Les douze surfaces de Darboux et la trialité
Résumé
On donne dans cet article une interprétation géométrique des "douze surfaces de Darboux", qui apparaissent en appliquant de façon répétée une transformation simple à une déformation isométrique infinitésimale d’une surface dans l’espace euclidien de dimension trois. Cette interprétation est une version différentielle de la trialité, concernant les immersions totalement isotropes de surfaces dans la quadrique projective réelle de dimension 6 définie par une forme quadratique de signature neutre (4,4).
1 Introduction
Dans le volume 4 du traité de Gaston Darboux sur les surfaces [Darb], consacré aux déformations isométriques des surfaces dans l’espace euclidien , on trouve au chapitre 3, intitulé “les douze surfaces”, une construction que l’on peut présenter comme suit (voir aussi [Sab]).
Soit une surface, deux applications (lisses) de vers avec une immersion ( est partout injective), telles que
(1) |
i.e. qu’en tout point de on ait pour tout
(on note le produit scalaire euclidien dans ). Cette condition est équivalente au fait que la métrique riemannienne induite sur par vérifie
Autrement dit (1) exprime que , vu comme champ de vecteurs le long de , est une déformation isométrique infinitésimale (d’ordre 1) de , sujet de nombreuses investigations (notamment en ingénierie) au temps de Darboux comme par la suite.
Du fait que est une immersion, il existe une unique application (lisse) telle que
(2) |
où désigne le produit vectoriel dans . On peut concevoir comme le champ des “rotations infinitésimales” induites par la déformation de . Darboux remarque alors que vérifie
Si de plus est une immersion, la relation (1) étant symétrique en on peut définir par
Il est clair que ces formules définissent, sur les triplets vérifiant (2) ainsi que des conditions de non-dégénérescence convenables, deux involutions
Le résultat surprenant obtenu par Darboux peut maintenant s’énoncer
Théorème 1 (Darboux).
La composition est l’identité.
Les “douze surfaces” de Darboux sont les premières composantes des douze triplets obtenus par application des éléments du groupe diédral engendré par et au triplet initial .
On propose ici une formulation géométrique de ce théorème, sous forme d’une “trialité différentielle” pour les surfaces totalement isotropes dans la quadrique projective réelle définie par l’annulation d’une forme quadratique de signature sur .
Le lien entre la propriété (1) et la quadrique dans vient de ce que, considérée comme propriété de l’application
elle ne dépend visiblement que de la structure (pseudo-) conforme définie par la métrique pseudo-riemannienne plate de signature sur .
Or, par une construction bien connue (rappelée dans la section 2) généralisant la projection stéréographique usuelle, la quadrique est une compactification (pseudo-) conforme de . Plus précisément, si on munit de la forme quadratique
on identifie à l’ouvert affine défini par dans la quadrique projective d’équation dans au moyen de l’application
(rappelons que désigne le produit scalaire dans ). 111 Le cas usuel correspond à la quadrique projective de signature dans , i.e. , qui est une compactification conforme de
Un couple vérifiant (1) devient alors une immersion totalement isotrope, i.e. dont le plan projectif tangent en tout point est entièrement contenu dans la quadrique , et on voit facilement qu’il est alors inclus dans exactement deux espaces projectifs maximaux (de dimension ) contenus dans .
Or il se trouve que les espaces projectifs de dimension contenus dans forment deux familles , elles-mêmes isomorphes (algébriquement) à la quadrique , et on associe ainsi à deux applications , elles aussi lisses et totalement isotropes, mais qui peuvent dégénérer, i.e. être de rang .
Dans cette situation, la trialité projective est le fait que les relations d’incidence naturelles entre éléments de définissent sur leur union disjointe une structure hautement symétrique, dont les automorphismes permutent arbitrairement les trois quadriques. Ce fait est classique, voir [vdBS] et ses références, dont [Cart].
La “trialité différentielle” mise en évidence ici affirme que et ses deux “applications de Gauss” jouent aussi des rôles parfaitement symétriques (au moins lorsque est générique), et on montrera que ceci permet de retrouver le théorème 1 de Darboux.
Dans la suite, on commence par rappeler sections 2 à 4 les faits “classiques”222mais méritant peut-être d’être rappelés ci-dessus, ainsi que quelques autres qui leurs sont reliés, comme la notion de seconde forme fondamentale projective, la trialité sur la quadrique projective "neutre" de dimension et le théorème de Darboux-Sauer sur l’invariance projective de la rigidité infinitésimale.
Puis on étudie section 5 les triplets de Darboux et leurs involutions , , préparant le calcul section 6 des deux “applications de Gauss” de l’immersion totalement isotrope associée à une déformation isométrique infinitésimale . Génériquement, elles s’expriment en termes de composantes de triplets de Darboux transformés du triplet initial .
Après avoir introduit section 7 le modèle des matrices de Zorn pour les octonions déployés, on met en évidence la trialité différentielle section 8, puis on identifie section 9 les tranformations de Darboux en termes de cette trialité, démontrant au passage le théorème 1. On caractérise ensuite section 10 les cas dégénérés où l’une des applications est partout de rang . Les trois “secondes formes fondamentales” associées à une immersion totalement isotrope sont définies et étudiées section 11.
