-graphe connexe, et , et trois arêtes ouvertes distinctes de , orientées vers le sommet auquel elles aboutissent. Soit un groupe commutatif et . Alors il existe au moins un élément tel que et . On peut par ailleurs imposer pour toute autre arête ouverte de .
Démonstration.
Soient et les sommets auxquels aboutissent et ( et ne sont pas forcément distincts). Il existe des suites finies et de sommets de distincts et consécutifs, de telle sorte qu’il existe des arêtes orientées (resp. ) de reliant à (resp. à ) et orientées vers (resp. ). Soit (resp. ) défini par pour tout et nul sur les autres arêtes (resp. pour tout et nul sur les autres arêtes). Alors la cochaîne harmonique vérifie les propriétés requises. ∎
Soit une courbe -analytique, le morphisme du site étale vers le site topologique et un entier premier à . La suite spectrale
induit la suite exacte :
(1) |
Par ailleurs, si la courbe est supposée lisse (i.e. quasi-lisse et sans bord), si est une triangulation généralisée de de squelette , comme est algébriquement clos on a la suite exacte suivante (cf. [Duc], ) :
(2) |
où le groupe est défini comme suit :
-
•
si est de type alors est trivial;
-
•
si est de type alors est le groupe de -torsion des -points de la jacobienne de la courbe résiduelle (cf. 3.1.4).
Remarque 2.32.
Ducros obtient la suite exacte 2 dans [Duc], en se plaçant dans le cadre d’une vraie triangulation. Néanmoins, son raisonnement reste valable dans notre cadre des triangulations généralisées. En effet, on remarque qu’une telle suite exacte appliquée à une rabotée de (voir la définition 3.3, est alors une vraie triangulation de ) ne dépend pas du choix de : deux rabotées différentes donneront deux suites exactes isomorphes, ce qui permet d’étendre de telles suites exactes à tout entier.
Quelque soit le type du point , le groupe est isomorphe (non canoniquement en général) à . La combinaison des deux suites exactes 1 et 2 et le fait que soit homotope à mène au résultat suivant :
Proposition 2.33.
On a le diagramme suivant, dont la ligne et la colonne sont exactes :
2.2.3 Revêtements sauvages et condition de déploiement
Supposons dans cette sous-section que est de caractéristique nulle et , où désigne la caractéristique résiduelle de . Supposons la norme sur normalisée de telle sorte que .
Lemme 2.34.
Soient et deux racines -ièmes de l’unité distinctes dans (supposé algébriquement clos). Alors .
Démonstration.
Soit le -ième polynôme cyclotomique, où désigne l’ensemble des racines primitives -ièmes de l’unité dans . L’évaluation en donne : Pour décrivant tous les ont la même norme en tant que conjuguées par . De là on déduit que , puis on obtient le résultat en remarquant que la multiplication par n’importe quelle racine -ième de l’unité est une isométrie de . ∎
La proposition suivante, donnant les ensembles de déploiement du -torseur donné par la fonction , sera importante dans la suite du texte.
Proposition 2.35.
Si , le revêtement étale est totalement déployé au-dessus du point vérifiant si et seulement si : . Plus précisément, l’image réciproque de contient :
-
•
un seul élément quand
-
•
éléments quand avec ;
-
•
éléments quand
Démonstration.
Soit le revêtement donné par . Soit et vérifiant (de telle sorte que ).
Afin de calculer , remarquons que pour tout polynôme :
Comme est algébriquement clos, il existe tel que , d’où l’on obtient .
Afin de calculer , remarquons que , et :
où l’on pose , avec :
Ainsi . Puisque l’on a supposé , alors on obtient , soit :
De là :
Cherchons maintenant les préimages par de , où . Posons :
D’après ce qui précède, si désigne une racine -ième de , alors :
et est constituée de tous les conjugués de pour . De là :
Puisque , on a dès que , d’après le lemme 2.34. On en déduit que a un unique élément si , sinon.
Dans le cas général, avec , un raisonnement par récurrence sur permet de conclure.
∎
Corollaire 2.36.
Soit une couronne -analytique ouverte de module fini, que l’on peut supposer être un domaine analytique de . Soit son squelette analytique, avec , et . Si et est tel que
il existe un -torseur analytique tel que :
-
•
l’ensemble des points de en lesquels n’a qu’un seul antécédent est , en particulier est non déployé au dessus de ,
-
•
est totalement déployé sur un voisinage ouvert de l’extrémité donnée par ; plus précisément est totalement déployée au-dessus de où est tel que .
Remarque 2.37.
Avec les notations ci-dessus, si correspond au torseur , l’unique antécédent de est un « point de branchement » de , c’est-à-dire que c’est un nœud de . La condition implique que l’on peut prendre arbitrairement proche de .
Démonstration.
Si désigne un intervalle de , notons le domaine analytique de défini par la condition , c’est une couronne. Par ailleurs si est un autre intervalle de , et sont isomorphes si et seulement si . Par conséquent la couronne est isomorphe à pour un intervalle ouvert vérifiant , (car est supposée de longueur finie), et tel que via cet isomorphisme le bout corresponde à .
Posons :
On a alors
et
Ainsi, par construction, est isomorphe à la couronne , d’où un isomorphisme
qui identifie et respectivement à et . Notons la rétraction de sur son squelette analytique .
La proposition 2.35 nous indique que le -torseur vu comme revêtement de (on le restreint à ) est :
-
•
totalement déployé au-dessus de
-
•
non déployé avec un seul antécédent au-dessus de
ce qui permet de conclure. ∎
2.3 Groupe fondamental tempéré d’une courbe analytique
Soit un corps valué non archimédien complet et l’exposant caractéristique de son corps résiduel. Soit un espace strictement -analytique quasi-lisse et connexe muni d’un point géométrique (i.e. un point défini sur une extension complète et algébriquement close de ). Nous allons définir les revêtements tempérés de ainsi que le groupe fondamental tempéré de en , notions introduites par Yves André dans [And] . Ce dernier se place dans le cadre d’un sous-corps complet de (en désignant par la complétion d’une clôture algébrique fixée de ). Or ces définitions s’étendent verbatim à tout corps non archimédien, ce que nous nous permettrons de faire librement dans la suite.
Rappelons que De Jong définit dans [DJg] un revêtement étale d’espaces -analytiques comme étant localement sur la base une union disjointe de revêtements étales finis. Les revêtements topologiques (lorsque ces revêtements étales finis sont des isomorphismes) sont en particulier des revêtements étales, mais de nombreux revêtements étales ne donnent lieu à aucun revêtement topologique.
Les revêtements topologiques de l’espace -analytique pointé sont classés par le groupe fondamental topologique classique , tandis que De Jong définit dans [DJg] le groupe fondamental de en , , qui classe les revêtements étales de , et dont est un quotient discret. Son complété profini, le groupe fondamental algébrique , classe les revêtements finis étales. Ce dernier est l’analogue du groupe fondamental classique de la géométrie algébrique, coïncidant avec celui-ci pour l’analytifiée d’une courbe algébrique. En revanche, sur les corps algébriquement clos de caractéristique nulle, ce groupe ne porte aucun phénomène anabélien pour les courbes analytiques de nature algébrique.
Les autres groupes ont en pratique un comportement très éloigné de ce qui advient en géométrie complexe :
-
•
est « trop petit » , par exemple ;
-
•
est « trop grand », par exemple admet des groupes linéaires de la forme comme quotients ([DJg], Proposition ).
C’est pour remédier à ce « défaut » qu’Yves André introduit dans [And] la notion de revêtement tempéré, qui capture à la fois la théorie des revêtements topologiques et finis étales tout en offrant des comportements raisonnables qui s’apparentent à ce que l’on connaît en géométrie complexe :
Définition 2.38.
-
1.
Un revêtement tempéré d’un espace strictement -analytique connexe non vide sera défini comme un revêtement étale (au sens de [DJg]) qui devient topologique après un changement de base selon un revêtement étale fini, autrement dit qui est facteur du revêtement topologique d’un revêtement étale fini de , i.e. s’il existe un diagramme commutatif suivant
où est un revêtement étale fini et un revêtement topologique.
-
2.
Soit la catégorie des revêtements tempérés de . Si est un point géométrique, soit
le foncteur fibre en qui associe à un revêtement la fibre en . Le groupe fondamental tempéré pointé en est défini comme le groupe d’automorphismes du fonceur fibre en :
Le groupe devient un groupe topologique en considérant l’ensemble des sous-groupes stabilisateurs comme base d’ouverts. C’est alors un groupe topologique prodiscret.
Si et sont deux points géométriques distincts, les foncteurs fibre et sont (non canoniquement) isomorphes, et tout automorphisme de induit un automorphisme intérieur de . Ainsi, on peut considérer le groupe fondamental tempéré de , défini à unique isomorphisme extérieur près.
Remarque 2.39.
Il y a équivalence de catégories entre la catégorie des sommes directes de revêtements tempérés de et la catégorie des -ensembles discrets sur lesquels agit à gauche continûment.
La classe d’isomorphisme de ne dépend pas du point géométrique considéré, de sorte que l’on pourra parler du groupe fondamental tempéré de , défini à unique isomorphisme extérieur près.
Remarque 2.40.
Une somme directe de revêtements tempérés n’est pas toujours un revêtement tempéré. Supposons que soit une suite décroissante de sous-groupes ouverts de telle que l’intersection ne soit pas ouverte dans . Soit le revêtement tempéré de correspondant au -ensemble . Le revêtement étale , correspondant au -ensemble discret , n’est en revanche pas tempéré puisque les degrés ne sont pas bornés lorsque parcourt .
Remarque 2.41.
