Sur l’algébrisation des
tissus de rang maximal

Luc Pirio et Jean-Marie Trépreau
Abstract

Soit n2𝑛2n\geq 2, r2𝑟2r\geq 2 et d(r+1)(n1)+2𝑑𝑟1𝑛12d\geq(r+1)(n-1)+2 des entiers. Nous montrons qu’un d𝑑d-tissu de codimension r𝑟r sur un germe de variété de dimension rn𝑟𝑛rn est algébrisable au sens classique s’il est de rang maximal, sauf peut-être lorsque n3𝑛3n\geq 3 et d=(r+2)(n1)+1𝑑𝑟2𝑛11d=(r+2)(n-1)+1. Dans ce dernier cas, nous montrons qu’il est algébrisable, mais en un sens généralisé.

Cet article concerne ce que nous appellerons la théorie abélienne des tissus. Nous étendons aux tissus de codimension quelconque le théorème d’algébrisation des tissus de codimension un et de rang maximal de Trépreau [22]. Nous répondons ainsi au problème posé par Chern et Griffiths dans [6], [7]. L’objet de cette présentation générale est d’énoncer notre résultat, après les quelques préliminaires nécessaires à sa compréhension. Les notions introduites rapidement ci-dessous sont définies précisément dans les deux premières sections du Chapitre 1.

Un d𝑑d-tissu 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} de codimension r𝑟r sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) de variété analytique complexe lisse est une famille de d𝑑d feuilletages réguliers de codimension r𝑟r de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), vérifiant une condition de «  position générale   ».

L’exemple suivant est fondamental. Soit Zr+n1𝑍superscript𝑟𝑛1Z\subset\mathbb{P}^{r+n-1} une variété projective de dimension r𝑟r et de degré d𝑑d, telle qu’un (n1)𝑛1(n-1)-plan général rencontre Z𝑍Z en d𝑑d points qui sont en position générale dans ce plan. La dualité projective permet de lui associer un d𝑑d-tissu algébrique 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} de codimension r𝑟r sur la grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n} des (n1)𝑛1(n-1)-plans de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}.

Au point générique de la grassmannienne, ce tissu algébrique induit un germe de tissu, au sens du paragraphe précédent. Nous dirons que 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}, ou un germe de tissu défini par 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}, est un tissu algébrique grassmannien.

La grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n} est une variété de dimension rn𝑟𝑛rn. Nous supposons maintenant que le germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) est de dimension rn𝑟𝑛rn avec n2𝑛2n\geq 2.

La théorie abélienne des tissus naît en 1932 avec l’introduction par Blaschke de la notion de relation abélienne d’un tissu dans le cas des tissus plans, notion étendue peu après aux tissus de codimension un et beaucoup plus tard, dans Griffiths [11] et Chern-Griffiths [7], au cas qui nous importe ici.

Pour j=1,,d𝑗1𝑑j=1,\ldots,d, soit ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} une normale définissante du feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Une relation abélienne du tissu 𝒯𝒯\cal{T} est un d𝑑d-uplet de normales fermées (f1Ω1,,fdΩd)subscript𝑓1subscriptΩ1subscript𝑓𝑑subscriptΩ𝑑(f_{1}\Omega_{1},\ldots,f_{d}\Omega_{d}), i.e. les fjsubscript𝑓𝑗f_{j} sont des fonctions analytiques sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) telles que d(fjΩj)=0𝑑subscript𝑓𝑗subscriptΩ𝑗0d(f_{j}\Omega_{j})=0, vérifiant la relation j=1dfjΩj=0superscriptsubscript𝑗1𝑑subscript𝑓𝑗subscriptΩ𝑗0\sum_{j=1}^{d}f_{j}\Omega_{j}=0. Le rang du tissu 𝒯𝒯\cal{T} est la dimension du \mathbb{C}-espace vectoriel de ses relations abéliennes.

Des bornes sur le rang d’un tissu ont été données par Bol (1932) pour (r,n)=(1,2)𝑟𝑛1.2(r,n)=(1,2), par Chern (1935) pour r=1𝑟1r=1 avec n𝑛n quelconque. Dans [7] Chern et Griffiths considèrent le cas général et montrent, et cette borne est optimale, que le rang du tissu 𝒯𝒯\cal{T} est au plus égal au nombre

ρr,n(d)=h=0+(r1+hr1)×max(d(r+h)(n1)1,0).subscript𝜌𝑟𝑛𝑑superscriptsubscript0binomial𝑟1𝑟1𝑑𝑟𝑛110\rho_{r,n}(d)=\sum_{h=0}^{+\infty}\,{r-1+h\choose r-1}\times\max\,(d-(r+h)(n-1)-1,0).

Revenons au cas d’un tissu algébrique sur la grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n} défini par une sous-variété projective Z𝑍Z de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}, de dimension r𝑟r et de degré d𝑑d, que nous supposons, pour simplifier, irréductible et lisse.

Il résulte de la borne précédente et de la version générale du théorème d’Abel donnée par Griffiths [11], que le genre géométrique de Z𝑍Z est majoré par ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d). C’est une généralisation intéressante de la borne classique de Castelnuovo pour le genre des courbes de nsuperscript𝑛\mathbb{P}^{n} de degré donné. Peu après, Harris [12] a caractérisé, mais essentiellement dans le cadre des variétés irréductibles et lisses, les variétés qui sont de genre géométrique maximal.

C’est le problème de la réciproque, posé à cette époque, que nous résolvons ici. Notre résultat principal est le suivant.


Théorème.— Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu de codimension r𝑟r et de rang maximal ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d), avec r2𝑟2r\geq 2 et d>(r+1)(n1)+1𝑑𝑟1𝑛11d>(r+1)(n-1)+1.

Si de plus d(r+2)(n1)+1𝑑𝑟2𝑛11\;d\neq(r+2)(n-1)+1\; ou si n=2𝑛2\;n=2, il est localement isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien.

Si d=(r+2)(n1)+1𝑑𝑟2𝑛11d=(r+2)(n-1)+1 et n3𝑛3n\geq 3, il est localement isomorphe à un germe d’un tissu algébrique, éventuellement non grassmannien.

Si dr(n1)+1𝑑𝑟𝑛11d\leq r(n-1)+1, le nombre ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d) est nul et la question de la réciproque ne se pose pas. Même si la première condition de l’énoncé écarte les cas où r(n1)+1<d(r+1)(n1)+1𝑟𝑛11𝑑𝑟1𝑛11r(n-1)+1<d\leq(r+1)(n-1)+1, qui mériteraient d’être étudiés, elle est naturelle pour des raisons géométriques et compte tenu de la méthode que nous utilisons.

Si n=2𝑛2n=2 ou si d(r+2)(n1)+1𝑑𝑟2𝑛11d\neq(r+2)(n-1)+1, nous obtenons le résultat attendu.

Le cas d=(r+2)(n1)+1𝑑𝑟2𝑛11d=(r+2)(n-1)+1 avec n3𝑛3n\geq 3 est une surprise. Il faut alors introduire une classe plus générale de tissus algébriques pour avoir l’énoncé ci-dessus. Le problème de la détermination des d𝑑d-tissus de rang maximal pour cette valeur de d𝑑d reste ouvert. Nous donnerons dans un article à venir [20], pour quelques valeurs de r𝑟r et de n𝑛n, des exemples de d𝑑d-tissus de rang maximal qui sont algébrisables, mais qui ne sont pas isomorphes à des germes de tissus algébriques grassmanniens.

L’énoncé précédent est précisé, mis en en perspective et discuté dans l’introduction qui suit.

1 Introduction

La théorie abélienne des tissus naît avec la définition par Blaschke de la notion de relation abélienne d’un tissu plan. Les résultats majeurs obtenus entre 1932 et 1935, en particulier par Blaschke, Howe et Bol, sont présentés dans la dernière partie du livre Geometrie der Gewebe de Blaschke et Bol [3], paru en 1938.

Les fondateurs de la théorie font deux emprunts essentiels à la littérature classique. Le premier à Poincaré [21] qui, cherchant une nouvelle démonstration du théorème de Lie sur les surfaces de double translation, introduit une idée qui restera l’idée fondamentale pour résoudre les problèmes d’algébrisation des tissus de rang maximal.

Le second à Darboux [9] qui reprend cette idée mais remplace la seconde partie peu claire de l’analyse de Poincaré par un argument très ingénieux, le prototype de ce que l’on appelle le théorème d’Abel inverse, obtenant une démonstration géométrique limpide du résultat de Lie.

Dans ce chapitre, nous présentons d’abord le problème et les fondements de la théorie, avec comme références principales Chern-Griffiths [7] et Griffiths [11]. Nous rappelons ensuite le principe de la méthode canonique. La plus grande partie de cet article est consacrée à la construction, par cette méthode, de la variété de Blaschke d’un tissu de rang maximal et à en établir les propriétés essentielles. Elles sont décrites dans le Théorème 1.14.

Le problème de l’algébrisation est alors réduit à un problème de géométrie projective. Nos résultats principaux, les Théorèmes 1.18, 1.22 et 1.23 reposent pour une part importante sur la solution que nous avons apportée à ce problème dans Pirio-Trépreau [19].

Nous terminerons par quelques rappels sur l’histoire du problème que nous résolvons ici.

1.1 Tissus et relations abéliennes

Soit r1𝑟1r\geq 1 et n2𝑛2n\geq 2 des entiers. Un feuilletage de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) est un feuilletage régulier \cal{F}, de codimension r𝑟r, sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) de variété analytique (complexe) lisse de dimension rn𝑟𝑛rn. D’une façon générale, les objets considérés sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) seront analytiques, sans qu’on le précise.

Souvent, en particulier dans les énoncés principaux, nous supposerons r2𝑟2r\geq 2. La raison pour cela est que le problème étudié ici est déjà résolu pour r=1𝑟1r=1 et qu’il y a quelques différences de traitement entre le cas r=1𝑟1r=1 et le cas r2𝑟2r\geq 2.

Le feuilletage \cal{F} est par exemple défini par un système différentiel

dua=0,a=1,,r,formulae-sequence𝑑subscript𝑢𝑎0𝑎1𝑟du_{a}=0,\qquad a=1,\ldots,r,

où les uasubscript𝑢𝑎u_{a} sont des fonctions sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) dont les différentielles en x0subscript𝑥0x_{0} sont linéairement indépendantes. Les feuilles du feuilletage \cal{F} sont les variétés intégrales de ce système.

Nous appelons normale de \cal{F} toute r𝑟r-forme ϕ=fdu1duritalic-ϕ𝑓𝑑subscript𝑢1𝑑subscript𝑢𝑟\phi=fdu_{1}\wedge\cdots\wedge du_{r} , où f𝑓f est une fonction sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). La normale ϕitalic-ϕ\phi est fermée si dϕ=0𝑑italic-ϕ0d\phi=0. C’est une normale génératrice si f𝑓f ne s’annule pas. Ces notions ne dépendent pas du système de fonctions choisi pour présenter \cal{F}.


Nous considérons maintenant des familles de feuilletages. Soit d1𝑑1d\geq 1 un entier et 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} une famille de feuilletages de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur le germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). La définition suivante est fondamentale.

Définition 1.1.

Une relation abélienne de la famille 𝒯𝒯\cal{T} est un d𝑑d-uplet {ϕ1,,ϕd}subscriptitalic-ϕ1subscriptitalic-ϕ𝑑\{\phi_{1},\ldots,\phi_{d}\}, où ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} est une normale fermée de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}, dont la somme ϕ1++ϕdsubscriptitalic-ϕ1subscriptitalic-ϕ𝑑\phi_{1}+\cdots+\phi_{d} est la forme nulle.

Elle est complète si aucune des composantes ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} n’est la forme nulle.

Le rang de 𝒯𝒯\cal T est la dimension de l’espace vectoriel sur \mathbb{C} de ses relations abéliennes.

La définition suivante est due à Chern et Griffiths [7].

Définition 1.2.

Une famille de d𝑑d feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur le germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) est un d𝑑d-tissu de type (r,n)  si ses normales génératrices ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} vérifient la condition de position générale (PG) suivante :

(PG)   1j1<<jδmin(d,n)Ωj1(x0)Ωjδ(x0)0.(PG)1subscript𝑗1subscript𝑗𝛿𝑑𝑛subscriptΩsubscript𝑗1subscript𝑥0subscriptΩsubscript𝑗𝛿subscript𝑥00\text{(PG)}\qquad\;\;\;1\leq j_{1}<\cdots<j_{\delta}\leq\min(d,n)\;\Rightarrow\;\Omega_{j_{1}}(x_{0})\wedge\cdots\wedge\Omega_{j_{\delta}}(x_{0})\neq 0.

Dans la première partie de Chern-Griffiths [7], les auteurs démontrent la borne suivante pour le rang d’un tissu. Nous en rappelons la démonstration dans le Chapitre 2.

Théorème 1.3.

Le rang d’un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) est au plus égal, et cette borne est optimale, au nombre ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d) défini par la formule

ρr,n(d)=h=0+(r1+hr1)×max(d(r+h)(n1)1,0).subscript𝜌𝑟𝑛𝑑superscriptsubscript0binomial𝑟1𝑟1𝑑𝑟𝑛11.0\rho_{r,n}(d)=\sum_{h=0}^{+\infty}\,{r-1+h\choose r-1}\times\max\,(d-(r+h)(n-1)-1,0). (1)
Définition 1.4.

Un d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T} de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) est de rang maximal s’il est de rang ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d).

La borne (1) et donc la définition d’un tissu de rang maximal dépendent bien sûr du choix de la condition (PG) dite, mais c’est un peu trompeur, de position générale.

Sauf dans le cas r=1𝑟1r=1 que nous écartons dans ce commentaire, le choix de la condition (PG) n’est pas anodin. On pourrait par exemple exiger que les normales génératrices Ωj(x0)subscriptΩ𝑗subscript𝑥0\Omega_{j}(x_{0}) des feuilletages de la famille 𝒯𝒯\cal{T} en x0subscript𝑥0x_{0} soient en position générale dans l’espace vectoriel rTx0Msuperscript𝑟subscriptsuperscript𝑇subscript𝑥0𝑀\wedge^{r}T^{\star}_{x_{0}}M. Ce serait une condition plus forte que la condition (PG) si r2𝑟2r\geq 2. Pour d𝑑d assez grand, la borne ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d) serait remplacée par une borne (beaucoup) plus petite et il n’y aurait pas de théorème sur la classification des tissus de rang maximal. La raison du choix de la condition (PG) dans [7] apparaîtra plus clairement dans la section suivante, voir la Remarque 1.6.

L’entier suivant interviendra souvent dans cet article :

q(d)=dr(n1)2.𝑞𝑑𝑑𝑟𝑛12q(d)=d-r(n-1)-2. (2)

La seconde partie de Chern-Griffiths [7] concerne la géométrie de la famille des normales d’un tissu de rang maximal dans le cas r=2𝑟2r=2 et si q(d)𝑞𝑑q(d) est assez grand. Toutefois les auteurs n’obtiennent un résultat définitif que si n=2𝑛2n=2 ou en renforçant l’hypothèse (PG).

Le Chapitre 2 est consacré à ce problème. Nous y établirons la propriété attendue de la famille des normales sous la seule condition q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, sans hypothèse sur (r,n)𝑟𝑛(r,n) ni renforcement de la condition (PG).

Nous montrerons en particulier qu’un d𝑑d-tissu de rang maximal sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) définit sur ce germe une structure presque grassmannienne si q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1. Il s’agit d’un type de GG{\rm G}-structure modelé sur la géométrie de la grassmannienne des (n1)𝑛1(n-1)-plans de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}.

Pour ne pas alourdir cette introduction, nous en reportons la définition classique au début du Chapitre 3.

1.2 Le théorème d’Abel et sa réciproque

Soit 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n} la grassmannienne des (n1)𝑛1(n-1)-plans de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}. Comme cette notation, très commode ici, n’est pas standard, nous la mettons en évidence :

𝔾r,n est la grassmannienne des (n1)-plans de r+n1.𝔾r,n est la grassmannienne des (n1)-plans de r+n1\text{$\mathbb{G}_{r,n}$ est la grassmannienne des $(n-1)$-plans de $\mathbb{P}^{r+n-1}$}. (3)

Pour x𝔾r,n𝑥subscript𝔾𝑟𝑛x\in\mathbb{G}_{r,n}, nous notons H(x)𝐻𝑥H(x) cet élément vu comme une partie de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}. Si p𝑝p est un point de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}, nous notons 𝔾r,n(p)subscript𝔾𝑟𝑛𝑝\mathbb{G}_{r,n}(p) le «  cycle de Schubert   »  des (n1)𝑛1(n-1)-plans qui passent par le point p𝑝p. C’est une sous-variété lisse de codimension r𝑟r de 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}. Nous appelons ces variétés les sous-variétés distinguées de la grassmannienne.

Définition 1.5.

Un feuilletage de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe (𝔾r,n,x0)subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0(\mathbb{G}_{r,n},x_{0}) est grassmannien si ses feuilles sont des ouverts de sous-variétés distinguées. Une famille de feuilletages sur (𝔾r,n,x0)subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0(\mathbb{G}_{r,n},x_{0}) est une famille grassmannienne si ses membres sont des feuilletages grassmanniens.

Soit H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0}) un (n1)𝑛1(n-1)-plan. Si l’on note [η1::ηr:ξ1::ξn]delimited-[]:subscript𝜂1:subscript𝜂𝑟:subscript𝜉1::subscript𝜉𝑛[\eta_{1}:\cdots:\eta_{r}:\xi_{1}:\cdots:\xi_{n}] les coordonnées homogènes d’un point, à un automorphisme de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1} près, un (n1)𝑛1(n-1)-plan H(x)𝐻𝑥H(x) voisin de H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0}) est défini par un système de la forme

ηaα=1nxa,αξα=0a=1,,r.formulae-sequencesubscript𝜂𝑎superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑥𝑎𝛼subscript𝜉𝛼0𝑎1𝑟\eta_{a}-\sum_{\alpha=1}^{n}x_{a,\alpha}\xi_{\alpha}=0\qquad a=1,\ldots,r.

Les xa,αsubscript𝑥𝑎𝛼x_{a,\alpha} paramètrent localement la grassmannienne. Si l’on fixe le point p=[η1::ηr:ξ1::ξn]p=[\eta_{1}:\cdots:\eta_{r}:\xi_{1}:\cdots:\xi_{n}], le système précédent devient le système d’équations qui définit la sous-variété distinguée 𝔾r,n(p)subscript𝔾𝑟𝑛𝑝\mathbb{G}_{r,n}(p) de 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}.

Au voisinage de x0subscript𝑥0x_{0}, les sous-variétés distinguées sont donc les variétés intégrales des systèmes de la forme suivante, où ξ=[ξ1::ξn]n1\xi=[\xi_{1}:\cdots:\xi_{n}]\in\mathbb{P}^{n-1} :

α=1nξαdxa,α=0,a=1,,r.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼𝑑subscript𝑥𝑎𝛼0𝑎1𝑟\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha}dx_{a,\alpha}=0,\qquad a=1,\ldots,r.

Une normale en un point x𝑥x d’un feuilletage grassmannien est donc proportionnelle à a=1r(α=1nξαdxa,α)superscriptsubscript𝑎1𝑟superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼𝑑subscript𝑥𝑎𝛼\wedge_{a=1}^{r}(\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha}dx_{a,\alpha}) : elle appartient au sous-espace de dimension rn𝑟𝑛rn de rTx𝔾r,nsuperscript𝑟subscriptsuperscript𝑇𝑥subscript𝔾𝑟𝑛\wedge^{r}T^{\star}_{x}\mathbb{G}_{r,n} engendré par les dx1,α1dxr,αr𝑑subscript𝑥1subscript𝛼1𝑑subscript𝑥𝑟subscript𝛼𝑟dx_{1,\alpha_{1}}\wedge\cdots\wedge dx_{r,\alpha_{r}}.

Remarque 1.6.

C’est une clé du choix de la condition (PG) dans la Définition 1.2. Les normales en un point x𝑥x d’un tissu grassmannien ne sont jamais en position générale dans rTx𝔾r,nsuperscript𝑟subscriptsuperscript𝑇𝑥subscript𝔾𝑟𝑛\wedge^{r}T^{\star}_{x}\mathbb{G}_{r,n} si r𝑟r est 2absent2\geq 2 et si d𝑑d est assez grand, tandis que le problème traditionnel de la théorie est de montrer qu’un d𝑑d-tissu de rang maximal est isomorphe à un tissu grassmannien.

La notion suivante sera utile dans la suite.

Définition 1.7.

Une famille finie de feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), de normales génératrices ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j}, est un pré-tissu si Ωj(x0)Ωk(x0)subscriptΩ𝑗subscript𝑥0subscriptΩ𝑘subscript𝑥0\Omega_{j}(x_{0})\wedge\Omega_{k}(x_{0}) est non nul pour jk𝑗𝑘j\neq k.


Soit (Z,p)𝑍𝑝(Z,p) un germe de variété lisse de dimension r𝑟r en pr+n1𝑝superscript𝑟𝑛1p\in\mathbb{P}^{r+n-1}, transverse au (n1)𝑛1(n-1)-plan H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0}). Un (n1)𝑛1(n-1)-plan voisin H(x)𝐻𝑥H(x) coupe (Z,p)𝑍𝑝(Z,p) en un point κ(x)𝜅𝑥\kappa(x) voisin de p𝑝p. Le morphisme d’incidence

κ:(𝔾r,n,x0)(Z,p),xκ(x),:𝜅formulae-sequencesubscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0𝑍𝑝maps-to𝑥𝜅𝑥\kappa:(\mathbb{G}_{r,n},x_{0})\rightarrow(Z,p),\qquad x\mapsto\kappa(x),

est une submersion. Il définit un feuilletage \cal{F} sur (𝔾r,n,x0)subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0(\mathbb{G}_{r,n},x_{0}), dont les feuilles sont les fibres de κ𝜅\kappa. C’est un feuilletage grassmannien et l’on vérifie facilement que tout feuilletage grassmannien s’obtient ainsi.

Le feuilletage \cal{F} est le feuilletage d’incidence défini par le germe (Z,p)𝑍𝑝(Z,p).

Le lemme suivant est tautologique mais il explique la définition initiale par Blaschke d’une relation abélienne.

Lemme 1.8.

L’application ϕκϕmaps-toitalic-ϕsuperscript𝜅italic-ϕ\phi\mapsto\kappa^{\star}\phi induit un isomorphisme de l’espace des r𝑟r-formes lisses sur le germe (Z,p)𝑍𝑝(Z,p) sur l’espace des normales fermées du feuilletage d’incidence \cal{F} sur (𝔾r,n,x0)subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0(\mathbb{G}_{r,n},x_{0}) qu’il définit.

Démonstration.

Il est clair par définition que κϕsuperscript𝜅italic-ϕ\kappa^{\star}\phi est une normale de \cal{F} si ϕitalic-ϕ\phi est une r𝑟r-forme lisse sur (Z,p)𝑍𝑝(Z,p). C’est une normale fermée puisque ϕitalic-ϕ\phi est de degré maximal r𝑟r donc fermée. Réciproquemant, si ϕitalic-ϕ\phi ne s’annule pas, κϕsuperscript𝜅italic-ϕ\kappa^{\star}\phi est une normale génératrice fermée de \cal{F} et une normale générale fκϕ𝑓superscript𝜅italic-ϕf\kappa^{\star}\phi est fermée si et seulement si dfκϕ=0𝑑𝑓superscript𝜅italic-ϕ0df\wedge\kappa^{\star}\phi=0, si et seulement si f𝑓f est de la forme uκ𝑢𝜅u\circ\kappa. Alors fκϕ=κ(uϕ)𝑓superscript𝜅italic-ϕsuperscript𝜅𝑢italic-ϕf\kappa^{\star}\phi=\kappa^{\star}(u\phi). ∎

Pour obtenir un pré-tissu (respectivement un tissu) d’incidence, ou grassmannien puisque c’est la même chose, d’ordre d𝑑d sur le germe (𝔾r,n,x0)subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0(\mathbb{G}_{r,n},x_{0}), il faut et il suffit de se donner d𝑑d germes (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) de variétés lisses de dimension r𝑟r, transverses à H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0}) en d𝑑d points pjsubscript𝑝𝑗p_{j} deux-à-deux distincts (respectivement en position générale dans H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0})). Nous avons alors d𝑑d morphismes d’incidence

κj:(𝔾r,n,x0)(Zj,pj).:subscript𝜅𝑗subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗\kappa_{j}:(\mathbb{G}_{r,n},x_{0})\rightarrow(Z_{j},p_{j}).

Compte tenu du lemme précédent, l’application

(ϕ1,,ϕd)(κ1ϕ1,,κdϕd),maps-tosubscriptitalic-ϕ1subscriptitalic-ϕ𝑑superscriptsubscript𝜅1subscriptitalic-ϕ1superscriptsubscript𝜅𝑑subscriptitalic-ϕ𝑑(\phi_{1},\ldots,\phi_{d})\mapsto(\kappa_{1}^{\star}\phi_{1},\ldots,\kappa_{d}^{\star}\phi_{d}),

où les ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} sont des r𝑟r-formes lisses sur les germes (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}), induit un isomorphisme de l’espace des d𝑑d-uplets de trace nulle sur l’espace des relations abéliennes du pré-tissu. Ici la trace est la somme

κ1ϕ1++κdϕd.superscriptsubscript𝜅1subscriptitalic-ϕ1superscriptsubscript𝜅𝑑subscriptitalic-ϕ𝑑\kappa_{1}^{\star}\phi_{1}+\cdots+\kappa_{d}^{\star}\phi_{d}.

L’exemple où les (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) sont des germes d’une même variété projective est fondamental.

Définition 1.9.

Soit Z𝑍Z une sous-variété projective de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}, réduite de dimension pure r𝑟r et de degré d𝑑d. Une r𝑟r-forme abélienne sur Z𝑍Z est une r𝑟r-forme définie et lisse sur un ouvert dense de Z𝑍Z dont la trace, définie au voisinage du point général de 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}, est nulle. Le genre abélien de Z𝑍Z est la dimension de l’espace de ses r𝑟r-formes abéliennes.

Plus précisément, Z𝑍Z coupe un (n1)𝑛1(n-1)-plan général H(x)𝐻𝑥H(x) transversalement en d𝑑d points deux-à-deux distincts pjsubscript𝑝𝑗p_{j} et la forme ϕitalic-ϕ\phi considérée est définie au voisinage des pjsubscript𝑝𝑗p_{j} dans Z𝑍Z. Au voisinage de x𝑥x, nous avons comme ci-dessus d𝑑d morphismes d’incidence κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j}. La trace de ϕitalic-ϕ\phi est définie localement comme étant la somme κ1ϕ++κdϕsuperscriptsubscript𝜅1italic-ϕsuperscriptsubscript𝜅𝑑italic-ϕ\kappa_{1}^{\star}\phi+\cdots+\kappa_{d}^{\star}\phi.


Tout ceci a bien sûr à voir avec le théorème d’addition d’Abel et ses généralisations. Dans [11] Griffiths montre que les formes abéliennes, qu’il nomme autrement, sont rationnelles sur Z𝑍Z et lisses sur la partie régulière de Z𝑍Z. Il les caractérise aussi lorsque Z𝑍Z est une hypersurface. Il découle de ses résultats que le genre abélien de Z𝑍Z est égal à son genre géométrique si Z𝑍Z est lisse et à son genre arithmétique si Z𝑍Z est une hypersurface.

Il a été remarqué plus récemment111 Voir Henkin-Passare [14]. Signalons que les travaux que nous citons dans cette section concernent des formes de degré quelconque, pas seulement de degré maximal. que les r𝑟r-formes abéliennes sur Z𝑍Z sont les sections globales du faisceau des r𝑟r-formes de Barlet, voir Barlet [2] pour les définitions et la démonstration, en particulier la deuxième partie de cet article dans laquelle l’auteur établit ce qu’il appelle la propriété de la trace universelle. Dans le cas qui nous occupe, le faisceau de Barlet est un faisceau de r𝑟r-formes rationnelles, intrinsèquement attaché à la variété abstraite Z𝑍Z, et isomorphe au faisceau ωZrsubscriptsuperscript𝜔𝑟𝑍\omega^{r}_{Z}, le faisceau dualisant de Grothendieck de Z𝑍Z. Ainsi :

{r-formes abéliennes sur Z}={r-formes de Barlet sur Z}H0(Z,ωZr).r-formes abéliennes sur Zr-formes de Barlet sur Zsimilar-to-or-equalssuperscript𝐻0𝑍subscriptsuperscript𝜔𝑟𝑍\{\text{\small$r$-formes ab\'{e}liennes sur $Z$}\}=\{\text{\small$r$-formes de Barlet sur $Z$}\}\simeq H^{0}(Z,\omega^{r}_{Z}).

Il en résulte, et c’est remarquable, que les formes abéliennes sur Z𝑍Z et le genre abélien de Z𝑍Z ne dépendent pas de la représentation de Z𝑍Z comme sous-variété d’un espace projectif. Comme ces considérations, qui sont importantes d’un point de vue théorique, ne joueront pas de rôle dans cet article, nous ne donnons pas plus de détail.

