Existence des diviseurs dicritiques,
d’après S.S. Abhyankar.

Vincent Cossart, Mickaël Matusinski, Guillermo Moreno-Socías
(1er mars 2013)

À la mémoire de Shreeram Shankar Abhyankar (1930–2012)


INTRODUCTION

Soit (f,g)𝑓𝑔(f,g) un couple de polynômes de [X,Y]𝑋𝑌\mathbb{C}[X,Y]. On considère leurs homogénéisés (F,G)[X,Y,Z]𝐹𝐺𝑋𝑌𝑍(F,G)\in\mathbb{C}[X,Y,Z] premiers entre eux et de même degré.

On a alors une fonction de 21subscriptsuperscript2subscriptsuperscript1\mathbb{P}^{2}_{\mathbb{C}}\longrightarrow\mathbb{P}^{1}_{\mathbb{C}}, (X;Y;Z)(F(X,Y,Z);G(X,Y,Z))𝑋𝑌𝑍𝐹𝑋𝑌𝑍𝐺𝑋𝑌𝑍(X;Y;Z)\longrightarrow(F(X,Y,Z);G(X,Y,Z)). Cette fonction n’est bien sûr pas définie aux points base du pinceau F,G𝐹𝐺\langle F,G\rangle, mais on peut la définir sur une surface obtenue à partir de 2subscriptsuperscript2\mathbb{P}^{2}_{\mathbb{C}} en éclatant les points base. Les diviseurs dicritiques de F,G𝐹𝐺\langle F,G\rangle sont les diviseurs exceptionnels tels que l’application restreinte à ces diviseurs est surjective (voir Définition 3.1). Ces diviseurs ont un rôle crucial dans le problème jacobien [TW94].

On retrouve les diviseurs dicritiques chez d’autres auteurs sous des qualificatifs différents : diviseurs horizontaux chez Campillo–Reguera–Piltant [CPR05, Definition 4] et, dans un cadre plus général, diviseurs associés à des valuations de Rees de l’idéal des points base du pinceau F,G𝐹𝐺\langle F,G\rangle chez I. Swanson [Swa11, Definition 1.1][HS06, Ex. 14.18], voir 2.2 ci-dessous.

Abhyankar a donné une définition des diviseurs dicritiques qui généralise et algébrise la définition géométrique précédente dans le cas local ([Abh10, Note (5.6)] et Définition 1.1 ci-dessous) et dans le cas polynomial ([Abh10, Definition (5.1)] et Définition 3.3 ci-dessous). En suivant son exposé [Abh10, Section 5], nous donnons des interprétations géométriques des diviseurs dicritiques et des preuves nouvelles de leur existence.

Nous remercions Olivier Piltant pour ses explications et ses nombreux croquis qui nous ont permis de donner une nouvelle généralisation 3.8 du théorème d’Abhyankar–Luengo [AL11, Theorems (1.1), (7.1), (7.2), (7.3)] et une preuve géométrique de l’existence des dicritiques 2.2.

C’est un article de mise au point avec un point de vue résolument géométrique. Le seul résultat nouveau est 3.9 qui donne un éclairage géométrique au théorème d’Abhyankar–Luengo et généralise le théorème de connexité de [TW94] p. 377.

1 Cas local

Tout au long de cette section, on note R𝑅R un anneau local régulier de dimension 222, 𝔪𝔪\mathfrak{m} son idéal maximal et K:=R/𝔪assign𝐾𝑅𝔪K:=R/\mathfrak{m} son corps résiduel. L’anneau de valuation V𝑉V désigne un diviseur premier de R𝑅R, c’est-à-dire, un anneau de valuation discrète dominant R𝑅R avec extension résiduelle transcendante. On note 𝔪vsubscript𝔪𝑣\mathfrak{m}_{v} son idéal maximal et Kv:=V/𝔪vassignsubscript𝐾𝑣𝑉subscript𝔪𝑣K_{v}:=V/\mathfrak{m}_{v} son corps résiduel. La projection canonique est Hv:VKv:subscript𝐻𝑣𝑉subscript𝐾𝑣H_{v}:V\longrightarrow K_{v}, où K𝐾K est identifié à Hv(R)subscript𝐻𝑣𝑅H_{v}(R). Sous ces conditions, nous écrivons Kv=K(t)subscript𝐾𝑣superscript𝐾𝑡K_{v}=K^{\prime}(t)Ksuperscript𝐾K^{\prime} est la clôture algébrique relative de K𝐾K dans Kvsubscript𝐾𝑣K_{v}, et t𝑡t est transcendant sur K𝐾K. Et QF(R)QF𝑅\operatorname{QF}(R) désigne le corps de fractions de R𝑅R.

Définition 1.1.

Soit zQF(R)𝑧QF𝑅z\in\operatorname{QF}(R), z0𝑧0z\neq 0. On appelle diviseur dicritique de z𝑧z dans R𝑅R tout diviseur premier V𝑉V de R𝑅R tel que zV𝑧𝑉z\in V et Hv(z)subscript𝐻𝑣𝑧H_{v}(z) est transcendant sur K𝐾K.

Proposition 1.2.

Tout zQF(R)𝑧QF𝑅z\in\operatorname{QF}(R) non nul a un nombre fini de diviseurs dicritiques, nombre qui est nul si et seulement si zR𝑧𝑅z\in R ou 1/zR1𝑧𝑅1/z\in R.

Preuve .

Si zR𝑧𝑅z\in R ou 1/zR1𝑧𝑅1/z\in R, alors Hv(z)Ksubscript𝐻𝑣𝑧𝐾H_{v}(z)\in K pour tout diviseur premier V𝑉V. Donc z𝑧z ne peut avoir de diviseur dicritique.

Désormais, on suppose zR𝑧𝑅z\notin R et 1/zR1𝑧𝑅1/z\notin R. Comme zR𝑧𝑅z\notin R et 1/zR1𝑧𝑅1/z\notin R, on a z=f/g𝑧𝑓𝑔z=f/g, fraction irréductible avec f,g𝔪{0}𝑓𝑔𝔪0f,g\in\mathfrak{m}\smallsetminus\{0\}. On définit la suite d’éclatements suivante :

W0=Spec(R)W1W2WnW_{0}=\operatorname{Spec}(R)\longleftarrow W_{1}\longleftarrow W_{2}\longleftarrow\leavevmode\nobreak\ \leavevmode\nobreak\ \cdots\leavevmode\nobreak\ \leavevmode\nobreak\ \longleftarrow W_{n}