Comme toute composante connexe d’un bon espace -analytique est dénombrable à l’infini, un revêtement étale avec connexe est tempéré si et seulement s’il s’insère dans un diagramme commutatif similaire à celui ci-dessus avec un revêtement topologique à fibres dénombrables. C’est le cas de tout revêtement tempéré galoisien.
Si est un revêtement étale fini galoisien géométriquement pointé de , alors le revêtement universel pointé reste un revêtement étale galoisien de de groupe de Galois s’insérant dans une suite exacte :
Tout morphisme de revêtements finis étales galoisiens géométriquement pointés de induit un morphismes de groupes : .
Proposition 2.42 ([And]).
Soit un espace strictement -analytique connexe et un point géométrique. Alors on a l’égalité :
dès que est un système projectif cofinal de revêtements finis étales galoisiens géométriquement pointés au-dessus de . L’ensemble d’indexation n’est a priori pas dénombrable en général (mais il l’est par exemple dès que est de nature algébrique et de caractéristique nulle).
Remarque 2.43.
Lorsque que les espaces -analytiques considérés ci-dessus sont des courbes, le groupe est un groupe libre discret. Cela découle du fait qu’une courbe -analytique a le type d’homotopie d’un graphe.
Le groupe fondamental tempéré est par ailleurs un groupe tempéré (au sens de la section 1.2). La catégorie des revêtements tempérés de munie de la classe d’isomorphisme des foncteurs contenant les foncteurs fibres au-dessus des points géométriques est un tempéroïde connexe isomorphe à .
Décrivons quelques propriétés du groupe fondamental tempéré :
Proposition 2.44 ([And], ).
Soit un bon espace -analytique connexe quasi-lisse, et un point géométrique :
-
1.
Le morphisme naturel est surjectif (le groupe tempéré peut donc avoir une infinité de quotients discrets).
-
2.
Le morphisme naturel est d’image dense, peut être identifié à la complétion profinie de .
-
3.
Si est une courbe -analytique, le morphisme est injectif.
Le deuxième point montre que le groupe tempéré n’est pas « trop petit », tandis que le troisième point indique qu’il n’est pas non plus « trop grand » lorsque est une courbe.
Remarque 2.45.
Nous savons que la droite affine -analytique est algébriquement simplement connexe : (cela découle du caractère simplement connexe de droite affine algébrique et de l’équivalence entre les revêtements étales finis de et ceux de ). On déduit du troisième point de la proposition 2.44 que le groupe tempéré de la droite affine est trivial : . Cela prouve le caractère non tempéré du revêtement étale donné par le logarithme .
Dans le cas d’un revêtement étale galoisien, la propriété d’être de nature topologique ou tempérée peut se lire directement sur son groupe de Galois, comme le montre la proposition suivante :
Proposition 2.46 ([And], ).
Soit un espace strictement -analytique connexe et un revêtement étale galoisien de de groupe de Galois .
-
1.
Si est sans torsion, est un revêtement topologique de ;
-
2.
si est virtuellement sans torsion (i.e. s’il contient au moins un sous-groupe d’indice fini qui est sans torsion), alors est un revêtement tempéré de , et plus précisément un revêtement topologique d’un revêtement fini étale galoisien de .
Définition 2.47 (Revêtements tempérés modérés).
Notons la sous-catégorie pleine de constituée des revêtements tempérés qui sont quotients d’un revêtement topologique d’un revêtement galoisien fini de degré premier à . Si est un point géométrique, notons le groupe d’automorphismes du foncteur fibre en :
qui à un revêtement associe la fibre au-dessus de . La classe d’isomorphisme de ne dépend pas du point géométrique considéré, de sorte que l’on pourra considérer le groupe , défini à unique isomorphisme extérieur près, appelé le groupe fondamental tempéré modéré de .
Remarque 2.48.
Munissons de la classe d’isomorphisme des foncteurs contenant les foncteurs fibres au dessus des points géométriques (ils sont tous isomorphes). Alors est un tempéroïde connexe dont est le groupe tempéré, de sorte que l’on a un isomorphisme de tempéroïdes connexe :
Remarque 2.49.
Lorsque est une courbe -analytique, le groupe peut se construire directement à partir de : en effet, n’est autre la limite projective des quotients de qui ont un sous-groupe distingué sans torsion d’indice fini premier à . Ce résultat est en revanche faux en dimension supérieure, lorsque les groupes topologiques fondamentaux des espaces -analytiques ne sont plus libres.
3 Géométrie anabélienne dans les courbes analytiques
Dans toute la suite du texte, fixons un corps ultramétrique complet non trivialement valué, algébriquement clos, et l’exposant caractéristique de . Fixons un système de racines primitives l’unité, de sorte que l’on ait des isomorphismes naturels : et (plutôt que de parler de ).
3.1 Description du graphe d’anabélioïdes d’une triangulation généralisée
3.1.1 Comportement des composantes coronaires dans le cas d’une vraie triangulation
Nous appellerons kummérien tout revêtement étale fini entre deux couronnes -analytiques tel qu’il existe un certain entier premier à permettant de considérer comme un -torseur de Kummer de via . Rappelons que le choix d’une orientation de permet d’exhiber un isomorphisme canonique : .
Soit le complété pro--fini de , égal à .
Proposition 3.1 (Description du groupe fondamental modéré des disques et des couronnes, [Ber], Théorèmes et ).
-
1.
Tout revêtement fini modéré d’un disque est trivial. De là, si est un disque -analytique, alors ;
-
2.
Tout revêtement fini galoisien modéré d’une couronne de type avec intervalle compact de est kummérien. De là, si est une telle couronne -analytique, alors .
Si est un plongement de couronnes -analytiques compactes permettant de considérer comme une sous-couronne de , alors comme on a d’une part pour tout entier premier à un isomorphisme (voir Proposition 2.29) et que de l’autre tout revêtement galoisien modéré de ou est kummérien, alors le foncteur naturel associé est une équivalence de catégories. Par conséquent, pour n’importe quelle couronne -analytique (en particulier pour toute couronne ouverte) l’on a :
Si est une triangulation généralisée de , les composantes du graphe d’anabélioïdes données par les arêtes correspondant à des couronnes, sont donc isomorphes (en tant qu’anabélioïdes connexes) à
Remarque 3.2.
En reprenant le raisonnement précédent restreint aux -torseurs on obtient pour toute couronne l’isomorphisme :
3.1.2 Triangulation généralisée et rabotée d’une courbe
Expliquons pourquoi la description du semi-graphe d’anabélioïdes associé à une triangulation généralisée d’une courbe -analytique peut se ramener, quitte à restreindre en une courbe que l’on appellera une rabotée de , à supposer que est une vraie triangulation de . Reprenons l’exemple esquissé à la remarque 2.18 : celui d’une courbe -analytique quasi-lisse de squelette analytique non vide, à laquelle on enlève un point de type . Enlever revient à rajouter l’arête ouverte : . Or n’a aucune raison d’être une couronne. Néanmoins, tout point est de type ou , et a le bon goût d’être une couronne -analytique d’après [Duc] (). Cela nous amène à définir la notion de rabotée d’une courbe.
Définition 3.3 (Rabotée d’une courbe).
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse dont est une triangulation généralisée non vide de squelette . Notons la rétraction canonique de sur . Soit l’ensemble (éventuellement vide) des composantes connexes de non relativement compactes dans dont la préimage par n’est pas une couronne -analytique. Il existe une famille de telle que est un intervalle ouvert non relativement compact aboutissant à , pour tout . Une rabotée de relativement à sera définie comme une courbe -analytique obtenue à partir de en ne gardant de chaque que les couronnes :
où est une collection de points de vérifiant pour tout .
Si l’ensemble des nœuds du squelette analytique est non vide, on désignera par rabotée de toute rabotée de relativement à la triangulation généralisée .
Remarque 3.4.
La courbe est une rabotée d’elle-même si et seulement si constitue une triangulation de . La notion de rabotée n’est donc utile que dans le cas contraire. Remarquons qu’une rabotée de relativement à contient toujours en tant qu’ensemble des sommets du squelette de la triangulation de définie par , et que la donnée d’une rabotée de est équivalente au choix de la famille .
Proposition 3.5.
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse munie d’une triangulation généralisée non vide de squelette . Notons une rabotée de relativement à . Alors les deux semi-graphes d’anabélioïdes et sont isomorphes. Ainsi, tous les groupes des arêtes (que celles-ci soient ouvertes ou fermées) sont isomorphes à .
Démonstration.
L’application établit une bijection entre les composantes connexes de qui ne sont ni des disques ni des couronnes, et l’ensemble (cf. définition 3.3) des composantes connexes de non relativement compactes dans dont la préimage par n’est pas une couronne. Soit la famille de permettant de définir . Eu égard à la construction de et , il suffit de montrer que pour toute arête ouverte de (telle que la composante corresponde à ), le foncteur induit naturellement par l’injection est une équivalence de catégories. Comme est une couronne et que tout revêtement galoisien modéré d’une couronne est kummérien, on a
Soit une suite exhaustive de sous-intervalles emboités de , avec . Pour tout , notons : c’est une couronne -analytique. Remarquons que est une sous-couronne de dès que , d’où l’équivalence de catégories . Comme chaque est équivalente à et que l’on a :
alors on obtient en passant à la limite inductive , d’où l’équivalence souhaitée .
∎
La proposition précédente nous indique qu’étudier le semi-graphe d’anabélioïdes d’une courbe munie d’une triangulation généralisée revient à étudier le semi-graphe d’anabélioïde d’une courbe munie d’une vraie triangulation. Par conséquent, toutes les arêtes de se comportent comme si elles étaient associées à de vraies couronnes en ce qu’elles ont chacun pour groupe associé . Il est ainsi justifiable d’appeler composantes coronaires d’une triangulation généralisée toutes les arêtes (ou les composantes associées aux arêtes) de son semi-graphe d’anabélioïdes.
Remarque 3.6.
