LE SYMBOLE DE HASSE LOGARITHMIQUE
Résumé: Le but de cet article est de présenter la construction du symbole de Hasse logarithmique, analogue du symbole classique dans le contexte logarithmique et d’en étudier les principales propriétés. Cette étude permet d’obtenir une expression du défaut du principe de Hasse -adique. Nous présentons ensuite des cas particuliers et obtenons une version logarithmique du théorème de l’idéal principal.
Abstract: In this article, we define the logarithmic Hasse symbol in the same way as the usual one but in the context of the logarithmic ramification. We study its fondamental properties. The interesting point is that we get an expression of the defect of the -adic Hasse principle. Then we study particular cases and get a logarithmic version of the principal ideal theorem.
Mots-clefs: théorie du corps des classes, théorie -adique du corps des classes, théorie logarithmique.
AMS Classification: 11R37
1 Introduction et Notations
1.1 Position du problème
Les objets étudiés sont les -modules fondamentaux de la théorie -adique du corps des classes construits par Jaulent dans [Ja1] où désigne un nombre premier fixé. Le contexte logarithmique correspond au cas où l’objet local étudié : le -adifié du groupe multiplicatif d’un corps de nombres est muni de la valuation dite logarithmique, construite à partir du logarithme d’Iwasawa [Ja2].
Le théorème -adique de la norme de Hasse [Re1] précise que dans le cas d’une -extension cyclique un idèle principal est une norme globale si et seulement si c’est une norme locale partout i.e une norme pour chaque complétion où .
Nous sommes donc spontanément amenés à considérer, dans le cas d’une -extension abélienne finie, le quotient des idèles principaux normes locales partout par ceux qui sont normes globales : ce quotient définit le "groupe de défaut" du principe de Hasse -adique, objet analogue au groupe de défaut du principe de Hasse classique.
Le but de cet article est d’étudier ce groupe de défaut du principe de Hasse -adique et d’en donner une interprétation arithmétique le reliant au groupe des classes logarithmique de degré nul. C’est le sens du théorème 3.0.4 :
Théorème
Soit une -extension abélienne finie, (respectivement ) le groupe des classes logarithmiques de degré nul de (respectivement ), le noyau de l’application norme et l’idéal d’augmentation du groupe de Galois de . Nous avons alors :
L’outil utilisé pour démontrer ce théorème est le symbole de Hasse logarithmique défini dans le paragraphe suivant. Nous explicitons ensuite ces principales propriétés et établissons une formule analogue à la formule du produit pour ce symbole.
Nous étudions par la suite un exemple d’application et des cas particuliers de ce théorème. Pour finir nous en présentons un corollaire : une version logarithmique du théorème de l’idéal principal.
1.2 Glossaire des notations
Dans tout ce qui suit désigne un nombre premier fixé. Introduisons les notations suivantes
Pour un corps local d’idéal maximal et d’uniformisante , nous notons
: le -adifié du groupe multiplicatif du corps local
: le -adifié du groupe des unités de
Pour un corps de nombre , nous définissons
: le -groupe des idèles principaux
: le -groupe des idèles
: le sous-groupe des unités
: le -groupe des classes d’idèles
Dans le contexte logarithmique, nous posons
: la -extension cyclotomique de
: la -extension cyclotomique de
: la valuation logarithmique associée à sur
: le sous groupe des unités logarithmiques locales
: le sous-groupe des unités logarithmiques
: l’indice absolu de ramification logarithmique de
: le degré absolu d’inertie logarithmique de
: l’indice relatif de ramification logarithmique de
: le degré relatif d’inertie logarithmique de
: le groupe des diviseurs logarithmiques de
: diviseurs logarithmiques premiers à
: diviseurs logarithmiques principaux attachés à
: groupe des diviseurs logarithmiques de degré nul
: groupe des classes logarithmiques de degré nul
: le conducteur logarithmique global de
: le conducteur logarithmique local en
: le Frobenius logarithmique en
le groupe d’Artin logarithmique de
: le sous-module de Takagi logarithmique associé à
: le symbole de Hasse logarithmique
: le sous-groupe d’inertie logarithmique en
: idèles principaux dont le diviseur logarithmique associé est premier à
pour tout module de
2 Le symbole de Hasse logarithmique
Nous introduisons, dans cette partie, le symbole de Hasse logarithmique analogue du symbole de Hasse classique dans le contexte logarithmique. Nous nous intéressons à l’image et au noyau de cet homomorphisme. Nous rappelons au préalable les définitions de conducteur logarithmique et de l’application d’Artin logarithmique.
