Groupes de Galois et nombres automatiques

Patrice Philippon Institut de Mathématiques de Jussieu – U.M.R. 7586 du CNRS, Équipe de Théorie des Nombres. BP 247, 4 place Jussieu, 75005 Paris, France. patrice.philippon@imj-prg.fr http://www.math.jussieu.fr/~pph
Résumé.

Nous montrons dans le cadre de la théorie de Mahler, que les relations de dépendance algébrique sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} entre les valeurs de fonctions solutions d’un système d’équations fonctionnelles proviennent, par spécialisation, des relations entre les fonctions elle-mêmes. Nous en déduisons quelques résultats nouveaux sur l’indépendance linéaire des valeurs de fonctions q𝑞q-régulières.

Abstract

Galois groups and automatic numbers: In the frame of Mahler’s method for algebraic independence, we show that the algebraic relations over 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} linking the values of functions solutions of a system of functional equations come from the algebraic relations between the functions themselves, by specialisation. We deduce some new results on the linear independence of values of q𝑞q-regular functions.

Key words and phrases:
théorie de Mahler, fonction q𝑞q-régulière, groupe de Galois, extension régulière, série automatique.
2010 Mathematics Subject Classification:
Primary 11J81; Secondary 12H10, 26A18.

1. Introduction

Les relations de dépendance algébrique entre valeurs de fonctions analytiques ou méromorphes font encore l’objet d’un large mystère. Elles héritent bien évidemment, par spécialisation, des relations liant les fonctions elles-mêmes et souvent se cantonnent à cet héritage. C’est par exemple le cas dans la théorie des E𝐸E-fonctions et plus généralement des séries Gevrey, tout au moins en dehors d’un éventuel ensemble fini d’arguments exceptionnels.

Plus précisément, dans le cadre des E𝐸E-fonctions en une variable complexe z𝑧z le théorème de Siegel-Shidlovskii énonce que pour les arguments algébriques en dehors des points singuliers du système différentiel satisfait par une famille de E𝐸E-fonctions, le degré de transcendance sur 𝐐𝐐{{\mathbf{Q}}} des valeurs de ces E𝐸E-fonctions est égal au degré de transcendance sur 𝐐(z)𝐐𝑧{{\mathbf{Q}}}(z) des fonctions.

Cet énoncé remarquable ne donne toutefois pas directement la nature exacte des relations liant les valeurs en question. Par exemple, ces valeurs sont-elles linéairement indépendantes sur 𝐐𝐐{{\mathbf{Q}}} dès que les fonctions sont linéairement indépendantes sur 𝐐(z)𝐐𝑧{{\mathbf{Q}}}(z)? Ou bien, la valeur d’une fonction transcendante sur 𝐐(z)𝐐𝑧{{\mathbf{Q}}}(z) de la famille, est-elle transcendante sur 𝐐𝐐{{\mathbf{Q}}}?

Cet aspect a été étudié par exemple dans [10] où Y.V.Nesterenko et A.B.Shidlovskii ont montré qu’en dehors d’un ensemble fini effectivement calculable (contenant les singularités du système différentiel impliqué) toute relation algébrique entre les valeurs provient de la spécialisation d’une relation algébrique entre les fonctions. Dans [7] F.Beukers, s’appuyant sur l’approche radicalement nouvelle d’Y.André [4], montre que l’ensemble exceptionnel est en fait réduit aux seules singularités du système différentiel. Et récemment, Y.André [5] remarque que ce dernier énoncé se déduit aussi du théorème de Siegel-Shidlovskii, indépendamment de la méthode de [4], via la théorie de Galois différentielle.

Notons toutefois que la connaissance des relations algébriques liant toutes les fonctions est nécessaire pour en déduire la transcendance de la valeur d’une seule de ces fonctions, par exemple. En effet, par spécialisation une relation de dépendance algébrique impliquant plusieurs fonctions peut se réduire à une relation de dépendance algébrique de la valeur d’une seule d’entre elles. L’idéal des relations algébriques entre les fonctions peut être déterminé par la connaissance du groupe de Galois du système différentiel satisfait par les E𝐸E-fonctions.

Notre propos ici est d’une part d’obtenir des théorèmes semblables dans le cadre de la théorie de Mahler. Et d’autre part de préciser ces résultats dans le cas des séries automatiques et plus généralement des séries q𝑞q-régulières, complétant ainsi les résultats de [6]. La méthode de Mahler conduit à un énoncé tout-à-fait similaire au théorème de Siegel-Shidlovskii, obtenu par Ku.Nishioka.

Théorème 1.1.

([12, Theorem 4.2.1]) Soit N1𝑁1N\geq 1, q2𝑞2q\geq 2 des entiers, ρ>0𝜌0\rho>0 un réel positif, 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) un vecteur colonne de N𝑁N séries f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) en z𝑧z à coefficients dans un corps de nombres, convergeant dans le disque sans bord de rayon ρ𝜌\rho centré en l’origine dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et satisfaisant le système d’équations fonctionnelles

𝒇(z)=A(z)𝒇(zq),𝒇𝑧𝐴𝑧𝒇superscript𝑧𝑞{{\boldsymbol{f}}}(z)=A(z){{\boldsymbol{f}}}(z^{q})\enspace,

A(z)𝐴𝑧A(z) est une matrice N×N𝑁𝑁N\times N inversible, à coefficients dans 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z).

Soit α𝛼\alpha un nombre algébrique non nul, de valeur absolue <ρabsent𝜌<\rho tel qu’aucune de ses puissances αqsuperscript𝛼superscript𝑞\alpha^{q^{\ell}}, 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}, ne soit pôle d’un coefficient de A(z)1𝐴superscript𝑧1A(z)^{-1}, alors

degtr𝐐¯𝐐¯(f1(α),,fN(α))degtr𝐐¯(z)𝐐¯(z,f1(z),,fN(z)).subscriptdegtr¯𝐐¯𝐐subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝑁𝛼subscriptdegtr¯𝐐𝑧¯𝐐𝑧subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧{\rm degtr}_{{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}}{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(f_{1}(\alpha),\dots,f_{N}(\alpha))\geq{\rm degtr}_{{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)}{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,f_{1}(z),\dots,f_{N}(z))\enspace.

P-G.Becker [6] remarque que ce théorème 1.1, à l’instar du théorème de Siegel-Shidlovskii, n’entraîne pas la transcendance des valeurs de fonctions automatiques transcendantes aux points algébriques du disque de convergence. Pourtant, utilisant une approche complètement différente, via le théorème du sous-espace de Schmidt, B.Adamczewski et Y.Bugeaud [1] ont montré qu’un nombre automatique est transcendant ou rationnel, cette dernière éventualité intervenant lorsque la série automatique associée est une fonction rationnelle. Mais, ce résultat ne découle pas directement du théorème 1.1. On sait par ailleurs qu’une fonction automatique, ou plus généralement q𝑞q-régulière, algébrique est nécessairement rationnelle, cf. [6, Lemma 5].

Soit q2𝑞2q\geq 2 un entier et A(z)𝐴𝑧A(z) une matrice N×N𝑁𝑁N\times N inversible, à coefficients dans 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z). Nous supposons qu’il existe un vecteur 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z), à composantes dans 𝐐¯[[z]]¯𝐐delimited-[]delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[[z]], solution du système d’équations fonctionnelles

(1.2) 𝒇(z)=A(z)𝒇(zq).𝒇𝑧𝐴𝑧𝒇superscript𝑧𝑞{{\boldsymbol{f}}}(z)=A(z){{\boldsymbol{f}}}(z^{q})\enspace.

On sait que les composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) définissent des fonctions méromorphes dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}, voir le lemme 6.1 de la section 6. Nous allons montrer que les relations de dépendance algébrique sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} entre les valeurs des composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) (sauf en un ensemble d’arguments particuliers) proviennent, par spécialisation, des relations de dépendance algébrique sur 𝐐¯[z]¯𝐐delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z] entre les composantes elles-mêmes.

On note T(z)=TA(z)𝐐¯[z]𝑇𝑧subscript𝑇𝐴𝑧¯𝐐delimited-[]𝑧T(z)=T_{A}(z)\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z] le polynôme de plus petit degré satisfaisant T(0)=1𝑇01T(0)=1 et dont les zéros sont les pôles des coefficients des matrices A(z)𝐴𝑧A(z) et A(z)1𝐴superscript𝑧1A(z)^{-1}, distincts de 00, comptés avec multiplicité. L’union des racines des polynômes T(zq)𝑇superscript𝑧superscript𝑞T(z^{q^{\ell}}), 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}, sera alors appelée l’ensemble singulier (et ses éléments singularités) de (1.2). Nous observons qu’avec cette définition tout pôle d’une composante de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) est singularité de (1.2).

Théorème 1.3.

Soit α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, tel que T(αq)0𝑇superscript𝛼superscript𝑞0T(\alpha^{q^{\ell}})\not=0 pour tout 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}, alors pour tout P𝐐¯[X]𝑃¯𝐐delimited-[]𝑋P\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X] tel que P(𝐟(α))=0𝑃𝐟𝛼0P({{\boldsymbol{f}}}(\alpha))=0, il existe Q𝐐¯[z,X]𝑄¯𝐐𝑧𝑋Q\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X] de même degré en X𝑋X que P𝑃P, tel que Q(z,𝐟(z))=0𝑄𝑧𝐟𝑧0Q(z,{{\boldsymbol{f}}}(z))=0 et P(X)=Q(α,X)𝑃𝑋𝑄𝛼𝑋P(X)=Q(\alpha,X).

Ce résultat est l’analogue fonctionnel de celui établi par F.Beukers dans [7, Theorem 1.3] dans le cas différentiel des E𝐸E-fonctions. La démonstration que nous en donnons à la section 4 est toutefois plutôt à rapprocher de celle proposée par Y.André dans [5, Corollary 1.7.1]. Pour élucider les relations de dépendance algébriques liant les composantes de 𝒇(α)𝒇𝛼{{\boldsymbol{f}}}(\alpha), il faut donc encore trouver des générateurs de l’idéal des relations entre les composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z). Et pour cela la connaissance du groupe de Galois associé au système (1.2) peut être une étape cruciale. Nous rappelons aux sections 2 et 3 les éléments de théorie des corps à endomorphisme et de théorie de Galois pertinents dans ce contexte.

On obtient comme conséquence directe du théorème 1.3 le suivant, qui recopie le corollaire 5.7 démontré à la section 5.

Théorème 1.4.

Soit 𝐤0𝐂subscript𝐤0𝐂{{\mathbf{k}}}_{0}\subset{{\mathbf{C}}} un corps de nombres, α𝐤0𝛼subscript𝐤0\alpha\in{{\mathbf{k}}}_{0}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, tel que T(αqh)0𝑇superscript𝛼superscript𝑞0T(\alpha^{q^{h}})\not=0 pour tout h𝐍𝐍h\in{{\mathbf{N}}} et 1N1𝑁1\leq\ell\leq N. Supposons que la matrice A(z)𝐴𝑧A(z) du système (1.2) soit à coefficients dans 𝐤0(z)subscript𝐤0𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}(z) et le vecteur 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) à composantes f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) dans 𝐤0[[z]]subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]]. Si les nombres f1(α),,f(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{\ell}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0} alors ils sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

Nous déduisons du théorème 1.4 le théorème 1.5 suivant pour les systèmes à coefficients polynomiaux (en particulier pour les fonctions q𝑞q-régulières étudiées dans [6], voir aussi [12, Theorem 5.1.2]). Dans ce cas, les composantes dans 𝐐¯[[z]]¯𝐐delimited-[]delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[[z]] du vecteur solution 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) de (1.2) convergent dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et y définissent des fonctions analytiques, voir lemme 6.1 à la section 6. L’enjeux est de réintégrer les singularités du système d’équations fonctionnelles dans l’énoncé.

La preuve consiste à se ramener, lorsque α𝛼\alpha est une singularité, à un système nettoyé de cette singularité. Nous utilisons à cette fin le lemme ad hoc 5.9, mais nous remarquons que B.Adamczewski et C.Faverjon disposent d’un lemme de réduction des singularités [2, lemme 6], en fait plus simple et plus efficace que notre énoncé. C’est d’ailleurs après que B.Adamczewski m’ait mentionné ce résultat que j’ai pu conclure la preuve du lemme  5.9. Le passage du théorème 1.4 au théorème 1.5 leur revient donc.

Théorème 1.5.

Soit 𝐤0𝐂subscript𝐤0𝐂{{\mathbf{k}}}_{0}\subset{{\mathbf{C}}} un corps de nombres, α𝐤0𝛼subscript𝐤0\alpha\in{{\mathbf{k}}}_{0}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, et 1N1𝑁1\leq\ell\leq N. Supposons que la matrice A(z)𝐴𝑧A(z) du système (1.2) soit à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z] et le vecteur 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) à composantes f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) dans 𝐤0[[z]]subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]]. Si les nombres f1(α),,f(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{\ell}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0} alors ils sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

La démonstration de cet énoncé sera donnée avec le corollaire 5.10. Il serait intéressant de l’étendre à tous les systèmes à coefficients dans 𝐤0(z)subscript𝐤0𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}(z) (et non seulement 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z]). De même, il serait intéressant de développer la théorie pour des transformations rationnelles plus générales, comme dans [16, Chapitre 3] par exemple.

Soit q,b2𝑞𝑏2q,b\geq 2 des entiers, un nombre (q,b)𝑞𝑏(q,b)-automatique est un nombre dont la suite des chiffres dans son écriture en base b𝑏b est q𝑞q-automatique, voir [3, Chapters 5 & 13]. C’est donc la valeur en 1/b1𝑏1/b de la série génératrice d’une suite automatique, qui est un cas particulier de fonction q𝑞q-régulière, analytique dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. On obtient donc comme corollaire du théorème 1.5 la généralisation suivante du théorème de B.Adamczewski et Y.Bugeaud [1].

Corollaire 1.6.

Des nombres (q,b)𝑞𝑏(q,b)-automatiques linéairement indépendants sur 𝐐𝐐{{\mathbf{Q}}} sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

La transcendance des nombres automatiques irrationnels en découle en ajoutant au besoin la fonction 111 comme composante supplémentaire au vecteur 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) solution du système d’équations fonctionnelles (1.2). Le nouveau système à considérer s’écrit alors

(1𝒇(z))=(100A(z))(1𝒇(zq)).matrix1𝒇𝑧matrix100𝐴𝑧matrix1𝒇superscript𝑧𝑞\left(\begin{matrix}1\\ {{\boldsymbol{f}}}(z)\end{matrix}\right)=\left(\begin{matrix}1&0\\ 0&A(z)\end{matrix}\right)\left(\begin{matrix}1\\ {{\boldsymbol{f}}}(z^{q})\end{matrix}\right)\enspace.

Ceci fournit donc une démonstration alternative à celle de [1].

Lorsque le système (1.2) (avec A(z)𝐴𝑧A(z) à coefficients fonctions rationnelles) admet une matrice fondamentale U(z)𝑈𝑧U(z) (et non seulement un vecteur 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z)) solution à coefficients analytiques dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}, on a le résultat direct suivant.

Théorème 1.7.

Sous les hypothèses ci-dessus, soit 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) un vecteur solution de (1.2) dont les composantes f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) sont dans 𝐐¯(z,U(z))¯𝐐𝑧𝑈𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,U(z)) et linéairement indépendantes sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z).

Soit α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, tel que T(αq)0𝑇superscript𝛼superscript𝑞0T(\alpha^{q^{\ell}})\not=0 pour 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}, alors les N𝑁N nombres f1(α),,fN(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝑁𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{N}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

C’est le corollaire 5.2, dont la démonstration est donnée à la section 5. On y montre également par les exemples 5.3 que toutes les hypothèses du théorème 1.7 sont nécessaires.

Enfin, nous établissons avec le corollaire 6.3 de la section 6 une condition nécessaire et suffisante à l’existence d’une matrice fondamentale de solutions de (1.2) à coefficients méromorphes dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}.

2. Corps à endomorphisme

Un σ𝜎\sigma-anneau est un anneau commutatif, unitaire, 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} muni d’un endomorphisme unitaire (i.e. satisfaisant σ(1)=1𝜎11\sigma(1)=1). Un σ𝜎\sigma-corps est un σ𝜎\sigma-anneau (𝔄,σ)𝔄𝜎({\mathfrak{A}},\sigma) tel que 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} soit un corps. Les éléments y𝑦y d’un σ𝜎\sigma-anneau (resp. σ𝜎\sigma-corps) satisfaisant σ(y)=y𝜎𝑦𝑦\sigma(y)=y sont appelés les σ𝜎\sigma-constantes, ils forment un sous-anneau (resp. sous-corps), voir [11, Définition 1.1.1]. Un homomorphisme de σ𝜎\sigma-anneau (resp. σ𝜎\sigma-corps) est un homomorphisme d’anneau (resp. corps) qui commute aux σ𝜎\sigma-actions.

Soit q2𝑞2q\geq 2 un entier, 𝐤𝐂𝐤𝐂{{\mathbf{k}}}\subset{{\mathbf{C}}} un sous-corps algébriquement clos dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et σ𝜎\sigma l’endomorphisme (unitaire) du corps 𝐤(z)𝐤𝑧{{\mathbf{k}}}(z) défini par σ(a(z))=a(zq)𝜎𝑎𝑧𝑎superscript𝑧𝑞\sigma(a(z))=a(z^{q}), de sorte que (𝐤(z),σ)𝐤𝑧𝜎({{\mathbf{k}}}(z),\sigma) est un σ𝜎\sigma-corps, de corps des σ𝜎\sigma-constantes égal à 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}. Avec ces notations le système d’équations fonctionnelles (1.2) s’écrit

𝒇=Aσ(𝒇)ouσ(𝒇)=A1𝒇,formulae-sequence𝒇𝐴𝜎𝒇ou𝜎𝒇superscript𝐴1𝒇{{\boldsymbol{f}}}=A\sigma({{\boldsymbol{f}}})\quad\mbox{ou}\quad\sigma({{\boldsymbol{f}}})=A^{-1}{{\boldsymbol{f}}}\enspace,

avec A𝐴A une matrice inversible N×N𝑁𝑁N\times N à coefficients dans 𝐤(z)𝐤𝑧{{\mathbf{k}}}(z).