centrés en xiWisubscript𝑥𝑖subscript𝑊𝑖x_{i}\in W_{i}, 0in10𝑖𝑛10\leqslant i\leqslant n-1, x0=x=𝔪subscript𝑥0𝑥𝔪x_{0}=x=\mathfrak{m}, xisubscript𝑥𝑖x_{i} se projetant sur xi1subscript𝑥𝑖1x_{i-1}, 0in10𝑖𝑛10\leqslant i\leqslant n-1 et tel que Iisubscript𝐼𝑖I_{i} le transformé faible de I0=(f,g)subscript𝐼0𝑓𝑔I_{0}=(f,g) ne soit pas principal en xisubscript𝑥𝑖x_{i} mais que Insubscript𝐼𝑛I_{n} soit principal en tout point de Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} se projetant sur xn1subscript𝑥𝑛1x_{n-1}. Montrons que le diviseur exceptionnel E𝐸E de Wn1Wnsubscript𝑊𝑛1subscript𝑊𝑛W_{n-1}\longleftarrow W_{n} est dicritique. En xn1subscript𝑥𝑛1x_{n-1}, on note In1=(fn1,gn1)subscript𝐼𝑛1subscript𝑓𝑛1subscript𝑔𝑛1I_{n-1}=(f_{n-1},g_{n-1})fn1=f/Mn1subscript𝑓𝑛1𝑓subscript𝑀𝑛1f_{n-1}=f/M_{n-1}, gn1=g/Mn1subscript𝑔𝑛1𝑔subscript𝑀𝑛1g_{n-1}=g/M_{n-1} et Mn1subscript𝑀𝑛1M_{n-1} est un monôme de composantes exceptionnelles. On montre par récurrence sur n𝑛n que fn1subscript𝑓𝑛1f_{n-1} et gn1subscript𝑔𝑛1g_{n-1} sont premiers entre eux en tout point de E𝐸E, avec EWn𝐸subscript𝑊𝑛E\subseteq W_{n}. Montrons que fn1subscript𝑓𝑛1f_{n-1} et gn1subscript𝑔𝑛1g_{n-1} sont de même ordre 𝔪n1subscript𝔪𝑛1\mathfrak{m}_{n-1}-adique. Sinon, par exemple ord𝔪n1(fn1)<ord𝔪n1(gn1)subscriptordsubscript𝔪𝑛1subscript𝑓𝑛1subscriptordsubscript𝔪𝑛1subscript𝑔𝑛1\operatorname{ord}_{\mathfrak{m}_{n-1}}(f_{n-1})<\operatorname{ord}_{\mathfrak{m}_{n-1}}(g_{n-1}). On note i=ord𝔪n1(gn1)ord𝔪n1(fn1)𝑖subscriptordsubscript𝔪𝑛1subscript𝑔𝑛1subscriptordsubscript𝔪𝑛1subscript𝑓𝑛1i=\operatorname{ord}_{\mathfrak{m}_{n-1}}(g_{n-1})-\operatorname{ord}_{\mathfrak{m}_{n-1}}(f_{n-1}). Alors, en xnXnsubscript𝑥𝑛subscript𝑋𝑛x_{n}\in X_{n} sur le transformé strict fnsubscript𝑓𝑛f_{n} de fn1subscript𝑓𝑛1f_{n-1}, on a In=(fn,tign)subscript𝐼𝑛subscript𝑓𝑛superscript𝑡𝑖superscriptsubscript𝑔𝑛I_{n}=(f_{n},t^{i}g_{n}^{\prime})t𝑡t est une équation locale de E𝐸E et gnsuperscriptsubscript𝑔𝑛g_{n}^{\prime} le transformé strict de gn1subscript𝑔𝑛1g_{n-1}. Si Insubscript𝐼𝑛I_{n} était principal en xnsubscript𝑥𝑛x_{n}, alors fnsubscript𝑓𝑛f_{n} diviserait gnsuperscriptsubscript𝑔𝑛g_{n}^{\prime}, et cela contredirait l’hypothèse que fn1subscript𝑓𝑛1f_{n-1} et gn1subscript𝑔𝑛1g_{n-1} sont premiers entre eux en xn1subscript𝑥𝑛1x_{n-1}. Donc, en tout point de E𝐸E, on a In=(fn,gn)subscript𝐼𝑛subscript𝑓𝑛subscript𝑔𝑛I_{n}=(f_{n},g_{n})fnsubscript𝑓𝑛f_{n} et gnsubscript𝑔𝑛g_{n} sont les transformés stricts de fn1subscript𝑓𝑛1f_{n-1} et gn1subscript𝑔𝑛1g_{n-1}. Soit y1Esubscript𝑦1𝐸y_{1}\in E avec fn(y1)=0subscript𝑓𝑛subscript𝑦10f_{n}(y_{1})=0 et y2Esubscript𝑦2𝐸y_{2}\in E avec gn(y2)=0subscript𝑔𝑛subscript𝑦20g_{n}(y_{2})=0. Remarquons que y1y2subscript𝑦1subscript𝑦2y_{1}\neq y_{2}. Sinon, en y1subscript𝑦1y_{1}, Insubscript𝐼𝑛I_{n} étant principal, par exemple fnsubscript𝑓𝑛f_{n} diviserait gnsubscript𝑔𝑛g_{n}; alors fnsubscript𝑓𝑛f_{n} et gnsubscript𝑔𝑛g_{n} auraient une composante commune dans 𝒪Wn,y1subscript𝒪subscript𝑊𝑛subscript𝑦1\mathcal{O}_{W_{n},y_{1}} et donc fn1subscript𝑓𝑛1f_{n-1} et gn1subscript𝑔𝑛1g_{n-1} en auraient une dans 𝒪Wn1,xn1subscript𝒪subscript𝑊𝑛1subscript𝑥𝑛1\mathcal{O}_{W_{n-1},x_{n-1}}. On a z(y1)=0𝑧subscript𝑦10z(y_{1})=0 et z(y2)=𝑧subscript𝑦2z(y_{2})=\infty; donc E𝐸E est dicritique.

Malheureusement, ce procédé ne donne pas tous les diviseurs dicritiques. Montrons néanmoins qu’il n’y en a qu’un nombre fini. Soit

(1) W0=Spec(R)W,subscript𝑊0Spec𝑅𝑊W_{0}=\operatorname{Spec}(R)\leftarrow\cdots\leftarrow W,

Wi1Wisubscript𝑊𝑖1subscript𝑊𝑖W_{i-1}\leftarrow W_{i} est cette fois-ci l’éclatement de tous les points fermés yWi1𝑦subscript𝑊𝑖1y\in W_{i-1} où le transformé faible de I𝐼I n’est pas 𝒪Wi1,ysubscript𝒪subscript𝑊𝑖1𝑦\mathcal{O}_{W_{i-1},y}. Il est connu que cet algorithme est fini [Gir83, Lemme 2.1.1.].

Soit V𝑉V un diviseur dicritique pour z𝑧z. Par le critère valuatif de propreté, V𝑉V a un centre A𝐴A sur W𝑊W, c’est-à-dire, R=𝒪W0,x0𝒪W,AV𝑅subscript𝒪subscript𝑊0subscript𝑥0subscript𝒪𝑊𝐴𝑉R=\mathcal{O}_{W_{0},x_{0}}\subseteq\mathcal{O}_{W,A}\subseteq V et 𝔪v𝒪W,A=𝔪Asubscript𝔪𝑣subscript𝒪𝑊𝐴subscript𝔪𝐴\mathfrak{m}_{v}\cap\mathcal{O}_{W,A}=\mathfrak{m}_{A}. Si A𝐴A est le point générique d’une courbe E𝐸E, alors E𝐸E est exceptionnelle et 𝒪W,A=Vsubscript𝒪𝑊𝐴𝑉\mathcal{O}_{W,A}=V. Sinon, A𝐴A est un point fermé et z=f/g𝑧superscript𝑓superscript𝑔z=f^{\prime}/g^{\prime} avec (f,g)superscript𝑓superscript𝑔(f^{\prime},g^{\prime}) transformé faible de (f,g)𝑓𝑔(f,g) en A𝐴A. Mais par construction de W𝑊W, fsuperscript𝑓f^{\prime} ou gsuperscript𝑔g^{\prime} est inversible en A𝐴A. Donc z𝑧z ou 1/z1𝑧1/z appartient à 𝒪W,Asubscript𝒪𝑊𝐴\mathcal{O}_{W,A} : Hv(z)subscript𝐻𝑣𝑧H_{v}(z) ou Hv(1/z)subscript𝐻𝑣1𝑧H_{v}(1/z) appartient à 𝒪W,A/𝔪Asubscript𝒪𝑊𝐴subscript𝔪𝐴\mathcal{O}_{W,A}/\mathfrak{m}_{A} qui est algébrique su K=R/𝔪𝐾𝑅𝔪K=R/\mathfrak{m}, V𝑉V n’est pas dicritique pour z𝑧z.

Les diviseurs dicritiques sont donc parmi les 𝒪W,ηsubscript𝒪𝑊𝜂\mathcal{O}_{W,\eta} avec η𝜂\eta point générique d’une composante exceptionnelle : il y en a un nombre fini.

Dans [Abh10], on trouvera une autre preuve de 1.2 avec des arguments plus algébriques et extrêmement informatifs d’Abhyankar. La rédaction étant très concise, nous proposons ici une nouvelle rédaction plus détaillée.

Montrons que :

Lemme 1.3.
111Nous remercions le rapporteur qui remarqua que l’hypothèse R𝑅R factoriel est suffisante pour ce lemme.

Soient R𝑅R un anneau factoriel et zQF(R)𝑧QF𝑅z\in\operatorname{QF}(R) avec zR𝑧𝑅z\notin R et 1/zR1𝑧𝑅1/z\notin R. V𝑉V est un diviseur premier de R𝑅R. Et étant donnée une variable abstraite Z𝑍Z, il existe un homomorphisme surjectif

h:R[z]K[Z]:𝑅delimited-[]𝑧𝐾delimited-[]𝑍h:R[z]\longrightarrow K[Z]

défini par zZmaps-to𝑧𝑍z\mapsto Z et xHv(x)maps-to𝑥subscript𝐻𝑣𝑥x\mapsto H_{v}(x) pour tout xR𝑥𝑅x\in R.

Preuve .

On reprend les notations de ci-dessus : zR𝑧𝑅z\notin R et 1/zR1𝑧𝑅1/z\notin R, on a z=f/g𝑧𝑓𝑔z=f/g, fraction irréductible avec f,g𝔪{0}𝑓𝑔𝔪0f,g\in\mathfrak{m}\smallsetminus\{0\}. Soit π:R[Z]R[z]:𝜋𝑅delimited-[]𝑍𝑅delimited-[]𝑧\pi:R[Z]\longrightarrow R[z] la surjection naturelle. Montrons que ker(π)=fgZkernel𝜋delimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍\ker(\pi)={\langle f-gZ\rangle}. Bien sûr, ker(π)fgZdelimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍kernel𝜋\ker(\pi)\supseteq{\langle f-gZ\rangle}. Soit P(Z):=adZd+ad1Zd1++a1Z+a0ker(π)assign𝑃𝑍subscript𝑎𝑑superscript𝑍𝑑subscript𝑎𝑑1superscript𝑍𝑑1subscript𝑎1𝑍subscript𝑎0kernel𝜋P(Z):=a_{d}Z^{d}+a_{d-1}Z^{d-1}+\dots+a_{1}Z+a_{0}\in\ker(\pi) non nul. Il est clair que d1𝑑1d\geqslant 1. Montrons par récurrence sur d𝑑d que PfgZ𝑃delimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍P\in{\langle f-gZ\rangle}. On a adfd+g(ad1fd1++a0gd1)=0subscript𝑎𝑑superscript𝑓𝑑𝑔subscript𝑎𝑑1superscript𝑓𝑑1subscript𝑎0superscript𝑔𝑑10a_{d}f^{d}+g(a_{d-1}f^{d-1}+\dots+a_{0}g^{d-1})=0, donc g𝑔g divise adsubscript𝑎𝑑a_{d}, on a ad=gbsubscript𝑎𝑑𝑔𝑏a_{d}=gb. Puis P(Z)=bZd1(gZf)+Q(Z)𝑃𝑍𝑏superscript𝑍𝑑1𝑔𝑍𝑓𝑄𝑍P(Z)=bZ^{d-1}(gZ-f)+Q(Z) avec Q(Z)ker(π)𝑄𝑍kernel𝜋Q(Z)\in\ker(\pi), degQd1degree𝑄𝑑1\deg Q\leqslant d-1, donc Q𝑄Q est dans fgZdelimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍\langle f-gZ\rangle et P𝑃P aussi.