Définition 1.10.

Par abus de langage nous dirons qu’une sous-variété Z𝑍Z de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}, réduite de dimension pure r𝑟r et de degré d𝑑d, définit un pré-tissu algébrique d’incidence ou grassmannien 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} d’ordre d𝑑d sur 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}, dont le pré-tissu qu’elle définit en un point général est un germe.

La raison de cet abus de langage est qu’à notre connaissance, la notion globale de «  (pré-)tissu algébrique singulier   »  n’a pas été définie en toute généralité. Il paraît toutefois évident que l’objet 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}, défini ci-dessus comme une collection de germes de tissus, méritera d’être appelé, le jour venu, un pré-tissu algébrique, en l’occurence d’un type très particulier.


La réciproque suivante du théorème d’Abel ou théorème d’Abel inverse est essentielle. L’idée de la démonstration remonte à Darboux [9]. Le résultat général est dû à Griffiths [11].

Théorème 1.11.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un pré-tissu grassmannien de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) et d’ordre d𝑑d sur (𝔾r,n,x0)subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0(\mathbb{G}_{r,n},x_{0}), défini par d𝑑d germes lisses (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) de dimension r𝑟r, transverses au (n1)𝑛1(n-1)-plan H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0}) en des points différents.

Si 𝒯𝒯\cal{T} admet une relation abélienne complète, 𝒯𝒯\cal{T} est un germe du pré-tissu algébrique grassmannien défini par une variété Z𝑍Z de degré d𝑑d qui contient les (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}). Le rang de 𝒯𝒯\cal{T} est égal au genre abélien de Z𝑍Z et ses relations abéliennes sont induites par les r𝑟r-formes abéliennes sur Z𝑍Z.

1.3 Méthode canonique et variété de Blaschke

Il s’agit de décrire la méthode canonique, développée par Blaschke, Bol et Howe à partir d’une idée de Poincaré [21], puis de définir la variété de Blaschke d’un tissu de rang maximal, qui intervient dans l’énoncé de nos résultats.

Soit 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe lisse (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Notons N+1𝑁1N+1 le rang de 𝒯𝒯\cal{T}. La méthode consiste à se donner une base

ϕ(λ)=(ϕ1(λ),,ϕd(λ)),λ=1,,N+1,formulae-sequencesuperscriptitalic-ϕ𝜆superscriptsubscriptitalic-ϕ1𝜆subscriptsuperscriptitalic-ϕ𝜆𝑑𝜆1𝑁1\phi^{(\lambda)}=(\phi_{1}^{(\lambda)},\ldots,\phi^{(\lambda)}_{d}),\qquad\lambda=1,\ldots,N+1,

de l’espace des relations abéliennes du tissu 𝒯𝒯\cal{T} et à définir les applications de Poincaré κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j}, une pour chaque feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}, par :

κj:(M,x0)N,κj(x)=[ϕj(1)(x)::ϕj(N+1)(x)].\kappa_{j}:(M,x_{0})\dasharrow\mathbb{P}^{N},\qquad\kappa_{j}(x)=[\phi^{(1)}_{j}(x):\cdots:\phi^{(N+1)}_{j}(x)].

Pour que ces applications soient définies comme applications méromorphes, nous supposons que le tissu 𝒯𝒯\cal{T} admet au moins une relation abélienne complète.


Avant de continuer et pour motiver la construction précédente, il est certainement utile de montrer sa relation avec la construction de la variété canonique d’une variété projective en géométrie algébrique. Pour la définir, nous utilisons les r𝑟r-formes abéliennes plutôt que les r𝑟r-formes lisses sur Z𝑍Z. On retrouve la définition la plus classique si Z𝑍Z est lisse.

Cette relation apparaît si l’on choisit comme tissu 𝒯𝒯\cal{T} un germe d’un tissu algébrique grassmannien 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}, défini par une sous-variété algébrique Z𝑍Z de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}, de dimension r𝑟r et de degré d𝑑d, de genre abélien N+1𝑁1N+1. Nous supposons qu’il existe une r𝑟r-forme abélienne sur Z𝑍Z qui ne s’annule sur aucune des composantes irréductibles de Z𝑍Z. Choisissons une base (ϕ(1),,ϕ(N+1))superscriptitalic-ϕ1superscriptitalic-ϕ𝑁1(\phi^{(1)},\ldots,\phi^{(N+1)}) de l’espace des r𝑟r-formes abéliennes sur Z𝑍Z et considérons l’application

κZ:ZN,κZ(p)=[ϕ(1)(p)::ϕ(N+1)(p)].\kappa_{Z}:\;Z\dasharrow\mathbb{P}^{N},\qquad\kappa_{Z}(p)=[\phi^{(1)}(p):\ldots:\phi^{(N+1)}(p)].

L’image de cette application est la variété canonique de Z𝑍Z. Elle est indépendante du choix de la base, à un automorphisme de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} près.

Soit alors H(x0)𝐻subscript𝑥0H(x_{0}) un (n1)𝑛1(n-1)-plan coupant Z𝑍Z transversalement en d𝑑d points lisses pjsubscript𝑝𝑗p_{j} de Z𝑍Z et χj:(𝔾r,n,x0)(Z,pj):subscript𝜒𝑗subscript𝔾𝑟𝑛subscript𝑥0𝑍subscript𝑝𝑗\chi_{j}:(\mathbb{G}_{r,n},x_{0})\rightarrow(Z,p_{j}) les morphismes d’incidence. Les d𝑑d-uplets (χ1ϕ(λ),,χdϕ(λ))superscriptsubscript𝜒1superscriptitalic-ϕ𝜆superscriptsubscript𝜒𝑑superscriptitalic-ϕ𝜆(\chi_{1}^{\star}\phi^{(\lambda)},\ldots,\chi_{d}^{\star}\phi^{(\lambda)}) forment une base de l’espace des relations abéliennes du germe en x0subscript𝑥0x_{0} du tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} et pour ce choix de base, les applications de Poincaré κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} sont données par

x(M,x0),κj(x)=[ϕ(1)(χj(x))::ϕ(N+1)(χj(x))].x\in(M,x_{0}),\qquad\kappa_{j}(x)=[\phi^{(1)}(\chi_{j}(x)):\cdots:\phi^{(N+1)}(\chi_{j}(x))].

Ceci montre que les images des applications de Poincaré associées à un germe du tissu algébrique 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} sont des germes de la variété canonique de Z𝑍Z, définie à partir d’une base de r𝑟r-formes abéliennes sur Z𝑍Z.


Nous revenons à la méthode canonique appliquée à un tissu. Rappelons que l’entier q(d)𝑞𝑑q(d) est défini par (2). La méthode canonique ne semble pas pouvoir donner de résultat intéressant si q(d)<n1𝑞𝑑𝑛1q(d)<n-1. En revanche, si q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, elle nous en donnera un sous une hypothèse plus faible que celle pour un tissu d’être de rang maximal. La notion suivante a été introduite dans Trépreau [22] sous le nom plus évocateur mais trop long de «  tissu de rang maximal en valuation 1absent1\leq 1   ».

Définition 1.12.

Un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) est semi-extrémal si q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1 et s’il admet

[dr(n1)1]+r[d(r+1)(n1)1]delimited-[]𝑑𝑟𝑛11𝑟delimited-[]𝑑𝑟1𝑛11[d-r(n-1)-1]+r[d-(r+1)(n-1)-1]

relations abéliennes dont les 111-jets en x0subscript𝑥0x_{0} sont linéairement indépendants.

Ce nombre est en fait le plus grand possible tel qu’on puisse avoir la propriété précédente si q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1. De plus un d𝑑d-tissu de rang maximal est semi-extrémal si q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, voir le Chapitre 3.

Les propriétés géométriques du système des normales d’un tissu semi-extrémal, établies dans le Chapitre 2, nous permettront dans le Chapitre 3 d’obtenir les propriétés suivantes, déjà connues si r=1𝑟1r=1, pour les tissus de codimension r2𝑟2r\geq 2.

D’abord les applications κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} sont de rang r𝑟r. L’image de κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} est donc un germe lisse (Z~j,κj(x0))subscript~𝑍𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0(\tilde{Z}_{j},\kappa_{j}(x_{0})) de dimension r𝑟r et les fibres de la submersion induite

κj:(M,x0)(Z~j,κj(x0)):subscript𝜅𝑗𝑀subscript𝑥0subscript~𝑍𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0\kappa_{j}:(M,x_{0})\rightarrow(\tilde{Z}_{j},\kappa_{j}(x_{0}))

sont les feuilles du feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Ensuite, si l’on choisit n𝑛n feuilletages parmi les 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}, par exemple 1,,𝓃subscript1subscript𝓃\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{n}, l’application

(M,x0)j=1n(Z~j,κj(x0)),x(κ1(x),,κn(x)),formulae-sequence𝑀subscript𝑥0superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑛subscript~𝑍𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0maps-to𝑥subscript𝜅1𝑥subscript𝜅𝑛𝑥(M,x_{0})\rightarrow\prod_{j=1}^{n}(\tilde{Z}_{j},\kappa_{j}(x_{0})),\qquad x\mapsto(\kappa_{1}(x),\ldots,\kappa_{n}(x)),

est un isomorphisme. Enfin, pour x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}), les points κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥{\kappa}_{j}(x), j𝑗j variant de 111 à d𝑑d, sont deux-à-deux distincts et situés sur une et une seule même courbe rationnelle normale σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) de degré q(d)𝑞𝑑q(d). Il suffit ici de savoir qu’on appelle ainsi une courbe rationnelle irréductible et lisse de degré q(d)𝑞𝑑q(d), qui engendre un espace projectif de dimension q(d)𝑞𝑑q(d).

Définition 1.13.

La variété de Blaschke X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} du tissu semi-extrémal 𝒯𝒯\cal{T} est l’intersection de toutes les sous-variétés projectives de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} qui contiennent les courbes rationnelles normales σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0\,x\in(M,x_{0}).

Il est clair que la famille des germes (Z~j,κj(x0))subscript~𝑍𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0(\tilde{Z}_{j},\kappa_{j}(x_{0})) est indépendante du choix de la base de relations abéliennes à un automorphisme de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} près. Il en va donc de même de la variété X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}}. Ce sont des invariants projectifs de la classe d’isomorphie du tissu 𝒯𝒯\cal{T}.

La méthode canonique permet ainsi d’associer des objets de nature géométrique à un tissu semi-extrémal et offre une stratégie pour montrer qu’il est isomorphe à un germe de tissu grassmannien : montrer que les (Z~j,κj(x0))subscript~𝑍𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0(\tilde{Z}_{j},\kappa_{j}(x_{0})) sont des germes d’une variété projective Z~~𝑍\tilde{Z} et que celle-ci est la variété canonique d’une variété projective Z𝑍Z.

1.4 Résultats d’algébricité

Nous énonçons dans cette section les principaux résultats de cet article. Sauf pour le premier, leurs démonstrations dans le Chapitre 4 repose aussi sur le travail préliminaire accompli dans Pirio-Trépreau [19]. Le premier résultat concerne la variété de Blaschke d’un tissu semi-extrémal.

Théorème 1.14.

La variété de Blaschke X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} d’un d𝑑d-tissu semi-extrémal 𝒯𝒯\cal{T}, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec r2𝑟2r\geq 2, est une variété projective irréductible de dimension r+1𝑟1r+1. De plus, pour (a1,,an)X𝒯nsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscriptsubscript𝑋𝒯𝑛(a_{1},\ldots,a_{n})\in X_{\cal{T}}^{n} générique, il existe une courbe rationnelle normale de degré q(d)𝑞𝑑q(d), contenue dans XT𝑋𝑇X{T} et passant par les points a1,,ansubscript𝑎1subscript𝑎𝑛a_{1},\ldots,a_{n}.

Le point clé est que la variété X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} est de dimension r+1𝑟1r+1. Le reste en sera une conséquence facile, compte tenu des propriétés des applications de Poincaré que nous avons mentionnées plus haut.

Le résultat est dû à Hénaut [13] pour n=2𝑛2n=2 et à Trépreau [22] pour r=1𝑟1r=1 avec n3𝑛3n\geq 3. La démonstration pour r=1𝑟1r=1 et n3𝑛3n\geq 3 est plus difficile et ne sera pas reproduite ici. Le calcul pour r2𝑟2r\geq 2 reste encore un peu compliqué et donnera lieu aux quelques pages techniques de cet article.

Remarque 1.15.

Rappelons à quoi correspond, au moins dans certains cas, la variété de Blaschke du tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} défini par une variété projective Zr+n1𝑍superscript𝑟𝑛1Z\subset\mathbb{P}^{r+n-1}, de dimension pure r𝑟r, de degré d𝑑d avec q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, et qui rencontre un (n1)𝑛1(n-1)-plan générique en d𝑑d points en position générale dans ce plan, de genre abélien maximal N+1=ρr,n(d)𝑁1subscript𝜌𝑟𝑛𝑑N+1=\rho_{r,n}(d).

Si Z𝑍Z est lisse (voir Harris [12]), la variété Z𝑍Z est contenue dans une sous-variété X0subscript𝑋0X_{0} de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}, de dimension r+1𝑟1r+1 et de degré minimal n1𝑛1\,n-1. De plus, l’application canonique κZ:ZN:subscript𝜅𝑍𝑍superscript𝑁\kappa_{Z}:Z\dasharrow\mathbb{P}^{N} admet un prolongement naturel à X0subscript𝑋0X_{0}. L’image de X0subscript𝑋0X_{0} par ce prolongement n’est autre que la variété de Blaschke du tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}.

Il en va probablement de même sous la seule hypothèse que le tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} est semi-extrémal mais nous ne le démontrons pas ici.

Le Théorème 1.14 est une étape importante dans l’application de la méthode canonique. Comme on verra, il permet de construire un modèle géométrique d’un tissu semi-extrémal, mais il reste à montrer que ce modèle est algébrique.

Le moment est propice pour situer le présent article par rapport à Trépreau [22]. Le théorème précédent est vrai aussi si r=1𝑟1r=1 avec n3𝑛3n\geq 3 et permet alors de démontrer qu’un d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T} semi-extrémal de type (1,n)1𝑛(1,n) avec n3𝑛3n\geq 3 est isomorphe à un germe d’un tissu algébrique grassmannien. Dans ce cas, la variété de Blaschke XT𝑋𝑇X{T} est une surface et les courbes rationnelles normales de degré q(d)𝑞𝑑q(d) contenues dans X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} sont des diviseurs. Cette particularité permet d’appliquer, comme le faisait Bol [3], un résultat classique d’Enriques sur la linéarité de certains systèmes algébriques de diviseurs et d’en déduire directement que le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien.

Ceci n’est plus possible si r2𝑟2r\geq 2. Alors XT𝑋𝑇X{T} est de dimension 3absent3\geq 3, les courbes ne sont pas des diviseurs et nous ne savons pas conclure à partir des seules propriétés de XT𝑋𝑇X{T} données par le Théorème 1.14, même dans la cas le plus simple n=2𝑛2n=2, sans faire l’hypothèse que le tissu est de rang maximal. De plus, sous cette hypothèse, la solution s’est avérée beaucoup plus difficile à obtenir que dans [22].


Dans la perspective de surmonter ces difficultés, nous avons introduit et étudié dans Pirio-Trépreau [19] les classes de variétés suivantes.

Définition 1.16.

Soit qn1𝑞𝑛1q\geq n-1 et posons d=q+r(n1)+2𝑑𝑞𝑟𝑛12d=q+r(n-1)+2. Une sous-variété projective X𝑋X de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}, irréductible de dimension r+1𝑟1r+1 et non contenue dans un hyperplan de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}, appartient à la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q) si les deux conditions suivantes sont satisfaites :

  1. (a)

    pour (a1,,an)Xnsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript𝑋𝑛(a_{1},\ldots,a_{n})\in X^{n} générique, il existe une courbe rationnelle normale de degré q𝑞q, contenue dans X𝑋X et passant par a1,,ansubscript𝑎1subscript𝑎𝑛a_{1},\ldots,a_{n} ;

  2. (b)

    la dimension N𝑁N vérifie N+1=ρr,n(d)𝑁1subscript𝜌𝑟𝑛𝑑N+1=\rho_{r,n}(d)222En fait N+1𝑁1N+1 est donné sous une autre forme dans [19]. Nous vérifierons dans le Chapitre 4 qu’on a bien N+1=ρr,n(d)𝑁1subscript𝜌𝑟𝑛𝑑N+1=\rho_{r,n}(d)..

La condition (a) seule implique qu’on a N+1ρr,n(d)𝑁1subscript𝜌𝑟𝑛𝑑N+1\leq\rho_{r,n}(d), voir [19] Théorème 1.2 : la propriété (b) signifie que X𝑋X engendre un espace de dimension maximale, compte tenu de la propriété (a).


La variété de Blaschke d’un d𝑑d-tissu de rang maximal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) appartient donc à la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆(𝒹))subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆𝒹\cal{X}_{r+1,n}(q(d)) si r2𝑟2r\geq 2 et q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1.


Nous en venons maintenant aux principaux résultats de cet article.

Définition 1.17.

Deux d𝑑d-tissus sur des germes (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) et (M,x0)superscript𝑀subscriptsuperscript𝑥0(M^{\prime},x^{\prime}_{0}) sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) sur (M,x0)superscript𝑀subscriptsuperscript𝑥0(M^{\prime},x^{\prime}_{0}) qui les échangent.

Le problème traditionnel est de montrer qu’un d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T} de rang maximal et de type (r,n)𝑟𝑛(r,n), nous supposons ici r2𝑟2r\geq 2, est isomorphe à un germe d’un tissu algébrique grassmannien si d𝑑d est assez grand.

Nous avons le résultat suivant qui résout en particulier le problème précédent. Nous le donnons en premier parce que toutes les notions qui interviennent dans l’énoncé ont déjà été introduites. Rappelons la notation q(d)=dr(n1)2𝑞𝑑𝑑𝑟𝑛12q(d)=d-r(n-1)-2.

Théorème 1.18.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) et de rang maximal, avec r2𝑟2r\geq 2 et q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1. Si n=2𝑛2n=2 ou si q(d)2n3𝑞𝑑2𝑛3q(d)\neq 2n-3, il est isomorphe à un germe d’un tissu algébrique grassmannien.

Avant de le commenter, disons qu’il découle de l’un des résultats essentiels de [19], la classification complète des variétés de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q), précisément sous l’une des deux conditions n=2𝑛2n=2 ou q2n3𝑞2𝑛3q\neq 2n-3. Nous reviendrons plus bas sur le cas q=2n3𝑞2𝑛3q=2n-3 avec n3𝑛3n\geq 3, exclu de l’énoncé.

Concernant l’hypothèse q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, il semble qu’elle soit nécessaire pour que la méthode canonique puisse être appliquée avec succès. Comme le rang de 𝒯𝒯\cal{T} est nul si q(d)<0𝑞𝑑0q(d)<0, il faut bien sûr supposer q(d)0𝑞𝑑0q(d)\geq 0. La question intéressante de l’existence ou non de contre-exemples lorsque 0q(d)<n10𝑞𝑑𝑛10\leq q(d)<n-1 est ouverte en général. Les seuls contre-exemples connus concernent des tissus de codimension 222 avec q(d)=0𝑞𝑑0q(d)=0, voir en particulier Goldberg [10] pour (r,n)=(2,2)𝑟𝑛2.2(r,n)=(2,2).

Notre résultat est complètement nouveau sauf si q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1 ou si n=2𝑛2n=2.

On peut dire que l’énoncé ci-dessus pour q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1 est folklorique. La démonstration de Howe (1932) lorsque (r,n)=(1,2)𝑟𝑛1.2(r,n)=(1,2) se généralise sans encombre. Nous y reviendrons dans le Chapitre 3.

Le cas n=2𝑛2n=2 a été étudié par Hénaut [13], qui suit la méthode canonique, mais sa démonstration est défaillante sur deux points. D’abord, concernant la géométrie des normales d’un tissu de type (r,2)𝑟.2(r,2), l’auteur se réfère à un énoncé de Little [15], correct dans ce cas mais dont la démonstration dans [15] est au moins douteuse, voir le Chapitre 2. D’autre part, Hénaut énonce bien que, sous les hypothèses du Théorème 1.18 avec n=2𝑛2n=2, la variété de Blaschke du tissu appartient à ce que nous appelons la classe 𝒳𝓇+1,2(𝓆(𝒹))subscript𝒳𝓇1.2𝓆𝒹\cal{X}_{r+1,2}(q(d)) mais son argument pour en déduire que c’est une variété de Veronese d’ordre q(d)𝑞𝑑q(d), ce qui est nécessaire pour conclure, est incorrect, voir le Chapitre 4.


Rappelons que l’énoncé précédent ne concerne que les tissus de rang maximal avec q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1. Si de plus n=2𝑛2n=2 ou si q(d)2n3𝑞𝑑2𝑛3q(d)\neq 2n-3, il caractérise donc les d𝑑d-tissus de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) qui sont isomorphes à un germe d’un tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}, où Zr+n1𝑍superscript𝑟𝑛1Z\subset\mathbb{P}^{r+n-1} est de dimension pure r𝑟r, de degré d𝑑d, rencontre un (n1)𝑛1(n-1)-plan générique en d𝑑d points en position générale dans ce plan et est de genre abélien maximal compte tenu de ces conditions.

Le cas n=2𝑛2n=2 a ceci de particulier que le genre abélien d’une hypersurface d’un espace projectif est toujours maximal puisqu’il est égal à son genre arithmétique (Griffiths, voir la Section 1.2) et ne dépend donc que de son degré. On a donc :

Corollaire 1.19.

Si r2𝑟2r\geq 2 et dr+3𝑑𝑟3d\geq r+3, un d𝑑d-tissu de type (r,2)𝑟.2(r,2) est de rang maximal si et seulement s’il est isomorphe à un germe d’un tissu algébrique défini par une hypersurface de degré d𝑑d de r+1superscript𝑟1\mathbb{P}^{r+1}.

Le prochain énoncé donnera une représentation algébrique canonique de tout d𝑑d-tissu de rang maximal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n), toujours avec r2𝑟2r\geq 2 et q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, mais sans autre hypothèse. Sa compréhension exige que nous fassions quelques rappels tirés de [19]. Des références précises seront données dans le Chapitre 4.

Soit X𝑋X une variété de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q). On montre qu’il existe une unique variété projective de 111-cycles effectifs de X𝑋X, nous la notons ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}, dont l’élément générique est une courbe rationnelle de degré q𝑞q et telle que pour tout (a1,,an)Xnsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript𝑋𝑛(a_{1},\ldots,a_{n})\in X^{n}, il existe un élément de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} dont le support dans X𝑋X contient les points ajsubscript𝑎𝑗a_{j}.

Pour plus de clarté, si xΣX𝑥subscriptΣ𝑋x\in\Sigma_{X}, nous notons σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) l’élément x𝑥x vu comme une courbe (éventuellement non réduite) de X𝑋X.

La variété ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} est irréductible de dimension rn𝑟𝑛rn. On définit aussi un ouvert Zariski-dense ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}, nous rappellerons comment dans le Chapitre 4. Un élément x𝑥x de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} est appelé un élément admissible de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} et l’on dit que σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est une courbe admissible de X𝑋X.

On a les propriétés suivantes. Un élément admissible x𝑥x de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} est un point lisse de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} et la courbe σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est une courbe rationnelle normale de degré q𝑞q, contenue dans la partie lisse de X𝑋X. La réunion de ces courbes est un ouvert Zariski-dense Xadmsubscript𝑋admX_{\rm adm} de la partie lisse de X𝑋X.

D’autre part, si σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est une courbe admissible et p𝑝p un point de σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), l’ensemble algébrique

ΣX(p)={xΣX,pσ(x)}subscriptΣ𝑋𝑝formulae-sequencesuperscript𝑥subscriptΣ𝑋𝑝𝜎superscript𝑥\Sigma_{X}(p)=\{x^{\prime}\in\Sigma_{X},\;\;p\in\sigma(x^{\prime})\}

est, au voisinage de x𝑥x, lisse de codimension r𝑟r dans ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}. Enfin, si p1,,pnsubscript𝑝1subscript𝑝𝑛p_{1},\ldots,p_{n} sont des points deux-à-deux distincts de σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), les espaces tangents TxΣX(pj)subscript𝑇𝑥subscriptΣ𝑋subscript𝑝𝑗T_{x}\Sigma_{X}(p_{j}) sont en position générale dans TxΣXsubscript𝑇𝑥subscriptΣ𝑋T_{x}\Sigma_{X}.


Nous avons vu dans la Section 1.2 que la paire (r+n1,𝔾r,n)superscript𝑟𝑛1subscript𝔾𝑟𝑛(\mathbb{P}^{r+n-1},\mathbb{G}_{r,n}) permet d’associer à une sous-variété algébrique Zr+n1𝑍superscript𝑟𝑛1Z\subset\mathbb{P}^{r+n-1}, réduite de dimension pure r𝑟r et de degré d𝑑d, un pré-tissu algébrique d’incidence 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} sur 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}, dont le rang est égal au genre abélien de Z𝑍Z.

Une construction analogue est possible pour la paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}) et une hypersurface algébrique Z𝑍Z de X𝑋X, à partir des propriétés d’incidence de Z𝑍Z avec un élément général de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}, comme nous allons voir. Nous faisons l’hypothèse suivante.

L’hypersurface Z𝑍Z est réduite et toutes ses composantes irréductibles rencontrent la partie admissible Xadmsubscript𝑋admX_{\rm adm} de X𝑋X.

La première condition nous est familière. La seconde condition, qui n’en est une que si X\Xadm\𝑋subscript𝑋admX\backslash X_{\rm adm} est de codimension un dans X𝑋X, n’est pas vraiment nécessaire. Simplement une composante de Z𝑍Z contenue dans X\Xadm\𝑋subscript𝑋admX\backslash X_{\rm adm} ne rencontrerait aucune courbe admissible de X𝑋X et ne jouerait aucun rôle dans la construction qui suit. Le plus simple est d’écarter ces éventuelles composantes.

Comme une courbe admissible σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est contenue dans Xregsubscript𝑋regX_{\rm reg}, son nombre d’intersection σ(x)Z𝜎𝑥𝑍\sigma(x)\cdot Z avec Z𝑍Z est bien défini par la théorie élémentaire de l’intersection. Il est indépendant de la courbe admissible choisie et c’est un entier d𝑑d strictement positif puisque Z𝑍Z rencontre Xadmsubscript𝑋admX_{\rm adm} par hypothèse.

Nous vérifierons que si la courbe admissible σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) est assez générale, elle rencontre Z𝑍Z transversalement en d𝑑d points deux-à-deux distincts de Zregsubscript𝑍regZ_{\rm reg}. Nous avons donc, au voisinage de x0subscript𝑥0x_{0}, d𝑑d morphismes d’incidence

κj:(ΣX,x0)(Z,pj),:subscript𝜅𝑗subscriptΣ𝑋subscript𝑥0𝑍subscript𝑝𝑗\kappa_{j}:(\Sigma_{X},x_{0})\rightarrow(Z,p_{j}),

pj=κj(x0)subscript𝑝𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0p_{j}=\kappa_{j}(x_{0}) et κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x) est le point d’intersection de σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) avec (Z,pj)𝑍subscript𝑝𝑗(Z,p_{j}). Nous vérifierons aussi que chaque morphisme κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} est une submersion. Il définit donc un feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur (ΣX,x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma_{X},x_{0}) dont les feuilles sont les fibres de κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j}, des ouverts au sens usuel de sous-variétés de la forme ΣX(p)subscriptΣ𝑋𝑝\Sigma_{X}(p). Compte tenu de la propriété des espaces tangents Tx0ΣX(pj)subscript𝑇subscript𝑥0subscriptΣ𝑋subscript𝑝𝑗T_{x_{0}}\Sigma_{X}(p_{j}) que nous avons mentionnée plus haut, les feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} forment un tissu.

Nous nous autorisons le même abus de langage que dans le cas de la paire (r+n1,𝔾r,n)superscript𝑟𝑛1subscript𝔾𝑟𝑛(\mathbb{P}^{r+n-1},\mathbb{G}_{r,n}).

Définition 1.20.

Nous dirons qu’une hypersurface algébrique réduite Z𝑍Z, dont toutes les composantes irréductibles rencontrent Xadmsubscript𝑋admX_{\rm adm}, définit sur ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} un tissu algébrique d’incidence 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} pour la paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}), d’ordre le nombre d’intersection d𝑑d de Z𝑍Z avec une courbe admissible de X𝑋X, dont le tissu qu’elle définit au point général de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} est un germe.

Si ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} est un germe de r𝑟r-forme lisse sur (Z,pj)𝑍subscript𝑝𝑗(Z,p_{j}), sa trace j=1dκjϕjsuperscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜅𝑗subscriptitalic-ϕ𝑗\sum_{j=1}^{d}\kappa_{j}^{\star}\phi_{j} est un germe de forme sur (ΣX,x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma_{X},x_{0}) et, dans le cas où les ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} sont des germes d’une même r𝑟r-forme lisse ϕitalic-ϕ\phi, définie sur un ouvert Zariski-dense de Z𝑍Z, pour la même raison que dans la situation analogue décrite dans la Section 1.2, les traces qu’on obtient ainsi sont des germes d’une forme définie sur un ouvert dense de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}. Il est clair aussi que l’analogue du Lemme 1.8 reste vrai dans ce nouveau cadre.