Enfin on considère section 12 une variété d’incidence de dimension , munie d’un champ de plans tangents de dimension complètement non-intégrable, dont les immersions totalement isotropes sont des surfaces intégrales.
Remarquons pour finir que ces constructions pourraient permettre d’aborder le problème toujours ouvert (voir [Yau, Gho]) de l’existence de surfaces lisses compactes sans bord (nécessairement non convexes) dans admettant des déformations isométriques lisses (finies) non triviales. Rappelons qu’il existe des exemples polyédraux [Conn, Kui]. On peut ainsi se demander s’il existe, dans la catégorie analytique réelle , des surfaces compactes sans bord admettant des déformations isométriques infinitésimales non triviales. Trotsenko montre dans [Trot] qu’il existe des surfaces de révolution difféomorphes à possédant des déformations isométriques infinitésimales non triviales, et même un espace de dimension arbitrairement grande de telles déformations, mais comme le fait remarquer Spivak dans [Spi], ces déformations ne sont pas lisses aux pôles : elles ont un ordre de différentiabilité fini.
2 La seconde forme fondamentale d’une hypersurface dans l’espace projectif
Soit une hypersurface de classe , un point de , et une équation locale de au voisinage de . Autrement dit, coïncide avec au voisinage de , et .
Il existe un unique hyperplan projectif tangent à en , i.e. tel que (il est déterminé par ), et la restriction à possède un point critique en . Il est alors classique (et facile à prouver) que admet en une différentielle seconde intrinsèque, forme bilinéaire symétrique .
Puisque , il existe une unique application bilinéaire symétrique
telle que sa composée avec
soit . Si on change d’équation locale de en , et sont multipliés par un même facteur non nul, et ne dépend d’aucun choix. C’est la seconde forme fondamentale de en . Elle définit un sous-espace vectoriel de dimension au plus dans (via l’ensemble des isomorphismes ), que l’on appellera structure pseudo-conforme projective de en .
Exemple 1.
Soit une forme quadratique sur , et le graphe . Alors la structure pseudo-conforme projective de s’identifie via la projection à celle associée au champ constant de formes quadratiques
Cela se vérifie sans difficulté, avec et identifié à l’axe vertical, mais peut aussi se déduire de l’existence d’une action affine transitive sur qui relève celle des translations sur :
Cette action est bien sûr restriction d’une action projective, et ne reste plus que le calcul trivial en .
Exemple 2.
Dans l’exemple précédent, si on suppose non dégénérée, est contenue dans la quadrique projective lisse d’équation en coordonnées homogènes . Plus précisément, , où est l’hyperplan à l’infini , qui est tangent à au point à l’infini sur l’axe vertical . Prenant euclidienne, et l’hyperplan , on voit que s’identifie à une sphère dans l’espace affine , et que la projection stéréographique depuis s’identifie à la projection verticale de l’exemple précédent. On retrouve ainsi le fait que est conforme, vu la définition projective de (la classe conforme de) la seconde forme fondamentale.
Ces exemples montrent que tout espace affine réel muni d’une métrique pseudo-riemannienne plate de signature admet une compactification (pseudo-) conforme naturelle, qui est une quadrique projective lisse de signature dans un espace projectif de dimension . Le “lieu à l’infini” qui est ajouté est le cône sur une quadrique projective de signature (un simple point si ou est nul).
3 Trialité
Parmi les algèbres de Lie simples complexes, celle de type , autrement dit est exceptionnelle en ce qu’elle admet un automorphisme extérieur d’ordre , qui permute cycliquement les trois branches (de longueur 1) de son diagramme de Dynkin en forme de Y. Ce fait peut paraître bien abstrait, mais il s’incarne géométriquement de manière très concrète dans la quadrique réelle de signature dans , espace homogène du groupe de Lie réel de type .
Plus précisément, considérons l’espace vectoriel réel muni de la forme quadratique de signature . Alors est l’espace des droites vectorielles isotropes pour .
Un sous-espace isotrope maximal (de dimension ) de n’est autre que le graphe d’une isométrie euclidienne , et la variété de ces sous-espaces a donc deux composantes connexes, identifiées à celles du groupe réel .
Or est classiquement isomorphe à , en voyant comme le groupe multiplicatif des quaternions de norme , agissant par multiplications à gauche et à droite sur l’algèbre des quaternions identifiée à .
Mais est précisément une copie de la quadrique projective d’équation homogène . Ainsi les deux familles de contenues dans sont deux copies de la quadrique .
Il existe entre deux quelconques de ces quadriques une relation d’incidence. Entre et , c’est simplement la relation d’appartenance, et entre et , c’est la condition d’avoir une intersection maximale, autrement dit un plan projectif (contenu dans ).
En termes d’isométries euclidiennes , cela signifie que et coïncident sur un sous-espace de dimension , autrement dit diffèrent par une réflexion hyperplane (on voit ainsi que les éléments de incidents à un élément fixé de forment un , et vice-versa).