On peut montrer que le morphisme induit par le plongement induit un isomorphisme de groupes :
Ainsi, une courbe et sa rabotée sont indistinguables sous le prisme des revêtements (tempérés) modérés. En revanche ils n’auront plus du tout les mêmes -revêtements, et le morphisme n’a aucune chance d’être un isomorphisme dès que .
3.1.3 Germes d’espaces -analytiques
Commençons par rappeler la définition de la catégorie des germes d’espaces -analytiques :
Un germe -analytique est une paire où est un espace -analytique et un sous-espace de l’espace topologique sous-jacent . Si , le germe est simplement noté . Soit - la catégorie dont les objets sont les germes d’espaces -analytiques et les morphismes entre deux germes et sont les morphismes d’espaces analytiques tels que . La catégorie des germes -analytiques, notée -, est définie comme la localisée de la catégorie - par la famille des morphismes induisant un isomorphisme de vers un voisinage ouvert de dans . Cette famille admet un « calcul des fractions à droite », se sorte que dans cette catégorie l’ensemble des morphismes correspond à la limite inductive de l’ensemble des morphismes -analytiques où décrit les voisinages ouverts de dans , et . Un tel morphisme -analytique correspondant à un morphisme de germes est un représentant de . Tout morphisme de germes -analytiques admet un représentant, et un morphisme est un isomorphisme dans - si et seulement s’il admet un représentant induisant un isomorphisme -analytique entre des voisinages ouverts de et .
Définition 3.7.
Un morphisme de germes -analytiques sera appelé un revêtement modéré fini (resp. revêtement fini étale) de s’il admet au moins un représentant tel que est un revêtement modéré fini ((resp. fini étale) d’espaces -analytiques, et . Nous noterons par la suite (resp. ) les catégories respectives de ces revêtements du germe .
Si désigne notre courbe -analytique quasi-lisse de départ, une triangulation généralisée et , remarquons que l’on a, au sens -catégorique :
où décrit l’ensemble des voisinages ouverts de .
Si et , définissons de même :
La proposition suivante signifie que les comportements locaux des revêtements modérés autour de sont équivalents aux produits d’extensions finies du corps résiduel complété dominées par une extension galoisienne de degré premier à .
Proposition 3.8.
Le foncteur naturel est une équivalence de catégories, où désigne la catégorie des schémas finis étales au-dessus de dominés par un revêtement galoisien de degré premier à .
Démonstration.
Cela découle directement du théorème de [Ber] qui nous indique que le foncteur naturel est une équivalence de catégories, où désigne la catégorie des schémas finis étales au-dessus de . ∎
Lemme 3.9.
Considérons deux domaines analytiques et de qui sont des couronnes -analytiques aboutissant à , avec . Alors le plongement induit une équivalence de catégories : .
Démonstration.
De manière générale, il se peut qu’une couronne analytique contenue dans une deuxième couronne analytique ne soit pas une sous-couronne de cette dernière (voir définition 2.11)). Les domaines analytiques de donnés par les conditions et en sont des exemples. Néanmoins, est une sous-couronne de dès que l’intersection des squelettes est non vide. Or, dans le cadre de ce lemme, l’inclusion et le fait que et aient un bout en commun impliquent qu’il existe et tels que , et . Ainsi est une sous-couronne de . D’après la proposition 2.29 combinée au caractère kummérien des revêtements modérés d’une couronne, on a l’équivalence .
∎
Lemme 3.10.
Pour toute composante la catégorie est équivalente à la catégorie des -ensembles finis, et si le foncteur de restriction est une équivalence de catégorie.
Démonstration.
D’après la sous-section 3.1.2 on peut supposer que est une vraie triangulation de . Soit , et soit une base de voisinages ouverts de telle que chaque soit une couronne (une telle base d’ouverts existe toujours). Si alors est un plongement de couronnes, d’où l’on déduit d’après le lemme 3.9 précédent que le foncteur de restriction est une équivalence de catégories. Par ailleurs ces équivalences sont compatibles avec l’identification des à . On obtient donc en passant à la limite inductive que est elle-même équivalente à , ainsi que l’équivalence lorsque est une couronne. ∎
Proposition 3.11.
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse munie d’une triangulation possédant un unique sommet, et dont le squelette ne contient aucune arête qui boucle sur :
-
1.
Soit un voisinage ouvert de totalement découpé autour de . Alors le foncteur naturel induit par l’injection est pleinement fidèle et son image essentielle est constituée des objets de qui sont triviaux sur tout disque de , i.e. dont l’image par le foncteur de restriction est triviale pour tout .
-
2.
Le foncteur de restriction est pleinement fidèle et son image essentielle est constituée des objets de qui sont triviaux sur tout disque de , i.e. dont l’image par le foncteur de restriction est triviale pour tout .
Démonstration.
-
1.
Considérons le recouvrement ouvert de suivant : .
Une donnée de descente sur consiste en la donnée de où , et pour toute composante un isomorphisme
Les conditions usuelles sur les -cocycles sont ici tautologiques puisque l’intersection de trois des composantes ouvertes de est automatiquement vide. Par descente topologique nous savons que la catégorie est équivalente à la catégorie des données de descente sur . Comme par ailleurs le foncteur de restriction est toujours pleinement fidèle (si est un disque cela découle de la trivialité de tout revêtement modéré sur , et si est une couronne cela découle du lemme 3.9), alors le foncteur est pleinement fidèle.
Son image essentielle consiste en la donnée des éléments de dont l’image par le foncteur de restriction est dans l’image essentielle de pour toute composante . Or nous savons d’après 3.9 que si est une couronne ce dernier foncteur est une équivalence de catégories et que si est un disque tout revêtement modéré de est trivial, de là l’on déduit le résultat.
-
2.
Soit la famille de voisinages ouverts de totalement découpés autour de . Nous savons que cette famille forme une base de voisinages ouverts de . Par le premier point démontré ci-dessus l’on sait que si le foncteur est pleinement fidèle. En passant à la limite inductive on obtient que tous les foncteurs sont pleinement fidèles. Comme les sont eux-mêmes pleinement fidèles d’après le premier point, alors par transitivité le foncteur est lui-même pleinement fidèle.
Cherchons son image essentielle. Si est dans l’image essentielle, alors il découle de la trivialité de tout revêtement modéré d’un disque que sa restriction à est triviale pour tout . Soit réciproquement tel que sa restriction à soit triviale pour tout . Il en existe alors un représentant pour un certain voisinage totalement découpé autour de . Si est un disque, alors la restriction de à est automatiquement triviale, et si est une couronne nous savons d’après le lemme 3.10 que le foncteur de restriction est une équivalence de catégorie, donc la restriction de à est également triviale. Par le premier point de la proposition cela nous indique que est dans l’image essentielle de , ce qui nous permet de conclure que est bien dans l’image essentielle de , ce qui termine la preuve.
∎
3.1.4 Courbe résiduelle, valuation associée à une branche et groupe d’inertie modérée autour d’un point de type 2
Supposons que est un point de type de . Alors le corps résiduel est une extension de de type fini et de degré de transcendance . Ainsi est de la forme où est une -courbe projective, lisse et intègre qui est uniquement déterminée par et que l’on appellera la courbe résiduelle en . Rappelons que le genre de , noté , est défini comme le genre de la courbe résiduelle lorsque est de type (il est égal à sinon). L’espace (topologique) de Zariski-Riemann des valuations sur triviales sur est alors homéomorphe à l’espace topologique sous-jacent au schéma : au point générique correspond la valuation triviale et à chaque point fermé correspond une valuation discrète.
Dans [Duc], , l’auteur associe à chaque branche une valuation sur triviale sur , ie. un élément de . En composant avec la valuation définie naturellement sur l’on obtient une valuation sur qui raffine par construction et coïncide avec celle-ci sur .
En notant la valuation triviale sur , Ducros déduit de la théorie de la réduction de Temkin ([Tem]) que l’application établit une injection
dont l’image est de complémentaire fini, et qui est bijective si et seulement si appartient à l’intérieur analytique de . La réunion de l’image et de la valuation triviale correspond à la réduction de Temkin du germe .
Remarque 3.12.
Ducros établit en fait un résultat un peu plus général en faisant usage de valuations graduées. Néanmoins, comme est de type , nous n’en avons pas besoin dans ce texte, et toutes les valuations considérées sont des valuations classiques.
Puisque est de type , ce dernier résultat se reformule comme suit : l’application qui à une branche associe la valuation sur induit une injection dont l’image est de complémentaire fini de dans l’ensemble . Comme ce dernier s’identifie à l’ensemble des points fermés de , cela revient à une bijection entre et l’ensemble des points fermés d’un ouvert de Zariski de , égal à tout entier si et seulement si est dans l’intérieur analytique de .
Soit une branche issue de . Dans [Duc] l’auteur définit l’anneau associé à , noté , par la limite inductive :
où décrit l’ensemble des sections de . Il existe un morphisme naturel de dans . En tant que courbe quasi-lisse notre courbe est normale. En conséquence l’anneau local est artinien et intègre, c’est donc un corps qui coïncide alors avec son corps résiduel . Par ailleurs toute section de est un espace non vide, connexe et normal, par conséquent est intègre, et par passage à la limite on en déduit que lui-même est intègre. Le corps coïncidant avec , il se plonge dans .
Définition 3.13.
Notons la fermeture intégrale séparable de dans l’anneau ; c’est un corps naturellement muni d’une valuation prolongeant la valuation sur (qui est elle-même la restriction à de la valuation définie sur , étant dense dans car est un bon espace) que nous continuerons à noter et qui jouit de la propriété suivante :
En tant que hensélisé est une extension immédiate de , i.e. ces deux corps valués ont même groupe de valeurs et même corps résiduel :
-
•
groupe des valeurs : Si l’on note la couronne correspondant à l’arête associée à la branche , le Théorème de [Duc] nous indique qu’il existe une fonction définie sur , qui en est une fonction coordonnée, telle que soit infiniment proche de inférieurement, et telle que :
-
•
corps résiduel : Les corps résiduels associés et sont égaux à , et sont en particulier algébriquement clos.