Définition 1.21.

Une r𝑟r-forme ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}-abélienne sur Z𝑍Z est une r𝑟r-forme lisse sur un ouvert Zariski-dense de Z𝑍Z, de trace nulle.

Nous montrerons que le rang du tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} au point général de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} est égal à la dimension de l’espace des r𝑟r-formes ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}-abéliennes sur Z𝑍Z et que celles-ci sont rationnelles. Nous ne savons pas si elles coïncident toujours avec les formes abéliennes, c’est-à-dire avec les r𝑟r-formes de Barlet sur Z𝑍Z.

Nous avons le résultat suivant.

Théorème 1.22.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) et de rang maximal, avec r2𝑟2r\geq 2 et q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1. Soit X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} sa variété de Blaschke.

Il existe une hypersurface projective Z𝑍Z de XT𝑋𝑇X{T}, définissant un tissu algébrique d’incidence 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}, tel que le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est isomorphe à un germe du tissu 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z}.

Il n’est pas exclu ou plutôt le contraire n’est pas démontré dans [19], que ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} ou X𝑋X aient des singularités en codimension un. Pour cette raison il n’est pas exclu que le germe de tissu dont il est question à la fin de l’énoncé soit défini sur un germe (ΣX,x0)subscriptsuperscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma^{\prime}_{X},x_{0}), lisse de dimension rn𝑟𝑛rn mais distinct du germe de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} en x0subscript𝑥0x_{0}.


Notre dernier énoncé fait le lien entre les deux précédents en montrant que la propriété pour un tissu de rang maximal d’être isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien ne dépend que de sa variété de Blaschke. Il utilise une notion dont nous esquissons maintenant la définition, voir le début du Chapitre 3 pour une présentation précise.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu semi-extrémal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Nous montrerons qu’il définit une structure presque grassmannienne de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), une propriété déjà pressentie mais qui n’avait été établie auparavant que dans quelques cas. Il s’agit d’un type de GG{\rm G}-structure modelé sur la géométrie de la grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n} des (n1)𝑛1(n-1)-plans de r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}. Pour guider l’intuition du lecteur, on peut traduire cette propriété de la manière suivante. En chaque point x𝑥x de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), le tissu 𝒯𝒯\cal{T} induit un d𝑑d-tissu constant de même type sur l’espace tangent TxMsubscript𝑇𝑥𝑀T_{x}M et celui-ci est localement isomorphe à un germe de tissu grassmannien.

Cette propriété n’apporte rien si r=1𝑟1r=1 mais elle joue un rôle important si r2𝑟2r\geq 2, ce que nous supposons maintenant. C’est un résultat classique d’Akivis [1], qui appelle un d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T} avec dn+1𝑑𝑛1d\geq n+1, qui a la propriété ci-dessus, un tissu presque grassmannien, qu’un tel tissu est isomorphe à un germe de tissu grassmannien si et seulement si la structure presque grassmannienne qu’il définit est intégrable, c’est-à-dire localement isomorphe à celle de la grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}.

Si c’est le cas et s’il possède une relation abélienne complète, il est isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien compte tenu du théorème d’Abel inverse.

D’autre part, nous avons montré dans [19] que, si X𝑋X est une variété de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q), la variété lisse ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} des points admissibles de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} est naturellement munie d’une structure presque grassmannienne de type (r,n)𝑟𝑛(r,n). Dans le cas où X𝑋X est la variété de Blaschke d’un tissu de rang maximal 𝒯𝒯\cal{T}, cette structure coïncide avec celle que définit par transport le germe de tissu isomorphe à 𝒯𝒯\cal{T} donné par le Théorème 1.22.

Notre dernier énoncé est le suivant :

Théorème 1.23.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) et de rang maximal, avec r2𝑟2r\geq 2 et q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, et X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} sa variété de Blaschke. Le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est isomorphe à un germe d’un tissu algébrique grassmannien si et seulement si la structure presque grassmannienne de ΣX𝒯,admsubscriptΣsubscript𝑋𝒯adm\Sigma_{X_{\cal{T}},{\rm adm}} est intégrable.

Les trois théorèmes précédents sont démontrés dans le Chapitre 4, dans l’ordre suivant. Nous démontrerons d’abord le Théorème 1.22. La démonstration ne dépend que de résultats relativement simples de [19] et d’un analogue du Théorème d’Abel inverse pour les germes de tissus d’incidence pour une paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}). Le Théorème 1.23 sera alors une conséquence de la définition dans [19] de la structure presque grassmannienne de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}}. Finalement le Théorème 1.18 est une conséquence directe d’un résutat essentiel de [19], que cette structure est toujours intégrable si n=2𝑛2n=2 ou si q2n3𝑞2𝑛3q\neq 2n-3.


Il reste à dire quelques mots sur un problème intéressant que nos énoncés laissent en suspens : étant donnés r2𝑟2r\geq 2 et n3𝑛3n\geq 3, existe-t-il un d𝑑d-tissu de rang maximal, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec q(d)=2n3𝑞𝑑2𝑛3q(d)=2n-3, non isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien ?

Une condition nécessaire est qu’il existe une variété X𝑋X de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(2𝓃3)subscript𝒳𝓇1𝓃2𝓃3\cal{X}_{r+1,n}(2n-3) telle que la structure presque grassmannienne de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} ne soit pas intégrable. Malheureusement nous savons peu de choses à ce sujet, seulement qu’il en existe si n𝑛n est égal à trois ou à quatre, quel que soit r2𝑟2r\geq 2, ainsi que si r=2𝑟2r=2 et n{5,6}𝑛5.6n\in\{5,6\}.

Dans un article à venir [20], nous montrerons que, pour ces valeurs de (r,n)𝑟𝑛(r,n) et q(d)=2n3𝑞𝑑2𝑛3q(d)=2n-3, il existe des d𝑑d-tissus de rang maximal qui ne sont pas isomorphes à des germes de tissus algébriques grassmanniens.

1.5 Notes sur l’origine du problème

La théorie abélienne des tissus n’a d’abord concerné que les tissus plans, autrement dit le cas (r,n)=(1,2)𝑟𝑛1.2(r,n)=(1,2), que nous excluons de nos énoncés.

En 1932, Blaschke et Howe obtiennent qu’un d𝑑d-tissu plan grassmannien sur (2,x0)superscript2subscript𝑥0(\mathbb{P}^{2\star},x_{0}), i.e. dont les feuilles sont des morceaux de droites de 2superscript2\mathbb{P}^{2\star}, qui possède une relation abélienne complète, est algébrique. C’est la version initiale du théorème d’Abel inverse exprimée en termes de tissus.

Les auteurs introduisent alors le problème de «  l’algébrisation   »  des tissus plans de rang maximal. Dans ce qui suit, «  algébrisable   »  voudra dire isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien.

La borne ρ1,2(d)=(d1)(d2)/2subscript𝜌1.2𝑑𝑑1𝑑22\rho_{1,2}(d)=(d-1)(d-2)/2 est obtenue par Bol. Il est facile de vérifier que tous les 333-tissus plans de rang maximal 111 sont localement isomorphes. Ils sont donc algébrisables et même d’une infinité de façons puisqu’il existe une infinité de cubiques de 2superscript2\mathbb{P}^{2} deux-à-deux non équivalentes.

La même année, Howe résout le problème pour les 444-tissus de rang maximal 333, en traduisant le théorème de Lie en termes de tissus.

En 1933 Blaschke complète la méthode canonique pour résoudre le problème dans le cas des 555-tissus de rang maximal 666. Sa démonstration est incorrecte et Bol publie en 1936 un contre-exemple, montrant que l’énoncé aussi est faux.

Concernant les tissus plans, aucun progrès n’est à signaler juqu’en 2002–2003, quand Pirio et Robert construisent, indépendamment, de nouveaux contre-exemples. Le résultat suivant a été obtenu par Marín, Pereira et Pirio [17].

Théorème 1.24.

Pour tout d5𝑑5d\geq 5, il existe des d𝑑d-tissus plans de rang maximal qui ne sont pas algébrisables.

Nous renvoyons au livre Pereira-Pirio [18] pour une présentation de la théorie des tissus plans et en particulier des résultats récents. On y trouvera aussi plus d’informations qu’ici sur la genèse de la théorie, en particulier du théorème de Blaschke-Howe mais, sur cette genèse, le livre Blaschke-Bol [3] reste bien sûr la référence fondamentale.


Venons-en aux tissus de codimension un avec n3𝑛3n\geq 3. En 1934 Bol obtient, par la méthode canonique, le résultat majeur qu’un d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T}, de type (1,3)1.3(1,3) et de rang maximal, est algébrisable si d6𝑑6d\geq 6. L’argument de Bol pour démontrer que ce que nous appelons la variété de Blaschke du tissu 𝒯𝒯\cal{T} est une surface est en partie géométrique, basé sur une analogie avec une géométrie de Weyl.

Chern a déterminé en 1935 la borne ρ1,n(d)subscript𝜌1𝑛𝑑\rho_{1,n}(d) pour le rang d’un tissu de codimension 111. Plus de quarante ans plus tard, il entreprend avec Griffiths d’étendre le résultat de Bol en toute dimension n3𝑛3n\geq 3.

Les deux premières parties de Chern-Griffiths [5] restent une référence essentielle pour qui veut comprendre les liens entre le problème de l’algébrisation des tissus et la géométrie algébrique. Dans la troisième partie, de plus de quarante pages, les auteurs traitent le noyau dur du problème : montrer que la variété de Blaschke est une surface. Comme chez Bol, l’idée à la base des calculs qu’ils font est de nature géométrique, la géométrie des chemins se substituant à la géométrie de Weyl. Ils reconnaîtront trois ans plus tard dans [6] une erreur dans cette partie de l’article, qui les force à affaiblir de façon considérable leur énoncé initial.

Le problème est finalement résolu par Trépreau [22], qui obtient le résultat suivant.

Théorème 1.25.

Un d𝑑d-tissu semi-extrémal de type (1,n)1𝑛(1,n) avec n3𝑛3n\geq 3 est algébrisable.

L’argument de [22], pour montrer que la variété de Blaschke est une surface, est analytique. Il s’agit d’un calcul, laborieux mais direct, du rang d’un paramétrage local de cette variété. La même idée apparaît déjà dans l’article de Hénaut [13] à propos des tissus de type (r,2)𝑟.2(r,2), un cas pour lequel le calcul du rang de ce paramétrage est plus facile.


En 1976 paraît l’article de Griffiths, Variations on a theorem of Abel [11], qui donne des versions générales du théorème d’Abel et du théorème d’Abel inverse de Darboux. En 1978, la même année que [5], paraît l’article de Chern et Griffiths [7] sur le rang des tissus de type (r,n)𝑟𝑛(r,n). Outre la borne sur le rang, ils y décrivent la géométrie des normales d’un tissu de rang maximal de codimension 222. La découverte d’une lacune dans [5] est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ils n’ont pas poursuivi l’étude de ce problème.

2 Tissus constants semi-extrémaux

Dans ce chapitre, nous ne considérons que des tissus constants, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un espace vectoriel V𝑉V de dimension rn𝑟𝑛rn, c’est-à-dire des tissus dont les éléments sont des feuilletages de V𝑉V en sous-espaces affines parallèles de codimension r𝑟r.

Nous verrons au début du Chapitre 3 que, pour ce qui est des questions que nous abordons ici, on ne perd rien en généralité à supposer les tissus constants. Et l’on gagne beaucoup quant à la clarté des notations.

Nous rappellerons d’abord la démonstration du Théorème 1, la borne de Chern-Griffiths, que nous énoncerons sous une forme précisée.

Nous caractériserons ensuite, c’est le résultat important de ce chapitre, la propriété pour un tissu constant d’être semi-extrémal par la géométrie de son système de normales, voir la Proposition 2.5.

2.1 Les bornes de Chern-Griffiths

Soit 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} un tissu constant de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur l’espace vectoriel V𝑉V. Les feuilles de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont les fibres d’une application linéaire de rang r𝑟r

κj=(uj,1,,uj,r):Vr:subscript𝜅𝑗subscript𝑢𝑗.1subscript𝑢𝑗𝑟𝑉superscript𝑟{\kappa}_{j}=(u_{j,1},\ldots,u_{j,r}):\,V\rightarrow\mathbb{C}^{r}

et Ωj=duj,1duj,rsubscriptΩ𝑗𝑑subscript𝑢𝑗.1𝑑subscript𝑢𝑗𝑟\,\Omega_{j}=du_{j,1}\wedge\cdots\wedge du_{j,r} est une normale génératrice de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Comme la normale ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} est fermée, une normale ϕj=cjΩjsubscriptitalic-ϕ𝑗subscript𝑐𝑗subscriptΩ𝑗\phi_{j}=c_{j}\Omega_{j} de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sur (V,0)𝑉.0(V,0) est fermée si et seulement si dcjΩj=0𝑑subscript𝑐𝑗subscriptΩ𝑗0dc_{j}\wedge\Omega_{j}=0, donc si et seulement si la fonction cjsubscript𝑐𝑗c_{j} est de la forme cj=fj(κj)subscript𝑐𝑗subscript𝑓𝑗subscript𝜅𝑗c_{j}=f_{j}({\kappa}_{j}), où fjsubscript𝑓𝑗f_{j} est une fonction sur (r,0)superscript𝑟.0(\mathbb{C}^{r},0). De plus, le germe cjsubscript𝑐𝑗c_{j} est nul si et seulement si le germe fjsubscript𝑓𝑗f_{j} est nul.

Avec ces notations, une relation abélienne de 𝒯𝒯\cal{T} sur (V,0)𝑉.0(V,0) est un d𝑑d-uplet de normales fermées fj(κj)Ωjsubscript𝑓𝑗subscript𝜅𝑗subscriptΩ𝑗f_{j}(\kappa_{j})\Omega_{j} dont la somme est nulle. Soit fj=h=0+pj,hsubscript𝑓𝑗superscriptsubscript0subscript𝑝𝑗f_{j}=\sum_{h=0}^{+\infty}p_{j,h} la décompositon de fjsubscript𝑓𝑗f_{j} en série de polynômes homogènes, pj,hsubscript𝑝𝑗p_{j,h} étant de degré hh. Comme les formes ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} sont constantes, il est clair que le d𝑑d-uplet des pj,h(κj)Ωjsubscript𝑝𝑗subscript𝜅𝑗subscriptΩ𝑗p_{j,h}(\kappa_{j})\Omega_{j} est une relation abélienne du tissu 𝒯𝒯\cal{T}, homogène de degré hh.

Suivant [7] nous allons démontrer la forme précisée suivante de (1).

Proposition 2.1.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu constant de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur l’espace vectoriel V𝑉V. Pour tout hh\in\mathbb{N}, la dimension de l’espace R(h)𝑅R(h) des relations abéliennes de 𝒯𝒯\cal{T} qui sont homogènes de degré hh vérifie

dimR(h)(r1+hr1)×max(d(r+h)(n1)1,0).dimension𝑅binomial𝑟1𝑟1𝑑𝑟𝑛11.0\dim R(h)\leq{r-1+h\choose r-1}\times\max\,\left(d-(r+h)(n-1)-1,0\right). (4)

Nous montrerons dans la prochaine section qu’il existe des tissus constants pour lesquels les bornes (4) sont atteintes quel que soit hh.

Soit Er(h)subscript𝐸𝑟E_{r}(h) l’espace, de dimension (r1+hr1)binomial𝑟1𝑟1{r-1+h\choose r-1}, des polynômes homogènes de degré hh sur rsuperscript𝑟\mathbb{C}^{r} et N(h)𝑁N(h) l’espace engendré par les normales fermées homogènes de degré hh du tissu 𝒯𝒯\cal{T}. L’application linéaire Er(h)dN(h)subscript𝐸𝑟superscript𝑑𝑁E_{r}(h)^{d}\rightarrow N(h), définie par (c1,,cd)j=1dcj(κj)Ωjmaps-tosubscript𝑐1subscript𝑐𝑑superscriptsubscript𝑗1𝑑subscript𝑐𝑗subscript𝜅𝑗subscriptΩ𝑗(c_{1},\ldots,c_{d})\mapsto\;\sum_{j=1}^{d}c_{j}({\kappa}_{j})\,\Omega_{j}, est surjective et son noyau est isomorphe à l’espace R(h)𝑅R(h). On a donc

dimR(h)+dimN(h)=ddimEr(h).dimension𝑅dimension𝑁𝑑dimensionsubscript𝐸𝑟\dim R(h)+\dim N(h)=d\dim E_{r}(h).

Pour démontrer (4), il suffit de montrer qu’on a :

d=(r+h)(n1)+1R(h)=0,𝑑𝑟𝑛11𝑅0d=(r+h)(n-1)+1\;\Rightarrow\;R(h)=0, (5)

ce qui donne alors dimN(h)=((r+h)(n1)+1)dimEr(h)dimension𝑁𝑟𝑛11dimensionsubscript𝐸𝑟\dim N(h)=((r+h)(n-1)+1)\dim E_{r}(h). En effet on en déduit qu’on a encore R(h)=0𝑅0R(h)=0 si d(r+h)(n1)+1𝑑𝑟𝑛11d\leq(r+h)(n-1)+1 et, comme la dimension minimale de N(h)𝑁N(h) ne peut que croître avec d𝑑d, qu’on a :

d>(r+h)(n1)+1dimR(h)(d(r+h)(n1)1)dimEr(h).𝑑𝑟𝑛11dimension𝑅𝑑𝑟𝑛11dimensionsubscript𝐸𝑟d>(r+h)(n-1)+1\;\Rightarrow\;\dim R(h)\leq(d-(r+h)(n-1)-1)\dim E_{r}(h).
Démonstration de (5) pour h=00h=0.

Soit (c1Ω1,,cdΩd)subscript𝑐1subscriptΩ1subscript𝑐𝑑subscriptΩ𝑑(c_{1}\Omega_{1},\ldots,c_{d}\Omega_{d}) une relation abélienne à coefficients constants. Par symétrie, il suffit de montrer que c1subscript𝑐1c_{1} est nul.

Pour le voir, on multiplie la relation j=1dcjΩj=0superscriptsubscript𝑗1𝑑subscript𝑐𝑗subscriptΩ𝑗0\sum_{j=1}^{d}c_{j}\Omega_{j}=0 par une (d1)𝑑1(d-1)-forme K𝐾K telle que Ω1K0subscriptΩ1𝐾0\Omega_{1}\wedge K\neq 0 et ΩjK=0subscriptΩ𝑗𝐾0\Omega_{j}\wedge K=0 si j2𝑗2j\geq 2, ce qui donne c1(Ω1K)=(j=1dcjΩj)K=0subscript𝑐1subscriptΩ1𝐾superscriptsubscript𝑗1𝑑subscript𝑐𝑗subscriptΩ𝑗𝐾0c_{1}(\Omega_{1}\wedge K)=(\sum_{j=1}^{d}c_{j}\Omega_{j})\wedge K=0 et le résultat.


Reste à vérifier qu’une telle forme K𝐾K existe. (C’est considéré comme évident dans [7].) Pour les besoins de la récurrence, nous supposons seulement dn𝑑𝑛d\geq n et dr(n1)+1𝑑𝑟𝑛11d\leq r(n-1)+1. L’existence de K𝐾K est évidente si d=n𝑑𝑛d=n puisque la condition (PG) donne alors Ω1Ωn0subscriptΩ1subscriptΩ𝑛0\Omega_{1}\wedge\cdots\wedge\Omega_{n}\neq 0.

Notons Fj=KerκjVsubscript𝐹𝑗Kersubscript𝜅𝑗𝑉F_{j}=\text{Ker}\,\kappa_{j}\subset V la direction du feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} et FjVsuperscriptsubscript𝐹𝑗perpendicular-tosuperscript𝑉F_{j}^{\perp}\subset V^{\star} son orthogonal. Étant donné v=(v2,,vd)j=2dFj𝑣subscript𝑣2subscript𝑣𝑑superscriptsubscriptproduct𝑗2𝑑superscriptsubscript𝐹𝑗perpendicular-tov=(v_{2},\ldots,v_{d})\in\prod_{j=2}^{d}F_{j}^{\perp}, posons

K(v)=j=2ddvj,Kk(v)=j=2,jkddvj,k=2,,d.formulae-sequence𝐾𝑣superscriptsubscript𝑗2𝑑𝑑subscript𝑣𝑗formulae-sequencesubscript𝐾𝑘𝑣superscriptsubscriptformulae-sequence𝑗2𝑗𝑘𝑑𝑑subscript𝑣𝑗𝑘2𝑑K(v)=\wedge_{j=2}^{d}\,dv_{j},\qquad K_{k}(v)=\wedge_{j=2,j\neq k}^{d}\,dv_{j},\qquad k=2,\ldots,d.

On a toujours ΩjK(v)=0subscriptΩ𝑗𝐾𝑣0\Omega_{j}\wedge K(v)=0 si j2𝑗2j\geq 2. D’autre part, pour un tissu donné, Ω1K(v)subscriptΩ1𝐾𝑣\Omega_{1}\wedge K(v) est ou bien toujours nul, ou bien non nul pour tout v𝑣v dans un ouvert dense de j=2dFjsuperscriptsubscriptproduct𝑗2𝑑superscriptsubscript𝐹𝑗perpendicular-to\prod_{j=2}^{d}F_{j}^{\perp}. Pour montrer que c’est la seconde propriété qui est vraie, nous raisonnons par l’absurde et par récurrence, en supposant d>n𝑑𝑛d>n et que la seconde propriété est vraie pour tous les sous-tissus d’ordre d1𝑑1d-1 de 𝒯𝒯\cal{T}. Plus précisément nous pouvons supposer

Ω1K(v)=0,Ω1Kk(v)0(k=2,,d),formulae-sequencesubscriptΩ1𝐾𝑣0subscriptΩ1subscript𝐾𝑘𝑣0𝑘2𝑑\Omega_{1}\wedge K(v)=0,\;\;\;\Omega_{1}\wedge K_{k}(v)\neq 0\;\;\;(k=2,\ldots,d), (6)

pour tout vj=2dFj𝑣superscriptsubscriptproduct𝑗2𝑑superscriptsubscript𝐹𝑗perpendicular-tov\in\prod_{j=2}^{d}F_{j}^{\perp} voisin d’un certain v0superscript𝑣0v^{0} fixé. Soit H𝐻H le sous-espace de Vsuperscript𝑉V^{\star}, de dimension r+d2<rn𝑟𝑑2𝑟𝑛r+d-2<rn, engendré par F1superscriptsubscript𝐹1perpendicular-toF_{1}^{\perp} et les formes v20,,vd10superscriptsubscript𝑣20superscriptsubscript𝑣𝑑10v_{2}^{0},\ldots,v_{d-1}^{0}.

En appliquant (6) à v0superscript𝑣0v^{0}, nous obtenons que vd0superscriptsubscript𝑣𝑑0v_{d}^{0} appartient à H𝐻H. En écrivant (6) pour v=v0𝑣superscript𝑣0v=v^{0} puis, pour k{2,,n}𝑘2𝑛k\in\{2,\ldots,n\} donné, en faisant varier vksubscript𝑣𝑘v_{k} au voisinage de vk0subscriptsuperscript𝑣0𝑘v^{0}_{k}, en particulier vksubscript𝑣𝑘v_{k} décrit une base de Fksuperscriptsubscript𝐹𝑘perpendicular-toF_{k}^{\perp}, nous obtenons que Fksuperscriptsubscript𝐹𝑘perpendicular-toF_{k}^{\perp} est contenu dans H𝐻H.

Ainsi H𝐻H contient F1,,Fnsuperscriptsubscript𝐹1perpendicular-tosuperscriptsubscript𝐹𝑛perpendicular-toF_{1}^{\perp},\ldots,F_{n}^{\perp}. C’est une contradiction car, compte tenu de la condition de position générale (PG), ces espaces sont en somme directe et donc engendrent un espace de dimension rn>dimH𝑟𝑛dimension𝐻rn>\dim H. ∎

Démonstration de (5) pour h11h\geq 1.

Nous supposons que (5) est vrai à l’ordre h11h-1 et nous le démontrons à l’ordre hh. Par symétrie, il suffit de montrer que la n𝑛n-ième composante d’un élément de R(h)𝑅R(h) est nulle.

Le sous-tissu 𝒯=𝒯\{1,,𝓃1}superscript𝒯\𝒯subscript1subscript𝓃1\cal{T}^{\prime}=\cal{T}\backslash\{\cal{F}_{1},\dots,\cal{F}_{n-1}\} est d’ordre d(n1)𝑑𝑛1d-(n-1) donc, par hypothèse de récurrence, l’espace R(h1)superscript𝑅1R^{\prime}(h-1) de ses relations homogènes de degré h11h-1 est réduit à 00.

Soit Xj=1n1Fj𝑋superscriptsubscript𝑗1𝑛1subscript𝐹𝑗X\in\cap_{j=1}^{n-1}F_{j}, vu comme un champ de vecteurs constant sur V𝑉V. Notons que

Xcj(κj)=a=1r(Xuj,a)cjta(κj),𝑋subscript𝑐𝑗subscript𝜅𝑗superscriptsubscript𝑎1𝑟𝑋subscript𝑢𝑗𝑎subscript𝑐𝑗subscript𝑡𝑎subscript𝜅𝑗X\cdot c_{j}(\kappa_{j})=\sum_{a=1}^{r}(X\cdot u_{j,a})\frac{\partial c_{j}}{\partial t_{a}}(\kappa_{j}),

où les coefficients sont des scalaires. Il en résulte que (Xcj(κj))Ωj𝑋subscript𝑐𝑗subscript𝜅𝑗subscriptΩ𝑗(X\cdot c_{j}(\kappa_{j}))\Omega_{j} est une normale fermée de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}, nulle si j=1,,n1𝑗1𝑛1j=1,\ldots,n-1. En appliquant un tel vecteur à un élément de R(h)𝑅R(h), on obtient donc en fait un élément de R(h1)superscript𝑅1R^{\prime}(h-1), donc une relation triviale.

En particulier, la n𝑛n-ième composante de la relation initiale est annulée à la fois par les vecteurs XFn𝑋subscript𝐹𝑛X\in F_{n} et par les éléments du supplémentaire j=1n1Fjsuperscriptsubscript𝑗1𝑛1subscript𝐹𝑗\cap_{j=1}^{n-1}F_{j} de Fnsubscript𝐹𝑛F_{n}. Cette composante est constante et homogène de degré h11h\geq 1, donc nulle. ∎

Finissons par une remarque. Soit 𝒯superscript𝒯\cal{T}^{\prime} un sous-tissu d’ordre d=d1superscript𝑑𝑑1d^{\prime}=d-1 du d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T}, avec d1(r+h)(n1)+1𝑑1𝑟𝑛11d-1\geq(r+h)(n-1)+1. Notons R(h)𝑅R(h), R(h)superscript𝑅R^{\prime}(h), N(h)𝑁N(h) et N(h)superscript𝑁N^{\prime}(h) les espaces associés de relations et de normales fermées homogènes de degré hh. On sait que dimR(h)+dimN(h)=ddimEr(h)dimension𝑅dimension𝑁𝑑dimensionsubscript𝐸𝑟\dim R(h)+\dim N(h)=d\dim E_{r}(h) et que dimR(h)+dimN(h)=(d1)dimEr(h)dimensionsuperscript𝑅dimensionsuperscript𝑁𝑑1dimensionsubscript𝐸𝑟\dim R^{\prime}(h)+\dim N^{\prime}(h)=(d-1)\dim E_{r}(h).

Si la dimension de R(h)𝑅R(h) est maximale, comme N(h)superscript𝑁N^{\prime}(h) est un sous-espace de N(h)𝑁N(h), on obtient dimR(h)dimR(h)dimEr(h)dimensionsuperscript𝑅dimension𝑅dimensionsubscript𝐸𝑟\dim R^{\prime}(h)\geq\dim R(h)-\dim E_{r}(h) et donc que R(h)superscript𝑅R^{\prime}(h) est de dimension maximale.

En appliquant cette remarque à h{0,1}0.1h\in\{0,1\} et en itérant, on obtient le lemme suivant, que nous utiliserons.

Lemme 2.2.

Un sous tissu 𝒯superscript𝒯\cal{T}^{\prime}, d’ordre dsuperscript𝑑d^{\prime} avec q(d)n1𝑞superscript𝑑𝑛1q(d^{\prime})\geq n-1, d’un d𝑑d-tissu constant semi-extrémal est aussi semi-extrémal.

2.2 Exemples

Nous continuons avec les notations précédentes.

Notons A={1,,r}×{1,,n}𝐴1𝑟1𝑛A=\{1,\ldots,r\}\times\{1,\ldots,n\}. Soit m=(ma,α)(a,α)A𝑚subscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴m=(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} une base de Vsuperscript𝑉V^{\star}. Cette base étant fixée, nous associons à tout point p=[ξ1::ξn]{p}=[\xi_{1}:\cdots:\xi_{n}] de n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}, le feuilletage (𝓅)𝓅\cal{F}(p), constant de type (r,n)𝑟𝑛(r,n), dont la direction est donnée par le système d’équations

α=1nξαma,α=0,a=1,,r.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼subscript𝑚𝑎𝛼0𝑎1𝑟\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha}\,m_{a,\alpha}=0,\qquad a=1,\ldots,r.

