Arguments des unités de Stark et
périodes de séries d’Eisenstein
Pierre Charollois111 charollois@math.jussieu.fr
Le premier auteur a bénéficié du soutien matériel de l’Institut de Mathématiques de Bordeaux et du CRM-ISM de Montréal au cours de l’élaboration de cet article.

Henri Darmon222 darmon@math.mcgill.ca
Le travail du second auteur a été financé en partie par le CRSNG et la Chaire James McGill.

25 octobre 2007



Introduction

Soit K𝐾K un corps de nombres, et soit

S={v1,,vt}subscript𝑆subscript𝑣1subscript𝑣𝑡S_{\infty}=\{v_{1},\ldots,v_{t}\}

l’ensemble de ses places archimédiennes. Pour simplifier les énoncés qui suivent, on supposera (dans l’introduction seulement) que le corps K𝐾K a pour nombre de classes 111 au sens restreint. On choisit, pour chaque place de Ssubscript𝑆S_{\infty}, un plongement réel ou complexe associé, que l’on désignera par le même symbole, et l’on pose (pour x𝑥x appartenant à K×superscript𝐾K^{\times}, et vS𝑣subscript𝑆v\in S_{\infty})

sv(x):={signe(v(x)){1,1} si v est réelle;1 si v est complexe.assignsubscript𝑠𝑣𝑥casessigne𝑣𝑥1.1 si v est réelle1 si v est complexes_{v}(x):=\left\{\begin{array}[]{ll}\operatorname{signe}(v(x))\in\{-1,1\}&\mbox{ si $v$ est r\'{e}elle};\\ 1&\mbox{ si $v$ est complexe}.\end{array}\right.

Soit I𝐼I un idéal de l’anneau des entiers 𝒪Ksubscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{K} de K𝐾K, et soit 𝒪K,+×(I)superscriptsubscript𝒪𝐾𝐼\mathcal{O}_{K,+}^{\times}(I) le sous-groupe du groupe 𝒪K,+×superscriptsubscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{K,+}^{\times} des unités totalement positives de 𝒪Ksubscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{K} formé des éléments qui sont congrus à 111 modulo I𝐼I. Pour tout a(𝒪K/I)𝑎subscript𝒪𝐾𝐼a\in(\mathcal{O}_{K}/I), on associe au choix de signes sv2,,svnsubscript𝑠subscript𝑣2subscript𝑠subscript𝑣𝑛s_{v_{2}},\ldots,s_{v_{n}} la fonction L𝐿L partielle de Hurwitz:

L(a,I,s):=(NI)sxa(I)x𝒪K/𝒪K,+×(I)sv2(x)svt(x)|NK/(x)|s,assign𝐿𝑎𝐼𝑠superscriptN𝐼𝑠subscriptsuperscript𝑥𝑎𝐼𝑥subscript𝒪𝐾superscriptsubscript𝒪𝐾𝐼subscript𝑠subscript𝑣2𝑥subscript𝑠subscript𝑣𝑡𝑥superscriptsubscriptN𝐾𝑥𝑠L(a,I,s):=(\text{N}I)^{s}\!\!\!\!\sum_{\stackrel{{\scriptstyle x\in\mathcal{O}_{K}/\mathcal{O}_{K,+}^{\times}(I)}}{{x\equiv a\ (I)}}}\!\!\!\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\!\!\!\!s_{v_{2}}(x)\cdots s_{v_{t}}(x)|\text{N}_{K/\mathbb{Q}}(x)|^{-s}, (1)

où le symbole \sum\ \,\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\!\!\!\! indique que la somme est à prendre sur les éléments non-nuls. Ces fonctions L𝐿L jouissent des propriétés suivantes:

  1. 1.

    La fonction L(a,I,s)𝐿𝑎𝐼𝑠L(a,I,s) ne dépend que de l’image de a𝑎a dans le quotient (𝒪K/I)/𝒪K,+×subscript𝒪𝐾𝐼superscriptsubscript𝒪𝐾(\mathcal{O}_{K}/I)/\mathcal{O}_{K,+}^{\times}, sur lequel opère le groupe

    𝒢I:=(𝒪K/I)×/𝒪K,+×.assignsubscript𝒢𝐼superscriptsubscript𝒪𝐾𝐼superscriptsubscript𝒪𝐾\mathcal{G}_{I}:=(\mathcal{O}_{K}/I)^{\times}/\mathcal{O}_{K,+}^{\times}. (2)

    Plus généralement, pour toute unité ϵ𝒪K×italic-ϵsuperscriptsubscript𝒪𝐾\epsilon\in\mathcal{O}_{K}^{\times}, on a

    L(ϵa,I,s)=sv2(ϵ)svt(ϵ)L(a,I,s).𝐿italic-ϵ𝑎𝐼𝑠subscript𝑠subscript𝑣2italic-ϵsubscript𝑠subscript𝑣𝑡italic-ϵ𝐿𝑎𝐼𝑠L(\epsilon a,I,s)=s_{v_{2}}(\epsilon)\cdots s_{v_{t}}(\epsilon)L(a,I,s).
  2. 2.

    La série qui définit L(a,I,s)𝐿𝑎𝐼𝑠L(a,I,s) converge absolument sur le demi-plan Re(s)>1Re𝑠1{\mbox{Re}}(s)>1, et admet un prolongement méromorphe à tout le plan complexe avec au plus un pôle simple en s=1𝑠1s=1. Si t2𝑡2t\geq 2, cette fonction est même holomorphe, et s’annule en s=0𝑠0s=0.

Pour toute place réelle vS𝑣subscript𝑆v\in S_{\infty}, il existe alors une unité ϵv𝒪K×subscriptitalic-ϵ𝑣superscriptsubscript𝒪𝐾\epsilon_{v}\in\mathcal{O}_{K}^{\times} telle que

sv(ϵv)=1,sv(ϵv)=1 pour tout vv.formulae-sequencesubscript𝑠𝑣subscriptitalic-ϵ𝑣1subscript𝑠superscript𝑣subscriptitalic-ϵ𝑣1 pour tout superscript𝑣𝑣s_{v}(\epsilon_{v})=-1,\qquad s_{v^{\prime}}(\epsilon_{v})=1\ \mbox{ pour tout }v^{\prime}\neq v.

De plus, la théorie du corps de classes identifie le groupe 𝒢Isubscript𝒢𝐼\mathcal{G}_{I} avec le groupe de Galois d’une extension abélienne H𝐻H de K𝐾K, appelée le corps de classes de rayon au sens restreint associé à I𝐼I. Soit

rec:𝒢IGal(H/K):recsubscript𝒢𝐼Gal𝐻𝐾\operatorname{rec}:\mathcal{G}_{I}{\longrightarrow}{\rm Gal}(H/K)

l’isomorphisme de réciprocité de la théorie du corps de classes, et pour tout vS𝑣subscript𝑆v\in S_{\infty}, soit cvsubscript𝑐𝑣c_{v} la conjugaison complexe (“élément de Frobenius”) associée à la place v𝑣v, de sorte que

cv={rec(ϵv) si v est réelle,1 si v est complexe.subscript𝑐𝑣casesrecsubscriptitalic-ϵ𝑣 si v est réelle1 si v est complexec_{v}=\left\{\begin{array}[]{ll}\operatorname{rec}(\epsilon_{v})&\mbox{ si $v$ est r\'{e}elle},\\ 1&\mbox{ si $v$ est complexe}.\end{array}\right.

On note e𝑒e l’ordre du groupe des racines de l’unité dans H𝐻H et l’on choisit une place v~1subscript~𝑣1{\tilde{v}_{1}} de H𝐻H au-dessus de la place v1subscript𝑣1v_{1}.

La conjecture de Stark [St], [Ta], concerne les dérivées premières de L(a,I,s)𝐿𝑎𝐼𝑠L(a,I,s) en s=0𝑠0s=0, et peut s’énoncer comme suit:

Conjecture 1 (Stark).

Pour tout a(𝒪K/I)𝑎subscript𝒪𝐾𝐼a\in(\mathcal{O}_{K}/I), il existe une unité ua𝒪H×subscript𝑢𝑎superscriptsubscript𝒪𝐻u_{a}\in\mathcal{O}_{H}^{\times}, appelée unité de Stark associée au couple (a,I)𝑎𝐼(a,I), telle que

  1. 1.

    L(a,I,0)=1elog|v~1(ua)|2superscript𝐿𝑎𝐼.01𝑒superscriptsubscript~𝑣1subscript𝑢𝑎2L^{\prime}(a,I,0)=\frac{1}{e}\log|\tilde{v}_{1}(u_{a})|^{2};

  2. 2.

    cv1(ua)=uasubscript𝑐subscript𝑣1subscript𝑢𝑎subscript𝑢𝑎c_{v_{1}}(u_{a})=u_{a};

  3. 3.

    Si t3𝑡3t\geq 3, alors cv2ua==cvtua=ua1subscript𝑐subscript𝑣2subscript𝑢𝑎subscript𝑐subscript𝑣𝑡subscript𝑢𝑎superscriptsubscript𝑢𝑎1c_{v_{2}}u_{a}=\cdots=c_{v_{t}}u_{a}=u_{a}^{-1};

  4. 4.

    Pour tout b𝒢I𝑏subscript𝒢𝐼b\in\mathcal{G}_{I}, on a uab=rec(b)1uau_{ab}=\operatorname{rec}(b)^{-1}u_{a}.

On notera que les unités conjecturales uasubscript𝑢𝑎u_{a} dépendent du choix de la place v~1subscript~𝑣1{\tilde{v}_{1}} au-dessus de v1subscript𝑣1v_{1}, mais seulement à conjugaison près par Gal(H/K)Gal𝐻𝐾{\rm Gal}(H/K).

Si S{v1}subscript𝑆subscript𝑣1S_{\infty}-\{v_{1}\} possède une place complexe, la Conjecture 1 est trivialement vérifiée. En effet, quand t=2𝑡2t=2, la quantité L(a,I,0)superscript𝐿𝑎𝐼.0L^{\prime}(a,I,0) ne dépend que de I𝐼I et non de a𝑎a, et s’écrit comme un multiple rationnel du logarithme d’une unité fondamentale de K𝐾K. Quand t>2𝑡2t>2, on a de plus L(a,I,0)=0superscript𝐿𝑎𝐼.00L^{\prime}(a,I,0)=0, de sorte que la Conjecture 1 est vérifiée avec ua=1subscript𝑢𝑎1u_{a}=1.

Par conséquent, la Conjecture 1 n’a de l’intérêt que lorsque les places v2,,vtsubscript𝑣2subscript𝑣𝑡v_{2},\ldots,v_{t} sont toutes réelles, ce qui nous amène à distinguer deux cas.

1. Le cas totalement réel. Si la place v1subscript𝑣1v_{1} est également réelle, le corps K𝐾K est totalement réel. A cause de la propriété 222 dans la Conjecture 1, l’expression v~1(ua)subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎{\tilde{v}_{1}}(u_{a}) appartient alors à 𝐑𝐑\mathbf{R}. La Conjecture 1 permet donc d’évaluer ce nombre, du moins au signe près. On obtient ainsi, par évaluation des dérivées en s=0𝑠0s=0 des séries L(a,I,s)𝐿𝑎𝐼𝑠L(a,I,s), la construction analytique d’unités explicites de H𝐻H. Les conjectures de Stark, une fois démontrées, fourniraient ainsi un élément de “théorie explicite du corps de classes” pour les corps de nombres totalement réels.

2. Le cas ATR. Si v1subscript𝑣1v_{1} est une place complexe, on dit que K𝐾K est un corps de nombres ATR (“Almost Totally Real”) suivant la terminologie de [DL]. Puisque cv1=1subscript𝑐subscript𝑣11c_{v_{1}}=1, l’expression v~1(ua)subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎{\tilde{v}_{1}}(u_{a}) n’a plus de raison d’être réelle a priori, et la Conjecture 1 ne permet d’en évaluer que la valeur absolue. L’ambiguïté de signe du cas totalement réel s’avère donc plus sérieuse dans le contexte ATR, puisqu’elle porte sur l’argument de v~1(ua)subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎{\tilde{v}_{1}}(u_{a}), un élément de 𝐑/(2π𝐙)𝐑2𝜋𝐙\mathbf{R}/(2\pi\mathbf{Z}). On est amené à poser la question suivante qui peut servir de motivation pour cet article.

Question 1.

Existe-t-il une formule analytique explicite pour l’expression v~1(ua)subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎{\tilde{v}_{1}}(u_{a}) qui apparaît dans la Conjecture 1, lorsque K𝐾K est ATR?

Une réponse affirmative à cette question fournirait une solution du 121212-ème problème de Hilbert pour les extensions ATR.

Dans le premier cas intéressant où K𝐾K est un corps cubique complexe, cette question a été considérée dans [Das] et dans [DTvW] où la conjecture de Stark est étudiée numériquement, et un progrès décisif a été accompli dans [RS].

Le présent article se penche sur la Question 1 lorsque le corps K𝐾K est une extension quadratique d’un corps totalement réel F𝐹F, et lorsque le corps de rayon H𝐻H est remplacé par un certain sous-corps—le corps de classes d’anneau (“ring class field”) associé à I𝐼I et K/F𝐾𝐹K/F— dont la définition sera rappelée dans la Section 1.

Pour motiver notre approche, examinons ce qui se passe dans le cas le plus simple où F=𝐐𝐹𝐐F=\mathbf{Q}, où K𝐾K est un corps quadratique imaginaire de nombre de classes 111, et où I=(m)𝐼𝑚I=(m) est un idéal rationnel engendré par m𝐙𝑚𝐙m\in\mathbf{Z}. Au lieu de porter sur les séries partielles de Hurwitz, les conjectures de cet article vont plutôt porter sur les sommes

r(𝐙/m𝐙)L(ar,I,s)=:L(M,s)=(NM)sxM/𝒪K,+×(I)|NK/(x)|s,\sum_{r\in(\mathbf{Z}/m\mathbf{Z})}L(ar,I,s)=:L(M,s)=\ \ (\text{N}M)^{s}\!\!\!\sum_{x\in M/\mathcal{O}_{K,+}^{\times}(I)}\!\!\!\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\!\!|\text{N}_{K/\mathbb{Q}}(x)|^{-s}, (3)

M={x𝒪K, tel qu’il existe r𝐙 avec xar(modI)}.𝑀formulae-sequence𝑥subscript𝒪𝐾 tel qu’il existe 𝑟𝐙 avec 𝑥annotated𝑎𝑟pmod𝐼M=\{x\in\mathcal{O}_{K},\mbox{ tel qu'il existe }r\in\mathbf{Z}\mbox{ avec }x\equiv ar\pmod{I}\}.

Le module M𝑀M est un réseau dans K𝐂𝐾𝐂K\subset\mathbf{C}, et, quand a𝑎a appartient à 𝒢Isubscript𝒢𝐼\mathcal{G}_{I}, il forme même un module projectif sur l’ordre 𝒪I:=𝐙+I𝒪Kassignsubscript𝒪𝐼𝐙𝐼subscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{I}:=\mathbf{Z}+I\mathcal{O}_{K}. La série L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) ne dépend que de la classe d’homothétie de ce réseau; elle est donc déterminée par l’invariant τ=ω2ω1𝜏subscript𝜔2subscript𝜔1\tau=\frac{\omega_{2}}{\omega_{1}}, où (ω1,ω2)subscript𝜔1subscript𝜔2(\omega_{1},\omega_{2}) est une 𝐙𝐙\mathbf{Z}-base de M𝑀M choisie de telle manière que τ𝜏\tau appartienne au demi-plan de Poincaré \mathcal{H}. La formule limite de Kronecker fournit les premiers termes du développement de L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) en s=0𝑠0s=0 en la reliant au logarithme de la fonction η𝜂\eta de Dedekind :

L(M,s)=1212(cI+logIm(τ)+4log|η(τ)|)s+O(s2),𝐿𝑀𝑠1212subscript𝑐𝐼Im𝜏4𝜂𝜏𝑠𝑂superscript𝑠2L(M,s)=-\frac{1}{2}-\frac{1}{2}\left(c_{I}+\log\textrm{Im}\,(\tau)+4\log|\eta(\tau)|\right)s+O(s^{2}), (4)

cIsubscript𝑐𝐼c_{I} est une constante qui ne dépend que de I𝐼I et pas de M.𝑀M. À des facteurs parasites près, les dérivées premières L(M,0)superscript𝐿𝑀.0L^{\prime}(M,0) sont donc fournies par l’expression log|η(τ)|𝜂𝜏\log|\eta(\tau)|. Or, comme τ𝜏\tau appartient à K𝐾\mathcal{H}\cap K, les produits d’expressions de la forme η(τ)𝜂𝜏\eta(\tau) donnent lieu aux unités elliptiques, que l’on sait être des unités dans des extensions abéliennes du corps K𝐾K grâce à la théorie de la multiplication complexe. Plus précisément, pour τ1,τ2Ksubscript𝜏1subscript𝜏2𝐾\tau_{1},\tau_{2}\in\mathcal{H}\cap K, les expressions de la forme

u(τ1,τ2):=η(τ2)/η(τ1)assign𝑢subscript𝜏1subscript𝜏2𝜂subscript𝜏2𝜂subscript𝜏1u(\tau_{1},\tau_{2}):=\eta(\tau_{2})/\eta(\tau_{1}) (5)

sont des nombres algébriques, et leurs puissances 242424-èmes sont des unités dans des extensions abéliennes de K𝐾K. C’est ainsi que les propriétés de la fonction η𝜂\eta et la théorie de la multiplication complexe permettent non seulement de démontrer la conjecture de Stark dans le cas où K𝐾K est quadratique imaginaire, mais apportent aussi une réponse à la Question 1 dans ce cas.

Dans la généralisation “traditionnelle” de la théorie de la multiplication complexe proposée par Hilbert et son école, puis développée rigoureusement par Shimura et Taniyama, on est amené à remplacer 𝐐𝐐\mathbf{Q} par un corps F𝐹F totalement réel de degré n>1𝑛1n>1 (de sorte que F𝐐𝐑=𝐑nsubscripttensor-product𝐐𝐹𝐑superscript𝐑𝑛F\otimes_{\mathbf{Q}}\mathbf{R}=\mathbf{R}^{n}), et les formes modulaires classiques par des formes modulaires de Hilbert. Celles-ci correspondent à des fonctions holomorphes sur nsuperscript𝑛\mathcal{H}^{n}, invariantes (à un facteur d’automorphie près) sous l’action naturelle de 𝐒𝐋2(𝒪F)subscript𝐒𝐋2subscript𝒪𝐹{\bf SL}_{2}(\mathcal{O}_{F}). Les corps quadratiques imaginaires sont remplacés par des extensions quadratiques K𝐾K de F𝐹F de type CM, munies d’une identification Φ:KF𝐑n𝐂n.:Φsubscripttensor-product𝐹𝐾superscript𝐑𝑛superscript𝐂𝑛\Phi:K\otimes_{F}\mathbf{R}^{n}\rightarrow\mathbf{C}^{n}. La théorie de la multiplication complexe affirme alors que les valeurs de certaines fonctions modulaires de Hilbert (quotients de formes modulaires de même poids, possédant des développements de Fourier rationnels) en des points τΦ(K)n𝜏Φ𝐾superscript𝑛\tau\in\Phi(K)\cap\mathcal{H}^{n} engendrent des extensions abéliennes du corps reflex K~~𝐾{\tilde{K}} associé à (K,Φ)𝐾Φ(K,\Phi). Cette théorie possède deux inconvénients du point de vue de la Question 1:

  • (a)

    elle ne permet d’aborder la “théorie du corps de classes explicite” que pour les corps de base de type CM;

  • (b)

    elle ne permet pas d’obtenir facilement des unités dans des extensions abéliennes de K~~𝐾{\tilde{K}}, les unités modulaires n’ayant pas de généralisation évidente pour les formes modulaires de Hilbert. En effet, quand n>1𝑛1n>1, le faisceau structural sur l’espace complexe analytique 𝒳:=𝐒𝐋2(𝒪F)\nassign𝒳\subscript𝐒𝐋2subscript𝒪𝐹superscript𝑛\mathcal{X}:={\bf SL}_{2}(\mathcal{O}_{F})\backslash\mathcal{H}^{n} ne possède pas de sections globales non-nulles. La relation entre la théorie de Shimura-Taniyama et les conjectures de Stark pour les corps CM (à supposer qu’il y en ait une) reste donc à élucider. (Cf. par exemple [dSG] et [GL].)

Pour aborder la Question 1 lorsque K𝐾K est une extension quadratique ATR d’un corps F𝐹F totalement réel de degré n>1𝑛1n>1, il faut relever le nombre réel log|v~1(ua)|subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎\log|\tilde{v}_{1}(u_{a})| en un nombre complexe logv~1(ua)𝐂/2iπ𝐙.subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎𝐂2𝑖𝜋𝐙\log\tilde{v}_{1}(u_{a})\in\mathbf{C}/2i\pi\mathbf{Z}. Au vu de la formule limite de Kronecker (4) et de la discussion précédente, il s’agit donc de généraliser l’expression

logη(τ)=log|η(τ)|+iargη(τ)𝐂/2iπ𝐙𝜂𝜏𝜂𝜏𝑖𝜂𝜏𝐂2𝑖𝜋𝐙\log\eta(\tau)=\log|\eta(\tau)|+i\arg\eta(\tau)\in\mathbf{C}/2i\pi\mathbf{Z}

à un cadre où les formes modulaires classiques sont remplacées par des formes modulaires de Hilbert sur F𝐹F. C’est ce qui a été entrepris dans la thèse du premier auteur, qui part de l’identité classique dlogη(z)=iπE2(z)dzd𝜂𝑧𝑖𝜋subscript𝐸2𝑧𝑑𝑧\textrm{d}\log\eta(z)=-i\pi E_{2}(z)dz, où E2subscript𝐸2E_{2} est la série d’Eisenstein définie par

E2(z)=112+2n1σ1(n)e2iπnz, avec σ1(n)=d|nd.formulae-sequencesubscript𝐸2𝑧1122subscript𝑛1subscript𝜎1𝑛superscript𝑒2𝑖𝜋𝑛𝑧 avec subscript𝜎1𝑛subscriptconditional𝑑𝑛𝑑E_{2}(z)=-\frac{1}{12}+2\sum_{n\geq 1}\sigma_{1}(n)e^{2i\pi nz},\ \ \ \mbox{ avec }\,\sigma_{1}(n)=\sum_{d|n}d.

La formule (5) peut donc se réécrire en prenant le logarithme complexe des deux côtés:

log(u(τ1,τ2))=iπτ1τ2E2(z)𝑑z𝐂/2iπ𝐙.𝑢subscript𝜏1subscript𝜏2𝑖𝜋superscriptsubscriptsubscript𝜏1subscript𝜏2subscript𝐸2𝑧differential-d𝑧𝐂2𝑖𝜋𝐙\log(u(\tau_{1},\tau_{2}))=-i\pi\int_{\tau_{1}}^{\tau_{2}}E_{2}(z)dz\ \in\mathbf{C}/2i\pi\mathbf{Z}. (6)

Or, si les unités modulaires n’admettent pas d’analogue évident en dimension supérieure, les séries d’Eisenstein, elles, se généralisent sans difficulté à ce contexte. La section 1.1 rappelle la définition de la série d’Eisenstein E2subscript𝐸2E_{2} de poids (2,,2)2.2(2,\ldots,2) sur 𝐒𝐋2(𝒪F)subscript𝐒𝐋2subscript𝒪𝐹{\bf SL}_{2}(\mathcal{O}_{F}). Celle-ci donne lieu à une n𝑛n-forme différentielle ωE2subscript𝜔subscript𝐸2\omega_{E_{2}} holomorphe sur l’espace analytique 𝒳𝒳\mathcal{X}.

La démarche suggérée par [Ch1] consiste essentiellement à remplacer les valeurs de logη(τ)𝜂𝜏\log\eta(\tau) par des intégrales de ωE2subscript𝜔subscript𝐸2\omega_{E_{2}} sur des cycles appropriés de dimension réelle n𝑛n sur 𝒳𝒳\mathcal{X}. Plus précisément, le présent article associe à tout τv1(K)𝜏subscript𝑣1𝐾\tau\in\mathcal{H}\cap v_{1}(K) un cycle fermé ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} de dimension réelle (n1)𝑛1(n-1) sur 𝒳𝒳\mathcal{X}. En faisant abstraction pour le moment des phénomènes liés à la présence possible de torsion dans la cohomologie de 𝒳𝒳\mathcal{X}, on démontre que ces cycles sont homologues à zéro. Autrement dit, il existe une chaîne différentiable Cτsubscript𝐶𝜏C_{\tau} de dimension n𝑛n sur 𝒳𝒳\mathcal{X} telle que

Cτ=Δτ.subscript𝐶𝜏subscriptΔ𝜏\partial C_{\tau}=\Delta_{\tau}.