2.1 Définitions et premières propriétés
L’objet local de la théorie -adique du corps des classes [Ja1] est le -adifié du groupe multiplicatif d’un corps local : Il est ici muni de la valuation logarithmique définie comme suit [Ja2] :
Définition 1.
[Ja2] Soit une extension finie de , un nombre premier. Notons la -extension cyclotomique de . Soit une place de au dessus de ,
i) le degré -adique de est donné par la formule :
ii) le degré -adique de est défini par la formule :
iii) la valuation logarithmique associée à est : , définie sur et à valeurs dans , [Ja2][proposition 1.2]
C’est le choix du dénominateur dans l’expression de la valuation logarithmique qui impose le choix de l’uniformisante logarithmique sur . Ainsi le choix de impose , [Re2]. Pour une extension finie de , nous avons :
Définition 2.
Uniformisante logarithmique de [Re2]
Si , l’uniformisante classique est aussi uniformisante logarithmique.
Si , une uniformisante logarithmique est un élément de vérifiant :
où désigne l’uniformisante logarithmique de .
Le noyau de cette valuation définit le groupe des unités logarithmiques de . Nous considérons une filtration décroissante du groupe des unités logarithmiques : à partir de laquelle nous posons les définitions suivantes :
Définition 3.
Conducteurs logarithmiques [Re2]
i) Si est une -extension abélienne finie ,et si est le plus petit entier tel que alors l’idéal :
est appelé conducteur logarithmique local associé à l’extension.
ii) Si est une -extension abélienne finie, le conducteur logarithmique global est défini par :
Définition 4.
L’application d’Artin logarithmique [Re2]
Soit une -extension abélienne finie. Soit une place de logarithmiquement non ramifiée dans . Soit le groupe des diviseurs logarithmiques de . Soit le conducteur logarithmique global de de , et le sous-groupe des diviseurs logarithmiques premiers au conducteur .
Nous définissons le Frobenius logarithmique attaché à une place logarithmiquement non ramifiée :
avec l’uniformisante logarithmique définie préalablement et l’image de dans
Nous obtenons ainsipar extension l’application d’Artin logarithmique attachée à une place logarithmiquement non ramifiée:
Définition 5.
Le symbole de Hasse logarithmique
Soient une -extension abélienne finie de , un idèle principal et une place de . Notons le conducteur logarithmique local associé à et le conducteur logarithmique global de l’extension . Considérons vérifiant
Nous dirons que est un -associé logarithmique de .
Nous écrivons alors avec premier à et .
Nous définissons le symbole de la façon suivante :
Ce symbole, défini sur , est appelé le symbole de Hasse logarithmique pour dans . Dans le cas particulier où , nous remplaçons la condition par est premier à .
Remarques :
i) L’existence d’un tel est assurée par le lemme suivant:
Lemme 2.1.1.
Théorème d’approximation -adique [Gr, II.2]
Le morphisme de semi-localisation
est surjectif pour tout ensemble fini de places . En effet, l’image de est un sous--module compact et dense.
ii) Vérifions que le résultat ne dépend pas du choix du -associé de .
En effet, si est un autre -associé de , alors nous avons et , à savoir . Finalement, nous avons donc . Écrivons , nous en déduisons alors que . Finalement, . Il suit que car , noyau de l’application d’Artin logarithmique.
Proposition 2.1.1.
Le symbole logarithmique de Hasse pour a les propriétés suivantes :
i) c’est un homomorphisme de dans
ii) si , alors où avec premier à
iii) la restriction de à est .