Définition 2.1.

Soit (𝔄,σ)𝔄𝜎({\mathfrak{A}},\sigma) un σ𝜎\sigma-anneau. Une matrice fondamentale de solutions dans 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} du système d’équations fonctionnelles (1.2) est une matrice U𝑈U inversible, N×N𝑁𝑁N\times N à coefficients dans 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} satisfaisant U=Aσ(U)𝑈𝐴𝜎𝑈U=A\sigma(U).

Nous considérons maintenant un σ𝜎\sigma-corps 𝔎𝔎{\mathfrak{K}} contenant 𝐤(z)𝐤𝑧{{\mathbf{k}}}(z) et tous les coefficients d’une matrice fondamentale de solutions de (1.2). Et nous montrons que tout vecteur solution de (1.2) dans 𝔎Nsuperscript𝔎𝑁{\mathfrak{K}}^{N} est une combinaison linéaire à coefficients dans 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} des vecteurs colonnes de la matrice fondamentale.

Proposition 2.2.

Soit 𝔎𝔎{\mathfrak{K}} un σ𝜎\sigma-corps, de corps des σ𝜎\sigma-constantes égal à 𝐤𝐤{{{\mathbf{k}}}} et contenant les coefficients d’une matrice fondamentale de solutions U𝑈U. Alors, tout vecteur 𝐲𝐲{{\boldsymbol{y}}}, de composantes dans 𝔎𝔎{\mathfrak{K}}, solution de (1.2), est combinaison linéaire à coefficients dans 𝐤𝐤{{{\mathbf{k}}}}, des colonnes de U𝑈U.

Démonstration.

Le vecteur 𝒚𝒚{{\boldsymbol{y}}} et les colonnes de U𝑈U appartiennent à 𝔎Nsuperscript𝔎𝑁{\mathfrak{K}}^{N} et sont donc liés par une relation linéaire non triviale à coefficients dans 𝔎𝔎{\mathfrak{K}}, soit 𝒚b0=j=1N𝒖jbj𝒚subscript𝑏0superscriptsubscript𝑗1𝑁subscript𝒖𝑗subscript𝑏𝑗{{\boldsymbol{y}}}b_{0}=\sum_{j=1}^{N}{{\boldsymbol{u}}}_{j}b_{j} avec b0,bj𝔎subscript𝑏0subscript𝑏𝑗𝔎b_{0},b_{j}\in{\mathfrak{K}}. Comme les vecteurs 𝒖jsubscript𝒖𝑗{{\boldsymbol{u}}}_{j} sont indépendants (det(U)0𝑈0\det(U)\not=0) on a b00subscript𝑏00b_{0}\not=0 et, quitte à diviser par b0subscript𝑏0b_{0}, on peut supposer b0=1subscript𝑏01b_{0}=1:

(2.3) 𝒚=j=1N𝒖jbj.𝒚superscriptsubscript𝑗1𝑁subscript𝒖𝑗subscript𝑏𝑗{{\boldsymbol{y}}}=\sum_{j=1}^{N}{{\boldsymbol{u}}}_{j}b_{j}\enspace.

En faisant agir σ𝜎\sigma on obtient σ(𝒚)=j=1Nσ(𝒖j)σ(bj)𝜎𝒚superscriptsubscript𝑗1𝑁𝜎subscript𝒖𝑗𝜎subscript𝑏𝑗\sigma({{\boldsymbol{y}}})=\sum_{j=1}^{N}\sigma({{\boldsymbol{u}}}_{j})\sigma(b_{j}), puis en multipliant à gauche par A𝐴A il vient 𝒚=j=1N𝒖jσ(bj)𝒚superscriptsubscript𝑗1𝑁subscript𝒖𝑗𝜎subscript𝑏𝑗{{\boldsymbol{y}}}=\sum_{j=1}^{N}{{\boldsymbol{u}}}_{j}\sigma(b_{j}), car Aσ(𝒚)=𝒚𝐴𝜎𝒚𝒚A\sigma({{\boldsymbol{y}}})={{\boldsymbol{y}}} et Aσ(𝒖j)=𝒖j𝐴𝜎subscript𝒖𝑗subscript𝒖𝑗A\sigma({{\boldsymbol{u}}}_{j})={{\boldsymbol{u}}}_{j} par (1.2). En retranchant (2.3) on obtient finalement

j=1N𝒖j(σ(bj)bj)=0superscriptsubscript𝑗1𝑁subscript𝒖𝑗𝜎subscript𝑏𝑗subscript𝑏𝑗0\sum_{j=1}^{N}{{\boldsymbol{u}}}_{j}(\sigma(b_{j})-b_{j})=0

qui, vu l’indépendance des vecteurs 𝒖jsubscript𝒖𝑗{{\boldsymbol{u}}}_{j}, implique σ(bj)=bj𝜎subscript𝑏𝑗subscript𝑏𝑗\sigma(b_{j})=b_{j} pour tout j=1,,N𝑗1𝑁j=1,\dots,N. Enfin, le corps des σ𝜎\sigma-constantes de 𝔎𝔎{\mathfrak{K}} étant 𝐤𝐤{{{\mathbf{k}}}} cela montre bj𝐤subscript𝑏𝑗𝐤b_{j}\in{{{\mathbf{k}}}}, j=1,,N𝑗1𝑁j=1,\dots,N, dans (2.3), et 𝒚𝒚{{\boldsymbol{y}}} est bien combinaison linéaire à coefficients dans 𝐤𝐤{{{\mathbf{k}}}} des vecteurs colonnes 𝒖jsubscript𝒖𝑗{{\boldsymbol{u}}}_{j} de la matrice U𝑈U. ∎

On note K:=𝐍𝐤(zq)assign𝐾subscript𝐍𝐤superscript𝑧superscript𝑞K:=\bigcup_{\ell\in{{\mathbf{N}}}}{{\mathbf{k}}}(z^{q^{-\ell}}) la clôture inversive de 𝐤(z)𝐤𝑧{{\mathbf{k}}}(z) que nous munissons de l’automorphisme, encore noté σ𝜎\sigma, étendant l’endomorphisme σ𝜎\sigma de 𝐤(z)𝐤𝑧{{\mathbf{k}}}(z).

Soit 1rN1𝑟𝑁1\leq r\leq N un entier et V=(ui,j)1jr1iN𝑉subscriptsubscript𝑢𝑖𝑗superscript1𝑗𝑟1𝑖𝑁V=(u_{i,j})_{\stackrel{{\scriptstyle 1\leq i\leq N}}{{\scriptscriptstyle 1\leq j\leq r}}} la matrice des composantes de r𝑟r vecteurs 𝒖1,,𝒖rsubscript𝒖1subscript𝒖𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r} solutions de (1.2). L’action de l’endomorphisme σ𝜎\sigma s’étend naturellement au corps K(V)𝐾𝑉K(V) en posant σ(V(z))=V(zq)𝜎𝑉𝑧𝑉superscript𝑧𝑞\sigma(V(z))=V(z^{q}).

Soit X:=(Xi,j)1jr1iNassign𝑋subscriptsubscript𝑋𝑖𝑗superscript1𝑗𝑟1𝑖𝑁X:=\big{(}X_{i,j}\big{)}_{\stackrel{{\scriptstyle 1\leq i\leq N}}{{\scriptscriptstyle 1\leq j\leq r}}} une matrice de variables indépendantes. Notons K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X] l’anneau des polynômes en les variables Xi,jsubscript𝑋𝑖𝑗X_{i,j} à coefficients dans K𝐾K et 𝔓𝔓{\mathfrak{P}} l’idéal premier de K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X] des relations de dépendance algébrique sur K𝐾K entre les fonctions (ui,j)1jr1iNsubscriptsubscript𝑢𝑖𝑗superscript1𝑗𝑟1𝑖𝑁(u_{i,j})_{\stackrel{{\scriptstyle 1\leq i\leq N}}{{\scriptscriptstyle 1\leq j\leq r}}}. Introduisons les automorphismes de K𝐾K-algèbres, inverses l’un de l’autre,

σ~:K[X]K[X]zzqXA(z)1Xσ~1:K[X]K[X]zz1/qXA(z1/q)X.:~𝜎absent𝐾delimited-[]𝑋𝐾delimited-[]𝑋missing-subexpression𝑧superscript𝑧𝑞missing-subexpression𝑋𝐴superscript𝑧1𝑋:superscript~𝜎1absent𝐾delimited-[]𝑋𝐾delimited-[]𝑋missing-subexpression𝑧superscript𝑧1𝑞missing-subexpression𝑋𝐴superscript𝑧1𝑞𝑋\begin{aligned} \tilde{\sigma}:&\kern 8.0ptK[X]&\longrightarrow&\kern 10.0ptK[X]\\ &\kern 18.0ptz&\longmapsto&\kern 17.0ptz^{q}\\ &\kern 16.0ptX&\longmapsto&\kern 2.0ptA(z)^{-1}X\end{aligned}\hskip 45.0pt\begin{aligned} \tilde{\sigma}^{-1}:&\kern 8.0ptK[X]&\longrightarrow&\kern 10.0ptK[X]\\ &\kern 18.0ptz&\longmapsto&\kern 13.0ptz^{1/q}\\ &\kern 16.0ptX&\longmapsto&\kern 2.0ptA(z^{1/q})X\end{aligned}\enspace.

Ceci fait de K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X] une σ~~𝜎\tilde{\sigma}-algèbre sur le σ𝜎\sigma-corps K𝐾K. Pour PK[X]𝑃𝐾delimited-[]𝑋P\in K[X] on vérifie

σ~(P)(V)=σ(P(V))etP(V)=σ(σ~1(P)(V)),formulae-sequence~𝜎𝑃𝑉𝜎𝑃𝑉et𝑃𝑉𝜎superscript~𝜎1𝑃𝑉\tilde{\sigma}(P)(V)=\sigma(P(V))\quad\mbox{et}\quad P(V)=\sigma(\tilde{\sigma}^{-1}(P)(V))\enspace,

car V=Aσ(V)𝑉𝐴𝜎𝑉V=A\sigma(V). En particulier, σ~(𝔓)=𝔓~𝜎𝔓𝔓\tilde{\sigma}({\mathfrak{P}})={\mathfrak{P}} et l’action de σ~~𝜎\tilde{\sigma} coïncide avec celle de σ𝜎\sigma sur K[V]𝐾delimited-[]𝑉K[V] après spécialisation de X𝑋X en V𝑉V. Ainsi, la σ𝜎\sigma-algèbre K[V]𝐾delimited-[]𝑉K[V] est isomorphe à la σ~~𝜎\tilde{\sigma}-algèbre K[X]/𝔓𝐾delimited-[]𝑋𝔓K[X]/{\mathfrak{P}}.

3. Groupes de Galois

Dans cette section on se place sur un sous-corps 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} algébriquement clos de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. On notera alors K:=𝐍𝐤(zq)assign𝐾subscript𝐍𝐤superscript𝑧superscript𝑞K:=\bigcup_{\ell\in{{\mathbf{N}}}}{{\mathbf{k}}}(z^{q^{-\ell}}) la clôture inversive de 𝐤(z)𝐤𝑧{{\mathbf{k}}}(z), telle qu’introduite à la fin de la section 2 précédente.

Reprenons le système d’équations fonctionnelles (1.2) et une matrice fondamentale de solutions U=U(z)𝑈𝑈𝑧U=U(z). Posons r=N𝑟𝑁r=N dans les notations introduites à la fin de la section 2. On a alors la matrice X:=(Xi,j)1i,jNassign𝑋subscriptsubscript𝑋𝑖𝑗formulae-sequence1𝑖𝑗𝑁X:=\big{(}X_{i,j}\big{)}_{1\leq i,j\leq N} de variables indépendantes et la K𝐾K-algèbre K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X] sur laquelle σ~~𝜎\tilde{\sigma} agit par σ~(X)=A(z)1X~𝜎𝑋𝐴superscript𝑧1𝑋\tilde{\sigma}(X)=A(z)^{-1}X et σ~(z)=zq~𝜎𝑧superscript𝑧𝑞\tilde{\sigma}(z)=z^{q}, c’est un σ~~𝜎\tilde{\sigma}-anneau. Comme U𝑈U est une matrice fondamentale de solutions de (1.2) l’idéal premier 𝔓=(PK[X];P(z,U(z))=0)𝔓formulae-sequence𝑃𝐾delimited-[]𝑋𝑃𝑧𝑈𝑧0{\mathfrak{P}}=(P\in K[X];P(z,U(z))=0) est un σ~~𝜎\tilde{\sigma}-idéal, i.e. σ~(𝔓)𝔓~𝜎𝔓𝔓\tilde{\sigma}({\mathfrak{P}})\subset{\mathfrak{P}}[11, Définition 2.1.1]. L’action de σ~~𝜎\tilde{\sigma} sur la K𝐾K-algèbre intègre

K[X]/𝔓K[U],similar-to-or-equals𝐾delimited-[]𝑋𝔓𝐾delimited-[]𝑈K[X]/{\mathfrak{P}}\simeq K[U]\enspace,

déduite de celle sur K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X], coïncide avec l’extension naturelle de σ𝜎\sigma à K[U]𝐾delimited-[]𝑈K[U] : σ(ui,j(z))=ui,j(zq)=σ~(ui,j)(z)𝜎subscript𝑢𝑖𝑗𝑧subscript𝑢𝑖𝑗superscript𝑧𝑞~𝜎subscript𝑢𝑖𝑗𝑧\sigma(u_{i,j}(z))=u_{i,j}(z^{q})=\tilde{\sigma}(u_{i,j})(z). Ainsi, la K𝐾K-algèbre K[U]𝐾delimited-[]𝑈K[U] est un σ𝜎\sigma-anneau intègre dont le corps des σ𝜎\sigma-constantes est égal à 𝐤𝐤{{{\mathbf{k}}}}.

Définition 3.1.

Une σ𝜎\sigma-algèbre 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} sur K𝐾K est un anneau de Picard-Vessiot du système d’équations fonctionnelles (1.2) s’il existe une matrice fondamentale de solutions de (1.2) telle que 𝔄=K[det(U)1,U]𝔄𝐾superscript𝑈1𝑈{\mathfrak{A}}=K[\det(U)^{-1},U] et 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} ne contient aucun σ𝜎\sigma-idéal non nul.

On peut toujours construire un anneau de Picard-Vessiot d’un système d’équations fonctionnelles de la forme (1.2) comme le quotient de la σ~~𝜎\tilde{\sigma}-algèbre K[det(X)1,X]𝐾superscript𝑋1𝑋K[\det(X)^{-1},X] sur K𝐾K par un σ~~𝜎\tilde{\sigma}-idéal qui est maximal parmi les σ~~𝜎\tilde{\sigma}-idéaux de K[det(X)1,X]𝐾superscript𝑋1𝑋K[\det(X)^{-1},X]. Puisque le corps des σ𝜎\sigma-constantes de K𝐾K est supposé algébriquement clos, il y a unicité de l’anneau de Picard-Vessiot de (1.2), à un isomorphisme de σ~~𝜎\tilde{\sigma}-algèbre sur K𝐾K près, cf. [14, Proposition 1.9].

Les σ𝜎\sigma-idéaux maximaux d’une σ𝜎\sigma-algèbre sont radicaux et donc les anneaux de Picard-Vessiot n’ont pas d’éléments nilpotents, [ibidem, Lemma 1.7].

Nous montrons que, K𝐾K étant de caractéristique zéro et de corps des σ𝜎\sigma-constantes 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} algébriquement clos, il existe un anneau de Picard-Vessiot de (1.2) contenant les composantes de vecteurs solutions donnés à l’avance.

Proposition 3.2.

Soit 1rN1𝑟𝑁1\leq r\leq N et 𝐮1,,𝐮rsubscript𝐮1subscript𝐮𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r} des vecteurs solutions de (1.2), alors il existe un anneau de Picard-Vessiot de (1.2) sur K𝐾K, contenant les composantes de 𝐮1,,𝐮rsubscript𝐮1subscript𝐮𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}. Si 𝐮1,,𝐮rsubscript𝐮1subscript𝐮𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r} sont linéairement indépendants sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}, il existe une matrice fondamentale de solutions de (1.2) dont les r𝑟r première colonnes sont les vecteurs 𝐮1,,𝐮rsubscript𝐮1subscript𝐮𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}.

Démonstration.