De même, on voit que tout plan projectif contenu dans est inclus dans exactement un élément de et un élément de , éléments dont il est l’intersection. Le fait qu’un sous-espace vectoriel de totalement isotrope de dimension est contenu dans exactement deux sous-espaces totalement isotropes maximaux peut aussi se voir simplement en remarquant que a exactement deux droites isotropes.
Le résultat suivant est plus profond
Théorème 2.
Le groupe des bijections de l’union disjointe qui respectent les relations d’incidence agit sur les composantes en les permutant arbitrairement.
C’est l’origine du terme trialité, en référence au fait analogue pour l’union d’un espace projectif et de son dual, à savoir la dualité (projective).
La preuve la plus simple de ce théorème (voir [vdBS]) consiste à introduire sur une structure d’algèbre (non associative, à unité), celle des octonions déployés, pour laquelle la forme quadratique est multiplicative. On montre alors que sont paramétrés projectivement par les octonions de norme nulle , via leurs annulateurs gauche et droit, et que les relations d’incidence entre sont simplement , , . Le théorème en résulte aussitôt.
On utilisera par la suite un modèle particulier des octonions déployés, bien adapté aux calculs, celui des matrices de Zorn (voir section 7).
4 Déformations isométriques infinitésimales
Soit une surface et une immersion dans l’espace euclidien, toutes deux lisses. Une déformation infinitésimale de est un champ de vecteurs le long de , et elle est isométrique si la dérivée en de la métrique riemannienne induite par est nulle, autrement dit si
Un déplacement infinitésimal (où et désigne le produit vectoriel) est une déformation infinitésimale triviale.
Considérant le couple comme une immersion de dans l’espace pseudo-riemannien muni de la métrique plate , cette condition dit simplement que est une immersion totalement isotrope : l’image de est totalement isotrope pour tout point de .
Cette condition ne dépendant évidemment que de la structure (pseudo-)conforme définie par , il est naturel d’après la section 2 de considérer comme une immersion dans la quadrique projective réelle de signature
donnée par
On notera la forme quadratique , et l’espace vectoriel muni de cette forme.
La condition d’isométrie infinitésimale sur est équivalente à la totale isotropie de l’immersion ci-dessus pour la seconde forme fondamentale projective de , et revient à demander que pour tout le plan projectif tangent à en soit contenu dans .
On sait alors (voir section 3) que est contenu dans exactement deux espaces projectifs de dimension contenus dans , soit , d’où deux applications
Pour fixer les notations on désignera par la composante contenant les graphes des applications linéaires (antisymétriques si on identifie les source et but)
, et par celle contenant les “graphes tordus” des applications
. Noter que ces graphes décrivent des ouverts affines333Au sens de la géométrie algébrique : ils sont complémentaires de l’intersection avec un hyperplan dans un plongement projectif, ici le plongement de Plücker . (denses) de et .
Lorsque provient de avec un déplacement infinitésimal, est constante, égale à .
Un autre cas de dégénérescence se rencontre si prend ses valeurs dans un plan affine évitant l’origine et est un champ de vecteurs lisse quelconque normal à ce plan, de sorte qu’on a bien . Alors on vérifie aisémént que est constante, égale à si a pour équation . On pourrait encore ajouter à une rotation infinitésimale pour obtenir .
Pour mieux visualiser la situation, remarquons que la condition équivaut au fait que les deux immersions sont isométriques, pour un assez petit, puisque
Lorsque est un déplacement infinitésimal, diffèrent par une isométrie affine directe de , et est constante. Par contre dans le second cas, diffèrent par la réflexion orthogonale par rapport à , et c’est qui est constante, mais pas en général.
Définition.
On dit qu’une immersion est infinitésimalement rigide si toute déformation isométrique infinitésimale est un déplacement infinitésimal , .
Pour passer commodément du cadre projectif au cadre affine, remarquons que la quadrique contient deux espaces projectifs de dimension disjoints et et qu’on dispose de deux projections , . En particulier si , s’identifie à . De plus, la projection possède une structure naturelle de fibré vectoriel qui l’identifie au fibré , où est le fibré en droites tautologique, de sorte que s’identifie à la projection du fibré (co-)tangent à .
Alors une immersion est infinitésimalement rigide si et seulement si toute immersion totalement isotrope relevant , i.e. telle que , est telle que est constante.
Un résultat classique est que c’est le cas lorsque est un plongement de la sphère à courbure de Gauss strictement positive. Au contraire, ce n’est pas le cas dès que envoie un ouvert dans un plan (voir ci-dessus). Un autre fait classique est qu’au voisinage d’un point où la courbure de Gauss de ne s’annule pas, il y a un espace de dimension infinie de déformations isométriques infinitésimales, correspondant aux solutions locales d’une EDP linéaire d’ordre de type elliptique ou hyperbolique.
Compte tenu de la nature métrique de la définition, le résultat suivant est un peu surprenant
Théorème 3.
(Darboux-Sauer) La rigidité infinitésimale est projectivement invariante. Si est une immersion, et est une transformation projective telle que , alors est infinitésimalement rigide si et seulement si l’est.