Notons une clôture séparable du corps . Comme est hensélien la valuation sur se prolonge en une unique valuation sur encore notée . Notons et les groupes d’inertie et de ramification de l’extension de corps valués , et son groupe d’inertie modérée. Nous savons alors que l’on dispose de l’isomorphisme suivant :
que l’on peut récrire de la manière suivante sachant que et que est divisible :
et comme est algébriquement clos de caractéristique on obtient : .
Si désigne une clôture séparable de munie d’une valuation (encore notée ) prolongeant sur ), notons le groupe d’inertie modérée de l’extension . Comme est le hensélisé de nous avons l’égalité des groupes d’inertie modérée :
Remarque 3.15.
Pour tout entier premier à , le seul quotient d’ordre de correspond à l’extension de obtenue en extrayant une racine -ième d’un élément de norme égale à .
3.1.5 Comportement des composantes sommitales
Proposition 3.16 ([Duc], Théorème ).
Supposons que est un morphisme étale entre deux courbes -analytiques quasi-lisses, et son image. Soit d’image . Soient et les courbes résiduelles de et , et (resp. ) le point fermé de (resp. ) correspondant à (resp. ) par la bijection précédente. Alors est l’image de par , et en notant l’indice de ramification en , on a : .
Remarque 3.17.
En reprenant les notations de la proposition précédente, comme nous savons que le groupe est fini, et comme est algébriquement clos est divisible, d’où et est divisible. Par ailleurs comme le corps est stable (cf [Duc], Théorème ) nous avons l’égalité :
Ainsi
en particulier lorsque est galoisien alors est modéré en si et seulement si le morphisme induit par en est de degré premier à .
En combinant la remarque précédente avec les propositions 3.11 et 3.16 nous en déduisons naturellement un résultat dont nous nous servirons par la suite pour étudier le comportement local de :
Corollaire 3.18 (Allure locale de ).
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse munie d’une triangulation généralisée ayant un unique sommet , de type , et dont le squelette ne contient aucune arête qui boucle sur . Soit le sous-schéma ouvert de associé à , tel que l’on ait une bijection entre et les points fermés de . Soit le sous-schéma ouvert correspondant aux éléments de . Alors la catégorie est équivalente à la catégorie des revêtements finis de dominés par des revêtements galoisiens modérément ramifiés de degré premier à et étales au-dessus de .
Définition 3.19.
Soit une courbe propre, normale et intègre au-dessus de . Soit une sous-courbe ouverte (éventuellement égale à ) et un revêtement fini étale connexe de . On dit que est modérément ramifié le long de lorsque les valuations définies par les points fermés de sont toutes modérément ramifiées dans l’extension .
Notons la catégorie des revêtements finis étales de modérément ramifiés le long de . C’est une catégorie galoisienne dont nous noterons le groupe fondamental, défini à isomorphismes intérieurs près. Notons qu’il ne dépend que de , car se retrouve à partir de comme égal à sa compactification normale.
Rappelons que si est un groupe et un nombre premier, la -complétion profinie de , notée , est le groupe profini défini comme la limite inverse du système projectif des quotients finis où décrit l’ensemble des sous-groupes distingués de d’indice premier à . Lorsque est lui-même profini sera appelé le -quotient maximal de .
Remarque 3.20.
Reprenons les notations de la définition 3.19. Notons le groupe fondamental étale de . En remarquant que toute extension de corps valués dominée par une extension galoisienne de degré premier à p est automatiquement modérément ramifiée on obtient l’isomorphisme :
Proposition 3.21 (Grothendieck).
Soit une courbe propre, normale et intègre de genre au-dessus d’un corps algébriquement clos de caractéristique . Soit une sous-courbe ouverte (éventuellement égale à ) et le nombre de points fermés de . Alors est isomorphe à la -complétion profinie de où est le groupe fondamental (topologique) du complémentaire de points sur une surface de Riemann sur de genre , défini par la formule :
Définition 3.22.
Soit une courbe -analytique quasi-lisse munie d’une triangulation généralisée de squelette . Si , définissons la valence généralisée en comme l’entier
où désigne la valence de dans le semi-graphe , et est le cardinal du complémentaire de l’image de (cf. 3.1.4) dans :
Corollaire 3.23 (Allure locale de ).
Soit une courbe -analytique quasi-lisse munie d’une triangulation généralisée . Si est un point de type de valence généralisée , notons la courbe résiduelle en , son genre (qui est par définition le genre du point ), et le sous-schéma ouvert correspondant aux disques, i.e. aux éléments de . Alors n’est autre que le cardinal de , et le groupe fondamental de la composante sommitale en de est :
Démonstration.
Puisque l’étoile est définie sur un revêtement topologique universel pointé de , est une courbe -analytique quasi-lisse dont constitue une triangulation généralisée et dont le squelette ne contient aucune arête qui boucle sur . Par ailleurs, on a et . Cela permet d’appliquer le corollaire 3.18 à l’étoile , puis de conclure par la proposition 3.21 couplée à la remarque 3.20. ∎
3.2 Compatibilité avec les hypothèses mochizukiennes
3.2.1 Simplification des hypothèses
Soit une courbe -analytique quasi-lisse connexe munie d’une triangulation généralisée de squelette . Nous voudrions savoir à quelles conditions sur le graphe d’anabélioïdes construit plus haut vérifie l’ensemble des hypothèses que nous appellerons mochizukiennes permettant d’appliquer le théorème de reconstruction 1.44, à savoir : de type injectif, quasi-cohérent, totalement élevé, totalement détaché et sommitalement mince. D’après 3.1.2 on peut sans perte de généralité supposer que est une vraie triangulation de . Supposons connexe et non réduit à un sommet.
Vérifions tout d’abord que les hypothèses mochizukiennes sur excluent l’appartenance à de « points superflus » (cf. 2.22). Supposons que est tel que et . Notons alors la composante connexe de contenant , et distinguons les deux cas donnés par la proposition 2.22:
-
•
Cas où est un intervalle ouvert :
Dans ce cas est une couronne de squelette analytique . Si (associée à une arête ) est une branche aboutissant à , alors le morphisme correspond au foncteur induit naturellement par l’e plongement naturel . Comme il s’agit d’un bon plongement alors est une équivalence de catégorie, par conséquent correspond au morphisme identité , ce qui exclut la possibilité pour d’être totalement détaché.
-
•
Cas où est un intervalle semi-ouvert d’extrémité :
Dans ce cas est un disque -analytique (cf. [Duc], 5.1.16.2). Ainsi le morphisme correspondant au foncteur induit naturellement par le plongement naturel n’est autre que le morphisme trivial , ce qui interdit à d’être de type injectif.
De là nous en déduisons qu’une triangulation généralisée sur vérifiant les hypothèses mochizukiennes sera automatiquement « minimale » (i.e. ne contenant aucun point superflu) et constituée des nœuds de son squelette. Par ailleurs, une triangulation généralisée de vérifiant les hypothèses mochizukiennes ne contient nul point de type . En effet, supposons que est un nœud de type de son squelette. Alors et nous savons que admet un voisinage ouvert qui est une couronne de type . Ainsi est elle-même une couronne de type . Si (associée à une arête ) est la branche aboutissant à , le plongement est un bon plongement, ainsi le foncteur induit est une équivalence de catégorie, donc le morphisme correspond à l’isomorphisme , ce qui exclut la possibilité pour d’être totalement détaché. Nous allons donc seulement considérer dans la suite des triangulations généralisées constituées de points de type qui sont les nœuds du squelette qu’elles constituent.
Il reste à montrer que si une triangulation de squelette est exactement constituée des nœuds de , alors le graphe d’anabélioïdes associé, , vérifie sous certaines hypothèses à préciser l’ensemble des conditions mochizukiennes. Eu égard à l’ingratitude des définitions de ces hypothèses la tâche semble malaisée, mais elle se simplifie en combinant la proposition 3.18 à la remarque suivante de Mochizuki :
Proposition 3.24 ([Mzk], Example 2.10).
Soit un ensemble non vide de nombres premiers contenant au moins un entier différent de . Soit un semi-graphe d’anabélioïdes tel que, pour chaque sommet , est le pro- quotient maximal du groupe fondamental d’une surface de Riemann hyperbolique, et tel que les différents morphismes correspondent aux inclusions des groupes d’inertie des «cusps» de la courbe hyperbolique. Alors est cohérent, totalement élevé, totalement détaché et sommitalement mince.
Remarque 3.25.
Nous n’allons pas prouver ici la proposition 3.24, mais observer que la minceur sommitale est une conséquence du corollaire de [Nak]. En effet si le groupe associé à un point est un pro- groupe libre de rang . Or Nakamura nous dit exactement que les -complétions des groupes libres de rang ou des groupes du type avec ont un centre trivial. Par ailleurs si est un sous-groupe ouvert de nous savons que est le groupe correspondant à un revêtement étale de degré premier à (et donc modérément ramifié le long de ) de . Or la formule de Riemann-Hurwitz nous assure que le genre de ne peut pas être strictement plus petit que celui de , la courbe reste donc hyperbolique et ainsi est du type avec . Par conséquent est également de centre trivial, et cela est vrai pour tout sous-groupe ouvert dans , ce qui signifie exactement que est mince.
En reprenant les notations de la proposition 3.21, rappelons que la courbe est dite hyperbolique lorsque : . De la même manière une surface de Riemann hyperbolique est définie comme le complémentaire de points d’une surface de Riemann compacte de genre telle que , i.e. lorsqu’on est dans l’un des cas suivants :
-
et
-
et
-
Cela nous mène naturellement aux définitions suivantes :
Définition 3.26 (Nœuds hyperboliques).