Le corps 𝔨=K(𝒖1,,𝒖r)𝔨𝐾subscript𝒖1subscript𝒖𝑟{\mathfrak{k}}=K({{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}) engendré sur K𝐾K par les composantes des vecteurs 𝒖isubscript𝒖𝑖{{\boldsymbol{u}}}_{i} est naturellement muni d’une extension de l’endomorphisme σ𝜎\sigma, puisque ces vecteurs satisfont σ(𝒖i)=A1𝒖i𝜎subscript𝒖𝑖superscript𝐴1subscript𝒖𝑖\sigma({{\boldsymbol{u}}}_{i})=A^{-1}{{\boldsymbol{u}}}_{i}, i=1,,r𝑖1𝑟i=1,\dots,r. D’après [11, Proposition 2.1.4] il existe un anneau de Picard-Vessiot 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} de (1.2) sur 𝔨𝔨{\mathfrak{k}} (unique à isomorphisme près). La σ𝜎\sigma-algèbre 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} étant un anneau de Picard-Vessiot sur 𝔨𝔨{\mathfrak{k}}, n’a pas d’élément nilpotent. Soit U𝑈U une matrice fondamentale de solutions de (1.2) engendrant 𝔄=𝔨[det(U)1,U]𝔄𝔨superscript𝑈1𝑈{\mathfrak{A}}={\mathfrak{k}}[\det(U)^{-1},U] sur 𝔨𝔨{\mathfrak{k}}. Grâce à la proposition 2.2, les vecteurs 𝒖isubscript𝒖𝑖{{\boldsymbol{u}}}_{i} sont combinaisons linéaires à coefficients dans 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} des colonnes de la matrice U𝑈U et donc appartiennent à R:=K[det(U)1,U]𝔄assign𝑅𝐾superscript𝑈1𝑈𝔄R:=K[\det(U)^{-1},U]\subset{\mathfrak{A}}. Cette σ𝜎\sigma-algèbre R𝑅R, de type fini sur K𝐾K, n’a pas d’élément nilpotent (puisque 𝔄𝔄{\mathfrak{A}} n’en a pas) et son corps des σ𝜎\sigma-constantes est 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} (corps des σ𝜎\sigma-constantes de K𝐾K supposé algébriquement clos), d’après [14, Lemma 1.8]. La proposition 2.2 implique encore que toute matrice fondamentale de solutions de (1.2) dont les coefficients sont dans 𝔄𝔄{\mathfrak{A}}, engendre K[det(U)1,U]𝐾superscript𝑈1𝑈K[\det(U)^{-1},U] sur K𝐾K. Enfin, le corps K𝐾K est parfait (étant de caractéristique zéro), de corps des σ𝜎\sigma-constantes 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} algébriquement clos. Ainsi, les hypothèses de [14, Corollary 1.24] sont satisfaites et cet énoncé entraîne que R𝑅R est un anneau de Picard-Vessiot de (1.2) sur K𝐾K, contenant les composantes de 𝒖1,,𝒖rsubscript𝒖1subscript𝒖𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}.

Lorsque les vecteurs 𝒖1,,𝒖rsubscript𝒖1subscript𝒖𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r} sont linéairement indépendants sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}, nous pouvons les substituer dans une matrice fondamentale de solutions, le déterminant et les coefficients n’étant multipliés que par des éléments de 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}. ∎

Un anneau de Picard-Vessiot est unique à isomorphisme près, mais il n’est pas intègre en général. En revanche, d’après [14, Corollary 1.16 et Lemma 1.26] il est toujours un produit d’anneaux de Picard-Vessiot intègres, tous isomorphes à un anneau de Picard-Vessiot sur K𝐾K du système d’équations fonctionnelles

(3.3) 𝒖=Aσ(A)σ1(A)σ(𝒖)𝒖𝐴𝜎𝐴superscript𝜎1𝐴superscript𝜎𝒖{{\boldsymbol{u}}}=A\sigma(A)\dots\sigma^{\ell-1}(A)\sigma^{\ell}({{\boldsymbol{u}}})

pour un certain 𝐍×superscript𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}^{\times}. En combinant ce fait avec la proposition 3.2 on obtient:

Proposition 3.4.

Dans les notations de la proposition 3.2 il existe un entier positif \ell et un σsuperscript𝜎\sigma^{\ell}-corps contenant K(𝐮1,,𝐮r)𝐾subscript𝐮1subscript𝐮𝑟K({{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}), qui est le corps des fractions d’un anneau de Picard-Vessiot du système d’équations fonctionnelles (3.3), intègre.

Démonstration.

Il suffit d’observer que les vecteurs 𝒖1,,𝒖rsubscript𝒖1subscript𝒖𝑟{{\boldsymbol{u}}}_{1},\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}, étant solutions de (1.2), sont également solutions de (3.3) et on applique la proposition 3.2 à cette situation. Le σsuperscript𝜎\sigma^{\ell}-anneau obtenu est isomorphe à un anneau de Picard-Vessiot de (3.3) qui, pour un choix convenable de \ell, est intègre. ∎

Dans la suite de cette section on fixe une matrice fondamentale de solutions U=U(z)𝑈𝑈𝑧U=U(z) de (1.2) et on note R=K[det(U)1,U]𝑅𝐾superscript𝑈1𝑈R=K[\det(U)^{-1},U]. On a

RKK[det(X)1,X]=R𝐤𝐤[det(Y)1,Y]subscripttensor-product𝐾𝑅𝐾superscript𝑋1𝑋subscripttensor-product𝐤𝑅𝐤superscript𝑌1𝑌R\otimes_{K}K[\det(X)^{-1},X]=R\otimes_{{{\mathbf{k}}}}{{\mathbf{k}}}[\det(Y)^{-1},Y]

Y=U1X𝑌superscript𝑈1𝑋Y=U^{-1}X. On note 0subscript0{\mathfrak{I}}_{0} le σ𝜎\sigma-idéal de R𝐤𝐤[det(Y)1,Y]subscripttensor-product𝐤𝑅𝐤superscript𝑌1𝑌R\otimes_{{{\mathbf{k}}}}{{\mathbf{k}}}[\det(Y)^{-1},Y] engendré par 𝔓K[X]𝔓𝐾delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}\subset K[X]:

0=(P(z,U(z)Y),P𝔓)R𝐤𝐤[det(Y)1,Y],subscript0𝑃𝑧𝑈𝑧𝑌𝑃𝔓subscripttensor-product𝐤𝑅𝐤superscript𝑌1𝑌{\mathfrak{I}}_{0}=(P(z,U(z)Y),P\in{\mathfrak{P}})\subset R\otimes_{{{\mathbf{k}}}}{{\mathbf{k}}}[\det(Y)^{-1},Y]\enspace,

puis =0𝐤[det(Y)1,Y]subscript0𝐤superscript𝑌1𝑌{\mathfrak{I}}={\mathfrak{I}}_{0}\cap{{\mathbf{k}}}[\det(Y)^{-1},Y]. Le groupe de Galois G𝐺G de (1.2) sur K𝐾K est le sous-groupe algébrique de Gl(𝐤N)Glsuperscript𝐤𝑁{\rm Gl}({{\mathbf{k}}}^{N}) défini sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} par {\mathfrak{I}}, voir [14, §1.2]. L’image de U𝑈U par un élément du groupe de Galois est encore une matrice fondamentale de solutions de (1.2). Donc, tout élément de G𝐺G est représenté par une matrice y=(yi,j)1i,jN𝑦subscriptsubscript𝑦𝑖𝑗formulae-sequence1𝑖𝑗𝑁y=(y_{i,j})_{1\leq i,j\leq N} à coefficients dans 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}, de déterminant non nul, satisfaisant P(z,Xy)𝔓𝑃𝑧𝑋𝑦𝔓P(z,Xy)\in{\mathfrak{P}} pour tout P(z,X)𝔓𝑃𝑧𝑋𝔓P(z,X)\in{\mathfrak{P}}. Il coïncide avec le groupe des automorphismes de la K𝐾K-algèbre K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X] laissant invariant 𝔓𝔓{\mathfrak{P}} (c’est-à-dire les automorphismes de K[U]𝐾delimited-[]𝑈K[U]), qui commutent à l’action de σ𝜎\sigma.

Notons K(U)𝐾𝑈K(U) l’anneau total des fractions de l’anneau R𝑅R. La correspondance de Galois associe à tout sous-groupe algébrique H𝐻H du groupe de Galois G𝐺G l’extension de Picard-Vessiot K(U)HK(U)𝐾superscript𝑈𝐻𝐾𝑈K(U)^{H}\subset K(U) sur le corps des éléments de K(U)𝐾𝑈K(U) fixés par tous les éléments de H𝐻H. Réciproquement, à tout σ𝜎\sigma-anneau intermédiaire K𝔎K(U)𝐾𝔎𝐾𝑈K\subset{\mathfrak{K}}\subset K(U), dont les éléments non inversibles sont diviseurs de zéro, est associé le sous-groupe de G𝐺G qui fixe les éléments de 𝔎𝔎{\mathfrak{K}}. Le groupe H𝐻H est le groupe de Galois de l’extension de Picard-Vessiot 𝔎=K(U)HK(U)𝔎𝐾superscript𝑈𝐻𝐾𝑈{\mathfrak{K}}=K(U)^{H}\subset K(U). Lorsque le sous-groupe H𝐻H est normal alors KK(U)H𝐾𝐾superscript𝑈𝐻K\subset K(U)^{H} est aussi une extension de Picard-Vessiot de groupe de Galois G/H𝐺𝐻G/H, voir [14, Theorem 1.29].

Le schéma Spec(R)Spec(K)Spec𝑅Spec𝐾{\rm Spec}(R)\to{\rm Spec}(K) est un torseur sous l’action du groupe de Galois G𝐺G, voir [14, Theorem 1.13]. En particulier, RG=Ksuperscript𝑅𝐺𝐾R^{G}=K, R𝑅R n’a pas d’idéal propre, non trivial, invariant par G𝐺G et, K𝐾K étant un C1superscript𝐶1C^{1}-corps, R=𝐤[G]𝐤K𝑅subscripttensor-product𝐤𝐤delimited-[]𝐺𝐾R={{\mathbf{k}}}[G]\otimes_{{{\mathbf{k}}}}K, voir [14, Corollary 1.15 & 1.18]. Ceci conduit à une description du groupe de Galois comme le plus petit sous-groupe algébrique G𝐺G de Gl(𝐤N)Glsuperscript𝐤𝑁{\rm Gl}({{\mathbf{k}}}^{N}) défini sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} tel qu’il existe BGl(KN)𝐵Glsuperscript𝐾𝑁B\in{\rm Gl}(K^{N}) satisfaisant B1Aσ(B)G(K)superscript𝐵1𝐴𝜎𝐵𝐺𝐾B^{-1}A\sigma(B)\in G(K), voir [14, Proposition 1.21]. En particulier, si A𝐴A appartient à un sous-groupe H(K)𝐻𝐾H(K) de Gl(KN)Glsuperscript𝐾𝑁{\rm Gl}(K^{N}) défini sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}, alors GH𝐺𝐻G\subset H.

Si K(U)𝐾𝑈K(U) est un corps (i.e. R𝑅R est intègre) il y a correspondance entre les sous-groupes algébriques connexes du groupe de Galois et les corps intermédiaires algébriquement clos dans K(U)𝐾𝑈K(U), voir [14, Theorem 1.29 et page 22]. De plus, la dimension (sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}) du groupe algébrique associé à un σ𝜎\sigma-corps intermédiaire K𝔎K(U)𝐾𝔎𝐾𝑈K\subset{\mathfrak{K}}\subset K(U) est égal au degré de transcendance de l’extension de Picard-Vessiot 𝔎K(U)𝔎𝐾𝑈{\mathfrak{K}}\subset K(U).

L’action du groupe de Galois sur l’espace des matrices fondamentales du système d’équations fonctionnelles considéré est donné par la multiplication à droite par la matrice y𝑦y représentant l’élément du groupe de Galois : UUymaps-to𝑈𝑈𝑦U\mapsto Uy. Cela induit un endomorphisme de l’espace des solutions SSS=i=1N𝐤𝒖iSS𝑆superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑁𝐤subscript𝒖𝑖\SS S=\oplus_{i=1}^{N}{{\mathbf{k}}}{{\boldsymbol{u}}}_{i}

SSSSSSU𝐜=i=1Nci𝒖iUy𝒄=i=1N(j=1Nyi,jcj)𝒖i,matrixSS𝑆SS𝑆𝑈𝐜superscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑐𝑖subscript𝒖𝑖𝑈𝑦𝒄superscriptsubscript𝑖1𝑁superscriptsubscript𝑗1𝑁subscript𝑦𝑖𝑗subscript𝑐𝑗subscript𝒖𝑖\begin{matrix}\SS S&\longrightarrow&\SS S\\ U{{\mathbf{c}}}=\sum_{i=1}^{N}c_{i}{{\boldsymbol{u}}}_{i}&\longmapsto&Uy{{\boldsymbol{c}}}=\sum_{i=1}^{N}\left(\sum_{j=1}^{N}y_{i,j}c_{j}\right){{\boldsymbol{u}}}_{i}\end{matrix}\enspace,

𝒄𝒄{{\boldsymbol{c}}} désigne le vecteur colonne transposé de (c1,,cN)𝐤Nsubscript𝑐1subscript𝑐𝑁superscript𝐤𝑁(c_{1},\dots,c_{N})\in{{\mathbf{k}}}^{N}. Comme σ(Uy𝒄)=σ(U)y𝒄𝜎𝑈𝑦𝒄𝜎𝑈𝑦𝒄\sigma(Uy{{\boldsymbol{c}}})=\sigma(U)y{{\boldsymbol{c}}}, cet endomorphisme commute à σ𝜎\sigma et sa matrice dans la base (𝒖i)1iNsubscriptsubscript𝒖𝑖1𝑖𝑁({{\boldsymbol{u}}}_{i})_{1\leq i\leq N} est y𝑦y.

Notons Gsuperscript𝐺G^{\circ} la composante connexe contenant l’origine de G𝐺G, c’est un sous-groupe distingué de G𝐺G. D’après [14, Corollary 1.31], le sous-anneau RGsuperscript𝑅superscript𝐺R^{G^{\circ}} des éléments de R𝑅R fixés par Gsuperscript𝐺G^{\circ} est un K𝐾K-espace vectoriel de dimension finie, égale à l’indice [G:G]delimited-[]:𝐺superscript𝐺[G:G^{\circ}] de Gsuperscript𝐺G^{\circ} dans G𝐺G. Lorsque R𝑅R est intègre on a le résultat suivant :

Lemme 3.5.

Supposons l’anneau de Picard-Vessiot R𝑅R intègre, alors le corps K(U)G𝐾superscript𝑈superscript𝐺K(U)^{G^{\circ}} est la clôture algébrique de K𝐾K dans K(U)𝐾𝑈K(U), c’est une extension finie de K𝐾K de degré [G:G]delimited-[]:𝐺superscript𝐺[G:G^{\circ}]. En particulier, K𝐾K est algébriquement clos dans K(U)𝐾𝑈K(U) si et seulement si le groupe de Galois de (1.2) est connexe.

Démonstration.

Comme on suppose R𝑅R intègre et que Gsuperscript𝐺G^{\circ} est connexe et distingué, K(U)G𝐾superscript𝑈superscript𝐺K(U)^{G^{\circ}} est un sous-corps algébriquement clos dans K(U)𝐾𝑈K(U) et KK(U)G𝐾𝐾superscript𝑈superscript𝐺K\subset K(U)^{G^{\circ}} est une extension de Picard-Vessiot de groupe de Galois G/G𝐺superscript𝐺G/G^{\circ}, donc algébrique finie de degré [G:G]delimited-[]:𝐺superscript𝐺[G:G^{\circ}].

Ce qui montre que K(U)G𝐾superscript𝑈superscript𝐺K(U)^{G^{\circ}} est la clôture algébrique de K𝐾K dans K(U)𝐾𝑈K(U) (qui est nécessairement un σ𝜎\sigma-corps).

Ainsi, K(U)G=K𝐾superscript𝑈superscript𝐺𝐾K(U)^{G^{\circ}}=K si et seulement si G=Gsuperscript𝐺𝐺G^{\circ}=G. ∎

4. Régularité et spécialisation

Nous supposons dorénavant 𝐤=𝐐¯𝐤¯𝐐{{\mathbf{k}}}={\overline{{{\mathbf{Q}}}}} et nous considérons le système d’équations fonctionnelles (1.2), où A(z)𝐴𝑧A(z) est une matrice N×N𝑁𝑁N\times N à coefficients dans 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z). Soit ρ𝜌\rho un réel positif, 1rN1𝑟𝑁1\leq r\leq N un entier et 𝒖1(z),,𝒖r(z)subscript𝒖1𝑧subscript𝒖𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}(z) des vecteurs solutions de (1.2) dont les composantes ui,j(z)subscript𝑢𝑖𝑗𝑧u_{i,j}(z), i=1,,N𝑖1𝑁i=1,\dots,N, j=1,,r𝑗1𝑟j=1,\dots,r, appartiennent à 𝐐¯[[z]]¯𝐐delimited-[]delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[[z]] et convergent dans un disque de rayon ρ𝜌\rho centré en l’origine de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. Rappelons que les séries ui,j(z)subscript𝑢𝑖𝑗𝑧u_{i,j}(z) définissent des fonctions méromorphes dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}, voir lemme 6.1 à la section 6.

Posons V=V(z):=(ui,j(z))1jr1iN𝑉𝑉𝑧assignsubscriptsubscript𝑢𝑖𝑗𝑧superscript1𝑗𝑟1𝑖𝑁V=V(z):=(u_{i,j}(z))_{\stackrel{{\scriptstyle 1\leq i\leq N}}{{\scriptscriptstyle 1\leq j\leq r}}} et rappelons qu’on note T(z)=TA(z)𝑇𝑧subscript𝑇𝐴𝑧T(z)=T_{A}(z) le polynôme de 𝐐¯[z]¯𝐐delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z] satisfaisant T(0)=1𝑇01T(0)=1 et dont les zéros sont les pôles distincts de 00, des matrices A(z)𝐴𝑧A(z) et A(z)1𝐴superscript𝑧1A(z)^{-1}, comptés avec multiplicité. Les singularités du système (1.2) sont les points ξ𝐂𝜉𝐂\xi\in{{\mathbf{C}}} satisfaisant T(ξq)=0𝑇superscript𝜉superscript𝑞0T(\xi^{q^{\ell}})=0 pour un 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}. On vérifie qu’un pôle d’une des fonctions ui,j(z)subscript𝑢𝑖𝑗𝑧u_{i,j}(z) dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}, est une singularité du système (1.2).