Cela permet de définir un invariant canonique Jτ𝐂/2iπ𝐙subscript𝐽𝜏𝐂2𝑖𝜋𝐙J_{\tau}\in\mathbf{C}/2i\pi\mathbf{Z} en intégrant un multiple approprié de ωE2subscript𝜔subscript𝐸2\omega_{E_{2}} sur Cτsubscript𝐶𝜏C_{\tau}. La contribution la plus importante de cet article est la Conjecture 4.1, qui relie les invariants Jτsubscript𝐽𝜏J_{\tau} à l’expression logv~1(ua)subscript~𝑣1subscript𝑢𝑎\log{\tilde{v}_{1}}(u_{a}) dont la partie réelle apparaît dans la Conjecture 1. La Conjecture 4.1 apporte ainsi un élément de réponse à la Question 1.

La définition des invariants Jτsubscript𝐽𝜏J_{\tau} s’appuie de façon essentielle sur la thèse du premier auteur [Ch1]. Elle est aussi à rapprocher de deux autres travaux antérieurs:

  1. 1.

    L’article [DL], où les séries d’Eisenstein sur 𝐆𝐋2(F)subscript𝐆𝐋2𝐹{\bf GL}_{2}(F) du présent article sont remplacées par des formes modulaires de Hilbert cuspidales de poids (2,,2)2.2(2,\ldots,2). Dans les cas les plus concrets qui ont pu être testés numériquement, ces formes sont associées à des courbes elliptiques définies sur F𝐹F. L’invariant Jτsubscript𝐽𝜏J_{\tau} défini dans ce contexte semble alors permettre la construction de points sur ces courbes définis sur certaines extensions abéliennes de K𝐾K.

  2. 2.

    L’article [DD] peut être lu comme une variante p𝑝p-adique des constructions principales du présent article. Dans le contexte de [DD], on a F=𝐐𝐹𝐐F=\mathbf{Q} et le rôle de la place v1subscript𝑣1v_{1} est joué par une place non-archimédienne p𝑝p. L’extension K𝐾K est alors un corps quadratique réel dans lequel le nombre premier p𝑝p est inerte. Les séries d’Eisenstein de poids 222 sur certains sous-groupes de congruence de 𝐒𝐋2(𝐙)subscript𝐒𝐋2𝐙{\bf SL}_{2}(\mathbf{Z}), réinterprétées convenablement comme des “formes modulaires de Hilbert” sur p×subscript𝑝\mathcal{H}_{p}\times\mathcal{H}, où p=𝐏1(𝐂p)𝐏1(𝐐p)subscript𝑝subscript𝐏1subscript𝐂𝑝subscript𝐏1subscript𝐐𝑝\mathcal{H}_{p}={\mathbf{P}}_{1}(\mathbf{C}_{p})-{\mathbf{P}}_{1}(\mathbf{Q}_{p}) est le demi-plan p𝑝p-adique, donnent alors lieu à des invariants p𝑝p-adiques Jτ𝐂psubscript𝐽𝜏subscript𝐂𝑝J_{\tau}\in\mathbf{C}_{p} associés à τpK𝜏subscript𝑝𝐾\tau\in\mathcal{H}_{p}\cap K. Ces invariants correspondent conjecturalement à des p𝑝p-unités dans des extensions abéliennes de K𝐾K.

En se plaçant dans un cadre classique où l’on dispose de notions topologiques et analytiques générales (homologie et cohomologie singulière, théorie de Hodge), le présent article mène à une clarification conceptuelle des différentes constructions de “points et unités de Stark-Heegner” proposées jusqu’à présent dans la littérature. (Cf. [DL] et [DD], ainsi que le cadre traité originalement dans [Dar2] ou les généralisations formulées dans [Tr] et [Gr].) Le présent article peut très bien servir d’introduction aux travaux sur les points de Stark-Heegner cités en référence, bien qu’il ait été rédigé après ceux-ci.


Remerciements: Le premier auteur tient à remercier chaleureusement Philippe Cassou-Noguès et Martin Taylor qui sont à l’origine de son travail de thèse. Les deux auteurs ont aussi bénéficié de nombreux échanges avec Samit Dasgupta au sujet du présent article.

1 Notions préliminaires

1.1 Séries d’Eisenstein

Soit F𝐹F un corps totalement réel de degré n>1𝑛1n>1 et SF:={v1,,vn}assignsubscript𝑆𝐹subscript𝑣1subscript𝑣𝑛S_{F}:=\{v_{1},\ldots,v_{n}\} son ensemble de places archimédiennes. On désigne par 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F} l’anneau des entiers de F𝐹F, par dFsubscript𝑑𝐹d_{F} son discriminant, et par RFsubscript𝑅𝐹R_{F} le régulateur de F.𝐹F.

On supposera dans la suite de cet article que F𝐹F a nombre de classes 1 au sens restreint, de sorte qu’il existe pour tout 1jn1𝑗𝑛1\leq j\leq n une unité ϵ(j)𝒪F×superscriptitalic-ϵ𝑗superscriptsubscript𝒪𝐹\epsilon^{(j)}\in\mathcal{O}_{F}^{\times} avec

vj(ϵ(j))<0,vk(ϵ(j))>0 si kj.formulae-sequencesubscript𝑣𝑗superscriptitalic-ϵ𝑗0formulae-sequencesubscript𝑣𝑘superscriptitalic-ϵ𝑗0 si 𝑘𝑗v_{j}(\epsilon^{(j)})<0,\qquad\qquad v_{k}(\epsilon^{(j)})>0\quad\mbox{ si }k\neq j.

Pour tout aF𝑎𝐹a\in F, on note aj:=vj(a)assignsubscript𝑎𝑗subscript𝑣𝑗𝑎a_{j}:=v_{j}(a) son image dans 𝐑𝐑\mathbf{R} par le plongement vjsubscript𝑣𝑗v_{j}, et Aj=(ajbjcjdj)subscript𝐴𝑗subscript𝑎𝑗subscript𝑏𝑗subscript𝑐𝑗subscript𝑑𝑗A_{j}=\left(\begin{array}[]{cc}a_{j}&b_{j}\\ c_{j}&d_{j}\end{array}\right) l’image dans 𝐒𝐋2(𝐑)subscript𝐒𝐋2𝐑{\bf SL}_{2}(\mathbf{R}) d’une matrice A=(abcd)𝐴𝑎𝑏𝑐𝑑A=\left(\begin{array}[]{cc}a&b\\ c&d\end{array}\right) de 𝐒𝐋2(F)subscript𝐒𝐋2𝐹{\bf SL}_{2}(F). On identifiera librement a𝑎a avec le n𝑛n-uplet (a1,,an)subscript𝑎1subscript𝑎𝑛(a_{1},\ldots,a_{n}) et A𝐴A avec (A1,,An)subscript𝐴1subscript𝐴𝑛(A_{1},\ldots,A_{n}). On obtient ainsi une action par homographies du groupe modulaire de Hilbert Γ:=𝐒𝐋2(𝒪F)assignΓsubscript𝐒𝐋2subscript𝒪𝐹\Gamma:={\bf SL}_{2}(\mathcal{O}_{F}) sur le produit 1××nsubscript1subscript𝑛\mathcal{H}_{1}\times\cdots\times\mathcal{H}_{n} de n𝑛n copies du demi-plan de Poincaré. Le quotient analytique

𝒳:=Γ\(1××n)assign𝒳\Γsubscript1subscript𝑛\mathcal{X}:=\Gamma\backslash(\mathcal{H}_{1}\times\cdots\times\mathcal{H}_{n})

s’identifie avec les points complexes d’un ouvert de Zariski d’une variété algébrique projective lisse: la variété modulaire de Hilbert XFsubscript𝑋𝐹X_{F} associée au corps F𝐹F.

Une forme modulaire de Hilbert de poids (2,,2)2.2(2,\ldots,2) pour ΓΓ\Gamma est une fonction holomorphe f(z1,,zn)𝑓subscript𝑧1subscript𝑧𝑛f(z_{1},\ldots,z_{n}) sur 1××nsubscript1subscript𝑛\mathcal{H}_{1}\times\cdots\times\mathcal{H}_{n} telle que la forme différentielle

ωf:=f(z1,zn)dz1dznassignsubscript𝜔𝑓𝑓subscript𝑧1subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧1𝑑subscript𝑧𝑛\omega_{f}:=f(z_{1},\ldots z_{n})\,dz_{1}\wedge\cdots\wedge dz_{n}

soit invariante sous l’action de ΓΓ\Gamma. Autrement dit, pour tout (abcd)Γ𝑎𝑏𝑐𝑑Γ\left(\begin{array}[]{cc}a&b\\ c&d\end{array}\right)\in\Gamma, on exige que

f(a1z1+b1c1z1+d1,,anzn+bncnzn+dn)=(c1z1+d1)2(cnzn+dn)2f(z1,,zn).𝑓subscript𝑎1subscript𝑧1subscript𝑏1subscript𝑐1subscript𝑧1subscript𝑑1subscript𝑎𝑛subscript𝑧𝑛subscript𝑏𝑛subscript𝑐𝑛subscript𝑧𝑛subscript𝑑𝑛superscriptsubscript𝑐1subscript𝑧1subscript𝑑12superscriptsubscript𝑐𝑛subscript𝑧𝑛subscript𝑑𝑛2𝑓subscript𝑧1subscript𝑧𝑛f\left(\frac{a_{1}z_{1}+b_{1}}{c_{1}z_{1}+d_{1}},\ldots,\frac{a_{n}z_{n}+b_{n}}{c_{n}z_{n}+d_{n}}\right)=(c_{1}z_{1}+d_{1})^{2}\cdots(c_{n}z_{n}+d_{n})^{2}f(z_{1},\ldots,z_{n}).

Lorsque n>1𝑛1n>1, une telle fonction possède, d’après le principe de Koecher, un développement en série de Fourier à l’infini de la forme

f(z1,,zn)=af(0)+μ𝒪F,μ0af(μ)e2iπ(μ1δ1z1++μnδnzn),𝑓subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscript𝑎𝑓0subscriptformulae-sequence𝜇subscript𝒪𝐹much-greater-than𝜇0subscript𝑎𝑓𝜇superscript𝑒2𝑖𝜋subscript𝜇1subscript𝛿1subscript𝑧1subscript𝜇𝑛subscript𝛿𝑛subscript𝑧𝑛f(z_{1},\ldots,z_{n})=a_{f}(0)+\sum_{\mu\in\mathcal{O}_{F}\!,\ \mu\gg 0}\!\!\!a_{f}(\mu)\,e^{2i\pi\big{(}\frac{\mu_{1}}{\delta_{1}}z_{1}+\cdots+\frac{\mu_{n}}{\delta_{n}}z_{n}\big{)}},

δ𝛿\delta désigne un générateur totalement positif de la différente de F/𝐐.𝐹𝐐F/\mathbf{Q}.

La série d’Eisenstein holomorphe E2subscript𝐸2E_{2} de poids 222 se définit sur 1××nsubscript1subscript𝑛\mathcal{H}_{1}\times\cdots\times\mathcal{H}_{n} par le développement en série de Fourier suivant:

E2(z1,,zn)=ζF(1)+2nμ𝒪F,μ0σ1(μ)e2iπ(μ1δ1z1++μnδnzn),subscript𝐸2subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscript𝜁𝐹1superscript2𝑛subscriptformulae-sequence𝜇subscript𝒪𝐹much-greater-than𝜇0subscript𝜎1𝜇superscript𝑒2𝑖𝜋subscript𝜇1subscript𝛿1subscript𝑧1subscript𝜇𝑛subscript𝛿𝑛subscript𝑧𝑛E_{2}(z_{1},\ldots,z_{n})=\zeta_{F}(-1)+2^{n}\!\!\!\sum_{\mu\in\mathcal{O}_{F}\!,\ \mu\gg 0}\!\!\!\sigma_{1}(\mu)\,e^{2i\pi\big{(}\frac{\mu_{1}}{\delta_{1}}z_{1}+\cdots+\frac{\mu_{n}}{\delta_{n}}z_{n}\big{)}}, (7)

où, pour un entier k𝑘k donné, on a posé

σk(μ)=(ν)|(μ)|NF/(ν)|k,subscript𝜎𝑘𝜇subscriptconditional𝜈𝜇superscriptsubscript𝑁𝐹𝜈𝑘\sigma_{k}(\mu)=\sum_{(\nu)|(\mu)}|N_{F/\mathbb{Q}}(\nu)|^{k},

la sommation portant sur les idéaux (principaux) entiers (ν)𝜈(\nu) qui divisent (μ).𝜇(\mu). La fonction E2(z1,,zn)subscript𝐸2subscript𝑧1subscript𝑧𝑛E_{2}(z_{1},\ldots,z_{n}) est une forme modulaire de Hilbert de poids (2,,2)2.2(2,\ldots,2) pour ΓΓ\Gamma (voir [VdG], chap. I.6).

On se donne des coordonnées réelles xj,yjsubscript𝑥𝑗subscript𝑦𝑗x_{j},y_{j} sur 𝒳𝒳\mathcal{X} en posant zj=xj+iyjsubscript𝑧𝑗subscript𝑥𝑗𝑖subscript𝑦𝑗z_{j}=x_{j}+iy_{j}, et l’on définit à partir de E2subscript𝐸2E_{2} une forme différentielle invariante ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} en posant

ωEis:={(2iπ)2dFωE2+RF2(dz1dz¯1y12dz2dz¯2y22) si n=2,(2iπ)ndFωE2 si n3.assignsubscript𝜔Eiscasessuperscript2𝑖𝜋2subscript𝑑𝐹subscript𝜔subscript𝐸2subscript𝑅𝐹2𝑑subscript𝑧1𝑑subscript¯𝑧1superscriptsubscript𝑦12𝑑subscript𝑧2𝑑subscript¯𝑧2superscriptsubscript𝑦22 si 𝑛2superscript2𝑖𝜋𝑛subscript𝑑𝐹subscript𝜔subscript𝐸2 si 𝑛3\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}:=\left\{\begin{array}[]{ll}\frac{(2i\pi)^{2}}{\sqrt{d_{F}}}\omega_{E_{2}}+\frac{R_{F}}{2}(\frac{dz_{1}\wedge d\bar{z}_{1}}{y_{1}^{2}}-\frac{dz_{2}\wedge d\bar{z}_{2}}{y_{2}^{2}})&\textrm{ si }n=2,\\ \frac{(2i\pi)^{n}}{\sqrt{d_{F}}}\omega_{E_{2}}&\textrm{ si }n\geq 3.\end{array}\right. (8)

La n𝑛n-forme différentielle ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est fermée et, quand n3𝑛3n\geq 3, elle est holomorphe. On va s’intéresser à sa classe dans la cohomologie Hn(𝒳,𝐂)superscript𝐻𝑛𝒳𝐂H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C}) formée à partir du complexe de deRham des formes différentielles Csuperscript𝐶C^{\infty} sur 𝒳𝒳\mathcal{X}. Ce groupe de cohomologie est muni d’une action des opérateurs de Hecke Tλsubscript𝑇𝜆T_{\lambda}, où les λ𝜆\lambda parcourent les idéaux de 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}. La forme différentielle ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est vecteur propre pour ces opérateurs. Plus précisément, on a

Tλ(ωEis)=σ1(λ)ωEis.subscript𝑇𝜆subscript𝜔Eissubscript𝜎1𝜆subscript𝜔EisT_{\lambda}(\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}})=\sigma_{1}(\lambda)\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.

Pour tout 1jn1𝑗𝑛1\leq j\leq n, on dispose également d’une involution Tvjsubscript𝑇subscript𝑣𝑗T_{v_{j}} sur l’espace réel-analytique 𝒳𝒳\mathcal{X} associée à la place vjsubscript𝑣𝑗v_{j} (“opérateur de Hecke à l’infini”). Celle-ci se définit en posant

Tvj(z1,,zn):=(ϵ1(j)z1,,ϵj(j)z¯j,,ϵn(j)zn).assignsubscript𝑇subscript𝑣𝑗subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscriptsuperscriptitalic-ϵ𝑗1subscript𝑧1subscriptsuperscriptitalic-ϵ𝑗𝑗subscript¯𝑧𝑗subscriptsuperscriptitalic-ϵ𝑗𝑛subscript𝑧𝑛T_{v_{j}}(z_{1},\ldots,z_{n}):=(\epsilon^{(j)}_{1}z_{1},\ldots,\epsilon^{(j)}_{j}\bar{z}_{j},\ldots,\epsilon^{(j)}_{n}z_{n}).

On appelle Tvjsuperscriptsubscript𝑇subscript𝑣𝑗T_{v_{j}}^{*} l’involution sur Hn(𝒳,𝐂)superscript𝐻𝑛𝒳𝐂H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C}) qui s’en déduit par “pullback” sur les formes différentielles. Les n𝑛n opérateurs Tvjsuperscriptsubscript𝑇subscript𝑣𝑗T_{v_{j}}^{*} et les opérateurs de Hecke Tλsubscript𝑇𝜆T_{\lambda} engendrent une algèbre commutative 𝐓𝐓\mathbf{T} sur 𝐙.𝐙\mathbf{Z}.

On aura besoin dans la suite de certaines fonctions qui joueront le rôle de “primitives” de E2subscript𝐸2E_{2}. On introduit pour cela la fonction hh de Asai [As] définie sur nsuperscript𝑛\mathcal{H}^{n} par

h(z)=4(π)nζF(1)RFdFy1yn+4dF2nRFμ𝒪Fσ1(μ)e2iπ(μ1δ1x1+|μ1δ1|iy1++μnδnxn+|μnδn|iyn).𝑧4superscript𝜋𝑛subscript𝜁𝐹1subscript𝑅𝐹subscript𝑑𝐹subscript𝑦1subscript𝑦𝑛4subscript𝑑𝐹superscript2𝑛subscript𝑅𝐹subscript𝜇subscript𝒪𝐹subscript𝜎1𝜇superscript𝑒2𝑖𝜋subscript𝜇1subscript𝛿1subscript𝑥1subscript𝜇1subscript𝛿1𝑖subscript𝑦1subscript𝜇𝑛subscript𝛿𝑛subscript𝑥𝑛subscript𝜇𝑛subscript𝛿𝑛𝑖subscript𝑦𝑛h(z)=\frac{4(-\pi)^{n}\zeta_{F}(-1)}{R_{F}\sqrt{d_{F}}}y_{1}\cdots y_{n}+\frac{4\sqrt{d_{F}}}{2^{n}R_{F}}\sum_{\mu\in\,\mathcal{O}_{F}}\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\!\!\!\!\sigma_{-1}(\mu)\,e^{2i\pi\left(\frac{\mu_{1}}{\delta_{1}}x_{1}+\left|\frac{\mu_{1}}{\delta_{1}}\right|iy_{1}+\ldots+\frac{\mu_{n}}{\delta_{n}}x_{n}+\left|\frac{\mu_{n}}{\delta_{n}}\right|iy_{n}\right)}. (9)

Il sera plus commode de travailler avec

h~(z):=λFh(z), où λF:=4n1RF,formulae-sequenceassign~𝑧subscript𝜆𝐹𝑧assign où subscript𝜆𝐹superscript4𝑛1subscript𝑅𝐹{\tilde{h}}(z):=\lambda_{F}h(z),\quad\mbox{ o\`{u} }\lambda_{F}:=4^{n-1}R_{F},

de sorte que

h~(z)=(4π)nζF(1)dFy1yn+2ndFμ𝒪Fσ1(μ)e2iπ(μ1δ1x1+|μ1δ1|iy1++μnδnxn+|μnδn|iyn).~𝑧superscript4𝜋𝑛subscript𝜁𝐹1subscript𝑑𝐹subscript𝑦1subscript𝑦𝑛superscript2𝑛subscript𝑑𝐹subscript𝜇subscript𝒪𝐹subscript𝜎1𝜇superscript𝑒2𝑖𝜋subscript𝜇1subscript𝛿1subscript𝑥1subscript𝜇1subscript𝛿1𝑖subscript𝑦1subscript𝜇𝑛subscript𝛿𝑛subscript𝑥𝑛subscript𝜇𝑛subscript𝛿𝑛𝑖subscript𝑦𝑛{\tilde{h}}(z)=\frac{(-4\pi)^{n}\zeta_{F}(-1)}{\sqrt{d_{F}}}y_{1}\cdots y_{n}+2^{n}\sqrt{d_{F}}\sum_{\mu\in\,\mathcal{O}_{F}}\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\!\!\!\!\sigma_{-1}(\mu)\,e^{2i\pi\left(\frac{\mu_{1}}{\delta_{1}}x_{1}+\left|\frac{\mu_{1}}{\delta_{1}}\right|iy_{1}+\ldots+\frac{\mu_{n}}{\delta_{n}}x_{n}+\left|\frac{\mu_{n}}{\delta_{n}}\right|iy_{n}\right)}. (10)

Les fonctions h(z)𝑧h(z) et h~(z)~𝑧{\tilde{h}}(z) jouissent des propriétés suivantes:

  1. 1.

    Elles sont harmoniques par rapport à chacune des variables zjsubscript𝑧𝑗z_{j}, 1jn1𝑗𝑛1\leq j\leq n;

  2. 2.

    Elles satisfont les formules de transformation

    h(Az)𝐴𝑧\displaystyle h(Az) =\displaystyle= h(z)log(|c1z1+d1|2|cnzn+dn|2),𝑧superscriptsubscript𝑐1subscript𝑧1subscript𝑑12superscriptsubscript𝑐𝑛subscript𝑧𝑛subscript𝑑𝑛2\displaystyle h(z)-\log(|c_{1}z_{1}+d_{1}|^{2}\cdots|c_{n}z_{n}+d_{n}|^{2}), (11)
    h~(Az)~𝐴𝑧\displaystyle\tilde{h}(Az) =\displaystyle= h~(z)λFlog(|c1z1+d1|2|cnzn+dn|2).~𝑧subscript𝜆𝐹superscriptsubscript𝑐1subscript𝑧1subscript𝑑12superscriptsubscript𝑐𝑛subscript𝑧𝑛subscript𝑑𝑛2\displaystyle\tilde{h}(z)-\lambda_{F}\log(|c_{1}z_{1}+d_{1}|^{2}\cdots|c_{n}z_{n}+d_{n}|^{2}). (12)
  3. 3.

    On a

    nh~(z1,,zn)z1zndz1dznsuperscript𝑛~subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscript𝑧1subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧1𝑑subscript𝑧𝑛\displaystyle\frac{\partial^{n}\tilde{h}(z_{1},\ldots,z_{n})}{\partial z_{1}\cdots\partial z_{n}}dz_{1}\wedge\cdots\wedge dz_{n} =\displaystyle= (2iπ)ndFωE2,superscript2𝑖𝜋𝑛subscript𝑑𝐹subscript𝜔subscript𝐸2\displaystyle\frac{(2i\pi)^{n}}{\sqrt{d_{F}}}\omega_{E_{2}}, (13)
    nh~(z1,,zn)z1zj¯zndz1dz¯jdznsuperscript𝑛~subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscript𝑧1¯subscript𝑧𝑗subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧1𝑑subscript¯𝑧𝑗𝑑subscript𝑧𝑛\displaystyle\frac{\partial^{n}\tilde{h}(z_{1},\ldots,z_{n})}{\partial{z_{1}}\cdots\partial{\bar{z_{j}}}\cdots\partial z_{n}}d{z_{1}}\wedge\cdots d\bar{z}_{j}\cdots\wedge dz_{n} =\displaystyle= Tvj((2iπ)ndFωE2).superscriptsubscript𝑇subscript𝑣𝑗superscript2𝑖𝜋𝑛subscript𝑑𝐹subscript𝜔subscript𝐸2\displaystyle T_{v_{j}}^{*}\left(\frac{(2i\pi)^{n}}{\sqrt{d_{F}}}\omega_{E_{2}}\right). (14)

Toutes ces formules se vérifient par un calcul direct, sauf (11) et (12). Pour ces dernières, voir [As], Théorème 4.

Lemme 1.1.

La forme (Id+Tvj)ωEisIdsubscriptsuperscript𝑇subscript𝑣𝑗subscript𝜔Eis(\operatorname{Id}+T^{*}_{v_{j}})\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est exacte.

Démonstration.

Supposons que j=1𝑗1j=1 pour fixer les idées et alléger les notations. À partir de la fonction h~~{\tilde{h}}, on définit la (n1)𝑛1(n-1) forme différentielle sur nsuperscript𝑛\mathcal{H}^{n}:

η=n1h~(z1,,zn)z2zndz2dzn.𝜂superscript𝑛1~subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscript𝑧2subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧2𝑑subscript𝑧𝑛\eta=\frac{\partial^{n-1}\tilde{h}(z_{1},\ldots,z_{n})}{\partial z_{2}\cdots\partial z_{n}}dz_{2}\wedge\ldots\wedge dz_{n}. (15)

Quand n>2𝑛2n>2, la formule (12) montre que η𝜂\eta est invariante sous Γ,Γ\Gamma, et correspond donc à une (n1)𝑛1(n-1)-forme différentielle sur 𝒳𝒳\mathcal{X}. Parce que h~~{\tilde{h}} est harmonique, cette forme est de plus holomorphe par rapport aux variables z2,,zn,subscript𝑧2subscript𝑧𝑛z_{2},\ldots,z_{n}, d’où la formule

dη=(nh~z1zndz1dzn+nh~z1¯z2zndz1¯dz2dzn).𝑑𝜂superscript𝑛~subscript𝑧1subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧1𝑑subscript𝑧𝑛superscript𝑛~¯subscript𝑧1subscript𝑧2subscript𝑧𝑛𝑑¯subscript𝑧1𝑑subscript𝑧2𝑑subscript𝑧𝑛d\eta=\left(\frac{\partial^{n}\tilde{h}}{\partial z_{1}\cdots\partial z_{n}}dz_{1}\wedge\ldots\wedge dz_{n}+\frac{\partial^{n}\tilde{h}}{\partial\bar{z_{1}}\partial z_{2}\cdots\partial z_{n}}d\bar{z_{1}}\wedge dz_{2}\ldots\wedge dz_{n}\right). (16)

Le lemme résulte alors de (13) et de (14) avec j=1𝑗1j=1.