Démonstration. La preuve consiste à remarquer que le groupe agit sur en respectant la quadrique et ses sous-espaces projectifs , , et en commutant à la projection : il suffit de faire agir par sur , et de noter que cette action préserve , car elle en fixe l’élément .
Remarque.
Cette preuve montre que les ensembles de déformations isométriques infinitésimales d’une immersion et de sa transformée projective se correspondent bijectivement, et que cette correspondance est linéaire (ce sont des espaces vectoriels). Cela tient au fait que l’action de ci-dessus respecte la structure de fibré vectoriel sur : cette action s’identifie à celle de sur le fibré cotangent (isomorphe au fibré tangent).
Remarque.
Darboux démontre ce résultat dans [Darb, Ch. IV, n° 900], et il prouve aussi l’invariance par dualité projective (ou plutôt “transformation par polaires réciproques”). Sauer reprend l’étude (trente ans plus tard) dans [Sau] en utilisant les coordonnées (projectives) de Plücker sur l’espace des droites affines de . Voir [Izm], pour une exposition récente. L’introduction de la quadrique simplifie quelque peu les calculs, et fait apparaître le groupe de symétries (de dimension 28), déjà présent en filigrane dans [Darb, ch.IV, n° 903, 907]. On peut aussi appliquer cette méthode de preuve dans le cas discret (polyèdres et “armatures”444pour “frameworks”), ainsi qu’en plus grande dimension.
5 Triplets de Darboux
Soit une immersion, et une déformation isométrique infinitésimale (toutes deux lisses). L’équation entraîne qu’il existe une unique application telle que
car une rotation de , même infinitésimale, est déterminée par sa restriction à un plan vectoriel quelconque.
Définition.
On appellera triplets de Darboux sur une surface les triplets d’applications lisses de vers vérifiant cette relation.
Si on pose avec Darboux , on obtient , i.e. est un triplet de Darboux. En particulier est une déformation isométrique infinitésimale de , même si cette dernière n’est pas nécessairement une immersion. Ainsi, un déplacement infinitésimal (), donne les applications constantes et .
De même, la symétrie de l’équation entraîne que, au moins dans l’ouvert de où est de rang , il existe une unique application telle que , et est un triplet de Darboux sur .
Il est clair que est une involution, et que en est une sur les triplets de Darboux où et sont des immersions, ce qui équivaut à . On va maintenant préciser la nature de .
Tout d’abord, le fait que est fermée (comme -forme à valeurs vectorielles) entraîne que est contenue dans . En effet, dans des coordonnées locales sur on a , et en décomposant chaque dans la base , où engendre , on obtient aisément .
Des égalités
il découle (en appliquant ) que
d’où
Comme est contenue dans , on a , de sorte que si est une immersion, est la surface polaire de par rapport à la quadrique . Autrement dit, le plan affine tangent à en a pour équation , et en particulier n’est pas défini si ce plan contient ( doit alors être interprété projectivement).
Inversement on peut étendre l’involution à cette situation
Lemme 4.
Soit un triplet de Darboux tel que soit une immersion dont les plans affines tangents évitent l’origine . Alors est un triplet de Darboux, que l’on prendra pour définition de .
Démonstration. Le fait que est fermée entraîne maintenant , donc . Dès lors . Cette définition est consistante, i.e. les deux définitions de coïncident quand elles s’appliquent toutes deux, comme il résulte des calculs précédant le lemme.
On peut donc appliquer l’involution au triplet dès lors que est une immersion à plan affine tangent évitant l’origine, obtenant le triplet , et enfin on peut considérer qui interviendra dans la section suivante.
Remarque.
Dans l’étude locale des déformations infinitésimales isométriques d’une immersion , l’hypothèse que est une immersion n’est pas réellement restrictive, car on peut modifier trivialement en lui ajoutant une rotation infinitésimale , et pour un générique sera une immersion au voisinage de tout point fixé à l’avance (il suffit que ). De même, l’hypothèse que les hyperplans affines tangents à évitent l’origine peut être satisfaite au voisinage de en remplaçant par pour un générique.
6 Calcul de
Soit l’immersion totalement isotrope associée à une immersion et à sa déformation isométrique infinitésimale , et vérifiant . Alors le plan projectif tangent à en est , où est totalement isotrope de dimension dans et
On vérifie alors sans peine à partir de et que a pour équations en (et en sous-entendant l’évaluation en )
que l’on peut réécrire
où engendre et . Si , on a donc , de sorte que les deux sous-espaces totalement isotropes maximaux de contenant sont donnés par les équations additionnelles et , soit encore
En particulier, avec les paramétrages d’ouverts affines de par donnés section 4 on a
Pour donner à une allure plus présentable, commençons par supposer que en . On peut alors définir , polaire de par rapport à la quadrique (voir la section précédente), et les équations définissant peuvent s’écrire
ou encore, en éliminant entre les deux premières équations
qui peut aussi s’écrire
Noter que est un triplet de Darboux d’après la section précédente, donc aussi son image . En particulier, on a
là où est définie.
Quand s’annule en , les équations définissant données plus haut deviennent
et la forme quadratique vaut sur ce sous-espace, de sorte que est donné par l’équation additionnelle
Remarquons que s’annule identiquement si et seulement si l’immersion prend ses valeurs dans un cône de sommet . Cependant, même dans ce cas le sous-espace précédent est parfaitement défini, et son image projective est .