Appliquons le théorème 1.1 à des sommes directes du système (1.2).

Théorème 4.1.

Soit A(z)𝐴𝑧A(z) une matrice carrée N×N𝑁𝑁N\times N à coefficients dans 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z). Soit 𝐮1(z),,𝐮r(z)subscript𝐮1𝑧subscript𝐮𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{r}(z) des vecteurs solutions de (1.2) dont les composantes ui,j(z)subscript𝑢𝑖𝑗𝑧u_{i,j}(z), i=1,,N𝑖1𝑁i=1,\dots,N, j=1,,r𝑗1𝑟j=1,\dots,r, appartiennent à 𝐐¯[[z]]¯𝐐delimited-[]delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[[z]].

Soit α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|<ρ0𝛼𝜌0<|\alpha|<\rho, qui n’est pas une singularité de (1.2), alors

degtr𝐐¯𝐐¯(V(α))degtr𝐐¯(z)𝐐¯(z,V(z)).subscriptdegtr¯𝐐¯𝐐𝑉𝛼subscriptdegtr¯𝐐𝑧¯𝐐𝑧𝑉𝑧{\rm degtr}_{{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}}{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(V(\alpha))\geq{\rm degtr}_{{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)}{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V(z))\enspace.

.

Démonstration.

On applique le théorème 1.1 au système rN×rN𝑟𝑁𝑟𝑁rN\times rN de matrice B(z)𝐵𝑧B(z) composée de r𝑟r blocs diagonaux A(z)𝐴𝑧A(z), dont le vecteur colonne de composantes les ui,j(z)subscript𝑢𝑖𝑗𝑧u_{i,j}(z) est solution. Par hypothèses les séries ui,j(z)subscript𝑢𝑖𝑗𝑧u_{i,j}(z) convergent dans le disque de rayon ρ𝜌\rho centré en l’origine de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et leurs coefficients appartiennent à l’extension finie de 𝐐𝐐{{\mathbf{Q}}} engendrée par les coefficients des coefficients de A(z)𝐴𝑧A(z). De plus, les pôles des coefficients de la matrice B1(z)superscript𝐵1𝑧B^{-1}(z) sont les mêmes que ceux de A1(z)superscript𝐴1𝑧A^{-1}(z) et les hypothèses du théorème 1.1 se ramènent donc à celles du théorème 4.1. ∎

Lorsqu’un corps est algébriquement clos dans un plus grand corps, on dit que l’extension est régulière. Le lemme 4.2 suivant peut donc se reformuler : KK(V)𝐾𝐾𝑉K\subset K(V) et 𝐐¯(z)𝐐¯(z,V)¯𝐐𝑧¯𝐐𝑧𝑉{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)\subset{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V) sont des extensions régulières.

Lemme 4.2.

Tout élément de K(V)𝐾𝑉K(V) (resp. 𝐐¯(z,V)¯𝐐𝑧𝑉{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V)) algébrique sur K𝐾K (resp. 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)) appartient à K𝐾K (resp. 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)).

Démonstration.

Grâce à la proposition 3.4, le corps K(V)𝐾𝑉K(V) est contenu dans une extension de Picard-Vessiot de K𝐾K pour le système d’équations fonctionnelles (3.3). Soit L𝐿L la clôture algébrique de K𝐾K dans K(V)𝐾𝑉K(V), elle est contenue dans la clôture algébrique de K𝐾K dans l’extension de Picard-Vessiot exhibée qui, d’après le lemme 3.5, est une extension finie de K𝐾K. L’extension KL𝐾𝐿K\subset L est donc elle aussi finie. Soit fL𝑓𝐿f\in L, alors σ(f)superscript𝜎𝑓\sigma^{\ell}(f) est encore un élément de K(V)𝐾𝑉K(V) algébrique sur K𝐾K, pour tout 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}. Comme L𝐿L est un K𝐾K-espace vectoriel de dimension finie, il existe donc, pour un certain m𝐍×𝑚superscript𝐍m\in{{\mathbf{N}}}^{\times}, une relation de la forme

(4.3) σm(f)==0m1bσ(f)superscript𝜎𝑚𝑓superscriptsubscript0𝑚1subscript𝑏superscript𝜎𝑓\sigma^{m}(f)=\sum_{\ell=0}^{m-1}b_{\ell}\sigma^{\ell}(f)

avec bKsubscript𝑏𝐾b_{\ell}\in K pour =0,,m10𝑚1\ell=0,\dots,m-1. Notons SSRSS𝑅\SS R l’ensemble (fini) des points de ramification de f𝑓f et des bsubscript𝑏b_{\ell}, on note que ces derniers bsubscript𝑏b_{\ell} sont méromorphes dans 𝐂×superscript𝐂{{\mathbf{C}}}^{\times} et n’ont de ramification qu’en 00 et \infty. Soit θ𝜃\theta l’argument minimal dans ]0,2π]]0,2\pi] d’un élément de SSR{z𝐂;|z|=1}SS𝑅formulae-sequence𝑧𝐂𝑧1\SS R\cap\{z\in{{\mathbf{C}}};|z|=1\} (en posant θ=2π𝜃2𝜋\theta=2\pi si ce dernier ensemble est vide). Pour tout réel 0<ε<10𝜀10<\varepsilon<1 notons encore

E(ε):={z𝐂;θε<Arg(z)<θ,1ε<|z|<1+ε}.assign𝐸𝜀formulae-sequence𝑧𝐂𝜃𝜀Arg𝑧𝜃.1𝜀𝑧1𝜀E(\varepsilon):=\left\{z\in{{\mathbf{C}}};\theta-\varepsilon<{\rm Arg}(z)<\theta,1-\varepsilon<|z|<1+\varepsilon\right\}\enspace.

Lorsque ε𝜀\varepsilon est assez petit l’ensemble h=0E(ε)qhsuperscriptsubscript0𝐸superscript𝜀superscript𝑞\bigcup_{h=0}^{\infty}E(\varepsilon)^{q^{-h}} ne rencontre pas SSRSS𝑅\SS R, grâce au choix de θ𝜃\theta. La fonction algébrique f𝑓f étant méromorphe en dehors de E𝐸E, l’est en particulier dans h=0E(ε)qhsuperscriptsubscript0𝐸superscript𝜀superscript𝑞\bigcup_{h=0}^{\infty}E(\varepsilon)^{q^{-h}}.

Maintenant, si f𝑓f est une fonction méromorphe dans un ensemble de la forme h=0E0qhsuperscriptsubscript0superscriptsubscript𝐸0superscript𝑞\bigcup_{h=0}^{\infty}E_{0}^{q^{-h}} avec E0𝐂×subscript𝐸0superscript𝐂E_{0}\subset{{\mathbf{C}}}^{\times}, alors pour chaque =0,,m10𝑚1\ell=0,\dots,m-1 la fonction σ(f)superscript𝜎𝑓\sigma^{\ell}(f) est méromorphe dans h=E0qhsuperscriptsubscriptsuperscriptsubscript𝐸0superscript𝑞\bigcup_{h=\ell}^{\infty}E_{0}^{q^{-h}}. Et donc, par la relation (4.3), la fonction σm(f)superscript𝜎𝑚𝑓\sigma^{m}(f) est méromorphe dans h=m1E0qhsuperscriptsubscript𝑚1superscriptsubscript𝐸0superscript𝑞\bigcup_{h=m-1}^{\infty}E_{0}^{q^{-h}}, ce qui implique finalement la méromorphie de f𝑓f dans h=1E0qhsuperscriptsubscript1superscriptsubscript𝐸0superscript𝑞\bigcup_{h=-1}^{\infty}E_{0}^{q^{-h}}. Appliquant ce raisonnement à E0=E(ε)subscript𝐸0𝐸𝜀E_{0}=E(\varepsilon), puis itérant avec E0=E(ε)q,E(ε)q2,subscript𝐸0𝐸superscript𝜀𝑞𝐸superscript𝜀superscript𝑞2E_{0}=E(\varepsilon)^{q},E(\varepsilon)^{q^{2}},\dots successivement, on montre que la fonction f𝑓f (et σ(f)superscript𝜎𝑓\sigma^{\ell}(f) pour tout 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}) est méromorphe dans h𝐙E(ε)qh=𝐂×subscript𝐙𝐸superscript𝜀superscript𝑞superscript𝐂\bigcup_{h\in{{\mathbf{Z}}}}E(\varepsilon)^{q^{-h}}={{\mathbf{C}}}^{\times}.

Mais, fLK(V)𝑓𝐿𝐾𝑉f\in L\subset K(V) appartient à un corps 𝐐¯(zq)(V)𝐐¯(zq)[[z]]¯𝐐superscript𝑧superscript𝑞𝑉¯𝐐superscript𝑧superscript𝑞delimited-[]delimited-[]𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z^{q^{-\ell}})(V)\subset{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z^{q^{-\ell}})[[z]] pour un certain 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}, ce qui entraîne que σ(f)superscript𝜎𝑓\sigma^{\ell}(f) n’est pas ramifiée en 00. Avec ce qui précède, elle est donc méromorphe dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et la formule de Riemann-Hurwitz impose qu’elle soit rationnelle. Ainsi σ(f)𝐐¯(z)superscript𝜎𝑓¯𝐐𝑧\sigma^{\ell}(f)\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z), d’où suit fK𝑓𝐾f\in K.

Si on suppose fL𝐐¯(z,V)𝐐¯[[z]]𝑓𝐿¯𝐐𝑧𝑉¯𝐐delimited-[]delimited-[]𝑧f\in L\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V)\subset{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[[z]] alors le raisonnement ci-dessus montre que la fonction f𝑓f elle-même est méromorphe dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et donc appartient à 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z). ∎

Remarque. La démonstration ci-dessus est à rapprocher de celle du lemme 5 de [6]. On y ajoute comme ingrédient supplémentaire, en s’appuyant sur la théorie de Galois, que la clôture algébrique de K𝐾K dans K(V)𝐾𝑉K(V) est une extension finie de K𝐾K.

Rappelons la matrice de variables X:=(Xi,j)1jr1iNassign𝑋subscriptsubscript𝑋𝑖𝑗superscript1𝑗𝑟1𝑖𝑁X:=(X_{i,j})_{\stackrel{{\scriptstyle 1\leq i\leq N}}{{\scriptscriptstyle 1\leq j\leq r}}} et l’automorphisme σ~~𝜎\tilde{\sigma} introduit à la fin de la section 2. On note aussi 𝔓𝔓{\mathfrak{P}} l’idéal premier de K[X]𝐾delimited-[]𝑋K[X] des relations algébriques entre les coefficients de la matrice V𝑉V. Adjoignons une nouvelle variable X0subscript𝑋0X_{0} à X𝑋X et notons X~=(X,X0)~𝑋𝑋subscript𝑋0\tilde{X}=(X,X_{0}). Soit 𝔓~~𝔓\tilde{{\mathfrak{P}}} l’idéal de K[X~]𝐾delimited-[]~𝑋K[\tilde{X}] homogénéisé en X𝑋X de l’idéal 𝔓𝔓{\mathfrak{P}}, c’est un idéal premier de même rang que 𝔓K[X]𝔓𝐾delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}\subset K[X].

Proposition 4.4.

Il existe un réel 0<ρ<ρ0superscript𝜌𝜌0<\rho^{\prime}<\rho tel que tout α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|ρ0𝛼superscript𝜌0<|\alpha|\leq\rho^{\prime}, ait la propriété suivante : pour tout polynôme P𝐐¯[X]𝑃¯𝐐delimited-[]𝑋P\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X] tel que P(V(α))=0𝑃𝑉𝛼0P(V(\alpha))=0, il existe Q𝐐¯[z,X]𝑄¯𝐐𝑧𝑋Q\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X] de même degré en X𝑋X que P𝑃P, satisfaisant Q(z,V(z))=0𝑄𝑧𝑉𝑧0Q(z,V(z))=0 et P(X)=Q(α,X)𝑃𝑋𝑄𝛼𝑋P(X)=Q(\alpha,X).

Démonstration.

Soit 𝔓αsubscript𝔓𝛼{\mathfrak{P}}_{\alpha} l’idéal premier de 𝐐¯[X]¯𝐐delimited-[]𝑋{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X] des relations de dépendance algébrique (à coefficients algébriques) entre les coefficients de V(α)𝑉𝛼V(\alpha) et 𝔓~αsubscript~𝔓𝛼\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha} son homogénéisé dans 𝐐¯[X~]¯𝐐delimited-[]~𝑋{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[\tilde{X}]. Nous notons 𝔰α:𝐐¯[z]𝐐¯:subscript𝔰𝛼¯𝐐delimited-[]𝑧¯𝐐{\mathfrak{s}}_{\alpha}:{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z]\to{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} la spécialisation de z𝑧z en α𝛼\alpha, nous allons montrer 𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~])=𝔓~αsubscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋subscript~𝔓𝛼{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}])=\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha} pour l’application étendue 𝔰α:𝐐¯[z,X~]𝐐¯[X~]:subscript𝔰𝛼¯𝐐𝑧~𝑋¯𝐐delimited-[]~𝑋{\mathfrak{s}}_{\alpha}:{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}]\to{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[\tilde{X}]. Notons qu’on a clairement 𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~])𝔓~αsubscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋subscript~𝔓𝛼{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}])\subset\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha} et que les idéaux premiers 𝔓αsubscript𝔓𝛼{\mathfrak{P}}_{\alpha} et 𝔓~αsubscript~𝔓𝛼\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha} ont même rang.

Comme Frac(𝐐¯[z,X]/𝔓𝐐¯[z,X])𝐐¯(z,V)similar-to-or-equalsFrac¯𝐐𝑧𝑋𝔓¯𝐐𝑧𝑋¯𝐐𝑧𝑉{\rm Frac}({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X]/{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X])\simeq{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V) est une extension régulière de 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z) d’après le lemme 4.2, l’idéal 𝔓𝐐¯(z)[X]𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X] est absolument premier, voir [15, Theorem 39, p.230]. L’idéal 𝔓~𝐐¯(z)[X~]~𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]~𝑋\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[\tilde{X}] est l’homogénéisé en X𝑋X de 𝔓𝐐¯(z)[X]𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X], il est donc également absolument premier de même rang. Et, d’après [9, §3, Satz 16], son image par 𝔰αsubscript𝔰𝛼{\mathfrak{s}}_{\alpha} est un idéal premier de 𝐐¯[X~]¯𝐐delimited-[]~𝑋{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[\tilde{X}] de même rang que 𝔓~𝐐¯(z)[X~]~𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]~𝑋\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[\tilde{X}], pour tout α𝛼\alpha en dehors d’un ensemble fini. On choisit 0<ρ<ρ0superscript𝜌𝜌0<\rho^{\prime}<\rho strictement plus petit que le plus petit des modules des éléments non nuls de cet ensemble auquel on adjoint les zéros de TA(z)subscript𝑇𝐴𝑧T_{A}(z). On suppose dorénavant 0<|α|ρ0𝛼superscript𝜌0<|\alpha|\leq\rho^{\prime}, de sorte que α𝛼\alpha n’est pas une singularité de (1.2) et 𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~])subscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}]) est un idéal premier de même rang que 𝔓~𝐐¯(z)[X~]~𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]~𝑋\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[\tilde{X}] et donc que 𝔓𝐐¯(z)[X]𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X].

L’anneau 𝐐¯(z)[V]¯𝐐𝑧delimited-[]𝑉{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[V] est de type fini sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z) et intègre, aussi sa dimension de Krull est-elle égale au degré de transcendance sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z) du corps 𝐐¯(z,V)¯𝐐𝑧𝑉{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V), voir [8, §8.2.1, Theorem A, pp.221]. De plus, comme l’idéal 𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~])subscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}]) a même rang que 𝔓𝐐¯(z)[X]𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X], on a

degtr𝐐¯(z)𝐐¯(z,V)subscriptdegtr¯𝐐𝑧¯𝐐𝑧𝑉\displaystyle{\rm degtr}_{{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)}{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,V) =dim(𝐐¯(z)[V])=dim(𝐐¯(z)[X]/𝔓𝐐¯(z)[X])absentdimension¯𝐐𝑧delimited-[]𝑉dimension¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋\displaystyle=\dim\left({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[V]\right)=\dim\left({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X]/{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X]\right)
=dim(𝐐¯(z)[X])rg(𝔓𝐐¯(z)[X])absentdimension¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋rg𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋\displaystyle=\dim({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X])-{\rm rg}({\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X])
=dim(𝐐¯[X~])rg(𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~]))1.absentdimension¯𝐐delimited-[]~𝑋rgsubscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋1\displaystyle=\dim({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[\tilde{X}])-{\rm rg}({\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}]))-1\enspace.

De même, l’anneau 𝐐¯[X]/𝔓α¯𝐐delimited-[]𝑋subscript𝔓𝛼{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X]/{\mathfrak{P}}_{\alpha} étant de type fini sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} et intègre, sa dimension de Krull est égale au degré de transcendance sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} du corps 𝐐¯(V(α))¯𝐐𝑉𝛼{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(V(\alpha)), voir ibidem, on a

degtr𝐐¯𝐐¯(V(α))=dim(𝐐¯[X])rg(𝔓α)=dim(𝐐¯[X~])rg(𝔓~α)1.subscriptdegtr¯𝐐¯𝐐𝑉𝛼dimension¯𝐐delimited-[]𝑋rgsubscript𝔓𝛼dimension¯𝐐delimited-[]~𝑋rgsubscript~𝔓𝛼1{\rm degtr}_{{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}}{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(V(\alpha))=\dim({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X])-{\rm rg}({\mathfrak{P}}_{\alpha})=\dim({\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[\tilde{X}])-{\rm rg}(\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha})-1\enspace.