Dans le cas où n=2𝑛2n=2, la forme η𝜂\eta définie par (15) n’est plus ΓΓ\Gamma-invariante. En effet, si A=(abcd)Γ𝐴𝑎𝑏𝑐𝑑ΓA=\left(\begin{array}[]{cc}{a}&{b}\\ {c}&{d}\end{array}\right)\in\Gamma, on a

A(η)=η4RFc2c2z2+d2dz2.superscript𝐴𝜂𝜂4subscript𝑅𝐹subscript𝑐2subscript𝑐2subscript𝑧2subscript𝑑2𝑑subscript𝑧2A^{*}(\eta)=\eta-4R_{F}\frac{c_{2}}{c_{2}z_{2}+d_{2}}dz_{2}.

Il convient alors de modifier la définition de η𝜂\eta en (15) en posant cette fois

η:=(h~(z1,z2)z22RFiy2)dz2.assignsuperscript𝜂~subscript𝑧1subscript𝑧2subscript𝑧22subscript𝑅𝐹𝑖subscript𝑦2𝑑subscript𝑧2\eta^{\prime}:=\left(\frac{\partial\tilde{h}(z_{1},z_{2})}{\partial z_{2}\ }-\frac{2R_{F}}{iy_{2}}\right)dz_{2}. (17)

On déduit de l’identité (12) que ηsuperscript𝜂\eta^{\prime} est invariante sous Γ.Γ\Gamma. La formule (16) s’adapte sans difficulté à condition d’ajouter la contribution de

d(2RFiy2dz2)=RFdz2dz¯2y22.𝑑2subscript𝑅𝐹𝑖subscript𝑦2𝑑subscript𝑧2subscript𝑅𝐹𝑑subscript𝑧2𝑑subscript¯𝑧2superscriptsubscript𝑦22d\left(\frac{-2R_{F}}{iy_{2}}dz_{2}\right)=-R_{F}\frac{dz_{2}\wedge d\bar{z}_{2}}{y_{2}^{2}}.

On obtient

(Id+Tv1)ωEis=dη,Idsubscriptsuperscript𝑇subscript𝑣1subscript𝜔Eis𝑑superscript𝜂(\operatorname{Id}+T^{*}_{v_{1}})\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}=d{\eta^{\prime}},

puisque la forme dz1dz¯1/y12𝑑subscript𝑧1𝑑subscript¯𝑧1superscriptsubscript𝑦12dz_{1}\wedge d\bar{z}_{1}/y_{1}^{2} est quant à elle dans le noyau de Id+Tv1.Idsuperscriptsubscript𝑇subscript𝑣1\operatorname{Id}+T_{v_{1}}^{*}. C’est ce calcul qui justifie le terme supplémentaire apparaissant dans la définition (8) de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} lorsque n=2𝑛2n=2. ∎

Pour m0𝑚0m\geq 0, on appelle Cm0(𝒳)superscriptsubscript𝐶𝑚0𝒳C_{m}^{0}(\mathcal{X}) le groupe engendré par les combinaisons linéaires formelles à coefficients dans 𝐙𝐙\mathbf{Z} des cycles différentiables fermés de dimension réelle m𝑚m sur 𝒳𝒳\mathcal{X}. On définit le groupe des périodes de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} par

ΛEis:={CωEis pour CCn0(𝒳)}𝐂.assignsubscriptΛEissubscript𝐶subscript𝜔Eis pour 𝐶superscriptsubscript𝐶𝑛0𝒳𝐂\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}:=\left\{\int_{C}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\quad\mbox{ pour }C\in C_{n}^{0}(\mathcal{X})\right\}\subset\mathbf{C}.
Proposition 1.2.

Le groupe ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est un sous-groupe de 𝐂𝐂\mathbf{C} de rang un, commensurable avec (2iπ)n𝐙superscript2𝑖𝜋𝑛𝐙(2i\pi)^{n}\mathbf{Z}.

Démonstration.

Cette proposition se démontre en trois parties.

(a) On démontre d’abord que le groupe ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est un sous-ensemble discret de 𝐂𝐂\mathbf{C}.

La théorie de Harder [Hard] (cf. le Théorème 6.3, Ch. III, §7 de [Fr] avec m=n𝑚𝑛m=n) fournit la décomposition

Hn(𝒳,𝐂)=Hunivn(𝒳,𝐂)HEisn(𝒳,𝐂)Hcuspn(𝒳,𝐂),superscript𝐻𝑛𝒳𝐂direct-sumsubscriptsuperscript𝐻𝑛univ𝒳𝐂subscriptsuperscript𝐻𝑛Eis𝒳𝐂subscriptsuperscript𝐻𝑛cusp𝒳𝐂H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C})=H^{n}_{\rm univ}(\mathcal{X},\mathbf{C})\oplus H^{n}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\mathcal{X},\mathbf{C})\oplus H^{n}_{\rm cusp}(\mathcal{X},\mathbf{C}), (18)

Hunivn(𝒳,𝐂)subscriptsuperscript𝐻𝑛univ𝒳𝐂H^{n}_{\rm univ}(\mathcal{X},\mathbf{C}) provient des formes différentielles 𝐒𝐋2(𝐑)nsubscript𝐒𝐋2superscript𝐑𝑛{\bf SL}_{2}(\mathbf{R})^{n}-invariantes, HEisn(𝒳,𝐂)subscriptsuperscript𝐻𝑛Eis𝒳𝐂H^{n}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\mathcal{X},\mathbf{C}) est l’espace vectoriel de dimension 111 engendré par [ωEis]delimited-[]subscript𝜔Eis[\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}], et Hcuspn(𝒳,𝐂)subscriptsuperscript𝐻𝑛cusp𝒳𝐂H^{n}_{\rm cusp}(\mathcal{X},\mathbf{C}) provient des formes modulaires cuspidales de poids (2,,2)2.2(2,\ldots,2) sur 𝒳𝒳\mathcal{X}. La décomposition (18) est respectée par l’algèbre de Hecke 𝐓𝐓\mathbf{T}, et les éléments ωHEisn𝜔subscriptsuperscript𝐻𝑛Eis\omega\in H^{n}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} sont caractérisés par les propriétés

Tvjω=ω,Tλω=(Nλ+1)ω, pour tout λ𝒪F.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝑇subscript𝑣𝑗𝜔𝜔subscript𝑇𝜆𝜔N𝜆1𝜔subgroup-of pour tout 𝜆subscript𝒪𝐹T_{v_{j}}^{*}\omega=-\omega,\qquad T_{\lambda}\omega=(\text{N}\lambda+1)\omega,\quad\mbox{ pour tout }\lambda\lhd\mathcal{O}_{F}.

Il en résulte que la projection naturelle Hn(𝒳,𝐂)HEisn(𝒳,𝐂)superscript𝐻𝑛𝒳𝐂subscriptsuperscript𝐻𝑛Eis𝒳𝐂H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C})\rightarrow H^{n}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\mathcal{X},\mathbf{C}) issue de (18) est décrite par un idempotent πEis𝐓𝐐subscript𝜋Eistensor-product𝐓𝐐\pi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\in\mathbf{T}\otimes\mathbf{Q}. Soit ΛΛ\Lambda l’image naturelle de Hn(𝒳,𝐙)subscript𝐻𝑛𝒳𝐙H_{n}(\mathcal{X},\mathbf{Z}) dans le dual Hn(𝒳,𝐂):=Hom(Hn(𝒳,𝐂),𝐂)assignsuperscript𝐻𝑛superscript𝒳𝐂Homsuperscript𝐻𝑛𝒳𝐂𝐂H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C})^{\vee}:=\operatorname{Hom}(H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C}),\mathbf{C}) par l’application des périodes. C’est un sous-groupe discret stable pour l’action de 𝐓𝐓\mathbf{T}. On a de plus

ΛEis=ωEis,πEis(Λ),subscriptΛEissubscript𝜔Eissubscript𝜋EisΛ\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}=\langle\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}},\pi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Lambda)\rangle,

,\langle\ ,\ \rangle désigne l’accouplement naturel entre Hn(𝒳,𝐂)superscript𝐻𝑛𝒳𝐂H^{n}(\mathcal{X},\mathbf{C}) et son dual. Or on a

πEis(Λ)1tΛHEisn(𝒳,𝐂),subscript𝜋EisΛ1𝑡Λsubscriptsuperscript𝐻𝑛Eissuperscript𝒳𝐂\pi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Lambda)\subset\frac{1}{t}\Lambda\cap H^{n}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\mathcal{X},\mathbf{C})^{\vee},

t𝑡t est un entier tel que tπEis𝑡subscript𝜋Eist\pi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} appartient à 𝐓𝐓\mathbf{T}. Par conséquent πEis(Λ)subscript𝜋EisΛ\pi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Lambda) est un sous-groupe discret de HEisn(𝒳,𝐂)subscriptsuperscript𝐻𝑛Eissuperscript𝒳𝐂H^{n}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\mathcal{X},\mathbf{C})^{\vee}, ce qui implique que ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est lui aussi discret.

(b) Le groupe ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est contenu dans (2iπ)n𝐑superscript2𝑖𝜋𝑛𝐑(2i\pi)^{n}\mathbf{R}.

En effet, le Lemme 1.1 implique que

Tv1Tvn([ωEis])=(1)n[ωEis].superscriptsubscript𝑇subscript𝑣1superscriptsubscript𝑇subscript𝑣𝑛delimited-[]subscript𝜔Eissuperscript1𝑛delimited-[]subscript𝜔EisT_{v_{1}}^{*}\cdots T_{v_{n}}^{*}([\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}])=(-1)^{n}[\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}].

Par ailleurs, un calcul direct montre que

Tv1Tvn([ωEis])=[ω¯Eis].superscriptsubscript𝑇subscript𝑣1superscriptsubscript𝑇subscript𝑣𝑛delimited-[]subscript𝜔Eisdelimited-[]subscript¯𝜔EisT_{v_{1}}^{*}\cdots T_{v_{n}}^{*}([\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}])=[\bar{\omega}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}].

On en déduit que [ω¯Eis]=(1)n[ωEis]delimited-[]subscript¯𝜔Eissuperscript1𝑛delimited-[]subscript𝜔Eis[\bar{\omega}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}]=(-1)^{n}[\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}]. Les périodes de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} appartiennent donc bien à (2iπ)n𝐑superscript2𝑖𝜋𝑛𝐑(2i\pi)^{n}\mathbf{R}.

(c) Fin de la démonstration

Les parties (a) et (b) montrent que ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est de rang au plus un. Pour montrer qu’il est non-trivial et déterminer sa classe de commensurabilité, il suffit de calculer une période non-nulle de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}. Pour cela, on fixe Y1,,Yn𝐑>0subscript𝑌1subscript𝑌𝑛superscript𝐑absent0Y_{1},\ldots,Y_{n}\in\mathbf{R}^{>0} et l’on considère les droites horizontales Ljjsubscript𝐿𝑗subscript𝑗L_{j}\subset\mathcal{H}_{j} formées des zjsubscript𝑧𝑗z_{j} dont la partie imaginaire est égale à Yjsubscript𝑌𝑗Y_{j}. La région

R:=L1××Lnassignsubscript𝑅subscript𝐿1subscript𝐿𝑛R_{\infty}:=L_{1}\times\cdots\times L_{n}

est préservée par le sous-groupe des translations ΓΓ.subscriptΓΓ\Gamma_{\infty}\subset\Gamma. Soit Dsubscript𝐷D_{\infty} un domaine fondamental compact pour cette action. Son image dans 𝒳𝒳\mathcal{X} est un cycle fermé de dimension n𝑛n. La forme différentielle ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\rm Eis} peut s’intégrer terme à terme sur Dsubscript𝐷D_{\infty} à partir de la formule (7). Seul le terme constant dans la définition de E2subscript𝐸2E_{2} apporte une contribution non-nulle à l’intégrale, puisque les autres termes sont des multiples de caractères non-triviaux de R/Γsubscript𝑅subscriptΓR_{\infty}/\Gamma_{\infty}. Comme le volume de R/Γsubscript𝑅subscriptΓR_{\infty}/\Gamma_{\infty} est égal à dFsubscript𝑑𝐹\sqrt{d_{F}}, on en déduit que

DωEis=(2iπ)nζF(1).subscriptsubscript𝐷subscript𝜔Eissuperscript2𝑖𝜋𝑛subscript𝜁𝐹1\int_{D_{\infty}}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}=(2i\pi)^{n}\zeta_{F}(-1).

Ceci achève la démonstration, puisque ζF(1)subscript𝜁𝐹1\zeta_{F}(-1) appartient à 𝐐×superscript𝐐\mathbf{Q}^{\times}. ∎

1.2 Extensions quadratiques et séries L𝐿L associées

Soit K𝐾K une extension quadratique de F𝐹F. Pour chaque 1jn1𝑗𝑛1\leq j\leq n, la 𝐑𝐑\mathbf{R}-algèbre KF,vj𝐑subscripttensor-product𝐹subscript𝑣𝑗𝐾𝐑K\otimes_{F,v_{j}}\mathbf{R} est isomorphe soit à 𝐂𝐂\mathbf{C}, soit à 𝐑𝐑direct-sum𝐑𝐑\mathbf{R}\oplus\mathbf{R}. On fixe une telle identification, que l’on appelle aussi vjsubscript𝑣𝑗v_{j} par abus de notation. Lorsque K𝐾K est un corps CM, la donnée de (v1,,vn)subscript𝑣1subscript𝑣𝑛(v_{1},\ldots,v_{n}) correspond au choix d’un type CM associé à K𝐾K. On sait à quel point cette donnée supplémentaire joue un rôle important dans la théorie de la multiplication complexe pour les extensions CM de F𝐹F.

On munit les 𝐑𝐑\mathbf{R}-espaces vectoriels 𝐂𝐂\mathbf{C} et 𝐑𝐑direct-sum𝐑𝐑\mathbf{R}\oplus\mathbf{R} de l’orientation standard dans laquelle une orientation positive est assignée aux bases (1,i)1𝑖(1,i) et ((1,0),(0,1))1.00.1((1,0),(0,1)) de 𝐂𝐂\mathbf{C} et 𝐑𝐑direct-sum𝐑𝐑\mathbf{R}\oplus\mathbf{R} respectivement. Une base de K𝐾K (vu comme espace vectoriel sur F𝐹F de dimension 222) est alors dite positive si ses images dans 𝐂𝐂\mathbf{C} et 𝐑𝐑direct-sum𝐑𝐑\mathbf{R}\oplus\mathbf{R} par les plongements vjsubscript𝑣𝑗v_{j} sont orientées positivement. On remarque en particulier que la base (1,τ)1𝜏(1,\tau) de K𝐾K sur F𝐹F est positive si et seulement si:

  1. 1.

    On a τj>τjsuperscriptsubscript𝜏𝑗subscript𝜏𝑗\tau_{j}^{\prime}>\tau_{j} pour toute place réelle vjsubscript𝑣𝑗v_{j} de F𝐹F;

  2. 2.

    La partie imaginaire de τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j} est strictement positive pour toute place complexe vjsubscript𝑣𝑗v_{j}.

Soit I𝐼I un idéal de l’anneau 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}. On se permet de désigner par le même symbole l’idéal I𝒪K𝐼subscript𝒪𝐾I\mathcal{O}_{K} de K𝐾K.

On maintiendra tout au long de cet article l’hypothèse que F𝐹F a pour nombre de classes 111 au sens étroit. Par contre, il est souhaitable de ne pas avoir à faire d’hypothèse semblable sur le corps K𝐾K. On généralise la définition (2) du groupe 𝒢Isubscript𝒢𝐼\mathcal{G}_{I} de l’introduction, en le définissant comme un quotient approprié du groupe 𝐀K×superscriptsubscript𝐀𝐾\mathbf{A}_{K}^{\times} des idèles de K𝐾K. Pour chaque place non-archimédienne v𝑣v de K𝐾K, on appelle 𝒪vsubscript𝒪𝑣\mathcal{O}_{v} l’anneau des entiers du corps local Kvsubscript𝐾𝑣K_{v}, et l’on pose

𝒢I:=𝐀K×/(vUv)K×,assignsubscript𝒢𝐼superscriptsubscript𝐀𝐾subscriptproduct𝑣subscript𝑈𝑣superscript𝐾\mathcal{G}_{I}:=\mathbf{A}_{K}^{\times}/(\prod_{v}U_{v})K^{\times},

avec

Uv={𝐑>0× si v est réelle;𝐂× si v est complexe;𝒪v× si vI;1+I𝒪v si v|I.subscript𝑈𝑣casessuperscriptsubscript𝐑absent0 si 𝑣 est réellesuperscript𝐂 si 𝑣 est complexesuperscriptsubscript𝒪𝑣not-divides si 𝑣𝐼1𝐼subscript𝒪𝑣conditional si 𝑣𝐼U_{v}=\left\{\begin{array}[]{ll}\mathbf{R}_{>0}^{\times}&\mbox{ si }v\mbox{ est r\'{e}elle};\\ \mathbf{C}^{\times}&\mbox{ si }v\mbox{ est complexe};\\ \mathcal{O}_{v}^{\times}&\mbox{ si }v\nmid I;\\ 1+I\mathcal{O}_{v}&\mbox{ si }v|I.\end{array}\right.

Comme dans l’introduction, la loi de réciprocité du corps de classes donne un isomorphisme rec:𝒢IGal(H/K):recsubscript𝒢𝐼Gal𝐻𝐾\operatorname{rec}:\mathcal{G}_{I}{\longrightarrow}{\rm Gal}(H/K), où H𝐻H est le corps de classes de rayon de K𝐾K au sens restreint associé à I𝐼I.

Le sous-corps F𝐹F permet d’introduire un sous-groupe 𝒢I+𝒢Isuperscriptsubscript𝒢𝐼subscript𝒢𝐼\mathcal{G}_{I}^{+}\subset\mathcal{G}_{I}, défini comme l’image naturelle dans 𝒢Isubscript𝒢𝐼\mathcal{G}_{I} du groupe 𝐀F×superscriptsubscript𝐀𝐹\mathbf{A}_{F}^{\times}. Le sous-corps HIsubscript𝐻𝐼H_{I} de H𝐻H fixé par rec(𝒢I+)recsuperscriptsubscript𝒢𝐼\operatorname{rec}(\mathcal{G}_{I}^{+}) s’appelle le corps de classes d’anneau associé à I𝐼I et K/F𝐾𝐹K/F. On a donc l’isomorphisme de réciprocité

rec:GIGal(HI/K),où GI:=𝐀K×/(𝐀F×vUvK×).:recformulae-sequencesubscript𝐺𝐼Galsubscript𝐻𝐼𝐾assignoù subscript𝐺𝐼superscriptsubscript𝐀𝐾superscriptsubscript𝐀𝐹subscriptproduct𝑣subscript𝑈𝑣superscript𝐾\operatorname{rec}:G_{I}{\longrightarrow}{\rm Gal}(H_{I}/K),\quad\mbox{o\`{u} }G_{I}:=\mathbf{A}_{K}^{\times}/(\mathbf{A}_{F}^{\times}\prod_{v}U_{v}K^{\times}).

Un 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}-ordre de K𝐾K est un sous-anneau de K𝐾K qui contient 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F} et qui est localement libre de rang 222 sur 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F} (donc libre, puisque h(F)=1𝐹1h(F)=1). On désigne par 𝒪I:=𝒪F+I𝒪Kassignsubscript𝒪𝐼subscript𝒪𝐹𝐼subscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{I}:=\mathcal{O}_{F}+I\mathcal{O}_{K} l’ordre de K𝐾K de conducteur I𝐼I, et l’on appelle

𝒪^I=v𝒪I𝒪F,vsubscript^𝒪𝐼subscriptproductnot-divides𝑣tensor-productsubscript𝒪𝐼subscript𝒪𝐹𝑣\hat{\mathcal{O}}_{I}=\prod_{v\nmid\infty}\mathcal{O}_{I}\otimes\mathcal{O}_{F,v}

son adélisation. On a alors

GI=𝐀K×/(𝒪^I×v|UvK×).subscript𝐺𝐼superscriptsubscript𝐀𝐾superscriptsubscript^𝒪𝐼subscriptproductconditional𝑣subscript𝑈𝑣superscript𝐾G_{I}=\mathbf{A}_{K}^{\times}/(\hat{\mathcal{O}}_{I}^{\times}\prod_{v|\infty}U_{v}K^{\times}).

Ce quotient est en bijection naturelle avec le groupe Pic+(𝒪I)superscriptPicsubscript𝒪𝐼\operatorname{Pic}^{+}(\mathcal{O}_{I}) des modules projectifs de rang 1 sur 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I} dans K𝐾K, modulo l’équivalence au sens restreint. (Deux modules projectifs M1subscript𝑀1M_{1} et M2subscript𝑀2M_{2} sur 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I} sont dits équivalents au sens restreint s’il existe un élément totalement positif kK+×𝑘superscriptsubscript𝐾k\in K_{+}^{\times} tel que M2=kM1subscript𝑀2𝑘subscript𝑀1M_{2}=kM_{1}). On associe en effet à tout αGI𝛼subscript𝐺𝐼\alpha\in G_{I} un 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module MK𝑀𝐾M\subset K en posant

Mα:=α𝒪^IK.assignsuperscript𝑀𝛼𝛼subscript^𝒪𝐼𝐾M^{\alpha}:=\alpha\hat{\mathcal{O}}_{I}\cap K.

L’application αMαmaps-to𝛼superscript𝑀𝛼\alpha\mapsto M^{\alpha} fournit une bijection naturelle entre GIsubscript𝐺𝐼G_{I} et les classes d’équivalence au sens restreint de 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-modules projectifs:

GI{Classes d’équivalenceau sens restreintde 𝒪I-modules projectifs}.superscriptsimilar-tosubscript𝐺𝐼Classes d’équivalenceau sens restreintde 𝒪I-modules projectifsG_{I}\,{\stackrel{{\scriptstyle\sim}}{{\rightarrow}}}\left\{\begin{array}[]{l}\mbox{Classes d'\'{e}quivalence}\\ \mbox{au sens restreint}\\ \mbox{de $\mathcal{O}_{I}$-modules projectifs}\end{array}\right\}. (19)

Soit V:=𝒪I,1×𝒪I×assign𝑉superscriptsubscript𝒪𝐼.1superscriptsubscript𝒪𝐼V:=\mathcal{O}_{I,1}^{\times}\subset\mathcal{O}_{I}^{\times} le groupe des unités de 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I} de norme 111 sur 𝐐𝐐\mathbf{Q}. Il laisse stable le module M𝑀M. On a la suite exacte

0V1V𝒪F,1×,0subscript𝑉1𝑉superscriptsubscript𝒪𝐹.10{\longrightarrow}V_{1}{\longrightarrow}V{\longrightarrow}\mathcal{O}_{F,1}^{\times},

V1subscript𝑉1V_{1} désigne le sous-groupe des unités de V𝑉V de norme relative 111 sur F𝐹F. On note alors V~~𝑉{\tilde{V}} le sous-groupe de V𝑉V engendré par V1subscript𝑉1V_{1} et 𝒪F×superscriptsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}^{\times}, et l’on pose

δI:=[V:V~].\delta_{I}:=[V:{\tilde{V}}].

