Groupe de Brauer non ramifié d’espaces homogènes de tores
Let be a field, a smooth, projective -variety. If is geometrically rational, there is an injective map from the quotient of Brauer groups into the first Galois cohomology group of the lattice given by the geometric Picard group. In this note, where the main attention is on smooth compactifications of homogeneous spaces of algebraic -tori, we show how under some hypotheses the map is onto, and how one may in some special case exhibit concrete generators in . This is applied to the analysis of counterexamples to the local-global principle for norms in biquadratic extensions of number fields.
Introduction
Soient un corps de caractéristique zéro, une clôture algébrique de et . Soient une -variété projective, lisse, géométriquement connexe et .
On s’intéresse au groupe de Brauer , qu’on peut aussi définir comme le groupe de Brauer non ramifié du corps des fonctions de .
Le groupe de Brauer algébrique est par définition le noyau de la restriction . Si est -birationnelle à un espace projectif, alors , et .
On sait (voir [4, (1.5.0)]) que le groupe s’insère dans une suite exacte
Déterminer si une classe dans se relève dans est un premier problème. Quand on sait qu’il existe un relèvement, exhiber un élément concret dans relevant la classe, et permettant des calculs numériques, peut être un problème, quand tout ce que l’on connaît explicitement est un ouvert non vide de , mais pas la -variété elle-même.
Si possède un point -rationnel, la suite ci-dessus donne un isomorphisme
et une suite exacte courte
Même dans ce cas, et même si l’on s’est donné le -point rationnel, si l’on ne connaît pas de façon explicite, trouver un relèvement concret d’un élément de peut aussi être un problème.
Un exemple d’une telle situation se présente lorsque l’on étudie les compactifications lisses , resp. , d’un -tore , resp. d’un espace homogène principal de .
On considère une extension biquadratique , un élément et la -variété définie par l’équation
où désigne la norme de à . Pour , ceci définit le -tore . On sait que l’on a . Mais on ne sait pas écrire de façon naturelle un générateur dans (voir la remarque 1.2).
Pour quelconque, on a , et on n’a pas de façon systématique pour décider si le quotient vaut et si c’est le cas trouver un représentant du générateur dans .
Le but de cette note est de montrer comment dans certains cas on peut contourner ces problèmes.
Le cas considéré aux paragraphes 4 et 5 permet à de la Bretèche et Browning [1] de donner des estimations asymptotiques sur le nombre de contre-exemples au principe de Hasse.
Dans tout l’article, est un corps de caractéristique zéro, est une clôture algébrique de et .
1 Variétés qui deviennent rationnelles après une extension cyclique du corps de base
Dans cette section nous décrivons un cas où l’application
est surjective, que ait un point rationnel ou non. On dit qu’une -variété intègre est -rationnelle si son corps des fonctions est transcendant pur sur .
Proposition 1.1.
Soit une -variété projective lisse géométriquement connexe. Supposons qu’il existe une extension finie cyclique et une -variété intègre telle que soit une -variété -rationnelle. Alors :
(a) On a une suite exacte
(b) On a une suite exacte
(c) Tout élément de se relève en un élément du sous-groupe qui s’écrit avec
et .
Démonstration.
Soit . Fixons un plongement , d’où une application quotient surjective . On compare les suites exactes déduites des suites spectrales
et
On a donc le diagramme commutatif de suites exactes
(1.1) |
Comme est cyclique, on a et ce dernier groupe est nul d’après le théorème 90 de Hilbert.
Soit . L’hypothèse faite sur la -variété implique qu’elle possède un -point et que le -module est un facteur direct d’un module de permutation ([4, Prop. 2.A.1]). Le premier fait implique . Le second implique . La suite exacte naturelle
devient un isomorphisme
L’hypothèse faite sur implique qu’il existe un entier et une -application rationnelle dominante de vers qui admet une section sur un ouvert de . Ceci suffit à assurer . On a ainsi établi les énoncés (a) et (b). En ce qui concerne (c), on sait que pour toute extension galoisienne de groupe , on a un isomorphisme naturel (voir [3, Lemme 14, p. 213])
Pour cyclique, la périodicité de la cohomologie des groupes finis cycliques associe au choix d’un générateur de un isomorphisme entre le dernier groupe et
c’est-à-dire
Remarque 1.2.