Démonstration.
i) et étant des -associés de et , alors est un -associé de . De l’écriture et , nous en déduisons que . Il suit alors que car l’application d’Artin logarithmique est un homomorphisme.
ii) Comme par hypothèse , nous avons que . Par définition un -associé de vérifie : est premier à et . Ainsi . Alors car l’autre terme est dans le noyau du morphisme d’Artin logarithmique.
iii) Soit un -associé de dans , alors est encore un -associé de dans pour . En effet , de même , et . Nous avons alors, si , . Or est la restriction de à . ∎
Théorème 2.1.1.
L’image de par le symbole de Hasse logarithmique pour dans est égale au sous-groupe de décomposition pour dans .
Démonstration.
Nous rappelons ici que pour une place de , être complètement décomposée au sens classique ou au sens logarithmique c’est la même chose. Désignons alors par le corps de décomposition de , alors est complètement décomposée dans : par la proposition précédente ii) et iii), nous en déduisons restreint à est et . Or est le Frobenius logarithmique en : de part la définition de , nous avons donc et : donc l’image du symbole de Hasse logarithmique est contenue dans le sous groupe de décomposition.
Réciproquement, il nous faut montrer que le symbole de Hasse logarithmique est surjectif sur le sous-groupe de décomposition de . Désignons alors par le corps d’inertie logarithmique de , à savoir qui correspond à l’extension maximale logarithmiquement non ramifiée :
Considérons , alors par la surjectivité de l’application d’Artin logarithmique, nous pouvons trouver tel que . Le but est alors de montrer que se met sous la forme . Or restreint à c’est l’identité, donc , et ainsi . Or nous savons que est le Frobenius logarithmique en dans , donc il est d’ordre et engendre le groupe de Galois . s’exprime donc comme une puissance du Frobenius logarithmique. Par suite il existe donc une puissance de telle que . L’égalité du lemme suivant permet alors d’écrire : avec et . Nous considérons alors : est un -associé de lui même, et nous avons . Ainsi . ∎
Lemme 2.1.2.
Si est le corps d’inertie logarithmique dans , pour la place de , alors nous avons l’égalité suivante :
Démonstration.
Nous avons d’abord l’inclusion : en effet, donc et . Or est une place logarithmiquement non ramifiée dans , donc . Il suit que , nous en déduisons donc que de part l’égalité des groupes d’Artin et de Takagi. D’autre part , nous avons donc et par définition du noyau d’Artin, nous obtenons . Et comme , nous avons , d’où la première inclusion.
Considérons alors les sous-modules de congruences [Re3, p. 70] et . Ainsi nous déduisons de l’inclusion , et de la correspondance du corps des classes [Re3, p .76] : est associé à , et est associé à la sous-extension intermédiaire entre et . Or ne divise pas , et le conducteur de la classe de congruences a les mêmes diviseurs premiers que le conducteur logarithmique global [Re3, p .78]: par suite nous en déduisons que est une place logarithmiquement non ramifiée dans . Et de ce fait , nous obtenons alors l’équivalence des deux sous-modules de congruences ci dessus, et finalement l’égalité. ∎
Proposition 2.1.2.
Caractérisation du noyau du symbole de Hasse logarithmique
Une condition nécessaire et suffisante pour que , où est que soit norme locale en .
Démonstration.
Supposons que soit norme locale en alors . Il existe donc tel que . Écrivons alors avec dont toutes les coordonnées valent , sauf pour que nous prenons égal à ; et (en fait en dehors de la -ième composante que l’on prend égale à ). Alors grâce au lemme d’approximation -adique, nous pouvons trouver tel que et , les modules étant les étendus à . Ainsi nous avons et . Par suite, est un -associé de . Écrivons avec qui contient les diviseurs premiers au dessus de et étant premier à i.e . Ainsi . Il suit alors puisque .