Cet indice est un diviseur de 2nsuperscript2𝑛2^{n}. On définit finalement la fonction L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) associée à un 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif M𝑀M en posant

L(M,s):=(NM)sδIxM/Vsigne(NK/𝐐(x))|NK/𝐐(x)|s.assign𝐿𝑀𝑠superscriptN𝑀𝑠subscript𝛿𝐼subscript𝑥𝑀𝑉signesubscript𝑁𝐾𝐐𝑥superscriptsubscriptN𝐾𝐐𝑥𝑠L(M,s):=(\text{N}M)^{s}\delta_{I}\!\!\sum_{x\in M/V}\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\!\textrm{signe}(N_{K/\mathbf{Q}}(x))|\text{N}_{K/\mathbf{Q}}(x)|^{-s}. (20)
Remarque 1.3.

a)

Parce que signe(NK/𝐐(x))=1signesubscript𝑁𝐾𝐐𝑥1\operatorname{signe}(N_{K/\mathbf{Q}}(x))=1 quand K𝐾K est quadratique imaginaire, il en résulte que la définition (20) généralise l’équation (3) de l’introduction.

b) Quand K𝐾K est une extension ATR de F𝐹F ayant v1subscript𝑣1v_{1} pour unique place complexe, la fonction L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) est un multiple rationnel non-nul de la somme de fonctions L𝐿L partielles de Hurwitz de l’introduction. Plus précisément, si a𝑎a est un générateur de 𝒪K/(𝒪F,I)subscript𝒪𝐾subscript𝒪𝐹𝐼\mathcal{O}_{K}/(\mathcal{O}_{F},I) en tant que (𝒪F/I)subscript𝒪𝐹𝐼(\mathcal{O}_{F}/I)-module, et que Masubscript𝑀𝑎M_{a} désigne le 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif

Ma:={x𝒪Ktel qu’il existe r𝒪F avec xra(modI)},assignsubscript𝑀𝑎formulae-sequence𝑥subscript𝒪𝐾tel qu’il existe 𝑟subscript𝒪𝐹 avec 𝑥annotated𝑟𝑎pmod𝐼M_{a}:=\{x\in\mathcal{O}_{K}\quad\mbox{tel qu'il existe }r\in\mathcal{O}_{F}\mbox{ avec }x\equiv ra\pmod{I}\},

alors

L(Ma,s)=δIr(𝒪F/I𝒪F)L(ra,I,s).𝐿subscript𝑀𝑎𝑠subscript𝛿𝐼subscript𝑟subscript𝒪𝐹𝐼subscript𝒪𝐹𝐿𝑟𝑎𝐼𝑠L(M_{a},s)=\delta_{I}\!\!\sum_{r\in(\mathcal{O}_{F}/I\mathcal{O}_{F})}L(ra,I,s). (21)

Comme dans l’introduction, on vérifie que la fonction L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) ne dépend que de la classe d’équivalence de M𝑀M au sens restreint, puisque

L(λM,s)=signe(NK/𝐐(λ))L(M,s).𝐿𝜆𝑀𝑠signesubscript𝑁𝐾𝐐𝜆𝐿𝑀𝑠L(\lambda M,s)=\textrm{signe}(N_{K/\mathbf{Q}}(\lambda))L(M,s).

Dans les Sections 2 et 3 qui suivent, nous allons exprimer les valeurs spéciales L(M,0)𝐿𝑀.0L(M,0) quand K𝐾K est totalement réel, et les dérivées L(M,0)superscript𝐿𝑀.0L^{\prime}(M,0) quand K𝐾K est ATR, en fonction de périodes appropriées de la forme différentielle ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.

2 Extensions quadratiques totalement réelles et valeurs de fonctions L𝐿L

On supposera dans cette section que l’extension quadratique K𝐾K de F𝐹F est totalement réelle. On veut rappeler un théorème qui apparaît dans la thèse du premier auteur et qui donne une formule explicite pour L(M,0)𝐿𝑀.0L(M,0) dans ce cas.

L’hypothèse que F𝐹F a nombre de classes 111 au sens restreint implique que le module M𝑀M est libre de rang 222 comme module sur 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}, et qu’il existe une 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}-base (ω1,ω2)subscript𝜔1subscript𝜔2(\omega_{1},\omega_{2}) de M.𝑀M. On suppose que cette base est choisie de sorte que (1,ω2/ω1)1subscript𝜔2subscript𝜔1(1,\omega_{2}/\omega_{1}) soit orientée positivement. L’invariant τ:=ω2/ω1assign𝜏subscript𝜔2subscript𝜔1\tau:=\omega_{2}/\omega_{1} appartient à K×superscript𝐾K^{\times}, et il ne dépend que de la classe d’équivalence de M𝑀M au sens restreint, à l’action de ΓΓ\Gamma près. Le groupe ΓτΓsubscriptΓ𝜏Γ\Gamma_{\tau}\subset\Gamma formé des matrices qui fixent τ𝜏\tau est un groupe de rang n𝑛n (modulo torsion), que l’application

A=(abcd)cτ+d𝐴𝑎𝑏𝑐𝑑maps-to𝑐𝜏𝑑A=\left(\begin{array}[]{cc}{a}&{b}\\ {c}&{d}\end{array}\right)\mapsto c\tau+d

identifie avec le sous-groupe V1subscript𝑉1V_{1} des unités de V𝑉V de norme relative 111 sur F𝐹F. Pour chaque 1jn1𝑗𝑛1\leq j\leq n, on pose

(τj,τj):=vj(τ)𝐑×𝐑,assignsubscript𝜏𝑗superscriptsubscript𝜏𝑗subscript𝑣𝑗𝜏𝐑𝐑(\tau_{j},\tau_{j}^{\prime}):=v_{j}(\tau)\in\mathbf{R}\times\mathbf{R},

et l’on appelle ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j} la géodésique hyperbolique sur jsubscript𝑗\mathcal{H}_{j} joignant τjsuperscriptsubscript𝜏𝑗\tau_{j}^{\prime} à τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j}, orientée dans le sens allant de τjsuperscriptsubscript𝜏𝑗\tau_{j}^{\prime} à τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j}. Le produit

Rτ=Υ1×Υ2××Υnnsubscript𝑅𝜏subscriptΥ1subscriptΥ2subscriptΥ𝑛superscript𝑛R_{\tau}=\Upsilon_{1}\times\Upsilon_{2}\times\cdots\times\Upsilon_{n}\subset\mathcal{H}^{n}

est un espace contractile homéomorphe à 𝐑nsuperscript𝐑𝑛\mathbf{R}^{n}. On le munit de l’orientation naturelle héritée des ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j}. Le groupe ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} opère sur Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau} par transformations de Möbius, et le quotient Γτ\Rτ\subscriptΓ𝜏subscript𝑅𝜏\Gamma_{\tau}\backslash R_{\tau} est compact, isomorphe à un tore réel de dimension n𝑛n. Soit ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} un domaine fondamental pour l’action de ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} sur Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau}. On identifie ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} avec son image dans 𝒳𝒳\mathcal{X}, qui est un cycle fermé dans ce quotient.

Théorème 2.1.

Pour tout 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif M𝑀M dans K,𝐾K, on a:

(2)nΔτωEis=(2iπ)nL(M,0).superscript2𝑛subscriptsubscriptΔ𝜏subscript𝜔Eissuperscript2𝑖𝜋𝑛𝐿𝑀.0(-2)^{n}\int_{\Delta_{\tau}}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}=(2i\pi)^{n}L(M,0). (22)
Démonstration.

C’est une conséquence du corollaire 7.2 qui est démontré dans la dernière partie de cet article. Puisque K𝐾K est une extension quadratique totalement réelle de F,𝐹F, on choisit r=n2𝑟𝑛2r=n\geq 2 et c=0𝑐0c=0 dans la formule (55). Elle s’écrit alors

L(M,0)=inπnΔτnh~(z1,,zn)z1zn𝑑z1𝑑zn.𝐿𝑀.0superscript𝑖𝑛superscript𝜋𝑛subscriptsubscriptΔ𝜏superscript𝑛~subscript𝑧1subscript𝑧𝑛subscript𝑧1subscript𝑧𝑛differential-dsubscript𝑧1differential-dsubscript𝑧𝑛L(M,0)=\frac{i^{n}}{\pi^{n}}\int_{\Delta_{\tau}}\frac{\partial^{n}\tilde{h}(z_{1},\ldots,z_{n})}{\partial z_{1}\cdots\partial z_{n}}dz_{1}\cdots dz_{n}. (23)

D’après l’identité (13), on en déduit que

L(M,0)=inπnΔτ(2iπ)ndFωE2.𝐿𝑀.0superscript𝑖𝑛superscript𝜋𝑛subscriptsubscriptΔ𝜏superscript2𝑖𝜋𝑛subscript𝑑𝐹subscript𝜔subscript𝐸2L(M,0)=\frac{i^{n}}{\pi^{n}}\int_{\Delta_{\tau}}\frac{(2i\pi)^{n}}{\sqrt{d_{F}}}\omega_{E_{2}}. (24)

La formule (22) en résulte immédiatement lorsque n>2𝑛2n>2 vu la définition (8) de ωEis.subscript𝜔Eis\omega_{\textrm{Eis}}. Cette formule reste encore valable pour n=2𝑛2n=2 puisque les intégrales des formes dz1dz¯1/y12𝑑subscript𝑧1𝑑subscript¯𝑧1superscriptsubscript𝑦12dz_{1}\wedge d\bar{z}_{1}/y_{1}^{2} et dz2dz¯2/y22𝑑subscript𝑧2𝑑subscript¯𝑧2superscriptsubscript𝑦22dz_{2}\wedge d\bar{z}_{2}/y_{2}^{2} sur le cycle ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} sont nulles. ∎


Corollaire 2.2.

Pour tout réseau M𝑀M dans K𝐾K, les valeurs spéciales L(M,0)𝐿𝑀.0L(M,0) sont rationnelles. Plus précisément, il existe une constante entière eF,subscript𝑒𝐹e_{F}, ne dépendant que du corps F𝐹F et pas de l’extension K𝐾K ni de M,𝑀M, telle que eFL(M,0)𝐙.subscript𝑒𝐹𝐿𝑀.0𝐙e_{F}L(M,0)\in\mathbf{Z}.

Démonstration.

Cela résulte de ce que les périodes de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}, d’après la Proposition 1.2, appartiennent à un réseau ΛEis(2iπ)n𝐐subscriptΛEissuperscript2𝑖𝜋𝑛𝐐\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\subset(2i\pi)^{n}\mathbf{Q} qui ne dépend que du corps F.𝐹F.

3 Extensions quadratiques ATR et dérivées de fonctions L𝐿L

On suppose dans cette section que l’extension quadratique K𝐾K de F𝐹F est ATR, et que v1subscript𝑣1v_{1} se prolonge en une place complexe de K𝐾K. On veut donner dans ce cas une formule explicite pour L(M,0),superscript𝐿𝑀.0L^{\prime}(M,0), lorsque M𝑀M est un 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif dans K𝐾K.

Comme dans la section précédente, on pose τ:=ω2/ω1assign𝜏subscript𝜔2subscript𝜔1\tau:=\omega_{2}/\omega_{1}, où (ω1,ω2)subscript𝜔1subscript𝜔2(\omega_{1},\omega_{2}) est une 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}-base positive de M𝑀M, choisie de sorte que (1,τ)1𝜏(1,\tau) soit positivement orientée. On pose ensuite

{τ1:=v1(τ)1(τj,τj):=vj(τ)𝐑×𝐑, pour j=2,,n.casesassignsubscript𝜏1subscript𝑣1𝜏absentsubscript1missing-subexpressionassignsubscript𝜏𝑗superscriptsubscript𝜏𝑗subscript𝑣𝑗𝜏absent𝐑𝐑 pour 𝑗2𝑛\left\{\begin{array}[]{lll}\tau_{1}:=v_{1}(\tau)&\in\mathcal{H}_{1}&\\ (\tau_{j},\tau_{j}^{\prime}):=v_{j}(\tau)&\in\mathbf{R}\times\mathbf{R},&\mbox{ pour }j=2,\ldots,n.\end{array}\right.

Le nombre complexe τ1subscript𝜏1\tau_{1} appartient alors à 1subscript1\mathcal{H}_{1}. Pour chaque 2jn2𝑗𝑛2\leq j\leq n, on appelle ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j} la géodésique hyperbolique de jsubscript𝑗\mathcal{H}_{j} joignant τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j} à τjsuperscriptsubscript𝜏𝑗\tau_{j}^{\prime}, orientée dans le sens allant de τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j} à τjsuperscriptsubscript𝜏𝑗\tau_{j}^{\prime}. Le produit

Rτ={τ1}×Υ2××Υnnsubscript𝑅𝜏subscript𝜏1subscriptΥ2subscriptΥ𝑛superscript𝑛R_{\tau}=\{\tau_{1}\}\times\Upsilon_{2}\times\cdots\times\Upsilon_{n}\subset\mathcal{H}^{n}

est un espace contractile homéomorphe à 𝐑n1superscript𝐑𝑛1\mathbf{R}^{n-1}, que l’on munit de l’orientation naturelle héritée des ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j}. Le stabilisateur ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} de τ𝜏\tau dans ΓΓ\Gamma est un groupe de rang (n1)𝑛1(n-1) modulo torsion, que l’on peut identifier avec le sous-groupe d’unités relatives V1subscript𝑉1V_{1} introduit précédemment. Il opère sur Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau} par transformations de Möbius, et le quotient Γτ\Rτ\subscriptΓ𝜏subscript𝑅𝜏\Gamma_{\tau}\backslash R_{\tau} est compact, isomorphe à un tore réel de dimension (n1)𝑛1(n-1). Soit ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} un domaine fondamental pour l’action de ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} sur Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau}. On identifie ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} avec son image dans 𝒳𝒳\mathcal{X}, qui est un cycle fermé de dimension (n1)𝑛1(n-1) dans ce quotient.

Lemme 3.1.

La classe de ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} dans Hn1(𝒳,𝐙)subscript𝐻𝑛1𝒳𝐙H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{Z}) est de torsion. En particulier, il existe une n𝑛n-chaîne différentiable Cτsubscript𝐶𝜏C_{\tau} à coefficients dans 𝐐𝐐\mathbf{Q} telle que

Cτ=Δτ.subscript𝐶𝜏subscriptΔ𝜏\partial C_{\tau}=\Delta_{\tau}. (25)
Démonstration.

Le sous-groupe de torsion de Hn1(𝒳,𝐙)subscript𝐻𝑛1𝒳𝐙H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{Z}) s’identifie avec le noyau de l’application naturelle Hn1(𝒳,𝐙)Hn1(𝒳,𝐐)subscript𝐻𝑛1𝒳𝐙subscript𝐻𝑛1𝒳𝐐H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{Z}){\longrightarrow}H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{Q}). Lorsque n𝑛n est pair, le Lemme 3.1 résulte de ce que Hn1(𝒳,𝐐)=0subscript𝐻𝑛1𝒳𝐐0H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{Q})=0 (cf. [Fr], Ch. III). De même, lorsque n=2m+1𝑛2𝑚1n=2m+1 est impair, le groupe Hn1(𝒳,𝐂)superscript𝐻𝑛1𝒳𝐂H^{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{C}) est engendré par les classes des (nm)𝑛𝑚\left(\begin{array}[]{l}n\\ m\end{array}\right) formes différentielles du type

ηS:=jSdzjdz¯jyj2,S{1,,n},#S=m.formulae-sequenceassignsubscript𝜂𝑆subscript𝑗𝑆𝑑subscript𝑧𝑗𝑑subscript¯𝑧𝑗superscriptsubscript𝑦𝑗2formulae-sequence𝑆1𝑛#𝑆𝑚\eta_{S}:=\bigwedge_{j\in S}\frac{dz_{j}\wedge d\bar{z}_{j}}{y_{j}^{2}},\qquad S\subset\{1,\ldots,n\},\quad\#S=m.

Or on voit que les restrictions de ces classes sur ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} (et même sur les régions Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau}) sont nulles, puisque la projection de Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau} sur chaque facteur jsubscript𝑗\mathcal{H}_{j} est de dimension réelle 00 ou 111. On en déduit par la dualité de Poincaré que l’image de ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} dans Hn1(𝒳,𝐂)subscript𝐻𝑛1𝒳𝐂H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{C}) est nulle. ∎

On introduit ωEis+=12(Id+Tv1)ωEissuperscriptsubscript𝜔Eis12Idsuperscriptsubscript𝑇subscript𝑣1subscript𝜔Eis\omega_{\rm Eis}^{+}=\frac{1}{2}(\operatorname{Id}+T_{v_{1}}^{*})\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} la projection de la forme différentielle ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} sur l’espace propre de Tv1superscriptsubscript𝑇subscript𝑣1T_{v_{1}}^{*} associé à la valeur propre +1,1+1, autrement dit la “partie réelle pour la place v1subscript𝑣1v_{1}” de la forme ωEis.subscript𝜔Eis\omega_{\rm Eis}.

Théorème 3.2.

Soit M𝑀M un 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif associé à τK𝜏𝐾\tau\in K. L’intégrale de ωEis+superscriptsubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{+} sur Cτsubscript𝐶𝜏C_{\tau} ne dépend pas du choix de Cτsubscript𝐶𝜏C_{\tau} vérifiant (25), et l’on a

(2)n1CτωEis+=(2iπ)n1L(M,0).superscript2𝑛1subscriptsubscript𝐶𝜏superscriptsubscript𝜔Eissuperscript2𝑖𝜋𝑛1superscript𝐿𝑀.0(-2)^{n-1}\int_{C_{\tau}}\omega_{\mathrm{Eis}}^{+}=(2i\pi)^{n-1}L^{\prime}(M,0). (26)
Démonstration.

La première assertion découle du fait que ωEis+superscriptsubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{+} est exacte: le Lemme 1.1 montre que ωEis+=dη/2.superscriptsubscript𝜔Eis𝑑𝜂2\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{+}=d\eta/2. Le calcul se poursuit en utilisant le théorème de Stokes pour obtenir

CτωEis+=Δτη2.subscriptsubscript𝐶𝜏superscriptsubscript𝜔EissubscriptsubscriptΔ𝜏𝜂2\int_{C_{\tau}}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{+}=\int_{\Delta_{\tau}}\frac{\eta}{2}. (27)

Supposons tout d’abord que n>2,𝑛2n>2, de sorte que η𝜂\eta est la (n1𝑛1n-1)-forme holomorphe sur 𝒳𝒳\mathcal{X} donnée par la formule (15). Comme K𝐾K est une extension ATR, on choisit ici r=n12𝑟𝑛12r=n-1\geq 2 et c=1𝑐1c=1 dans le corollaire 7.2.i). La formule correspondante s’écrit

L(M,0)=in12πn1Δτη,superscript𝐿𝑀.0superscript𝑖𝑛12superscript𝜋𝑛1subscriptsubscriptΔ𝜏𝜂L^{\prime}(M,0)=\frac{i^{n-1}}{2\pi^{n-1}}\int_{\Delta_{\tau}}\eta, (28)

ce qui permet de conclure.

Il reste à traiter le cas où n=2𝑛2n=2 en faisant cette fois appel au corollaire 7.2.ii). On choisit r=1𝑟1r=1 et c=1𝑐1c=1 dans la formule (56) qui s’écrit

L(M,0)=i2πΔτ(h~z24RFz2z¯2)𝑑z2.superscript𝐿𝑀.0𝑖2𝜋subscriptsubscriptΔ𝜏~subscript𝑧24subscript𝑅𝐹subscript𝑧2subscript¯𝑧2differential-dsubscript𝑧2L^{\prime}(M,0)=\frac{i}{2\pi}\int_{\Delta_{\tau}}\left(\frac{\partial\tilde{h}}{\partial z_{2}}-\frac{4R_{F}}{z_{2}-\bar{z}_{2}}\right)dz_{2}.

Au vu de la définition (17) de la forme η𝜂\eta pour n=2,𝑛2n=2, cette égalité se réduit à

Δτη=(2iπ)L(M,0).subscriptsubscriptΔ𝜏𝜂2𝑖𝜋superscript𝐿𝑀.0\int_{\Delta_{\tau}}-\eta=(2i\pi)L^{\prime}(M,0).

La formule de Stokes permet de nouveau de conclure à la formule souhaitée. ∎

4 Application d’Abel-Jacobi et unités de Stark

Quand on combine le Théorème 3.2 avec la Conjecture 1 de Stark, on obtient la formule conjecturale suivante pour le logarithme du module de l’unité de Stark:

eI(2)n1CτωEis+=2δI(2iπ)n1log|v~1(uτ)|,subscript𝑒𝐼superscript2𝑛1subscriptsubscript𝐶𝜏superscriptsubscript𝜔Eis2subscript𝛿𝐼superscript2𝑖𝜋𝑛1subscript~𝑣1subscript𝑢𝜏e_{I}(-2)^{n-1}\int_{C_{\tau}}\omega_{\rm Eis}^{+}=2\delta_{I}(2i\pi)^{n-1}\log|{\tilde{v}_{1}}(u_{\tau})|, (29)

eIsubscript𝑒𝐼e_{I} désigne l’ordre du groupe des racines de l’unité dans HI.subscript𝐻𝐼H_{I}. Pour relever l’invariant réel log|v~1(uτ)|=Re (logv~1(uτ))subscript~𝑣1subscript𝑢𝜏Re subscript~𝑣1subscript𝑢𝜏\log|{\tilde{v}_{1}}(u_{\tau})|=\textrm{Re }(\log{\tilde{v}_{1}}(u_{\tau})) en un invariant complexe bien défini modulo 2iπ𝐙2𝑖𝜋𝐙2i\pi\mathbf{Z}, il suffira de remplacer dans la formule (29) la différentielle exacte ωEis+superscriptsubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{+} par la forme différentielle ωEis.subscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.

Pour tout m0𝑚0m\geq 0, on désigne par Cm(𝒳)subscript𝐶𝑚𝒳C_{m}(\mathcal{X}) le groupe engendré par les combinaisons linéaires formelles à coefficients dans 𝐙𝐙\mathbf{Z} des chaînes différentiables de dimension réelle m𝑚m sur 𝒳𝒳\mathcal{X}, et l’on désigne par Cm0(𝒳)superscriptsubscript𝐶𝑚0𝒳C_{m}^{0}(\mathcal{X}) et Cm00(𝒳)superscriptsubscript𝐶𝑚00𝒳C_{m}^{00}(\mathcal{X}) les sous-groupes engendrés par les cycles différentiables fermés et homologues à zéro respectivement:

Cm0(𝒳)superscriptsubscript𝐶𝑚0𝒳\displaystyle C_{m}^{0}(\mathcal{X}) :=assign\displaystyle:= {ΔCm(𝒳) tel que Δ=0}.Δsubscript𝐶𝑚𝒳 tel que Δ0\displaystyle\{\Delta\in C_{m}(\mathcal{X})\mbox{ tel que }\partial\Delta=0\}.
Cm00(𝒳)superscriptsubscript𝐶𝑚00𝒳\displaystyle C_{m}^{00}(\mathcal{X}) :=assign\displaystyle:= {ΔCm(𝒳) tel qu’il existe CCm+1(𝒳) avec C=Δ}.Δsubscript𝐶𝑚𝒳 tel qu’il existe 𝐶subscript𝐶𝑚1𝒳 avec 𝐶Δ\displaystyle\{\Delta\in C_{m}(\mathcal{X})\mbox{ tel qu'il existe }C\in C_{m+1}(\mathcal{X})\mbox{ avec }\partial C=\Delta\}.

On pose aussi

C~m00(𝒳):={ΔCm(𝒳) tel qu’il existe CCm+1(𝒳)𝐐 avec C=Δ}.assignsuperscriptsubscript~𝐶𝑚00𝒳Δsubscript𝐶𝑚𝒳 tel qu’il existe 𝐶tensor-productsubscript𝐶𝑚1𝒳𝐐 avec 𝐶Δ{\tilde{C}}_{m}^{00}(\mathcal{X}):=\{\Delta\in C_{m}(\mathcal{X})\mbox{ tel qu'il existe }C\in C_{m+1}(\mathcal{X})\otimes\mathbf{Q}\mbox{ avec }\partial C=\Delta\}.

On sait que Cn10(𝒳)/Cn100(𝒳)=Hn1(𝒳,𝐙)superscriptsubscript𝐶𝑛10𝒳superscriptsubscript𝐶𝑛100𝒳subscript𝐻𝑛1𝒳𝐙C_{n-1}^{0}(\mathcal{X})/C_{n-1}^{00}(\mathcal{X})=H_{n-1}(\mathcal{X},\mathbf{Z}) est un groupe de type fini, dont le sous-groupe de torsion s’identifie avec C~n100(𝒳)/Cn100(𝒳)superscriptsubscript~𝐶𝑛100𝒳superscriptsubscript𝐶𝑛100𝒳{\tilde{C}}_{n-1}^{00}(\mathcal{X})/C_{n-1}^{00}(\mathcal{X}). Soit nFsubscript𝑛𝐹n_{F} l’exposant de ce groupe fini, et soit

ΛEis:=1nFΛEis.assignsubscriptsuperscriptΛEis1subscript𝑛𝐹subscriptΛEis{\Lambda^{\prime}}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}:=\frac{1}{n_{F}}\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.

On peut définir à partir de la forme différentielle ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} une “application d’Abel-Jacobi”

ΦEis:Cn100(𝒳)𝐂/ΛEis:subscriptΦEissuperscriptsubscript𝐶𝑛100𝒳𝐂subscriptΛEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}:C_{n-1}^{00}(\mathcal{X}){\longrightarrow}\mathbf{C}/\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}

en posant

ΦEis(Δ)=C=ΔωEis(modΛEis),subscriptΦEisΔannotatedsubscript𝐶Δsubscript𝜔EispmodsubscriptΛEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Delta)=\int_{\partial C=\Delta}\!\!\!\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}},

l’intégrale étant prise sur n’importe quelle n𝑛n-chaîne différentiable C𝐶C sur 𝒳𝒳\mathcal{X} tel que C=Δ𝐶Δ\partial C=\Delta. Cette application ΦEissubscriptΦEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} est bien définie modulo le réseau des périodes ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} en vertu de la Proposition 1.2. Quitte à remplacer le réseau ΛEissubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} par ΛEissuperscriptsubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}, on peut étendre ΦEissubscriptΦEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} au groupe C~n100(𝒳)superscriptsubscript~𝐶𝑛100𝒳{\tilde{C}}_{n-1}^{00}(\mathcal{X}) tout entier, en posant

ΦEis(Δ)=1nFC=nFΔωEis(modΛEis),subscriptΦEisΔannotated1subscript𝑛𝐹subscript𝐶subscript𝑛𝐹Δsubscript𝜔EispmodsubscriptsuperscriptΛEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Delta)=\frac{1}{n_{F}}\int_{\partial C=n_{F}\Delta}\!\!\!\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\pmod{\Lambda^{\prime}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}}, (30)

l’intégrale étant prise sur n’importe quelle n𝑛n-chaîne différentiable C𝐶C sur 𝒳𝒳\mathcal{X} tel que C=nFΔ𝐶subscript𝑛𝐹Δ\partial C=n_{F}\Delta. On pose ensuite

Jτ:=eI(2)n1ΦEis(Δτ)𝐂/ΛEis.assignsubscript𝐽𝜏subscript𝑒𝐼superscript2𝑛1subscriptΦEissubscriptΔ𝜏𝐂superscriptsubscriptΛEisJ_{\tau}:=e_{I}(-2)^{n-1}\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Delta_{\tau})\in\mathbf{C}/\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}.