Le tore associé à une extension biquadratique de , après extension du corps de base de à , est -isomorphe à la -variété définie par
Cette -variété est -isomorphe à la -variété affine d’équation
Cette variété est clairement -rationnelle : elle est -birationnelle au produit d’une droite et d’une quadrique lisse dans , quadrique possédant un point -rationnel, et donc -birationnelle à .
La proposition s’applique. On a et un argument abstrait ([5, Prop. 9.5]) montre que ce dernier groupe est isomorphe à . Suivre cet isomorphisme n’est pas simple. Mais surtout, faute de bien connaître une compactification lisse explicite de , on ne connaît pas de faco̧n explicite la suite exacte de -modules
et donc on ne voit pas comment calculer l’image de l’application de groupes de cohomologie de Tate
Ainsi il n’est pas évident d’exhiber une fonction telle que le générateur de soit donné par .
2 Réduction des tores aux tores coflasques
On a une dualité bien connue entre les -tores algébriques et les -réseaux de type fini, associant à un -tore son groupe des caractères sur . Pour tout -tore il existe une (plus petite) extension finie galoisienne de , telle que l’action de sur se factorise par . On dit que déploie et .
Un -tore quasitrivial est un -tore dont le groupe des caractères est un -module de permutation. Un tel tore est un produit de -tores pour diverses extensions séparables de corps . Un -tore quasitrivial est -isomorphe à un ouvert d’un espace affine , et est donc une -variété -rationnelle. Un tel -tore satisfait et (lemme de Shapiro et théorème 90 de Hilbert).
Un -tore est dit coflasque (voir [5]) si pour tout sous-groupe ouvert on a .
Étant donné un -réseau (groupe abélien libre de type fini équipé d’une action continue discrète de ), on définit comme le sous-groupe de formé des classes dont la restriction à tout sous-groupe fermé procyclique de est nulle. Si l’extension finie de groupe déploie le -réseau , alors
Pour un -module de permutation, on a .
Pour un corps de nombres, l’ensemble de ses places, et un -tore, pour tout entier naturel , on définit
Pour un tore quasitrivial, il résulte du lemme de Shapiro et de la théorie du corps de classes que l’on a .
Proposition 2.1.
Soit un -tore.
(a) Il existe une suite exacte de -tores
avec un -tore quasitrivial et un -tore coflasque.
(b) Toute telle suite exacte est génériquement scindée, le -tore est -birationnel au produit . Ainsi tout -tore est stablement -birationnel à un -tore coflasque.
(c) Si l’on se donne deux suites exactes comme en (a)
et
alors il existe un -isomorphisme de -tores
(d) La suite de caractères
duale de la suite en (a) induit un isomorphisme naturel
(e) Soit , resp. , une compactification lisse du -tore , resp. du -tore . La projection induit un isomorphisme .
(f) Si est un corps local, tout espace principal homogène sous un -tore coflasque est trivial. Ainsi .
(g) Si est un corps de nombres, on a des isomorphismes
et
Démonstration.
Pour (a), voir [5, Prop. 1.3 (1.2.4) p. 158]. Par le théorème 90 de Hilbert et le lemme de Shapiro, tout torseur sur une -variété intègre sous un -tore quasitrivial est génériquement scindé. Comme en outre un -tore quasitrivial est une -variété -rationnelle, ceci établit (b). Pour (c), voir [5, Lemma 0.6 (0.6.4)) p. 155]. On a la suite duale de groupes de caractères
qui est une suite exacte de modules galoisiens. Comme est un module de permutation, on a pour tout sous-groupe ouvert et . Une chasse au diagramme immédiate donne alors (d).
Pour tout -tore , on a la formule ([5, Prop. 9.5]). L’énoncé (e) résulte alors de (d).
Prouvons (f). Pour un corps local et un -tore , les groupes finis et sont en dualité (Tate–Nakayama). Si le -tore est coflasque, alors et donc .
Démontrons (g). Pour un corps de nombres et un -tore quasitrivial, on a et . La suite exacte (a) donne donc . Par ailleurs (f) donne
Nous aurons besoin de la proposition suivante.
Proposition 2.2.
[6, Lemme 2.1] Soient un -tore et un -espace principal homogène sous . Soit une -compactification projective, lisse, équivariante, de . Le produit contracté est une -compactification lisse équivariante de .