7 Matrices de Zorn [vdBS]
On considère l’algèbre des matrices de Zorn sur
de produit
Alors le “déterminant”
est multiplicatif, car son défaut de multiplicativité avec le produit “standard”, i.e. sans les produits vectoriels, est , qui est l’opposé du seul terme supplémentaire introduit par ces produits vectoriels.
Comme a clairement une unité, il en résulte que est une algèbre d’octonions déployée (sur ). En particulier les sous-espaces totalement isotropes maximaux de sont les annulateurs gauches et droits des éléments isotropes non nuls de (voir section 3).
Par exemple, on vérifie aisément que l’annulateur à gauche de
n’est autre que l’image du sous-espace de noté section 4 par l’application
qui est une anti-isométrie, i.e. .
L’annulateur à droite du même élément de est quant à lui l’image par de (sic), avec . Un calcul sans difficulté montre alors que si , ce sous-espace est l’image par de . Plus généralement est l’annulateur à droite de
où désigne l’anti-automorphime de conjugaison dans .
En particulier, en identifiant à par l’application , on peut paramétrer par via l’application , () et de même pour via , où et désignent les multiplications à gauche et à droite par dans .
Lemme 5.
[vdBS] La relation d’incidence entre et équivaut à .
Démonstration. Il suffit de le vérifier dans un ouvert dense de , car les deux relations définissent des sous-variétés compactes de (toutes deux fibrées en sur ). Or un calcul rapide montre que et sont incidents si et seulement si
et d’après ce qui précède ils s’identifient via à et où
Il n’y a plus qu’à vérifier que la relation ci-dessus équivaut à dans l’algèbre .
8 Trialité différentielle
Soit une algèbre d’octonions deployés sur , la quadrique des droites isotropes de , une immersion totalement isotrope d’une surface. Alors, quitte à restreindre à un ouvert (ou bien passer à un revêtement double) de , se relève en , et pour tout , le sous-espace de est totalement isotrope de dimension .
Les deux sous-espaces totalement isotropes maximaux contenant sont et pour des applications lisses (là encore quitte à travailler localement), de sorte qu’en termes de la structure d’algèbre de
d’où aussi (Leibniz)
La trialité différentielle se résume alors à l’énoncé
Proposition 6.
On a en fait .
Démonstration. Si sont des champs de vecteurs tangents à , est orthogonal à , car étant totalement isotrope,
De plus est orthogonal à , car en dérivant on obtient
ce qui montre que la quantité est antisymétrique en , alors qu’elle est symétrique en . Par un lemme classique, elle est donc nulle.
En particulier, prend ses valeurs dans
Avant de poursuivre la preuve, rappelons le
Lemme 7.
Pour posons et . Alors est un anti-automorphisme de et , sont adjoints, de même que et . De plus .
Si vérifient , on a et .
Démonstration. Voir [vdBS]. Disons simplement qu’elle s’obtient en polarisant l’identité multiplicative satisfaite par la norme, ce qui donne pour
puis en appliquant cette identité un nombre suffisant de fois. Par exemple, on obtient sous les hypothèses du lemme , d’où la seconde assertion (l’autre identité s’en déduit par conjugaison).
Revenant à la preuve de la proposition, il résulte du lemme que
puis que et , car .
On obtient ainsi deux champs de formes bilinéaires symétriques sur , notés , bien définis à multiplication près par des fonctions ne s’annulant pas, i.e. deux structures pseudo-conformes (pouvant dégénérer) sur .
Soit un champ de vecteurs sur et montrons que s’annule en . On peut supposer , et choisir un champ de vecteurs sur tel que et , i.e. . Alors en dérivant dans la direction l’identité , on obtient , de sorte que et sont dans le noyau de . Mais ils sont aussi dans le noyau de (par définition de ), et comme l’intersection de ces noyaux est de dimension impaire elle est de dimension . Finalement d’après le lemme 5.
Il en résulte que pour tout , tout point du plan projectif tangent (resp. de ) est incident à et (resp. à et ), tout comme (par définition) tout point de est incident à et .
En particulier, si (resp. ) est une immersion, et (resp. et ) sont ses deux “applications de Gauss”.
9 Identification des transformations de Darboux
Il est naturel au vu des deux sections qui précèdent d’identifier chacune des quadriques avec la quadrique au moyen des isomorphismes
(rappelons (section 7) que désigne l’algèbre des matrices de Zorn sur ). On obtient ainsi des isomorphismes “trialitaires”
Associons à chaque triplet de Darboux sur l’application
Proposition 8.
Il existe des applications et de l’ensemble des immersions totalement isotropes vers les applications totalement isotropes de dans , telles que si est un triplet de Darboux pour lequel est une immersion (i.e. est une immersion), et que si de plus est défini, .
Démonstration. En prenant , il est clair que convient. Rappelons que n’a été défini que si est une immersion (donc aussi) ou si est une immersion dont les plans affines tangents évitent l’origine. Pour traiter le cas de la transformation , démontrons le
Lemme 9.