Réciproquement supposons , et désignons par l’ensemble des éléments tels que . Alors nous avons la suite exacte suivante :
où désigne le sous-groupe de décomposition de . D’après la partie directe, nous savons que . Or est isomorphe au groupe de Galois local, et est d’indice . Or , par suite nous en déduisons l’égalité . ∎
Remarque : Le symbole de Hasse logarithmique permet également, comme dans le cas classique, une description du sous-groupe d’inertie logarithmique associé à une place et une -extension abélienne finie , celui étant défini comme le sous-groupe du groupe de Galois de l’extension, qui fixe l’extension maximale de logarithmiquement non ramifiée.
Théorème 2.1.2.
étant une -extension abélienne finie, la restriction du symbole de Hasse logarithmique aux idèles principaux dont le diviseur logarithmique principal est premier à a pour image le sous-groupe d’inertie logarithmique pour dans .
Démonstration.
Notons l’ensemble des idèles principaux dont le diviseur logarithmique principal est premier à . Si , un -associé de , a pour image un diviseur logarithmique principal premier à puisque , et . Désignons par le corps d’inertie logarithmique et par le sous-groupe d’inertie logarithmique. Par définition du -associé, nous savons que , Or , comme est premier avec , nous obtenons que est un multiple de , ainsi de part l’expression du noyau de l’application d’Artin : .
Réciproquement, supposons que , par la surjectivité du symbole d’Artin logarithmique il existe tel que Comme , nous avons . Finalement, . Par le lemme précédent, nous savons que : il existe donc et tels que et est premier avec car et le sont. Ainsi, comme est son propre -associé, nous obtenons :
∎
2.2 La formule du produit et sa réciproque pour le symbole de Hasse logarithmique
Théorème 2.2.1.
Formule du produit pour le symbole de Hasse logarithmique
Soit une -extension abélienne finie et , alors le symbole de Hasse logarithmique vérifie la formule du produit :
Démonstration.
Ce produit a tout d’abord un sens en vertu de la proposition 2.1.1 précédente : si , alors où avec premier à .
Il suit donc que si et (i.e ) alors . Ainsi, le symbole de Hasse logarithmique ne peut être différent de , que pour les places logarithmiquement ramifiées dans , ( donc divisant le conducteur logarithmique global ) et les places divisant
Soit , posons alors :
avec dans outre les diviseurs premiers de , les places finies logarithmiquement ramifiées. Enfin, notons les places à l’infini logarithmiquement ramifiées qui par convention sont les places à l’infini ramifiées au sens classique [Ja2].
Pour considérons un -associé de alors par définition :
Nous posons et ainsi , avec la convention pour les places à l’infini. Par hypothèse, , il en découle que est premier à . Or nous avons :
Nous en déduisons donc que pour tout , et finalement nous obtenons :
Il s’ensuit alors :
d’après la propriété de multiplicativité du symbole d’Artin.
Le but est de prouver que est dans le noyau de l’application d’Artin logarithmique.
Or nous avons Comme pour les places à l’infini, il vient donc :
Soit alors , nous avons :
Nous en déduisons donc :
Les modules étant deux à deux premiers entre eux (chacun est une puissance de ), il vient :
Finalement, nous obtenons, compte-tenu de l’expression du sous-module d’Artin logarithmique :
d’où le résultat puisqu’en dehors de ces places ce produit vaut déjà .
∎
Théorème 2.2.2.
Réciproque de la formule du produit
Soit une -extension abélienne finie, un ensemble fini de places de , , où désigne le sous-groupe de décomposition de dans , tel que :
alors il existe vérifiant :
pour toute place .
Démonstration.
Tout comme dans le cas classique, nous ne changeons pas le problème en supposant que toute place logarithmiquement ramifiée est dans , à condition de supposer : pour toute place logarithmiquement ramifiée rajoutée.