Le théorème 4.1 entraîne donc

rg(𝔰α(𝔓~𝐐¯(z)[X~]))rg(𝔓~α)rgsubscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]~𝑋rgsubscript~𝔓𝛼{\rm rg}({\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[\tilde{X}]))\geq{\rm rg}(\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha})

et, comme 𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~])𝔓~αsubscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋subscript~𝔓𝛼{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}])\subset\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha}, on en déduit que les idéaux premiers 𝔰α(𝔓~𝐐¯[z,X~])subscript𝔰𝛼~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}]) et 𝔓~αsubscript~𝔓𝛼\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha} sont égaux, comme voulu.

Ainsi, le polynôme P~𝔓~α𝐐¯[X~]~𝑃subscript~𝔓𝛼¯𝐐delimited-[]~𝑋\tilde{P}\in\tilde{{\mathfrak{P}}}_{\alpha}\subset{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[\tilde{X}], homogénéisé de P𝐐¯[X]𝑃¯𝐐delimited-[]𝑋P\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X], s’écrit 𝔰α(Q~)subscript𝔰𝛼~𝑄{\mathfrak{s}}_{\alpha}(\tilde{Q}) pour un polynôme Q~𝔓~𝐐¯[z,X~]~𝑄~𝔓¯𝐐𝑧~𝑋\tilde{Q}\in\tilde{{\mathfrak{P}}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,\tilde{X}], de même degré en X~~𝑋\tilde{X} que P~~𝑃\tilde{P}. Le polynôme Q𝔓𝐐¯[z,X]𝑄𝔓¯𝐐𝑧𝑋Q\in{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X] obtenu de Q~~𝑄\tilde{Q} par spécialisation de X0subscript𝑋0X_{0} en 111 satisfait la conclusion de la proposition. ∎

Le corollaire suivant établit le théorème 1.3.

Corollaire 4.5.

Soit α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, n’appartenant pas à l’ensemble singulier de (1.2), alors pour tout P𝐐¯[X]𝑃¯𝐐delimited-[]𝑋P\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X] tel que P(V(α))=0𝑃𝑉𝛼0P(V(\alpha))=0, il existe Q𝐐¯[z,X]𝑄¯𝐐𝑧𝑋Q\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X] de même degré en X𝑋X que P𝑃P, tel que Q(z,V(z))=0𝑄𝑧𝑉𝑧0Q(z,V(z))=0 et P(X)=Q(α,X)𝑃𝑋𝑄𝛼𝑋P(X)=Q(\alpha,X).

Lorsque l’idéal 𝔓𝔓{\mathfrak{P}} est homogène en X𝑋X et P𝑃P est un élément homogène de 𝔓αsubscript𝔓𝛼{\mathfrak{P}}_{\alpha}, on peut choisir le polynôme Q𝑄Q également homogène en X𝑋X, de même degré que 𝔓𝔓{\mathfrak{P}}.

Démonstration.

Il existe un entier 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}} tel que 0<|αq|ρ0superscript𝛼superscript𝑞superscript𝜌0<|\alpha^{q^{\ell}}|\leq\rho^{\prime} dans les notations de la proposition 4.4. Comme α𝛼\alpha n’est pas singularité de (1.2) la matrice A()(α)superscript𝐴𝛼A^{(\ell)}(\alpha) est définie et inversible. Maintenant, si P𝐐¯[X]𝑃¯𝐐delimited-[]𝑋P\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X] satisfait P(V(α))=0𝑃𝑉𝛼0P(V(\alpha))=0 alors P0(X):=P(A()(α)X)𝐐¯[X]assignsubscript𝑃0𝑋𝑃superscript𝐴𝛼𝑋¯𝐐delimited-[]𝑋P_{0}(X):=P(A^{(\ell)}(\alpha)X)\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X] satisfait P0(V(αq))=0subscript𝑃0𝑉superscript𝛼superscript𝑞0P_{0}(V(\alpha^{q^{\ell}}))=0, car V(α)=A()(α)V(αq)𝑉𝛼superscript𝐴𝛼𝑉superscript𝛼superscript𝑞V(\alpha)=A^{(\ell)}(\alpha)V(\alpha^{q^{\ell}}) d’après (1.2) itérée (i.e. (3.3)). De plus, P0subscript𝑃0P_{0} a même degré en X𝑋X que P𝑃P. Comme |αq|ρsuperscript𝛼superscript𝑞superscript𝜌|\alpha^{q^{\ell}}|\leq\rho^{\prime}, la proposition 4.4 entraîne l’existence de Q0𝔓𝐐¯[z,X]subscript𝑄0𝔓¯𝐐𝑧𝑋Q_{0}\in{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X] de même degré en X𝑋X que P0subscript𝑃0P_{0}, tel que P0(X)=Q0(αq,X)subscript𝑃0𝑋subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞𝑋P_{0}(X)=Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},X).

Appliquons σ~superscript~𝜎\tilde{\sigma}^{\ell} à P0subscript𝑃0P_{0}, on obtient d’une part

σ~(P0(X))=σ~(Q0(αq,X))=Q0(αq,A()(z)X)superscript~𝜎subscript𝑃0𝑋superscript~𝜎subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞𝑋subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞superscript𝐴𝑧𝑋\tilde{\sigma}^{\ell}(P_{0}(X))=\tilde{\sigma}^{\ell}(Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},X))=Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(z)X)

et d’autre part, par la définition de P0subscript𝑃0P_{0},

σ~(P0(X))=σ~(P(A()(α)X))=P(A()(α)A()(z)X).superscript~𝜎subscript𝑃0𝑋superscript~𝜎𝑃superscript𝐴𝛼𝑋𝑃superscript𝐴𝛼superscript𝐴𝑧𝑋\tilde{\sigma}^{\ell}(P_{0}(X))=\tilde{\sigma}^{\ell}(P(A^{(\ell)}(\alpha)X))=P(A^{(\ell)}(\alpha)A^{(-\ell)}(z)X)\enspace.

On en déduit

(4.6) P(A()(α)A()(z)X)=Q0(αq,A()(z)X).𝑃superscript𝐴𝛼superscript𝐴𝑧𝑋subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞superscript𝐴𝑧𝑋P(A^{(\ell)}(\alpha)A^{(-\ell)}(z)X)=Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(z)X)\enspace.

En multipliant Q0(αq,A()(z)X)𝐐¯(z)[X]subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞superscript𝐴𝑧𝑋¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(z)X)\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X] par une puissance convenable de Δ(z):=TA(z)TA(zq)TA(zq1)assignΔ𝑧subscript𝑇𝐴𝑧subscript𝑇𝐴superscript𝑧𝑞subscript𝑇𝐴superscript𝑧superscript𝑞1\Delta(z):=T_{A}(z)T_{A}(z^{q})\dots T_{A}(z^{q^{\ell-1}}) on obtient un polynôme en z𝑧z et X𝑋X et, vu la contrainte imposée à α𝛼\alpha, on a Δ(α)0Δ𝛼0\Delta(\alpha)\not=0. Donc, la spécialisation de z𝑧z à α𝛼\alpha dans Q0(αq,A()(z)X)subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞superscript𝐴𝑧𝑋Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(z)X) est bien définie et, avec (4.6), donne l’égalité

P(X)=Q0(αq,A()(α)X),𝑃𝑋subscript𝑄0superscript𝛼superscript𝑞superscript𝐴𝛼𝑋P(X)=Q_{0}(\alpha^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(\alpha)X)\enspace,

car A()(α)A()(α)=Idsuperscript𝐴𝛼superscript𝐴𝛼IdA^{(\ell)}(\alpha)A^{(-\ell)}(\alpha)={\rm Id}. Mais Q0𝔓subscript𝑄0𝔓Q_{0}\in{\mathfrak{P}} et 𝔓𝔓{\mathfrak{P}} est stable par l’action de σ~superscript~𝜎\tilde{\sigma}^{\ell}, aussi σ~(Q0)=Q0(zq,A()(z)X)𝔓𝐐¯(z)[X]superscript~𝜎subscript𝑄0subscript𝑄0superscript𝑧superscript𝑞superscript𝐴𝑧𝑋𝔓¯𝐐𝑧delimited-[]𝑋\tilde{\sigma}^{\ell}(Q_{0})=Q_{0}(z^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(z)X)\in{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z)[X]. En posant

Q(z,X)=(Δ(z)Δ(α))dXQ0Q0(zq,A()(z)X)𝑄𝑧𝑋superscriptΔ𝑧Δ𝛼subscriptsuperscriptd𝑋subscript𝑄0subscript𝑄0superscript𝑧superscript𝑞superscript𝐴𝑧𝑋Q(z,X)=\left(\frac{\Delta(z)}{\Delta(\alpha)}\right)^{{\rm d}^{\circ}_{X}Q_{0}}\cdot Q_{0}(z^{q^{\ell}},A^{(-\ell)}(z)X)

on a Q𝐐¯[z,X]𝑄¯𝐐𝑧𝑋Q\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X], Q(z,V(z))=0𝑄𝑧𝑉𝑧0Q(z,V(z))=0, P(X)=Q(α,X)𝑃𝑋𝑄𝛼𝑋P(X)=Q(\alpha,X) et le degré en X𝑋X de Q𝑄Q est le même que celui des polynômes Q0subscript𝑄0Q_{0}, P0subscript𝑃0P_{0} et P𝑃P, comme requis. ∎

Remarque. La structure des démonstrations des corollaires 4.4 et 4.5 ci-dessus s’apparente à celle de [5, Theorem 1.6.1]. La notion d’idéal absolument premier ici correspond à celle de schéma géométriquement intègre là. Et c’est l’action du groupe de Galois différentiel qui dans [5] assure, au travers de la notion de fibré algébrique, l’uniformité de l’intégrité des fibres, ici remplacée dans la preuve du corollaire 4.5 par l’action de l’endomorphisme σ~~𝜎\tilde{\sigma}.

Corollaire 4.7.

Supposons que le degré de transcendance de 𝐐¯(V(z))¯𝐐𝑉𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(V(z)) sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} soit égal à son degré de transcendance sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z). Autrement-dit, on suppose z𝑧z transcendant sur 𝐐¯(V(z))¯𝐐𝑉𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(V(z)).

Soit α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, n’appartenant pas à l’ensemble singulier de (1.2), alors les relations de dépendance algébrique sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} entre les coefficients de V(α)𝑉𝛼V(\alpha) sont les relations de dépendance algébrique sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} entre les coefficients de V(z)𝑉𝑧V(z).

Démonstration.

Il résulte du corollaire 4.5 et de l’hypothèse de l’énoncé qu’on a 𝔓α=𝔓𝐐¯[X]subscript𝔓𝛼𝔓¯𝐐delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}_{\alpha}={\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X], car 𝔓𝔓{\mathfrak{P}} est engendré par 𝔓𝐐¯[X]𝔓¯𝐐delimited-[]𝑋{\mathfrak{P}}\cap{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[X]. ∎

5. Indépendance linéaire

Dans cette section on reprend les notations des paragraphes précédents avec 𝐤=𝐐¯𝐤¯𝐐{{\mathbf{k}}}={\overline{{{\mathbf{Q}}}}} et K𝐾K sa clôture inversive.

Notre but est d’obtenir des énoncés d’indépendance linéaire sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} des valeurs des composantes d’un vecteur solution de (1.2). Notamment, de démontrer le théorème 1.5, avec en particulier l’enjeu de ne pas exclure l’ensemble singulier du système d’équations fonctionnelles.

Commençons par un lemme reliant indépendance linéaire des fonctions et orbite galoisienne.

Lemme 5.1.

Soit 𝐟(z)𝐤[[z]]𝐟𝑧𝐤delimited-[]delimited-[]𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z)\in{{\mathbf{k}}}[[z]] un vecteur solution de (1.2) et SSSSS𝑆\SS S l’espace des solutions engendré par les colonnes 𝐮1(z),,𝐮N(z)subscript𝐮1𝑧subscript𝐮𝑁𝑧{{\boldsymbol{u}}}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{N}(z) d’une matrice fondamentale de solutions de (1.2), contenant 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z).

La dimension de la sous-représentation du groupe de Galois sur le 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}-espace vectoriel SSSSSSSSsuperscript𝑆SS𝑆\SS S^{\prime}\subset\SS S engendré par l’orbite de 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) est égale à la dimension du K𝐾K-espace vectoriel engendré par les composantes de 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z).

Démonstration.

L’existence d’une extension de Picard-Vessiot R𝑅R engendrée par une matrice fondamentale de solutions U(z)=(𝒖1(z),,𝒖N(z))𝑈𝑧subscript𝒖1𝑧subscript𝒖𝑁𝑧U(z)=({{\boldsymbol{u}}}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{N}(z)) de (1.2) telle que 𝒖1(z)=𝒇(z)subscript𝒖1𝑧𝒇𝑧{{\boldsymbol{u}}}_{1}(z)={{\boldsymbol{f}}}(z), est assurée par la proposition 3.2.

Soit r𝑟r la dimension de l’orbite de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) sous l’action du groupe de Galois et 𝒇(z)=𝒖1(z),𝒖2(z),,𝒖r(z)RNformulae-sequence𝒇𝑧subscriptsuperscript𝒖1𝑧subscriptsuperscript𝒖2𝑧subscriptsuperscript𝒖𝑟𝑧superscript𝑅𝑁{{\boldsymbol{f}}}(z)={{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{1}(z),{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{2}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{r}(z)\in R^{N} une base de SSSSSsuperscript𝑆\SS S^{\prime} composée d’images de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) par des éléments du groupe de Galois. Notons 𝝀1,,𝝀r𝐤Nsubscript𝝀1subscript𝝀𝑟superscript𝐤𝑁\boldsymbol{\lambda}_{1},\dots,\boldsymbol{\lambda}_{r}\in{{\mathbf{k}}}^{N} les vecteurs des coordonnées de 𝒖1(z),,𝒖r(z)subscriptsuperscript𝒖1𝑧subscriptsuperscript𝒖𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{r}(z) respectivement, dans la base 𝒖1(z),,𝒖N(z)subscript𝒖1𝑧subscript𝒖𝑁𝑧{{\boldsymbol{u}}}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}_{N}(z) de SSSSS𝑆\SS S et 𝝁1,,𝝁Nr𝐤Nsubscript𝝁1subscript𝝁𝑁𝑟superscript𝐤𝑁\boldsymbol{\mu}_{1},\dots,\boldsymbol{\mu}_{N-r}\in{{\mathbf{k}}}^{N} un ensemble complet de vecteurs orthogonaux aux 𝝀isubscript𝝀𝑖\boldsymbol{\lambda}_{i}. Alors, un vecteur de K(U)N𝐾superscript𝑈𝑁K(U)^{N} orthogonal à 𝒖1(z),,𝒖r(z)subscriptsuperscript𝒖1𝑧subscriptsuperscript𝒖𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{r}(z) est combinaison linéaire des vecteurs Ut(z)1𝝁isuperscript𝑈𝑡superscript𝑧1subscript𝝁𝑖{}^{t}U(z)^{-1}\boldsymbol{\mu}_{i}, qui sont linéairement indépendants sur K(U)𝐾𝑈K(U). Ainsi la dimension de l’espace vectoriel engendré sur K(U)𝐾𝑈K(U) par 𝒖1(z),,𝒖r(z)subscriptsuperscript𝒖1𝑧subscriptsuperscript𝒖𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{r}(z) est égal à la dimension de SSSSSsuperscript𝑆\SS S^{\prime} sur 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}} et la matrice N×r𝑁𝑟N\times r des composantes des vecteurs 𝒖1(z),,𝒖r(z)subscriptsuperscript𝒖1𝑧subscriptsuperscript𝒖𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{r}(z), notée SSMSS𝑀\SS M dans la suite, est de rang r𝑟r. Quitte à réordonner les coordonnées on peut supposer que le mineur ΔΔ\Delta des r𝑟r premières lignes de SSMSS𝑀\SS M est non nul. Pour 1ir1𝑖𝑟1\leq i\leq r et r+1jN𝑟1𝑗𝑁r+1\leq j\leq N notons Δi,jsubscriptΔ𝑖𝑗\Delta_{i,j} le mineur déduit de ΔΔ\Delta par substitution de la j𝑗j-ième ligne de SSMSS𝑀\SS M en lieu et place de sa i𝑖i-ième ligne.