Soit un triplet de Darboux, avec une immersion. Alors
où est la transformation projective induite par la conjugaison, i.e. .
Démonstration. En remarquant que est induite via par la conjugaison de , la formule peut s’écrire , ce qui équivaut à . Mais cette égalité résulte du calcul de section 6 et de l’identification de en termes de section 7.
Le lemme montre que l’on peut prendre , et la proposition est démontrée.
Pour alléger les notations, identifions les quadriques à via les isomorphismes trialitaires , ce qui permet de voir comme applications de vers . La trialité différentielle démontrée dans la section 8 précédente se résume alors à la
Proposition 10.
Si est une immersion totalement isotrope telle que soit une immersion, on a et . De même, si est une immersion on a et .
Corollaire 11.
Si est une immersion totalement isotrope telle que soient aussi des immersions, les opérations sur sont les deux générateurs d’une action de .
Le fait que est induit par un anti-automorphisme de entraîne que , et la proposition entraîne que est une involution sur les immersions telles que soit une immersion.
De même que , l’involution telle que est induite via par un anti-automorphisme de , la transposition. On alors , et comme est un automorphime involutif de , on voit que dès que cela a un sens. En particulier le corollaire précédent entraîne
Corollaire 12 (Théorème de Darboux).
La transformation est l’identité sur l’ensemble des immersions totalement isotropes telles que sont aussi des immersions.
On voit aussi que l’orbite de sous l’action du groupe diédral d’ordre engendré par est constituée de et de leurs images par les éléments non triviaux du groupe d’ordre engendré par les involutions projectives et de . En particulier l’involution centrale correspond à l’involution projective , donnée par .
10 Dégénérescences
Il importe de comprendre les cas de dégénérescence, où l’une des applications tangentes est de rang ou dans un ouvert non vide de points (dans l’étude locale qui suit, on remplacera par cet ouvert).
Avant de commencer, remarquons que pour l’étude locale d’une immersion totalement isotrope , on peut se ramener (quitte à restreindre ) par un automorphisme de au cas où , pour une immersion et sa déformation isométrique infinitésimale .
Dans ce cas on a vu section 4 que les cas où ou est constante correspondent respectivement aux déformations triviales (déplacement infinitésimaux) de l’immersion et aux “déformations normales” de lorsque son image est contenue dans un plan.
Supposons (la différentielle de) de rang en tout point de . C’est équivalent à de rang en tout point de , car .
On peut alors choisir des coordonnées locales sur telles que engendre , d’où et .
On en déduit que et , pour une fonction ne s’annulant pas. Quitte à remplacer par , on peut supposer que , i.e. . On a alors
autrement dit est réglée. L’intégration de montre alors que
est aussi réglée, de sorte que l’immersion elle-même est réglée, i.e. localement de la forme
où sont telles que engendrent pour tout un sous-espace totalement isotrope de de dimension au moins , qui coïncide avec quand il est de dimension .
Inversement, ces équations définissent des déformations isométriques infinitésimales d’immersions réglées, pour lesquelles l’image de est une courbe, dès lors que et que est une bien une immersion, i.e. ne s’annule pas dans le domaine des considérés.
Envisageons maintenant le cas où est de rang en tout point de . On peut supposer comme précédemment (travaillant localement) que , pour une immersion et sa déformation isométrique infinitésimale . On peut aussi supposer que les plans affines tangents de évitent l’origine, quitte à appliquer un nouvel automorphisme de relevant une translation de . On a alors d’après la section 6 .
Comme , l’hypothèse équivaut à de rang (rappelons que est un triplet de Darboux (section 5)). Cela signifie que est une surface développable, enveloppe d’une famille à un paramètre de plans.
On peut choisir des coordonnées locales telles que engendre le noyau de . Alors, en abusant un peu des notations, , et comme et , on a et
pour une fonction vérifiant (que l’on peut prendre égale à si on le souhaite), et une application telle que et .
L’égalité entraîne d’abord que , puis que , de sorte que
pour une fonction réelle .
En se rappelant que , l’égalité s’écrit
pour , que l’on reporte dans (en omettant les arguments pour plus de lisibilité), obtenant
qui se réduit à
en utilisant et .
Quant à la condition de fermeture , elle se réduit après un calcul fastidieux à une seule équation (les deux membres sont proportionnels à )
pour des fonctions de données par
Ceci équivaut clairement à l’existence d’une fonction de telle que , soit encore
Ainsi à fixé, le vecteur s’obtient par application à d’une transformation projective entre les droites qu’ils parcourent.
Des formules donnant et il résulte qu’ici encore, l’immersion est réglée, i.e. localement de la forme où sont telles que engendrent pour tout un sous-espace totalement isotrope de de dimension au moins , qui coïncide avec quand il est de dimension .
De ces calculs on déduit la
Proposition 13.
Supposons compacte sans bord et , , analytiques, avec une déformation isométrique infinitésimale de l’immersion .
Alors l’immersion totalement isotrope est telle que est de rang (i.e. une immersion) sur un ouvert dense de , et il en va de même pour si elle est non constante.