Ces feuilletages n’ont rien de particulier si r=1𝑟1r=1. Nous supposons maintenant r2𝑟2r\geq 2. Des feuilletages (𝓅𝒿)subscript𝓅𝒿\cal{F}({p}_{j}) vérifient la condition (PG) si et seulement si les points pjsubscript𝑝𝑗{p_{j}} sont en position générale dans n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}. Il suffit de le vérifier pour d=n𝑑𝑛d=n ; les deux propriétés se traduisent alors par le fait que la matrice n×n𝑛𝑛n\times n formée à partir des systèmes de composantes homogènes des pjsubscript𝑝𝑗p_{j} est inversible.

Le lemme suivant est standard.

Lemme 2.3.

Une base (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} de Vsuperscript𝑉V^{\star} étant donnée, si d𝑑d points deux-à-deux distincts pjsubscript𝑝𝑗p_{j} appartiennent à une même courbe rationnelle normale de degré n1𝑛1n-1 de n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}, les bornes (4) sont atteintes pour tout hh par le tissu {(𝓅1),,(𝓅𝒹)}subscript𝓅1subscript𝓅𝒹\{\cal{F}(p_{1}),\ldots,\cal{F}(p_{d})\}. Il est donc de rang maximal.

Démonstration.

Une courbe rationnelle normale de degré n1𝑛1n-1 dans n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1} admet un paramétrage de la forme p(t)=[ϕ1(t)::ϕn(t)]p(t)=[\phi_{1}(t):\cdots:\phi_{n}(t)], où les ϕα(t)subscriptitalic-ϕ𝛼𝑡\phi_{\alpha}(t) forment une base de l’espace des polynômes de degré n1absent𝑛1\leq n-1. Les points pj=p(tj)subscript𝑝𝑗𝑝subscript𝑡𝑗p_{j}=p(t_{j}), on peut supposer tjsubscript𝑡𝑗t_{j}\in\mathbb{C}, sont en position générale dans n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1} dès que les tjsubscript𝑡𝑗t_{j} sont deux-à-deux distincts.

Pour toute valeur de t𝑡t\in\mathbb{C}, notons la(t)=α=1nϕα(t)ma,αsubscript𝑙𝑎𝑡superscriptsubscript𝛼1𝑛subscriptitalic-ϕ𝛼𝑡subscript𝑚𝑎𝛼l_{a}(t)=\sum_{\alpha=1}^{n}\phi_{\alpha}(t)\,m_{a,\alpha}. En développant Ω(t)=a=1rdla(t)Ω𝑡superscriptsubscript𝑎1𝑟𝑑subscript𝑙𝑎𝑡\Omega(t)=\wedge_{a=1}^{r}dl_{a}(t) suivant les puissances de t𝑡t, on obtient

Ω(t)=ρ=0r(n1)tρKρ,Ω𝑡superscriptsubscript𝜌0𝑟𝑛1superscript𝑡𝜌subscript𝐾𝜌\Omega(t)=\sum_{\rho=0}^{r(n-1)}t^{\rho}\,K_{\rho},

où les r𝑟r-formes constantes Kρsubscript𝐾𝜌K_{\rho} ne dépendent pas de t𝑡t. Ainsi les normales génératrices constantes Ω(t)Ω𝑡\Omega(t) des feuilletages (𝓅(𝓉))𝓅𝓉\cal{F}(p(t)) engendrent, quand t𝑡t décrit \mathbb{C}, un espace de dimension r(n1)+1absent𝑟𝑛11\leq r(n-1)+1.

Plus généralement, étant donné hh\in\mathbb{N} et cEr(h)𝑐subscript𝐸𝑟c\in E_{r}(h), la fonction c(l1(t),,lr(t))𝑐subscript𝑙1𝑡subscript𝑙𝑟𝑡c(l_{1}(t),\ldots,l_{r}(t)) est polynomiale en t𝑡t de degré h(n1)absent𝑛1\leq h(n-1) donc

c(l1(t),,lr(t))Ω(t)=ρ=0(r+h)(n1)tρKc,ρ,𝑐subscript𝑙1𝑡subscript𝑙𝑟𝑡Ω𝑡superscriptsubscript𝜌0𝑟𝑛1superscript𝑡𝜌subscript𝐾𝑐𝜌c(l_{1}(t),\ldots,l_{r}(t))\,\Omega(t)=\sum_{\rho=0}^{(r+h)(n-1)}t^{\rho}\,K_{c,\rho},

où les Kc,ρsubscript𝐾𝑐𝜌K_{c,\rho} sont des r𝑟r-formes homogènes de degré hh sur V𝑉V, indépendantes de t𝑡t et dépendant linéairement de cEr(h)𝑐subscript𝐸𝑟c\in E_{r}(h). Quand t𝑡t décrit \mathbb{C} et que c𝑐c parcourt une base de Er(h)subscript𝐸𝑟E_{r}(h), elles engendrent un espace de dimension dimEr(h)×((r+h)(n1)+1)absentdimensionsubscript𝐸𝑟𝑟𝑛11\leq\dim E_{r}(h)\times((r+h)(n-1)+1).

Ceci démontre le lemme. En effet, si le d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T} est comme dans l’énoncé, on obtient que l’espace N(h)𝑁N(h) engendré par ses normales fermées homogènes de degré hh vérifie

dimN(h)dimEr(h)×min(d,(r+h)(n1)+1),dimension𝑁dimensionsubscript𝐸𝑟𝑑𝑟𝑛11\dim N(h)\leq\dim E_{r}(h)\times\min(d,(r+h)(n-1)+1),

ce qui équivaut au fait que le premier membre de (4) est aussi plus grand que le second. ∎

Le lemme précédent a l’intérêt de montrer simplement que la borne ρr,n(d)subscript𝜌𝑟𝑛𝑑\rho_{r,n}(d) pour le rang d’un tissu 𝒯𝒯\cal{T} est atteinte et, dans le cas d’un tissu constant, qu’elle est atteinte si et seulement si les inégalités (4) sont des égalités pour tout hh.

Comme conséquence, si q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, un d𝑑d-tissu constant est semi-extrémal si et seulement si ses espaces R(0)𝑅0R(0) et R(1)𝑅1R(1) sont de dimension maximale, soit dr(n1)1𝑑𝑟𝑛11d-r(n-1)-1 et r[d(r+1)(n1)1]𝑟delimited-[]𝑑𝑟1𝑛11r[d-(r+1)(n-1)-1] respectivement, et c’est le cas s’il est de rang maximal.

Le lemme précédent admet la réciproque suivante, déjà remarquée dans Chern-Griffiths [6] et Little [15].

Lemme 2.4.

On suppose dr(n1)+1𝑑𝑟𝑛11d\geq r(n-1)+1 si r3𝑟3r\geq 3, d2n+1𝑑2𝑛1d\geq 2n+1 si r=2𝑟2r=2. Si le système des normales constantes du tissu {(𝓅1),,(𝓅𝒹)}subscript𝓅1subscript𝓅𝒹\{\cal{F}({p}_{1}),\ldots,\cal{F}({p}_{d})\} est de rang minimal r(n1)+1𝑟𝑛11r(n-1)+1, les points pjsubscript𝑝𝑗{p}_{j} sont situés sur une même courbe rationnelle normale de degré n1𝑛1n-1 de n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}.

Démonstration.

Si p=[ξ1::ξn]n1{p}=[\xi_{1}:\cdots:\xi_{n}]\in\mathbb{P}^{n-1},

Ω(p)=a=1r(α=1nξαdma,α)=α1,,αr=1nξα1ξαrdm1,α1dmr,αrΩ𝑝superscriptsubscript𝑎1𝑟superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼𝑑subscript𝑚𝑎𝛼superscriptsubscriptsubscript𝛼1subscript𝛼𝑟1𝑛subscript𝜉subscript𝛼1subscript𝜉subscript𝛼𝑟𝑑subscript𝑚1subscript𝛼1𝑑subscript𝑚𝑟subscript𝛼𝑟\Omega({p})=\bigwedge_{a=1}^{r}\left(\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha}\,dm_{a,\alpha}\right)=\sum_{\alpha_{1},\ldots,\alpha_{r}=1}^{n}\xi_{\alpha_{1}}\ldots\xi_{\alpha_{r}}\,dm_{1,\alpha_{1}}\wedge\cdots\wedge dm_{r,\alpha_{r}}

est une normale constante génératrice de (𝓅)𝓅\cal{F}({p}). Tous les monômes homogènes de degré r𝑟r en (ξ1,,ξn)subscript𝜉1subscript𝜉𝑛(\xi_{1},\ldots,\xi_{n}) sont des composantes de Ω(p)Ω𝑝\Omega(p) dans la base canonique de rVsuperscript𝑟superscript𝑉\wedge^{r}V^{\star}, avec des répétitions, les autres composantes étant nulles. On en déduit que le rang du système des normales des feuilletages (𝓅𝒿)subscript𝓅𝒿\cal{F}(p_{j}) est égal à la dimension de l’espace engendré par les points vr(p1),vr(pd)subscript𝑣𝑟subscript𝑝1subscript𝑣𝑟subscript𝑝𝑑v_{r}({p_{1}}),\ldots v_{r}({p_{d}}), où vrsubscript𝑣𝑟v_{r} est un plongement de Veronese d’ordre r𝑟r de n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}, c’est-à-dire associé au système linéaire |𝒪𝓃1(𝓇)|subscript𝒪superscript𝓃1𝓇|\cal{O}_{\mathbb{P}^{n-1}}(r)|.

C’est un résultat classique de Castelnuovo, voir par exemple Harris [12], que si dr(n1)+1𝑑𝑟𝑛11d\geq r(n-1)+1 (respectivement d2n+1𝑑2𝑛1d\geq 2n+1 si r=2𝑟2r=2), la dimension de l’espace engendré par les points vr(pj)subscript𝑣𝑟subscript𝑝𝑗v_{r}(p_{j}) est de dimension minimale r(n1)+1𝑟𝑛11r(n-1)+1 si et seulement si les points pjsubscript𝑝𝑗p_{j}, supposés être en position générale dans n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}, appartiennent à une même courbe rationnelle normale de degré n1𝑛1n-1. ∎

2.3 La géométrie du système des normales

Nous avons le résultat suivant.

Proposition 2.5.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu constant semi-extrémal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur l’espace V𝑉V avec r2𝑟2r\geq 2. Il existe une base (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} de Vsuperscript𝑉V^{\star} et des points p1,,pdsubscript𝑝1subscript𝑝𝑑{p}_{1},\ldots,{p}_{d}, en position générale dans n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}, tels que les composantes de 𝒯𝒯\cal{T} soient les feuilletages (𝓅𝒿)subscript𝓅𝒿\cal{F}({p}_{j}). De plus les points pjsubscript𝑝𝑗p_{j} sont situés sur une même courbe rationnelle normale de degré n1𝑛1n-1 dans n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}.

Chern et Griffiths cherchent dans [6] à établir un résultat de cette nature. Ils l’obtiennent pour r=2𝑟2r=2, mais en renforçant la condition (PG) si n3𝑛3n\geq 3. Ils n’utilisent que le fait que le système des normales constantes est de rang minimal 2(n1)+12𝑛112(n-1)+1. Little cherche dans [15] à généraliser l’étude de [6] pour r3𝑟3r\geq 3 mais sa démonstration semble reposer sur un cercle vicieux, à la fin de la page 26 ou au début de la page 27.

Démonstration.

La seconde partie de l’énoncé est une conséquence de la première et du Lemme 2.4.

Notons 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} les composantes du tissu 𝒯𝒯\cal{T}, Fjsubscript𝐹𝑗F_{j} la direction et ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} une normale génératrice constante de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}.

À l’opposé des travaux que nous venons de mentionner, c’est à partir de l’espace des relations abéliennes homogènes de degré 111 du tissu que nous allons construire la base adaptée (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A}.

Nous supposons d’abord q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1.

Alors d=(r+1)(n1)+2𝑑𝑟1𝑛12d=(r+1)(n-1)+2 et par hypothèse l’espace R(1)𝑅1R(1) des relations homogènes de degré 111 est de dimension maximale r(d(r+1)(n1)1)𝑟𝑑𝑟1𝑛11r(d-(r+1)(n-1)-1) c’est-à-dire de dimension r𝑟r. Soit

(ua,1Ω1,,ua,dΩd),a=1,,r,formulae-sequencesubscript𝑢𝑎.1subscriptΩ1subscript𝑢𝑎𝑑subscriptΩ𝑑𝑎1𝑟(u_{a,1}\,\Omega_{1},\ldots,u_{a,d}\,\Omega_{d}),\qquad a=1,\ldots,r,

une base de R(1)𝑅1R(1). Nous affirmons que Fj=u1,j,,ur,jsuperscriptsubscript𝐹𝑗perpendicular-tosubscript𝑢1𝑗subscript𝑢𝑟𝑗F_{j}^{\perp}=\langle u_{1,j},\ldots,u_{r,j}\rangle pour tout j𝑗j. Sinon une combinaison linéaire non triviale convenable des relations ci-dessus aurait sa j𝑗j-ième composante nulle. Elle induirait une relation abélienne non triviale du (d1)𝑑1(d-1)-tissu 𝒯\{𝒿}\𝒯subscript𝒿\cal{T}\backslash\{\cal{F}_{j}\}, ce qui est impossible d’après la majoration (4) appliquée à d1𝑑1d-1.

Comme V=j=1nFjsuperscript𝑉superscriptsubscriptdirect-sum𝑗1𝑛superscriptsubscript𝐹𝑗perpendicular-toV^{\star}=\oplus_{j=1}^{n}F_{j}^{\perp}, nous définissons une base de Vsuperscript𝑉V^{\star} en posant

ma,α=ua,α,a=1,,r,α=1,,n.formulae-sequencesubscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑢𝑎𝛼formulae-sequence𝑎1𝑟𝛼1𝑛m_{a,\alpha}=u_{a,\alpha},\qquad a=1,\ldots,r,\;\;\alpha=1,\ldots,n.

Pour ce choix de base et par construction, pour j=1,,n𝑗1𝑛j=1,\ldots,n le feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} est le feuilletage (𝓅𝒿)subscript𝓅𝒿\cal{F}(p_{j}) associé au point pjn1subscript𝑝𝑗superscript𝑛1p_{j}\in\mathbb{P}^{n-1} dont les coordonnées homogènes sont toutes nulles sauf la j𝑗j-ième.

D’autre part, les normales ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} engendrent un espace de dimension r(n1)+1=dn𝑟𝑛11𝑑𝑛r(n-1)+1=d-n et sont en position générale dans cet espace. Nous choisissons Ωn+1,,ΩdsubscriptΩ𝑛1subscriptΩ𝑑\Omega_{n+1},\ldots,\Omega_{d} comme base de cet espace et décomposons

Ωα=j=n+1dξα,jΩj,α=1,,n.formulae-sequencesubscriptΩ𝛼superscriptsubscript𝑗𝑛1𝑑subscript𝜉𝛼𝑗subscriptΩ𝑗𝛼1𝑛\Omega_{\alpha}=\sum_{j=n+1}^{d}\xi_{\alpha,j}\,\Omega_{j},\qquad\alpha=1,\ldots,n.

Les relations j=1dua,jΩj=0superscriptsubscript𝑗1𝑑subscript𝑢𝑎𝑗subscriptΩ𝑗0\sum_{j=1}^{d}u_{a,j}\Omega_{j}=0 s’écrivent alors

j=n+1d(ua,j+α=1nξα,jua,α)Ωj=0.superscriptsubscript𝑗𝑛1𝑑subscript𝑢𝑎𝑗superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼𝑗subscript𝑢𝑎𝛼subscriptΩ𝑗0\sum_{j=n+1}^{d}\left(u_{a,j}+\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha,j}u_{a,\alpha}\right)\Omega_{j}=0.

Si jn+1𝑗𝑛1j\geq n+1, le feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} est donc défini par le système

α=1nξα,jma,α=0,a=1,,r.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼𝑗subscript𝑚𝑎𝛼0𝑎1𝑟\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha,j}m_{a,\alpha}=0,\qquad a=1,\ldots,r.

C’est le feuilletage (𝓅𝒿)subscript𝓅𝒿\cal{F}(p_{j}) associé au point pj=[ξ1,j::ξn,j]p_{j}=[\xi_{1,j}:\cdots:\xi_{n,j}] de n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1} pour la base des ma,αsubscript𝑚𝑎𝛼m_{a,\alpha}. Ceci démontre la proposition dans le cas particulier où q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1.

Nous supposons maintenant q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1.

Pour en déduire le résultat dans le cas général, le plus simple est d’appliquer le Lemme 3.3, dû à Akivis [1], que nous démontrerons au début du Chapitre 3 : un (n+1)𝑛1(n+1)-tissu détermine sur V𝑉V une structure presque grassmannienne constante.

Nous venons de montrer que si q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1, un d𝑑d-tissu semi-extrémal est presque grassmannien, c’est-à-dire que les structures déterminées par ses sous-tissus d’ordre (n+1)𝑛1(n+1) coïncident.

Dans le cas général, comme tous les sous-tissus de 𝒯𝒯\cal{T}, d’ordre dsuperscript𝑑d^{\prime} avec q(d)n1𝑞superscript𝑑𝑛1q(d^{\prime})\geq n-1, sont aussi semi-extrémaux d’après le Lemme 2.2, il suffit d’appliquer le cas particulier déjà résolu à tous les sous-tissus d’ordre (r+1)(n1)+2𝑟1𝑛12(r+1)(n-1)+2 qui contiennent 1,,𝓃+1subscript1subscript𝓃1\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{n+1} pour obtenir encore le résultat. ∎

3 Tissus semi-extrémaux et la méthode canonique

Nous revenons au cas général. Nous rappelons d’abord la notion de structure presque grassmannienne, nous dirons aussi Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure, et sa relation avec la théorie abélienne des tissus, suivant Akivis [1].

Étant donné un tissu 𝒯𝒯\cal{T} sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), nous définissons son tissu tangent 𝒯𝓍subscript𝒯𝓍\cal{T}_{x} en un point x𝑥x. C’est un tissu constant sur l’espace tangent TxMsubscript𝑇𝑥𝑀T_{x}M, dont le rang est au moins égal à celui de 𝒯𝒯\cal{T}. Ce fait nous permet d’appliquer les résultats obtenus pour les tissus constants dans le chapitre précédent, d’abord bien sûr d’obtenir la borne de Chern-Griffiths dans le cas général.

La principale application concerne les tissus semi-extrémaux. Il résulte de la Proposition 2.5 qu’un tel tissu détermine une structure presque grasmannienne sur le germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) où il est défini, et même un peu plus. Ces propriétés sont suffisantes pour mettre en œuvre la méthode canonique de façon efficace. Elles sont d’ailleurs inutiles dans le cas particulier où q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1, dont nous rappelons la démonstration historique.

La fin du chapitre est plus technique. Il s’agira de calculer le rang d’une application qui paramètre le germe de variété décrit par les courbes σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) dont il est question dans la Définition 1.13 de la variété de Blaschke. Le résultat clé, que cette application est de rang r+1𝑟1r+1, nous permettra dans le prochain chapitre de montrer que la variété de Blaschke XT𝑋𝑇X{T} du tissu est elle-même de dimension r+1𝑟1r+1.

3.1 Structures et tissus presque grassmanniens

Nous notons à nouveau A={1,,r}×{1,,n}𝐴1𝑟1𝑛A=\{1,\ldots,r\}\times\{1,\ldots,n\} et nous indexons les éléments d’une base de rnsuperscript𝑟𝑛\mathbb{C}^{rn} par les paires (a,α)A𝑎𝛼𝐴(a,\alpha)\in A. Les entrées d’une matrice gGL(rn)𝑔GLsuperscript𝑟𝑛g\in{\rm GL}(\mathbb{C}^{rn}) s’écrivent alors gaα,bβsubscript𝑔𝑎𝛼𝑏𝛽\,g_{a\alpha,b\beta}\, avec (a,α),(b,β)A𝑎𝛼𝑏𝛽𝐴(a,\alpha),(b,\beta)\in A.

Soit Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n} le sous-groupe des matrices gGL(rn)𝑔GLsuperscript𝑟𝑛g\in{\rm GL}(\mathbb{C}^{rn}) de la forme

gaα,bβ=CabAαβ,(a,α),(b,β)A.formulae-sequencesubscript𝑔𝑎𝛼𝑏𝛽subscript𝐶𝑎𝑏subscript𝐴𝛼𝛽𝑎𝛼𝑏𝛽𝐴g_{a\alpha,b\beta}=C_{ab}\,A_{\alpha\beta},\;\;\;(a,\alpha),\,(b,\beta)\in A.

Une structure presque grassmannienne de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) ou Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure sur le germe lisse (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) de dimension rn𝑟𝑛rn est une GG{\rm G}-structure sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) pour le groupe G=Gr,nGsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}={\rm G}_{r,n}.

Parmi les différentes façons de se donner une telle structure, la plus commode ici est de la définir par une famille maximale de bases du module des 111-formes sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) telle que les formules de passage d’une base (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} de la famille à une autre (na,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑛𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(n_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} sont de la forme

na,α=b=1rβ=1nCabAαβmb,β,subscript𝑛𝑎𝛼superscriptsubscript𝑏1𝑟superscriptsubscript𝛽1𝑛subscript𝐶𝑎𝑏subscript𝐴𝛼𝛽subscript𝑚𝑏𝛽n_{a,\alpha}=\sum_{b=1}^{r}\sum_{\beta=1}^{n}C_{ab}A_{\alpha\beta}\,m_{b,\beta}, (7)

où les coefficients Cabsubscript𝐶𝑎𝑏C_{ab} et Aαβsubscript𝐴𝛼𝛽A_{\alpha\beta} sont des fonctions sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Nous dirons qu’une base qui appartient à la famille définit la structure.

Nous utiliserons les notions géométriques suivantes qu’une Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure permet de définir.

Définition 3.1.

Soit (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) un germe lisse muni de la Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure définie par une base (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A}. Une sous-variété distinguée de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) est une sous-variété N𝑁N de codimension r𝑟r, dont l’espace tangent TxNsubscript𝑇𝑥𝑁T_{x}N en un point est donné par des équations de la forme

α=1nξα(x)ma,α(x)=0,a=1,,r.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜉𝛼𝑥subscript𝑚𝑎𝛼𝑥0𝑎1𝑟\sum_{\alpha=1}^{n}\xi_{\alpha}(x)m_{a,\alpha}(x)=0,\qquad a=1,\ldots,r. (8)
Définition 3.2.

Un feuilletage sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) est presque grassmannien si ses feuilles sont des sous-variétés distinguées de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Un tissu est presque grassmannien si les feuilletages qui le composent le sont.

Il est très facile de vérifier que ces notions ne dépendent que de la structure et pas de la base définissante choisie. D’autre part, la structure est déterminée par ses sous-variétés distinguées. L’énoncé plus précis suivant est dû à Akivis [1]. Nous l’avons utilisé à la fin du chapitre précédent.

Lemme 3.3.

Soit {1,,𝓃+1}subscript1subscript𝓃1\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{n+1}\} un (n+1)𝑛1(n+1)-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Il existe une et une seule Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) pour laquelle ce tissu est presque grassmannien.

Démonstration.

Chaque feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} est défini par un système

ωa,j=0,a=1,,r.formulae-sequencesubscript𝜔𝑎𝑗0𝑎1𝑟\omega_{a,j}=0,\qquad a=1,\ldots,r.

Compte tenu de la condition (PG), les ωa,αsubscript𝜔𝑎𝛼\omega_{a,\alpha} avec αn+1𝛼𝑛1\alpha\neq n+1 forment une base du module des 111-formes sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Pour chaque a𝑎a, on décompose ωa,n+1subscript𝜔𝑎𝑛1\omega_{a,n+1} dans cette base

ωa,n+1=α=1nma,α,ma,α=b=1rCabαωb,α.formulae-sequencesubscript𝜔𝑎𝑛1superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑚𝑎𝛼superscriptsubscript𝑏1𝑟subscript𝐶𝑎𝑏𝛼subscript𝜔𝑏𝛼\omega_{a,n+1}=\sum_{\alpha=1}^{n}m_{a,\alpha},\qquad m_{a,\alpha}=\sum_{b=1}^{r}C_{ab\alpha}\omega_{b,\alpha}.

La condition (PG) implique que les ma,αsubscript𝑚𝑎𝛼m_{a,\alpha} forment une base. Par construction, les feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont définis respectivement par les systèmes

m1,j==mr,j=0(j=1,,n),α=1nm1,α==α=1nmr,α=0.formulae-sequencesubscript𝑚1𝑗subscript𝑚𝑟𝑗0𝑗1𝑛superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑚1𝛼superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑚𝑟𝛼0m_{1,j}=\cdots=m_{r,j}=0\;\;(j=1,\ldots,n),\;\;\;\sum_{\alpha=1}^{n}m_{1,\alpha}=\cdots=\sum_{\alpha=1}^{n}m_{r,\alpha}=0.

En particulier ils sont presque grassmanniens pour la Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure définie par la base (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A}.

Supposons qu’ils sont aussi presque grassmanniens pour la structure définie par une autre base (na,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑛𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(n_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A}. Par définition, chaque feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} est défini dans la nouvelle base par un système analogue à (8) dont les coefficients forment un système de coordonnées homogènes de pj(x)subscript𝑝𝑗𝑥p_{j}(x) pour une certaine fonction pj:(M,x0)n1:subscript𝑝𝑗𝑀subscript𝑥0superscript𝑛1p_{j}:(M,x_{0})\rightarrow\mathbb{P}^{n-1}. Un changement de base

na,α=β=1nAαβna,β,subscriptsuperscript𝑛𝑎𝛼superscriptsubscript𝛽1𝑛subscript𝐴𝛼𝛽subscript𝑛𝑎𝛽n^{\prime}_{a,\alpha}=\sum_{\beta=1}^{n}A_{\alpha\beta}n_{a,\beta},

ne modifie pas la structure et permet de supposer que pn+1=[1::1]p_{n+1}=[1:\cdots:1] et que, si jn𝑗𝑛j\leq n, les coordonnées homogènes des pjsubscript𝑝𝑗p_{j} sont nulles sauf la j𝑗j-ième, autrement dit que les 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont définis par les systèmes

n1,j==nr,j=0(j=1,,n),α=1nn1,α==α=1nnr,α=0.formulae-sequencesubscript𝑛1𝑗subscript𝑛𝑟𝑗0𝑗1𝑛superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑛1𝛼superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑛𝑟𝛼0n_{1,j}=\cdots=n_{r,j}=0\;\;(j=1,\ldots,n),\;\;\;\sum_{\alpha=1}^{n}n_{1,\alpha}=\cdots=\sum_{\alpha=1}^{n}n_{r,\alpha}=0.

Des deux présentations obtenues de la même famille de feuilletages, on déduit que na,j=b=1nCabjmb,jsubscript𝑛𝑎𝑗superscriptsubscript𝑏1𝑛subscript𝐶𝑎𝑏𝑗subscript𝑚𝑏𝑗n_{a,j}=\sum_{b=1}^{n}C_{abj}m_{b,j}\, pour j=1,,n𝑗1𝑛j=1,\ldots,n et que

b=1rj=1nCabjmb,j=b=1rj=1nDabmb,j.superscriptsubscript𝑏1𝑟superscriptsubscript𝑗1𝑛subscript𝐶𝑎𝑏𝑗subscript𝑚𝑏𝑗superscriptsubscript𝑏1𝑟superscriptsubscript𝑗1𝑛subscript𝐷𝑎𝑏subscript𝑚𝑏𝑗\sum_{b=1}^{r}\sum_{j=1}^{n}C_{abj}m_{b,j}=\sum_{b=1}^{r}\sum_{j=1}^{n}D_{ab}m_{b,j}.

Donc Cabj=Dabsubscript𝐶𝑎𝑏𝑗subscript𝐷𝑎𝑏C_{abj}=D_{ab} pour tout j𝑗j et les deux bases de 111-formes définissent la même structure presque grassmannienne. ∎

Deux Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structures, définies sur des germes (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) et (M,x0)superscript𝑀subscriptsuperscript𝑥0(M^{\prime},x^{\prime}_{0}), sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) sur (M,x0)superscript𝑀subscriptsuperscript𝑥0(M^{\prime},x^{\prime}_{0}) qui les échange.

Suivant la terminologie habituelle de la théorie des GG\rm G-structures, une Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure est intégrable si elle est (localement) définissable par une base de 111-formes exactes. Sans le dire, nous avons montré au début de la Section 1.2 que la grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n} admet une Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure intégrable. On vérifie facilement que deux Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structures intégrables sont isomorphes.