Un élément y𝑦y du groupe de Galois agit sur SSSSSsuperscript𝑆\SS S^{\prime} et transforme la matrice SSMSS𝑀\SS M par multiplication à droite par une matrice r×r𝑟𝑟r\times r à coefficients dans 𝐤𝐤{{\mathbf{k}}}, notée ysuperscript𝑦y^{\prime}. L’action de y𝑦y multiplie ainsi chaque Δi1,,irsubscriptΔsubscript𝑖1subscript𝑖𝑟\Delta_{i_{1},\dots,i_{r}} par det(y)superscript𝑦\det(y^{\prime}). Il suit que le quotient de deux tels mineurs est invariant par le groupe de Galois et appartient donc à K𝐾K. Une base du K𝐾K-espace vectoriel des vecteurs de KNsuperscript𝐾𝑁K^{N} orthogonaux à 𝒖1(z),,𝒖r(z)subscriptsuperscript𝒖1𝑧subscriptsuperscript𝒖𝑟𝑧{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{1}(z),\dots,{{\boldsymbol{u}}}^{\prime}_{r}(z) est donnée par les lignes de la matrice

(Δ1,r+1/ΔΔr,r+1/Δ10000Δ1,N/ΔΔr,N/Δ001).subscriptΔ1𝑟1ΔsubscriptΔ𝑟𝑟1Δ100missing-subexpression0missing-subexpression0subscriptΔ1𝑁ΔsubscriptΔ𝑟𝑁Δ001\left(\begin{array}[]{ccccccc}\scriptstyle\Delta_{1,r+1}/\Delta&\dots&\scriptstyle\Delta_{r,r+1}/\Delta&\scriptstyle 1&\scriptstyle 0&\dots&\scriptstyle 0\\ \vdots&&\vdots&\scriptstyle 0&\ddots&\ddots&\vdots\\[-2.84526pt] \vdots&&\vdots&\vdots&\ddots&\ddots&\scriptstyle 0\\ \scriptstyle\Delta_{1,N}/\Delta&\dots&\scriptstyle\Delta_{r,N}/\Delta&\scriptstyle 0&\dots&\scriptstyle 0&\scriptstyle 1\\ \end{array}\right)\enspace.

Maintenant, ce K𝐾K-espace vectoriel coïncide avec le K𝐾K-espace vectoriel des relations entre les composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z), qui est donc de dimension Nr𝑁𝑟N-r. Il suit que r𝑟r est égal à la dimension du K𝐾K-espace vectoriel engendré par les composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z). ∎

On peut alors énoncer :

Corollaire 5.2.

On suppose qu’il existe une matrice fondamentale de solutions U(z)𝑈𝑧U(z) de (1.2) dont tous les coefficients sont analytiques dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. Soit 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) un vecteur solution de (1.2) dont les composantes f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) sont dans 𝐐¯(z,U(z))¯𝐐𝑧𝑈𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z,U(z)) et linéairement indépendantes sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z).

Alors, pour α𝐐¯𝐂𝛼¯𝐐𝐂\alpha\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\subset{{\mathbf{C}}}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, qui n’est pas une singularité de (1.2), les nombres f1(α),,fN(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝑁𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{N}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

Démonstration.

D’après la proposition 2.2 il existe 𝝁𝐐¯N𝝁superscript¯𝐐𝑁{{\boldsymbol{\mu}}}\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}^{N} tel que 𝒇(z)=U(z)𝝁𝒇𝑧𝑈𝑧𝝁{{\boldsymbol{f}}}(z)=U(z){{\boldsymbol{\mu}}}. En particulier, les fonctions f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) sont analytiques en l’origine et on en déduit que l’hypothèse d’indépendance linéaire sur 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z) est équivalente à leur indépendance linéaire sur la clôture inversive K𝐾K de 𝐐¯(z)¯𝐐𝑧{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}(z).

Soit 𝝀,𝒇(α)=0𝝀𝒇𝛼0\langle{{\boldsymbol{\lambda}}},{{\boldsymbol{f}}}(\alpha)\rangle=0 une relation avec 𝝀𝐐¯N𝝀superscript¯𝐐𝑁{{\boldsymbol{\lambda}}}\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}^{N} non nul. D’après le corollaire 4.5 elle provient d’une relation 𝝀,𝒇(z)=(zα)R(z,U(z))𝝀𝒇𝑧𝑧𝛼𝑅𝑧𝑈𝑧\langle{{\boldsymbol{\lambda}}},{{\boldsymbol{f}}}(z)\rangle=(z-\alpha)R(z,U(z)) avec R𝐐¯[z,X]𝑅¯𝐐𝑧𝑋R\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z,X], qui entraîne, pour tout yGGl(𝐤N)𝑦𝐺Glsuperscript𝐤𝑁y\in G\subset{\rm Gl}({{\mathbf{k}}}^{N}),

𝝀,U(z)y𝝁=(zα)R(z,U(z)y),𝝀𝑈𝑧𝑦𝝁𝑧𝛼𝑅𝑧𝑈𝑧𝑦\langle{{\boldsymbol{\lambda}}},U(z)y{{\boldsymbol{\mu}}}\rangle=(z-\alpha)R(z,U(z)y)\enspace,

puis 𝝀,U(α)y𝝁=0𝝀𝑈𝛼𝑦𝝁0\langle{{\boldsymbol{\lambda}}},U(\alpha)y{{\boldsymbol{\mu}}}\rangle=0. D’après le lemme 5.1 l’indépendance linéaire sur K𝐾K des composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) implique que l’orbite de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) sous l’action du groupe de Galois G𝐺G est de dimension maximale N𝑁N et donc que les vecteurs y𝝁𝑦𝝁y{{\boldsymbol{\mu}}} engendent 𝐐¯Nsuperscript¯𝐐𝑁{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}^{N} lorsque y𝑦y parcourt G𝐺G. Comme le vecteur 𝝀𝝀{{\boldsymbol{\lambda}}} n’est pas nul, ceci entraîne det(U(α))=0𝑈𝛼0\det(U(\alpha))=0, car sinon les vecteurs U(α)y𝝁𝑈𝛼𝑦𝝁U(\alpha)y{{\boldsymbol{\mu}}}, yG𝑦𝐺y\in G, engendreraient 𝐐¯Nsuperscript¯𝐐𝑁{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}^{N}. Soit 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}} le plus grand entier tel que det(U(αq))=0𝑈superscript𝛼superscript𝑞0\det(U(\alpha^{q^{\ell}}))=0, il suit de (1.2) et det(U(z))=det(A(z))det(U(zq))𝑈𝑧𝐴𝑧𝑈superscript𝑧𝑞\det(U(z))=\det(A(z))\det(U(z^{q})) que det(A(αq))=0𝐴superscript𝛼superscript𝑞0\det(A(\alpha^{q^{\ell}}))=0. Ainsi αqsuperscript𝛼superscript𝑞\alpha^{q^{\ell}} est un pôle de det(A(z)1)𝐴superscript𝑧1\det(A(z)^{-1}) et donc de A(z)1𝐴superscript𝑧1A(z)^{-1}, contrairement à l’hypothèse. ∎

Voici deux exemples montrant que l’hypothèse d’existence d’une matrice fondamentale de solutions analytique dans le corollaire 5.2 ne peut être supprimée et que celle d’indépendance linéaire de toutes les composantes du vecteur solution ne peut être restreinte à une sous-famille de composantes.

Exemples 5.3.

1) Soit q3𝑞3q\geq 3 un entier et α𝛼\alpha un nombre complexe satisfaisant 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1, considérons le système d’équation fonctionnelles pour la transformation zzqmaps-to𝑧superscript𝑧𝑞z\mapsto z^{q}

(Δ(z)1Δ(z)10),matrixΔ𝑧1Δ𝑧10\begin{pmatrix}-\Delta(z)-1&-\Delta(z)\\ 1&0\end{pmatrix}\enspace,

Δ(z)=1z/αq(1zq/α)(1++(z/α)q1)Δ𝑧1𝑧superscript𝛼𝑞1superscript𝑧𝑞𝛼1superscript𝑧𝛼𝑞1\Delta(z)=-\frac{1-z/\alpha^{q}}{(1-z^{q}/\alpha)(1+\dots+(z/\alpha)^{q-1})} est le déterminant du système. On observe que Δ(α)=1qαq1Δ𝛼1𝑞superscript𝛼𝑞1\Delta(\alpha)=\frac{1}{q\alpha^{q-1}} et α𝛼\alpha n’est pas une singularité du système d’équations fonctionnelles.

Une matrice fondamentale de solutions de ce système s’écrit

(5.4) (f(z)u(z)f(zq)u(zq)),matrix𝑓𝑧𝑢𝑧𝑓superscript𝑧𝑞𝑢superscript𝑧𝑞\begin{pmatrix}f(z)&u(z)\\ f(z^{q})&u(z^{q})\end{pmatrix}\enspace,

où les fonctions f(z)𝑓𝑧f(z) et u(z)𝑢𝑧u(z) sont données par les développements

{f(z)=12(1α+1αq)g(z)+1αq+1g(z2),g(z)=i𝐍(1)izqiu(z)=12(1α+1αq)v(z)+1αq+1v(z2),v(z)=i𝐍(1)izqi1.casesformulae-sequence𝑓𝑧121𝛼1superscript𝛼𝑞𝑔𝑧1superscript𝛼𝑞1𝑔superscript𝑧2𝑔𝑧subscript𝑖𝐍superscript1𝑖superscript𝑧superscript𝑞𝑖otherwiseformulae-sequence𝑢𝑧121𝛼1superscript𝛼𝑞𝑣𝑧1superscript𝛼𝑞1𝑣superscript𝑧2𝑣𝑧subscript𝑖𝐍superscript1𝑖superscript𝑧superscript𝑞𝑖1otherwise\begin{cases}f(z)=\frac{1}{2}-\big{(}\frac{1}{\alpha}+\frac{1}{\alpha^{q}}\big{)}g(z)+\frac{1}{\alpha^{q+1}}g(z^{2})\enspace,\quad g(z)=\sum_{i\in{{\mathbf{N}}}}(-1)^{i}z^{q^{i}}\\[5.69054pt] u(z)=\frac{1}{2}-\big{(}\frac{1}{\alpha}+\frac{1}{\alpha^{q}}\big{)}v(z)+\frac{1}{\alpha^{q+1}}v(z^{2})\enspace,\quad v(z)=\sum_{i\in{{\mathbf{N}}}}(-1)^{i}z^{q^{-i-1}}\end{cases}\enspace.

On note que u(z)𝑢𝑧u(z) et v(z)𝑣𝑧v(z) ne sont analytiques en aucun point. Les fonctions g(z)𝑔𝑧g(z) et v(z)𝑣𝑧v(z) satisfont g(z)+g(zq)=v(z)+v(zq)=z𝑔𝑧𝑔superscript𝑧𝑞𝑣𝑧𝑣superscript𝑧𝑞𝑧g(z)+g(z^{q})=v(z)+v(z^{q})=z, d’où

(5.5) f(z)+f(zq)=u(z)+u(zq)=1(1α+1αq)z+1αq+1z2=(1zα)(1zαq)𝑓𝑧𝑓superscript𝑧𝑞𝑢𝑧𝑢superscript𝑧𝑞11𝛼1superscript𝛼𝑞𝑧1superscript𝛼𝑞1superscript𝑧21𝑧𝛼1𝑧superscript𝛼𝑞f(z)+f(z^{q})=u(z)+u(z^{q})=\\ 1-\Big{(}\frac{1}{\alpha}+\frac{1}{\alpha^{q}}\Big{)}z+\frac{1}{\alpha^{q+1}}z^{2}=\left(1-\frac{z}{\alpha}\right)\left(1-\frac{z}{\alpha^{q}}\right)

et aussi que g(z)𝑔𝑧g(z) et g(zq)𝑔superscript𝑧𝑞g(z^{q}) sont algébriquement indépendantes sur K𝐾K. On observera que si h(z)=i𝐍zq2i𝑧subscript𝑖𝐍superscript𝑧superscript𝑞2𝑖h(z)=\sum_{i\in{{\mathbf{N}}}}z^{q^{2i}} alors g(z)=h(z)h(zq)𝑔𝑧𝑧superscript𝑧𝑞g(z)=h(z)-h(z^{q}) et, comme q3𝑞3q\geq 3, on sait que les séries h(z)𝑧h(z), h(z2)superscript𝑧2h(z^{2}), h(zq)superscript𝑧𝑞h(z^{q}) et h(z2q)superscript𝑧2𝑞h(z^{2q}) sont algébriquement indépendantes sur K𝐾K. En particulier, la fonction f(z)𝑓𝑧f(z) est transcendante sur K𝐾K.

On a f(α)+f(αq)=0𝑓𝛼𝑓superscript𝛼𝑞0f(\alpha)+f(\alpha^{q})=0 d’après (5.5), tandis que les fonctions f(z)𝑓𝑧f(z) et f(zq)𝑓superscript𝑧𝑞f(z^{q}) ne sont liées par aucune relation linéaire (homogène) sur K𝐾K (en effet on a f(zq)/f(z)=(1z/α)(1z/αq)f(z)11K𝑓superscript𝑧𝑞𝑓𝑧1𝑧𝛼1𝑧superscript𝛼𝑞𝑓superscript𝑧11𝐾f(z^{q})/f(z)=(1-z/\alpha)(1-z/\alpha^{q})f(z)^{-1}-1\notin K). Ceci est toutefois compatible avec le corollaire 5.2 car la matrice fondamentale de solutions (5.4) a des coefficients qui ne sont pas analytiques en α𝛼\alpha. Mais, conformément au corollaire 4.5 il existe bien une relation algébrique (inhomogène) de degré 111 liant les fonctions f(z)𝑓𝑧f(z) et f(zq)𝑓superscript𝑧𝑞f(z^{q}) sur K𝐾K, à savoir (5.5), qui se spécialise en la relation f(α)+f(αq)=0𝑓𝛼𝑓superscript𝛼𝑞0f(\alpha)+f(\alpha^{q})=0.

2) Considérons le système d’équations fonctionnelles de matrice

(5.6) (1000z+z2+z3+z61(z3+z6)2010),matrix1000𝑧superscript𝑧2superscript𝑧3superscript𝑧61superscriptsuperscript𝑧3superscript𝑧62010\begin{pmatrix}1&0&0\\ 0&z+z^{2}+z^{3}+z^{6}&1-(z^{3}+z^{6})^{2}\\ 0&1&0\end{pmatrix}\enspace,

pour la transformation zz3maps-to𝑧superscript𝑧3z\mapsto z^{3}. Une matrice fondamentale de solutions s’écrit

(100011zf(z)011z3f(z3))matrix100011𝑧𝑓𝑧011superscript𝑧3𝑓superscript𝑧3\begin{pmatrix}1&0&0\\ 0&\frac{1}{1-z}&f(z)\\ 0&\frac{1}{1-z^{3}}&f(z^{3})\end{pmatrix}

avec f(z)𝑓𝑧f(z) transcendante sur K𝐾K. En désignant par SSNSS𝑁\SS N l’ensemble des entiers positifs dont le nombre de chiffres non nuls dans l’écriture en base 333 est pair, on vérifie que f(z)=1+iSSNzi𝑓𝑧1subscript𝑖SS𝑁superscript𝑧𝑖f(z)=1+\sum_{i\in\SS N}z^{i}, qui converge dans le disque unité sans bord, convient.

Le groupe de Galois est 𝐆asubscript𝐆𝑎{{\mathbf{G}}}_{a}, sa représentation sur l’espace des solutions est donnée par λ(102λ01λ001)maps-to𝜆102𝜆01𝜆001\lambda\mapsto\left(\begin{smallmatrix}\scriptstyle 1&\scriptstyle 0&\scriptstyle 2\lambda\\[1.0pt] \scriptstyle 0&\scriptstyle 1&\scriptstyle\lambda\\[1.0pt] \scriptstyle 0&\scriptstyle 0&\scriptstyle 1\end{smallmatrix}\right), car les composantes du vecteur (1f(z)f(z3))1𝑓𝑧𝑓superscript𝑧3\left(\begin{smallmatrix}\scriptstyle 1\\[1.0pt] \scriptstyle f(z)\\[1.0pt] \scriptstyle f(z^{3})\end{smallmatrix}\right) sont liées sur K𝐾K par la relation (z2+z1)f(z3)+f(z)z+z21z3=0superscript𝑧2𝑧1𝑓superscript𝑧3𝑓𝑧𝑧superscript𝑧21superscript𝑧30(z^{2}+z-1)f(z^{3})+f(z)-\frac{z+z^{2}}{1-z^{3}}=0. On en déduit en particulier l’évaluation f((51)/2)=1/(35)𝑓512135f((\sqrt{5}-1)/2)=1/(3-\sqrt{5}), tandis que les fonctions 111 et f(z)𝑓𝑧f(z) sont linéairement indépendantes sur K𝐾K. Enfin, (51)/2512(\sqrt{5}-1)/2 n’est pas racine du déterminant (z6+z3)21superscriptsuperscript𝑧6superscript𝑧321(z^{6}+z^{3})^{2}-1 de la matrice (5.6) et n’est donc pas singularité du système correspondant.

Nous pouvons également déduire directement du corollaire 4.5 le théorème 1.4. Le corollaire suivant servira à nouveau pour démontrer le théorème 1.5 aux arguments singuliers.

Corollaire 5.7.

Soit 𝐤0𝐂subscript𝐤0𝐂{{\mathbf{k}}}_{0}\subset{{\mathbf{C}}} un corps de nombres, α𝐤0𝛼subscript𝐤0\alpha\in{{\mathbf{k}}}_{0}, 0<|α|<ρ0𝛼𝜌0<|\alpha|<\rho, et 1N1𝑁1\leq\ell\leq N. Supposons que la matrice A(z)𝐴𝑧A(z) du système (1.2) soit à coefficients dans 𝐤0(z)subscript𝐤0𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}(z) et le vecteur 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) à composantes f1(z),,fN(z)subscript𝑓1𝑧subscript𝑓𝑁𝑧f_{1}(z),\dots,f_{N}(z) dans 𝐤0[[z]]subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]]. Si α𝛼\alpha n’appartient pas à l’ensemble singulier de (1.2) et si les nombres f1(α),,f(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{\ell}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}, alors ils sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

Démonstration.