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse munie d’une triangulation généralisée uniquement constituée des nœuds de son squelette . Soit , rappelons que la valence généralisée en est définie comme l’entier
où désigne la valence de dans le semi-graphe , et est le cardinal du complémentaire de l’image de (cf. 3.1.4) dans :
Le nœud est dit nœud hyperbolique lorsque :
Remarque 3.27.
Soit l’ouvert de Zariski de tel que établisse une bijection entre et , et le sous-ouvert de Zariski tel que les branches discales (i.e. associées aux éléments de ) correspondent exactement à . Alors on a :
Par ailleurs, si et seulement si .
Remarque 3.28.
Avec les définitions précédentes, un nœud de non isolé dans (i.e. ) est non hyperbolique seulement dans la situation où est unibranche dans , de genre et sur le bord analytique de mais qu’il ne « manque qu’une branche », c’est-à-dire . C’est le cas par exemple d’une couronne compacte : son bord analytique est constitué de deux nœuds qui forment une triangulation mais qui sont deux nœuds non hyperboliques. Par ailleurs un nœud de type ne peut jamais être hyperbolique. En effet, si est un tel nœud, nous savons que admet un voisinage ouvert qui est une couronne de type avec , ce qui donne , et ainsi , d’où l’obstruction à l’hyperbolicité.
3.2.2 Courbes -analytiquement hyperboliques
Définition 3.29 (Courbes -analytiquement hyperboliques).
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse. Nous dirons que est une courbe -analytiquement hyperbolique lorsque l’ensemble des nœuds de son squelette analytique est non vide et uniquement constitué de nœuds hyperboliques.
Proposition 3.30.
Soit une courbe -analytiquement hyperbolique dont on note l’ensemble non vide des nœuds du squelette analytique (automatiquement de squelette ). Alors le graphe d’anabélioïdes vérifie l’ensemble des hypothèses mochizukiennes, à savoir : de type injectif, quasi-cohérent, totalement élevé, totalement détaché et sommitalement mince.
Démonstration.
D’après la proposition 3.24, afin de montrer ce résultat il suffit de montrer que notre graphe d’anabélioïdes vérifie les hypothèses prescrites dans la proposition sus-citée, en prenant (auquel cas le pro- quotient maximal ne sera rien d’autre que le -quotient maximal) :
-
•
Pour tout , est le -quotient maximal du groupe fondamental d’une surface de Riemann hyperbolique :
D’après le corollaire 3.23 nous savons que est le -quotient maximal de . Puisque est par hypothèse un nœud hyperbolique nous savons que , c’est-à-dire que est le groupe fondamental d’une surface de Riemann hyperbolique (de genre avec points manquants).
-
•
Les morphismes correspondent aux inclusions des groupes d’inertie des «cusps» :
Reprenons ici les notations et de la partie 3.1.4. Soit une -algèbre finie modérément ramifiée, i.e. définit un -ensemble fini, autrement dit un objet de . Via la tensorisation par au-dessus de , définit un revêtement étale fini de qui est modéré. Réciproquement, tout revêtement modéré de provient d’un revêtement modéré de tout entier. Cela découle du caractère kummérien des revêtements modérés des couronnes (3.1) couplé à la proposition 2.33 pour un choix idoine de premier à . Un tel revêtement fourni une -algèbre modérément ramifiée : cela découle par exemple de la Proposition de [Duc] selon laquelle une branche au-dessus de induit une extension de corps finie de degré .
Ceci définit une équivalence de catégories qui induit un isomorphisme de groupes : (nous savions déjà d’après les parties 3.1.1 et 3.1.4 que ces groupes sont tous deux isomorphes à ). Comme , correspond à un isomorphisme .
Le corps résiduel de muni de n’est autre que qui est algébriquement clos. Par conséquent, en reprenant les raisonnements précédents on obtient l’égalité :
où désigne le groupe d’inertie modérée de munie de (où l’on a préalablement fixé une clôture séparable de munie d’une valuation prolongeant sur ). On en déduit que le morphisme naturel est un isomorphisme. Notons le point de correspondant à . Le groupe correspond alors au groupe d’inertie modérée du point , qui se plonge dans . Par ailleurs on a le diagramme commutatif suivant :
où et sont les isomorphismes naturels invoqués plus haut. En conséquence correspond bien au plongement du groupe d’inertie du cusp dans .
∎
Remarque 3.31.
Soit une triangulation réduite à un singleton d’une courbe -analytique quasi-lisse connexe dont le squelette n’admet aucune arête qui boucle sur . Dans ce cas n’est rien d’autre que l’anabélioïde connexe . Comme le graphe sous-jacent n’est constitué que d’un sommet et qu’il n’y a aucune branche, alors est automatiquement de type injectif, totalement élevé, totalement détaché et quasi-cohérent. D’après [Nak], , le groupe n’est mince que si le comportement en est hyperbolique, ce qui correspond à . On retrouve ainsi un cas particulier de la proposition 3.24.
-
1.
Exemples de courbes -analytiquement hyperboliques compactes
Soit une courbe -analytique connexe quasi-lisse, compacte et non vide. Notons l’ensemble des nœuds de . Nous savons que si et seulement si ( est supposé algébriquement clos), dans ce cas a fortiori . Si , alors si et seulement si est une courbe de Tate (cf. 2.23), auquel cas est un cercle. Dans ces deux cas n’est à l’évidence pas -analytiquement hyperbolique. Exclure ces deux cas revient à supposer que . Alors deux cas se présentent :
-
(a)
si est un singleton, alors est -analytiquement hyperbolique si et seulement si est un nœud hyperbolique, ce qui est le cas dès que vérifie ou et . Un disque n’est jamais -analytiquement anabélien;
-
(b)
si contient au moins une arête et n’est pas une courbe de Tate, alors est -analytiquement hyperbolique dès que ses points unibranches sont de genre , ceci permet d’éviter les nœuds non hyperboliques décrits au 3.28.
-
(a)
-
2.
Courbes marquées comme exemples de courbes -analytiquement hyperboliques non compactes
Définition 3.32.
Une courbe -analytique marquée est définie comme une courbe -analytique de la forme où est la donnée d’une courbe -analytique non vide , quasi-lisse et connexe, et d’un sous-ensemble fermé et discret de points rigides de .
Soit une courbe marquée. Comme les éléments de en tant que points rigides sont des points unibranches de par quasi-lissité, la courbe reste connexe, quasi-lisse, mais ne jouit pas de la compacité dès que , même lorsque est elle-même compacte. Nous allons étudier les nœuds de , et notamment les conditions d’hyperbolicité de ces derniers.
Si est non vide : Nous savons que c’est un sous-graphe analytiquement admissible de , et l’on note la rétraction canonique de sur . Remarquons que l’on a :
Notons l’ensemble des nœuds de , et , l’ensemble des sommets pluribranches (de valence ) de . De tels points apparaissent lorsque deux points de sont sur le même disque de : si , il existe tels que , avec
Tous les éléments de sont des nœuds hyperboliques de puisqu’ils sont pluribranches.
Par ailleurs peut être décrit par :
Soit , alors puisque ce dernier n’est constitué que de points de type ou et que est rigide. Alors définit une branche de dans qui n’est pas dans . Par conséquent :
Supposons que n’est pas réduit à un singleton. Si est de valence en tant que point de , cela implique que , ce qui fait de un nœud hyperbolique de .
Si maintenant est un point unibranche de , nous savons que c’est un nœud de qui est de genre ou sur le bord analytique de . Ainsi reste un nœud de . On a au pire des cas (lorsque le nœud est non hyperbolique): . Par conséquent :
ce qui fait de un nœud hyperbolique de .
Si on suppose que est réduit à un singleton , alors tous les points de se rétractent sur , c’est-à-dire que pour tout , . Si est un nœud hyperbolique dans , il le reste dans . Si et , alors est un nœud hyperbolique de par l’inégalité . En revanche, lorsque , le nœud de n’a a priori plus aucune raison d’être hyperbolique. Il le sera dès que , ou dès que , que et que les points de sont « suffisamment éloignés » au sens où il existe tels que (i.e. et ne sont pas dans le même disque de ).
Si est vide : Lorsque est compact cela correspond à . Dans tous les cas est l’enveloppe convexe de , et correspond exactement aux sommets pluribranches de cette enveloppe convexe, c’est-à-dire que est non vide si et seulement si , auquel cas tous les éléments de sont des nœuds hyperboliques.
Remarque 3.33.
Nous savons que est une triangulation de tout autant que de , avec pour cette dernière des composantes non relativement compactes qui apparaissent. Soit et la composante connexe de contenant . Nous savons que est un disque -analytique ouvert ([Duc], ). Si l’on se place maintenant dans , la composante connexe de correspondante est exactement . Ce n’est ainsi plus un disque, mais une couronne -analytique non relativement compacte dans , c’est-à-dire un élément de . Lorsque est compacte il est facile de voir que l’application établit une bijection entre et .
Conclusion : Une courbe marquée avec compacte sera alors -analytiquement hyperbolique dès que l’on est dans l’un des cas suivants :
-
(a)
est elle-même une courbe -analytiquement hyperbolique;
-
(b)
est une courbe de Tate et ;
-
(c)
et ;
-
(d)
est réduit à un nœud non hyperbolique , et l’une des conditions suivantes est vérifiée :
-
•
et ,
-
•
, , .
-
•
Exemple 3.34.
Le cas d’une courbe elliptique. Soit une courbe elliptique sur munie de son élément neutre . Si est à mauvaise réduction, est un cercle ne contenant pas le point rigide . Si est à bonne réduction, son squelette est constitué d’un unique nœud de genre . Dans les deux cas, définit une courbe -analytiquement hyperbolique. Cela permet d’associer de manière canonique une courbe marquée -analytiquement hyperbolique à toute courbe elliptique sur .