Soit ΛEis′′superscriptsubscriptΛEis′′\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime\prime} le réseau de (2iπ)n𝐑superscript2𝑖𝜋𝑛𝐑(2i\pi)^{n}\mathbf{R} engendré par ΛEissuperscriptsubscriptΛEis\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime} et (2iπ)n𝐙superscript2𝑖𝜋𝑛𝐙(2i\pi)^{n}\mathbf{Z}. On fixe une place v~1subscript~𝑣1\tilde{v}_{1} de HIsubscript𝐻𝐼H_{I} au-dessus de la place v1subscript𝑣1v_{1} de K𝐾K. Nous sommes maintenant en mesure d’énoncer la conjecture principale de cet article.

Conjecture 4.1.

Pour tout 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module M𝑀M associé à τK𝜏𝐾\tau\in K, il existe une unité uτ𝒪HI×subscript𝑢𝜏superscriptsubscript𝒪subscript𝐻𝐼u_{\tau}\in\mathcal{O}_{H_{I}}^{\times} telle que

Jτ=2δI(2iπ)n1log(v~1(uτ))(modΛEis′′).subscript𝐽𝜏annotated2subscript𝛿𝐼superscript2𝑖𝜋𝑛1subscript~𝑣1subscript𝑢𝜏pmodsuperscriptsubscriptΛEis′′J_{\tau}=2\delta_{I}(2i\pi)^{n-1}\log(\tilde{v}_{1}(u_{\tau}))\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime\prime}}.

De plus, pour tout 2jn2𝑗𝑛2\leq j\leq n, l’image de uτsubscript𝑢𝜏u_{\tau} par n’importe quel plongement complexe au-dessus de vjsubscript𝑣𝑗v_{j} est de module 111. Pour tout αGI𝛼subscript𝐺𝐼\alpha\in G_{I}, on a uτα=rec(α)1uτu_{\tau^{\alpha}}=\operatorname{rec}(\alpha)^{-1}u_{\tau}, où ταsuperscript𝜏𝛼\tau^{\alpha} désigne l’invariant associé au module Mαsuperscript𝑀𝛼M^{\alpha}.

5 Algorithmes

L’invariant Jτsubscript𝐽𝜏J_{\tau} et l’application d’Abel-Jacobi ΦEissubscriptΦEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} ont l’inconvénient de ne pas être faciles à calculer numériquement a priori. Le but de la présente section est de décrire un algorithme pour le calcul de ΦEissubscriptΦEis\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} dans la cas le plus simple où n=2𝑛2n=2.

La première étape consiste à décrire la classe de cohomologie de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} en terme de cohomologie du groupe ΓΓ\Gamma.

On rappelle le dictionnaire bien connu entre la cohomologie de deRham de 𝒳𝒳\mathcal{X} et la cohomologie de ΓΓ\Gamma. Si P,Q,R𝑃𝑄𝑅P,Q,R sont des points de 1×2=2subscript1subscript2superscript2\mathcal{H}_{1}\times\mathcal{H}_{2}=\mathcal{H}^{2}, on appelle Δ(P,Q,R)Δ𝑃𝑄𝑅\Delta(P,Q,R) n’importe quelle 222-chaîne différentiable dont la frontière est égale au triangle géodésique de sommets P𝑃P, Q𝑄Q et R𝑅R. On munit cette région de l’orientation standard, selon les définitions usuelles de l’homologie singulière. On pose aussi, pour P=(z1,z2)2𝑃subscript𝑧1subscript𝑧2superscript2P=(z_{1},z_{2})\in\mathcal{H}^{2} et A,BΓ𝐴𝐵ΓA,B\in\Gamma,

ΔP(A,B):=Δ(P,AP,ABP).assignsubscriptΔ𝑃𝐴𝐵Δ𝑃𝐴𝑃𝐴𝐵𝑃\Delta_{P}(A,B):=\Delta(P,AP,ABP).

On associe à ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} (plus précisément: à sa classe de cohomologie) un 222-cocycle

κP𝒵2(Γ,𝐂)subscript𝜅𝑃superscript𝒵2Γ𝐂\kappa_{P}\in\mathcal{Z}^{2}(\Gamma,\mathbf{C})

par la règle

κP(A,B):=ΔP(A,B)ωEis.assignsubscript𝜅𝑃𝐴𝐵subscriptsubscriptΔ𝑃𝐴𝐵subscript𝜔Eis\kappa_{P}(A,B):=\int_{\Delta_{P}(A,B)}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.

Un calcul direct montre que κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P} satisfait la relation de 222-cocycle: dκP=0𝑑subscript𝜅𝑃0d\kappa_{P}=0, et que son image dans H2(Γ,𝐂)superscript𝐻2Γ𝐂H^{2}(\Gamma,\mathbf{C}) ne dépend pas du choix du point base P𝑃P.

On rappelle le réseau ΛEis𝐂subscriptΛEis𝐂\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\subset\mathbf{C} des périodes de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} et l’on note κ¯Psubscript¯𝜅𝑃\bar{\kappa}_{P} l’image de κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P} dans 𝒵2(Γ,𝐂/ΛEis)superscript𝒵2Γ𝐂superscriptsubscriptΛEis\mathcal{Z}^{2}(\Gamma,\mathbf{C}/\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}).

Lemme 5.1.

La classe de κ¯Psubscript¯𝜅𝑃\bar{\kappa}_{P} dans H2(Γ,𝐂/ΛEis)superscript𝐻2Γ𝐂superscriptsubscriptΛEisH^{2}(\Gamma,\mathbf{C}/\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}) est nulle.

Démonstration.

Pour tout AΓ𝐴ΓA\in\Gamma, on appelle SP(A)subscript𝑆𝑃𝐴S_{P}(A) l’image dans 𝒳𝒳\mathcal{X} du chemin géodésique sur 2superscript2\mathcal{H}^{2} allant de P𝑃P à AP𝐴𝑃AP. Comme SP(A)subscript𝑆𝑃𝐴S_{P}(A) est un 111-cycle fermé sur 𝒳𝒳\mathcal{X} et que H1(𝒳,𝐐)=0subscript𝐻1𝒳𝐐0H_{1}(\mathcal{X},\mathbf{Q})=0, il existe une 222-chaîne différentiable sur 𝒳𝒳\mathcal{X} à coefficients entiers, que l’on appellera DP(A)subscript𝐷𝑃𝐴D_{P}(A), telle que

DP(A)=nFSP(A).subscript𝐷𝑃𝐴subscript𝑛𝐹subscript𝑆𝑃𝐴\partial D_{P}(A)=n_{F}S_{P}(A). (31)

La région DP(A)subscript𝐷𝑃𝐴D_{P}(A) est déterminée par cette équation modulo les 222-cycles fermés, et par conséquent l’élément de 𝐂/ΛEis𝐂superscriptsubscriptΛEis\mathbf{C}/\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime} défini par

ρP(A):=1nFDP(A)ωEis(modΛEis)assignsubscript𝜌𝑃𝐴annotated1subscript𝑛𝐹subscriptsubscript𝐷𝑃𝐴subscript𝜔EispmodsuperscriptsubscriptΛEis\rho_{P}(A):=\frac{1}{n_{F}}\int_{D_{P}(A)}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}} (32)

ne dépend pas du choix de DP(A)subscript𝐷𝑃𝐴D_{P}(A) satisfaisant (31). On vérifie ensuite par un calcul direct que

dρP(A,B)=κP(A,B)(modΛEis).𝑑subscript𝜌𝑃𝐴𝐵annotatedsubscript𝜅𝑃𝐴𝐵pmodsuperscriptsubscriptΛEisd\rho_{P}(A,B)=\kappa_{P}(A,B)\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}}.

Le Lemme 5.1 permet de définir une 111-chaîne ρPsubscript𝜌𝑃\rho_{P} en choisissant une solution de l’équation

dρP=κP(modΛEis).𝑑subscript𝜌𝑃annotatedsubscript𝜅𝑃pmodsuperscriptsubscriptΛEisd\rho_{P}=\kappa_{P}\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}}. (33)

La proposition suivante permet de calculer l’invariant numérique ΦEis(Δτ)subscriptΦEissubscriptΔ𝜏\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Delta_{\tau}) en terme de cohomologie des groupes—du moins, en admettant que l’on sache résoudre l’équation (33).

Soit K𝐾K un corps ATR et soit τK𝜏𝐾\tau\in K un élément provenant d’une base positive d’un réseau MK𝑀𝐾M\subset K. Parce que n=2𝑛2n=2, le groupe ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} est de rang un modulo la torsion. On se donne un générateur γτsubscript𝛾𝜏\gamma_{\tau} de ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} modulo torsion, choisi de sorte que pour tout point z2subscript𝑧2z_{2} de la géodésique Υ2subscriptΥ2\Upsilon_{2}, le chemin allant de z2subscript𝑧2z_{2} à γτz2subscript𝛾𝜏subscript𝑧2\gamma_{\tau}z_{2} soit orienté dans le sens positif. On choisit le point base P1×2𝑃subscript1subscript2P\in\mathcal{H}_{1}\times\mathcal{H}_{2} de manière à ce que sa première composante soit égale à τ1=v1(τ)subscript𝜏1subscript𝑣1𝜏\tau_{1}=v_{1}(\tau). Avec ces choix, on a alors

Proposition 5.2.
ΦEis(Δτ)=ρP(γτ).subscriptΦEissubscriptΔ𝜏subscript𝜌𝑃subscript𝛾𝜏\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Delta_{\tau})=\rho_{P}(\gamma_{\tau}).
Démonstration.

Cela résulte directement de la formule pour ρPsubscript𝜌𝑃\rho_{P} de l’équation (32). ∎

La définition du 222-cocycle κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P} exige d’intégrer ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} sur des régions de type ΔP(A,B)subscriptΔ𝑃𝐴𝐵\Delta_{P}(A,B) peu commodes à paramétrer. Dans les calculs numériques, il est donc utile de remplacer ce cocycle par un représentant de la même classe de cohomologie qui ne fait intervenir que des régions “rectangulaires” de la forme L1×L21×2subscript𝐿1subscript𝐿2subscript1subscript2L_{1}\times L_{2}\subset\mathcal{H}_{1}\times\mathcal{H}_{2} (avec L1subscript𝐿1L_{1} et L2subscript𝐿2L_{2} de dimension 111, bien entendu). Les intégrales de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}} sur de telles régions s’expriment au moyen d’intégrales itérées, et sont donc plus faciles à calculer numériquement. (On se sert pour cela du développement de Fourier de ωEissubscript𝜔Eis\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.)

Si u,v𝑢𝑣u,v appartiennent à \mathcal{H}, soit Υ[u,v]Υ𝑢𝑣\Upsilon[u,v]\subset\mathcal{H} le segment géodésique joignant le point u𝑢u au point v𝑣v. On pose

P(A,B)=Υ[z1,A1z1]×Υ[A2z2,A2B2z2],subscript𝑃𝐴𝐵Υsubscript𝑧1subscript𝐴1subscript𝑧1Υsubscript𝐴2subscript𝑧2subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2\Box_{P}(A,B)=\Upsilon[z_{1},A_{1}z_{1}]\times\Upsilon[A_{2}z_{2},A_{2}B_{2}z_{2}],

et on définit un nouveau cocycle κP𝒵2(Γ,𝐂)subscriptsuperscript𝜅𝑃superscript𝒵2Γ𝐂\kappa^{\Box}_{P}\in\mathcal{Z}^{2}(\Gamma,\mathbf{C}) par la règle

κP(A,B)=P(A,B)ωEis.subscriptsuperscript𝜅𝑃𝐴𝐵subscriptsubscript𝑃𝐴𝐵subscript𝜔Eis\kappa^{\Box}_{P}(A,B)=\int_{\Box_{P}(A,B)}\!\!\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}.

Il est nécessaire de modifier légèrement κPsuperscriptsubscript𝜅𝑃\kappa_{P}^{\Box} pour qu’il représente la même classe de cohomologie que κP.subscript𝜅𝑃\kappa_{P}. On dispose pour cela d’un 222-cocycle classique sur 𝐒𝐋2(𝐑)subscript𝐒𝐋2𝐑{\bf SL}_{2}(\mathbf{R}) appelé cocycle d’aire, dont on rappelle la définition : étant données deux matrices M=(cd)𝑀𝑐𝑑M=\left(\begin{array}[]{cc}*&*\\ c&d\end{array}\right) et N=(cd)𝑁superscript𝑐superscript𝑑N=\left(\begin{array}[]{cc}*&*\\ c^{\prime}&d^{\prime}\end{array}\right) de 𝐒𝐋2(𝐑)subscript𝐒𝐋2𝐑{\bf SL}_{2}(\mathbf{R}) et en notant MN=(c′′d′′)𝑀𝑁superscript𝑐′′superscript𝑑′′MN=\left(\begin{array}[]{cc}*&*\\ c^{\prime\prime}&d^{\prime\prime}\end{array}\right) leur produit, la formule

 aire(M,N):=signe(ccc′′)assign aire𝑀𝑁signe𝑐superscript𝑐superscript𝑐′′\textrm{ aire}(M,\,N):=-\textrm{signe}(c\,c^{\prime}\,c^{\prime\prime}) (34)

(où signe(x)=x/|x|signe𝑥𝑥𝑥\textrm{signe}(x)=x/|x| si x0,𝑥0x\neq 0, et 00 sinon) définit un 222-cocycle sur 𝐒𝐋2(𝐑)subscript𝐒𝐋2𝐑{\bf SL}_{2}(\mathbf{R}) à valeurs entières. Par composition avec les plongements de ΓΓ\Gamma dans 𝐒𝐋2(𝐑),subscript𝐒𝐋2𝐑{\bf SL}_{2}(\mathbf{R}), on en déduit deux 222-cocycles sur ΓΓ\Gamma à valeurs dans 𝐙.𝐙\mathbf{Z}. On définit finalement le 222-cocycle κ~Psubscript~𝜅𝑃\tilde{\kappa}_{P} sur ΓΓ\Gamma par la formule

κ~P(A,B)::subscript~𝜅𝑃𝐴𝐵absent\displaystyle\tilde{\kappa}_{P}(A,B): =κP(A,B)iπRFaire(A1,B1)+iπRFaire(A2,B2)absentsuperscriptsubscript𝜅𝑃𝐴𝐵𝑖𝜋subscript𝑅𝐹airesubscript𝐴1subscript𝐵1𝑖𝜋subscript𝑅𝐹airesubscript𝐴2subscript𝐵2\displaystyle=\kappa_{P}^{\Box}(A,B)-i\pi R_{F}\,\textrm{aire}(A_{1},B_{1})+i\pi R_{F}\,\textrm{aire}(A_{2},B_{2})
z1A1z1A2z2A2B2z2ωEisiπRFaire(A1,B1)+iπRFaire(A2,B2).superscriptsubscriptsubscript𝑧1subscript𝐴1subscript𝑧1superscriptsubscriptsubscript𝐴2subscript𝑧2subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2subscript𝜔Eis𝑖𝜋subscript𝑅𝐹airesubscript𝐴1subscript𝐵1𝑖𝜋subscript𝑅𝐹airesubscript𝐴2subscript𝐵2\displaystyle\int_{z_{1}}^{A_{1}z_{1}}\!\!\!\int_{A_{2}z_{2}}^{A_{2}B_{2}z_{2}}\!\!\!\!\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\ -i\pi R_{F}\,\textrm{aire}(A_{1},B_{1})+i\pi R_{F}\,\textrm{aire}(A_{2},B_{2}).
Proposition 5.3.

Les cocycles κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P} et κ~Psubscript~𝜅𝑃\tilde{\kappa}_{P} représentent la même classe de cohomologie dans H2(Γ,𝐂).superscript𝐻2Γ𝐂H^{2}(\Gamma,\mathbf{C}). Plus précisément, on a

κP(A,B)κ~P(A,B)=dξP(A,B),subscript𝜅𝑃𝐴𝐵subscript~𝜅𝑃𝐴𝐵𝑑subscript𝜉𝑃𝐴𝐵\kappa_{P}(A,B)-\tilde{\kappa}_{P}(A,B)=d\xi_{P}(A,B),

ξP(A)=ΔP(A)ωEis, avec ΔP(A)=Δ((z1,z2),(z1,A2z2),(A1z1,A2z2)).formulae-sequencesubscript𝜉𝑃𝐴subscriptsubscriptΔ𝑃𝐴subscript𝜔Eis avec subscriptΔ𝑃𝐴Δsubscript𝑧1subscript𝑧2subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝑧2subscript𝐴1subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝑧2\xi_{P}(A)=-\int_{\Delta_{P}(A)}\omega_{\operatorname{\mathrm{Eis}}},\quad\mbox{ avec }\ \Delta_{P}(A)=\Delta((z_{1},z_{2}),(z_{1},A_{2}z_{2}),(A_{1}z_{1},A_{2}z_{2})).
Démonstration.

On dit que deux 222-chaînes Z1subscript𝑍1Z_{1} et Z2subscript𝑍2Z_{2} sont homologues si leurs frontières sont égales, et on écrit dans ce cas Z1Z2similar-tosubscript𝑍1subscript𝑍2Z_{1}\sim Z_{2}. Un calcul direct fournit la relation

P(A,B)+ΔP(A,B)+ΔP(A)ΔP(AB)Δ1+Δ2Δ3,similar-tosubscript𝑃𝐴𝐵subscriptΔ𝑃𝐴𝐵subscriptΔ𝑃𝐴subscriptΔ𝑃𝐴𝐵subscriptΔ1subscriptΔ2subscriptΔ3-\Box_{P}(A,B)+\Delta_{P}(A,B)+\Delta_{P}(A)-\Delta_{P}(AB)\sim\Delta_{1}+\Delta_{2}-\Delta_{3}, (35)

avec

{Δ1=Δ((A1B1z1,A2B2z2),(z1,A2B2z2),(A1z1,A2B2z2)),Δ2=Δ((z1,z2),(z1,A2z2),(z1,A2B2z2)),Δ3=Δ((A1z1,A2z2),(A1z1,A2B2z2),(A1B1z1,A2B2z2)).casessubscriptΔ1Δsubscript𝐴1subscript𝐵1subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2subscript𝐴1subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2subscriptΔ2Δsubscript𝑧1subscript𝑧2subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝑧2subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2subscriptΔ3Δsubscript𝐴1subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝑧2subscript𝐴1subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2subscript𝐴1subscript𝐵1subscript𝑧1subscript𝐴2subscript𝐵2subscript𝑧2\left\{\begin{array}[]{l}\Delta_{1}=\Delta((A_{1}B_{1}z_{1},A_{2}B_{2}z_{2}),(z_{1},A_{2}B_{2}z_{2}),(A_{1}z_{1},A_{2}B_{2}z_{2})),\\ \Delta_{2}=\Delta((z_{1},z_{2}),(z_{1},A_{2}z_{2}),(z_{1},A_{2}B_{2}z_{2})),\\ \Delta_{3}=\Delta((A_{1}z_{1},A_{2}z_{2}),(A_{1}z_{1},A_{2}B_{2}z_{2}),(A_{1}B_{1}z_{1},A_{2}B_{2}z_{2})).\end{array}\right.

Par A𝐴A-invariance, on observe que Δ3=ΔP(B)subscriptΔ3subscriptΔ𝑃𝐵\Delta_{3}=\Delta_{P}(B) dans 𝒳.𝒳\mathcal{X}. En outre, l’intégrale de ωE2subscript𝜔subscript𝐸2\omega_{E_{2}} sur Δ1subscriptΔ1\Delta_{1} et Δ2subscriptΔ2\Delta_{2} est nulle, et par conséquent

Δ1+Δ2ωEis=RF2Δ1dz1dz¯1y12RF2Δ2dz2dz¯2y22.subscriptsubscriptΔ1subscriptΔ2subscript𝜔Eissubscript𝑅𝐹2subscriptsubscriptΔ1𝑑subscript𝑧1𝑑subscript¯𝑧1superscriptsubscript𝑦12subscript𝑅𝐹2subscriptsubscriptΔ2𝑑subscript𝑧2𝑑subscript¯𝑧2superscriptsubscript𝑦22\int_{\Delta_{1}+\Delta_{2}}\omega_{\textrm{Eis}}=\frac{R_{F}}{2}\int_{\Delta_{1}}\frac{dz_{1}\wedge d\bar{z}_{1}}{y_{1}^{2}}-\frac{R_{F}}{2}\int_{\Delta_{2}}\frac{dz_{2}\wedge d\bar{z}_{2}}{y_{2}^{2}}.

Ces dernières intégrales se calculent élémentairement : on constate d’abord qu’elles ne dépendent pas du point base P=(z1,z2),𝑃subscript𝑧1subscript𝑧2P=(z_{1},z_{2}), et que dzjdz¯j=2idxjdyj.𝑑subscript𝑧𝑗𝑑subscript¯𝑧𝑗2𝑖𝑑subscript𝑥𝑗𝑑subscript𝑦𝑗dz_{j}\wedge d\bar{z}_{j}=-2idx_{j}\wedge dy_{j}. Or l’intégrale

Δjdxjdyjyj2subscriptsubscriptΔ𝑗𝑑subscript𝑥𝑗𝑑subscript𝑦𝑗superscriptsubscript𝑦𝑗2\int_{\Delta_{j}}\frac{dx_{j}\wedge dy_{j}}{y_{j}^{2}}

n’est rien d’autre que l’aire, dans le disque de Poincaré, du triangle idéal orienté de sommets ,\infty, Ajsubscript𝐴𝑗A_{j}\infty et AjBj.subscript𝐴𝑗subscript𝐵𝑗A_{j}B_{j}\infty. D’après [K-M] formule 1.2, il en résulte que

Δ1dz1dz¯1y12=2iπaire(A1,B1) et Δ2dz2dz¯2y22=2iπaire(A2,B2).formulae-sequencesubscriptsubscriptΔ1𝑑subscript𝑧1𝑑subscript¯𝑧1superscriptsubscript𝑦122𝑖𝜋airesubscript𝐴1subscript𝐵1 et subscriptsubscriptΔ2𝑑subscript𝑧2𝑑subscript¯𝑧2superscriptsubscript𝑦222𝑖𝜋airesubscript𝐴2subscript𝐵2\int_{\Delta_{1}}\frac{dz_{1}\wedge d\bar{z}_{1}}{y_{1}^{2}}=-2i\pi\,\textrm{aire}(A_{1},B_{1})\ \ \textrm{ et }\int_{\Delta_{2}}\frac{dz_{2}\wedge d\bar{z}_{2}}{y_{2}^{2}}=-2i\pi\,\textrm{aire}(A_{2},B_{2}).

On conclut alors de (35) que

κP(A,B)=κP(A,B)+dξP(A,B)iπRFaire(A1,B1)+iπRFaire(A2,B2),subscript𝜅𝑃𝐴𝐵superscriptsubscript𝜅𝑃𝐴𝐵𝑑subscript𝜉𝑃𝐴𝐵𝑖𝜋subscript𝑅𝐹airesubscript𝐴1subscript𝐵1𝑖𝜋subscript𝑅𝐹airesubscript𝐴2subscript𝐵2\kappa_{P}(A,B)=\kappa_{P}^{\Box}(A,B)+d\xi_{P}(A,B)-i\pi R_{F}\,\textrm{aire}(A_{1},B_{1})+i\pi R_{F}\,\textrm{aire}(A_{2},B_{2}),

d’où la proposition. ∎

Corollaire 5.4.

Soit ρ~Psubscript~𝜌𝑃\tilde{\rho}_{P} une solution de l’équation

dρ~P=κ~P(modΛEis).𝑑subscript~𝜌𝑃annotatedsubscript~𝜅𝑃pmodsuperscriptsubscriptΛEisd\tilde{\rho}_{P}=\tilde{\kappa}_{P}\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}}. (36)

Alors on a ΦEis(Δτ)=ρ~P(γτ).subscriptΦEissubscriptΔ𝜏subscript~𝜌𝑃subscript𝛾𝜏\Phi_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}(\Delta_{\tau})=\tilde{\rho}_{P}(\gamma_{\tau}).

Démonstration.