Les homomorphismes suivants :

H~vsubscript~𝐻𝑣\displaystyle\tilde{H}_{v} :R[Z]:absent𝑅delimited-[]𝑍\displaystyle:R[Z] \displaystyle{}\longrightarrow{} K[Z]𝐾delimited-[]𝑍\displaystyle K[Z]
π𝜋\displaystyle\pi :R[Z]:absent𝑅delimited-[]𝑍\displaystyle:R[Z] \displaystyle{}\longrightarrow{} R[Z]/fgZR[z]similar-to-or-equals𝑅delimited-[]𝑍delimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍𝑅delimited-[]𝑧\displaystyle R[Z]/\langle f-gZ\rangle\simeq R[z]

sont surjectifs et tels que fgZ=ker(π)ker(H~v)delimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍kernel𝜋kernelsubscript~𝐻𝑣\langle f-gZ\rangle=\ker(\pi)\subseteq\ker(\tilde{H}_{v}).

R[Z]𝑅delimited-[]𝑍R[Z]K[Z]𝐾delimited-[]𝑍K[Z]H~vsubscript~𝐻𝑣\tilde{H}_{v}R[z]=R[Z]/(fgZ)𝑅delimited-[]𝑧𝑅delimited-[]𝑍𝑓𝑔𝑍R[z]=R[Z]/(f-gZ)π𝜋\pihh

L’application hh est l’unique homomorphisme tel que H~v=πhsubscript~𝐻𝑣𝜋\tilde{H}_{v}=\pi\circ h. \Box

Le lemme suivant nous permet d’affirmer que, dans le cas où V𝑉V est un diviseur dicritique de z𝑧z dans R𝑅R anneau local régulier de dimension 222, on a 𝔪[z]=ker(h)𝔪delimited-[]𝑧kernel\mathfrak{m}[z]=\ker(h) premier dans R[z]𝑅delimited-[]𝑧R[z], 𝔪[z]=𝔪vR[z]𝔪delimited-[]𝑧subscript𝔪𝑣𝑅delimited-[]𝑧\mathfrak{m}[z]=\mathfrak{m}_{v}\cap R[z] et 𝔪[z]R=𝔪𝔪delimited-[]𝑧𝑅𝔪\mathfrak{m}[z]\cap R=\mathfrak{m}. De plus, si l’on note S:=R[z]𝔪[z]assign𝑆𝑅subscriptdelimited-[]𝑧𝔪delimited-[]𝑧S:=R[z]_{\mathfrak{m}[z]} le localisé de R[z]𝑅delimited-[]𝑧R[z] en 𝔪[z]𝔪delimited-[]𝑧\mathfrak{m}[z], alors dim(S)=1dimension𝑆1\dim(S)=1.

Lemme 1.4.

Avec les hypothèses et notations ci-dessus, on pose 𝔓:=𝔪vR[z]assign𝔓subscript𝔪𝑣𝑅delimited-[]𝑧\mathfrak{P}:=\mathfrak{m}_{v}\cap R[z]. Soit zV𝑧𝑉z\in V de valuation nulle.

  1. (i)

    Si Hv(z)subscript𝐻𝑣𝑧H_{v}(z) est algébrique sur K𝐾K, alors 𝔪[z]𝔓𝔪delimited-[]𝑧𝔓\mathfrak{m}[z]\subsetneq\mathfrak{P}, 𝔓𝔓\mathfrak{P} est maximal et R[z]/𝔓𝑅delimited-[]𝑧𝔓R[z]/\mathfrak{P} est une extension finie de K𝐾K.

  2. (ii)

    Si Hv(z)subscript𝐻𝑣𝑧H_{v}(z) est transcendant sur K𝐾K, alors on a que 𝔓=𝔪[z]𝔓𝔪delimited-[]𝑧\mathfrak{P}=\mathfrak{m}[z], R[z]/𝔓K[Z]similar-to-or-equals𝑅delimited-[]𝑧𝔓𝐾delimited-[]𝑍R[z]/\mathfrak{P}\simeq K[Z], dim(R[z])=2dimension𝑅delimited-[]𝑧2\dim(R[z])=2 et dim(R[z]𝔓)=1dimension𝑅subscriptdelimited-[]𝑧𝔓1\dim(R[z]_{\mathfrak{P}})=\nobreak 1.

Preuve .

Bien sûr, 𝔪[z]𝔓𝔪delimited-[]𝑧𝔓\mathfrak{m}[z]\subseteq\mathfrak{P}. On a une suite d’injections : KR[z]/𝔓Kv𝐾𝑅delimited-[]𝑧𝔓subscript𝐾𝑣K\hookrightarrow R[z]/\mathfrak{P}\hookrightarrow K_{v}. L’injection KR[z]/𝔓𝐾𝑅delimited-[]𝑧𝔓K\hookrightarrow R[z]/\mathfrak{P} est la composée des flèches naturelles KK[Z]𝐾𝐾delimited-[]𝑍K\longrightarrow K[Z] et K[Z]R[z]/𝔓𝐾delimited-[]𝑍𝑅delimited-[]𝑧𝔓K[Z]\twoheadrightarrow R[z]/\mathfrak{P}. Le dernier morphisme est surjectif, nous le notons s𝑠s.

i Hv(z)subscript𝐻𝑣𝑧H_{v}(z) est algébrique sur K𝐾K dans Kvsubscript𝐾𝑣K_{v} si et seulement si la classe de z𝑧z dans R[z]/𝔓𝑅delimited-[]𝑧𝔓R[z]/\mathfrak{P} est algébrique sur K𝐾K : on a une relation Hv(a0)+Hv(a1)Hv(z)+Hv(am)Hv(z)m=0Kvsubscript𝐻𝑣subscript𝑎0subscript𝐻𝑣subscript𝑎1subscript𝐻𝑣𝑧subscript𝐻𝑣subscript𝑎𝑚subscript𝐻𝑣superscript𝑧𝑚0subscript𝐾𝑣H_{v}(a_{0})+H_{v}(a_{1})H_{v}(z)\cdots+H_{v}(a_{m})H_{v}(z)^{m}=0\in K_{v} avec aiRsubscript𝑎𝑖𝑅a_{i}\in R, 0im0𝑖𝑚0\leqslant i\leqslant m, et Hv(ai)0subscript𝐻𝑣subscript𝑎𝑖0H_{v}(a_{i})\neq 0 pour au moins un i𝑖i. Il est clair que Hv(a0)+Hv(a1)Z+Hv(am)Zmker(s)(0)subscript𝐻𝑣subscript𝑎0subscript𝐻𝑣subscript𝑎1𝑍subscript𝐻𝑣subscript𝑎𝑚superscript𝑍𝑚kernel𝑠0H_{v}(a_{0})+H_{v}(a_{1})Z\cdots+H_{v}(a_{m})Z^{m}\in\ker(s)\neq(0). Le noyau de s𝑠s est un idéal maximal et R[z]/𝔓𝑅delimited-[]𝑧𝔓R[z]/\mathfrak{P} est une extension finie de K𝐾K. Considérons les morphismes naturels π:R[Z]R[z]:𝜋𝑅delimited-[]𝑍𝑅delimited-[]𝑧\pi:R[Z]\longrightarrow R[z] et H~v:R[Z]K[Z]:subscript~𝐻𝑣𝑅delimited-[]𝑍𝐾delimited-[]𝑍\tilde{H}_{v}:R[Z]\longrightarrow K[Z]. On a :