(a) Il existe un isomorphisme naturel de modules galoisiens
(b) Il y a un isomorphisme .
(c) On a des suites exactes
On a donc une suite exacte
3 Le tore des éléments de norme 1 d’une extension biquadratique et un tore coflasque associé
Soit une extension biquadratique. On a donc . Soit le -tore noyau de la norme
Soit le -tore noyau défini par la suite exacte
où parcourt les trois sous-extensions quadratiques de , et où la flèche vers est le produit des trois normes d’extensions quadratiques de .
Proposition 3.1.
(a) Le -tore est coflasque.
(b) Il existe un diagramme commutatif de groupes de type multiplicatif
(3.1) |
où les deux colonnes verticales de droite sont celles définissant et , et la flèche est induite par chacune des inclusions naturelles .
(c) Notons . La suite exacte
induite par la suite exacte supérieure s’écrit
la flèche étant induite par .
(d) On a
(e) Pour toute compactification lisse d’un espace principal homogène de , on a .
(f) Si est un espace principal homogène de dont la classe dans a une image nulle dans , i.e. si cette classe est dans l’image de , alors pour toute compactification lisse de , on a .
Démonstration.
L’énoncé (a) se voit sur les groupes de caractères. On laisse au lecteur le soin d’étudier le diagramme de groupes de caractères pour identifier les termes non évidents dans le diagramme (b). Une fois ceci établi, l’énoncé (c) est immédiat. Il en est de même de l’énoncé (d). Tout espace principal homogène de s’écrit
avec . Sur l’extension cyclique , une telle variété est -rationnelle. D’après la proposition 1.1, on a donc
D’après la proposition 2.2, on a Enfin, d’après ([5, Prop. 9.5]), le groupe est isomorphe à Ceci établit (e). Soit comme en (f), et soit un espace principal homogène de dont l’image par est la classe de dans ce dernier groupe. La fibration est un torseur sour , le corps des fonctions de est donc purement transcendant sur celui de . Ceci implique que l’application est un isomorphisme, et établit (f).
4 Un générateur explicite pour le groupe de Brauer non ramifié des espaces homogènes de ce tore coflasque
Théorème 4.1.
Soit un corps de caractéristique nulle, et soient . Considérons la -variété définie par l’équation affine
Soit son corps des fonctions. Soit une -compactification lisse de .
(i) Le quotient est nul si l’un des est un carré, il est égal à sinon.
(ii) L’algèbre de quaternions est non ramifiée sur , et elle engendre le groupe .
Démonstration.
Si , , ou est un carré dans , alors est -rationnelle, et .
Soit un anneau de valuation discrète (de rang 1) de corps des fractions , contenant . Soit le corps résiduel de et
l’application résidu.
On a . Si ou est un carré dans , alors . Sinon, chacune des extensions et est non ramifiée et inerte de degré 2 au-dessus de , donc les entiers et sont pairs. De l’équation on déduit pair (ce qui est évident si n’est pas un carré dans .). Ainsi pour tout , et .
Supposons que ni , ni , ni ne sont des carrés dans . Montrons que la classe n’appartient pas à .
Considérons la projection de vers l’espace affine de coordonnées . La fibre générique est la conique
D’après Witt ([11], Satz, S. 465) (pour la généralisation par Amitsur, voir [7, Thm. 5.4.1]), le noyau de est d’ordre au plus 2, engendré par la classe de l’algèbre de quaternions
Pour montrer que n’appartient pas à , il suffit donc de voir que la classe n’appartient pas au sous-groupe engendré par et
Les hypothèses assurent que et sont intègres et que , resp. , n’est pas un carré dans le corps résiduel de , resp. .
Le résidu de en est la classe de , qui est non nulle. Donc
Le résidu de en est nul, mais le résidu de en est , qui est non nul. On a donc
La -variété est un espace principal homogène sous le -tore défini par
D’après la proposition 3.1 (e), on a . Ceci conclut la démonstration.
5 Une application numérique
Proposition 5.1.
Soient un corps de nombres et . Considérons la -variété définie par l’équation affine
Soit une -compactification lisse de .
(a) Pour toute place de , on a .
(b) Soit défini par . Cet élément engendre .
(c) S’il existe une place telle qu’aucun des ne soit un carré dans , alors .