Il est remarquable que si r2𝑟2r\geq 2, ce n’est pas le cas si r=1𝑟1r=1, la propriété pour un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) d’être isomorphe à un tissu grassmannien est caractérisée par une propriété géométrique simple. Comme le remarque Akivis [1], si dn+1𝑑𝑛1d\geq n+1 il suffit pour montrer que c’est le cas, de montrer d’une part que le tissu est presque grassmannien, c’est-à-dire que tous les (n+1)𝑛1(n+1)-tissus qu’on peut en extraire définissent la même structure presque grassmannienne, ensuite que cette structure est intégrable.

Nous n’aurons pas directement besoin dans cet article des critères d’intégrabilité donnés en particulier dans Akivis [1] et Goldberg [10], mais ils interviennent dans [19] dont nous utiliserons les résultats dans les démonstrations du Chapitre 4.

3.2 Tissu tangent et applications

Soit 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe lisse (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Pour chaque j𝑗j, soit ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} une normale génératrice de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}.

La valeur Ωj(x0)rTx0MsubscriptΩ𝑗subscript𝑥0superscript𝑟subscriptsuperscript𝑇subscript𝑥0𝑀\Omega_{j}(x_{0})\in\wedge^{r}T^{\star}_{x_{0}}M est une normale génératrice d’un feuilletage constant 𝒿,𝓍0subscript𝒿subscript𝓍0\cal{F}_{j,x_{0}} de Tx0Msubscript𝑇subscript𝑥0𝑀T_{x_{0}}M, évidemment indépendant du choix de ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j}.

Définition 3.4.

Le d𝑑d-tissu constant 𝒯𝓍0={1,𝓍0,,𝒹,𝓍0}subscript𝒯subscript𝓍0subscript1subscript𝓍0subscript𝒹subscript𝓍0\cal{T}_{x_{0}}=\{\cal{F}_{1,x_{0}},\ldots,\cal{F}_{d,x_{0}}\} sur Tx0Msubscript𝑇subscript𝑥0𝑀T_{x_{0}}M est le tissu tangent de 𝒯𝒯\cal{T} en x0subscript𝑥0x_{0}.

Soit z𝑧z une fonction ou une forme sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}). Sa valuation en x0subscript𝑥0x_{0} est son ordre fini ou infini d’annulation au point x0subscript𝑥0x_{0}. Si la valuation de z𝑧z est supérieure ou égale à un entier donné h00h\geq 0, on lui associe sa partie principale d’ordre hh, un polynôme [z]hsubscriptdelimited-[]𝑧[z]_{h} homogène de degré hh sur Tx0Msubscript𝑇subscript𝑥0𝑀T_{x_{0}}M.

Si l’on se donne un système de coordonnées de M𝑀M en x0subscript𝑥0x_{0}, [z]hsubscriptdelimited-[]𝑧[z]_{h} est simplement la partie homogène de degré hh de la série de Taylor de z𝑧z en x0subscript𝑥0x_{0}. Il est bien connu que, interprétée comme un polynôme sur Tx0Msubscript𝑇subscript𝑥0𝑀T_{x_{0}}M, elle ne dépend pas du système de coordonnées choisi.


Soit R𝑅R l’espace des relations abéliennes du tissu 𝒯𝒯\cal{T} en x0subscript𝑥0x_{0} et si hh\in\mathbb{N}, Rhsubscript𝑅R_{h} le sous-espace de R𝑅R de ses relations de valuation habsent\geq h.

Si des zjΩjsubscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗z_{j}\,\Omega_{j} sont les composantes d’un élément de Rhsubscript𝑅R_{h}, comme

[zjΩj]h=[zj]hΩj(x0),[d(zjΩj)]h1=d[zj]hΩj(x0),formulae-sequencesubscriptdelimited-[]subscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗subscriptdelimited-[]subscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗subscript𝑥0subscriptdelimited-[]𝑑subscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗1𝑑subscriptdelimited-[]subscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗subscript𝑥0[z_{j}\,\Omega_{j}]_{h}=[z_{j}]_{h}\Omega_{j}(x_{0}),\;\;\;[d(z_{j}\,\Omega_{j})]_{h-1}=d[z_{j}]_{h}\wedge\Omega_{j}(x_{0}),

le d𝑑d-uplet des [zj]hΩj(x0)subscriptdelimited-[]subscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗subscript𝑥0[z_{j}]_{h}\,\Omega_{j}(x_{0}) est une relation abélienne, homogène de degré hh du tissu tangent 𝒯𝓍0subscript𝒯subscript𝓍0\cal{T}_{x_{0}}. Nous avons donc un morphisme linéaire

Rh/Rh+1Rx0(h),subscript𝑅subscript𝑅1subscript𝑅subscript𝑥0R_{h}/R_{h+1}\rightarrow R_{x_{0}}(h), (9)

évidemment injectif, à valeurs dans l’espace Rx0(h)subscript𝑅subscript𝑥0R_{x_{0}}(h) des relations abéliennes homogènes de degré hh du tissu tangent 𝒯𝓍0subscript𝒯subscript𝓍0\cal{T}_{x_{0}}. Compte tenu de la Proposition 2.1 nous obtenons la borne de Chern-Griffiths sous la forme précisée

dimRh/Rh+1dimEr(h)×max(d(r+h)(n1)1,0).dimensionsubscript𝑅subscript𝑅1dimensionsubscript𝐸𝑟𝑑𝑟𝑛11.0\dim R_{h}/R_{h+1}\leq\dim E_{r}(h)\times\max\,(d-(r+h)(n-1)-1,0). (10)

Nous supposons maintenant que le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est semi-extrémal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec r2𝑟2r\geq 2.

Les applications canoniques R0/R1Rx0(0)subscript𝑅0subscript𝑅1subscript𝑅subscript𝑥00R_{0}/R_{1}\rightarrow R_{x_{0}}(0) et R1/R2Rx0(1)subscript𝑅1subscript𝑅2subscript𝑅subscript𝑥01R_{1}/R_{2}\rightarrow R_{x_{0}}(1) sont alors nécessairement des isomorphismes, en particulier le tissu tangent 𝒯𝓍0subscript𝒯subscript𝓍0\cal{T}_{x_{0}} est semi-extrémal. Comme la propriété d’être semi-extrémal est ouverte, le tissu tangent 𝒯𝓍subscript𝒯𝓍\cal{T}_{x} en tout point x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}) est semi-extrémal.

Nous pouvons donc appliquer la Proposition 2.5. La notion de structure presque grassmannienne permet d’énoncer le résultat dans un cadre géométrique naturel.

Théorème 3.5.

Un d𝑑d-tissu semi-extrémal 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} de type (r,n)𝑟𝑛(r,n), r2𝑟2r\geq 2, sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), y détermine une Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure pour laquelle il est presque grassmannien. De plus, si la base (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} définit la structure, il existe une base (pα(t))α=1nsuperscriptsubscriptsubscript𝑝𝛼𝑡𝛼1𝑛(p_{\alpha}(t))_{\alpha=1}^{n} du module des polynômes de degré n1absent𝑛1\leq n-1 et à coefficients analytiques sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), et des fonctions θj:(M,x0)1:subscript𝜃𝑗𝑀subscript𝑥0superscript1\theta_{j}:(M,x_{0})\rightarrow\mathbb{P}^{1} telles que 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} est défini par le système

α=1npα(θj)ma,α=0,a=1,,r.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝑝𝛼subscript𝜃𝑗subscript𝑚𝑎𝛼0𝑎1𝑟\sum_{\alpha=1}^{n}p_{\alpha}(\theta_{j})\,m_{a,\alpha}=0,\;\;a=1,\ldots,r.

Il résulte des commentaires de la section précédente que le tissu est isomorphe à un germe de tissu grassmannien si et seulement si l’on peut choisir les formes ma,αsubscript𝑚𝑎𝛼m_{a,\alpha} fermées.

Un changement de base na,α=β=1nCαβma,βsubscript𝑛𝑎𝛼superscriptsubscript𝛽1𝑛subscript𝐶𝛼𝛽subscript𝑚𝑎𝛽n_{a,\alpha}=\sum_{\beta=1}^{n}C_{\alpha\beta}m_{a,\beta} permet de supposer pα(t)=tα1subscript𝑝𝛼𝑡superscript𝑡𝛼1p_{\alpha}(t)=t^{\alpha-1}, indépendant de x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}). On se ramène aussi à ce que les θjsubscript𝜃𝑗\theta_{j} soient à valeurs dans \mathbb{C}. On obtient ainsi la forme normale suivante

α=1nθjα1ma,α=0,a=1,,r,formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛superscriptsubscript𝜃𝑗𝛼1subscript𝑚𝑎𝛼0𝑎1𝑟\sum_{\alpha=1}^{n}\theta_{j}^{\alpha-1}\,m_{a,\alpha}=0,\;\;\;\;a=1,\ldots,r, (11)

des équations des 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. C’est cette forme que nous utiliserons dans les calculs qui vont suivre. Les points [1:θj(x)::θj(x)n1]delimited-[]:1subscript𝜃𝑗𝑥::subscript𝜃𝑗superscript𝑥𝑛1[1:\theta_{j}(x):\cdots:\theta_{j}(x)^{n-1}] appartiennent à une courbe rationnelle normale de degré n1𝑛1n-1 de n1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n-1}. C’est une propriété des normales du tissu qui, sauf si n=2𝑛2n=2, n’est pas impliquée par le fait qu’il est presque grassmannien. Enfin, même si la structure est intégrable, on ne peut pas toujours choisir une base de formes fermées pour laquelle les équations du tissu s’écrivent sous la forme normale

3.3 Une démonstration historique

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec q(d)=n1𝑞𝑑𝑛1q(d)=n-1. Compte tenu de (10) il n’a pas de relation abélienne non triviale de valuation 2absent2\geq 2. Il revient au même de dire qu’il est de rang maximal ou qu’il est semi-extrémal, ce que nous supposons.

C’est un cas qui n’est pas exclu dans la suite de cet article, mais il serait dommage de ne pas rappeler ici la démonstration classique du fait qu’il est isomorphe à un germe de tissu algébrique grassmannien. Nous renvoyons à Chern [8] pour sa relation avec le théorème de Lie sur les surfaces de double translation et ses généralisations (Tschebotarow 1927, Wirtinger 1938).

La puissance de la méthode canonique est spectaculaire dans ce cas. La démonstration de Howe lorsque (r,n)=(1,2)𝑟𝑛1.2(r,n)=(1,2) (voir [3]) se généralise sans encombre, à partir «  seulement   »  des définitions, de la borne de Chern-Griffiths et du théorème d’Abel inverse.

Le d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T} est de rang maximal r+n𝑟𝑛r+n. Nous reprenons les notations de la Section 1.3. Les applications de Poincaré prennent leurs valeurs dans l’espace r+n1superscript𝑟𝑛1\mathbb{P}^{r+n-1}. C’est un exercice de vérifier directement (plus simplement que dans la prochaine section) que si x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}), les d𝑑d points κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x) engendrent un espace projectif κ1(x),,κd(x)subscript𝜅1𝑥subscript𝜅𝑑𝑥\langle\kappa_{1}(x),\ldots,\kappa_{d}(x)\rangle de dimension n1𝑛1n-1 et que l’application

xκ1(x),,κd(x),maps-to𝑥subscript𝜅1𝑥subscript𝜅𝑑𝑥x\mapsto\langle\kappa_{1}(x),\ldots,\kappa_{d}(x)\rangle,

est un isomorphisme de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) sur un germe de la grassmannienne 𝔾r,nsubscript𝔾𝑟𝑛\mathbb{G}_{r,n}. C’est en fait cette application que Poincaré considère dans [21] avec r=1𝑟1r=1 et n=2𝑛2n=2.

On vérifie aussi facilement que, par construction, l’image du tissu 𝒯𝒯\cal{T} par cet isomorphisme est un tissu grassmannien. Cette image est un tissu algébrique compte tenu du théorème d’Abel inverse.

3.4 Mise en oeuvre de la méthode canonique

Nous continuons l’étude d’un d𝑑d-tissu semi-extrémal 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\}, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec r2𝑟2r\geq 2, sur un germe lisse (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}).

Les propriétés déjà obtenues sont résumées par le Théorème 3.5. Nous choisissons la base de 111-formes (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} telle que les feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont présentés sous la forme normale (11). La r𝑟r-forme

Ωj=a=1r(α=1nθjα1ma,α)=ρ=0r(n1)θjρKρ,subscriptΩ𝑗superscriptsubscript𝑎1𝑟superscriptsubscript𝛼1𝑛superscriptsubscript𝜃𝑗𝛼1subscript𝑚𝑎𝛼superscriptsubscript𝜌0𝑟𝑛1superscriptsubscript𝜃𝑗𝜌subscript𝐾𝜌\Omega_{j}=\bigwedge_{a=1}^{r}\left(\sum_{\alpha=1}^{n}\theta_{j}^{\alpha-1}m_{a,\alpha}\right)=\sum_{\rho=0}^{r(n-1)}\theta_{j}^{\rho}\,K_{\rho}, (12)

où le membre de droite est simplement le développement du membre médiant en puissance de θjsubscript𝜃𝑗\theta_{j}, est une normale génératrice du feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Elle n’est pas fermée en général. Les r𝑟r-formes Kρsubscript𝐾𝜌K_{\rho} sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) sont linéairement indépendantes au point x0subscript𝑥0x_{0}, puisque le système des normales en un point est de rang r(n1)+1𝑟𝑛11r(n-1)+1,

Un d𝑑d-uplet de normales zjΩjsubscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗z_{j}\,\Omega_{j}, supposées fermées, est donc une relation abélienne si et seulement si les fonctions zjsubscript𝑧𝑗z_{j} vérifient les équations

j=1dθjρzj=0,ρ=0,,r(n1).formulae-sequencesuperscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜃𝑗𝜌subscript𝑧𝑗0𝜌0𝑟𝑛1\sum_{j=1}^{d}\theta_{j}^{\rho}\,z_{j}=0,\;\;\;\;\rho=0,\ldots,r(n-1). (13)

Le système (13) est un système de Vandermonde sous-déterminé dont la solution générale est facile à écrire à partir de la solution (c1,,cd)subscript𝑐1subscript𝑐𝑑(c_{1},\ldots,c_{d}) du système de Vandermonde-Cramer

j=1dθjρcj=δρd1,ρ=0,,d1.formulae-sequencesuperscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜃𝑗𝜌subscript𝑐𝑗subscript𝛿𝜌𝑑1𝜌0𝑑1\sum_{j=1}^{d}\theta_{j}^{\rho}c_{j}=\delta_{\rho\,d-1},\;\;\;\rho=0,\ldots,d-1. (14)
Lemme 3.6.

La solution (analytique) générale du système (13) sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) est donnée par

zj(x)=cj(x)f(x,θj(x)),j=1,,d,formulae-sequencesubscript𝑧𝑗𝑥subscript𝑐𝑗𝑥𝑓𝑥subscript𝜃𝑗𝑥𝑗1𝑑z_{j}(x)=c_{j}(x)f(x,\theta_{j}(x)),\;\;\;\;j=1,\ldots,d, (15)

f(x,t)𝑓𝑥𝑡f(x,t) est (analytique et) polynomiale en t𝑡t de degré q(d)absent𝑞𝑑\leq q(d).

Rappelons que nous notons q(d)=dr(n1)2𝑞𝑑𝑑𝑟𝑛12q(d)=d-r(n-1)-2. Insistons d’autre part sur le fait que (15) caractérise les systèmes de normales zjΩjsubscript𝑧𝑗subscriptΩ𝑗z_{j}\Omega_{j} non nécessairement fermées, de somme nulle.


Soit N+1𝑁1N+1 le rang du tissu 𝒯𝒯\cal{T}. Suivant la méthode canonique, nous choisissons une base B𝐵B,

(ϕ1(λ),,ϕd(λ)),λ=1,,N+1,formulae-sequencesuperscriptsubscriptitalic-ϕ1𝜆superscriptsubscriptitalic-ϕ𝑑𝜆𝜆1𝑁1(\phi_{1}^{(\lambda)},\ldots,\phi_{d}^{(\lambda)}),\;\;\;\lambda=1,\ldots,N+1,

de l’espace R𝑅R des relations abéliennes du tissu 𝒯𝒯\cal{T} et nous introduisons les applications de Poincaré, une pour chaque feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j},

κj:(M,x0)N,κj(x)=[ϕj(1)(x)::ϕj(N+1)(x)].{\kappa}_{j}:\;(M,x_{0})\rightarrow\mathbb{P}^{N},\qquad{\kappa}_{j}(x)=[\phi_{j}^{(1)}(x):\cdots:\phi_{j}^{(N+1)}(x)]. (16)

Nous verrons bientôt qu’au moins une composante ϕj(λ)(x)superscriptsubscriptitalic-ϕ𝑗𝜆𝑥\phi_{j}^{(\lambda)}(x) est non nulle.

L’écriture (16) est un peu abusive : les coordonnées homogènes de κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥{\kappa}_{j}(x) sont des formes, mais colinéaires. Elle a l’intérêt de montrer que ces applications ne supposent pas un choix des normales génératrices et que, à un automorphisme près de l’espace but Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}, la famille des applications κjsubscript𝜅𝑗{\kappa}_{j} ne dépend pas de la base B𝐵B choisie.

Si l’on écrit ϕj(λ)=ζj(λ)Njsuperscriptsubscriptitalic-ϕ𝑗𝜆superscriptsubscript𝜁𝑗𝜆subscript𝑁𝑗\phi_{j}^{(\lambda)}=\zeta_{j}^{(\lambda)}N_{j} où les Njsubscript𝑁𝑗N_{j} sont des normales génératrices fermées, on obtient dζj(λ)Nj=0𝑑subscriptsuperscript𝜁𝜆𝑗subscript𝑁𝑗0d\zeta^{(\lambda)}_{j}\wedge N_{j}=0. Autrement dit κj=[ζj(1)::ζj(N+1)]\kappa_{j}=[\zeta_{j}^{(1)}:\cdots:\zeta_{j}^{(N+1)}] est constante le long des feuilles de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}.

Remarquons aussi que, lorsque x𝑥x varie dans (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), les points κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x) engendrent Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}. En effet, s’ils restaient contenus dans un hyperplan, on aurait une relation de dépendance linéaire non triviale entre les relations abéliennes (ϕ1(λ),,ϕd(λ))superscriptsubscriptitalic-ϕ1𝜆subscriptsuperscriptitalic-ϕ𝜆𝑑(\phi_{1}^{(\lambda)},\ldots,\phi^{(\lambda)}_{d}), en contradiction avec l’hypothèse qu’elles forment une base.


Nous utilisons les normales (12) et nous écrivons ϕj(λ)=zj(λ)Ωjsuperscriptsubscriptitalic-ϕ𝑗𝜆superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscriptΩ𝑗\phi_{j}^{(\lambda)}=z_{j}^{(\lambda)}\,\Omega_{j}. Le point κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥{\kappa}_{j}(x) s’écrit

κj(x)=[zj(1)(x)::zj(N+1)(x)].\kappa_{j}(x)=[z_{j}^{(1)}(x):\cdots:z_{j}^{(N+1)}(x)].

Les propriétés que nous voulons établir, d’abord au point x0subscript𝑥0x_{0}, ne dépendent pas du choix de la base B𝐵B. Nous allons la choisir de telle sorte que ces propriétés apparaissent comme évidentes.

Nous pouvons supposer (M,x0)=(rn,0)𝑀subscript𝑥0superscript𝑟𝑛.0(M,x_{0})=(\mathbb{C}^{rn},0). Notons ua,αsubscript𝑢𝑎𝛼u_{a,\alpha} les formes linéaires sur rnsuperscript𝑟𝑛\mathbb{C}^{rn} telles que dua,α=ma,α(0)𝑑subscript𝑢𝑎𝛼subscript𝑚𝑎𝛼0du_{a,\alpha}=m_{a,\alpha}(0). Les feuilletages tangents 𝒿,𝓍0subscript𝒿subscript𝓍0\cal{F}_{j,x_{0}} des 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont définis par les systèmes dlj,1==dlj,r=0𝑑subscript𝑙𝑗.1𝑑subscript𝑙𝑗𝑟0dl_{j,1}=\cdots=dl_{j,r}=0, où

lj,a(x)=α=1nθj(x0)α1ua,α(x).subscript𝑙𝑗𝑎𝑥superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜃𝑗superscriptsubscript𝑥0𝛼1subscript𝑢𝑎𝛼𝑥l_{j,a}(x)=\sum_{\alpha=1}^{n}\theta_{j}(x_{0})^{\alpha-1}\,u_{a,\alpha}(x).

Nous choisissons la base B𝐵B de R𝑅R en partant d’un système de q(d)+1𝑞𝑑1q(d)+1 relations de valuation 00 dont les parties principales constituent la base

(c1(x0)θ1(x0)ρΩ1(x0),,cd(x0)θd(x0)ρΩd(x0)),ρ=0,,q(d),formulae-sequencesubscript𝑐1subscript𝑥0subscript𝜃1superscriptsubscript𝑥0𝜌subscriptΩ1subscript𝑥0subscript𝑐𝑑subscript𝑥0subscript𝜃𝑑superscriptsubscript𝑥0𝜌subscriptΩ𝑑subscript𝑥0𝜌0𝑞𝑑(c_{1}(x_{0})\theta_{1}(x_{0})^{\rho}\,\Omega_{1}(x_{0}),\ldots,c_{d}(x_{0})\theta_{d}(x_{0})^{\rho}\,\Omega_{d}(x_{0})),\;\;\;\rho=0,\ldots,q(d),

de l’espace des relations homogènes de degré 00 de 𝒯𝓍0subscript𝒯subscript𝓍0\cal{T}_{x_{0}} et en la complétant par une base B1subscript𝐵1B_{1} de l’espace R1subscript𝑅1R_{1} des relations de valuation 1absent1\geq 1 de 𝒯𝒯\cal{T}.

Les cj(x0)subscript𝑐𝑗subscript𝑥0c_{j}(x_{0}) sont non nuls compte tenu de la forme du système (14) donc

κj(x0)=[1:θj(x0)::θj(x0)q(d):0::0],{\kappa}_{j}(x_{0})=[1:\theta_{j}(x_{0}):\cdots:\theta_{j}(x_{0})^{q(d)}:0:\cdots:0],

avec θj(x0)θk(x0)subscript𝜃𝑗subscript𝑥0subscript𝜃𝑘subscript𝑥0\theta_{j}(x_{0})\neq\theta_{k}(x_{0}) si jk𝑗𝑘j\neq k. Les applications κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} sont bien définies, les points κj(x0)subscript𝜅𝑗subscript𝑥0\kappa_{j}(x_{0}) engendrent un q(d)𝑞𝑑q(d)-plan q(d)(x0)superscript𝑞𝑑subscript𝑥0\,\mathbb{P}^{q(d)}(x_{0}) et sont en position générale dans cet espace. Ils appartiennent à la courbe rationnelle normale σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) de degré q(d)𝑞𝑑q(d) paramétrée par t[1:t::tq(d):0::0]t\mapsto[1:t:\cdots:t^{q(d)}:0:\cdots:0]. C’est la seule courbe de ce type (une telle courbe est déterminée par q(d)+3𝑞𝑑3q(d)+3 de ses points) qui passe par les points κj(x0)subscript𝜅𝑗subscript𝑥0\kappa_{j}(x_{0}).


Nous choisissons la base B1subscript𝐵1B_{1} en complétant un système de r𝑟r relations de valuation 111 dont les parties principales sont les relations abéliennes homogènes de degré 111 suivantes du tissu tangent 𝒯𝓍0subscript𝒯subscript𝓍0\cal{T}_{x_{0}} :

(c1(x0)l1,a(x)Ω1(x0),,cd(x0)ld,a(x)Ωd(x0)),   1ar.subscript𝑐1subscript𝑥0subscript𝑙1𝑎𝑥subscriptΩ1subscript𝑥0subscript𝑐𝑑subscript𝑥0subscript𝑙𝑑𝑎𝑥subscriptΩ𝑑subscript𝑥0.1𝑎𝑟(c_{1}(x_{0})\,l_{1,a}(x)\Omega_{1}(x_{0}),\ldots,c_{d}(x_{0})l_{d,a}(x)\Omega_{d}(x_{0})),\;\;\;1\leq a\leq r.

Ce choix fait, parmi les composantes de valuation 1absent1\geq 1 de κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x) figurent

lj,1(x)+O(|x|2),,lj,r(x)+O(|x|2),subscript𝑙𝑗.1𝑥𝑂superscript𝑥2subscript𝑙𝑗𝑟𝑥𝑂superscript𝑥2l_{j,1}(x)+O(|x|^{2}),\ldots,l_{j,r}(x)+O(|x|^{2}),

dont les différentielles en x0subscript𝑥0x_{0} sont linéairement indépendantes. Il en résulte que κjsubscript𝜅𝑗{\kappa}_{j} est de rang rabsent𝑟\geq r en x0subscript𝑥0x_{0}, donc de rang r𝑟r puisque κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} est constante le long des feuilles de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Son image est un germe (Z,κj(x0))𝑍subscript𝜅𝑗subscript𝑥0(Z,\kappa_{j}(x_{0})) de variété lisse de dimension r𝑟r, transverse au plan q(d)superscript𝑞𝑑\mathbb{P}^{q(d)} et donc à la courbe σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}).

Enfin, comme les composantes homogènes d’un point de q(d)(x0)superscript𝑞𝑑subscript𝑥0\mathbb{P}^{q(d)}(x_{0}), correspondant aux composantes précédentes de κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x), sont nulles, les formes dlj,a(x0)𝑑subscript𝑙𝑗𝑎subscript𝑥0dl_{j,a}(x_{0}) s’annulent sur le noyau de la différentielle de l’application xq(d)(x0)maps-to𝑥superscript𝑞𝑑subscript𝑥0x\mapsto\mathbb{P}^{q(d)}(x_{0}) pour tout j𝑗j et tout a𝑎a. Comme les feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} vérifie la condition (PG), ce noyau est nul.

Ainsi xq(d)(x)maps-to𝑥superscript𝑞𝑑𝑥x\mapsto\mathbb{P}^{q(d)}(x) est une immersion et comme q(d)(x)superscript𝑞𝑑𝑥\mathbb{P}^{q(d)}(x) est l’espace engendré par la courbe σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), l’application xσ(x)maps-to𝑥𝜎𝑥x\mapsto\sigma(x) en est une aussi.

Les propriétés précédentes sont vérifiées en tout point : il suffit d’appliquer la même réduction à la restriction près de x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}) de l’espace des relations abéliennes du tissu 𝒯𝒯\cal{T} 333En fait le rang de 𝒯𝒯\cal{T} en un point est constant mais c’est sans importance ici.. Nous avons donc :

Lemme 3.7.

Chaque application de Poincaré κj:(M,x0)N:subscript𝜅𝑗𝑀subscript𝑥0superscript𝑁{\kappa}_{j}:(M,x_{0})\rightarrow\mathbb{P}^{N} est de rang r𝑟r, constante le long des feuilles de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. La réunion des germes d’image des κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} engendre Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}.

Pour tout x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}), les d𝑑d points κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥{\kappa}_{j}(x) sont des points deux-à-deux distincts d’une courbe rationnelle normale σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) de degré q(d)𝑞𝑑q(d), transverse aux images des germes κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j}. L’application xσ(x)maps-to𝑥𝜎𝑥x\mapsto\sigma(x) est une immersion.

3.5 Conditions d’intégrabilité

Cette section est une section de calculs. Il s’agit, étant donné un seul feuilletage défini par un système complètement intégrable de la forme (11) avec une fonction θ𝜃\theta donnée, d’établir certaines formules en gardant trace de leur dépendance en θ𝜃\theta. Elles seront utiles dans la prochaine section.

Soit (Xa,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑋𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(X_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A} la base de champs de vecteurs duale de la base de 111-formes (ma,α)(a,α)Asubscriptsubscript𝑚𝑎𝛼𝑎𝛼𝐴(m_{a,\alpha})_{(a,\alpha)\in A}. Pour t𝑡t\in\mathbb{C}, nous posons

la(t)=α=1ntα1ma,α,a=1,,r,Ω(t)=a=1rla(t).formulae-sequencesubscript𝑙𝑎𝑡superscriptsubscript𝛼1𝑛superscript𝑡𝛼1subscript𝑚𝑎𝛼formulae-sequence𝑎1𝑟Ω𝑡superscriptsubscript𝑎1𝑟subscript𝑙𝑎𝑡l_{a}(t)=\sum_{\alpha=1}^{n}t^{\alpha-1}m_{a,\alpha},\;\;a=1,\ldots,r,\qquad\Omega(t)=\bigwedge_{a=1}^{r}l_{a}(t).

Pour t𝑡t fixé, les formes la(t)subscript𝑙𝑎𝑡l_{a}(t) et les formes ma,αsubscript𝑚𝑎𝛼m_{a,\alpha} avec α1𝛼1\alpha\neq 1 constituent une base de 111-formes sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) dont la base duale est constituée des champs de vecteurs Xa,1subscript𝑋𝑎.1X_{a,1} (indépendants de t𝑡t) et

Ya,α(t)=Xa,αtα1Xa,1,a=1,,r,α=2,,n.formulae-sequencesubscript𝑌𝑎𝛼𝑡subscript𝑋𝑎𝛼superscript𝑡𝛼1subscript𝑋𝑎.1formulae-sequence𝑎1𝑟𝛼2𝑛Y_{a,\alpha}(t)=X_{a,\alpha}-t^{\alpha-1}X_{a,1},\;\;a=1,\ldots,r,\;\;\alpha=2,\ldots,n.