-
(a)
-
3.
Le demi-plan de Drinfeld
Voici un exemple important de courbe -analytiquement hyperbolique n’ayant aucune nature algébrique. Soit un corps non-archimédien local de caractéristique (i.e. est soit une extension finie de , soit du type où est une puissance de ) contenu dans le corps non archimédien, complet et algébriquement clos dont la valuation prolonge celle de .
Le demi-plan de Drinfeld, noté , est la courbe -analytique analogue non archimédien du demi-plan de Poincaré, définie en tant qu’ouvert de par :
Le demi-plan de Drinfeld est une courbe -analytiquement anabélienne non compacte et sans bord. En effet, son squelette analytique ainsi que l’ensemble de ses nœuds peuvent être décrits par :
Ainsi, dans , tous les nœuds sont de valence (donc hyperboliques) où désigne le cardinal du corps fini . Par ailleurs n’est pas seulement un semi-graphe, mais un vrai graphe (toutes les arêtes sont « fermées ») infini, de là l’égalité avec le squelette tronqué :
Berkovich montre dans [Ber] que le groupe des automorphismes -analytiques de coïncide avec , et Alon étend dans [Al] ce résultat à un produit fini : si sont des sous-extensions de qui sont des corps non-archimédiens locaux pour la valuation induite par celle de , et si , alors :
Remarque 3.35.
Le squelette n’est autre que l’immeuble de Bruhat-Tits de , noté . On s’en rend facilement compte en considérant selon sa description en termes de normes : considérons le -espace vectoriel
alors est défini comme l’ensemble des normes sur modulo la relation qui identifie deux normes si et seulement si celles-ci sont homothétiques, c’est-à-dire s’il existe tel que .
3.3 Reconstruction du squelette
3.3.1 Tempéroïde connexe associé à
Proposition 3.36.
Soit une courbe -analytique quasi-lisse connexe munie d’une triangulation généralisée non vide. On a une équivalence de catégories (donc un isomorphisme d’anabélioïdes connexes) :
Démonstration.
Remarquons tout d’abord que est un recouvrement de pour la topologie étale sur le site , puisqu’un revêtement (universel) topologique est étale. Notons .
Remarquons que si est un couple d’éléments distincts de , alors :
-
•
, où décrit l’ensemble des arêtes de ayant deux branches aboutissant en et en .
-
•
, où décrit l’ensemble des arêtes de ayant deux branches aboutissant toutes deux en .
Une donnée de descente sur est la donnée pour tout d’un et d’une famille d’isomorphismes avec
(3) |
telle que chaque se restreigne à l’identité sur la diagonale de . Cette dernière contrainte provient de la conditions sur les cocycles . Les autres conditions de cocycles sont ici tautologiques puisqu’avec des notations évidentes dès que les indices et ne sont pas tous égaux.
Il reste à remarquer que les conditions de l’équation (3) et la contrainte sur correspondent exactement aux « conditions de recollement » permettant de définir les objets de la catégorie , d’où l’on déduit une équivalence de catégories entre et la catégorie des données de descente sur . D’autre part, par descente étale, la catégorie est elle-aussi équivalente à la catégorie des données de descente sur , ce qui donne par transitivité le résultat escompté.
∎
Corollaire 3.37.
Sous les mêmes hypothèses on a une équivalence de catégories
qui induit un isomorphisme de tempéroïdes connexes :
Démonstration.
D’après la proposition précédente on peut identifier les anabélioïdes connexes et . Sous cette identification l’ensemble des systèmes projectifs cofinaux de revêtements finis étales galoisiens de correspond à l’ensemble des systèmes projectifs cofinaux de revêtements galoisiens finis de de degré premier à (donc modérés). Par ailleurs, si est un revêtement fini étale galoisien de correspondant au revêtement de selon l’équivalence de la proposition précédente, on a par définition du semi-graphe sous-jacent à un isomorphisme de semi-graphes entre et . En reprenant les notations de la remarque 1.38 et de la proposition 2.42, on a un isomorphisme entre les groupes et (qui sont des groupes libres discrets) ainsi qu’entre les groupes et . De plus ces isomorphismes sont fonctoriels en . De là on obtient un isomorphisme :
qui induit en vertu de la remarque 1.38 et de la proposition 2.42 un isomorphisme :
∎
Remarque 3.38.
Si est une courbe -analytique quasi-lisse et connexe munie d’une triangulation généralisée , alors on a une équivalence de catégories suivante : . En effet, selon le même raisonnement que ce qui précède on montre que est elle aussi équivalente à .
3.3.2 Reconstruction du squelette tronqué
Théorème 3.39.
Soient et deux courbes -analytiques quasi-lisses et connexes munies respectivement de triangulations généralisées et non vides de squelettes tronqués et dont les graphes d’anabélioïdes vérifient tous deux l’ensemble des hypothèses mochizukiennes. Supposons qu’il existe un isomorphisme entre les groupes tempérés modérés :
Alors induit un isomorphisme de graphes entre les squelettes tronqués associés :
Remarque 3.40.
Comme les groupes peuvent se reconstruire directement à partir des (cf. remarque 2.49), tout isomorphisme entre et induit un isomorphisme entre et . Ainsi, par le théorème ci-dessus, tout isomorphisme entre les induit un isomorphisme de graphes entre les squelettes tronqués.
Démonstration.
Puisque les équivalences de catégories et induisent des isomorphismes entre les différents tempéroïdes connexes correspondant, alors induit un isomorphisme de tempéroïdes connexes
En ayant montré au 3.30 que les sont quasi-cohérents, totalement élevés, totalement détachés et sommitalement minces, alors on déduit du théorème 1.44 un isomorphisme de graphes d’anabélioïdes:
qui induit en particulier un isomorphisme de graphes : i.e. un isomorphisme de graphes entre les squelettes tronqués :
∎
Corollaire 3.41.
Soient et deux courbes -analytiquement hyperboliques dont on note et les ensembles de nœuds des squelettes respectifs. Supposons qu’il existe un isomorphisme entre les groupes tempérés modérés :
Alors induit un isomorphisme de graphes entre les squelettes analytiques tronqués :
Démonstration.
Définition 3.42 (Courbes -analytiquement hyperboliques à arêtes relativement compactes).
Une courbe -analytiquement hyperbolique sera dite à arêtes relativement compactes lorsque toutes les composantes connexes de sont relativement compactes dans , ce qui revient à dire que , ou bien que est un vrai graphe, ou que .
Exemple 3.43.
Toute courbe -analytiquement hyperbolique compacte est à arêtes relativement compactes. Si est un corps local contenu dans , le demi-plan de Drinfeld est également à arêtes relativement compactes.
Le résultat suivant met en évidence le comportement « anabélien » de telles courbes :
Théorème 3.44.
Soient et deux courbes -analytiquement hyperboliques à arêtes relativement compactes. Supposons qu’il existe un isomorphisme entre les groupes tempérés modérés :
Alors induit (fonctoriellement en ) un isomorphisme de graphes entre les squelettes analytiques associés : .
Démonstration.
Ce résultat se déduit directement du corollaire 3.41 et de la caractérisation des courbes -analytiquement hyperboliques en terme de l’égalité entre squelette et squelette tronqué. ∎
Proposition 3.45.
Pour , soit un nombre premier et un corps de nombres -adique, c’est-à-dire une extension finie de . Supposons les groupes tempérés modérés isomorphes :
alors , et les extensions et ont même degré d’inertie : , d’où un isomorphisme .
Démonstration.
Nous savons que est une courbe -analytiquement hyperbolique à arêtes relativement compactes. Par conséquent, le théorème 3.44 permet d’affirmer que le groupe détermine la classe d’isomorphisme du semi-graphe (on n’utilise pas ici la fonctorialité de du théorème 3.44). Or tous les sommets de ont une valence égale à , où est le cardinal de et est le degré d’inertie de . Ainsi on en déduit , puis et enfin en calculant . ∎
3.3.3 Reconstruction des arêtes ouvertes
Nous venons de montrer que l’on peut retrouver le squelette analytique tronqué d’une courbe -analytiquement hyperbolique à partir de son groupe tempéré, ce qui correspond au squelette tout entier dans les cas où les courbes en question sont à arêtes relativement compactes. Peut-on retrouver de manière générale tout le squelette d’une courbe -analytiquement hyperbolique à partir de son groupe tempéré ? En nous inspirant de ce que fait Mochizuki dans [Mzk], nous allons définir les courbes -analytiquement anabéliennes comme l’ensemble des courbes -analytiquement hyperboliques vérifiant une condition technique dite d’ascendance vicinale, que nous énoncerons, puis nous montrerons comment ces techniques de reconstruction au niveau de tous les revêtement étales finis (sans se restreindre aux revêtements modérés) d’une courbe -analytiquement anabélienne permettent de retrouver à partir du groupe tempéré de la courbe les arêtes ouvertes du squelette qui faisaient défaut dans le squelette tronqué.
Lemme 3.46.
Soit une courbe -analytiquement hyperbolique, et un revêtement fini étale connexe. Alors est une courbe -analytiquement hyperbolique. De plus , et est une triangulation de dès que est une triangulation de .
Démonstration.
Le revêtement est fini et plat et et sont respectivement l’ensemble des nœuds de et de , ainsi l’on déduit directement de [Duc] (Proposition ) que . En particulier est non vide.