La Proposition 5.3 montre que l’on peut choisir

ρ~P(A)=ρP(A)ξP(A)(modΛEis),subscript~𝜌𝑃𝐴annotatedsubscript𝜌𝑃𝐴subscript𝜉𝑃𝐴pmodsuperscriptsubscriptΛEis\tilde{\rho}_{P}(A)=\rho_{P}(A)-\xi_{P}(A)\pmod{\Lambda_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}^{\prime}},

où la 111-cochaîne ξPsubscript𝜉𝑃\xi_{P} est définie dans l’énoncé de cette proposition. Comme la région ΔP(γτ)subscriptΔ𝑃subscript𝛾𝜏\Delta_{P}(\gamma_{\tau}) qui intervient dans la formule pour ξP(γτ)subscript𝜉𝑃subscript𝛾𝜏\xi_{P}(\gamma_{\tau}) est contenue dans {τ1}×Υ[z2,γτz2]subscript𝜏1Υsubscript𝑧2subscript𝛾𝜏subscript𝑧2\{\tau_{1}\}\times\Upsilon[z_{2},\gamma_{\tau}z_{2}], on a

ξP(γτ)=0.subscript𝜉𝑃subscript𝛾𝜏0\xi_{P}(\gamma_{\tau})=0.

Le corollaire en résulte. ∎

Remarque 5.5.

Dans le présent article le cocycle κ~Psubscript~𝜅𝑃\tilde{\kappa}_{P} n’intervient que dans les algorithmes pour calculer Jτsubscript𝐽𝜏J_{\tau} numériquement. Signalons tout de même que la proposition 5.3 et le corollaire 5.4 sont d’un intérêt plus que pratique. Dans le contexte partiellement p𝑝p-adique étudié dans [Dar1] et [DD] où l’on est amené à travailler avec des formes modulaires sur p×subscript𝑝\mathcal{H}_{p}\times\mathcal{H}, on ignore comment donner un sens aux régions de la forme ΔP(A,B)subscriptΔ𝑃𝐴𝐵\Delta_{P}(A,B), ou au cocycle κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P}. Par contre, on sait définir ce qui doit jouer le rôle des intégrales “itérées” de formes modulaires (cuspidales ou Eisenstein) sur des régions “rectangulaires” de la forme P(A,B)subscript𝑃𝐴𝐵\Box_{P}(A,B). Cela permet de définir un avatar p𝑝p-adique de κ~Psubscript~𝜅𝑃\tilde{\kappa}_{P}, et par conséquent des versions p𝑝p-adiques des invariants Jτsubscript𝐽𝜏J_{\tau} du présent article.

Il reste finalement à calculer une solution de l’équation (33) ou (36). Le procédé étant le même, qu’il s’agisse de ρPsubscript𝜌𝑃\rho_{P} ou de ρ~Psubscript~𝜌𝑃\tilde{\rho}_{P}, on se bornera au cas de ρPsubscript𝜌𝑃\rho_{P} pour alléger les notations.

L’algorithme que nous proposons pour calculer ρP(γ)subscript𝜌𝑃𝛾\rho_{P}(\gamma), pour γ𝛾\gamma n’importe quel élément de ΓΓ\Gamma, se base sur l’observation suivante: lorsque γ=hkh1k1𝛾𝑘superscript1superscript𝑘1\gamma=hkh^{-1}k^{-1} est un commutateur dans ΓΓ\Gamma, la formule (33) permet d’exprimer ρP(γ)subscript𝜌𝑃𝛾\rho_{P}(\gamma) directement en fonction de κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P}. En effet, l’identité facile ρP(Id)=0subscript𝜌𝑃Id0\rho_{P}(\operatorname{Id})=0 assure que

ρP(h)+ρP(h1)=κP(h,h1).subscript𝜌𝑃subscript𝜌𝑃superscript1subscript𝜅𝑃superscript1\rho_{P}(h)+\rho_{P}(h^{-1})=\kappa_{P}(h,h^{-1}).

En reportant, on en conclut que

ρP(γ)subscript𝜌𝑃𝛾\displaystyle\rho_{P}(\gamma) =\displaystyle= κP(h,kh1k1)κP(k,h1k1)κP(h1,k1)subscript𝜅𝑃𝑘superscript1superscript𝑘1subscript𝜅𝑃𝑘superscript1superscript𝑘1subscript𝜅𝑃superscript1superscript𝑘1\displaystyle-\kappa_{P}(h,kh^{-1}k^{-1})-\kappa_{P}(k,h^{-1}k^{-1})-\kappa_{P}(h^{-1},k^{-1})
+κP(h,h1)+κP(k,k1)(modΛEis).annotatedsubscript𝜅𝑃superscript1subscript𝜅𝑃𝑘superscript𝑘1pmodsubscriptsuperscriptΛEis\displaystyle+\kappa_{P}(h,h^{-1})+\kappa_{P}(k,k^{-1})\pmod{\Lambda^{\prime}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}}.

Cette dernière formule, avec ρPsubscript𝜌𝑃\rho_{P} et κPsubscript𝜅𝑃\kappa_{P} remplacés par ρ~Psubscript~𝜌𝑃\tilde{\rho}_{P} et κ~Psubscript~𝜅𝑃\tilde{\kappa}_{P} respectivement, donne un accès numérique à ρ~P(hkh1k1)subscript~𝜌𝑃𝑘superscript1superscript𝑘1\tilde{\rho}_{P}(hkh^{-1}k^{-1}) puisque les nombres complexes κ~P(g,g)subscript~𝜅𝑃𝑔superscript𝑔\tilde{\kappa}_{P}(g,g^{\prime}) se calculent grâce au développement en série de Fourier de la série d’Eisenstein.

Enfin, l’abélianisé ΓabsubscriptΓab\Gamma_{\textrm{ab}} de ΓΓ\Gamma est fini (voir [DL, Prop. 1.3]). Son ordre divise 4NF/(ϵ21),4subscript𝑁𝐹superscriptitalic-ϵ214N_{F/\mathbb{Q}}(\epsilon^{2}-1),ϵitalic-ϵ\epsilon désigne l’unité fondamentale de F.𝐹F. Pour calculer ρP(γ)subscript𝜌𝑃𝛾\rho_{P}(\gamma) pour une matrice γ𝛾\gamma de Γ,Γ\Gamma, il suffit donc de décomposer γ|Γab|superscript𝛾subscriptΓab\gamma^{|\Gamma_{\textrm{ab}}|} en un produit de commutateurs.

Sous l’hypothèse que F𝐹F est de nombre de classes 1,11, on peut procéder comme suit. L’anneau des entiers 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F} est euclidien en k𝑘k-étapes pour la norme selon la terminologie de Cooke [Co, Th. 1]. Par conséquent, le groupe modulaire de Hilbert ΓΓ\Gamma est engendré par les matrices élémentaires de type suivant: l’involution S(0110),𝑆0110S\left(\begin{array}[]{cc}0&-1\\ 1&0\end{array}\right), les matrices de translation Tθ=(1θ01),subscript𝑇𝜃1𝜃01T_{\theta}=\left(\begin{array}[]{cc}1&\theta\\ 0&1\end{array}\right), et les puissances de la matrice U=(ϵ00ϵ1).𝑈italic-ϵ00superscriptitalic-ϵ1U=\left(\begin{array}[]{cc}\epsilon&0\\ 0&\epsilon^{-1}\end{array}\right). Il en résulte que γ|Γab|superscript𝛾subscriptΓab\gamma^{|\Gamma_{\textrm{ab}}|} s’écrit comme un produit de matrices élémentaires grâce à l’algorithme d’Euclide dans 𝒪F,subscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}, puis comme un produit de commutateurs à l’aide des relations

UTθU1Tθ1=Tθ(ϵ21),SUS1U1=U2.formulae-sequence𝑈subscript𝑇𝜃superscript𝑈1superscriptsubscript𝑇𝜃1subscript𝑇𝜃superscriptitalic-ϵ21𝑆𝑈superscript𝑆1superscript𝑈1superscript𝑈2UT_{\theta}U^{-1}T_{\theta}^{-1}=T_{\theta(\epsilon^{2}-1)},\hskip 14.22636ptSUS^{-1}U^{-1}=U^{2}.
Remarque 5.6.

Dans notre contexte “Eisenstein”, on ne peut pas utiliser tel quel l’algorithme proposé dans [DL, section 4]. En effet, les intégrales du type τc2c1ωfsuperscript𝜏subscriptsuperscriptsubscript𝑐1subscript𝑐2subscript𝜔𝑓\int^{\tau}\int^{c_{1}}_{c_{2}}\omega_{f} (avec c1,subscript𝑐1c_{1}, c2𝐏1(F)subscript𝑐2superscript𝐏1𝐹c_{2}\in{\mathbf{P}}^{1}(F)) n’ont de sens que si f𝑓f est une forme modulaire de Hilbert cuspidale. Notons cependant que cet algorithme et le nôtre reposent tous deux sur l’hypothèse que 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F} est un anneau euclidien.

6 Exemples numériques

Dans cette partie, nous présentons quelques résultats expérimentaux obtenus grâce à l’algorithme précédent. Il s’agit, pour quelques cas d’extensions ATR K/F𝐾𝐹K/F, de tester numériquement la Conjecture 4.1 de cet article et d’exhiber le polynôme minimal de l’unité attendue.

6.1 Corps de base 𝐐(5)𝐐5\mathbf{Q}(\sqrt{5})

On considère d’abord la situation où F=𝐐(5)𝐹𝐐5F=\mathbf{Q}(\sqrt{5}) et l’on note ϵ=1+52italic-ϵ152\epsilon=\frac{1+\sqrt{5}}{2} son unité fondamentale de norme 1.1-1. L’anneau des entiers 𝒪F=𝐙[ϵ]subscript𝒪𝐹𝐙delimited-[]italic-ϵ\mathcal{O}_{F}=\mathbf{Z}[\epsilon] est euclidien pour la norme. On fixe les places archimédiennes v1subscript𝑣1v_{1} et v2subscript𝑣2v_{2} de F𝐹F de sorte que ϵ1<0subscriptitalic-ϵ10\epsilon_{1}<0 et ϵ2>0.subscriptitalic-ϵ20\epsilon_{2}>0. On supposera dans cette section que ΛEis′′=ΛEis,subscriptsuperscriptΛ′′EissubscriptsuperscriptΛEis\Lambda^{\prime\prime}_{\rm Eis}=\Lambda^{\prime}_{\rm Eis}, et l’on se donne un entier mF>0subscript𝑚𝐹0m_{F}>0 tel que ΛEis(2iπ)2mF𝐙.subscriptsuperscriptΛEissuperscript2𝑖𝜋2subscript𝑚𝐹𝐙\Lambda^{\prime}_{\operatorname{\mathrm{Eis}}}\subset(2i\pi)^{2}m_{F}\mathbf{Z}. Les exemples ci-dessous laissent penser que m𝐐(5)=15subscript𝑚𝐐515m_{\mathbf{Q}(\sqrt{5})}=15 convient.

Nous étudions maintenant les invariants associés à différentes extensions quadratiques ATR K𝐾K de F𝐹F dans lesquelles la place v1subscript𝑣1v_{1} devient complexe.

(a) Un exemple à groupe des classes C4subscript𝐶4C_{4}.

On considère K=F(21ϵ11)𝐾𝐹21italic-ϵ11K=F(\sqrt{21\epsilon-11}). C’est une extension ATR de F𝐹F, dont le groupe des classes au sens restreint est cyclique d’ordre 4.44.

Aux quatre classes distinctes 𝒞1,,𝒞4subscript𝒞1subscript𝒞4\mathcal{C}_{1},\ldots,\mathcal{C}_{4} de 𝒪Ksubscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{K} au sens restreint, on associe les éléments τ1,,τ4subscript𝜏1subscript𝜏4\tau_{1},\ldots,\tau_{4} de K𝐾K fixés par les matrices suivantes de ΓΓ\Gamma:

γ1(4ϵ+22ϵ52ϵ12ϵ+1),γ2=(13ϵ+94ϵ+132ϵ187ϵ6),γ3=(47ϵ179ϵ6520ϵ30853ϵ+20),γ4=(165ϵ+795ϵ28512ϵ5160159ϵ76).subscript𝛾14italic-ϵ22italic-ϵ52italic-ϵ12italic-ϵ1subscript𝛾213italic-ϵ94italic-ϵ132italic-ϵ187italic-ϵ6missing-subexpressionmissing-subexpressionsubscript𝛾347italic-ϵ179italic-ϵ6520italic-ϵ30853italic-ϵ20subscript𝛾4165italic-ϵ795italic-ϵ28512italic-ϵ5160159italic-ϵ76\begin{array}[]{ll}\gamma_{1}\left(\begin{array}[]{cc}4\epsilon+2&-2\epsilon-5\\ -2\epsilon-1&2\epsilon+1\end{array}\right),&\gamma_{2}=\left(\begin{array}[]{cc}13\epsilon+9&4\epsilon+1\\ -32\epsilon-18&-7\epsilon-6\end{array}\right),\\ \\ \gamma_{3}=\left(\begin{array}[]{cc}-47\epsilon-17&9\epsilon-6\\ -520\epsilon-308&53\epsilon+20\end{array}\right),&\gamma_{4}=\left(\begin{array}[]{cc}165\epsilon+79&5\epsilon-2\\ -8512\epsilon-5160&-159\epsilon-76\end{array}\right).\end{array}

On calcule dans 𝐂/mF𝐙𝐂subscript𝑚𝐹𝐙\mathbf{C}/m_{F}\mathbf{Z} les invariants ρk(γk):=ρ~τk(γk)/(2iπ)2assignsubscript𝜌𝑘subscript𝛾𝑘subscript~𝜌subscript𝜏𝑘subscript𝛾𝑘superscript2𝑖𝜋2\rho_{k}(\gamma_{k}):=\tilde{\rho}_{\tau_{k}}(\gamma_{k})/(2i\pi)^{2} associés. On trouve avec une précision minimale de 50 décimales significatives

ρ1(γ1)subscript𝜌1subscript𝛾1\displaystyle\rho_{1}(\gamma_{1}) \displaystyle\approx 0.36666666660.27784944302i;03666666666027784944302𝑖\displaystyle-0.3666666666\ldots-0.27784944302\ldots i;
ρ2(γ2)subscript𝜌2subscript𝛾2\displaystyle\rho_{2}(\gamma_{2}) \displaystyle\approx 0.32623940638;032623940638\displaystyle 0.32623940638\ldots;
ρ3(γ3)subscript𝜌3subscript𝛾3\displaystyle\rho_{3}(\gamma_{3}) \displaystyle\approx 1.83333333333+0.27784944302i;183333333333027784944302𝑖\displaystyle 1.83333333333\ldots+0.27784944302\ldots i;
ρ4(γ4)subscript𝜌4subscript𝛾4\displaystyle\rho_{4}(\gamma_{4}) \displaystyle\approx 17.8404272602.178404272602\displaystyle 17.8404272602\ldots.

Sans connaître la constante mF,subscript𝑚𝐹m_{F}, on doit tester l’algébricité du nombre complexe bien défini

uk(mF)=exp(2iπmFρk(γk)).subscript𝑢𝑘subscript𝑚𝐹2𝑖𝜋subscript𝑚𝐹subscript𝜌𝑘subscript𝛾𝑘u_{k}(m_{F})=\exp(2i\pi m_{F}\rho_{k}(\gamma_{k})).

Cependant, dans la pratique, il semble qu’il existe toujours une racine mFsubscript𝑚𝐹m_{F}-ième de uk(mF)subscript𝑢𝑘subscript𝑚𝐹u_{k}(m_{F}) qui appartienne au corps de définition de uk(mF).subscript𝑢𝑘subscript𝑚𝐹u_{k}(m_{F}). Pour chaque valeur de ρk(γk)subscript𝜌𝑘subscript𝛾𝑘\rho_{k}(\gamma_{k}) dans la liste précédente, notons

uk(1)=exp(2iπρk(γk)).subscript𝑢𝑘12𝑖𝜋subscript𝜌𝑘subscript𝛾𝑘u_{k}(1)=\exp(2i\pi\rho_{k}(\gamma_{k})).

Le nombre complexe uk(1)subscript𝑢𝑘1u_{k}(1) est bien défini seulement modulo les racines mFsubscript𝑚𝐹m_{F}-ièmes de l’unité. Quitte à modifier uk(1)subscript𝑢𝑘1u_{k}(1) par une racine de l’unité, on peut donc espérer tester avec succès son algébricité. Précisément, la commande Pari algdep(u1(1)e415iπ,16)u_{1}(1)e^{-\frac{4}{15}i\pi},16) suggère la relation algébrique suivante pour u1:=u1(1)e415iπassignsubscript𝑢1subscript𝑢11superscript𝑒415𝑖𝜋u_{1}:=u_{1}(1)e^{-\frac{4}{15}i\pi}:

Q1(x):=x8+4x710x6+x5+9x4+x310x2+4x+1.assignsubscript𝑄1𝑥superscript𝑥84superscript𝑥710superscript𝑥6superscript𝑥59superscript𝑥4superscript𝑥310superscript𝑥24𝑥1Q_{1}(x):=x^{8}+4x^{7}-10x^{6}+x^{5}+9x^{4}+x^{3}-10x^{2}+4x+1. (37)

On en conclut que le nombre complexe u1subscript𝑢1u_{1} coïncide sur 50 décimales avec la racine 5.730357303-5.7303\ldots du polynôme Q1subscript𝑄1Q_{1}. Il en va de même pour les trois autres invariants :
u2:=u2(1)e2315iπassignsubscript𝑢2subscript𝑢21superscript𝑒2315𝑖𝜋u_{2}:=u_{2}(1)e^{\frac{23}{15}i\pi} coïncide avec la racine 0.834403847893+0.5511535345i083440384789305511535345𝑖0.834403847893\ldots+0.5511535345\ldots i de Q1.subscript𝑄1Q_{1}.
u3:=u3(1)e2015iπassignsubscript𝑢3subscript𝑢31superscript𝑒2015𝑖𝜋u_{3}:=u_{3}(1)e^{\frac{20}{15}i\pi} coïncide avec la racine 0.17450889906=1/u1.0174508899061subscript𝑢1-0.17450889906\ldots=1/u_{1}.
u4:=u4(1)e215iπassignsubscript𝑢4subscript𝑢41superscript𝑒215𝑖𝜋u_{4}:=u_{4}(1)e^{\frac{2}{15}i\pi} coïncide avec la racine 0.8344038478930.5511535345i.083440384789305511535345𝑖0.834403847893\ldots-0.5511535345\ldots i.

On vérifie a posteriori que Q1subscript𝑄1Q_{1} est effectivement le polynôme minimal d’une unité du corps de classes de Hilbert (au sens restreint) de K.𝐾K.

(b) Un exemple à groupe des classes C6subscript𝐶6C_{6}.

On considère maintenant K=F(26ϵ37)𝐾𝐹26italic-ϵ37K=F(\sqrt{26\epsilon-37}), dont le nombre de classes au sens restreint est 6.66. On trouve avec parfois 200 décimales de précision dans 𝐂/mF𝐙𝐂subscript𝑚𝐹𝐙\mathbf{C}/m_{F}\mathbf{Z}:

ρ1(γ1)subscript𝜌1subscript𝛾1\displaystyle\rho_{1}(\gamma_{1}) \displaystyle\approx 4.4999999999999990.728584512i;44999999999999990728584512𝑖\displaystyle 4.499999999999999\ldots-0.728584512\ldots i;
ρ2(γ2)subscript𝜌2subscript𝛾2\displaystyle\rho_{2}(\gamma_{2}) \displaystyle\approx 1.0784763763028460.195385083050863i;10784763763028460195385083050863𝑖\displaystyle-1.078476376302846\ldots-0.195385083050863\ldots i;
ρ3(γ3)subscript𝜌3subscript𝛾3\displaystyle\rho_{3}(\gamma_{3}) \displaystyle\approx 2.178476376302846+0.195385083050863i;21784763763028460195385083050863𝑖\displaystyle-2.178476376302846\ldots+0.195385083050863\ldots i;
ρ4(γ4)subscript𝜌4subscript𝛾4\displaystyle\rho_{4}(\gamma_{4}) \displaystyle\approx 18.61666666666666+0.728584510266413i;18616666666666660728584510266413𝑖\displaystyle-18.61666666666666\ldots+0.728584510266413\ldots i;
ρ5(γ5)subscript𝜌5subscript𝛾5\displaystyle\rho_{5}(\gamma_{5}) \displaystyle\approx 0.988190290363819+0.195385083050863i;09881902903638190195385083050863𝑖\displaystyle-0.988190290363819\ldots+0.195385083050863\ldots i;
ρ6(γ6)subscript𝜌6subscript𝛾6\displaystyle\rho_{6}(\gamma_{6}) \displaystyle\approx 2.4215236236971530.195385083050863i.24215236236971530195385083050863𝑖\displaystyle-2.421523623697153\ldots-0.195385083050863\ldots i.

La commande algdep(u2(1)e1615iπ,12)u_{2}(1)e^{\frac{16}{15}i\pi},12) de Pari suggère la relation algébrique:

Q2(x)subscript𝑄2𝑥\displaystyle Q_{2}(x) =\displaystyle= x12+106x11+873x102636x9+3040x8626x71108x6626x5superscript𝑥12106superscript𝑥11873superscript𝑥102636superscript𝑥93040superscript𝑥8626superscript𝑥71108superscript𝑥6626superscript𝑥5\displaystyle x^{12}+106x^{11}+873x^{10}-2636x^{9}+3040x^{8}-626x^{7}-1108x^{6}-626x^{5}
+3040x4+2636x3+873x2+106x+1.3040superscript𝑥42636superscript𝑥3873superscript𝑥2106𝑥1\displaystyle+3040x^{4}+2636x^{3}+873x^{2}+106x+1.

Ce polynôme est effectivement le polynôme minimal d’une unité de HK+.superscriptsubscript𝐻𝐾H_{K}^{+}. En outre, les nombres complexes

u1:=u1(1)=97.30316237461782,u2:=u2(1)e1615iπ3.276785825745970+0.955188763599790i,u3:=u3(1)e1915iπ0.281276149057161+0.081992486337387i,u4:=u4(1)e515iπ0.010277158271074,u5:=u5(1)e1615iπ0.2812761490571610.081992486337387i,u6:=u6(1)e1615iπ3.2767858257459700.955188763599790i:subscript𝑢1absentabsentsubscript𝑢119730316237461782:subscript𝑢2absentabsentsubscript𝑢21superscript𝑒1615𝑖𝜋32767858257459700955188763599790𝑖:subscript𝑢3absentabsentsubscript𝑢31superscript𝑒1915𝑖𝜋02812761490571610081992486337387𝑖:subscript𝑢4absentabsentsubscript𝑢41superscript𝑒515𝑖𝜋0010277158271074:subscript𝑢5absentabsentsubscript𝑢51superscript𝑒1615𝑖𝜋02812761490571610081992486337387𝑖:subscript𝑢6absentabsentsubscript𝑢61superscript𝑒1615𝑖𝜋32767858257459700955188763599790𝑖\begin{array}[]{llll}u_{1}:&=u_{1}(1)&=&-97.30316237461782\ldots,\\ u_{2}:&=u_{2}(1)e^{\frac{16}{15}i\pi}&\approx&-3.276785825745970\ldots+0.955188763599790\ldots i,\\ u_{3}:&=u_{3}(1)e^{\frac{19}{15}i\pi}&\approx&-0.281276149057161\ldots+0.081992486337387\ldots i,\\ u_{4}:&=u_{4}(1)e^{\frac{5}{15}i\pi}&\approx&-0.010277158271074\ldots,\\ u_{5}:&=u_{5}(1)e^{\frac{16}{15}i\pi}&\approx&-0.281276149057161\ldots-0.081992486337387\ldots i,\\ u_{6}:&=u_{6}(1)e^{\frac{16}{15}i\pi}&\approx&-3.276785825745970\ldots-0.955188763599790\ldots i\end{array}

coïncident chacun avec une racine de Q2subscript𝑄2Q_{2} sur plusieurs dizaines de décimales.

(c) Un exemple à groupe des classes C2×C4subscript𝐶2subscript𝐶4C_{2}\times C_{4}.