Raisonnons par l’absurde, soit une relation i=1λifi(α)=0superscriptsubscript𝑖1subscript𝜆𝑖subscript𝑓𝑖𝛼0\sum_{i=1}^{\ell}\lambda_{i}f_{i}(\alpha)=0 avec λi𝐐¯subscript𝜆𝑖¯𝐐\lambda_{i}\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} non tous nuls. D’après le corollaire 4.5, α𝛼\alpha n’appartenant pas à l’ensemble singulier de (1.2), il existe une relation c0(z)+i=1Nci(z)fi(z)=0subscript𝑐0𝑧superscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑐𝑖𝑧subscript𝑓𝑖𝑧0c_{0}(z)+\sum_{i=1}^{N}c_{i}(z)f_{i}(z)=0 avec ci(z)𝐐¯[z]subscript𝑐𝑖𝑧¯𝐐delimited-[]𝑧c_{i}(z)\in{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}[z] satisfaisant ci(α)=λisubscript𝑐𝑖𝛼subscript𝜆𝑖c_{i}(\alpha)=\lambda_{i} pour i=1,,𝑖1i=1,\dots,\ell et c0(α)=0subscript𝑐0𝛼0c_{0}(\alpha)=0, ci(α)=0subscript𝑐𝑖𝛼0c_{i}(\alpha)=0, i=+1,,N𝑖1𝑁i=\ell+1,\dots,N. Soit ξ1,,ξssubscript𝜉1subscript𝜉𝑠\xi_{1},\dots,\xi_{s} une base du 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}-espace vectoriel engendré dans 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}} par les coefficients des polynômes ci(z)subscript𝑐𝑖𝑧c_{i}(z). On peut donc écrire ci(z)=j=1sci,j(z)ξjsubscript𝑐𝑖𝑧superscriptsubscript𝑗1𝑠subscript𝑐𝑖𝑗𝑧subscript𝜉𝑗c_{i}(z)=\sum_{j=1}^{s}c_{i,j}(z)\xi_{j} avec ci,j(z)𝐤0[z]subscript𝑐𝑖𝑗𝑧subscript𝐤0delimited-[]𝑧c_{i,j}(z)\in{{\mathbf{k}}}_{0}[z], puis

j=1s(c0,j(z)+i=1Nci,j(z)fi(z))ξj=0.superscriptsubscript𝑗1𝑠subscript𝑐0𝑗𝑧superscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑐𝑖𝑗𝑧subscript𝑓𝑖𝑧subscript𝜉𝑗0\sum_{j=1}^{s}\Big{(}c_{0,j}(z)+\sum_{i=1}^{N}c_{i,j}(z)f_{i}(z)\Big{)}\xi_{j}=0\enspace.

Et comme les séries fi(z)subscript𝑓𝑖𝑧f_{i}(z) sont à coefficients dans 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}, cela entraîne

(5.8) c0,j(z)+i=1Nci,j(z)fi(z)=0.subscript𝑐0𝑗𝑧superscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑐𝑖𝑗𝑧subscript𝑓𝑖𝑧0c_{0,j}(z)+\sum_{i=1}^{N}c_{i,j}(z)f_{i}(z)=0\enspace.

pour j=1,,s𝑗1𝑠j=1,\dots,s, et donc c0,j(α)+i=1Nci,j(α)fi(α)=0subscript𝑐0𝑗𝛼superscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑐𝑖𝑗𝛼subscript𝑓𝑖𝛼0c_{0,j}(\alpha)+\sum_{i=1}^{N}c_{i,j}(\alpha)f_{i}(\alpha)=0, j=1,,s𝑗1𝑠j=1,\dots,s. Comme α𝐤0𝛼subscript𝐤0\alpha\in{{\mathbf{k}}}_{0}, ci,j(α)𝐤0subscript𝑐𝑖𝑗𝛼subscript𝐤0c_{i,j}(\alpha)\in{{\mathbf{k}}}_{0}. On observe que ci(α)=0subscript𝑐𝑖𝛼0c_{i}(\alpha)=0 si et seulement si ci,j(α)=0subscript𝑐𝑖𝑗𝛼0c_{i,j}(\alpha)=0 pour tout j=1,,s𝑗1𝑠j=1,\dots,s. Mais λi=ci(α)=j=1sci,j(α)ξjsubscript𝜆𝑖subscript𝑐𝑖𝛼superscriptsubscript𝑗1𝑠subscript𝑐𝑖𝑗𝛼subscript𝜉𝑗\lambda_{i}=c_{i}(\alpha)=\sum_{j=1}^{s}c_{i,j}(\alpha)\xi_{j} pour i=1,,𝑖1i=1,\dots,\ell ne sont pas tous nuls. Ainsi, pour au moins un j{1,,s}𝑗1𝑠j\in\{1,\dots,s\} on obtient une relation non triviale i=1ci,j(α)fi(α)=0superscriptsubscript𝑖1subscript𝑐𝑖𝑗𝛼subscript𝑓𝑖𝛼0\sum_{i=1}^{\ell}c_{i,j}(\alpha)f_{i}(\alpha)=0 contredisant l’indépendance linéaire sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0} des nombres f1(α),,f(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{\ell}(\alpha). ∎

Lorsque α𝛼\alpha est singulier, nous nous ramenons à un système nettoyé de cette singularité. Comme déjà indiqué dans l’introduction B.Adamczewski et C.Faverjon ont obtenu un énoncé jouant le même rôle que le lemme 5.9 ci-dessous. Les approches adoptées pour établir ces résultats diffèrent toutefois sensiblement. Adamczewski et Faverjon utilisent une méthode de dédoublement itérée qui augmente la taille du système d’équations fonctionnelles mais a l’avantage de conserver les fonctions originales inaltérées, tandis que nous construisons ici un système de même taille que le système original, par un procédé de repoussage de l’ensemble singulier du système d’équations fonctionnelles qui modifie le vecteur solution considéré. De plus, notre approche ne fonctionne que moyennant une hypothèse d’indépendance linéaire des valeurs des fonctions, alors que celle de Adamczewski et Faverjon évite cet écueil.

On suppose dorénavant que la matrice du système (1.2) est à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z] pour un certain corps de nombres 𝐤0𝐂subscript𝐤0𝐂{{\mathbf{k}}}_{0}\subset{{\mathbf{C}}}. De sorte que l’ensemble singulier du système (1.2) se réduit aux zéros du déterminant de A(z)𝐴𝑧A(z) et à leurs racines qsuperscript𝑞q^{\ell}-ième, 𝐍𝐍\ell\in{{\mathbf{N}}}. De plus, les coefficients de A(z)𝐴𝑧A(z) n’ayant pas de pôle il en est de même des composantes dans 𝐤0[[z]]subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]] du vecteur solution 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) de (1.2), dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}.

Lemme 5.9.

Soit 𝐤0𝐂subscript𝐤0𝐂{{\mathbf{k}}}_{0}\subset{{\mathbf{C}}} un corps de nombres, α𝐤0𝛼subscript𝐤0\alpha\in{{\mathbf{k}}}_{0}, 0<|α|<10𝛼10<|\alpha|<1. Supposons que la matrice A(z)𝐴𝑧A(z) du système (1.2) soit à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z] et soit 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) un vecteur solution de (1.2) à composantes dans 𝐤0[[z]]subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]]. On suppose que les nombres f1(α),,f(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{\ell}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0} pour un certain {1,,N}1𝑁\ell\in\{1,\dots,N\}.

Il existe alors une matrice A~(z)~𝐴𝑧\tilde{A}(z) à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z] et un vecteur solution 𝐟~(z)~𝐟𝑧\tilde{{{\boldsymbol{f}}}}(z), à composantes dans 𝐤0[[z]]subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]], du système d’équations fonctionnelles correspondant tels que det(A~(αqh))0~𝐴superscript𝛼superscript𝑞0\det(\tilde{A}(\alpha^{q^{h}}))\not=0 pour tout h𝐍𝐍h\in{{\mathbf{N}}} et pour i=1,,𝑖1i=1,\dots,\ell:

𝐤0f1(α)++𝐤0fi(α)=𝐤0f~1(α)++𝐤0f~i(α).subscript𝐤0subscript𝑓1𝛼subscript𝐤0subscript𝑓𝑖𝛼subscript𝐤0subscript~𝑓1𝛼subscript𝐤0subscript~𝑓𝑖𝛼{{\mathbf{k}}}_{0}f_{1}(\alpha)+\dots+{{\mathbf{k}}}_{0}f_{i}(\alpha)={{\mathbf{k}}}_{0}\tilde{f}_{1}(\alpha)+\dots+{{\mathbf{k}}}_{0}\tilde{f}_{i}(\alpha)\enspace.
Démonstration.

Soit β𝐤0𝛽subscript𝐤0\beta\in{{\mathbf{k}}}_{0} appartenant à l’ensemble singulier de (1.2), c’est-à-dire tel que ordβdet(A(z))>0subscriptord𝛽𝐴𝑧0{\rm ord}_{\beta}\det(A(z))>0. Nous allons construire un nouveau système dont le déterminant de la matrice sera égal à det(A(z))zqβzβ𝐴𝑧superscript𝑧𝑞𝛽𝑧𝛽\det(A(z))\frac{z^{q}-\beta}{z-\beta}. Comme det(A(β))=0𝐴𝛽0\det(A(\beta))=0, il existe au moins une relation non triviale entre les lignes de cette matrice. Soit j𝑗j le plus petit entier dans {1,,N}1𝑁\{1,\dots,N\} tel que les j𝑗j premières lignes de A(β)𝐴𝛽A(\beta) soient liées et notons λ1,,λj𝐤0subscript𝜆1subscript𝜆𝑗subscript𝐤0\lambda_{1},\dots,\lambda_{j}\in{{\mathbf{k}}}_{0}, λj=1subscript𝜆𝑗1\lambda_{j}=1, les coefficients d’une relation entre ces lignes: k=1jλkak,h(β)=0superscriptsubscript𝑘1𝑗subscript𝜆𝑘subscript𝑎𝑘𝛽0\sum_{k=1}^{j}\lambda_{k}a_{k,h}(\beta)=0, pour tout h=1,,N1𝑁h=1,\dots,N. On pose S(z)𝑆𝑧S(z) la matrice dont toutes les lignes coïncident avec la matrice identité N×N𝑁𝑁N\times N, sauf la j𝑗j-ième qui s’écrit

(λ1zβ,,λjzβ,0,,0).subscript𝜆1𝑧𝛽subscript𝜆𝑗𝑧𝛽.0.0\Big{(}\frac{\lambda_{1}}{z-\beta},\dots,\frac{\lambda_{j}}{z-\beta},0,\dots,0\Big{)}\enspace.

Cette matrice S(z)𝑆𝑧S(z) est triangulaire inférieure de déterminant 1zβ1𝑧𝛽\frac{1}{z-\beta}. On vérifie que le produit S(z)A(z)S(zq)1𝑆𝑧𝐴𝑧𝑆superscriptsuperscript𝑧𝑞1S(z)A(z)S(z^{q})^{-1} est à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z], car zβ𝑧𝛽z-\beta divise tous les polynômes k=1jλkak,h(z)superscriptsubscript𝑘1𝑗subscript𝜆𝑘subscript𝑎𝑘𝑧\sum_{k=1}^{j}\lambda_{k}a_{k,h}(z), h=1,,N1𝑁h=1,\dots,N. Son déterminant est égal à det(A(z))zqβzβ𝐴𝑧superscript𝑧𝑞𝛽𝑧𝛽\det(A(z))\frac{z^{q}-\beta}{z-\beta}. De plus, S(z)𝒇(z)𝑆𝑧𝒇𝑧S(z){{\boldsymbol{f}}}(z) est solution du système d’équations fonctionnelles associé à S(z)A(z)S(zq)1𝑆𝑧𝐴𝑧𝑆superscriptsuperscript𝑧𝑞1S(z)A(z)S(z^{q})^{-1} et a les mêmes composantes que 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) sauf la j𝑗j-ième qui s’écrit k=1jλkfk(z)/(zβ)𝐤0[[z]]superscriptsubscript𝑘1𝑗subscript𝜆𝑘subscript𝑓𝑘𝑧𝑧𝛽subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧\sum_{k=1}^{j}\lambda_{k}f_{k}(z)/(z-\beta)\in{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]]. Si βα𝛽𝛼\beta\not=\alpha ou j>𝑗j>\ell le bloc des coefficients d’indices absent\leq\ell de S(β)𝑆𝛽S(\beta) et une matrice ×\ell\times\ell triangulaire inférieure inversible à coefficients dans 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}, ce qui assure que pour tout i=1,,𝑖1i=1,\dots,\ell les 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}-espaces vectoriels engendrés par les i𝑖i premières composantes de S(α)𝒇(α)𝑆𝛼𝒇𝛼S(\alpha){{\boldsymbol{f}}}(\alpha) d’une part et de 𝒇(α)𝒇𝛼{{\boldsymbol{f}}}(\alpha) d’autre part, coïncident.

Soit maintenant α𝐤0𝛼subscript𝐤0\alpha\in{{\mathbf{k}}}_{0} comme dans l’énoncé et m𝐍𝑚𝐍m\in{{\mathbf{N}}} le plus grand entier tel que αqmsuperscript𝛼superscript𝑞𝑚\alpha^{q^{m}} soit racine de det(A(z))𝐴𝑧\det(A(z)) (si m𝑚m n’existe pas l’énoncé est clair avec A~(z)=A(z)~𝐴𝑧𝐴𝑧\tilde{A}(z)=A(z) et 𝒇~(z)=𝒇(z)~𝒇𝑧𝒇𝑧\tilde{{{\boldsymbol{f}}}}(z)={{\boldsymbol{f}}}(z)). Définissons une suite d’entiers n0,,nmsubscript𝑛0subscript𝑛𝑚n_{0},\dots,n_{m} de la façon suivante: nm=ordαqmdet(A(z))subscript𝑛𝑚subscriptordsuperscript𝛼superscript𝑞𝑚𝐴𝑧n_{m}={\rm ord}_{\alpha^{q^{m}}}\det(A(z)), puis ni=ni+1+ordαqidet(A(z))subscript𝑛𝑖subscript𝑛𝑖1subscriptordsuperscript𝛼superscript𝑞𝑖𝐴𝑧n_{i}=n_{i+1}+{\rm ord}_{\alpha^{q^{i}}}\det(A(z)), pour i=m1,,0𝑖𝑚1.0i=m-1,\dots,0. Appliquant la construction précédente nmsubscript𝑛𝑚n_{m} fois avec β=αqm𝛽superscript𝛼superscript𝑞𝑚\beta=\alpha^{q^{m}}, puis nm1subscript𝑛𝑚1n_{m-1} fois avec β=αqnm1𝛽superscript𝛼superscript𝑞subscript𝑛𝑚1\beta=\alpha^{q^{n_{m-1}}} fois et ainsi de suite jusqu’à n0subscript𝑛0n_{0} fois avec β=α𝛽𝛼\beta=\alpha, on obtient une matrice S~(z)~𝑆𝑧\tilde{S}(z) triangulaire inférieure (produit de toutes les matrices introduites successivement au cours de la procédure) telle que la matrice A~(z)=S~(z)A(z)S~(z)1~𝐴𝑧~𝑆𝑧𝐴𝑧~𝑆superscript𝑧1\tilde{A}(z)=\tilde{S}(z)A(z)\tilde{S}(z)^{-1} soit à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z], de déterminant ne s’annulant pas en αqhsuperscript𝛼superscript𝑞\alpha^{q^{h}}, h𝐍𝐍h\in{{\mathbf{N}}}, et un vecteur solution 𝒇~(z)=S~(z)𝒇(z)𝐤0[[z]]~𝒇𝑧~𝑆𝑧𝒇𝑧subscript𝐤0delimited-[]delimited-[]𝑧\tilde{{{\boldsymbol{f}}}}(z)=\tilde{S}(z){{\boldsymbol{f}}}(z)\in{{\mathbf{k}}}_{0}[[z]]. On observe qu’à chaque pas le nombre de zéros du déterminant (comptés avec multiplicité) dans {αqh,h𝐍}superscript𝛼superscript𝑞𝐍\{\alpha^{q^{h}},h\in{{\mathbf{N}}}\} est fini et n’augmente pas, tandis que le nombre de zéros dans ce même ensemble, de valeur absolue minimale, diminue strictement. On remarque aussi que lorsqu’on applique la construction expliquée ci-dessus avec β=α𝛽𝛼\beta=\alpha, l’hypothèse d’indépendance linéaire sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0} des valeurs en α𝛼\alpha des \ell première composantes du vecteur solution assure que les \ell premières lignes de la matrice du système sont indépendantes et donc j>𝑗j>\ell. Ceci entraîne que, pour i=1,,𝑖1i=1,\dots,\ell, les 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}-espaces vectoriels engendrés par les i𝑖i premières composantes de 𝒇~(α)=S~(α)𝒇(α)~𝒇𝛼~𝑆𝛼𝒇𝛼\tilde{{{\boldsymbol{f}}}}(\alpha)=\tilde{S}(\alpha){{\boldsymbol{f}}}(\alpha) d’une part et de 𝒇(α)𝒇𝛼{{\boldsymbol{f}}}(\alpha) d’autre part, coïncident. ∎

L’énoncé suivant établit le théorème 1.5 de l’introduction dans toute sa généralité, en combinant la réduction du lemme 5.9 et le corollaire 5.7.

Corollaire 5.10.

Sous les hypothèses du théorème 1.5 la matrice A(z)𝐴𝑧A(z) est à coefficients dans 𝐤0[z]subscript𝐤0delimited-[]𝑧{{\mathbf{k}}}_{0}[z]. Alors, si les nombres f1(α),,f(α)subscript𝑓1𝛼subscript𝑓𝛼f_{1}(\alpha),\dots,f_{\ell}(\alpha) sont linéairement indépendants sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}, ils sont linéairement indépendants sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}.