Dans la suite comme ci-dessus, nous ne notons pas la variable x𝑥x. En particulier, si θ𝜃\theta est une fonction sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), nous notons la(θ)subscript𝑙𝑎𝜃l_{a}(\theta) pour la 111-forme xla(x,θ(x))maps-to𝑥subscript𝑙𝑎𝑥𝜃𝑥x\mapsto l_{a}(x,\theta(x)) et Ya,α(θ)subscript𝑌𝑎𝛼𝜃Y_{a,\alpha}(\theta) pour le champ xYa,α(x,θ(x))maps-to𝑥subscript𝑌𝑎𝛼𝑥𝜃𝑥x\mapsto Y_{a,\alpha}(x,\theta(x)).

Lemme 3.8.

Il existe, pour tout (a,α)A𝑎𝛼𝐴(a,\alpha)\in A avec α1𝛼1\alpha\neq 1, des polynômes Aa,α(t)subscript𝐴𝑎𝛼𝑡A_{a,\alpha}(t) de degrés 2n1absent2𝑛1\leq 2n-1 et Ba,α(t)subscript𝐵𝑎𝛼𝑡B_{a,\alpha}(t) de degrés 2n2absent2𝑛2\leq 2n-2, à coefficients analytiques sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), tels qu’on ait les propriétés suivantes.

Pour toute fonction θ:(M,x0):𝜃𝑀subscript𝑥0\theta:(M,x_{0})\rightarrow\mathbb{C} définissant un système différentiel la(θ)=0subscript𝑙𝑎𝜃0l_{a}(\theta)=0, a=1,,r𝑎1𝑟\,a=1,\ldots,r, complètement intégrable, et pour toute solution z𝑧z sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) de l’équation d(zΩ(θ))=0𝑑𝑧Ω𝜃0d(z\Omega(\theta))=0, on a pour (a,α)A𝑎𝛼𝐴(a,\alpha)\in A avec α1𝛼1\alpha\neq 1 :

Ya,α(θ)θ=Aa,α(θ),subscript𝑌𝑎𝛼𝜃𝜃subscript𝐴𝑎𝛼𝜃Y_{a,\alpha}(\theta)\cdot\theta=A_{a,\alpha}(\theta), (17)
Ya,α(θ)z=zXa,1θα1+zBa,α(θ).subscript𝑌𝑎𝛼𝜃𝑧𝑧subscript𝑋𝑎.1superscript𝜃𝛼1𝑧subscript𝐵𝑎𝛼𝜃Y_{a,\alpha}(\theta)\cdot z=zX_{a,1}\cdot\theta^{\alpha-1}+zB_{a,\alpha}(\theta). (18)
Démonstration.

Il est commode de noter [k]I(t)subscriptdelimited-[]𝑘𝐼𝑡[k]_{I}(t), où k𝑘k\in\mathbb{N} et où I𝐼I est un indice qui dépend du contexte, une forme ou une fonction sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), polynomiale de degré kabsent𝑘\leq k en t𝑡t\in\mathbb{C}. Par exemple on peut écrire dma,α=[0]a,α(t)𝑑subscript𝑚𝑎𝛼subscriptdelimited-[]0𝑎𝛼𝑡dm_{a,\alpha}=[0]_{a,\alpha}(t) et, de la définition la(θ)=α=1nθα1ma,αsubscript𝑙𝑎𝜃superscriptsubscript𝛼1𝑛superscript𝜃𝛼1subscript𝑚𝑎𝛼l_{a}(\theta)=\sum_{\alpha=1}^{n}\theta^{\alpha-1}m_{a,\alpha}, on déduit

dla(θ)=β=1ndθβ1ma,β+[n1]a,α(θ).𝑑subscript𝑙𝑎𝜃superscriptsubscript𝛽1𝑛𝑑superscript𝜃𝛽1subscript𝑚𝑎𝛽subscriptdelimited-[]𝑛1𝑎𝛼𝜃dl_{a}(\theta)=\sum_{\beta=1}^{n}d\theta^{\beta-1}\wedge m_{a,\beta}+[n-1]_{a,\alpha}(\theta).

D’autre part, le système étant supposé complètement intégrable, il existe des 111-formes Γa,bθsuperscriptsubscriptΓ𝑎𝑏𝜃\Gamma_{a,b}^{\theta}, qui dépendent de θ𝜃\theta d’une façon inconnue, telles que

dla(θ)=b=1rΓa,bθlb(θ)=b=1rβ=1nθβ1Γa,bθmb,β.𝑑subscript𝑙𝑎𝜃superscriptsubscript𝑏1𝑟superscriptsubscriptΓ𝑎𝑏𝜃subscript𝑙𝑏𝜃superscriptsubscript𝑏1𝑟superscriptsubscript𝛽1𝑛superscript𝜃𝛽1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑏𝜃subscript𝑚𝑏𝛽dl_{a}(\theta)=\sum_{b=1}^{r}\Gamma_{a,b}^{\theta}\wedge l_{b}(\theta)=\sum_{b=1}^{r}\sum_{\beta=1}^{n}\theta^{\beta-1}\Gamma_{a,b}^{\theta}\wedge m_{b,\beta}.

La forme dla(θ)𝑑subscript𝑙𝑎𝜃dl_{a}(\theta) a aussi une décomposition canonique de la forme Cb,β,c,γmb,βmc,γsubscript𝐶𝑏𝛽𝑐𝛾subscript𝑚𝑏𝛽subscript𝑚𝑐𝛾\sum C_{b,\beta,c,\gamma}m_{b,\beta}\wedge m_{c,\gamma} avec Cb,β,c,γ+Cc,γ,b,β=0subscript𝐶𝑏𝛽𝑐𝛾subscript𝐶𝑐𝛾𝑏𝛽0C_{b,\beta,c,\gamma}+C_{c,\gamma,b,\beta}=0. Nous chassons le coefficient de ma,αmb,βsubscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑚𝑏𝛽m_{a,\alpha}\wedge m_{b,\beta} dans les deux expressions ci-dessus de dla(θ)𝑑subscript𝑙𝑎𝜃dl_{a}(\theta).


1) En identifiant les coefficients de ma,αmb,βsubscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑚𝑏𝛽m_{a,\alpha}\wedge m_{b,\beta} avec ab𝑎𝑏a\neq b, on obtient :

dθα1,Xb,β+[n1]a,b,β(θ)=θα1Γa,aθ,Xb,βθβ1Γa,bθ,Xa,α,𝑑superscript𝜃𝛼1subscript𝑋𝑏𝛽subscriptdelimited-[]𝑛1𝑎𝑏𝛽𝜃superscript𝜃𝛼1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑋𝑏𝛽superscript𝜃𝛽1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑏𝜃subscript𝑋𝑎𝛼\langle d\theta^{\alpha-1},X_{b,\beta}\rangle+[n-1]_{a,b,\beta}(\theta)=\theta^{\alpha-1}\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},X_{b,\beta}\rangle-\theta^{\beta-1}\langle\Gamma_{a,b}^{\theta},X_{a,\alpha}\rangle,

soit si β=1𝛽1\beta=1 :

dθα1,Xb,1+[n1]a,b,1(θ)=θα1Γa,aθ,Xb,1Γa,bθ,Xa,α.𝑑superscript𝜃𝛼1subscript𝑋𝑏.1subscriptdelimited-[]𝑛1𝑎𝑏.1𝜃superscript𝜃𝛼1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑋𝑏.1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑏𝜃subscript𝑋𝑎𝛼\langle d\theta^{\alpha-1},X_{b,1}\rangle+[n-1]_{a,b,1}(\theta)=\theta^{\alpha-1}\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},X_{b,1}\rangle-\langle\Gamma_{a,b}^{\theta},X_{a,\alpha}\rangle.

Éliminons Γa,bθsuperscriptsubscriptΓ𝑎𝑏𝜃\Gamma_{a,b}^{\theta} entre les deux équations précédentes :

dθα1,Yb,β(θ)+[2n2]a,b,β=θα1Γa,aθ,Yb,β(θ).𝑑superscript𝜃𝛼1subscript𝑌𝑏𝛽𝜃subscriptdelimited-[]2𝑛2𝑎𝑏𝛽superscript𝜃𝛼1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃\langle d\theta^{\alpha-1},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle+[2n-2]_{a,b,\beta}=\theta^{\alpha-1}\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle.

En choisissant α=1𝛼1\alpha=1 puis α=2𝛼2\alpha=2, nous obtenons pour ab𝑎𝑏a\neq b :

Γa,aθ,Yb,β(θ)=[2n2]a,b,β(θ),superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃subscriptdelimited-[]2𝑛2𝑎𝑏𝛽𝜃\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle=[2n-2]_{a,b,\beta}(\theta),
dθ,Yb,β(θ)=θΓa,aθ,Yb,β(θ)+[2n2]a,b,β(θ).𝑑𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃𝜃superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃subscriptdelimited-[]2𝑛2𝑎𝑏𝛽𝜃\langle d\theta,Y_{b,\beta}(\theta)\rangle=\theta\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle+[2n-2]_{a,b,\beta}(\theta).

Parce que r2𝑟2r\geq 2, nous pouvons effectivement choisir ab𝑎𝑏a\neq b si b𝑏b est donné. La seconde relation, compte tenu de la première, donne alors dθ,Yb,β(θ)=[2n1]b,β(θ)𝑑𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃subscriptdelimited-[]2𝑛1𝑏𝛽𝜃\langle d\theta,Y_{b,\beta}(\theta)\rangle=[2n-1]_{b,\beta}(\theta). C’est la formule (17).

D’autre part, la première relation, valable si ab𝑎𝑏a\neq b, donne :

a=1rΓa,aθ,Yb,β(θ)=Γb,bθ,Yb,β(θ)+[2n2]b,β(θ).superscriptsubscript𝑎1𝑟superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃superscriptsubscriptΓ𝑏𝑏𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃subscriptdelimited-[]2𝑛2𝑏𝛽𝜃\langle\sum_{a=1}^{r}\Gamma_{a,a}^{\theta},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle=\langle\Gamma_{b,b}^{\theta},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle+[2n-2]_{b,\beta}(\theta). (19)

2) En identifiant les coefficients de ma,αma,1subscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑚𝑎.1m_{a,\alpha}\wedge m_{a,1} pour α1𝛼1\alpha\neq 1, on obtient :

dθα1,Xa,1+[n1]a,α(θ)=θα1Γa,aθ,Xa,1Γa,aθ,Xa,α;𝑑superscript𝜃𝛼1subscript𝑋𝑎.1subscriptdelimited-[]𝑛1𝑎𝛼𝜃superscript𝜃𝛼1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑋𝑎.1superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑋𝑎𝛼\langle d\theta^{\alpha-1},X_{a,1}\rangle+[n-1]_{a,\alpha}(\theta)=\theta^{\alpha-1}\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},X_{a,1}\rangle-\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},X_{a,\alpha}\rangle\,;

c’est-à-dire

Γa,aθ,Ya,α(θ)=dθα1,Xa,1+[n1]a,α(θ)).\langle\Gamma_{a,a}^{\theta},Y_{a,\alpha}(\theta)\rangle=-\langle d\theta^{\alpha-1},X_{a,1}\rangle+[n-1]_{a,\alpha}(\theta)).

Compte tenu de (19), on a donc :

a=1rΓa,aθ,Yb,β(θ)=dθβ1,Xb,1+[2n2]b,β(θ).superscriptsubscript𝑎1𝑟superscriptsubscriptΓ𝑎𝑎𝜃subscript𝑌𝑏𝛽𝜃𝑑superscript𝜃𝛽1subscript𝑋𝑏.1subscriptdelimited-[]2𝑛2𝑏𝛽𝜃\langle\sum_{a=1}^{r}\Gamma_{a,a}^{\theta},Y_{b,\beta}(\theta)\rangle=-\langle d\theta^{\beta-1},X_{b,1}\rangle+[2n-2]_{b,\beta}(\theta). (20)

3) La dérivée extérieure dΩ(θ)𝑑Ω𝜃d\Omega(\theta) de Ω(θ)=a=1rla(θ)Ω𝜃superscriptsubscript𝑎1𝑟subscript𝑙𝑎𝜃\Omega(\theta)=\wedge_{a=1}^{r}l_{a}(\theta) est égale à

b=1r(1)b1l1θ)lb1(θ)dlb(θ)lb+1(θ)lr(θ)\sum_{b=1}^{r}(-1)^{b-1}l_{1}\theta)\wedge\cdots\wedge l_{b-1}(\theta)\wedge dl_{b}(\theta)\wedge l_{b+1}(\theta)\wedge\cdots\wedge l_{r}(\theta)

donc à (b=1rΓb,bθ)Ω(θ)superscriptsubscript𝑏1𝑟subscriptsuperscriptΓ𝜃𝑏𝑏Ω𝜃(\sum_{b=1}^{r}\Gamma^{\theta}_{b,b})\wedge\Omega(\theta).

Soit maintenant z𝑧z une solution sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) de l’équation d(zΩ(θ))=0𝑑𝑧Ω𝜃0d(z\Omega(\theta))=0 :

(dz+zb=1rΓb,bθ)Ω(θ)=0,𝑑𝑧𝑧superscriptsubscript𝑏1𝑟subscriptsuperscriptΓ𝜃𝑏𝑏Ω𝜃0(dz+z\sum_{b=1}^{r}\Gamma^{\theta}_{b,b})\wedge\Omega(\theta)=0,

donc Ya,α(θ),dz+zb=1rΓb,bθ=0subscript𝑌𝑎𝛼𝜃𝑑𝑧𝑧superscriptsubscript𝑏1𝑟subscriptsuperscriptΓ𝜃𝑏𝑏0\langle Y_{a,\alpha}(\theta),dz+z\sum_{b=1}^{r}\Gamma^{\theta}_{b,b}\rangle=0 pour tout α1𝛼1\alpha\neq 1. Compte tenu de la formule (20), nous obtenons

Ya,α(θ)z=zXa,1θα1+z[2n2]a,α(θ),subscript𝑌𝑎𝛼𝜃𝑧𝑧subscript𝑋𝑎.1superscript𝜃𝛼1𝑧subscriptdelimited-[]2𝑛2𝑎𝛼𝜃Y_{a,\alpha}(\theta)\cdot z=zX_{a,1}\cdot\theta^{\alpha-1}+z[2n-2]_{a,\alpha}(\theta),

ce qui termine la démonstration du lemme. ∎

Lemme 3.9.

Sous les hypothèses du lemme précédent, il existe des polynômes aa,α(t),ba,α(t)subscript𝑎𝑎𝛼𝑡subscript𝑏𝑎𝛼𝑡a_{a,\alpha}(t),\,b_{a,\alpha}(t) en t𝑡t ainsi que des polynômes ca,α(t,s)subscript𝑐𝑎𝛼𝑡𝑠c_{a,\alpha}(t,s) de degré 2n3absent2𝑛3\leq 2n-3 et da,α(t,s)subscript𝑑𝑎𝛼𝑡𝑠d_{a,\alpha}(t,s) de degré n2absent𝑛2\leq n-2 en (t,s)𝑡𝑠(t,s), à coefficients analytiques et indépendants de la fonction θ𝜃\theta, tels que :

Ya,α(t)(ztθ)=z(aa,α(t)tθ+ba,α(t)(tθ)2+ca,α(t,θ))+Xa1(zda,α(t,θ)),subscript𝑌𝑎𝛼𝑡𝑧𝑡𝜃𝑧subscript𝑎𝑎𝛼𝑡𝑡𝜃subscript𝑏𝑎𝛼𝑡superscript𝑡𝜃2subscript𝑐𝑎𝛼𝑡𝜃subscript𝑋𝑎1𝑧subscript𝑑𝑎𝛼𝑡𝜃Y_{a,\alpha}(t)\cdot\left(\frac{z}{t-\theta}\right)=z\left(\frac{a_{a,\alpha}(t)}{t-\theta}+\frac{b_{a,\alpha}(t)}{(t-\theta)^{2}}+c_{a,\alpha}(t,\theta)\right)+X_{a1}\cdot(zd_{a,\alpha}(t,\theta)),
Démonstration.

Nous ne notons pas a𝑎a et α𝛼\alpha qui sont fixés. Nous posons u=z/(tθ)𝑢𝑧𝑡𝜃u=z/(t-\theta), v=z/(tθ)2𝑣𝑧superscript𝑡𝜃2\,v=z/(t-\theta)^{2}. Compte tenu de (17)–(18), il vient :

Y(θ)u=Y(θ)ztθ+zY(θ)θ(tθ)2=u(X1θα1+B(θ))+vA(θ).𝑌𝜃𝑢𝑌𝜃𝑧𝑡𝜃𝑧𝑌𝜃𝜃superscript𝑡𝜃2𝑢subscript𝑋1superscript𝜃𝛼1𝐵𝜃𝑣𝐴𝜃Y(\theta)\cdot u=\frac{Y(\theta)\cdot z}{t-\theta}+z\,\frac{Y(\theta)\cdot\theta}{(t-\theta)^{2}}=u(X_{1}\cdot\theta^{\alpha-1}+B(\theta))+vA(\theta).

En utilisant les développements

A(s)=A(t)(ts)A(t)+(ts)2A~(t,s),B(s)=B(t)(ts)B~(t,s),formulae-sequence𝐴𝑠𝐴𝑡𝑡𝑠superscript𝐴𝑡superscript𝑡𝑠2~𝐴𝑡𝑠𝐵𝑠𝐵𝑡𝑡𝑠~𝐵𝑡𝑠A(s)=A(t)-(t-s)A^{\prime}(t)+(t-s)^{2}\tilde{A}(t,s),\;\;B(s)=B(t)-(t-s)\tilde{B}(t,s),

A~(t,s)~𝐴𝑡𝑠\tilde{A}(t,s) et B~(t,s)~𝐵𝑡𝑠\tilde{B}(t,s) sont de degré 2n3absent2𝑛3\leq 2n-3 en (t,s)𝑡𝑠(t,s), nous obtenons

Y(θ)u=u(B(t)A(t))+vA(t)+uX1θα1+zC(t,θ),𝑌𝜃𝑢𝑢𝐵𝑡superscript𝐴𝑡𝑣𝐴𝑡𝑢subscript𝑋1superscript𝜃𝛼1𝑧𝐶𝑡𝜃Y(\theta)\cdot u=u(B(t)-A^{\prime}(t))+vA(t)+uX_{1}\cdot\theta^{\alpha-1}+zC(t,\theta),

C(t,s)𝐶𝑡𝑠C(t,s) est polynomial en (t,s)𝑡𝑠(t,s) de degré 2n3absent2𝑛3\leq 2n-3.

D’autre part, Y(t)u=Y(θ)u(tα1θα1)X1u𝑌𝑡𝑢𝑌𝜃𝑢superscript𝑡𝛼1superscript𝜃𝛼1subscript𝑋1𝑢\,Y(t)\cdot u=Y(\theta)\cdot u-(t^{\alpha-1}-\theta^{\alpha-1})X_{1}\cdot u, et en écrivant tα1sα1=(ts)S(t,s)superscript𝑡𝛼1superscript𝑠𝛼1𝑡𝑠𝑆𝑡𝑠t^{\alpha-1}-s^{\alpha-1}=(t-s)S(t,s), nous obtenons

Y(t)u=Y(θ)uX1((ts)S(t,θ)u)uX1θα1,𝑌𝑡𝑢𝑌𝜃𝑢subscript𝑋1𝑡𝑠𝑆𝑡𝜃𝑢𝑢subscript𝑋1superscript𝜃𝛼1Y(t)\cdot u=Y(\theta)\cdot u-X_{1}\cdot((t-s)S(t,\theta)u)-uX_{1}\cdot\theta^{\alpha-1},

S(t,s)𝑆𝑡𝑠S(t,s) est de degré n2absent𝑛2\leq n-2 en (t,s)𝑡𝑠(t,s). Quand on remplace Y(θ)u𝑌𝜃𝑢Y(\theta)\cdot u par l’expression que nous en avons obtenue ci-dessus, les termes en X1θα1subscript𝑋1superscript𝜃𝛼1X_{1}\cdot\theta^{\alpha-1} s’éliminent, ce qui donne le lemme. ∎

3.6 L’application de Blaschke

Nous poursuivons maintenant la discussion amorcée dans la Section 3.4, dont nous reprenons les notations. Le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est présenté sous la forme normale (11). Ses normales génératrices ΩjsubscriptΩ𝑗\Omega_{j} sont définies par (12). Nous nous donnons une base B𝐵B de l’espace de ses relations abéliennes. Les applications de Poincaré κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} sont définies par (16). Leurs propriétés sont décrites dans le Lemme 3.7. En particulier, pour x𝑥x donné, les points κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x) appartiennent à une courbe rationnelle normale σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), de degré q(d)𝑞𝑑q(d).

Posons

P(x,t)=j=1d(tθj(x)).𝑃𝑥𝑡superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑑𝑡subscript𝜃𝑗𝑥P(x,t)=\prod_{j=1}^{d}(t-\theta_{j}(x)).

Il s’agit d’abord de paramétrer la courbe σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) qui passe par les points κj(x)=[ϕj(1)(x)::ϕj(N+1)(x)]\kappa_{j}(x)=[\phi_{j}^{(1)}(x):\cdots:\phi_{j}^{(N+1)}(x)]. Écrivons ϕj(λ)=zj(λ)Ωjsuperscriptsubscriptitalic-ϕ𝑗𝜆superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscriptΩ𝑗\phi_{j}^{(\lambda)}=z_{j}^{(\lambda)}\,\Omega_{j} et

zj(x)=(zj(1)(x),,zj(N+1)(x))N+1\{0}.subscript𝑧𝑗𝑥superscriptsubscript𝑧𝑗1𝑥superscriptsubscript𝑧𝑗𝑁1𝑥\superscript𝑁10z_{j}(x)=(z_{j}^{(1)}(x),\ldots,z_{j}^{(N+1)}(x))\in\mathbb{C}^{N+1}\backslash\{0\}.
Lemme 3.10.

Pour tout x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}), la courbe σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est la projection canonique dans Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} de la courbe de N+1\{0}\superscript𝑁10\mathbb{C}^{N+1}\backslash\{0\} paramétrée par

z(x,t)=j=1dP(x,t)tθj(x)zj(x).𝑧𝑥𝑡superscriptsubscript𝑗1𝑑𝑃𝑥𝑡𝑡subscript𝜃𝑗𝑥subscript𝑧𝑗𝑥z(x,t)=\sum_{j=1}^{d}\frac{P(x,t)}{t-\theta_{j}(x)}\,z_{j}(x). (21)
Démonstration.

Le point x𝑥x de (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) ne joue aucun rôle dans ce qui suit, nous ne le notons pas.

L’application tz(t)maps-to𝑡𝑧𝑡t\mapsto z(t) est polynomiale de degré d1absent𝑑1\leq d-1 et la projection canonique de son image passe par les points κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j}. Il suffit de montrer que z(t)𝑧𝑡z(t) est en fait de degré q(d)absent𝑞𝑑\leq q(d).

C’est une conséquence du Lemme 3.6. Les composantes de zj(t)subscript𝑧𝑗𝑡z_{j}(t) sont de la forme zj(λ)(t)=cjf(λ)(θj)superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆𝑡subscript𝑐𝑗superscript𝑓𝜆subscript𝜃𝑗z_{j}^{(\lambda)}(t)=c_{j}f^{(\lambda)}(\theta_{j})f(λ)(t)superscript𝑓𝜆𝑡f^{(\lambda)}(t) est un polynôme de degré q(d)absent𝑞𝑑\leq q(d) et (c1,,cd)subscript𝑐1subscript𝑐𝑑(c_{1},\ldots,c_{d}) la solution du système (14). Montrons plus généralement que si f(t)𝑓𝑡f(t) est un polynôme de degré d1absent𝑑1\leq d-1 alors

j=1dP(t)tθjcjf(θj)=f(t),superscriptsubscript𝑗1𝑑𝑃𝑡𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑐𝑗𝑓subscript𝜃𝑗𝑓𝑡\sum_{j=1}^{d}\frac{P(t)}{t-\theta_{j}}\,c_{j}f(\theta_{j})=f(t),

ce qui donne le résultat. Compte tenu de (14), on a d’abord

j=1dP(t)tθjcj=j=1dP(t)P(θj)tθjcj=1,superscriptsubscript𝑗1𝑑𝑃𝑡𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑐𝑗superscriptsubscript𝑗1𝑑𝑃𝑡𝑃subscript𝜃𝑗𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑐𝑗1\sum_{j=1}^{d}\frac{P(t)}{t-\theta_{j}}\,c_{j}=\sum_{j=1}^{d}\frac{P(t)-P(\theta_{j})}{t-\theta_{j}}c_{j}=1,

puisque P(θj)=0𝑃subscript𝜃𝑗0P(\theta_{j})=0 et que pour t𝑡t fixé, (P(t)P(s))/(ts)𝑃𝑡𝑃𝑠𝑡𝑠(P(t)-P(s))/(t-s) est un polynôme unitaire de degré d1𝑑1d-1 en s𝑠s. En général on en déduit

j=1dP(t)tθjcjf(θj)=f(t)P(t)j=1df(t)f(θj)tθjcj=f(t),superscriptsubscript𝑗1𝑑𝑃𝑡𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑐𝑗𝑓subscript𝜃𝑗𝑓𝑡𝑃𝑡superscriptsubscript𝑗1𝑑𝑓𝑡𝑓subscript𝜃𝑗𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑐𝑗𝑓𝑡\sum_{j=1}^{d}\frac{P(t)}{t-\theta_{j}}\,c_{j}f(\theta_{j})=f(t)-P(t)\sum_{j=1}^{d}\frac{f(t)-f(\theta_{j})}{t-\theta_{j}}\,c_{j}=f(t),

si f(t)𝑓𝑡f(t) est de degré d1absent𝑑1\leq d-1 car pour t𝑡t fixé, (f(t)f(s))/(ts)𝑓𝑡𝑓𝑠𝑡𝑠(f(t)-f(s))/(t-s) est un polynôme de degré d2absent𝑑2\leq d-2 en s𝑠s. ∎

L’application

κ:(M,x0)×1N:𝜅𝑀subscript𝑥0superscript1superscript𝑁\kappa:(M,x_{0})\times\mathbb{P}^{1}\rightarrow\mathbb{P}^{N} (22)

est définie en composant l’application zz(x,t)maps-to𝑧𝑧𝑥𝑡z\mapsto z(x,t) avec la projection canonique. Elle est de rang r+1absent𝑟1\geq r+1 en tout point. En effet, en choisissant la base B𝐵B comme dans la Section 3.4, dont on reprend les notations, on trouve que t+O(|x|)𝑡𝑂𝑥t+O(|x|) et α=1ntα1xa,α+O(|x|2)superscriptsubscript𝛼1𝑛superscript𝑡𝛼1subscript𝑥𝑎𝛼𝑂superscript𝑥2\sum_{\alpha=1}^{n}t^{\alpha-1}x_{a,\alpha}+O(|x|^{2}) pour a=1,,r𝑎1𝑟a=1,\ldots,r, figurent dans un système de coordonnées homogènes de κ(x,t)𝜅𝑥𝑡\kappa(x,t).


Le résultat crucial suivant nous permettra dans le prochain chapitre de décrire précisément la variété de Blaschke du tissu 𝒯𝒯\cal{T}.

Proposition 3.11.

L’application (22) est de rang constant r+1𝑟1r+1. Le noyau de sa différentielle au point (x,t)(M,x0)×1𝑥𝑡𝑀subscript𝑥0superscript1(x,t)\in(M,x_{0})\times\mathbb{P}^{1} est donné par le système

dt+J(x,t)=0,α=1ntα1ma,α(x)=0,a=1,,r,formulae-sequence𝑑𝑡𝐽𝑥𝑡0formulae-sequencesuperscriptsubscript𝛼1𝑛superscript𝑡𝛼1subscript𝑚𝑎𝛼𝑥0𝑎1𝑟dt+J(x,t)=0,\qquad\sum_{\alpha=1}^{n}t^{\alpha-1}m_{a,\alpha}(x)=0,\;\;a=1,\ldots,r, (23)

J(x,t)𝐽𝑥𝑡J(x,t) est une 111-forme sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) dépendant analytiquement de t𝑡t.

Démonstration.

Comme nous savons que κ𝜅\kappa est de rang r+1absent𝑟1\geq r+1, il reste à montrer que dκ(x,t)𝑑𝜅𝑥𝑡d\kappa(x,t) s’annule sur l’espace défini par (23).