RR[Z]πR[z]VHvH~vpHvKK[Z]sR[z]/𝔓Kvcommutative-diagram𝑅𝑅delimited-[]𝑍superscript𝜋𝑅delimited-[]𝑧𝑉subscript𝐻𝑣absentmissing-subexpressionsubscript~𝐻𝑣absentmissing-subexpressionabsent𝑝missing-subexpressionabsentsubscript𝐻𝑣missing-subexpressionmissing-subexpression𝐾𝐾delimited-[]𝑍superscript𝑠𝑅delimited-[]𝑧𝔓subscript𝐾𝑣\begin{CD}R@>{}>{}>R[Z]@>{\pi}>{}>R[z]@>{}>{}>V\\ @V{H_{v}}V{}V@V{\tilde{H}_{v}}V{}V@V{}V{p}V@V{}V{H_{v}}V\\ K@>{}>{}>K[Z]@>{s}>{}>R[z]/\mathfrak{P}@>{}>{}>K_{v}\end{CD}

avec π1(𝔓)=H~v1(ker(s))superscript𝜋1𝔓superscriptsubscript~𝐻𝑣1kernel𝑠\pi^{-1}(\mathfrak{P})=\tilde{H}_{v}^{-1}(\ker(s)) et π1(𝔪[z])=𝔪[Z]=H~v1(0)superscript𝜋1𝔪delimited-[]𝑧𝔪delimited-[]𝑍superscriptsubscript~𝐻𝑣10\pi^{-1}(\mathfrak{m}[z])=\mathfrak{m}[Z]=\tilde{H}_{v}^{-1}(0). Comme H~vsubscript~𝐻𝑣\tilde{H}_{v} est surjective et ker(s)(0)kernel𝑠0\ker(s)\neq(0), on a 𝔪[z]𝔓𝔪delimited-[]𝑧𝔓\mathfrak{m}[z]\subsetneq\mathfrak{P}.

ii Supposons que H(z)𝐻𝑧H(z) est transcendant sur K𝐾K, ce qui équivaut à dire que la classe de z𝑧z dans R[z]/𝔓𝑅delimited-[]𝑧𝔓R[z]/\mathfrak{P} est transcendante sur K𝐾K. Alors le noyau de s:K[Z]R[z]/𝔓:𝑠𝐾delimited-[]𝑍𝑅delimited-[]𝑧𝔓s:K[Z]\longrightarrow R[z]/\mathfrak{P} est (0)0(0), et s𝑠s est un isomorphisme.

Pour conclure, soit x:=a0+a1z+amzmR[z]𝔪[z]assign𝑥subscript𝑎0subscript𝑎1𝑧subscript𝑎𝑚superscript𝑧𝑚𝑅delimited-[]𝑧𝔪delimited-[]𝑧x:=a_{0}+a_{1}z\cdots+a_{m}z^{m}\in R[z]\smallsetminus\mathfrak{m}[z]. Il existe i,0im𝑖0𝑖𝑚i,0\leqslant i\leqslant m, tel que ai𝔪subscript𝑎𝑖𝔪a_{i}\notin\mathfrak{m}. Alors Hv(a0)+Hv(a1)Z+Hv(am)Zm0K[Z]subscript𝐻𝑣subscript𝑎0subscript𝐻𝑣subscript𝑎1𝑍subscript𝐻𝑣subscript𝑎𝑚superscript𝑍𝑚0𝐾delimited-[]𝑍H_{v}(a_{0})+H_{v}(a_{1})Z\cdots+H_{v}(a_{m})Z^{m}\neq 0\in K[Z]. Puisque s𝑠s est un isomorphisme, on a Hv(a0)+Hv(a1)Hv(z)+Hv(am)Hv(z)m0R[z]/𝔓subscript𝐻𝑣subscript𝑎0subscript𝐻𝑣subscript𝑎1subscript𝐻𝑣𝑧subscript𝐻𝑣subscript𝑎𝑚subscript𝐻𝑣superscript𝑧𝑚0𝑅delimited-[]𝑧𝔓H_{v}(a_{0})+H_{v}(a_{1})H_{v}(z)\cdots+H_{v}(a_{m})H_{v}(z)^{m}\neq 0\in R[z]/\mathfrak{P}, donc x𝔓𝑥𝔓x\notin\mathfrak{P}. Ainsi 𝔪[z]=𝔓𝔪delimited-[]𝑧𝔓\mathfrak{m}[z]=\mathfrak{P} et comme K[Z]R[z]/𝔓similar-to-or-equals𝐾delimited-[]𝑍𝑅delimited-[]𝑧𝔓K[Z]\simeq R[z]/\mathfrak{P}, on a que 𝔓𝔓\mathfrak{P} n’est pas maximal.

On a donc dans R[z]𝑅delimited-[]𝑧R[z] la chaîne d’idéaux premiers : (0)𝔪[z]=𝔓M0𝔪delimited-[]𝑧𝔓𝑀(0)\subsetneq\mathfrak{m}[z]=\mathfrak{P}\subsetneq M, où M𝑀M est un idéal maximal. D’autre part, R[Z]/fgZR[z]similar-to-or-equals𝑅delimited-[]𝑍delimited-⟨⟩𝑓𝑔𝑍𝑅delimited-[]𝑧R[Z]/\langle f-gZ\rangle\simeq R[z], donc dim(R[z])dim(R)=2dimension𝑅delimited-[]𝑧dimension𝑅2\dim(R[z])\leqslant\dim(R)=2. Donc dim(R[z])=2dimension𝑅delimited-[]𝑧2\dim(R[z])=2 et dim(R[z]𝔓)=1dimension𝑅subscriptdelimited-[]𝑧𝔓1\dim(R[z]_{\mathfrak{P}})=1. \Box

Pour conclure la preuve de la Proposition 1.2, S:=R[z]𝔪[z]assign𝑆𝑅subscriptdelimited-[]𝑧𝔪delimited-[]𝑧S:=R[z]_{\mathfrak{m}[z]} est l’anneau de la courbe 𝒞𝒞\mathcal{C} d’équation (fgZ)𝑓𝑔𝑍(f-gZ) de l’anneau régulier R[Z]𝑅delimited-[]𝑍R[Z] de dimension 222. Autrement dit, 𝒞𝒞\mathcal{C} est la courbe générique du pinceau (f,g)𝑓𝑔(f,g) au sens de [CPR05, p.517]. Sa normalisation est de Krull, noethérienne, à fibres finies, d’après les Théorèmes 33.10 et 33.12 de [Nag62]. Ainsi, si l’on note T𝑇T la clôture intégrale de S𝑆S dans QF(R)QF𝑅\operatorname{QF}(R), on a :

T=V1Ve𝑇subscript𝑉1subscript𝑉𝑒T=V_{1}\cap\cdots\cap V_{e}

e𝑒superscripte\in\mathbb{N}^{*} et les Visubscript𝑉𝑖V_{i} sont des anneaux de valuation discrète deux à deux distincts de QF(R)QF𝑅\operatorname{QF}(R). Ce sont précisément les diviseurs dicritiques de z𝑧z dans R𝑅R. \Box

2 Diviseurs dicritiques et valuations de Rees

Définition 2.1.

Soit I𝐼I un idéal de R𝑅R. L’ensemble des valuations de Rees de I𝐼I est le plus petit ensemble {V1,,Ve}subscript𝑉1subscript𝑉𝑒\{V_{1},\ldots,V_{e}\} d’anneaux de valuation vérifiant :

  1. 1.

    Les Visubscript𝑉𝑖V_{i} sont noethériens et ne sont pas des corps.

  2. 2.

    Pour tout i𝑖i, il existe un idéal premier minimal 𝔓isubscript𝔓𝑖\mathfrak{P}_{i} de R𝑅R tel qu’on a la chaîne d’anneaux R/𝔓iViQF(R/𝔓i)𝑅subscript𝔓𝑖subscript𝑉𝑖QF𝑅subscript𝔓𝑖R/\mathfrak{P}_{i}\subseteq V_{i}\subseteq\operatorname{QF}\left(R/\mathfrak{P}_{i}\right).

  3. 3.

    Pour tout n𝑛n\in\mathbb{N}, la clôture intégrale In¯=i=1e(InVi)R¯superscript𝐼𝑛superscriptsubscript𝑖1𝑒superscript𝐼𝑛subscript𝑉𝑖𝑅\overline{I^{n}}=\bigcap_{i=1}^{e}(I^{n}V_{i})\cap R.
    N.B. : il s’agit de la décomposition primaire (possiblement redondante) de In¯¯subscript𝐼𝑛\overline{I_{n}}.

L’existence en nombre fini de ces valuations et leur unicité est l’objet de [Swa11, Theorem 2.1] et [HS06, Theorems 10.1.6 and 10.2.2]. Elle repose essentiellement sur le Théorème de Mori–Nagata [Nag62, Theorem 33.10] déjà cité précédemment.

D’après la construction dans [HS06, Section 10.2] et [Swa11, Alternative construction p.7-8], les valuations de Rees de I𝐼I sont les valuations associées aux composantes exceptionnelles de YW0=Spec(R)𝑌subscript𝑊0Spec𝑅Y\longrightarrow W_{0}=\operatorname{Spec}(R), l’éclatement normalisé de I𝐼I.

Proposition 2.2.

Avec les hypothèses et notations ci-dessus, les diviseurs dicritiques sont les valuations de Rees de l’idéal I:=(f,g)assign𝐼𝑓𝑔I:=(f,g)z=f/g𝑧𝑓𝑔z=f/g et f,gR𝑓𝑔𝑅f,g\in R premiers entre eux.