Démonstration. En effet n’ayant pas d’ouvert plat, ni même réglé (par analyticité et compacité), ne peut être constante ou de rang sur un ouvert d’après ce qui précède. De même, si est non constante, elle ne peut être de rang sur un ouvert, pour la même raison.
Remarque.
Cohn-Vossen, Rembs, Reshetnyak puis Trotsenko [Trot] ont construit des exemples de surfaces de révolution de plus en plus régulières (analytiques réelles pour ce dernier) et possédant des déformations isométriques infinitésimales non-triviales. Cependant, comme le fait remarquer Spivak dans [Spi] aucun de ces exemples n’est analytique réel, ni même : le champ de vecteurs a un ordre de différentiabilité fini aux pôles de la surface de révolution. Ainsi, la question de l’existence d’une déformation isométrique infinitésimale non-triviale d’une surface fermée dans la catégorie analytique réelle, i.e. essentiellement celle d’une immersion totalement isotrope analytique réelle non-dégénérée d’une surface fermée dans la quadrique reste ouverte.
11 Les secondes formes fondamentales
Si est une immersion totalement isotrope, on peut la relever localement en , et alors est totalement isotrope de dimension .
On a vu section 8 que pour tous champs de vecteurs tangents à , on a , d’où et , ce qui implique que pour tous on a . Si est un quatrième champ de vecteurs tangents à , on en déduit que est symétrique en , puisque c’est aussi .
Mais comme a deux droites istotropes , on peut poser
pour deux formes bilinéaires symétriques bien définies à un facteur près. On peut supposer , et aussi que appartient à , pour fixer les signes.
Alors la totale symétrie de en équivaut à la condition que pour tous on a
autrement dit et sont orthogonales pour la forme quadratique discriminant ("apolaires")
Les formes sont à un facteur non nul près les mêmes que celles définies section 8 au moyen des octonions déployés par
On les appellera secondes formes fondamentales de l’immersion totalement isotrope 555La seconde forme fondamentale de l’immersion projective est une application linéaire , et si est une immersion totalement isotrope, l’image de est engendrée par et .
Noter que l’on a aussi
et la trialité différentielle (proposition 6) entraîne que
pour une troisième forme bilinéaire symétrique sur , définie à un facteur près et orthogonale aux deux formes précédentes.
En particulier
Proposition 14.
Si les formes , , sont non nulles en un point , alors
-
-
soit elles sont toutes non dégénérées, l’une d’elles est définie, les deux autres sont indéfinies à directions isotropes mutuellement orthogonales et aussi orthogonales pour la forme définie,
-
-
soit l’une des formes est de rang , disons pour une forme linéaire non nulle , les deux autres sont divisibles par , et l’une d’elles au moins est proportionnelle à .
Démonstration. Il s’agit de comprendre les positions de trois points de qui sont deux à deux orthogonaux vis-à-vis de la conique lisse d’équation . Si aucun n’est sur la conique, un des points est intérieur à , les deux autres sur sa droite polaire, donc extérieurs à , et orthogonaux entre eux. Or l’orthogonalité de deux formes quadratiques non dégénérées en dimension équivaut à ce que les directions isotropes (éventuellement complexes) de l’une sont orthogonales pour l’autre.
Enfin l’orthogonal (polaire) d’un point de est la droite tangente à en ce point, projectif du sous-espace de dimension des formes quadratiques divisibles par . Deux points de sont orthogonaux si et seulement si l’un d’eux est égal à .
Lemme 15.
En tout point , , et chaque noyau est contenu dans .
Démonstration. Prenons comme ci-dessus des relèvements de au voisinage de . Le sous-espace est totalement isotrope de dimension , et équivaut à pour tout , donc à . Comme l’intersection de deux annulateurs gauches dans est de dimension paire, ceci équivaut à , autrement dit à . De plus, entraîne clairement pour tout , i.e. .
Le cas de est similaire (ou s’en déduit par conjugaison).
On en déduit la caractérisation suivante des situations où l’une des formes , , s’annule.
Proposition 16.
Pour une immersion totalement isotrope , la forme (resp. s’annule au point si et seulement si (resp. ). On a alors aussi .
La forme s’annule en si et seulement si , ou , ou bien sont toutes deux de rang . Dans ce dernier cas, sont de rang et ont même noyau , et les droites projectives tangentes découpent par incidence dans la même droite projective, à savoir celle ayant pour vecteur tangent en .
Démonstration. La première partie de la proposition résulte aussitôt du lemme précédent.
La forme est nulle en si et seulement si le produit (dans ) est nul pour tous champs de vecteurs sur . Mais cela entraîne que les sous-espaces vectoriels et de s’annulent mutuellement, i.e. . Comme l’intersection de deux annulateurs gauches (resp. droits) dans est de dimension paire et que est de dimension (car est une immersion), ceci force à être de dimension , i.e. . La réciproque est claire. Le cas de se traite semblablement (ou s’en déduit par conjugaison).
L’annulation de équivaut à dans , où , , et on a soit ou , soit , sont de dimension , i.e. sont de rang , et .
Inversement, supposons de rang . Les formes sont aussi de rang d’après le lemme, et comme elles sont orthogonales pour le discriminant, elles ont même noyau , qui est aussi le noyau commun de .