Si l’on exprime localement κ𝜅\kappa dans une carte affine de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}, cela revient à dire que dκ𝑑𝜅d\kappa est de la forme dκ=C0(dt+J)+a=1rCala(t)𝑑𝜅subscript𝐶0𝑑𝑡𝐽superscriptsubscript𝑎1𝑟subscript𝐶𝑎subscript𝑙𝑎𝑡d\kappa=C_{0}(dt+J)+\sum_{a=1}^{r}C_{a}l_{a}(t). Par définition des champs de vecteurs Ya,α(t)subscript𝑌𝑎𝛼𝑡Y_{a,\alpha}(t) pour α1𝛼1\alpha\neq 1, nous avons :

dκ=κtdt+a=1rα=2n(Ya,α(t)κ)ma,α+a=1r(Xa1κ)la(t).𝑑𝜅𝜅𝑡𝑑𝑡superscriptsubscript𝑎1𝑟superscriptsubscript𝛼2𝑛subscript𝑌𝑎𝛼𝑡𝜅subscript𝑚𝑎𝛼superscriptsubscript𝑎1𝑟subscript𝑋𝑎1𝜅subscript𝑙𝑎𝑡d\kappa=\frac{\partial\kappa}{\partial t}dt+\sum_{a=1}^{r}\sum_{\alpha=2}^{n}(Y_{a,\alpha}(t)\cdot\kappa)m_{a,\alpha}+\sum_{a=1}^{r}(X_{a1}\cdot\kappa)l_{a}(t).

Il s’agit donc de montrer, toujours dans une carte affine de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}, qu’on a des formules de la forme

Ya,α(t)κ=ga,ακt,α1,formulae-sequencesubscript𝑌𝑎𝛼𝑡𝜅subscript𝑔𝑎𝛼𝜅𝑡𝛼1Y_{a,\alpha}(t)\cdot\kappa=g_{a,\alpha}\frac{\partial\kappa}{\partial t},\qquad\alpha\neq 1, (24)

où les ga,αsubscript𝑔𝑎𝛼g_{a,\alpha} sont des fonctions sur (M,x0)×𝑀subscript𝑥0(M,x_{0})\times\mathbb{C}.

Il suffit de démontrer ces formules pour t{θ1(x),,θd(x)}𝑡subscript𝜃1𝑥subscript𝜃𝑑𝑥t\notin\{\theta_{1}(x),\ldots,\theta_{d}(x)\}. Nous pouvons alors prendre les

z(λ)(t)=j=1dzj(λ)tθj,λ=1,,N+1.formulae-sequencesuperscript𝑧𝜆𝑡superscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆𝑡subscript𝜃𝑗𝜆1𝑁1z^{(\lambda)}(t)=\sum_{j=1}^{d}\frac{z_{j}^{(\lambda)}}{t-\theta_{j}},\qquad\lambda=1,\ldots,N+1.

comme système de coordonnées homogènes de κ𝜅\kappa. Les zj(λ)superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆z_{j}^{(\lambda)} sont des fonctions sur (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) qui vérifient (13) et, pour tout j𝑗j, d(zj(λ)Ωj)=0𝑑superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscriptΩ𝑗0d(z_{j}^{(\lambda)}\Omega_{j})=0.

Comme les systèmes qui définissent les feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont complètement intégrables, nous pouvons appliquer le Lemme 3.9 à chacune des fonctions zj(λ)superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆z_{j}^{(\lambda)} ce qui nous donne

Ya,α(t)zj(λ)tθj=zj(λ)(aa,α(t)tθj+ba,α(t)(tθj)2+ca,α(t,θj))+X1(zj(λ)da,α(t,θj)).subscript𝑌𝑎𝛼𝑡superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆𝑡subscript𝜃𝑗superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscript𝑎𝑎𝛼𝑡𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑏𝑎𝛼𝑡superscript𝑡subscript𝜃𝑗2subscript𝑐𝑎𝛼𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑋1superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscript𝑑𝑎𝛼𝑡subscript𝜃𝑗Y_{a,\alpha}(t)\cdot\frac{z_{j}^{(\lambda)}}{t-\theta_{j}}=z_{j}^{(\lambda)}\left(\frac{a_{a,\alpha}(t)}{t-\theta_{j}}+\frac{b_{a,\alpha}(t)}{(t-\theta_{j})^{2}}+c_{a,\alpha}(t,\theta_{j})\right)+X_{1}\cdot(z_{j}^{(\lambda)}d_{a,\alpha}(t,\theta_{j})).

En sommant par rapport à j𝑗j, nous obtenons

Ya,α(t)z(λ)=aa,α(t)z(λ)ba,α(t)z(λ)tsubscript𝑌𝑎𝛼𝑡superscript𝑧𝜆subscript𝑎𝑎𝛼𝑡superscript𝑧𝜆subscript𝑏𝑎𝛼𝑡superscript𝑧𝜆𝑡Y_{a,\alpha}(t)\cdot z^{(\lambda)}=a_{a,\alpha}(t)z^{(\lambda)}-b_{a,\alpha}(t)\frac{\partial z^{(\lambda)}}{\partial t}

car ca,α(t,s)subscript𝑐𝑎𝛼𝑡𝑠c_{a,\alpha}(t,s) et da,α(t,s)subscript𝑑𝑎𝛼𝑡𝑠d_{a,\alpha}(t,s) sont de degrés 2n1absent2𝑛1\leq 2n-1 en (t,s)𝑡𝑠(t,s), donc

j=1dzj(λ)ca,α(t,θj)+X1(j=1dzj(λ)da,α(t,θj))=0,superscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscript𝑐𝑎𝛼𝑡subscript𝜃𝑗subscript𝑋1superscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝑧𝑗𝜆subscript𝑑𝑎𝛼𝑡subscript𝜃𝑗0\sum_{j=1}^{d}z_{j}^{(\lambda)}c_{a,\alpha}(t,\theta_{j})+X_{1}\cdot(\sum_{j=1}^{d}z_{j}^{(\lambda)}d_{a,\alpha}(t,\theta_{j}))=0,

compte tenu de (13). Au voisinage d’un point (x,t)𝑥𝑡(x,t), on choisit λ0subscript𝜆0\lambda_{0} tel que z(λ0)0superscript𝑧subscript𝜆00z^{(\lambda_{0})}\neq 0. Les z(λ)/z(λ0)superscript𝑧𝜆superscript𝑧subscript𝜆0z^{(\lambda)}/z^{(\lambda_{0})} avec λλ0𝜆subscript𝜆0\lambda\neq\lambda_{0} forment un système de coordonnées affines de κ𝜅\kappa et

(Ya,α(t)ba,α(t)t)z(λ)z(λ0)=0,subscript𝑌𝑎𝛼𝑡subscript𝑏𝑎𝛼𝑡𝑡superscript𝑧𝜆superscript𝑧subscript𝜆00(Y_{a,\alpha}(t)-b_{a,\alpha}(t)\frac{\partial}{\partial t})\cdot\frac{z^{(\lambda)}}{z^{(\lambda_{0})}}=0,

ce qui termine la démonstration. ∎

4 Résultats d’algébricité

Dans cette section nous démontrons nos principaux résultats. D’abord, nous montrons que la variété de Blaschke d’un d𝑑d-tissu semi-extrémal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) est de dimension r+1𝑟1r+1. C’est une conséquence directe, compte tenu de sa définition, de la Proposition 3.11.

La méthode canonique permet alors de donner une représentation canonique d’un tissu semi-extrémal 𝒯𝒯\cal{T} comme tissu d’incidence sur un germe de variété, d’éléments des courbes rationnelles normales de la variété de Blaschke de 𝒯𝒯\cal{T}. Mais nous ne savons pas si cette représentation est algébrique en général. Toutefois dans le cas d’un tissu qui de plus est de rang maximal, nous vérifions que sa variété de Blaschke appartient à une classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q), voir la Définition 1.16.

Ceci nous permet de traiter le cas des tissus de type (r,2)𝑟.2(r,2) sans difficulté dans la Section 3, car une variété de la classe 𝒳𝓇+1,2(𝓆)subscript𝒳𝓇1.2𝓆\cal{X}_{r+1,2}(q) est une variété de Veronese d’ordre q𝑞q.

Les variétés de Veronese jouent un rôle majeur dans [19] où elles apparaissent comme des projections distinguées de variétés d’une classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q) générale. Les plus simples des résultats de Pirio-Trépreau [19], exposés et complétés dans les Sections 4 et 5, suffisent alors pour montrer que le modèle canonique d’un tissu de rang maximal est algébrique.

Nos autres énoncés principaux découlent directement du précédent, mais en s’appuyant sur des résultats plus profonds de [19].

4.1 Propriétés de la variété de Blaschke

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu semi-extrémal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur un germe (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}), de rang N+1𝑁1N+1. Rappelons, voir la Définition 1.13, que sa variété de Blaschke X𝒯subscript𝑋𝒯X_{\cal{T}} est l’intersection de toutes les sous-variétés projectives de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} qui contiennent les courbes rationnelles normales σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0\,x\in(M,x_{0}), de degré q(d)𝑞𝑑q(d). Nous notons q=q(d)𝑞𝑞𝑑q=q(d).

Nous reprenons les notations de la Proposition 3.11. L’application de Blaschke, qui paramètre la réunion des courbes σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est de rang constant r+1𝑟1r+1. Son image X~~𝑋\tilde{X} est donc un germe, le long de la courbe σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}), de variété analytique lisse de dimension r+1𝑟1r+1. Soit

κ(n):(M,x0)×(j=1n(,θj(x0)))j=1n(X~,κj(x0)):superscript𝜅𝑛𝑀subscript𝑥0superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑛subscript𝜃𝑗subscript𝑥0superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑛~𝑋subscript𝜅𝑗subscript𝑥0\kappa^{(n)}:(M,x_{0})\times\left(\prod_{j=1}^{n}(\mathbb{C},\theta_{j}(x_{0}))\right)\rightarrow\prod_{j=1}^{n}(\tilde{X},\kappa_{j}(x_{0}))

l’application définie par κ(n)(x,t1,,tn)=(κ(x,t1),,κ(x,tn))superscript𝜅𝑛𝑥subscript𝑡1subscript𝑡𝑛𝜅𝑥subscript𝑡1𝜅𝑥subscript𝑡𝑛\kappa^{(n)}(x,t_{1},\ldots,t_{n})=(\kappa(x,t_{1}),\ldots,\kappa(x,t_{n})).

Le noyau de sa différentielle au point de base est donné par les équations

dtj+J(x0,θj(x0))=0,α=1nθj(x0)α1ma,α(x0)=0,formulae-sequence𝑑subscript𝑡𝑗𝐽subscript𝑥0subscript𝜃𝑗subscript𝑥00superscriptsubscript𝛼1𝑛subscript𝜃𝑗superscriptsubscript𝑥0𝛼1subscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑥00dt_{j}+J(x_{0},\theta_{j}(x_{0}))=0,\qquad\sum_{\alpha=1}^{n}\theta_{j}(x_{0})^{\alpha-1}m_{a,\alpha}(x_{0})=0,

a=1,,r𝑎1𝑟a=1,\ldots,r et j=1,,n𝑗1𝑛j=1,\ldots,n. Le second groupe d’équations donne ma,α(x0)=0subscript𝑚𝑎𝛼subscript𝑥00m_{a,\alpha}(x_{0})=0 pour tout a𝑎a et α𝛼\alpha donc dx=0𝑑𝑥0dx=0. Le premier groupe d’équations donne alors dt1=0,,dtn=0formulae-sequence𝑑subscript𝑡10𝑑subscript𝑡𝑛0dt_{1}=0,\ldots,dt_{n}=0. Comme la source et le but ont la même dimension (r+1)n𝑟1𝑛(r+1)n, on obtient que κ(n)superscript𝜅𝑛\kappa^{(n)} est un isomorphisme.

En particulier, pour tout voisinage U𝑈U dans X~~𝑋\tilde{X}, par exemple du point κ1(x0)subscript𝜅1subscript𝑥0\kappa_{1}(x_{0}), les courbes σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) qui passent par ce point recouvrent un ouvert non vide de U𝑈U.

Lemme 4.1.

La variété de Blaschke XT𝑋𝑇X{T} du tissu 𝒯𝒯\cal{T} est une sous-variété projective irréductible de dimension r+1𝑟1r+1 de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}.

Démonstration.

Nous pouvons supposer que la remarque qui précède l’énoncé s’applique en 0N0superscript𝑁0\in\mathbb{C}^{N}. Il s’agit de montrer que le germe lisse (X~,0)~𝑋.0(\tilde{X},0) est contenu dans une sous-variété algébrique de Nsuperscript𝑁\mathbb{C}^{N}, de même dimension r+1𝑟1r+1. L’irréductibilité de la variété XT𝑋𝑇X{T} est alors une conséquence de sa définition et du fait que le germe X~~𝑋\tilde{X} est irréductible.

La démonstration qui suit est standard. (C’est l’occasion de réparer une bévue dans [22], page 430.) Nous paramétrons l’espace des (N+1)𝑁1(N+1)-uplets de polynômes (p1(t),,pN+1(t))subscript𝑝1𝑡subscript𝑝𝑁1𝑡(p_{1}(t),\ldots,p_{N+1}(t)), nuls en 00 et de degré qabsent𝑞\leq q par la famille γ(N+1)q𝛾superscript𝑁1𝑞\gamma\in\mathbb{C}^{(N+1)q} de leurs coefficients. À tout γ𝛾\gamma est associé le germe d’application

t(,0),xγ(t)=(p1(t)1+pN+1(t),,pN(t)1+pN+1(t)).formulae-sequence𝑡.0subscript𝑥𝛾𝑡subscript𝑝1𝑡1subscript𝑝𝑁1𝑡subscript𝑝𝑁𝑡1subscript𝑝𝑁1𝑡t\in(\mathbb{C},0),\qquad x_{\gamma}(t)=\left(\frac{p_{1}(t)}{1+p_{N+1}(t)},\ldots,\frac{p_{N}(t)}{1+p_{N+1}(t)}\right).

Quand γ𝛾\gamma décrit (N+1)qsuperscript𝑁1𝑞\mathbb{C}^{(N+1)q}, on obtient en particulier des paramétrages de tous les germes lisses en 00 de courbes rationnelles de degré qabsent𝑞\leq q.

Comme pN+1(0)=0subscript𝑝𝑁100p_{N+1}(0)=0, les composantes de xγ(t)subscript𝑥𝛾𝑡x_{\gamma}(t) sont développables en des séries entières de t𝑡t dont les coefficients sont des polynômes en γ𝛾\gamma.

Si f(x)=|α|1aαxα𝑓𝑥subscript𝛼1subscript𝑎𝛼superscript𝑥𝛼f(x)=\sum_{|\alpha|\geq 1}a_{\alpha}x^{\alpha} est une fonction analytique sur (N,0)superscript𝑁.0(\mathbb{C}^{N},0) fixée, comme xγsubscript𝑥𝛾x_{\gamma} est de valuation 1absent1\geq 1, les coefficients de la série entière composée f(xγ(t))𝑓subscript𝑥𝛾𝑡f(x_{\gamma}(t)) sont encore des polynômes en γ𝛾\gamma. Cette série est donc nulle si et seulement si γ𝛾\gamma appartient à un ensemble algébrique déterminé par la fonction f(x)𝑓𝑥f(x).

Finalement, comme le germe (X~,0)~𝑋.0(\tilde{X},0) est défini par l’annulation d’une famille de telles fonctions f(x)𝑓𝑥f(x), on obtient qu’il existe un ensemble algébrique K(N+1)q𝐾superscript𝑁1𝑞K\subset\mathbb{C}^{(N+1)q} tel que l’image d’un germe xγsubscript𝑥𝛾x_{\gamma} est contenue dans (X~,0)~𝑋.0(\tilde{X},0) si et seulement si γ𝛾\gamma appartient à K𝐾K.

Soit K^^𝐾\widehat{K} la sous-variété projective de (N+1)qsuperscript𝑁1𝑞\mathbb{P}^{(N+1)q} obtenue en complétant K𝐾K. Le germe d’application (γ,t)xγ(t)maps-to𝛾𝑡subscript𝑥𝛾𝑡(\gamma,t)\mapsto x_{\gamma}(t) est la restriction d’une application rationnelle ϕ:K^×1N:italic-ϕ^𝐾superscript1superscript𝑁\phi:\;\widehat{K}\times\mathbb{P}^{1}\dasharrow\mathbb{P}^{N}, dont l’image est une sous-variété projective X𝑋X de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} qui contient par hypothèse le germe de X~~𝑋\tilde{X} en 00 et donc, par analyticité, le germe X~~𝑋\tilde{X} lui-même. Quitte à remplacer K^^𝐾\widehat{K} par l’une de ses composantes irréductibles, bien choisie, nous pouvons, en conservant la propriété précédente, supposer que K^^𝐾\widehat{K} et X𝑋X sont irréductibles.

Il reste à voir que X𝑋X, qui est de dimension r+1absent𝑟1\geq r+1 par hypothèse, est de dimension r+1absent𝑟1\leq r+1, autrement dit que ϕitalic-ϕ\phi est de rang r+1absent𝑟1\leq r+1 au point générique de K^×1^𝐾superscript1\widehat{K}\times\mathbb{P}^{1}. C’est évident car, si U𝑈U est un voisinage assez petit d’un point donné de K𝐾K et si ϵ>0italic-ϵ0\epsilon>0 est assez petit, l’image de U×{t,|t|<ϵ}𝑈formulae-sequence𝑡𝑡italic-ϵU\times\{t\in\mathbb{C},\;|t|<\epsilon\} par ϕitalic-ϕ\phi est contenue dans dans un voisinage donné de 00 dans (X~,0)~𝑋.0(\tilde{X},0), par définition même de K𝐾K. ∎

L’ensemble des courbes rationnelles normales de degré q𝑞q de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} est un ouvert irréductible de la variété de Chow des 111-cycles effectifs de degré q𝑞q de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N}. Notons CRq(N)subscriptCR𝑞superscript𝑁\text{CR}_{q}(\mathbb{P}^{N}) son adhérence et CRq(XT)subscriptCR𝑞𝑋𝑇\text{CR}_{q}(X{T}) la variété algébrique fermée des éléments de CRq(N)subscriptCR𝑞superscript𝑁\text{CR}_{q}(\mathbb{P}^{N}) dont le support est contenu dans XT𝑋𝑇X{T}. La variété d’incidence

I(n)={(x,(a1,,an))CRq(XT)×XTn,(a1,,an)xn}superscript𝐼𝑛formulae-sequence𝑥subscript𝑎1subscript𝑎𝑛subscriptCR𝑞𝑋𝑇𝑋superscript𝑇𝑛subscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript𝑥𝑛I^{(n)}=\{(x,(a_{1},\ldots,a_{n}))\in\text{CR}_{q}(X{T})\times X{T}^{n},\;(a_{1},\ldots,a_{n})\in x^{n}\}

est une variété projective compacte et la propriété de l’application κ(n)superscript𝜅𝑛\kappa^{(n)} mentionnée au début de cette section montre que la projection canonique I(n)XTnsuperscript𝐼𝑛𝑋superscript𝑇𝑛I^{(n)}\rightarrow X{T}^{n} est une submersion en au moins un point de I(n)superscript𝐼𝑛I^{(n)}. Elle est donc surjective.

Ceci démontre le Théorème 1.14. Nous le précisons maintenant dans le cas où le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est de rang maximal.

Lemme 4.2.

La variété de Blaschke d’un d𝑑d-tissu de rang maximal, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec q(d)n1𝑞𝑑𝑛1q(d)\geq n-1, appartient à la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆(𝒹))subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆𝒹\cal{X}_{r+1,n}(q(d)).

Démonstration.

C’est une conséquence directe de la Définition 1.16. Il s’agit en fait de vérifier ici que cette définition coïncide avec celle qui est donnée par la Définition 1.1 de [19]. Les deux définitions diffèrent seulement par la formule qui donne la dimension N𝑁N de l’espace engendré par une variété X𝑋X de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q).

Nous avons défini ici N𝑁N par N+1=ρr,n(d)𝑁1subscript𝜌𝑟𝑛𝑑N+1=\rho_{r,n}(d)d=q+r(n1)+2𝑑𝑞𝑟𝑛12d=q+r(n-1)+2. Pour économiser l’espace, nous notons CklsuperscriptsubscriptC𝑘𝑙{\text{C}}_{k}^{l} au lieu de (kl)binomial𝑘𝑙k\choose l les coefficients du binôme. Soit

q=ρ(n1)+m1,ρ1,m{1,,n1},formulae-sequence𝑞𝜌𝑛1𝑚1formulae-sequence𝜌1𝑚1𝑛1q=\rho(n-1)+m-1,\qquad\rho\geq 1,\qquad m\in\{1,\ldots,n-1\},

la division euclidienne de q𝑞q par n1𝑛1n-1. Nous avons

N+1𝑁1\displaystyle N+1 =\displaystyle= h=0ρ((ρh)(n1)+m)Cr+h1r1superscriptsubscript0𝜌𝜌𝑛1𝑚superscriptsubscriptC𝑟1𝑟1\displaystyle\sum_{h=0}^{\rho}\,((\rho-h)(n-1)+m){\text{\large C}}_{r+h-1}^{r-1}
=\displaystyle= (ρ(n1)+m)h=0ρCr+h1r1(n1)h=0ρhCr+h1r1,𝜌𝑛1𝑚superscriptsubscript0𝜌superscriptsubscriptC𝑟1𝑟1𝑛1superscriptsubscript0𝜌superscriptsubscriptC𝑟1𝑟1\displaystyle(\rho(n-1)+m)\sum_{h=0}^{\rho}\,{\text{\large C}}_{r+h-1}^{r-1}-(n-1)\sum_{h=0}^{\rho}\,h{\text{\large C}}_{r+h-1}^{r-1},

et comme hCr+h1r1=rCr+h1rsuperscriptsubscriptC𝑟1𝑟1𝑟superscriptsubscriptC𝑟1𝑟\,h{\text{\large C}}_{r+h-1}^{r-1}=r{\text{\large C}}_{r+h-1}^{r} et h=0ρCr+h1r1=Cr+ρrsuperscriptsubscript0𝜌superscriptsubscriptC𝑟1𝑟1superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟\,\sum_{h=0}^{\rho}{\text{\large C}}_{r+h-1}^{r-1}={\text{\large C}}_{r+\rho}^{r},

N+1𝑁1\displaystyle N+1 =\displaystyle= (ρ(n1)+m)Cr+ρrr(n1)Cr+ρr+1𝜌𝑛1𝑚superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟𝑟𝑛1superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟1\displaystyle(\rho(n-1)+m){\text{\large C}}_{r+\rho}^{r}-r(n-1){\text{\large C}}_{r+\rho}^{r+1}
=\displaystyle= (r+1)(n1)Cr+ρr+1+mCr+ρrr(n1)Cr+ρr+1𝑟1𝑛1superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟1𝑚superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟𝑟𝑛1superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟1\displaystyle(r+1)(n-1){\text{\large C}}_{r+\rho}^{r+1}+m{\text{\large C}}_{r+\rho}^{r}-r(n-1){\text{\large C}}_{r+\rho}^{r+1}
=\displaystyle= mCr+ρ+1r+1+(n1m)Cr+ρr.𝑚superscriptsubscriptC𝑟𝜌1𝑟1𝑛1𝑚superscriptsubscriptC𝑟𝜌𝑟\displaystyle m{\text{\large C}}_{r+\rho+1}^{r+1}+(n-1-m){\text{\large C}}_{r+\rho}^{r}.

C’est la formule qui donne N𝑁N dans [19] Théorème 1.1. ∎

4.2 Le tissu 𝒯𝒯\cal{T} comme tissu d’incidence

Nous continuons avec les notations et les hypothèses de la section précédente. Nous rappelons d’abord ce que nous a donné la méthode canonique dans le Chapitre 3. Soit 1,,𝒹subscript1subscript𝒹\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d} les feuilletages qui composent le tissu semi-extrémal 𝒯𝒯\cal{T}. Nous notons encore q𝑞q pour q(d)=dr(n1)2𝑞𝑑𝑑𝑟𝑛12q(d)=d-r(n-1)-2.

Soit (ϕ1(λ),,ϕd(λ))superscriptsubscriptitalic-ϕ1𝜆superscriptsubscriptitalic-ϕ𝑑𝜆(\phi_{1}^{(\lambda)},\ldots,\phi_{d}^{(\lambda)}),  1λN+11𝜆𝑁1\,1\leq\lambda\leq N+1, une base de l’espace des relations abéliennes de 𝒯𝒯\cal{T} en x0subscript𝑥0x_{0}. Les applications de Poincaré sont données par

x(M,x0),κj(x)=[ϕj(1)(x)::ϕj(N+1)(x)].x\in(M,x_{0}),\qquad{\kappa}_{j}(x)=[\phi_{j}^{(1)}(x):\cdots:\phi_{j}^{(N+1)}(x)].

Chacune d’elles est de rang constant r𝑟r et constante le long des feuilles de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Son image est donc un germe de variété lisse (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}), en pj=κj(x0)subscript𝑝𝑗subscript𝜅𝑗subscript𝑥0p_{j}=\kappa_{j}(x_{0}), de dimension r𝑟r, et la submersion induite

κj:(M,x0)(Zj,pj):subscript𝜅𝑗𝑀subscript𝑥0subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗\kappa_{j}:(M,x_{0})\rightarrow(Z_{j},p_{j})

définit le feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} : ses fibres sont les feuilles de 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j}. Les points pjsubscript𝑝𝑗p_{j} sont deux-à-deux distincts.

D’autre part, chaque point x(M,x0)𝑥𝑀subscript𝑥0x\in(M,x_{0}) détermine une courbe σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), une courbe rationnelle normale de degré q𝑞q, qui passe par les d𝑑d points κj(x)subscript𝜅𝑗𝑥\kappa_{j}(x) et l’application xσ(x)maps-to𝑥𝜎𝑥x\mapsto\sigma(x), à valeurs dans une variété de Chow convenable, est une immersion, donc induit un isomorphisme

σ:(M,x0)(Σ,σ(x0)),:𝜎𝑀subscript𝑥0superscriptΣ𝜎subscript𝑥0\sigma:(M,x_{0})\rightarrow(\Sigma^{\prime},\sigma(x_{0})),

(Σ,σ(x0))superscriptΣ𝜎subscript𝑥0(\Sigma^{\prime},\sigma(x_{0})) est un germe de variété lisse de dimension rn𝑟𝑛rn. Enfin, nous venons de montrer que ces courbes sont contenues dans une variété projective XT𝑋𝑇X{T} de dimension r+1𝑟1r+1 dont le Théorème 1.14 précise les propriétés.


Nous identifions à présent (M,x0)𝑀subscript𝑥0(M,x_{0}) à (Σ,σ(x0))superscriptΣ𝜎subscript𝑥0(\Sigma^{\prime},\sigma(x_{0})) par l’isomorphisme σ𝜎\sigma et nous considérons le tissu 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} comme un tissu semi-extrémal de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}).

Pour plus de clarté nous notons maintenant x𝑥x un point de (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) et σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) la courbe de XT𝑋𝑇X{T} qu’il définit.

La courbe σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) est transverse aux germes (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) et le feuilletage 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} est défini par la submersion d’incidence κj:(Σ,x0)(Zj,pj):subscript𝜅𝑗superscriptΣsubscript𝑥0subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗\kappa_{j}:(\Sigma^{\prime},x_{0})\rightarrow(Z_{j},p_{j}).

Nous avons donc la représentation suivante, canonique à un automophisme de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} près, d’un tissu semi-extrémal de rang N+1𝑁1N+1.

Proposition 4.3.

Soit X𝑋X la variété de Blaschke d’un d𝑑d-tissu semi-extrémal 𝒯𝒯\cal{T}, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) avec r2𝑟2r\geq 2 et de rang N+1𝑁1N+1. Il existe un germe (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) de variété analytique lisse de dimension rn𝑟𝑛rn, de courbes rationnelles normales de degré q=q(d)𝑞𝑞𝑑q=q(d) de X𝑋X, tel que 𝒯𝒯\cal{T} est isomorphe à un tissu d’incidence sur (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) pour la paire (X,Σ)𝑋superscriptΣ(X,\Sigma^{\prime}).

On entend par là que le tissu sur (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) est défini par les propriétés d’incidence des courbes σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) avec d𝑑d germes d’hypersurfaces lisses (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) de X𝑋X, transverses à σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) en des points pjsubscript𝑝𝑗p_{j} deux-à-deux distincts. Nous ne disons pas qu’une telle configuration définit toujours un tissu, mais c’est le cas par construction dans le cadre de l’énoncé.

Ce résultat n’est pas satisfaisant. On aimerait montrer que le germe (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) est contenu dans une variété algébrique de même dimension, ce que nous ne savons pas faire, puis que les germes (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) sont contenus dans une hypersurface algébrique de XT𝑋𝑇X{T}.


Dans la suite de ce chapitre, nous ne considérons plus que des tissus de rang maximal.

Soit X𝑋X une variété de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q). On montre, voir [19] Lemme 2.8444Nous n’utilisons pas les mêmes notations que dans [19] où cette variété est notée Σ¯q(X)subscript¯Σ𝑞𝑋\overline{\Sigma}_{q}(X) et où ce que nous noterons ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} est noté Σq(X)subscriptΣ𝑞𝑋\Sigma_{q}(X)., qu’il existe une et une seule composante irréductible ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} de l’adhérence de Zariski (dans une variété de Chow convenablement choisie) de la variété des courbes rationnelles de degré q𝑞q contenues dans X𝑋X telle que, pour tout (a1,,an)Xnsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript𝑋𝑛(a_{1},\ldots,a_{n})\in X^{n}, il existe un élément de cette composante dont le support dans X𝑋X contient les points ajsubscript𝑎𝑗a_{j}. Elle est de dimension rn𝑟𝑛rn.