(d) Supposons qu’en toute place de l’un au moins des ou est un carré dans le complété , alors pour toute famille adélique , on a
La nullité de cet élément est alors une condition nécessaire et suffisante pour l’existence d’un -point sur et .
Démonstration.
(a) Le -tore défini par
est coflasque (Prop. 3.1 (a)). La -variété est un espace principal homogène de . Par la proposition 2.1 (f), on a donc pour toute place de , ce qui donne (a).
L’énoncé (b) a fait l’objet du théorème 4.1.
(c) Si en une place l’extension est biquadratique, alors l’élément engendre d’après le théorème 4.1. Il résulte alors de [3, Cor. 1, p. 217] que prend deux valeurs distinctes sur . Notons que implique que est -isomorphe au -tore . Comme est d’exposant 2, ceci implique qu’il existe un adèle tel que
Comme engendre , il n’y a pas d’obstruction de Brauer–Manin pour la compactification lisse de l’espace homogène sous le -tore . D’après Sansuc [8, Cor. 8.7]), ceci implique .
Démontrons (d). Soit une place de . On a l’inclusion . Si , alors . Si , alors . Si , alors est l’image de Ceci donne la première égalité. La seconde égalité provient de la loi de réciprocité de la théorie du corps de classes global. Le dernier énoncé résulte alors de (b), et du résultat de Sansuc [8, Cor. 8.7]).
Remarque 5.2.
Voici une démonstration directe du point (a), communiquée par V. Suresh. Pour toute place et tout triplet d’éléments de , et toute place , l’un des trois symboles est nul. En effet leur somme est nulle, et ils valent soit soit .
Il est ainsi facile de fabriquer des contre-exemples au principe de Hasse classique pour des variétés données par . Sur le corps , on sait bien qu’en toute place soit , soit , soit est un carré. On prend , . On cherche tel que
Ceci donne
(Noter que est un carré dans et dans ). Par la loi de réciprocité, la condition non carré dans le corps fini se traduit : est non carré dans .
Si l’on prend un nombre premier non carré dans et non carré dans , la somme se réduit à . Le nombre premier convient. Ainsi :
est un contre-exemple au principe de Hasse, et la combinaison des propositions 2.1 et 3.1 montre que
est un contre-exemple au principe de Hasse.
Pour des calculs similaires, on consultera Sansuc [9].
Références
- [1] R. de la Bretèche et T. Browning, Contre-exemples au principe de Hasse pour certains tores coflasques, article en préparation.
- [2] J.W.S. Cassels et A. Fröhlich, Exercise 5, p. 360, Algebraic Number Theory, Academic Press, London, 1967.
- [3] J.-L. Colliot-Thélène et J.-J. Sansuc, La R-équivalence sur les tores, Ann. Sci. Éc. Norm. Sup. 4ème Série 10 (1977) 175–229.
- [4] J.-L. Colliot-Thélène et J.-J. Sansuc, La descente sur les variétés rationnelles, II. Duke Math. J. (1987).
- [5] J.-L. Colliot-Thélène et J.-J. Sansuc, Principal homogeneous spaces under flasque tori: applications, Journal of Algebra 106 (1987) 148–205.
- [6] J.-L. Colliot-Thélène, D. Harari et A. N. Skorobogatov, Valeurs d’un polynôme à une variable représentés par une norme, in “Number Theory and Algebraic Geometry”, Miles Reid et Alexei Skorobogatov éd., London Mathematical Society Lecture Notes series 303 (2003) 69–89.
- [7] P. Gille et T. Szamuely, Central simple algebras and Galois cohomology, Cambridge Studies in Advanced Mathematics 101. Cambridge University Press (2006).
- [8] J.-J. Sansuc, Groupe de Brauer et arithmétique des groupes algébriques linéaires sur un corps de nombres, Journal für die reine und angew. Math. (Crelle) 327 (1981).
- [9] J.-J. Sansuc, Séminaire de théorie des nombres de Bordeaux 1981-1982, exposé no. 33 (14 mai 1981).
- [10] D. Wei, The unramified Brauer group of norm one tori, preprint 2012, arXiv:1202.4714v2 [math.NT]
- [11] E. Witt, Über ein Gegenbeispiel zum Normensatz, Math. Z. 39 (1935) 462–467. Gesammelte Abhandlungen, Springer 1998, 63–68.