Soit , supposons qu’il existe tel que . En reprenant les notations de la définition 3.26, l’hyperbolicité de se traduit par : . Or est fini, ainsi implique , c’est-à-dire dès que . Par ailleurs , et la formule de Riemann-Hurwitz permet d’affirmer que . On en déduit que est un nœud hyperbolique. Supposons que . Cela implique que , car dans le cas contraire la finitude de entraînerait et de là , ce qui n’est pas le cas. Par conséquent . On a aussi car si cette dernière était nulle, par connexité de , on aurait , et comme cela donnerait . Si est unibranché dans ou de valence égale à , alors en tant que nœud de il doit vérifier , d’où l’hyperbolicité de (si le nœud est automatiquement hyperbolique). On en déduit que est une courbe -analytiquement hyperbolique. ∎
Soient et deux courbes -analytiquement hyperboliques. Pour , notons , et supposons donné un isomorphisme . Soient et deux sous-groupes ouverts d’indice fini se correspondant via , et les revêtements finis étales connexes associés (en particulier on a l’égalité ).
Corollaire 3.47.
Les techniques de reconstruction du corollaire 3.41 s’appliquent aux sous-groupes et se correspondant via , c’est-à-dire que l’isomorphisme induit un isomorphisme de graphes d’anabélioïdes , donc en particulier un isomorphisme de graphes :
Définition 3.48.
Soit une courbe -analytiquement hyperbolique et l’ensemble non vide des nœuds de son squelette analytique. Après l’identification donnée par l’isomorphisme , nous dirons qu’un sous-groupe compact de est un :
-
•
sous-groupe vicinal s’il est de la forme pour une arête fermée, c’est-à-dire associée à une couronne relativement compacte,
-
•
sous-groupe cuspidal s’il est de la forme pour une arête ouverte, en particulier c’est le groupe associé à une couronne non relativement compacte dès que forme une vraie triangulation de .
L’étude menée des composantes coronaires nous permet d’affirmer que les sous-groupes vicinaux tout autant que cuspidaux sont isomorphes à .
Remarque 3.49.
D’après [Mzk] (théorème ), nous savons que les sous-groupes compacts maximaux de correspondent exactement aux sous-groupes sommitaux, c’est-à-dire de la forme pour , et que les sous-groupes vicinaux sont exactement les intersections non triviales de deux sous-groupes compacts maximaux. Un sous-groupe cuspidal n’est en revanche contenu que dans un seul sous-groupe compact maximal de . Par conséquent, un sous-groupe ne peut être à la fois vicinal et cuspidal.
Définition 3.50.
Si est un groupe et un sous-groupe, le commensurateur de dans , noté , est le sous-groupe de défini par :
On dira que est commensurément terminal dans lorsque .
Remarque 3.51.
La terminalité commensurable est préservée par restriction du groupe total : si est une injection de groupes et un sous-groupe, alors est commensurément terminal dans dès que est commensurément terminal dans . Cela découle directement des définitions.
Lemme 3.52.
Si est un groupe dont est un sous-groupe commensurément terminal, alors est uniquement déterminé par n’importe lequel de ses sous-groupes d’indice fini.
Démonstration.
Deux sous-groupes et de sont dits commensurables si les deux indices et sont finis. Il s’agit d’une relation d’équivalence sur l’ensemble des sous-groupes de , notée . La symétrie et la réflexivité étant évidentes, la transitivité se montre comme suit : si et sont trois sous-groupes de vérifiant et , alors :
et l’on a également par symétrie, d’où . Par ailleurs cette relation d’équivalence est stable par automorphisme de , et si et seulement si . De là, si , alors :
Ainsi deux groupes commensurables ont même commensurateur.
Revenons au sous-groupe commensurément terminal de , et soit un sous-groupe d’indice fini de . On a , par conséquent .
∎
Lemme 3.53.
Soit une courbe -analytiquement hyperbolique. Notons . Alors tout sous-groupe cuspidal de est commensurément terminal dans . Un sous-groupe cuspidal étant compact, il est dès lors (d’après le lemme 3.52 précédent) uniquement déterminé par n’importe lequel de ses sous-groupes ouverts.
Démonstration.
Soit un sous-groupe cuspidal associé à un cusp aboutissant à . En notant le complété pro- fini de , on a (groupe fondamental modéré profini de ) et une injection donnée par la proposition 1.37. D’après la remarque 3.51, il suffit de montrer que est commensurément terminal dans , cela impliquera qu’il l’est également dans . Supposons par l’absurde que n’est pas commensurément terminal dans , c’est-à-dire qu’il existe un élément n’appartenant pas à et tel que soit d’indice fini et donc ouvert dans et (où l’on note ). Puisque et sont compacts, leurs topologies profinies sont celles induite par la topologie profinie de , et comme les sous-groupes ouverts distingués de forment une base d’ouverts, il existe un sous-groupe ouvert distingué vérifiant :
De là on obtient : .
Soit le revêtement fini modéré connexe et galoisien donné par , de sorte que . Soit un cusp de (i.e. une composante associée à une arête ouverte de ) au-dessus de tel que (cela est possible quitte à prendre suffisamment petit, car ). Les groupes et sont les groupes d’inertie de et , et l’on a . On peut supposer, qui à restreindre à nouveau , que admet un autre cusp au-dessus de , distinct de et .
Soit . Comme est quasi-lisse en , il existe une courbe -analytique lisse et un voisinage de dans tel que s’identifie à un domaine analytique fermé de . Fixons un voisinage affinoïde de dans ; l’intersection s’identifie à un voisinage analytique compact de dans . Quitte à restreindre chacun des , pour parcourant , on peut supposer que les sont disjoints dans . Soit la courbe -analytique obtenue en recollant et le long de . On peut par ailleurs restreindre de manière à ce que sous l’injection les arêtes ouvertes de (i.e. les cusps de ) restent des arêtes ouvertes de .
Fixons un entier premier à . Comme la courbe est lisse, le diagramme 2.33 nous permet d’exhiber un morphisme de groupes surjectif :
Soient et les arêtes ouvertes de correspondant aux cusps et de , et orientées vers le sommet auquel elles aboutissent. Le lemme 2.31 permet d’exhiber une cochaîne harmonique telle que . Soit la restriction à d’un élément de vu comme une classe d’isomorphisme de -torseurs analytiques sur . Nous savons que définit (à isomorphisme près) un revêtement modéré de . Or contredit l’égalité des groupes d’inertie , d’où la commensurabilité terminale de tout sous-groupe cuspidal dans et donc dans .
Par ailleurs tout sous-groupe cuspidal étant compact, ses sous-groupes ouverts sont d’indice fini. Il suffit dès lors d’appliquer le lemme 3.52 précédent pour obtenir qu’un sous-groupe cuspidal est uniquement déterminé par n’importe lequel de ses sous-groupes ouverts. ∎
Remarque 3.54.
Soit un sous-groupe ouvert d’indice fini, et le revêtement fini défini par ce sous-groupe. Soit une couronne de correspondant à une arête fermée de s’envoyant sur une couronne de correspondant à une arête fermée ou ouverte de . Quitte à identifier (resp. ) au domaine analytique de défini par la condition (resp. ) avec (resp. ) un intervalle de , le morphisme envoyant sur est défini par une fonction analytique inversible sur s’écrivant et telle qu’il existe vérifiant pour tout et . Le morphisme est alors fini et plat de degré (cf. [Duc], ). Si est modéré, le morphisme de groupes injectif qu’il induit identifie à l’unique sous-groupe d’indice de , à savoir , qui est ouvert.
Lemme 3.55.
Soit une courbe -analytiquement hyperbolique. Notons . Si est un sous-groupe ouvert d’indice fini induisant un morphisme , alors l’image selon de tout sous-groupe vicinal de est soit triviale, soit un sous-groupe ouvert d’un sous-groupe vicinal de , soit un sous-groupe ouvert d’un sous-groupe cuspidal de , ces cas étant mutuellement exclusifs.
Démonstration.
Le sous-groupe définit un revêtement fini étale connexe envoyant sur . Comme (cf. lemme 3.46), l’image d’une arête fermée de est soit hors du squelette de (auquel cas l’image du sous-groupe vicinal associé est triviale), soit contenue dans une arête fermée, soit dans une arête ouverte de (d’après la remarque précédente 3.54), d’où les cas possibles.
Lorsque l’image est non triviale, le fait qu’un sous-groupe vicinal de ne puisse s’envoyer à la fois sur des sous-groupes de sous-groupes vicinaux et cuspidaux de résulte directement du caractère totalement détaché du semi-graphe d’anabélioïdes ∎
Définition 3.56 (Courbes -analytiquement anabéliennes).
Une courbe -analytique non vide , connexe, quasi-lisse et de groupe tempéré noté sera dite -analytiquement anabélienne lorsqu’elle est -analytiquement hyperbolique et qu’elle vérifie la condition suivante que l’on appellera propriété d’ascendance vicinale :
-
-
Tout sous-groupe cuspidal de admet un sous-groupe ouvert qui n’est autre que l’image d’un sous-groupe vicinal de par le morphisme naturel induit par l’injection d’un certain sous-groupe ouvert d’indice fini.
Théorème 3.57.
Soit et deux courbes -analytiquement anabéliennes. Supposons qu’il existe un isomorphisme entre les groupes tempérés :
Alors induit un isomorphisme de semi-graphes fonctoriel en .
Démonstration.
Pour , notons l’ensemble (non vide) des nœuds du squelette analytique de , et . Le corollaire 3.41 fournit un isomorphisme de graphes entre les squelettes tronqués :
Afin d’obtenir l’isomorphisme voulu entre les squelettes (non tronqués), il reste à montrer que la donnée de permet de retrouver les arêtes ouvertes, c’est-à-dire d’établir une bijection entre et compatible avec .