Preuve .

On pourrait se contenter de citer [HS06, ex.14.18, p.281]. Dans le but d’être le plus complet et le plus géométrique possible, nous proposons une démonstration. Soit γ:YW0=Spec(R):𝛾𝑌subscript𝑊0Spec𝑅\gamma:Y\longrightarrow W_{0}=\operatorname{Spec}(R) l’éclatement normalisé de I𝐼I. Dans Y𝑌Y, l’idéal I𝐼I est principalisé, on a un morphisme ϕ:Y1:italic-ϕ𝑌superscript1\phi:Y\longrightarrow\mathbb{P}^{1}, ϕ(x):=(f(x):g(x))\phi(x):=(f(x):g(x)). De même en reprenant la suite d’éclatements (1), on a un morphisme ψ:W1:𝜓𝑊superscript1\psi:W\longrightarrow\mathbb{P}^{1}. Par propriété universelle de l’éclatement et de la normalisation, on a un morphisme δ:WY:𝛿𝑊𝑌\delta:W\longrightarrow Y avec ψ=ϕδ𝜓italic-ϕ𝛿\psi=\phi\circ\delta.

W0subscript𝑊0W_{0}Y𝑌Y1superscript1\mathbb{P}^{1}W𝑊Wϕitalic-ϕ\phiψ𝜓\psiδ𝛿\delta

Donc les dicritiques sont parmi les diviseurs exceptionnels de YW0=Spec(R)𝑌subscript𝑊0Spec𝑅Y\longrightarrow W_{0}=\operatorname{Spec}(R). Il n’y a plus qu’à montrer que ϕitalic-ϕ\phi ne contracte aucun de ces diviseurs exceptionnels.

Supposons le contraire, soit E𝐸E une composante contractée par ϕitalic-ϕ\phi. Alors il existe une factorisation ε:YY0W0:𝜀𝑌subscript𝑌0subscript𝑊0\varepsilon:Y\longrightarrow Y_{0}\longrightarrow W_{0}, avec Y0subscript𝑌0Y_{0} normale, où YY0𝑌subscript𝑌0Y\longrightarrow Y_{0} ne contracte que E𝐸E [Lip69, p. 238 Correspondance between complete ideals and exceptional curves]. Par la propriété universelle de l’éclatement ϕ:Y01:superscriptitalic-ϕabsentsubscript𝑌0superscript1\phi^{\prime}:Y_{0}\mathrel{{\cdot}{\cdot}{\cdot}{\rightarrow}}\mathbb{P}^{1} a un point fondamental Q0subscript𝑄0Q_{0} qui est nécessairement l’image de E𝐸E puisque Y1𝑌superscript1Y\longrightarrow\mathbb{P}^{1} est partout définie.

On note ϕ(E)=:P1\phi(E)=:P\in\mathbb{P}^{1}. En termes d’anneaux, le morphisme ϕitalic-ϕ\phi donne

𝒪1,P𝒪YEk(W0).subscript𝒪superscript1𝑃subscript𝒪subscript𝑌𝐸𝑘subscript𝑊0\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1},P}\subseteq\mathcal{O}_{Y_{E}}\subseteq k(W_{0}).

Comme ϕsuperscriptitalic-ϕ\phi^{\prime} est définie hors de Q0subscript𝑄0Q_{0}, on a

O1,Pht𝔓0=1OY0,𝔓0subscript𝑂superscript1𝑃subscripthtsubscript𝔓01subscript𝑂subscript𝑌0subscript𝔓0O_{\mathbb{P}^{1},P}\subseteq\bigcap_{\operatorname{ht}\mathfrak{P}_{0}=1}{O_{Y_{0},\mathfrak{P}_{0}}}

où l’intersection est sur tous les idéaux premiers 𝔓0subscript𝔓0\mathfrak{P}_{0} de hauteur 111 de OY0,Q0subscript𝑂subscript𝑌0subscript𝑄0O_{Y_{0},Q_{0}}. En effet, un tel 𝔓0subscript𝔓0\mathfrak{P}_{0} est l’image par le morphisme propre (et birationnel) YY0𝑌subscript𝑌0Y\longrightarrow Y_{0} d’un idéal premier 𝔓𝔓\mathfrak{P} d’un certain OY,Qsubscript𝑂𝑌𝑄O_{Y,Q}, avec QE𝑄𝐸Q\in E; et on a bien sûr OP1,POY,QOY,𝔓=OY0,𝔓0subscript𝑂superscript𝑃1𝑃subscript𝑂𝑌𝑄subscript𝑂𝑌𝔓subscript𝑂subscript𝑌0subscript𝔓0O_{P^{1},P}\subseteq O_{Y,Q}\subseteq O_{Y,\mathfrak{P}}=O_{Y_{0},\mathfrak{P}_{0}}.

Comme Y0subscript𝑌0Y_{0} est normale, par le lemme principal des fonctions holomorphes de Zariski

OY0,Q0=ht𝔓0=1OY0,𝔓0.subscript𝑂subscript𝑌0subscript𝑄0subscripthtsubscript𝔓01subscript𝑂subscript𝑌0subscript𝔓0O_{Y_{0},Q_{0}}=\bigcap_{\operatorname{ht}\mathfrak{P}_{0}=1}{O_{Y_{0},\mathfrak{P}_{0}}}.

Cela signifie que 𝒪P1,P𝒪Y0,Q0subscript𝒪superscript𝑃1𝑃subscript𝒪subscript𝑌0subscript𝑄0\mathcal{O}_{P^{1},P}\subseteq\mathcal{O}_{Y_{0},Q_{0}}, c’est-à-dire, que l’application ϕsuperscriptitalic-ϕ\phi^{\prime} est définie en Q0subscript𝑄0Q_{0} : une contradiction.

\Box

Le lecteur remarquera que les arguments ci-dessus donnent une troisième preuve de l’existence et de la finitude des dicritiques.

3 Cas polynomial

Revenons au cas historique, c’est-à-dire, à l’étude des pinceaux de courbes planes.

Définition 3.1.

(Première définition.) Soit k𝑘k un corps, soit k2superscriptsubscript𝑘2\mathbb{P}_{k}^{2} le plan projectif sur k𝑘k, et soient deux polynômes F,Gk[X,Y,Z]𝐹𝐺𝑘𝑋𝑌𝑍F,G\in k[X,Y,Z] homogènes de même degré d>0𝑑0d>0, premiers entre eux. Le pinceau :=λF+μGassign𝜆𝐹𝜇𝐺\mathcal{L}:=\lambda F+\mu G a des points base, mais, quitte à faire une composition d’éclatements de points fermés

Π:Wk2,:Π𝑊superscriptsubscript𝑘2\Pi:W\longrightarrow\mathbb{P}_{k}^{2},

Π()superscriptΠ\Pi^{*}(\mathcal{L}) définit un morphisme projectif p:Wk1:𝑝𝑊superscriptsubscript𝑘1p:W\longrightarrow\mathbb{P}_{k}^{1}. Restreint aux composantes exceptionnelles de ΠΠ\Pi, on a que p𝑝p est soit constant, soit surjectif. Les diviseurs dicritiques de \mathcal{L} sont les anneaux locaux des points génériques des composantes exceptionnelles où p𝑝p est surjectif. Par abus simplificatif, les composantes exceptionnelles où p𝑝p est surjectif seront appelées aussi diviseurs dicritiques (au sens géométrique).

Ces diviseurs sont appelés «horizontaux» dans [CPR05, Definition 4]. Cette définition semble dépendre du choix de ΠΠ\Pi. Il n’en est rien.

Proposition 3.2.

Soient Πi:Wik2:subscriptΠ𝑖subscript𝑊𝑖superscriptsubscript𝑘2\Pi_{i}:W_{i}\longrightarrow\mathbb{P}_{k}^{2} (i=1,2𝑖12i=1,2) deux compositions d’éclatements de points fermés telles que Πi()superscriptsubscriptΠ𝑖\Pi_{i}^{*}(\mathcal{L}) définit un morphisme projectif pi:Wik1:subscript𝑝𝑖subscript𝑊𝑖superscriptsubscript𝑘1p_{i}:W_{i}\longrightarrow\mathbb{P}_{k}^{1}. Alors les diviseurs dicritiques sont les mêmes pour Π1subscriptΠ1\Pi_{1} et Π2subscriptΠ2\Pi_{2}.

Preuve .