Démonstration.

Les hypothèses du théorème 1.5 valident celles des corollaire 5.7 et lemme 5.9. Le lemme 5.9 fournit un système d’équations fonctionnelles dont α𝛼\alpha n’est pas singularité et un vecteur solution 𝒇~(z)~𝒇𝑧\tilde{{{\boldsymbol{f}}}}(z) dont les valeurs en α𝛼\alpha des \ell premières composantes sont linéairement indépendantes sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}, car

(5.11) 𝐤0f~1(α)++𝐤0f~(α)=𝐤0f1(α)++𝐤0f(α)subscript𝐤0subscript~𝑓1𝛼subscript𝐤0subscript~𝑓𝛼subscript𝐤0subscript𝑓1𝛼subscript𝐤0subscript𝑓𝛼{{\mathbf{k}}}_{0}\tilde{f}_{1}(\alpha)+\dots+{{\mathbf{k}}}_{0}\tilde{f}_{\ell}(\alpha)={{\mathbf{k}}}_{0}f_{1}(\alpha)+\dots+{{\mathbf{k}}}_{0}f_{\ell}(\alpha)

ont même dimension \ell sur 𝐤0subscript𝐤0{{\mathbf{k}}}_{0}. En particulier, le vecteur 𝒇~(α)~𝒇𝛼\tilde{{{\boldsymbol{f}}}}(\alpha) satisfait les hypothèses du corollaire 5.7 et on en conclut que 𝐐¯f~1(α)++𝐐¯f~(α)¯𝐐subscript~𝑓1𝛼¯𝐐subscript~𝑓𝛼{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\tilde{f}_{1}(\alpha)+\dots+{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\tilde{f}_{\ell}(\alpha) a dimension \ell sur 𝐐¯¯𝐐{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}, d’où le résultat car il suit de (5.11)

𝐐¯f~1(α)++𝐐¯f~(α)=𝐐¯f1(α)++𝐐¯f(α).¯𝐐subscript~𝑓1𝛼¯𝐐subscript~𝑓𝛼¯𝐐subscript𝑓1𝛼¯𝐐subscript𝑓𝛼{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\tilde{f}_{1}(\alpha)+\dots+{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}\tilde{f}_{\ell}(\alpha)={\overline{{{\mathbf{Q}}}}}f_{1}(\alpha)+\dots+{\overline{{{\mathbf{Q}}}}}f_{\ell}(\alpha)\enspace.

6. Convergence

Nous montrons qu’il existe une matrice fondamentale de solutions de (1.2) à coefficients séries en z𝑧z si et seulement si A(0)=Id𝐴0IdA(0)={\rm Id}. Et que dans ce cas, toute matrice de solutions est méromorphe dans le disque unité et l’une d’entre elles satisfait U(0)=Id𝑈0IdU(0)={\rm Id}.

Commençons par un lemme sur les solutions de (1.2) à composantes séries formelles de Laurent, i.e. dans 𝐂((z))𝐂𝑧{{\mathbf{C}}}((z)). Soit S𝑆S l’ensemble des pôles des coefficients de A(z)𝐴𝑧A(z) distincts de 00, comptés avec multiplicité, et m(q1)𝑚𝑞1m(q-1) le plus petit multiple de q1𝑞1q-1 majorant les multiplicités des pôles des coefficients de A(z)𝐴𝑧A(z) en 00, on pose ΔA(z)=zm(q1)ξS(1ξ1z)subscriptΔ𝐴𝑧superscript𝑧𝑚𝑞1subscriptproduct𝜉𝑆1superscript𝜉1𝑧\Delta_{A}(z)=z^{m(q-1)}\prod_{\xi\in S}(1-\xi^{-1}z).

Lemme 6.1.

Soit 𝐟(z)𝐂((z))N𝐟𝑧𝐂superscript𝑧𝑁{{\boldsymbol{f}}}(z)\in{{\mathbf{C}}}((z))^{N} satisfaisant (1.2), alors les composantes de 𝐟(z)𝐟𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) définissent des fonctions méromorphes dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}, ayant pour dénominateur commun dans ce disque privé de l’origine la fonction analytique définie par le produit ξS,𝐍(1ξ1zq)subscriptproductformulae-sequence𝜉𝑆𝐍1superscript𝜉1superscript𝑧superscript𝑞\prod_{\xi\in S,\ell\in{{\mathbf{N}}}}(1-\xi^{-1}z^{q^{\ell}}).

Démonstration.

Montrons d’abord le résultat lorsque A(z)𝐴𝑧A(z) est à coefficients dans 𝐂[z]𝐂delimited-[]𝑧{{\mathbf{C}}}[z]. Écrivons 𝒇(z)=hn𝒄hzh𝒇𝑧subscript𝑛subscript𝒄superscript𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z)=\sum_{h\geq-n}{{\boldsymbol{c}}}_{h}z^{h} avec 𝒄h𝐂Nsubscript𝒄superscript𝐂𝑁{{\boldsymbol{c}}}_{h}\in{{\mathbf{C}}}^{N}, n𝐍𝑛𝐍n\in{{\mathbf{N}}}, et A(z)=j=0dAjzj𝐴𝑧superscriptsubscript𝑗0𝑑subscript𝐴𝑗superscript𝑧𝑗A(z)=\sum_{j=0}^{d}A_{j}z^{j} avec Ajsubscript𝐴𝑗A_{j} matrice N×N𝑁𝑁N\times N à coefficients dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. Notons Mhsubscript𝑀M_{h} le maximum des normes L1superscript𝐿1L^{1} des vecteurs 𝒄n,,𝒄hsubscript𝒄𝑛subscript𝒄{{\boldsymbol{c}}}_{-n},\dots,{{\boldsymbol{c}}}_{h}. On déduit du système (1.2) les équations

𝒄h=jh(q)0jmin(h+n,d)Aj𝒄(hj)/q.subscript𝒄subscriptsuperscript𝑗𝑞0𝑗𝑛𝑑subscript𝐴𝑗subscript𝒄𝑗𝑞{{\boldsymbol{c}}}_{h}=\sum_{\stackrel{{\scriptstyle 0\leq j\leq\min(h+n,d)}}{{\scriptscriptstyle j\equiv h(q)}}}A_{j}{{\boldsymbol{c}}}_{(h-j)/q}\enspace.

De sorte que MhAM[h/q]subscript𝑀norm𝐴subscript𝑀delimited-[]𝑞M_{h}\leq\|A\|M_{[h/q]}Anorm𝐴\|A\| désigne la somme des normes L1superscript𝐿1L^{1} des lignes des matrices A0,,Adsubscript𝐴0subscript𝐴𝑑A_{0},\dots,A_{d}. Ainsi a-t-on

MhA[log(h)/log(q)]Mq1hlogA/log(q)Mq1subscript𝑀superscriptnorm𝐴delimited-[]𝑞subscript𝑀𝑞1superscriptnorm𝐴𝑞subscript𝑀𝑞1M_{h}\leq\|A\|^{[\log(h)/\log(q)]}M_{q-1}\leq h^{\log\|A\|/\log(q)}M_{q-1}

pour tout hq𝑞h\geq q, ce qui entraîne que les séries composantes de 𝒇(z)𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z) convergent dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} (éventuellement privé de l’origine si n>0𝑛0n>0).

Dans le cas général, on applique ce qui précède aux deux systèmes d’équations fonctionnelles associés aux matrices ΔA(z)subscriptΔ𝐴𝑧\Delta_{A}(z) et ΔA(z)A(z)subscriptΔ𝐴𝑧𝐴𝑧\Delta_{A}(z)A(z) à coefficients dans 𝐂[z]𝐂delimited-[]𝑧{{\mathbf{C}}}[z]. Une solution du premier système est donnée par le produit δ(z)=zmξS,𝐍(1ξ1zq)𝛿𝑧superscript𝑧𝑚subscriptproductformulae-sequence𝜉𝑆𝐍1superscript𝜉1superscript𝑧superscript𝑞\delta(z)=z^{-m}\prod_{\xi\in S,\ell\in{{\mathbf{N}}}}(1-\xi^{-1}z^{q^{\ell}}) qui se développe en un élément de 𝐂((z))𝐂𝑧{{\mathbf{C}}}((z)). La seconde équation a pour solution δ(z)𝒇(z)𝛿𝑧𝒇𝑧\delta(z){{\boldsymbol{f}}}(z) qui est également à coefficients dans 𝐂((z))𝐂𝑧{{\mathbf{C}}}((z)). Par la première partie de la preuve, toutes ces séries convergent dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} privé de l’origine. En l’origine elles définissent des fonctions méromorphes et on conclut donc que le quotient 𝒇(z)=δ(z)𝒇(z)/δ(z)𝒇𝑧𝛿𝑧𝒇𝑧𝛿𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z)=\delta(z){{\boldsymbol{f}}}(z)/\delta(z) est un vecteur à composantes méromorphes dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. De plus, 𝒇(z)ξS,𝐍(1ξ1zq)=zmδ(z)𝒇(z)𝒇𝑧subscriptproductformulae-sequence𝜉𝑆𝐍1superscript𝜉1superscript𝑧superscript𝑞superscript𝑧𝑚𝛿𝑧𝒇𝑧{{\boldsymbol{f}}}(z)\prod_{\xi\in S,\ell\in{{\mathbf{N}}}}(1-\xi^{-1}z^{q^{\ell}})=z^{m}\delta(z){{\boldsymbol{f}}}(z) est analytique dans le disque unité sans bord privé de l’origine. ∎

Proposition 6.2.

Soit SSOSS𝑂\SS O un sous-anneau de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} et A(z)𝐴𝑧A(z) une matrice à coefficients dans 𝐂(z)𝐂𝑧{{\mathbf{C}}}(z) satisfaisant A(0)=Id𝐴0IdA(0)={\rm Id}, telle que ΔA(z)SSO[z]subscriptΔ𝐴𝑧SS𝑂delimited-[]𝑧\Delta_{A}(z)\in\SS O[z] et ΔA(z)A(z)subscriptΔ𝐴𝑧𝐴𝑧\Delta_{A}(z)A(z) soit à coefficients dans SSO[z]SS𝑂delimited-[]𝑧\SS O[z]. Alors le produit infini

A(z)A(zq)A(zq)𝐴𝑧𝐴superscript𝑧𝑞𝐴superscript𝑧superscript𝑞italic-…A(z)A(z^{q})\dots A(z^{q^{\ell}})\dots

converge z𝑧z-adiquement vers une matrice U(z)𝑈𝑧U(z) à coefficients dans SSO[[z]]SS𝑂delimited-[]delimited-[]𝑧\SS O[[z]], méromorphes dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}. De plus, U(z)𝑈𝑧U(z) satisfait U(0)=Id𝑈0IdU(0)={\rm Id} et le système d’équations fonctionnelles (1.2).

Un dénominateur commun des coefficients de U(z)𝑈𝑧U(z) est la fonction, analytique dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}, ξS,𝐍(1ξ1zq)subscriptproductformulae-sequence𝜉𝑆𝐍1superscript𝜉1superscript𝑧superscript𝑞\prod_{\xi\in S,\ell\in{{\mathbf{N}}}}(1-\xi^{-1}z^{q^{\ell}}).

Nota Bene. La convergence z𝑧z-adique du produit infini est à comprendre après développement des coefficients de la matrice A(z)𝐴𝑧A(z) en séries de SSO[[z]]SS𝑂delimited-[]delimited-[]𝑧\SS O[[z]], lorsque ceux-ci ne sont pas des polynômes.

Démonstration.

Appelons A()(z)superscript𝐴𝑧A^{(\ell)}(z) la matrice obtenue en tronquant le produit infini à l’exposant q1superscript𝑞1q^{\ell-1}. Comme A(0)=Id𝐴0IdA(0)={\rm Id}, on vérifie que les coefficients dans SSO[[z]]SS𝑂delimited-[]delimited-[]𝑧\SS O[[z]] des matrices A()(z)superscript𝐴superscript𝑧A^{(\ell^{\prime})}(z) pour superscript\ell^{\prime}\geq\ell coïncident modulo zqsuperscript𝑧superscript𝑞z^{q^{\ell}}, ce qui montre que le produit converge bien z𝑧z-adiquement vers une matrice à coefficients dans SSO[[z]]SS𝑂delimited-[]delimited-[]𝑧\SS O[[z]].

La méromorphie des coefficients de U(z)𝑈𝑧U(z) dans le disque unité sans bord de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} suit alors du lemme 6.1. Et, de par sa définition, il est clair que la matrice U(z)𝑈𝑧U(z) satisfait U(0)=Id𝑈0IdU(0)={\rm Id} et le système d’équations fonctionnelles U(z)=A(z)U(zq)𝑈𝑧𝐴𝑧𝑈superscript𝑧𝑞U(z)=A(z)U(z^{q}). ∎

Corollaire 6.3.

Supposons que 00 n’est pas pôle du déterminant de A(z)𝐴𝑧A(z) et soit SSOSS𝑂\SS O le sous-anneau de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} engendré par les coefficients des coefficients de ΔA(z)subscriptΔ𝐴𝑧\Delta_{A}(z) et ΔA(z)A(z)subscriptΔ𝐴𝑧𝐴𝑧\Delta_{A}(z)A(z).

Il existe une matrice fondamentale de solutions U(z)𝑈𝑧U(z) de (1.2) dont les coefficients sont analytiques dans un voisinage de l’origine de 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} si et seulement si A(0)=Id𝐴0IdA(0)={\rm Id}.

De plus, dans ce cas les coefficients de U(z)𝑈𝑧U(z) sont méromorphes dans le disque unité sans bord. La matrice U(z)𝑈𝑧U(z) est unique à multiplication à droite par une matrice à coefficients dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}} près, qui peut être choisie de sorte que U(0)=Id𝑈0IdU(0)={\rm Id} et U(z)𝑈𝑧U(z) soit à coefficients dans SSO[[z]]SS𝑂delimited-[]delimited-[]𝑧\SS O[[z]]. Un dénominateur commun dans SSO[[z]]SS𝑂delimited-[]delimited-[]𝑧\SS O[[z]] des coefficients de U(z)𝑈𝑧U(z) est ξS,𝐍(1ξ1zq)subscriptproductformulae-sequence𝜉𝑆𝐍1superscript𝜉1superscript𝑧superscript𝑞\prod_{\xi\in S,\ell\in{{\mathbf{N}}}}(1-\xi^{-1}z^{q^{\ell}}).

Démonstration.

Dans une direction, si A(0)=Id𝐴0IdA(0)={\rm Id} l’énoncé suit de la proposition 6.2, car la proposition 2.2 montre que les matrices fondamentales de solutions se déduisent l’une de l’autre par multiplication à droite par une matrice inversible à coefficients dans 𝐂𝐂{{\mathbf{C}}}.

Dans l’autre direction, l’équation (1.2) entraîne

(6.4) det(U(z))=det(A(z))det(U(zq))𝑈𝑧𝐴𝑧𝑈superscript𝑧𝑞{\det(U(z))}=\det(A(z))\cdot{\det(U(z^{q}))}

qui montre

(6.5) 0=ord0(det(A(z)))+(q1).ord0(det(U(z))),formulae-sequence0subscriptord0𝐴𝑧𝑞1subscriptord0𝑈𝑧0={\rm ord}_{0}(\det(A(z)))+(q-1).{\rm ord}_{0}(\det(U(z)))\enspace,

car ord0(det(U(zq)))=q.ord0(det(U(z)))formulae-sequencesubscriptord0𝑈superscript𝑧𝑞𝑞subscriptord0𝑈𝑧{\rm ord}_{0}(\det(U(z^{q})))=q.{\rm ord}_{0}(\det(U(z))). Supposons que (1.2) a une matrice fondamentale de solutions à coefficients dans 𝐂[[z]]𝐂delimited-[]delimited-[]𝑧{{\mathbf{C}}}[[z]], analytique dans un voisinage de l’origine. Alors, comme q2𝑞2q\geq 2, det(U(z))𝐂[[z]]𝑈𝑧𝐂delimited-[]delimited-[]𝑧\det(U(z))\in{{\mathbf{C}}}[[z]] et 00 n’est pas pôle de det(A(z))𝐴𝑧\det(A(z)), (6.5) implique

ord0(det(A(z)))=ord0(det(U(z)))=0.subscriptord0𝐴𝑧subscriptord0𝑈𝑧0{\rm ord}_{0}(\det(A(z)))={\rm ord}_{0}(\det(U(z)))=0\enspace.

Ainsi la matrice U(0)𝑈0U(0) est inversible et il en est de même de U(z)𝑈𝑧U(z) pour tout z𝑧z suffisamment proche de 00. L’identité A(z)=U(z)U(zq)1𝐴𝑧𝑈𝑧𝑈superscriptsuperscript𝑧𝑞1A(z)=U(z)U(z^{q})^{-1} entraîne A(0)=U(0)U(0)1=Id𝐴0𝑈0𝑈superscript01IdA(0)=U(0)U(0)^{-1}={\rm Id}. Le reste de l’énoncé découle à nouveau de la proposition 6.2. ∎

Je remercie Daniel Bertrand pour son aide via de nombreuses discussions sur la théorie de Galois des équations fonctionnelles. Je remercie également Boris Adamczewski pour m’avoir fait part de son travail [2] avec Colin Faverjon.

Références

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  • [13] P.Philippon – Some aspects of Mahler’s method, Cours à IMSc, Madras (Février 2011) et à TIFR, Bombay (Novembre 2014).
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