Considérons une arête ouverte de sous-groupe cuspidal associé . D’après la propriété d’ascendance vicinale dont jouit , il est loisible de considérer un sous-groupe ouvert d’indice fini tel que admette un sous-groupe ouvert qui est l’image d’un sous-groupe vicinal de par le morphisme naturel . Considérons alors les groupes et associés par à et . Le lemme 3.55 nous permet alors d’affirmer que est un sous-groupe vicinal de , dont l’image par le morphisme est un sous-groupe ouvert d’un sous-groupe cuspidal de pour un certain . Or, en sa qualité de commensurément terminal (voir lemme 3.53), est entièrement déterminé par ce sous-groupe ouvert. D’autre part est entièrement déterminé par puisque la propriété dont jouit d’être totalement détaché implique qu’une arête ouverte est entièrement déterminée par la classe de conjugaison de son sous-groupe cuspidal. Par ailleurs cette manière d’associer à ne dépend pas du choix du sous-groupe ouvert vérifiant les propriétés requises : si est un autre sous-groupe ouvert d’indice fini de permettant d’associer à , alors l’intersection est un sous-groupe ouvert de d’indice fini permettant d’associer à un élément , qui par le corollaire 3.47 doit être égal à tout autant qu’à , d’où l’égalité .
Par conséquent est bien défini et induit une bijection compatible avec , d’où le résultat escompté. ∎
Remarque 3.58.
La propriété d’ascendance vicinale fait appel à un sous groupe ouvert d’indice fini associé à un revêtement étale . Or, puisqu’il s’agit d’un sous-groupe de et non de , le morphisme n’a aucune raison d’être modéré. De là, c’est bien le groupe tempéré total qui détermine le squelette analytique (d’après le théorème précédent), tandis que le groupe tempéré premier à , à savoir , ne détermine que le squelette tronqué . Par ailleurs, il n’y aucun espoir que le groupe premier à puisse déterminer tout le squelette analytique dès que la courbe -analytiquement hyperbolique n’est pas à arêtes relativement compactes. En effet, considérons une composante connexe de associée à une arête non relativement compacte (arête ouverte), et la courbe obtenue à partir de par ablation de . Une telle ablation rajoute du bord, de telle sorte que reste une courbe -analytiquement hyperbolique. Par ailleurs il y a égalité des groupes tempérés premier à : , cela découle du théorème de rigidité de [Ber] appliqué à l’immersion ainsi que de la description des revêtement modérés d’une couronne et de l’expression de comme limite inductive de couronnes. En revanche les deux squelettes analytiques sont différents en tant que semi-graphes en ce que est obtenu à partir de par ablation de l’arête ouverte associée à , d’où l’impossibilité de retrouver à partir de .
3.3.4 Exemples de courbes -analytiquement anabéliennes :
Les courbes -analytiquement hyperboliques à arêtes relativement compactes (3.42) sont des exemples de courbes -analytiquement anabéliennes. De là, les courbes -analytiquement hyperboliques compactes tout autant que le demi-plan de Drinfeld sont des courbes -analytiquement anabéliennes. Ce ne sont cependant pas les seuls exemples de telles courbes, comme le montrent les résultats suivants.
Définition 3.59 (Cusps coronaires finis et discaux épointés).
Soit une courbe -analytiquement hyperbolique. Un cusp tel que la composante connexe de qu’il définit est une vraie couronne sera dit :
-
•
coronaire fini dès que la couronne associée est de module fini;
-
•
discal épointé dès que la couronne associée est isomorphe à un disque -analytique privé d’un point rigide (la couronne associée est alors de module infini).
Le corps sera dit de carctéristique mixte lorsque et .
Proposition 3.60.
Si est de caractéristique mixte, alors toute courbe -analytiquement hyperbolique dont tous les cusps sont coronaires finis est -analytiquement anabélienne.
Démonstration.
Soit une telle courbe, et l’ensemble des cusps de , vus comme arêtes ouvertes de . Par hypothèse, pour chaque , la composante connexe de déterminée par est une couronne de module fini que l’on note . Soit le sommet de auquel aboutit. Le corollaire 2.36 assure l’existence d’un -torseur de et d’un point tel que est totalement déployé au-dessus de l’ouvert et non déployé avec un seul antécédent au-dessus du complémentaire de dans ( désigne ici la rétraction canonique de sur son squelette analytique). Soit l’ouvert de défini par :
Soit le revêtement fini étale de obtenu en recollant chacun des au revêtement trivial de à feuillets le long des . Notons l’unique point au-dessus de , c’est un nœud de . Si désigne l’un des antécédents de , alors définit une arête fermée de , dont le sous-groupe vicinal associé s’envoie sur un sous-groupe ouvert du sous-groupe cuspidal , et ce pour chaque . Par conséquent le revêtement assure que vérifie la propriété d’ascendance vicinale, d’où le résultat. On vient même de montrer par cette preuve que vérifie une propriété plus forte d’ « ascendance vicinale simultanée » en ce que l’on peut trouver un revêtement étale fini, , permettant l’ascendance vicinale de tous les cusps simultanément. ∎
Proposition 3.61.
Si est une -courbe hyperbolique et est de caractéristique mixte, la courbe -analytique est -analytiquement anabélienne.
Démonstration.
Cela est une reformulation directe de la propriété (iv) apparaissant dans la preuve du résultat de [Mzk]. ∎
Remarquons qu’en vertu de la proposition ci-dessus, toute courbe marquée -analytiquement hyperbolique avec compacte est -analytiquement anabélienne.
Exemple 3.62.
Le cas d’une courbe elliptique. Nous avons vu dans l’exemple 3.34 une manière canonique d’associer à une -courbe elliptique une courbe -analytiquement hyperbolique : il s’agit de , où est l’élément neutre de . Or, par ce qui précède, une telle courbe est -analytiquement anabélienne. Cela permet d’associer de manière canonique une courbe -analytiquement anabélienne à toute courbe elliptique sur .
Corollaire 3.63.
Toute courbe -analytiquement hyperbolique dont le squelette analytique est un semi-graphe fini et dont les cusps sont uniquement coronaires finis ou discaux épointés est -analytiquement anabélienne dès que est de caractéristique mixte.
Démonstration.
Soit une telle courbe. En reprenant verbatim le raisonnement de la preuve de la proposition 3.60, il est possible de construire un revêtement fini étale de assurant l’ascendance vicinale de tout cusp coronaire fini de . De là, quitte à prolonger tous les cusps coronaires finis en des cusps discaux épointés, on peut supposer dans le reste de la preuve que tous les cusps de sont discaux épointés. Remarquons que même si des cusps coronaires finis apparaissent dans , cela ne pose aucun problème en ce que l’ascendance vicinale des cusps ne doit pas nécessairement être « simultanée ».
Soit l’ensemble (fini) des cusps discaux épointés, chacun associés à une couronne s’incarnant comme un disque privé d’un point rigide . Soit la courbe -analytique obtenue à partir de :
-
•
en prolongeant chaque à , pour tout ;
-
•
pour chaque , en prolongeant en des disques les branches issues de manquant à en raison de l’appartenance de à son bord.
En sa qualité de compacte et sans bord, est algébrisable : il existe une -courbe projective lisse telle que . Notons : on a , est une -courbe hyperbolique, et s’identifie à un domaine analytique fermé de . Si , en considérant comme un cusp discal épointé de qui est une courbe -analytiquement anabélienne d’après 3.61, il existe un revêtement fini étale de et une arête fermée de dont le sous-groupe vicinal associé est naturellement envoyé sur un sous-groupe ouvert du sous-groupe cuspidal . Ainsi, la considération des revêtements permet de conclure que vérifie la propriété d’ascendance vicinale, d’où son anabélianité. ∎
Récapitulons les résultats obtenus en donnant une liste des courbes -analytiquement hyperboliques que l’on sait être anabéliennes :
Théorème 3.64.
Soit un corps non archimédien complet algébriquement clos et non trivialement valué. Alors les trois types de courbes ci-dessous sont -analytiquement anabéliennes :
-
•
les courbes -analytiquement hyperboliques à arêtes relativement compactes (ex : le demi-plan de Drinfeld);
-
•
si est de caractéristique mixte : les courbes -analytiquement hyperboliques dont tous les cusps sont coronaires finis;
-
•
si est de caractéristique mixte : les courbes -analytiquement hyperboliques dont le squelette analytique est un semi-graphe fini et dont les cusps sont coronaires finis ou discaux épointés.
Remarque 3.65.
Dans la preuve de l’ascendance vicinale des analytifiées des -courbes hyperboliques donnée par Mochizuki dans [Mzk], le morphisme que l’auteur utilise (associé à un sous-groupe ouvert permettant l’ascendance vicinale d’un sous-groupe cuspidal de ), qui n’est pas du tout modéré, est donné par la « multiplication par au niveau de la Jacobienne ». Dans le cas des cusps coronaires finis, nous montrons la propriété d’ascendance vicinale en prenant une « racine -ième » d’une fonction coordonnée sur une couronne. Il serait tentant de généraliser des constructions similaires à toute courbe -analytiquement hyperbolique . Il faudrait typiquement pouvoir fabriquer un revêtement étale fini de ayant au-dessus d’un point de type fixé un antécédent tel que l’extension résiduelle correspondante soit inséparable, ou montrer qu’une courbe -analytiquement hyperbolique admet une fonction globale inversible, puis prendre le revêtement donné par sa « racine -ième ». Or la possibilité d’une telle construction ne semble pour l’instant pas évidente à l’auteur, mais il n’est pas exclu que toute courbe -analytiquement hyperbolique soit -analytiquement anabélienne.
Les courbes -analytiquement hyperboliques dont on ne connaît pour l’instant pas l’éventuel caractère -analytiquement anabélien sont de deux types :
-
•
celles qui ont des cusps autres que coronaires finis ou discaux épointés;
-
•
celles dont les cusps sont uniquement coronaires finis ou discaux épointés, qui ont au moins un cusp discal épointé mais dont le squelette analytique est un semi-graphe infini.
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