Π2subscriptΠ2\Pi_{2} est l’éclatement d’un idéal I𝐼I de 𝒪k2subscript𝒪superscriptsubscript𝑘2\mathcal{O}_{\mathbb{P}_{k}^{2}}; quitte à rajouter des éclatements de points fermés, on peut supposer que Π11(I)superscriptsubscriptΠ11𝐼\Pi_{1}^{-1}(I) est principal, c’est-à-dire, qu’il existe un morphisme projectif Π1,2:W1W2:subscriptΠ12subscript𝑊1subscript𝑊2\Pi_{1,2}:W_{1}\longrightarrow W_{2} tel que Π1=Π2Π1,2subscriptΠ1subscriptΠ2subscriptΠ12\Pi_{1}=\Pi_{2}\circ\Pi_{1,2}. Bien sûr, on a p1=p2Π1,2subscript𝑝1subscript𝑝2subscriptΠ12p_{1}=p_{2}\circ\Pi_{1,2}. Donc p1subscript𝑝1p_{1} est constant sur les diviseurs exceptionnels de Π1subscriptΠ1\Pi_{1} dont l’image par Π1,2subscriptΠ12\Pi_{1,2} est un point fermé. Les diviseurs dicritiques (au sens géométrique) de Π1subscriptΠ1\Pi_{1} sont les transformés stricts des diviseurs dicritiques de Π2subscriptΠ2\Pi_{2}, les anneaux locaux en leurs points génériques sont donc les mêmes. \Box

Définition 3.3.

(Deuxième définition.) Soit k𝑘k un corps et soient f,gk[X,Y]k𝑓𝑔𝑘𝑋𝑌𝑘f,g\in k[X,Y]\smallsetminus k deux polynômes non constants. On note z:=f/gk(X,Y)assign𝑧𝑓𝑔𝑘𝑋𝑌z:=f/g\in k(X,Y). Un diviseur dicritique de z𝑧z est un anneau de k𝑘k-valuation discrète V𝑉V de corps des fractions k(X,Y)𝑘𝑋𝑌k(X,Y) et tel que le résidu de z𝑧z dans Kv:=V/𝔪vassignsubscript𝐾𝑣𝑉subscript𝔪𝑣K_{v}:=V/\mathfrak{m}_{v} est transcendant sur k𝑘k.

Pour tout xk2𝑥superscriptsubscript𝑘2x\in\mathbb{P}_{k}^{2}, point base de =λF+μG𝜆𝐹𝜇𝐺\mathcal{L}=\lambda F+\mu GF,G𝐹𝐺F,G sont des homogénéisés de f,g𝑓𝑔f,g premiers entre eux de même degré, on pose Rx:=𝒪k2,xassignsubscript𝑅𝑥subscript𝒪superscriptsubscript𝑘2𝑥R_{x}:=\mathcal{O}_{\mathbb{P}_{k}^{2},x}. On s’aperçoit que les diviseurs dicritiques de z𝑧z au sens de 3.3 sont les diviseurs dicritiques de z𝑧z pour tous les Rxsubscript𝑅𝑥R_{x} au sens de 1.1.

Proposition 3.4.

Soit V𝑉V un anneau de k𝑘k-valuation discrète de k(X,Y)𝑘𝑋𝑌k(X,Y) tel que l’extension résiduelle kV/𝔪v𝑘𝑉subscript𝔪𝑣k\longrightarrow V/\mathfrak{m}_{v} est transcendante. On a équivalence:

V est dicritique pour zV est un anneau de k(z)-valuation.iff𝑉 est dicritique pour 𝑧𝑉 est un anneau de k(z)-valuation.V\text{ est dicritique pour }z\iff V\text{ est un anneau de $k(z)$-valuation.}
Preuve .

Bien sûr, si V𝑉V est dicritique, le résidu de tout élément non nul de k[z]𝑘delimited-[]𝑧k[z] est non nul dans V/𝔪v𝑉subscript𝔪𝑣V/\mathfrak{m}_{v}, donc cet élément est de valuation nulle. La réciproque est claire. \Box

On passe de la première définition à la deuxième en prenant z=F/G𝑧𝐹𝐺z=F/G, et de la deuxième à la première en prenant pour F,G𝐹𝐺F,G des homogénéisés de f,g𝑓𝑔f,g de même degré. Montrons qu’alors les deux définitions sont équivalentes. C’est l’objet de la proposition qui suit.

Proposition 3.5.

Un diviseur dicritique pour :=λF+μGassign𝜆𝐹𝜇𝐺\mathcal{L}:=\lambda F+\mu G (3.1) est dicritique pour z=F/G𝑧𝐹𝐺z=F/G (3.3). Réciproquement, un diviseur dicritique pour z=f/g𝑧𝑓𝑔z=f/g (3.3) est dicritique pour :=λF+μGassign𝜆𝐹𝜇𝐺\mathcal{L}:=\lambda F+\mu G (3.1) où F,G𝐹𝐺F,G sont des homogénéisés de f,g𝑓𝑔f,g de même degré.

Preuve .

Montrons l’implication directe. Un diviseur dicritique pour :=λF+μGassign𝜆𝐹𝜇𝐺\mathcal{L}:=\lambda F+\mu G (3.1) est l’anneau local au point générique η𝜂\eta d’un diviseur D𝐷D d’une surface régulière : c’est un anneau de valuation discrète V𝑉V. Comme z=F/G𝑧𝐹𝐺z=F/G est défini sauf en un nombre fini de points fermés de D𝐷D, on a zV𝑧𝑉z\in V. Soit un ouvert affine U𝑈U contenant η𝜂\eta et où z𝑧z est défini, 𝒪U/I(D)subscript𝒪𝑈𝐼𝐷\mathcal{O}_{U}/I(D) est le localisé d’un anneau de polynômes k[T]superscript𝑘delimited-[]𝑇k^{\prime}[T]ksuperscript𝑘k^{\prime} est une extension algébrique de k𝑘k. Le résidu de z𝑧z dans 𝒪U/I(D)subscript𝒪𝑈𝐼𝐷\mathcal{O}_{U}/I(D) est non constant : il est transcendant sur ksuperscript𝑘k^{\prime} et donc sur k𝑘k, comme Kv:=V/𝔪vassignsubscript𝐾𝑣𝑉subscript𝔪𝑣K_{v}:=V/\mathfrak{m}_{v} est le corps de fractions de 𝒪U/I(D)subscript𝒪𝑈𝐼𝐷\mathcal{O}_{U}/I(D), on a que V𝑉V est dicritique pour z𝑧z au sens de 3.3.

Réciproquement, soit V𝑉V un diviseur dicritique pour z𝑧z. Il existe Π:Wk2:Π𝑊superscriptsubscript𝑘2\Pi:W\longrightarrow\mathbb{P}_{k}^{2} composition d’éclatements de points fermés telle que Π()superscriptΠ\Pi^{*}(\mathcal{L}) définit un morphisme projectif p:Wk1:𝑝𝑊superscriptsubscript𝑘1p:W\longrightarrow\mathbb{P}_{k}^{1}. On conclut en reprenant l’argument de la fin de la première preuve de 1.2. \Box

Proposition 3.6.

Avec les hypothèses et notations de 3.1, chaque point base x𝑥x de :=λF+μGassign𝜆𝐹𝜇𝐺\mathcal{L}:=\lambda F+\mu G est centre d’au moins un diviseur dicritique, c’est-à-dire, qu’il existe au moins un dicritique V𝑉V tel que 𝒪k2,xVsubscript𝒪superscriptsubscript𝑘2𝑥𝑉\mathcal{O}_{\mathbb{P}_{k}^{2},x}\subseteq V et 𝔪v𝒪k2,x=𝔪k2,xsubscript𝔪𝑣subscript𝒪superscriptsubscript𝑘2𝑥subscript𝔪superscriptsubscript𝑘2𝑥\mathfrak{m}_{v}\cap\mathcal{O}_{\mathbb{P}_{k}^{2},x}=\mathfrak{m}_{\mathbb{P}_{k}^{2},x}.

C’est un corollaire de 1.2.

Proposition 3.7 (Abhyankar).

Soit 𝒞k(z)2𝒞superscriptsubscript𝑘𝑧2\mathcal{C}\subseteq\mathbb{P}_{k(z)}^{2} la courbe générique de \mathcal{L} [CPR05, p. 517], c’est-à-dire, la courbe d’équation F(U,V,T)zG(U,V,T)k(z)[U,V,T]𝐹𝑈𝑉𝑇𝑧𝐺𝑈𝑉𝑇𝑘𝑧𝑈𝑉𝑇F(U,V,T)-zG(U,V,T)\in k(z)[U,V,T]. Les diviseurs dicritiques pour z𝑧z sont les anneaux locaux des points fermés de la désingularisée C~~𝐶\tilde{C} dominant les points d’intersection de 𝒞𝒞\mathcal{C} et G(U,V,T)=0𝐺𝑈𝑉𝑇0G(U,V,T)=0.