Notons alors le conducteur logarithmique global de l’extension et considérons un multiple de ce dernier, tel que toute place de figure dans et seulement les places de . Comme l’image du symbole de Hasse logarithmique est le sous-groupe de décomposition de la place , nous en déduisons :
Désignons par la -participation de dans alors nous avons :
Pour chaque , nous pouvons donc trouver un -associé de vérifiant : (les conditions imposées au niveau du -associé sont un peu plus restrictives que d’habitude)
et
Nous posons alors Comme , nous en déduisons que est premier avec . Or est choisi premier à , donc est premier à ( sinon et comme est premier à , nous aurions . ) Il suit
Par hypothèse, nous avons , d’où
Il s’ensuit alors et comme ; nous en déduisons finalement : . Par suite, il existe et tels que
Posons alors , ainsi il vient :
Nous cherchons alors à exprimer pour toute place de .
-Si , est alors un -associé de .
En effet, par construction nous avons d’une part : . Et d’autre part, nous obtenons Or nous savons pour chaque donc et Ainsi il découle .
Finalement, nous obtenons .
-Si , alors nous avons fait en sorte que soit logarithmiquement non ramifiée i.e . D’après la proposition 2.1.1 ii), le symbole de Hasse ne dépend alors que de la -valuation de . Or celle-ci ne dépend que de la -valuation de car : elle est donc divisible par le degré d’inertie logarithmique . Donc le symbole de Hasse logarithmique vaut , d’où le résultat.
∎
Corollaire 1.
Si pour tout , appartient au sous-groupe d’inertie logarithmique alors via le théorème 2.1.2 précédent, nous pouvons prendre premier à : ainsi les seront premiers à donc au conducteur logarithmique global de l’extension. Ainsi est premier au conducteur logarithmique global.
3 Interprétation arithmétique du sous-groupe de défaut du principe de Hasse -adique
3.1 Le théorème et sa preuve
Cette section est consacrée à la preuve du théorème suivant :
Théorème 3.1.1.
Soit une -extension abélienne finie,
(respectivement ) le groupe des classes logarithmiques de degré nul de (respectivement ) défini par Jaulent [Ja2] comme le quotient du groupe des diviseurs logarithmiques de degré nul par les diviseurs logarithmiques principaux,
le noyau de l’application norme
l’idéal d’augmentation du groupe de Galois de .
Nous avons alors :
3.1.1 Étapes intermédiaires
Remarque I :
Soit une -extension abélienne finie, étant supposé partout (i.e pour toute place de ) norme locale dans .
Si avec et , alors étant plongé dans par l’injection diagonale, nous en déduisons localement :
avec l’uniformisante logarithmique pour et une unité logarithmique, et .
Or par hypothèse, est supposé norme locale partout, nous avons donc aussi :
pour , avec uniformisante logarithmique dans et une unité logarithmique dans . Or est de la forme avec une unité logarithmique de , il en résulte donc : , ainsi , à savoir est une norme globale de sorte que est bien une norme globale i.e il existe tel que
Nous pouvons même modifier modulo pour de sorte que
avec pour tout module .
Lemme 3.1.1.
étant une -extension abélienne finie, un module donné de , (respectivement ) tel que soit premier à (respectivement premier à ) alors il existe un diviseur logarithmique de (respectivement ) premier à tel que (respectivement ).
Remarque II :
étant une -extension abélienne finie, notons les éléments de qui sont partout normes locales, , où désigne un module de et les idèles principaux dont le diviseur logarithmique associé est premier au module . Nous considérons alors l’application canonique :
Le noyau correspond aux éléments pour lesquels . Comme par hypothèse , par application du lemme ci-dessus, nous avons .
Quant à la surjectivité de l’application ci-dessus : soit et soit divisant le diviseur logarithmique associé à à une certaine puissance positive, comme est une norme locale est divisible par le degré résiduel logarithmique . D’après la remarque I, nous pouvons modifier modulo de telle sorte que soit premier à .
Ainsi, il vient :
Définition 6.
Soit une -extension abélienne finie, nous posons :
Ainsi les éléments de ont un diviseur logarithmique associé premier au conducteur logarithmique global.
Nous définissons également l’application suivante pour un ensemble des places de logarithmiquement ramifiées dans :
où désigne le sous-groupe d’inertie logarithmique en dans .