Le groupe des classes (au sens restreint) de K=F(21ϵ29)𝐾𝐹21italic-ϵ29K=F(\sqrt{21\epsilon-29}) est d’ordre 8,88, isomorphe à C2×C4.subscript𝐶2subscript𝐶4C_{2}\times C_{4}. L’algorithme décrit précédemment permet de calculer

ρ1(γ1)subscript𝜌1subscript𝛾1\displaystyle\rho_{1}(\gamma_{1}) \displaystyle\approx 1.8666666666660.787374943777i,18666666666660787374943777𝑖\displaystyle-1.866666666666\ldots-0.787374943777\ldots i,
ρ2(γ2)subscript𝜌2subscript𝛾2\displaystyle\rho_{2}(\gamma_{2}) \displaystyle\approx 0.297896510457+0.068709821260i,02978965104570068709821260𝑖\displaystyle 0.297896510457\ldots+0.068709821260\ldots i,
ρ3(γ3)subscript𝜌3subscript𝛾3\displaystyle\rho_{3}(\gamma_{3}) \displaystyle\approx 0.300000000000+0.161542382812i,03000000000000161542382812𝑖\displaystyle-0.300000000000\ldots+0.161542382812\ldots i,
ρ4(γ4)subscript𝜌4subscript𝛾4\displaystyle\rho_{4}(\gamma_{4}) \displaystyle\approx 1.097896510457+0.068709821260i,10978965104570068709821260𝑖\displaystyle-1.097896510457\ldots+0.068709821260\ldots i,
ρ5(γ5)subscript𝜌5subscript𝛾5\displaystyle\rho_{5}(\gamma_{5}) \displaystyle\approx 0.133333333333+0.787374943777i,01333333333330787374943777𝑖\displaystyle-0.133333333333\ldots+0.787374943777\ldots i,
ρ6(γ6)subscript𝜌6subscript𝛾6\displaystyle\rho_{6}(\gamma_{6}) \displaystyle\approx 0.0312298437910.068709821260i,00312298437910068709821260𝑖\displaystyle-0.031229843791\ldots-0.068709821260\ldots i,
ρ7(γ7)subscript𝜌7subscript𝛾7\displaystyle\rho_{7}(\gamma_{7}) \displaystyle\approx 0.9000000000000.161542382812i,09000000000000161542382812𝑖\displaystyle-0.900000000000\ldots-0.161542382812\ldots i,
ρ8(γ8)subscript𝜌8subscript𝛾8\displaystyle\rho_{8}(\gamma_{8}) \displaystyle\approx 1.381210.391304i.1381210391304𝑖\displaystyle-1.38121\ldots-0.391304\ldots i.

L’invariant le plus précis est ρ5(γ5)subscript𝜌5subscript𝛾5\rho_{5}(\gamma_{5}) dont on a obtenu 200 décimales significatives. La commande Pari algdep(u5(1)e1915iπ,16,200)u_{5}(1)e^{-\frac{19}{15}i\pi},16,200) fournit comme candidat le polynôme réciproque

Q3(x)subscript𝑄3𝑥\displaystyle Q_{3}(x) =\displaystyle= x16+139x15255x14538x13+2018x122237x11+1898x103034x9superscript𝑥16139superscript𝑥15255superscript𝑥14538superscript𝑥132018superscript𝑥122237superscript𝑥111898superscript𝑥103034superscript𝑥9\displaystyle x^{16}+139x^{15}-255x^{14}-538x^{13}+2018x^{12}-2237x^{11}+1898x^{10}-3034x^{9}
+4137x83034x7+1898x62237x5+2018x4538x3255x2+139x+1.4137superscript𝑥83034superscript𝑥71898superscript𝑥62237superscript𝑥52018superscript𝑥4538superscript𝑥3255superscript𝑥2139𝑥1\displaystyle+4137x^{8}-3034x^{7}+1898x^{6}-2237x^{5}+2018x^{4}-538x^{3}-255x^{2}+139x+1.

On constate d’abord que Q3subscript𝑄3Q_{3} est en effet le polynôme minimal d’une unité de HK+.superscriptsubscript𝐻𝐾H_{K}^{+}. Par ailleurs, six autres invariants coïncident eux aussi avec des racines de ce polynôme, au moins pour leurs n𝑛n premières décimales (10n20010𝑛20010\leq n\leq 200 selon les cas):

u1:=u1(1)e1615iπassignsubscript𝑢1subscript𝑢11superscript𝑒1615𝑖𝜋\displaystyle u_{1}:=u_{1}(1)e^{\frac{16}{15}i\pi} \displaystyle\approx 140.7834195600;1407834195600\displaystyle-140.7834195600\ldots;
u2:=u2(1)e1915iπassignsubscript𝑢2subscript𝑢21superscript𝑒1915𝑖𝜋\displaystyle u_{2}:=u_{2}(1)e^{\frac{19}{15}i\pi} \displaystyle\approx 0.5897077724310.271949567981i;05897077724310271949567981𝑖\displaystyle 0.589707772431\ldots-0.271949567981\ldots i;
u3:=u3(1)e2415iπassignsubscript𝑢3subscript𝑢31superscript𝑒2415𝑖𝜋\displaystyle u_{3}:=u_{3}(1)e^{\frac{24}{15}i\pi} \displaystyle\approx 0.362402166665;0362402166665\displaystyle-0.362402166665\ldots;
u4:=u4(1)e515iπassignsubscript𝑢4subscript𝑢41superscript𝑒515𝑖𝜋\displaystyle u_{4}:=u_{4}(1)e^{\frac{5}{15}i\pi} \displaystyle\approx 0.589707772431+0.271949567981i;05897077724310271949567981𝑖\displaystyle 0.589707772431\ldots+0.271949567981\ldots i;
u5:=u5(1)e1915iπassignsubscript𝑢5subscript𝑢51superscript𝑒1915𝑖𝜋\displaystyle u_{5}:=u_{5}(1)e^{\frac{19}{15}i\pi} \displaystyle\approx 0.007103109180;0007103109180\displaystyle-0.007103109180\ldots;
u6:=u6(1)e315iπassignsubscript𝑢6subscript𝑢61superscript𝑒315𝑖𝜋\displaystyle u_{6}:=u_{6}(1)e^{\frac{3}{15}i\pi} \displaystyle\approx 1.398366700490+0.644870625513i;13983667004900644870625513𝑖\displaystyle 1.398366700490\ldots+0.644870625513\ldots i;
u7:=u7(1)e1215iπassignsubscript𝑢7subscript𝑢71superscript𝑒1215𝑖𝜋\displaystyle u_{7}:=u_{7}(1)e^{\frac{12}{15}i\pi} \displaystyle\approx 2.759365401151.2759365401151\displaystyle-2.759365401151\ldots.

La précision avec laquelle ρ8(γ8)subscript𝜌8subscript𝛾8\rho_{8}(\gamma_{8}) est obtenu se révèle insuffisante pour identifier u8subscript𝑢8u_{8} avec une des racines de Q3.subscript𝑄3Q_{3}. Pour des raisons de symétrie, il doit correspondre à la racine

1.3983667004900.644870625513i.13983667004900644870625513𝑖1.398366700490\ldots-0.644870625513\ldots i.

6.2 Corps de base 𝐐(2)𝐐2\mathbf{Q}(\sqrt{2})

L’anneau des entiers de F=𝐐(2)superscript𝐹𝐐2F^{\prime}=\mathbf{Q}(\sqrt{2}) est euclidien pour la norme. On note ϵ=1+2italic-ϵ12\epsilon=1+\sqrt{2} son unité fondamentale de norme 1,1-1, et l’on ordonne les plongements de sorte que ϵ1<0subscriptitalic-ϵ10\epsilon_{1}<0 et ϵ2>0.subscriptitalic-ϵ20\epsilon_{2}>0. La constante mFsubscript𝑚superscript𝐹m_{F^{\prime}} optimale est vraisemblablement mF=6subscript𝑚superscript𝐹6m_{F^{\prime}}=6 dans ce cas.

(a) Un exemple à groupe des classes C4.subscript𝐶4C_{4}.

L’extension ATR K=F(12ϵ11)𝐾superscript𝐹12italic-ϵ11K=F^{\prime}(\sqrt{12\epsilon-11}) possède un groupe des classes au sens restreint cyclique d’ordre 4.44. Nous associons à chaque classe un invariant dans 𝐂/mF𝐙𝐂subscript𝑚superscript𝐹𝐙\mathbf{C}/m_{F^{\prime}}\mathbf{Z}:

ρ1(γ1)subscript𝜌1subscript𝛾1\displaystyle\rho_{1}(\gamma_{1}) \displaystyle\approx 1.3333333333333330.301378336840440i;13333333333333330301378336840440𝑖\displaystyle-1.333333333333333\ldots-0.301378336840440\ldots i;
ρ2(γ2)subscript𝜌2subscript𝛾2\displaystyle\rho_{2}(\gamma_{2}) \displaystyle\approx 0.274078669810665;0274078669810665\displaystyle-0.274078669810665\ldots;
ρ3(γ3)subscript𝜌3subscript𝛾3\displaystyle\rho_{3}(\gamma_{3}) \displaystyle\approx 0.166666666666666+0.301378336840440i;01666666666666660301378336840440𝑖\displaystyle 0.166666666666666\ldots+0.301378336840440\ldots i;
ρ4(γ4)subscript𝜌4subscript𝛾4\displaystyle\rho_{4}(\gamma_{4}) \displaystyle\approx 3.225921330189334.3225921330189334\displaystyle-3.225921330189334\ldots.

Tous sont obtenus avec une précision supérieure à 404040 décimales. On en déduit au moyen de la commande Pari algdep le polynôme candidat

Q4(x)=x8+6x75x64x5+5x44x35x2+6x+1.subscript𝑄4𝑥superscript𝑥86superscript𝑥75superscript𝑥64superscript𝑥55superscript𝑥44superscript𝑥35superscript𝑥26𝑥1Q_{4}(x)=x^{8}+6x^{7}-5x^{6}-4x^{5}+5x^{4}-4x^{3}-5x^{2}+6x+1.

On vérifie a posteriori que ce polynôme définit bien une unité du corps de classes de Hilbert au sens restreint de K.𝐾K. Par ailleurs, 444 des 888 racines de Q4subscript𝑄4Q_{4} coïncident sur leurs 404040 premières décimales avec les nombres complexes

u1:=u1(1)e106iπ6.643347233735518;u2:=u2(1)e106iπ0.9314902433811370.363766307518644i;u3:=u3(1)e46iπ0.150526528994587;u4:=u4(1)e86iπ0.931490243381137+0.363766307518644i.assignsubscript𝑢1subscript𝑢11superscript𝑒106𝑖𝜋6643347233735518assignsubscript𝑢2subscript𝑢21superscript𝑒106𝑖𝜋09314902433811370363766307518644𝑖assignsubscript𝑢3subscript𝑢31superscript𝑒46𝑖𝜋0150526528994587assignsubscript𝑢4subscript𝑢41superscript𝑒86𝑖𝜋09314902433811370363766307518644𝑖\begin{array}[]{lll}u_{1}:=u_{1}(1)e^{\frac{10}{6}i\pi}&\approx&-6.643347233735518\ldots;\\ u_{2}:=u_{2}(1)e^{\frac{10}{6}i\pi}&\approx&-0.931490243381137\ldots-0.363766307518644\ldots i;\\ u_{3}:=u_{3}(1)e^{\frac{4}{6}i\pi}&\approx&-0.150526528994587\ldots;\\ u_{4}:=u_{4}(1)e^{\frac{8}{6}i\pi}&\approx&-0.931490243381137\ldots+0.363766307518644\ldots i.\end{array}

(b) Un exemple à groupe des classes C8.subscript𝐶8C_{8}.

On considère enfin l’extension quadratique ATR K=F(25ϵ31),𝐾superscript𝐹25italic-ϵ31K=F^{\prime}(\sqrt{25\epsilon-31}), dont le groupe des classes au sens restreint est cyclique d’ordre 888. À chaque classe correspond une matrice γk𝐒𝐋2(𝒪F)subscript𝛾𝑘subscript𝐒𝐋2subscript𝒪superscript𝐹\gamma_{k}\in{\bf SL}_{2}(\mathcal{O}_{F^{\prime}}) et un invariant de 𝐂/mF𝐙𝐂subscript𝑚superscript𝐹𝐙\mathbf{C}/m_{F^{\prime}}\mathbf{Z}:

ρ1(γ1)subscript𝜌1subscript𝛾1\displaystyle\rho_{1}(\gamma_{1}) \displaystyle\approx 3.6666666666662.047636549497i;36666666666662047636549497𝑖\displaystyle-3.666666666666\ldots-2.047636549497\ldots i;
ρ2(γ2)subscript𝜌2subscript𝛾2\displaystyle\rho_{2}(\gamma_{2}) \displaystyle\approx 1.8559970786950.315172999961i;18559970786950315172999961𝑖\displaystyle 1.855997078695\ldots-0.315172999961\ldots i;
ρ3(γ3)subscript𝜌3subscript𝛾3\displaystyle\rho_{3}(\gamma_{3}) \displaystyle\approx 122.347+0.625i;1223470625𝑖\displaystyle-122.347\ldots+0.625\ldots i;
ρ4(γ4)subscript𝜌4subscript𝛾4\displaystyle\rho_{4}(\gamma_{4}) \displaystyle\approx 87.06066958797+0.315172999961i;87060669587970315172999961𝑖\displaystyle-87.06066958797\ldots+0.315172999961\ldots i;
ρ5(γ5)subscript𝜌5subscript𝛾5\displaystyle\rho_{5}(\gamma_{5}) \displaystyle\approx 18.16666666666+2.047636549497i;18166666666662047636549497𝑖\displaystyle-18.16666666666\ldots+2.047636549497\ldots i;
ρ6(γ6)subscript𝜌6subscript𝛾6\displaystyle\rho_{6}(\gamma_{6}) \displaystyle\approx 20.060669587971+0.315172999961i;200606695879710315172999961𝑖\displaystyle 20.060669587971\ldots+0.315172999961\ldots i;
ρ7(γ7)subscript𝜌7subscript𝛾7\displaystyle\rho_{7}(\gamma_{7}) \displaystyle\approx 13.884816073095;13884816073095\displaystyle-13.884816073095\ldots;
ρ8(γ8)subscript𝜌8subscript𝛾8\displaystyle\rho_{8}(\gamma_{8}) \displaystyle\approx 47.8940029213040.3151729999612i.4789400292130403151729999612𝑖\displaystyle 47.894002921304\ldots-0.3151729999612\ldots i.

L’invariant le plus précis est ρ5(γ5)subscript𝜌5subscript𝛾5\rho_{5}(\gamma_{5}), qu’on a pu calculer avec plus de 200 décimales significatives. La commande Pari algdep(u5(1)e816iπ,16)u_{5}(1)e^{-\frac{8}{16}i\pi},16) suggère le polynôme réciproque

Q5(x)subscript𝑄5𝑥\displaystyle Q_{5}(x) :=assign\displaystyle:= x16+386792x155613916x14+21963312x1313291318x12+32052888x11superscript𝑥16386792superscript𝑥155613916superscript𝑥1421963312superscript𝑥1313291318superscript𝑥1232052888superscript𝑥11\displaystyle x^{16}+386792x^{15}-5613916x^{14}+21963312x^{13}-13291318x^{12}+32052888x^{11}
+15011472x10+16774296x9+36336275x8+16774296x7+15011472x615011472superscript𝑥1016774296superscript𝑥936336275superscript𝑥816774296superscript𝑥715011472superscript𝑥6\displaystyle+15011472x^{10}+16774296x^{9}+36336275x^{8}+16774296x^{7}+15011472x^{6}
+32052888x513291318x4+21963312x35613916x2+386792x+1.32052888superscript𝑥513291318superscript𝑥421963312superscript𝑥35613916superscript𝑥2386792𝑥1\displaystyle+32052888x^{5}-13291318x^{4}+21963312x^{3}-5613916x^{2}+386792x+1.

Il est aisé de vérifier que Q5subscript𝑄5Q_{5} définit effectivement une unité de HK+.superscriptsubscript𝐻𝐾H_{K}^{+}. À une racine de l’unité près, les exponentielles des nombres complexes précédents coïncident sur leurs premières décimales (entre 10 et 200 selon les cas) avec les racines suivantes de Q5subscript𝑄5Q_{5}:

u1:=u1(1)e26iπ386806.513645927;u2:=u2(1)e26iπ7.17151519909699+1.02818667270890i;u4:=u4(1)e16iπ0.136632045175690+0.0195890608908274i;u5:=u5(1)e86iπ0.00000258527187;u6:=u6(1)e116iπ0.1366320451756900.0195890608908274i;u7:=u7(1)e76iπ0.3178638110036180.948136381357796i;u8:=u8(1)e16iπ7.171515199096991.02818667270890i.assignsubscript𝑢1subscript𝑢11superscript𝑒26𝑖𝜋386806513645927assignsubscript𝑢2subscript𝑢21superscript𝑒26𝑖𝜋717151519909699102818667270890𝑖assignsubscript𝑢4subscript𝑢41superscript𝑒16𝑖𝜋013663204517569000195890608908274𝑖assignsubscript𝑢5subscript𝑢51superscript𝑒86𝑖𝜋000000258527187assignsubscript𝑢6subscript𝑢61superscript𝑒116𝑖𝜋013663204517569000195890608908274𝑖assignsubscript𝑢7subscript𝑢71superscript𝑒76𝑖𝜋03178638110036180948136381357796𝑖assignsubscript𝑢8subscript𝑢81superscript𝑒16𝑖𝜋717151519909699102818667270890𝑖\begin{array}[]{lll}u_{1}:=u_{1}(1)e^{\frac{2}{6}i\pi}&\approx&-386806.513645927\ldots;\\ u_{2}:=u_{2}(1)e^{\frac{2}{6}i\pi}&\approx&7.17151519909699\ldots+1.02818667270890\ldots i;\\ u_{4}:=u_{4}(1)e^{\frac{1}{6}i\pi}&\approx&0.136632045175690\ldots+0.0195890608908274\ldots i;\\ u_{5}:=u_{5}(1)e^{\frac{8}{6}i\pi}&\approx&-0.00000258527187\ldots;\\ u_{6}:=u_{6}(1)e^{\frac{11}{6}i\pi}&\approx&0.136632045175690\ldots-0.0195890608908274\ldots i;\\ u_{7}:=u_{7}(1)e^{\frac{7}{6}i\pi}&\approx&-0.317863811003618\ldots-0.948136381357796\ldots i;\\ u_{8}:=u_{8}(1)e^{\frac{1}{6}i\pi}&\approx&7.17151519909699\ldots-1.02818667270890\ldots i.\end{array}

La précision obtenue sur les décimales de ρ3(γ3)subscript𝜌3subscript𝛾3\rho_{3}(\gamma_{3}) est insuffisante pour identifier u3.subscript𝑢3u_{3}. Pour des raisons de symétrie, il doit correspondre à la racine suivante de Q5::subscript𝑄5absentQ_{5}:

0.317863811003618+0.948136381357796i.03178638110036180948136381357796𝑖-0.317863811003618\ldots+0.948136381357796\ldots i.

7 Périodes de séries d’Eisenstein.

L’objet de cette partie est d’établir une formule générale qui exprime la valeur spéciale en s=0𝑠0s=0 des fonctions L𝐿L introduites précédemment en terme de périodes de séries d’Eisenstein pour un tore de Γ,Γ\Gamma, ce qui complète la démonstration des théorèmes 2.1 et 3.2.

Des formules similaires ont déjà été obtenues dans [Har] et [Ha] par exemple. On donne ici une présentation des résultats exposés dans la thèse du premier auteur [Ch1, section 5] sous une forme directement utilisable dans les parties 2 et 3.


Quelques notations multi-indices standard permettront de rendre les formules plus agréables. On associe d’abord à un n𝑛n-uplet de nombres complexes z=(z1,,zn)𝐂n𝑧subscript𝑧1subscript𝑧𝑛superscript𝐂𝑛z=(z_{1},\ldots,z_{n})\in\mathbf{C}^{n} sa partie imaginaire y=(Im(z1),,Im(zn)),𝑦Imsubscript𝑧1Imsubscript𝑧𝑛y=(\textrm{Im}(z_{1}),\ldots,\textrm{Im}(z_{n})), sa trace Tr(z)=z1++zn𝑇𝑟𝑧subscript𝑧1subscript𝑧𝑛Tr(z)=z_{1}+\ldots+z_{n} et sa norme N(z)=z1zn.𝑁𝑧subscript𝑧1subscript𝑧𝑛N(z)=z_{1}\cdots z_{n}. Pour un élement μ𝜇\mu de F,𝐹F, on désigne par μz𝜇𝑧\mu z et z+μ𝑧𝜇z+\mu les n𝑛n-uplets (μ1z1,,μnzn)subscript𝜇1subscript𝑧1subscript𝜇𝑛subscript𝑧𝑛(\mu_{1}z_{1},\ldots,\mu_{n}z_{n}) et (μ1+z1,,μn+zn)subscript𝜇1subscript𝑧1subscript𝜇𝑛subscript𝑧𝑛(\mu_{1}+z_{1},\ldots,\mu_{n}+z_{n}) respectivement. On introduit alors pour Re(s)>1Re𝑠1\mathrm{\,Re\,}(s)>1 la série d’Eisenstein

E(z,s)𝐸𝑧𝑠\displaystyle E(z,s) =\displaystyle= (μ,ν)𝒪F2/𝒪F×N(y)s|N(μz+ν)|2s,subscript𝜇𝜈superscriptsubscript𝒪𝐹2superscriptsubscript𝒪𝐹𝑁superscript𝑦𝑠superscript𝑁𝜇𝑧𝜈2𝑠\displaystyle\sum_{\ \ \ (\mu,\,\nu)\in\mathcal{O}_{F}^{2}/\mathcal{O}_{F}^{\times}}\!\!\!\!\!\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\ \frac{N(y)^{s}}{|N(\mu z+\nu)|^{2s}}, (40)

où le groupe d’unités 𝒪F×superscriptsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}^{\times} opère diagonalement sur 𝒪F 2.superscriptsubscript𝒪𝐹2\mathcal{O}_{F}^{\,2}. Cette série définit une forme modulaire de Hilbert non-holomorphe de poids (0,,0)0.0(0,\ldots,0) pour Γ.Γ\Gamma. Le théorème principal de cette partie met en jeu des périodes associées à des dérivées partielles de E(z,s).𝐸𝑧𝑠E(z,s).


Soit K𝐾K une extension quadratique de F.𝐹F. La signature de K𝐾K est de la forme (2r,c)2𝑟𝑐(2r,\,c) avec r+c=n.𝑟𝑐𝑛r+c=n. On ordonne les n𝑛n places archimédiennes de F𝐹F de sorte que les c𝑐c premières places υ1,,υcsubscript𝜐1subscript𝜐𝑐\upsilon_{1},\ldots,\upsilon_{c} se prolongent chacune en une place complexe de K,𝐾K, et que pour les r𝑟r places suivantes υc+1,,υnsubscript𝜐𝑐1subscript𝜐𝑛\upsilon_{c+1},\ldots,\upsilon_{n} on ait un isomorphisme de 𝐑𝐑\mathbf{R}-algèbre KF,vj𝐑𝐑𝐑.similar-to-or-equalssubscripttensor-product𝐹subscript𝑣𝑗𝐾𝐑direct-sum𝐑𝐑K\otimes_{F,v_{j}}\mathbf{R}\simeq\mathbf{R}\oplus\mathbf{R}. On fixe une fois pour toutes de telles identifications, que l’on appelle encore υjsubscript𝜐𝑗\upsilon_{j} par abus de notation.

Comme dans la partie 1.2, on fixe un idéal I𝐼I de 𝒪F,subscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}, et l’on note 𝒪I=𝒪F+I𝒪Ksubscript𝒪𝐼subscript𝒪𝐹𝐼subscript𝒪𝐾\mathcal{O}_{I}=\mathcal{O}_{F}+I\mathcal{O}_{K} l’ordre de K𝐾K de conducteur I.𝐼I. On se donne un 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif M𝑀M de K,𝐾K, et l’on définit τ:=ω2/ω1,assign𝜏subscript𝜔2subscript𝜔1\tau:=\omega_{2}/\omega_{1},(ω1,ω2)subscript𝜔1subscript𝜔2(\omega_{1},\omega_{2}) est une une 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}-base positive de M.𝑀M. On pose alors

{τj:=vj(τ)j pour j=1,,c,(τj,τj):=vj(τ)𝐑×𝐑 pour j=c+1,,n.casesassignsubscript𝜏𝑗subscript𝑣𝑗𝜏absentsubscript𝑗 pour 𝑗1𝑐assignsubscript𝜏𝑗superscriptsubscript𝜏𝑗subscript𝑣𝑗𝜏absent𝐑𝐑 pour 𝑗𝑐1𝑛\left\{\begin{array}[]{lll}\tau_{j}:=v_{j}(\tau)&\in\mathcal{H}_{j}&\mbox{ pour }j=1,\ldots,c,\\ (\tau_{j},\tau_{j}^{\prime}):=v_{j}(\tau)&\in\mathbf{R}\times\mathbf{R}&\mbox{ pour }j=c+1,\ldots,n.\end{array}\right.

Pour chaque c+1jn,𝑐1𝑗𝑛c+1\leq j\leq n, on appelle ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j} la géodésique hyperbolique sur jsubscript𝑗\mathcal{H}_{j} joignant τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j} à τjsuperscriptsubscript𝜏𝑗\tau_{j}^{\prime}, orientée dans le sens allant de τjsubscriptsuperscript𝜏𝑗\tau^{\prime}_{j} à τjsubscript𝜏𝑗\tau_{j}.