Ceci permet de préciser la Proposition 4.3 lorsque le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est de rang maximal.

Proposition 4.4.

Sous les hypothèse de la Proposition 4.3 et si le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est de rang maximal, le germe (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) est contenu dans la variété algébrique ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}, de même dimension rn𝑟𝑛rn.

4.3 Le cas des tissus de type (r,2)𝑟.2(r,2)

Nous démontrons ici le Corollaire 1.19, c’est-à-dire le Théorème 1.18 pour n=2𝑛2n=2.

C’est un cas particulier remarquable. La démonstration n’utilise rien de [19] à l’exception de la remarque suivante, qui peut remplacer un argument fautif à la fin de la démonstration de Hénaut [13].

Si q1𝑞1q\geq 1, par définition, une variété X𝑋X de la classe 𝒳𝓇+1,2(𝓆)subscript𝒳𝓇1.2𝓆\cal{X}_{r+1,2}(q) engendre un espace de dimension N=(r+1+qr+1)1𝑁binomial𝑟1𝑞𝑟11N={r+1+q\choose r+1}-1 et a la propriété qu’une paire générale de points de X𝑋X est contenue dans une courbe rationnelle normale de degré q𝑞q contenue dans X𝑋X.

Ces propriétés caractérisent la variété de Veronese de dimension r+1𝑟1r+1 et d’ordre q𝑞q, c’est-à-dire l’image de r+1superscript𝑟1\mathbb{P}^{r+1} par le plongement de Veronese, défini par le système linéaire |𝒪𝓇+1(𝓆)|subscript𝒪superscript𝓇1𝓆|\cal{O}_{\mathbb{P}^{r+1}}(q)|. Cette caractérisation apparaît déjà dans Bompiani [4] avec une démonstration sans doute insuffisante. Elle est maintenant bien établie, voir le Théorème 1.5 de [19] et les commentaires qui le suivent.

La Proposition 4.4 nous permet de supposer que le d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T}, de type (r,2)𝑟.2(r,2) et de rang maximal avec q=q(d)𝑞𝑞𝑑superscriptq=q(d)\in\mathbb{N}^{\star}, est un tissu d’incidence pour la paire (XT,ΣXT)𝑋𝑇subscriptΣ𝑋𝑇(X{T},\Sigma_{X{T}}). Il possède en particulier une relation abélienne complète, voir plus bas la démonstration du Théorème 1.22.

Comme l’isomorphisme de Veronese vq:r+1XT:subscript𝑣𝑞superscript𝑟1𝑋𝑇v_{q}:\mathbb{P}^{r+1}\rightarrow X{T} envoie isomorphiquement la paire (r+1,𝔾r,2)superscript𝑟1subscript𝔾𝑟.2(\mathbb{P}^{r+1},\mathbb{G}_{r,2}) sur la paire (XT,ΣXT)𝑋𝑇subscriptΣ𝑋𝑇(X{T},\Sigma_{X{T}}), le tissu est isomorphe à un tissu d’incidence pour la paire (r+1,𝔾r,2)superscript𝑟1subscript𝔾𝑟.2(\mathbb{P}^{r+1},\mathbb{G}_{r,2}). Compte tenu du théorème d’Abel inverse, celui-ci est algébrique grassmannien.

4.4 Tissus d’incidence pour une paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X})

Soit X𝑋X une variété de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q). Nous précisons maintenant la construction de tissus de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) esquissée dans la Section 1.4. Concernant les propriétés de la variété X𝑋X, nous nous référons au Chapitre 2 de [19].

Soit

q=ρ(n1)+m1,ρ1,m{1,,n1},formulae-sequence𝑞𝜌𝑛1𝑚1formulae-sequence𝜌1𝑚1𝑛1q=\rho(n-1)+m-1,\qquad\rho\geq 1,\qquad m\in\{1,\ldots,n-1\},

la division euclidienne de q𝑞q par n1𝑛1n-1.

Notons Xa(k)subscript𝑋𝑎𝑘X_{a}(k) le sous-espace de N=Xsuperscript𝑁delimited-⟨⟩𝑋\mathbb{P}^{N}=\langle X\rangle, osculateur à l’ordre k𝑘k à X𝑋X en aXreg𝑎subscript𝑋rega\in X_{\rm reg}. Soit (a1,,an1)Xregn1subscript𝑎1subscript𝑎𝑛1superscriptsubscript𝑋reg𝑛1(a_{1},\ldots,a_{n-1})\in X_{\rm reg}^{n-1} et

Ei=Xai(ρ),  1im2;Ei=Xai(ρ1),m1in1.formulae-sequencesubscript𝐸𝑖subscript𝑋subscript𝑎𝑖𝜌.1𝑖𝑚2formulae-sequencesubscript𝐸𝑖subscript𝑋subscript𝑎𝑖𝜌1𝑚1𝑖𝑛1E_{i}=X_{a_{i}}(\rho),\;\;1\leq i\leq m-2\;;\;\;E_{i}=X_{a_{i}}(\rho-1),\;\;m-1\leq i\leq n-1.

On montre que pour (a1,,an1)subscript𝑎1subscript𝑎𝑛1(a_{1},\ldots,a_{n-1}) générique, on a la décomposition

N=i=1n1Eisuperscript𝑁superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛1subscript𝐸𝑖\mathbb{P}^{N}=\oplus_{i=1}^{n-1}E_{i} (25)

de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} en somme directe projective des Eisubscript𝐸𝑖E_{i} : ces espaces engendrent Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} et i=1n1(dimEi+1)=N+1superscriptsubscript𝑖1𝑛1dimensionsubscript𝐸𝑖1𝑁1\sum_{i=1}^{n-1}(\dim E_{i}+1)=N+1.

On lui associe la projection osculatrice de centre i=2n1Eisuperscriptsubscriptdirect-sum𝑖2𝑛1subscript𝐸𝑖\oplus_{i=2}^{n-1}E_{i} :

θ:N\i=2n1EiE1.\theta:\mathbb{P}^{N}\backslash\oplus_{i=2}^{n-1}E_{i}\rightarrow E_{1}. (26)

Bien sûr, si n=2𝑛2n=2, le centre de la projection est vide et celle-ci est l’identité.

Nous avons introduit dans [19] la propriété d’être admissibles pour différentes sortes d’objets. La notion de base est celle d’un n𝑛n-uplet admissible (a1,,an)Xnsubscript𝑎1subscript𝑎𝑛superscript𝑋𝑛(a_{1},\ldots,a_{n})\in X^{n}. C’est une famille de n𝑛n points deux-à-deux distincts de Xregsubscript𝑋regX_{\rm reg} telle que n1𝑛1n-1 quelconques d’entre eux, pris dans n’importe quel ordre, définissent une décomposition de Nsuperscript𝑁\mathbb{P}^{N} analogue à (25).

Tout n𝑛n-uplet admissible est contenu dans une courbe rationnelle normale de degré q𝑞q définie par un point x𝑥x de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}. Une telle courbe est appelée une courbe admissible de X𝑋X.


La projection θ:NXa1(ρ):𝜃superscript𝑁subscript𝑋subscript𝑎1𝜌\theta:\mathbb{P}^{N}\dasharrow X_{a_{1}}(\rho), définie à partir de n1𝑛1n-1 points a1,a2,,an1subscript𝑎1subscript𝑎2subscript𝑎𝑛1a_{1},a_{2},\ldots,a_{n-1} d’un n𝑛n-uplet admissible, contenu dans une courbe admissible σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}), a les propriétés remarquables suivantes555Voir [19] Chapitre 2. Les objets admissibles sont introduits dans les Définitions 2.3 et 2.4. Les premières propriétés de la projection θ𝜃\theta apparaissent dans la Proposition 2.6. La troisième apparaît plus tard, dans le Théorème 2.11., que nous mentionnons en premier car elles nous servirons pour démontrer un théorème d’Abel inverse à la fin de cette section.

  1. 1.

    La projection θ𝜃\theta induit une application birationnelle de X𝑋X sur son image Xsuperscript𝑋X^{\prime}, qui est une variété de la classe 𝒳𝓇+1,2(ρ)subscript𝒳𝓇1.2𝜌\cal{X}_{r+1,2}(\rho), donc une variété de Veronese d’ordre ρ𝜌\rho.

  2. 2.

    Pour tout aσ(x0)\{a2,,an1}𝑎\𝜎subscript𝑥0subscript𝑎2subscript𝑎𝑛1a\in\sigma(x_{0})\backslash\{a_{2},\ldots,a_{n-1}\}, la projection θ𝜃\theta induit un isomorphisme du germe (X,a)𝑋𝑎(X,a) sur le germe (X,θ(a))superscript𝑋𝜃𝑎(X^{\prime},\theta(a)).

  3. 3.

    Si x(ΣX(a2)ΣX(an1),x0)𝑥subscriptΣ𝑋subscript𝑎2subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑛1subscript𝑥0x\in(\Sigma_{X}(a_{2})\cap\cdots\cap\Sigma_{X}(a_{n-1}),x_{0}), son image par θ𝜃\theta est une courbe rationnelle normale de degré ρ𝜌\rho de Xsuperscript𝑋X^{\prime} et l’application ainsi définie

    τ:(ΣX(a2)ΣX(an1),x0)(ΣX,τ(x0)),:𝜏subscriptΣ𝑋subscript𝑎2subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑛1subscript𝑥0subscriptΣsuperscript𝑋𝜏subscript𝑥0\tau:(\Sigma_{X}(a_{2})\cap\cdots\cap\Sigma_{X}(a_{n-1}),x_{0})\rightarrow(\Sigma_{X^{\prime}},\tau(x_{0})),

    est un isomorphisme.

Nous avons noté ΣX(a)subscriptΣ𝑋𝑎\Sigma_{X}(a) l’ensemble algébrique des xΣX𝑥subscriptΣ𝑋x\in\Sigma_{X} dont le support contient le point a𝑎a de X𝑋X.

Un isomorphisme de Veronese envoie (ΣX,τ(x0))subscriptΣsuperscript𝑋𝜏subscript𝑥0(\Sigma_{X^{\prime}},\tau(x_{0})) sur un germe de la grassmannienne des droites de r+1superscript𝑟1\mathbb{P}^{r+1}. On en déduit que les courbes σ(x)𝜎𝑥\sigma(x), x𝑥x voisin de x0subscript𝑥0x_{0}, qui passent par a2,,an1subscript𝑎2subscript𝑎𝑛1a_{2},\ldots,a_{n-1}, recouvrent (X,a1)𝑋subscript𝑎1(X,a_{1}) et que les droites tangentes Ta1σ(x)subscript𝑇subscript𝑎1𝜎𝑥T_{a_{1}}\sigma(x) de celles qui passent aussi par le point a1subscript𝑎1a_{1}, recouvrent un voisinage de Ta1σ(x0)subscript𝑇subscript𝑎1𝜎subscript𝑥0T_{a_{1}}\sigma(x_{0}) dans Ta1Xsubscript𝑇subscript𝑎1𝑋T_{a_{1}}X.

Les propriétés qui suivent sont des conséquences des précédentes, voir [19] Sections 2.5 et 2.6. L’ensemble des xΣX𝑥subscriptΣ𝑋x\in\Sigma_{X} tels que la courbe σ(x)𝜎𝑥\sigma(x) est admissible est un ouvert lisse et Zariski-dense ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} de ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}. Tout n𝑛n-uplet de points distincts d’une courbe admissible est admissible. L’ensemble des points (dits admissibles) de X𝑋X qui appartiennent à au moins un n𝑛n-uplet admissible, est un ouvert lisse et Zariski-dense Xadmsubscript𝑋admX_{\rm adm} de X𝑋X. C’est la réunion de toutes les courbes admissibles de X𝑋X.

Enfin, si a1,,ansubscript𝑎1subscript𝑎𝑛a_{1},\ldots,a_{n} sont n𝑛n points distincts d’une courbe admissible σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}), les germes (ΣX(aj),x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑗subscript𝑥0(\Sigma_{X}(a_{j}),x_{0}) sont lisses de codimension r𝑟r et se coupent proprement : le germe en x0subscript𝑥0x_{0} de ΣX(a1)ΣX(ap)subscriptΣ𝑋subscript𝑎1subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑝\Sigma_{X}(a_{1})\cap\dots\cap\Sigma_{X}(a_{p}) est lisse de codimension pr𝑝𝑟pr, d’espace tangent en x0subscript𝑥0x_{0} l’intersection Tx0ΣX(a1)Tx0ΣX(ap)subscript𝑇subscript𝑥0subscriptΣ𝑋subscript𝑎1subscript𝑇subscript𝑥0subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑝T_{x_{0}}\Sigma_{X}(a_{1})\cap\cdots\cap T_{x_{0}}\Sigma_{X}(a_{p}).

Soit σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) une courbe admissible et (Z,p)𝑍𝑝(Z,p) un germe d’hypersurface lisse transverse à σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) en p𝑝p. Compte tenu des propriétés qu’on vient de rappeler, le morphisme d’incidence κ:(ΣX,x0)(Z,p):𝜅subscriptΣ𝑋subscript𝑥0𝑍𝑝\kappa:(\Sigma_{X},x_{0})\rightarrow(Z,p) est une submersion et donc définit un feuilletage de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur (ΣX,x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma_{X},x_{0}), dont les feuilles sont des morceaux de variétés de la forme ΣX(a)subscriptΣ𝑋𝑎\Sigma_{X}(a).

Remarquons que si le germe (Z,p)𝑍𝑝(Z,p) était singulier ou s’il n’était pas transverse à σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}), une courbe admissible voisine de σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) générale rencontrerait le germe en plusieurs points et l’incidence ne définirait pas un feuilletage (régulier).

Réciproquement, si \cal{F} est un feuilletage de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) sur (ΣX,x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma_{X},x_{0}) dont les feuilles sont des morceaux de variétés de la forme ΣX(a)subscriptΣ𝑋𝑎\Sigma_{X}(a), ces feuilles définissent un germe d’hypersurface (Z,p)𝑍𝑝(Z,p) avec x0=ΣX(p)subscript𝑥0subscriptΣ𝑋𝑝x_{0}=\Sigma_{X}(p) et compte tenu de ce qu’on vient de dire, ce germe est lisse et transverse à σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}).

Nous avons donc deux définitions équivalentes de ce que nous appelons un feuilletage d’incidence admissible, en un point de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}}.

Si x0ΣX,admsubscript𝑥0subscriptΣ𝑋admx_{0}\in\Sigma_{X,{\rm adm}}, on obtient un d𝑑d-tissu admissible sur (ΣX,x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma_{X},x_{0}) en se donnant d𝑑d germes lisses (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) d’hypersurfaces transverses à la courbe σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) en des points distincts. Il s’agit bien d’un tissu, puisque pn𝑝𝑛p\leq n parmi les variétés ΣX(pj)subscriptΣ𝑋subscript𝑝𝑗\Sigma_{X}(p_{j}) se coupent proprement en x0subscript𝑥0x_{0}, comme on a dit. (Voir la Proposition 4.3 pour une notion peut-être plus générale de tissu d’incidence.)

Nous pouvons donner un contenu rigoureux à la Définition 1.20.

Lemme 4.5.

Soit Z𝑍Z une hypersurface algébrique réduite de X𝑋X, dont toutes les composantes irréductibles rencontrent Xadmsubscript𝑋admX_{\rm adm}. Pour x0ΣX,admsubscript𝑥0subscriptΣ𝑋admx_{0}\in\Sigma_{X,{\rm adm}}, elle définit un tissu admissible sur le germe (ΣX,x0)subscriptΣ𝑋subscript𝑥0(\Sigma_{X},x_{0}), d’ordre son nombre d’intersection avec toute courbe admissible de X𝑋X.

Nous dirons que ces tissus sont des germes du tissu algébrique d’incidence 𝒯𝒵subscript𝒯𝒵\cal{T}_{Z} défini par l’hypersurface Z𝑍Z.

Démonstration.

Il suffit de vérifier qu’une courbe admissible générale rencontre Z𝑍Z transversalement en d𝑑d points distincts de Zregsubscript𝑍regZ_{\rm reg}. C’est une conséquence des Propriétés 1, 2, 3 et du commentaire qui suit leur énoncé : il montre qu’en partant d’une courbe admissible quelconque, des perturbations successives de cette courbe permettent de perturber ses points d’intersection avec Z𝑍Z ainsi que les directions de la courbe en ces points. ∎

Nous avons la version suivante du théorème d’Abel inverse pour la paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}).

Théorème 4.6.

Soit 𝒯𝒯\cal{T} un d𝑑d-tissu d’incidence admissible pour la paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}). S’il possède une relation abélienne complète, c’est un germe d’un tissu algébrique d’incidence pour cette paire, défini par une hypersurface algébrique Z𝑍Z de X𝑋X. Ses relations abéliennes sont induites par les r𝑟r-formes ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}-abéliennes sur Z𝑍Z et celles-ci sont rationnelles.

Démonstration.

Notons κj:(ΣX,x0)(Zj,pj):subscript𝜅𝑗subscriptΣ𝑋subscript𝑥0subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗\kappa_{j}:(\Sigma_{X},x_{0})\rightarrow(Z_{j},p_{j}) les morphismes d’incidence qui définissent le tissu 𝒯𝒯\cal{T} de l’énoncé. Par hypothèse, il existe des r𝑟r-formes lisses ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} sur les germes (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}), non nulles et dont la trace j=1dκjϕjsuperscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜅𝑗subscriptitalic-ϕ𝑗\sum_{j=1}^{d}\kappa_{j}^{\star}\phi_{j} est la forme nulle.

Si n=2𝑛2n=2, le théorème se réduit au théorème d’Abel inverse usuel puisque la paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}) est alors isomorphe à la paire (r+1,𝔾r,2)superscript𝑟1subscript𝔾𝑟.2(\mathbb{P}^{r+1},\mathbb{G}_{r,2}). Nous supposons maintenant n3𝑛3n\geq 3.

Nous nous ramenons au cas n=2𝑛2n=2 grâce à une projection osculatrice θ:XX:𝜃𝑋superscript𝑋\theta:X\dasharrow X^{\prime} définie par des points a1,,an1subscript𝑎1subscript𝑎𝑛1a_{1},\ldots,a_{n-1} de σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}), autres que les pjsubscript𝑝𝑗p_{j}. Nous utilisons les Propriétés 1, 2 et 3 ci-dessus. La variété Xsuperscript𝑋X^{\prime} est une variété de Veronese d’ordre ρ𝜌\rho. Considérons la situation obtenue sur Xsuperscript𝑋X^{\prime} par projection des données.

Sur Xsuperscript𝑋X^{\prime} nous avons d𝑑d germes d’hypersurfaces lisses (Zj,pj)subscriptsuperscript𝑍𝑗subscriptsuperscript𝑝𝑗(Z^{\prime}_{j},p^{\prime}_{j}), transverses à la courbe x0=τ(x0)subscriptsuperscript𝑥0𝜏subscript𝑥0x^{\prime}_{0}=\tau(x_{0}) aux points deux-à-deux distincts pjsubscriptsuperscript𝑝𝑗p^{\prime}_{j}, et sur chaque (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) la r𝑟r-forme lisse non nulle ϕj=(θ|Zj)ϕj\phi^{\prime}_{j}=({\theta_{|Z_{j}}})_{\star}\phi_{j}.

Notons

κj:(ΣX,x0)(Zj,pj):subscriptsuperscript𝜅𝑗subscriptΣsuperscript𝑋subscriptsuperscript𝑥0subscriptsuperscript𝑍𝑗subscriptsuperscript𝑝𝑗\kappa^{\prime}_{j}:(\Sigma_{X^{\prime}},x^{\prime}_{0})\rightarrow(Z^{\prime}_{j},p^{\prime}_{j})

les morphismes d’incidence correspondant à la nouvelle situation.

Dans la situation initiale, les morphismes d’incidence κjsubscript𝜅𝑗\kappa_{j} induisent aussi des morphismes d’incidence

λj:(ΣX(a1)ΣX(an2),x0)(Zj,pj),:subscript𝜆𝑗subscriptΣ𝑋subscript𝑎1subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑛2subscript𝑥0subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗\lambda_{j}:(\Sigma_{X}(a_{1})\cap\cdots\cap\Sigma_{X}(a_{n-2}),x_{0})\rightarrow(Z_{j},p_{j}),

λj=κjιsubscript𝜆𝑗subscript𝜅𝑗𝜄\lambda_{j}=\kappa_{j}\circ\iota et ι𝜄\iota est l’inclusion de ΣX(a1)ΣX(an2)subscriptΣ𝑋subscript𝑎1subscriptΣ𝑋subscript𝑎𝑛2\Sigma_{X}(a_{1})\cap\cdots\cap\Sigma_{X}(a_{n-2}) dans ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}. Par hypothèse, la trace j=1dλjϕj=ι(j=1dκjϕj)superscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜆𝑗subscriptitalic-ϕ𝑗superscript𝜄superscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜅𝑗subscriptitalic-ϕ𝑗\sum_{j=1}^{d}\lambda_{j}^{\star}\phi_{j}=\iota^{\star}(\sum_{j=1}^{d}\kappa_{j}^{\star}\phi_{j}) est nulle.

Comme κj=θ|Zjλjτ1\kappa^{\prime}_{j}=\theta_{|Z_{j}}\circ\lambda_{j}\circ\tau^{-1} pour tout j𝑗j, nous obtenons que la trace

j=1dκjϕj=(τ1)j=1dλjϕjsuperscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscriptsuperscript𝜅𝑗subscriptsuperscriptitalic-ϕ𝑗superscriptsuperscript𝜏1superscriptsubscript𝑗1𝑑superscriptsubscript𝜆𝑗subscriptitalic-ϕ𝑗\sum_{j=1}^{d}{\kappa^{\prime}_{j}}^{\star}\phi^{\prime}_{j}=(\tau^{-1})^{\star}\sum_{j=1}^{d}\lambda_{j}^{\star}\phi_{j}

est nulle au voisinage de τ(x0)𝜏subscript𝑥0\tau(x_{0}) dans ΣXsubscriptΣsuperscript𝑋\Sigma_{X^{\prime}}.

Le théorème est vrai pour la variété de Veronese Xsuperscript𝑋X^{\prime} donc les germes (Zj,τ(x0))subscriptsuperscript𝑍𝑗𝜏subscript𝑥0(Z^{\prime}_{j},\tau(x_{0})) sont contenus dans une hypersurface algébrique Zsuperscript𝑍Z^{\prime}, que nous pouvons supposer minimale pour l’inclusion, et les formes ϕjsubscriptsuperscriptitalic-ϕ𝑗\phi^{\prime}_{j} sont induites par une r𝑟r-forme rationnelle ϕsuperscriptitalic-ϕ\phi^{\prime} sur Zsuperscript𝑍Z^{\prime}.

Remontant à X𝑋X, nous obtenons que l’image (stricte) de Zsuperscript𝑍Z^{\prime} par θ1superscript𝜃1\theta^{-1} est une hypersurface algébrique Z𝑍Z de X𝑋X et ϕ=(θ|Z)ϕ\phi=(\theta_{|Z})^{\star}\phi^{\prime} une r𝑟r-forme rationnelle sur Z𝑍Z, telles que les germes (Zj,pj)subscript𝑍𝑗subscript𝑝𝑗(Z_{j},p_{j}) sont contenus dans Z𝑍Z et que les formes ϕjsubscriptitalic-ϕ𝑗\phi_{j} sont induites par restriction de la forme ϕitalic-ϕ\phi. ∎

Corollaire 4.7.

Soit Z𝑍Z une hypersurface réduite de X𝑋X, sans composante irréductible contenue dans X\Xadm\𝑋subscript𝑋admX\backslash X_{\rm adm}. Les r𝑟r-formes ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}-abéliennes sur Z𝑍Z sont rationnelles.

Étant donné une r𝑟r-forme ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}-abélienne ϕitalic-ϕ\phi sur Z𝑍Z, il suffit d’appliquer le résultat précédent au tissu algébrique 𝒯𝒵subscript𝒯superscript𝒵\cal{T}_{Z^{\prime}}, où Zsuperscript𝑍Z^{\prime} est la réunion des composantes irréductibles de Z𝑍Z sur lesquelles ϕitalic-ϕ\phi n’est pas la forme nulle.

4.5 Démonstration des principaux énoncés

Nous achevons d’abord la démonstration du Théorème 1.22. Les deux autres énoncés sont des conséquences de celui-ci et de [19]. Le lemme suivant se démontre comme le Lemme 4.5. Il montre que le théorème d’Abel inverse précédent peut-être appliqué à un tissu d’incidence sur un germe (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}), voir la Proposition 4.3, même si σ(x0)𝜎subscript𝑥0\sigma(x_{0}) n’est pas une courbe admissible de X𝑋X.

Lemme 4.8.

Soit (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) un germe lisse dans ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}, de même dimension rn𝑟𝑛rn que ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X}, et 𝒯𝒯\cal{T} un tissu d’incidence pour la paire (X,Σ)𝑋superscriptΣ(X,\Sigma^{\prime}). Pour x(Σ,x0)𝑥superscriptΣsubscript𝑥0x\in(\Sigma^{\prime},x_{0}) général, le tissu induit par 𝒯𝒯\cal{T} sur (Σ,x)superscriptΣ𝑥(\Sigma^{\prime},x) est admissible.

Démonstration du Théorème 1.22.

Nous pouvons supposer que le d𝑑d-tissu 𝒯𝒯\cal{T}, de type (r,n)𝑟𝑛(r,n) et de rang maximal, de variété de Blaschke X𝑋X, est défini sur un germe lisse (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) contenu dans ΣXsubscriptΣ𝑋\Sigma_{X} et de même dimension.

Le tissu 𝒯𝒯\cal{T} admet une relation abélienne complète. En effet, il admet q(d)+1𝑞𝑑1q(d)+1 relations abéliennes dont les 00-jets sont linéairement indépendants quand ses sous-tissus propres en admettent au plus q(d)𝑞𝑑q(d). Une combinaison linéaire convenable de ces relations est donc complète.

Compte tenu du Théorème 4.6 et du lemme précédent, le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est un germe d’un tissu algébrique d’incidence pour la paire (X,ΣX)𝑋subscriptΣ𝑋(X,\Sigma_{X}), ce qui donne le résultat. ∎

Démonstration du Théorème 1.23.

Nous continuons avec les hypothèses et les notations de la démonstration précédente.

Nous savons que le tissu 𝒯={1,,𝒹}𝒯subscript1subscript𝒹\cal{T}=\{\cal{F}_{1},\ldots,\cal{F}_{d}\} détermine une Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure sur le germe lisse (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) où il est défini, dont les feuilles des feuilletages 𝒿subscript𝒿\cal{F}_{j} sont des sous-variétés distinguées. De plus, le tissu est isomorphe à un germe d’un tissu algébrique grassmannien si et seulement si cette structure est intégrable.

D’autre part, voir [19] Théorème 4.4, la variété ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} admet une Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure, déterminée par le fait que les variétés

ΣX(p)={xΣX,pσ(x)},pX,formulae-sequencesubscriptΣ𝑋𝑝formulae-sequence𝑥subscriptΣ𝑋𝑝𝜎𝑥𝑝𝑋\Sigma_{X}(p)=\{x\in\Sigma_{X},\;\;p\in\sigma(x)\},\qquad p\in X,

induisent des sous-variétés distinguées sur ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}}. Il est clair, de par leurs caractérisations, que les deux structures ci-dessus coïncident sur ΣΣX,admsuperscriptΣsubscriptΣ𝑋adm\Sigma^{\prime}\cap\Sigma_{X,{\rm adm}}, un ouvert dense de (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}). Si la Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} est intégrable, la structure définie par le tissu 𝒯𝒯\cal{T} est intégrable sur un ouvert dense de (Σ,x0)superscriptΣsubscript𝑥0(\Sigma^{\prime},x_{0}) et donc au voisinage de x0subscript𝑥0x_{0} car, comme il s’agit d’une GG\rm G-structure de type fini, la propriété d’être intégrable au voisinage d’un point est fermée. D’où le théorème. ∎

Démonstration du Théorème 1.18.

Le cas n=2𝑛2n=2 a déjà été traité.

Le théorème est alors une conséquence immédiate d’un résultat essentiel, le Corollaire 3.8 de [19], dont le sens est que si X𝑋X est une variété de la classe 𝒳𝓇+1,𝓃(𝓆)subscript𝒳𝓇1𝓃𝓆\cal{X}_{r+1,n}(q) avec q2n3𝑞2𝑛3q\neq 2n-3, la Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} est intégrable.

Pour être précis, ce corollaire affirme que si q2n3𝑞2𝑛3q\neq 2n-3, la variété X𝑋X est «  intégrable   », une notion provisoire. Elle est alors «  standard   »  d’après [19] Lemme 3.13, ce qui implique que la Gr,nsubscriptG𝑟𝑛{\rm G}_{r,n}-structure de ΣX,admsubscriptΣ𝑋adm\Sigma_{X,{\rm adm}} est intégrable d’après [19] Théorème 4.4. ∎

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