Remarques :
Cette application a un sens : car si nous restreignons le symbole de Hasse logarithmique aux idèles principaux dont le diviseur logarithmique associé est premier à , alors l’image du symbole est le sous-groupe d’inertie logarithmique (théorème 2.1.2).
Proposition 3.1.1.
Nous avons : .
Démonstration.
Compte-tenu de la caractérisation du noyau du symbole de Hasse logarithmique, les éléments du noyau de sont ceux qui sont normes locales en tout , . Or si , est norme locale en car est la norme d’un diviseur logarithmique, donc a la bonne valuation en .
Réciproquement soit supposé partout norme locale. Alors nous obtenons en utilisant le remarque II : . Ainsi et est norme local en particulier en tout .
Le noyau est donc bien celui annoncé.
∎
Définition 7.
étant une -extension abélienne finie, nous posons :
Et pur tout module de , posons :
Définition 8.
Nous appelons le sous-groupe de formé des familles telles que . Nous notons l’ordre de ce sous-groupe.
Théorème 3.1.2.
étant une -extension abélienne finie, alors nous avons la suite exacte suivante :
Démonstration.
C’est dû d’une part à la réciproque de la formule du produit pour le symbole de Hasse logarithmique. Nous appliquons en effet le théorème 2.2.2 pour l’ensemble des places de logarithmiquement ramifiées dans et . Nous pouvons donc expliciter un antécédent premier au conducteur logarithmique global tel que : , i.e dans . est bien l’image décrite. D’autre part, le noyau de a été décrit précédemment dans la proposition 3.1.1.
∎
3.1.2 La démonstration du théorème
Démonstration.
Soit le conducteur logarithmique global de l’extension considérée et soit , alors par définition nous avons :
avec . Or est défini modulo l’idéal d’augmentation noté ,
. Nous considérons alors la classe de modulo
Nous obtenons ainsi une application :
Nous explicitons le noyau de cette application :
si et seulement si avec , et . Ainsi , i.e et ne différent que par une unité logarithmique d’où : . Comme , nous en déduisons le noyau : où désigne les idèles principaux de dont le diviseur logarithmique associé est premier au conducteur logarithmique.
De plus cette application est surjective.
Nous obtenons donc la suite exacte suivante :
Or nous disposons de la suite exacte :
Et nous avons
Ainsi il vient,
Donc via les théorèmes d’isomorphisme, nous obtenons :
il en découle :
L’autre suite exacte nous indique :
et à nouveau via le théorème du double quotient, nous obtenons comme :
Finalement, nous obtenons :
Or
Finalement, nous avons :
d’où le résultat compte-tenu de la remarque II.
∎
3.2 Exemple d’application du théorème
Exemple :
Considérons l’extension biquadratique suivante : . Nous avons alors le schéma suivant :
Bilan des places ramifiées au sens de la ramification classique :
- est ramifiée dans
- et sont ramifiées dans
- et sont ramifiées dans
Bilan des places ramifiés au sens de la ramification logarithmique :
Nous rappelons que dans le cadre des -extensions ramification classique et logarithmique ne diffèrent que pour les places au dessus de [Ja2]. Nous utilisons également [Re2].
- est logaritmiquement ramifiée dans ,
y est logarithmiquement non ramifiée
- est logarithmiquement non ramifiée dans (car ),
y est logarithmiquement ramifiée
- est logarithmiquement ramifiée dans , tout comme .
Calcul des différents termes de l’expression du défaut du symbole de Hasse logarithmique :
-pour :
le sous-groupe d’inertie logarithmique fixe par définition l’extension maximale logarithmiquement non ramifiée. Nous avons : et . Il en découle .
-pour :
est logarithmiquement principal ([So1, p.45]) donc ce terme est trivial.
-pour :
d’après [So2, Rem p.3], coincide avec le tensorisé du groupe des -unités logarithmiques de , et est en particulier généré par et . Or n’est pas norme. Étudions le cas : comme , est une unité -adique, ainsi d’où . Notons une place de au dessus de . Comme est logarithmiquement ramifiée dans , , cette inclusion étant stricte, il vient donc : . L’indice de ramification logarithmique est donc trivial, ainsi est norme : . Il s’ensuit :
Par application précédent, nous en déduisons que dans cet exemple, le défaut du symbole de Hasse logarithmique est trivial : . Le principe de Hasse logarithmique s’applique donc dans cette extension.