Dans [AL11], les auteurs regardent le pinceau λF(U,V,T)+μTN𝜆𝐹𝑈𝑉𝑇𝜇superscript𝑇𝑁\lambda F(U,V,T)+\mu T^{N}F𝐹F est l’homogénéisé de fk[X,Y]𝑓𝑘𝑋𝑌f\in k[X,Y], X=U/T,Y=V/Tformulae-sequence𝑋𝑈𝑇𝑌𝑉𝑇X=U/T,Y=V/T, f=F(U,V,T)/TN𝑓𝐹𝑈𝑉𝑇superscript𝑇𝑁f=F(U,V,T)/T^{N}. Le pinceau définit en dehors des points base une application 2(k)1superscript2𝑘superscript1\mathbb{P}^{2}(k)\longrightarrow\mathbb{P}^{1} par (u,v,t)(F(u,v,t):tN)(u,v,t)\longrightarrow(F(u,v,t):t^{N}); par restriction, on a un morphisme Λ:𝔸2𝔸1=Spec(k[a]):Λsuperscript𝔸2superscript𝔸1Spec𝑘delimited-[]𝑎\Lambda:\leavevmode\nobreak\ \mathbb{A}^{2}\longrightarrow\mathbb{A}^{1}=\operatorname{Spec}(k[a]), (x,y)𝔸2f(x,y)𝑥𝑦superscript𝔸2𝑓𝑥𝑦(x,y)\in\mathbb{A}^{2}\longrightarrow f(x,y). Désignons par 𝒞𝒞\mathcal{C} la courbe affine sur k(f)𝑘𝑓k(f) dont l’anneau est Bf=k[X,Y]k(f)=k[X,Y]k[a]k(a)subscript𝐵𝑓tensor-product𝑘𝑋𝑌𝑘𝑓subscripttensor-product𝑘delimited-[]𝑎𝑘𝑋𝑌𝑘𝑎B_{f}=k[X,Y]\otimes k(f)=k[X,Y]\otimes_{k[a]}k(a), c’est-à-dire, la fibre de ΛΛ\Lambda au dessus du point générique de 𝔸1superscript𝔸1\mathbb{A}^{1}: par définition, 𝒞𝒞\mathcal{C} est la courbe générique de ce pinceau. L’ensemble des diviseurs premiers de k(X,Y)𝑘𝑋𝑌k(X,Y) sur k(f)𝑘𝑓k(f), noté D(L/k(f))𝐷𝐿𝑘𝑓D(L/k(f)) dans [AL11], est l’ensemble des points de la surface de Riemann (sur k(f)𝑘𝑓k(f)) de 𝒞𝒞\mathcal{C}. L’assertion [AL11, (6.2)] signifie que les diviseurs dicritiques de f𝑓f sont les valuations dominant les points à l’infini de 𝒞𝒞\mathcal{C}. Ce qui prouve que ces diviseurs existent et sont en nombre fini. Nous généralisons ici en prenant un pinceau λF(U,V,T)+μG(U,V,T)𝜆𝐹𝑈𝑉𝑇𝜇𝐺𝑈𝑉𝑇\lambda F(U,V,T)+\mu G(U,V,T).

Preuve .

Le polynôme F(U,V,T)zG(U,V,T)k(z)[U,V,T]𝐹𝑈𝑉𝑇𝑧𝐺𝑈𝑉𝑇𝑘𝑧𝑈𝑉𝑇F(U,V,T)-zG(U,V,T)\in k(z)[U,V,T] est homogène. On montre facilement qu’il est irréductible. Il définit dans le plan projectif k(z)2superscriptsubscript𝑘𝑧2\mathbb{P}_{k(z)}^{2} une courbe irréductible 𝒞𝒞\mathcal{C}.

Plaçons nous dans la carte affine T0𝑇0T\neq 0. On note u=U/T𝑢𝑈𝑇u=U/T, v=V/T𝑣𝑉𝑇v=V/T, f(u,v):=F(u,v,1)assign𝑓𝑢𝑣𝐹𝑢𝑣1f(u,v):=F(u,v,1) et g(u,v):=G(u,v,1)assign𝑔𝑢𝑣𝐺𝑢𝑣1g(u,v):=G(u,v,1). On a donc z=f(X,Y)/g(X,Y)𝑧𝑓𝑋𝑌𝑔𝑋𝑌z=f(X,Y)/g(X,Y). On note u¯¯𝑢\overline{u} et v¯¯𝑣\overline{v} les résidus de u,v𝑢𝑣u,v dans l’anneau k(z)[u,v]/(f(u,v)zg(u,v))𝑘𝑧𝑢𝑣𝑓𝑢𝑣𝑧𝑔𝑢𝑣k(z)[u,v]/(f(u,v)-zg(u,v)). On a un morphisme ϕ:k[X,Y]k(z)[u,v]/(f(u,v)zg(u,v)):italic-ϕ𝑘𝑋𝑌𝑘𝑧𝑢𝑣𝑓𝑢𝑣𝑧𝑔𝑢𝑣\phi:k[X,Y]\longrightarrow k(z)[u,v]/(f(u,v)-zg(u,v)) défini par Xu¯maps-to𝑋¯𝑢X\mapsto\overline{u} et Yv¯maps-to𝑌¯𝑣Y\mapsto\overline{v}. On montre facilement que ce morphisme est injectif. Ce morphisme s’étend aux corps de fractions et il définit un isomorphisme entre les deux corps de fractions

ϕ~:k(X,Y)k(z)(𝒞):~italic-ϕsimilar-to-or-equals𝑘𝑋𝑌𝑘𝑧𝒞{\tilde{\phi}}:k(X,Y)\simeq k(z)(\mathcal{C})

k(z)(𝒞)𝑘𝑧𝒞k(z)(\mathcal{C}) est le corps de fonctions de 𝒞𝒞\mathcal{C}.

On a ϕ~(z)=ϕ~(f(X,Y))/ϕ~(g(X,Y))=z~italic-ϕ𝑧~italic-ϕ𝑓𝑋𝑌~italic-ϕ𝑔𝑋𝑌𝑧{\tilde{\phi}}(z)={\tilde{\phi}}(f(X,Y))/{\tilde{\phi}}(g(X,Y))=z. Donc ϕitalic-ϕ\phi s’étend (et ϕ~~italic-ϕ{\tilde{\phi}} se restreint) à ϕ¯:k(z)[X,Y]k(z)[u,v]/(f(u,v)zg(u,v)):¯italic-ϕ𝑘𝑧𝑋𝑌𝑘𝑧𝑢𝑣𝑓𝑢𝑣𝑧𝑔𝑢𝑣{\overline{\phi}}:k(z)[X,Y]\longrightarrow k(z)[u,v]/(f(u,v)-zg(u,v)) qui est un isomorphisme.

D’après un résultat classique de Zariski, il y a une une bijection entre les points de la variété de Riemann de 𝒞𝒞\mathcal{C} et les k(z)𝑘𝑧k(z)-valuations du corps des fractions de k(z)[u,v]/(f(u,v)zg(u,v))𝑘𝑧𝑢𝑣𝑓𝑢𝑣𝑧𝑔𝑢𝑣k(z)[u,v]/(f(u,v)-zg(u,v)) (voir [ZS75, Theorem 41] ou la rédaction limpide de [Vaq00, Théorème 7.5]). On est en dimension 111, la variété de Riemann de 𝒞𝒞\mathcal{C} est la désingularisée C~~𝐶\tilde{C} de 𝒞𝒞\mathcal{C} et la bijection de Zariski est simplement l’application C~x𝒪C~,xcontains~𝐶𝑥maps-tosubscript𝒪~𝐶𝑥\tilde{C}\owns x\mapsto\mathcal{O}_{\tilde{C},x} [Kun05, Theorem 6.12 (b)]. Par 3.4, si V𝑉V est un diviseur dicritique pour z𝑧z, alors ϕ~(V)~italic-ϕ𝑉{\tilde{\phi}}(V) est un des 𝒪C~,xsubscript𝒪~𝐶𝑥\mathcal{O}_{\tilde{C},x}.

Soit V𝑉V un diviseur dicritique dominant un point base x𝑥x de la carte affine d’anneau k[X,Y]𝑘𝑋𝑌k[X,Y]. On a alors la suite d’inclusions

k[X,Y]k[X,Y,z]=k[z][X,Y]V.𝑘𝑋𝑌𝑘𝑋𝑌𝑧𝑘delimited-[]𝑧𝑋𝑌𝑉k[X,Y]\hookrightarrow k[X,Y,z]=k[z][X,Y]\hookrightarrow V.

Or tout élément de k[z]𝑘delimited-[]𝑧k[z] est inversible dans V𝑉V, on peut donc insérer k(z)[X,Y]𝑘𝑧𝑋𝑌k(z)[X,Y] dans la suite ci-dessus.

(2) k[X,Y]k[X,Y,z]=k[z][X,Y]k(z)[X,Y]V.𝑘𝑋𝑌𝑘𝑋𝑌𝑧𝑘delimited-[]𝑧𝑋𝑌𝑘𝑧𝑋𝑌𝑉k[X,Y]\longrightarrow k[X,Y,z]=k[z][X,Y]\longrightarrow k(z)[X,Y]\longrightarrow V.