Le produit

Rτ={τ1}×{τc}×Υc+1××Υnnsubscript𝑅𝜏subscript𝜏1subscript𝜏𝑐subscriptΥ𝑐1subscriptΥ𝑛superscript𝑛R_{\tau}=\{\tau_{1}\}\times\cdots\{\tau_{c}\}\times\Upsilon_{c+1}\times\cdots\times\Upsilon_{n}\subset\mathcal{H}^{n}

est un espace contractile homéomorphe à 𝐑rsuperscript𝐑𝑟\mathbf{R}^{r}. On le munit de l’orientation naturelle héritée des ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j}. Le stabilisateur ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} de τ𝜏\tau dans ΓΓ\Gamma est un groupe abélien de rang r𝑟r (modulo la torsion), qui s’identifie avec le sous-groupe V1subscript𝑉1V_{1} des unités de V𝑉V de norme relative 111 sur F𝐹F. Il opère sur Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau} par homographies, et le quotient Γτ\Rτ\subscriptΓ𝜏subscript𝑅𝜏\Gamma_{\tau}\backslash R_{\tau} est compact, isomorphe à un tore réel de dimension r𝑟r. Soit ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} un domaine fondamental pour l’action de ΓτsubscriptΓ𝜏\Gamma_{\tau} sur Rτsubscript𝑅𝜏R_{\tau}. On identifie ΔτsubscriptΔ𝜏\Delta_{\tau} avec son image dans 𝒳𝒳\mathcal{X}, qui est un cycle fermé de dimension r𝑟r dans ce quotient.

Théorème 7.1.

Pour tout 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif M𝑀M dans K,𝐾K, on a:

ΔτrE(z,s)zc+1zn𝑑zc+1dzn=(Γ(s+12)22iΓ(s))rdFsL(M,s).subscriptsubscriptΔ𝜏superscript𝑟𝐸𝑧𝑠subscript𝑧𝑐1subscript𝑧𝑛differential-dsubscript𝑧𝑐1𝑑subscript𝑧𝑛superscriptΓsuperscript𝑠1222𝑖Γ𝑠𝑟superscriptsubscript𝑑𝐹𝑠𝐿𝑀𝑠\int_{\Delta_{\tau}}\frac{\partial^{r}E(z,s)}{\partial z_{c+1}\cdots\partial z_{n}}dz_{c+1}\wedge\ldots\wedge dz_{n}=\left(\frac{\Gamma(\frac{s+1}{2})^{2}}{2i\Gamma(s)}\right)^{r}d_{F}^{-s}\,L(M,s). (41)
Démonstration.

On associe à tout nombre complexe s𝑠s la r𝑟r-forme différentielle ΓΓ\Gamma-invariante sur nsuperscript𝑛\mathcal{H}^{n}

ωEisr(s):=rE(z,s)zc+1zndzc+1dzn.assignsuperscriptsubscript𝜔Eis𝑟𝑠superscript𝑟𝐸𝑧𝑠subscript𝑧𝑐1subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧𝑐1𝑑subscript𝑧𝑛\omega_{\textrm{Eis}}^{r}(s):=\frac{\partial^{r}E(z,s)}{\partial z_{c+1}\cdots\partial z_{n}}dz_{c+1}\wedge\ldots\wedge dz_{n}.

Lorsque Re(s)>1,Re𝑠1\mathrm{\,Re\,}(s)>1, un calcul direct montre que la période considérée prend la forme

ΔτωEisr(s)=(s2i)rΔτ(μ,ν)𝒪F2/𝒪F×(j=1c(Imτj)s|μjτj+νj|2s)(j=c+1nyjs1(μjz¯j+νj)2|μjzj+νj|2s+2dzj).subscriptsubscriptΔ𝜏superscriptsubscript𝜔Eis𝑟𝑠superscript𝑠2𝑖𝑟subscriptsubscriptΔ𝜏subscript𝜇𝜈superscriptsubscript𝒪𝐹2superscriptsubscript𝒪𝐹superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑐superscriptImsubscript𝜏𝑗𝑠superscriptsubscript𝜇𝑗subscript𝜏𝑗subscript𝜈𝑗2𝑠superscriptsubscript𝑗𝑐1𝑛superscriptsubscript𝑦𝑗𝑠1superscriptsubscript𝜇𝑗subscript¯𝑧𝑗subscript𝜈𝑗2superscriptsubscript𝜇𝑗subscript𝑧𝑗subscript𝜈𝑗2𝑠2𝑑subscript𝑧𝑗\int_{\Delta_{\tau}}\omega_{\textrm{Eis}}^{r}(s)=\left(\frac{s}{2i}\right)^{r}\int_{\Delta_{\tau}}\!\!\!\!\sum_{\ \ \ (\mu,\,\nu)\in\mathcal{O}_{F}^{2}/\mathcal{O}_{F}^{\times}}\!\!\!\!\!\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\left(\prod_{j=1}^{c}\frac{(\mathrm{\,Im\,}\ \tau_{j})^{s}}{|\mu_{j}\tau_{j}+\nu_{j}|^{2s}}\right)\left(\bigwedge_{j=c+1}^{n}\frac{y_{j}^{s-1}(\mu_{j}\bar{z}_{j}+\nu_{j})^{2}}{|\mu_{j}z_{j}+\nu_{j}|^{2s+2}}dz_{j}\right). (42)

On définit une action naturelle de K×superscript𝐾K^{\times} (et donc du groupe V1subscript𝑉1V_{1}) sur (𝐑+×)rsuperscriptsubscriptsuperscript𝐑𝑟(\mathbf{R}^{\times}_{+})^{r} par la formule

α(tc+1,,tn):=(|αc+1αc+1|tc+1,,|αnαn|tn).assign𝛼subscript𝑡𝑐1subscript𝑡𝑛subscript𝛼𝑐1subscriptsuperscript𝛼𝑐1subscript𝑡𝑐1subscript𝛼𝑛subscriptsuperscript𝛼𝑛subscript𝑡𝑛\alpha\centerdot(t_{c+1},\ldots,t_{n}):=\left(\left|\frac{\alpha_{c+1}}{\alpha^{\prime}_{c+1}}\right|t_{c+1},\ldots,\left|\frac{\alpha_{n}}{\alpha^{\prime}_{n}}\right|t_{n}\right).

Le tore compact réel Tr:V1\(𝐑+×)r:superscript𝑇𝑟\subscript𝑉1superscriptsubscriptsuperscript𝐑𝑟T^{r}:V_{1}\backslash(\mathbf{R}^{\times}_{+})^{r} est muni d’une mesure de Haar canonique

d×t=dtc+1tc+1dtntn.superscript𝑑𝑡𝑑subscript𝑡𝑐1subscript𝑡𝑐1𝑑subscript𝑡𝑛subscript𝑡𝑛d^{\times}t=\frac{dt_{c+1}}{t_{c+1}}\wedge\ldots\wedge\frac{dt_{n}}{t_{n}}.

On peut supposer que (1,τ)1𝜏(1,\tau) est une 𝒪Fsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}-base positive de M𝑀M, quitte à changer M𝑀M en αM𝛼𝑀\alpha M avec αK×𝛼superscript𝐾\alpha\in K^{\times}. Dans ce cas, la géodésique ΥjsubscriptΥ𝑗\Upsilon_{j} est orientée dans le sens trigonométrique selon nos conventions. On obtient une paramétrisation tj𝐑+×subscript𝑡𝑗superscriptsubscript𝐑t_{j}\in\mathbf{R}_{+}^{\times} de cette géodésique en posant tj=izjτjzjτj.subscript𝑡𝑗𝑖subscript𝑧𝑗subscriptsuperscript𝜏𝑗subscript𝑧𝑗subscript𝜏𝑗t_{j}=-i\frac{z_{j}-\tau^{\prime}_{j}}{z_{j}-\tau_{j}}. Elle permet d’identifier le quotient Γτ\Rτ\subscriptΓ𝜏subscript𝑅𝜏\Gamma_{\tau}\backslash R_{\tau} avec le tore Trsuperscript𝑇𝑟T^{r} en respectant les orientations. On observe d’abord que

N(M)=dFj=1cIm(τj)j=c+1n(τjτj).𝑁𝑀subscript𝑑𝐹superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑐Imsubscript𝜏𝑗superscriptsubscriptproduct𝑗𝑐1𝑛subscriptsuperscript𝜏𝑗subscript𝜏𝑗N(M)=d_{F}\prod_{j=1}^{c}\mathrm{\,Im\,}(\tau_{j})\prod_{j=c+1}^{n}(\tau^{\prime}_{j}-\tau_{j}).

Le changement de variable qui correspond à cette paramétrisation transforme l’identité (42) en l’expression

ΔτωEisr(s)=(s2)r(N(M)dF)sTrβM/𝒪F×|NK/𝐐(β)|sgβ(βt)d×t,subscriptsubscriptΔ𝜏superscriptsubscript𝜔Eis𝑟𝑠superscript𝑠2𝑟superscript𝑁𝑀subscript𝑑𝐹𝑠subscriptsuperscript𝑇𝑟subscript𝛽𝑀superscriptsubscript𝒪𝐹superscriptsubscript𝑁𝐾𝐐𝛽𝑠subscript𝑔𝛽𝛽𝑡superscript𝑑𝑡\displaystyle\int_{\Delta_{\tau}}\omega_{\textrm{Eis}}^{r}(s)=\left(\frac{s}{2}\right)^{r}\left(\frac{N(M)}{d_{F}}\right)^{s}\!\!\int_{T^{r}}\!\!\!\!\!\!\sum_{\ \ \ \beta\in M/\mathcal{O}_{F}^{\times}}\!\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\left|N_{K/\mathbf{Q}}(\beta)\right|^{-s}g_{\beta}(\beta\centerdot t)d^{\times}t, (45)

où l’on a posé β=μτ+ν,𝛽𝜇𝜏𝜈\beta=\mu\tau+\nu, élément de K×superscript𝐾K^{\times} qui parcourt les classes non nulles de M/𝒪F×𝑀superscriptsubscript𝒪𝐹M/\mathcal{O}_{F}^{\times} quand le couple (μ,ν)𝜇𝜈(\mu,\nu) parcourt les classes non nulles de 𝒪F2/𝒪F×,superscriptsubscript𝒪𝐹2superscriptsubscript𝒪𝐹\mathcal{O}_{F}^{2}/\mathcal{O}_{F}^{\times}, et où gβ:(𝐑+×)r𝐂:subscript𝑔𝛽superscriptsuperscriptsubscript𝐑𝑟𝐂g_{\beta}:(\mathbf{R}_{+}^{\times})^{r}\longrightarrow\mathbf{C} désigne la fonction auxiliaire

gβ(t)=j=c+1ntjs(itj+signe(βjβj))2(tj2+1)s+1.subscript𝑔𝛽𝑡superscriptsubscriptproduct𝑗𝑐1𝑛superscriptsubscript𝑡𝑗𝑠superscript𝑖subscript𝑡𝑗signesubscript𝛽𝑗subscriptsuperscript𝛽𝑗2superscriptsuperscriptsubscript𝑡𝑗21𝑠1g_{\beta}(t)=\prod_{j=c+1}^{n}\frac{t_{j}^{s}(-it_{j}+\operatorname{signe}(\beta_{j}\beta^{\prime}_{j}))^{2}}{(t_{j}^{2}+1)^{s+1}}.

L’étape cruciale consiste maintenant à utiliser une idée due à Hecke ([Si] p. 86) : on observe d’abord que l’on obtient un système de représentants des classes non nulles de M/𝒪F×𝑀superscriptsubscript𝒪𝐹M/\mathcal{O}_{F}^{\times} en considérant la famille {βϵ}𝛽italic-ϵ\{\beta\epsilon\} lorsque β𝛽\beta parcourt les classes non-nulles de M/V~𝑀~𝑉M/\tilde{V} et ϵitalic-ϵ\epsilon parcourt V1/{±1}.subscript𝑉1plus-or-minus1V_{1}/\{\pm 1\}.

Par conséquent, l’identité (45) devient

ΔτωEisr(s)=subscriptsubscriptΔ𝜏superscriptsubscript𝜔Eis𝑟𝑠absent\displaystyle\int_{\Delta_{\tau}}\omega_{\textrm{Eis}}^{r}(s)= (s2)r(N(M)dF)sβM/V~|NK/𝐐(β)|sV1\(𝐑+×)rϵV1/{±1}gβϵ(βϵt)d×tsuperscript𝑠2𝑟superscript𝑁𝑀subscript𝑑𝐹𝑠subscript𝛽𝑀~𝑉superscriptsubscript𝑁𝐾𝐐𝛽𝑠subscript\subscript𝑉1superscriptsuperscriptsubscript𝐑𝑟subscriptitalic-ϵsubscript𝑉1plus-or-minus1subscript𝑔𝛽italic-ϵ𝛽italic-ϵ𝑡superscript𝑑𝑡\displaystyle\,\left(\frac{s}{2}\right)^{r}\left(\frac{N(M)}{d_{F}}\right)^{s}\!\!\sum_{\ \ \ \beta\in M/\tilde{V}}\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\left|N_{K/\mathbf{Q}}(\beta)\right|^{-s}\int_{V_{1}\backslash(\mathbf{R}_{+}^{\times})^{r}}\,\sum_{\epsilon\in V_{1}/\{\pm 1\}}g_{\beta\epsilon}(\beta\epsilon\centerdot t)d^{\times}t (48)
=\displaystyle= (s2)r(N(M)dF)sβM/V~|NK/𝐐(β)|s(𝐑+×)rgβ(βt)d×t.superscript𝑠2𝑟superscript𝑁𝑀subscript𝑑𝐹𝑠subscript𝛽𝑀~𝑉superscriptsubscript𝑁𝐾𝐐𝛽𝑠subscriptsuperscriptsuperscriptsubscript𝐑𝑟subscript𝑔𝛽𝛽𝑡superscript𝑑𝑡\displaystyle\,\left(\frac{s}{2}\right)^{r}\left(\frac{N(M)}{d_{F}}\right)^{s}\!\!\sum_{\ \ \ \beta\in M/\tilde{V}}\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\left|N_{K/\mathbf{Q}}(\beta)\right|^{-s}\int_{(\mathbf{R}_{+}^{\times})^{r}}\!g_{\beta}(\beta\centerdot t)d^{\times}t. (51)

Le changement de variable u=βt𝑢𝛽𝑡u=\beta\centerdot t dans la dernière intégrale permet de scinder cette intégrale multiple en un produit de r𝑟r intégrales de la forme suivante ([Si] formule (107)) :

0+ujs(iuj+signe(βjβj))2(uj2+1)s+1dujujisigne(βjβj)Γ(s+12)2Γ(s+1).superscriptsubscript0superscriptsubscript𝑢𝑗𝑠superscript𝑖subscript𝑢𝑗signesubscript𝛽𝑗subscriptsuperscript𝛽𝑗2superscriptsuperscriptsubscript𝑢𝑗21𝑠1𝑑subscript𝑢𝑗subscript𝑢𝑗𝑖signesubscript𝛽𝑗subscriptsuperscript𝛽𝑗Γsuperscript𝑠122Γ𝑠1\int_{0}^{+\infty}\frac{u_{j}^{s}(-iu_{j}+\operatorname{signe}(\beta_{j}\beta^{\prime}_{j}))^{2}}{(u_{j}^{2}+1)^{s+1}}\frac{du_{j}}{u_{j}}-i\operatorname{signe}(\beta_{j}\beta^{\prime}_{j})\frac{\Gamma\left(\frac{s+1}{2}\right)^{2}}{\Gamma(s+1)}.

Il s’ensuit que

ΔτωEisr(s)=subscriptsubscriptΔ𝜏superscriptsubscript𝜔Eis𝑟𝑠absent\displaystyle\int_{\Delta_{\tau}}\omega_{\textrm{Eis}}^{r}(s)= (sΓ(s+12)22iΓ(s+1))r(N(M)dF)sβM/V~|NK/𝐐(β)|sj=c+1nsigne(βjβj).superscript𝑠Γsuperscript𝑠1222𝑖Γ𝑠1𝑟superscript𝑁𝑀subscript𝑑𝐹𝑠subscript𝛽𝑀~𝑉superscriptsubscript𝑁𝐾𝐐𝛽𝑠superscriptsubscriptproduct𝑗𝑐1𝑛signesubscript𝛽𝑗subscriptsuperscript𝛽𝑗\displaystyle\,\left(\frac{s\Gamma(\frac{s+1}{2})^{2}}{2i\Gamma(s+1)}\right)^{r}\left(\frac{N(M)}{d_{F}}\right)^{s}\!\!\sum_{\ \ \ \beta\in M/\tilde{V}}\!\!\!\!\begin{array}[]{l}\!\!\!\!\!\prime\\ \end{array}\!\!\!\left|N_{K/\mathbf{Q}}(\beta)\right|^{-s}\prod_{j=c+1}^{n}\operatorname{signe}(\beta_{j}\beta^{\prime}_{j}). (54)

La formule (41) s’en déduit immédiatement au vu de la définition (20) de L(M,s).𝐿𝑀𝑠L(M,s).

Corollaire 7.2.

Soit K𝐾K une extension quadratique de signature (2r,c)2𝑟𝑐(2r,c) du corps F,𝐹F, avec r+c=n=[F:𝐐].r+c=n=[F:\mathbf{Q}]. Soit M𝑀M un 𝒪Isubscript𝒪𝐼\mathcal{O}_{I}-module projectif dans K.𝐾K. La fonction L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) possède alors un zéro d’ordre cabsent𝑐\geq c en s=0,𝑠0s=0, et l’on a les formules :

  • i)

    si r2,𝑟2r\geq 2, alors :

    L(c)(M,0)c!=(2i)r2nπrΔτrh~(z)zc+1zn𝑑zc+1dzn.superscript𝐿𝑐𝑀.0𝑐superscript2𝑖𝑟superscript2𝑛superscript𝜋𝑟subscriptsubscriptΔ𝜏superscript𝑟~𝑧subscript𝑧𝑐1subscript𝑧𝑛differential-dsubscript𝑧𝑐1𝑑subscript𝑧𝑛\frac{L^{(c)}(M,0)}{c!}=\frac{(2i)^{r}}{2^{n}\pi^{r}}\int_{\Delta_{\tau}}\frac{\partial^{r}\tilde{h}(z)}{\partial z_{c+1}\ldots\partial z_{n}}dz_{c+1}\wedge\ldots\wedge dz_{n}. (55)
  • ii)

    si le corps K𝐾K n’a que deux places réelles (r=1𝑟1r=1), alors

    L(n1)(M,0)(n1)!=2i2nπΔτ(h~(z)zn22n2RFznz¯n)𝑑zn.superscript𝐿𝑛1𝑀.0𝑛12𝑖superscript2𝑛𝜋subscriptsubscriptΔ𝜏~𝑧subscript𝑧𝑛superscript22𝑛2subscript𝑅𝐹subscript𝑧𝑛subscript¯𝑧𝑛differential-dsubscript𝑧𝑛\frac{L^{(n-1)}(M,0)}{(n-1)!}=\frac{2i}{2^{n}\pi}\int_{\Delta_{\tau}}\left(\frac{\partial\tilde{h}(z)}{\partial z_{n}}-\frac{2^{2n-2}R_{F}}{z_{n}-\bar{z}_{n}}\right)dz_{n}. (56)
Démonstration.

D’après les résultats de Asai ([As], Théorème 3, ou [Ch2], Théorème 2.1), la fonction E(z,s)𝐸𝑧𝑠E(z,s) se prolonge sur 𝐂𝐂\mathbf{C} en une fonction méromorphe de la variable s𝑠s qui satisfait l’équation fonctionnelle

G(2s)E(z,s)=G(22s)E(z,1s)𝐺2𝑠𝐸𝑧𝑠𝐺22𝑠𝐸𝑧.1𝑠G(2s)E(z,s)=G(2-2s)E(z,1-s) (57)

avec G(s):=dFs2πns2Γ(s2)n.assign𝐺𝑠superscriptsubscript𝑑𝐹𝑠2superscript𝜋𝑛𝑠2Γsuperscript𝑠2𝑛G(s):=d_{F}^{\frac{s}{2}}\pi^{-\frac{ns}{2}}\Gamma(\frac{s}{2})^{n}. En outre, elle possède un unique pôle simple en s=1𝑠1s=1, et les premiers termes de son développement de Laurent au voisinage de ce pôle sont fournis par la formule limite de Kronecker généralisée :

E(z,s)=(2π)nRF4dF(1s1+γFlog(j=1nyj)+h(z))+O(s1),𝐸𝑧𝑠superscript2𝜋𝑛subscript𝑅𝐹4subscript𝑑𝐹1𝑠1subscript𝛾𝐹superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑛subscript𝑦𝑗𝑧𝑂𝑠1E(z,\,s)=\frac{(2\pi)^{n}R_{F}}{4d_{F}}\left(\frac{1}{s-1}+\gamma_{F}-\log\left(\prod_{j=1}^{n}y_{j}\right)+h(z)\right)+O(s-1), (58)

γFsubscript𝛾𝐹\gamma_{F} est une constante qui ne dépend que de F,𝐹F, et où les fonctions hh et h~=4n1RFh~superscript4𝑛1subscript𝑅𝐹\tilde{h}=4^{n-1}R_{F}h ont été introduites en (9) et (10). Les deux égalités précédentes permettent d’obtenir le développement de Taylor de E(z,s)𝐸𝑧𝑠E(z,s) au voisinage de s=0𝑠0s=0 :

E(z,s)=2n2RFsn12n2RFsn(logN(y)+γFh(z))+O(sn+1),𝐸𝑧𝑠superscript2𝑛2subscript𝑅𝐹superscript𝑠𝑛1superscript2𝑛2subscript𝑅𝐹superscript𝑠𝑛𝑁𝑦subscriptsuperscript𝛾𝐹𝑧𝑂superscript𝑠𝑛1E(z,s)=-2^{n-2}R_{F}s^{n-1}-2^{n-2}R_{F}s^{n}\Big{(}\log N(y)+\gamma^{\prime}_{F}-h(z)\Big{)}+O(s^{n+1}), (59)

γFsubscriptsuperscript𝛾𝐹\gamma^{\prime}_{F} ne dépend que de F.𝐹F. On trouve par conséquent pour r=nc2𝑟𝑛𝑐2r=n-c\geq 2 :

rE(z,s)zc+1zn=sn2nrh~(z)zc+1zn+O(sn+1),superscript𝑟𝐸𝑧𝑠subscript𝑧𝑐1subscript𝑧𝑛superscript𝑠𝑛superscript2𝑛superscript𝑟~𝑧subscript𝑧𝑐1subscript𝑧𝑛𝑂superscript𝑠𝑛1\frac{\partial^{r}E(z,s)}{\partial z_{c+1}\ldots\partial z_{n}}=\frac{s^{n}}{2^{n}}\frac{\partial^{r}\tilde{h}(z)}{\partial z_{c+1}\ldots\partial z_{n}}+O(s^{n+1}), (60)

et pour r=1𝑟1r=1 :

E(z,s)zn=sn2n(h~(z)zn22n2RFznz¯n)+O(sn+1).𝐸𝑧𝑠subscript𝑧𝑛superscript𝑠𝑛superscript2𝑛~𝑧subscript𝑧𝑛superscript22𝑛2subscript𝑅𝐹subscript𝑧𝑛subscript¯𝑧𝑛𝑂superscript𝑠𝑛1\frac{\partial E(z,s)}{\partial z_{n}}=\frac{s^{n}}{2^{n}}\left(\frac{\partial\tilde{h}(z)}{\partial z_{n}}-\frac{2^{2n-2}R_{F}}{z_{n}-\bar{z}_{n}}\right)+O(s^{n+1}). (61)

On conclut alors du théorème 7.1 que L(M,s)𝐿𝑀𝑠L(M,s) se prolonge en une fonction méromorphe sur 𝐂,𝐂\mathbf{C}, dont le développement de Taylor au voisinage de s=0𝑠0s=0 se déduit des identités (60) et (61) ci-dessus :

L(M,s)=(2i)rsnr2nπrΔτrh~(z)zc+1zn𝑑zc+1dzn+O(sn+1r)𝐿𝑀𝑠superscript2𝑖𝑟superscript𝑠𝑛𝑟superscript2𝑛superscript𝜋𝑟subscriptsubscriptΔ𝜏superscript𝑟~𝑧subscript𝑧𝑐1subscript𝑧𝑛differential-dsubscript𝑧𝑐1𝑑subscript𝑧𝑛𝑂superscript𝑠𝑛1𝑟L(M,s)=\frac{(2i)^{r}s^{n-r}}{2^{n}\pi^{r}}\int_{\Delta_{\tau}}\frac{\partial^{r}\tilde{h}(z)}{\partial z_{c+1}\ldots\partial z_{n}}dz_{c+1}\wedge\ldots\wedge dz_{n}+O(s^{n+1-r})

pour r2,𝑟2r\geq 2, tandis que pour r=1𝑟1r=1 :

L(M,s)=2isn12nπΔτ(h~(z)zn22n2RFznz¯n)+O(sn).𝐿𝑀𝑠2𝑖superscript𝑠𝑛1superscript2𝑛𝜋subscriptsubscriptΔ𝜏~𝑧subscript𝑧𝑛superscript22𝑛2subscript𝑅𝐹subscript𝑧𝑛subscript¯𝑧𝑛𝑂superscript𝑠𝑛L(M,s)=\frac{2is^{n-1}}{2^{n}\pi}\int_{\Delta_{\tau}}\left(\frac{\partial\tilde{h}(z)}{\partial z_{n}}-\frac{2^{2n-2}R_{F}}{z_{n}-\bar{z}_{n}}\right)+O(s^{n}).

Les formules (55) et (56) souhaitées en résultent immédiatement.∎


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