3.3 Premier cas particulier : celui des -extensions cycliques
Rappelons d’abord la formule des classes logarithmiques ambiges [Ja2, §4] .
Par définition du groupe des classes ambiges, la cohomologie nous donne le diagramme suivant :
où est le morphisme d’extension de classes. Le lemme du Serpent nous permet alors d’écrire la suite :
puis la formule :
Proposition 3.3.1.
Formule des classes logarithmiques ambiges [Ja2, §4]
étant une -extension cyclique de groupe de Galois , satisfaisant la conjecture de Gross, l’ordre du sous-groupe ambige est :
Proposition 3.3.2.
étant une -extension cyclique de groupe de Galois , satifsaisant la conjecture de Gross, nous avons :
Démonstration.
étant une -extension cyclique, par le théorème -adique de la norme de Hasse [Re1] nous savons : . Il vient donc en appliquant la formule du théorème précédent :
Or la formule des classes ambiges établie par Jaulent nous donne dans ce contexte :
Il en découle :
Or nous disposons des deux suites exactes suivantes : désignant un générateur de ,
D’après (1), nous en déduisons :
et par (2), nous avons également :
Finalement nous obtenons :
Ainsi, nous avons :
∎
3.4 Deuxième cas particulier
Considérons maintenant une -extension cyclique pour laquelle .
Comme précédemment le théorème -adique de la norme de Hasse [Re1] nous donne : .
Par le théorème 3.1.1, il vient :
Il s’agit alors d’un produit de deux entiers valant , nous obtenons alors les égalités suivantes compte tenu des relations d’inclusion :
3.5 Corollaire : version logarithmique du théorème de l’idéal principal
Corollaire 2.
Supposons que soit une -extension cyclique logarithmiquement non ramifiée, satisfaisant la conjecture de Gross, il existe alors des diviseurs logarithmiques de non principaux qui deviennent principaux par extension dans .
Démonstration.
Soit le morphisme d’extension de dans
Comme l’extension est supposée cyclique, nous avons .
D’après [Ja2] , nous avons l’inégalité suivante sur sur le groupe des classes logarithmique ambiges pour une -extension cyclique :
Or ici est supposée logarithmiquement non ramifiée, compte-tenu de la sous-section précédente, nous obtenons l’inégalité simplifiée :
Compte tenu de l’isomorphisme , nous en déduisons :
L’isomorphisme établi par Jaulent [Ja2]
nous conduit à
∎
Références
- [Bri] C.Brighi, Capitulation des classes logarithmiques et étude de certaines tours de corps de nombres, thèse, Publ. Math. Fac. Sci. Metz, Théor. Nombres (2007), 1–67.
- [Gr] G.Gras, Class field theory from theory to practice, Springer-Verlag, (2003)
- [Ja1] J.-F. Jaulent, Théorie -adique du corps des classes, J. Théor. Nombres Bordeaux, 10, fasc.2 (1998), 355–397.
- [Ja2] J.-F Jaulent, Classes logarithmiques d’un corps de nombres, J. Théor. Nombres Bordeaux, 6 (1994), 301–325.
- [Re1] S.Reglade, A formal approach ’à la Neukirch’ of -adic class field theory, Soumis.
- [Re2] S.Reglade, Frobenius et non-ramification logarithmique, Soumis.
- [Re3] S.Reglade, Différentes approches de la théorie -adique du corps des classes, thèse, Théor. Nombres (2014), 1–91
- [So1] F.Soriano, Cyclicité et trivialité du groupe des classes logarithmiques, thèse, Université de Bordeaux, Théore.Nombres(1995), 1-69.
- [So2] F.Soriano, Classes logarithmiques ambiges de corps quadratiques, Acta Arithmetica LXXVIII.3, (1997), 201-219.