En utilisant l’isomorphisme ϕ¯:k(z)[X,Y]k(z)[u,v]/(f(u,v)zg(u,v)):¯italic-ϕ𝑘𝑧𝑋𝑌𝑘𝑧𝑢𝑣𝑓𝑢𝑣𝑧𝑔𝑢𝑣{\overline{\phi}}:k(z)[X,Y]\longrightarrow k(z)[u,v]/(f(u,v)-zg(u,v)), on voit que tous les diviseurs dicritiques dominant x𝑥x correspondent aux points fermés yC~𝑦~𝐶y\in\tilde{C} dominant x𝑥x par l’inclusion k[X,Y]k(z)[X,Y]𝑘𝑋𝑌𝑘𝑧𝑋𝑌k[X,Y]\longrightarrow k(z)[X,Y] de (2) et que les y𝑦y sont les points d’intersection de C~~𝐶\tilde{C} et G(U,V,T)=0𝐺𝑈𝑉𝑇0G(U,V,T)=0 dominant x𝑥x. \Box

Nous reprenons les notations de 3.1. Soient =F,G𝐹𝐺\mathcal{L}=\langle F,G\rangle un pinceau, et Π:Wk2:Π𝑊subscriptsuperscript2𝑘\Pi:W\longrightarrow\mathbb{P}^{2}_{k} éliminant les points base de :k21:absentsubscriptsuperscript2𝑘superscript1\mathcal{L}:\mathbb{P}^{2}_{k}\mathrel{{\cdot}{\cdot}{\cdot}{\rightarrow}}\mathbb{P}^{1}, avec W𝑊W régulière. Soient Ck2𝐶superscriptsubscript𝑘2{C}\subseteq\mathbb{P}_{k}^{2} la courbe d’équation G=0𝐺0G=0 et Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}} la courbe réduite correspondante [H77, II.3, p.82]. On note p:W1:𝑝𝑊superscript1p:W\longrightarrow\mathbb{P}^{1}, Csuperscript𝐶C^{\prime} la transformée stricte de Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}} dans W𝑊W et O:=p(C)assign𝑂𝑝superscript𝐶O:=p(C^{\prime}).

Voici une nouvelle généralisation du théorème d’Abhyankar–Luengo [AL11, Theorems (1.1), (7.1), (7.2), (7.3)].

Proposition 3.8.

On suppose Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}} lisse en les points base de \mathcal{L}. Pour toute composante dicritique DW𝐷𝑊D\subseteq W de \mathcal{L}, on a que Dp1(O)𝐷superscript𝑝1𝑂D\cap p^{-1}(O) se réduit à un point fermé P𝑃P. Ainsi z:=F/Gassign𝑧𝐹𝐺z:=F/G peut être défini sur D{P}𝐷𝑃D\smallsetminus\{P\} qui est une droite affine dont l’anneau de fonctions est une algèbre de polynômes : z𝑧z est résiduellement un polynôme au sens de [AL11, Theorem (7.1)].

Preuve .

On suppose que:

  1. 1)

    La fibre p1(O)superscript𝑝1𝑂p^{-1}(O) est connexe.

  2. 2)

    Soit ΓΓ\Gamma le graphe obtenu comme suit : On prend le graphe dual des composantes de Π1(Cred)superscriptΠ1subscript𝐶red\Pi^{-1}(C_{\mathrm{red}}) et on contracte en un seul point ΩΩ\Omega toutes les composantes irréductibles de Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}}. Alors ΓΓ\Gamma est un arbre de racine ΩΩ\Omega.

Admettons 1 et 2 et prouvons la proposition. Γ{D}Γ𝐷\Gamma\smallsetminus\{D\} a des composantes connexes Γ0,Γ1,,ΓssubscriptΓ0subscriptΓ1subscriptΓ𝑠\Gamma_{0},\Gamma_{1},\ldots,\Gamma_{s}, et on choisit Γ0subscriptΓ0\Gamma_{0} pour que ΩΓ0ΩsubscriptΓ0\Omega\in\Gamma_{0}. Comme p1(O)superscript𝑝1𝑂p^{-1}(O) est connexe et contient ΩΩ\Omega mais pas D𝐷D, on a p1(O)Γ0superscript𝑝1𝑂subscriptΓ0p^{-1}(O)\subseteq\Gamma_{0}. Mais ΓΓ\Gamma est un arbre, Γ0subscriptΓ0\Gamma_{0} aussi et a pour racine ΩΩ\Omega, donc D𝐷D est rattaché à Γ0subscriptΓ0\Gamma_{0} en exactement un seul point : son prédécesseur que nous notons EDsubscript𝐸𝐷E_{D}. Par ailleurs, p𝑝p restreinte à D𝐷D est propre, p(D)𝑝𝐷p(D) non constant, donc p(D)=1𝑝𝐷superscript1p(D)=\mathbb{P}^{1}. Comme ΓΓ\Gamma est un arbre, {ED}Dsubscript𝐸𝐷𝐷\{E_{D}\}\cap D est un point P𝑃P, éventuellement l’isomorphe d’un point base par CCredsuperscript𝐶subscript𝐶redC^{\prime}\longrightarrow C_{\mathrm{red}} si ED=Ωsubscript𝐸𝐷ΩE_{D}=\Omega : la courbe Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}} est lisse en les points base 2superscript2\mathbb{P}^{2} et est donc isomorphe à son transformé strict Csuperscript𝐶C^{\prime} qui est connexe. Ainsi P={ED}Dp1(O)D𝑃subscript𝐸𝐷𝐷superset-of-or-equalssuperscript𝑝1𝑂𝐷P=\{E_{D}\}\cap D\supseteq p^{-1}(O)\cap D\neq\varnothing: p1(O)Dsuperscript𝑝1𝑂𝐷p^{-1}(O)\cap D est réduit à P𝑃P. CQFD

Prouvons 2. Soient Γi:=Π1(Bi)assignsubscriptsuperscriptΓ𝑖superscriptΠ1subscript𝐵𝑖\Gamma^{\prime}_{i}:=\Pi^{-1}(B_{i})Bisubscript𝐵𝑖B_{i} (1it1𝑖𝑡1\leqslant i\leqslant t) sont les points base de =F,G𝐹𝐺\mathcal{L}=\langle F,G\rangle. Comme Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}} est lisse, Γ1,,ΓtsubscriptsuperscriptΓ1subscriptsuperscriptΓ𝑡\Gamma^{\prime}_{1},\ldots,\Gamma^{\prime}_{t} sont des arbres et ΓΓ\Gamma est l’arbre obtenu en joignant les racines respectives de Γ1,,ΓtsubscriptsuperscriptΓ1subscriptsuperscriptΓ𝑡\Gamma^{\prime}_{1},\ldots,\Gamma^{\prime}_{t} (c’est-à-dire, les composantes exceptionnelles qui intersectent Csuperscript𝐶C^{\prime}) à ΩΩ\Omega.

Pour 1, par la factorisation de Stein [H77, III. Corollary 11.5], p𝑝p se factorise par p1:WY:subscript𝑝1𝑊𝑌p_{1}:W\longrightarrow Y et n:Y1:𝑛𝑌superscript1n:Y\longrightarrow\mathbb{P}^{1}n𝑛n est un morphisme fini, Y𝑌Y normale et p1subscript𝑝1p_{1} est projective et a toutes ses fibres connexes. Soit ΛΛ\Lambda une courbe irréductible de 2superscript2\mathbb{P}^{2} qui ne passe pas par les points base de \mathcal{L}. Par Bézout, ΛΛ\Lambda intersecte toutes les courbes de \mathcal{L}. Soit ΛsuperscriptΛ\Lambda^{\prime} sa transformée stricte dans W𝑊W. On a p1(Λ)=Ysubscript𝑝1superscriptΛ𝑌p_{1}(\Lambda^{\prime})=Y parce que ΛΛ\Lambda n’est contenue dans aucune courbe de \mathcal{L} et que p1subscript𝑝1p_{1} est fermée. On en déduit que ΛsuperscriptΛ\Lambda^{\prime} rencontre toutes les composantes connexes de p1(O)=p11(n1(O))superscript𝑝1𝑂superscriptsubscript𝑝11superscript𝑛1𝑂p^{-1}(O)=p_{1}^{-1}(n^{-1}(O)) (elles sont en bijection avec les points de n1(O)superscript𝑛1𝑂n^{-1}(O)). Comme ΛΛ\Lambda ne passe pas par les points base de \mathcal{L}, les points de Λp1(O)superscriptΛsuperscript𝑝1𝑂\Lambda^{\prime}\cap p^{-1}(O) ne sont pas exceptionnels pour W2𝑊superscript2W\longrightarrow\mathbb{P}^{2}. Cela entraîne que chaque composante connexe de p1(O)superscript𝑝1𝑂p^{-1}(O) contient au moins une composante irréductible non exceptionnelle, c’est-à-dire, le transformé strict d’une composante irréductible de Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}}. Par hypothèse, on n’a fait des éclatements qu’au dessus de points lisses de Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}}: le transformé strict de Credsubscript𝐶redC_{\mathrm{red}} est connexe. Donc p1(O)superscript𝑝1𝑂p^{-1}(O) a une seule composante connexe. \Box

On extrait de la preuve le résultat géométrique suivant qui généralise le théorème de connexité de [TW94] p. 377.

Corollaire 3.9.

Avec les hypothèses et notations de 3.8, la fibre p1(O)superscript𝑝1𝑂p^{-1}(O) est connexe.

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