Soit . Alors , car , et de même , de sorte que
est de dimension au moins , impaire, donc , et en vertu du lemme 5. Mais ceci signifie que , et comme d’après le lemme 15, on a bien .
Quant à la dernière assertion, elle résulte de ce que le plan vectoriel coïncide pour raison de dimension avec et avec . Géométriquement, cela signifie que la droite est l’ensemble de points de incidents à tous les points de (resp. de ). Comme est la droite projective de vecteur tangent en , la proposition est démontrée.
Les possibilités obtenues pour le triplet sont résumées dans le tableau
Supposons maintenant que pour une immersion et sa déformation isométrique infinitésimale . On va déterminer les trois formes bilinéaires (à un facteur près) en termes des applications , et , où . Pour cela, on peut supposer sans perte de généralité, quitte à travailler localement sur et remplacer par pour génériques, que est une immersion et que les plans affines tangents à et évitent l’origine. On peut alors définir les polaires , par , , et on prend
pour représentantes des secondes formes fondamentales de et à un facteur près. Noter que , puisque entraîne .
D’après la section 5, le triplet de Darboux est donné par , . On a alors , donc , et on pose
Lorsque est une immersion, ses plans affines tangents évitent l’origine, et coïncide avec la polaire de .
On se place dans le modèle des matrices de Zorn pour les octonions déployés. En utilisant les isomorphismes trialitaires de la section 9 et les résultats des sections 6 et 7, on peut identifier ,, aux matrices de Zorn
et dès lors les trois formules
permettent de vérifier la
Proposition 17.
Dans ces conditions, les formes bilinéaires symétriques , , sur sont respectivement proportionnelles à , , , avec des facteurs non nuls.
Démonstration. Il suffit de calculer un coefficient du produit correspondant de matrices de Zorn dans chaque cas, ce qui donne , donc . De même , donc . Enfin , donc .
On retrouve ainsi certaines observations de Darboux [Darb, p. 71-72] qui regroupe notamment les surfaces par paquets de partageant les mêmes “lignes asymptotiques”, autrement dit à secondes formes fondamentales proportionnelles. Dans les notations présentes, ce sont , et . Du point de vue de l’action du groupe diédral engendré par les involutions et sur les triplets de Darboux (voir sections 5 et 9), les douze surfaces sont les premières composantes des triplets dans l’orbite de , et les sous-ensembles ci-dessus sont les premières composantes des triplets dans les trois orbites du sous-groupe engendré par les involutions , correspondant à , et , correspondant à . Noter que ces involutions commutent, leur produit étant une involution.
12 La variété d’incidence et sa distribution de dimension
Grâce à la trialité différentielle des sections précédentes, on va reformuler les déformations isométriques infinitésimales de surfaces comme surfaces intégrales d’un champ de plans tangents (une "distribution") de dimension sur une variété de dimension .
Soit , , (sic), les trois quadriques en trialité. Chaque est une copie de la quadrique des droites isotropes de , où est une algèbre d’octonions déployée sur . On définit alors la variété d’incidence
Géométriquement, s’identifie à la variété des drapeaux formés d’un point de et d’un plan projectif contenu dans et contenant ce point. C’est une variété de dimension , fibrée sur chaque avec fibres isomorphes à la variété des drapeaux (point,plan) de .
On note , ces fibrations. Alors a pour image la sous-variété d’incidence , fibrée en sur , et est une fibration de fibre . On considère le fibré tangent vertical de cette fibration, i.e.
Lemme 18.
Les sont en somme directe dans .
Démonstration. Il est clair que les , sont deux à deux en somme directe, car pour tout , . De même, est contenu dans , et comme , on a bien la conclusion du lemme.
Ceci amène à considérer le sous-fibré de rang du fibré tangent (ou "distribution")
Proposition 19.
Les immersions totalement isotropes sont en bijection avec les surfaces intégrales de (immersions avec ) telles que soit une immersion, via .
Démonstration. Ce n’est qu’une reformulation de la trialité différentielle (proposition 6).
Remarque.
On peut montrer que la distribution de rang est complètement non intégrable. Plus précisément, est de rang , et de rang . En effet, la restriction de aux fibres de , i.e. , n’est autre que la structure de contact canonique sur chaque fibre . En particulier, contient la somme des , qui est de rang comme on le vérifie aisément, et coïncide en fait avec elle. On peut vérifier de même que .
Références
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- [Conn] R. Connelly, A counterexample to the rigidity conjecture for polyhedra. Publications Mathématiques de L’Institut des Hautes Etudes Scientifiques. 47, 333-338, (1977).
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- [Sau] R. Sauer, Infinitesimale Verbiegungen zueinander projektiver Flächen. Math. Ann. 111 (1935), no. 1, 71-82.
- [Spi] M. Spivak, A comprehensive introduction to differential geometry, vol.5, chap.12, Addendum. 3ème édition, Publish or Perish 1999.
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- [Yau] S.-T. Yau, Open problems in geometry. J. Ramanujan Math. Soc. 15 (2000), no. 2, 125-134.
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