Pureté des fibres de Springer affines pour
Résumé.
Pour et un élément semi-simple régulier non-ramifié entier, la fibre de Springer affine admet un pavage en espaces affines, donc sa cohomologie est “pure”.
1. Introduction
Soit un corps algébriquement clos. On note le corps de séries de Laurent sur , son anneau d’entier, son idéal maximal. On fixe une clôture algébrique de , et la valuation discrete normalisée par . Soient , le tore maximal des matrices diagonales, le sous-groupe de Borel des matrices triangulaires supérieures de . On notera leur algèbre de Lie par la lettre gothique correspondante. Soient , le sous-groupe d’Iwahori standard de , i.e. il est l’image inverse de sous la réduction . Les groupes sont muni des structures de ind--schéma en groupe. On note la grassmannienne affine, c’est un ind--schéma qui classifie les réseaux dans :
Soit un élément semi-simple régulier. La fibre de Springer affine
a été introduite par Kazhdan et Lusztig dans [KL]. C’est un sous-schéma fermé localement de type fini et de dimension finie de , qui est non-vide si et seulement si est entier (i.e. ses valeurs propres sont entières dans ). Elle est utilisée par Goresky, Kottwitz et Macpherson dans [GKM2] pour montrer le lemme fondamental de Langlands-Shelstad, sous l’hypothèse suivante:
Conjecture 1.1 (Goresky-Kottwitz-Macpherson).
Soit un élément semi-simple régulier entier, la cohomologie de la fibre de Springer affine est pure au sens de Grothendieck-Deligne.
Dans [GKM1], Goresky, Kottwitz et Macpherson ont montré cette conjecture pour équivalué. L’élément est dit équivalué si ne dépend pas de la racine de sur par rapport à . Pour cela, ils ont construit un pavage en espaces affines de . Pour une variété sur , un pavage en espaces affines de est une filtration croissante exhaustive de telle que est fermé et est isomorphe à un espace affine standard, . Dans le cas où est équivalué, un tel pavage est obtenu en intersectant avec le pavage de Bruhat-Tits.
Mais pour non-équivalué, les intersections sont en général singulières. Un exemple typique est le suivant.
Exemple 1.1.
Soit , . Pour , on note et . On a
En utilisant la coordonné
on trouve que l’intersection est la sous-variété de définie par l’équation
Lucarelli a construit dans [Lu] un pavage en espaces affines de pour . Il part d’un pavage en espaces affines de qui est différent de celui de Bruhat-Tits. Dans notre exemple pour , Lucarelli rassemble le pavé singulier et le pavé lisse , et redécoupe la réunion de ces deux pavés en utilisant la décomposition de Bruhat-Tits pour l’Iwahori
Le pavé singulier sera coupé en parties. D’une part on a la branche , qui est isomorphe à , d’autre part, on a la branche , qui est isomorphe à . Cette dernière sera réunit avec la cellule pour former l’espace affine , ce que on peut voir dans le calcul suivant:
et
Donc la branche et la cellule se rassemblent en l’espace affine
Remarquons que dans l’exemple 1.1, on peut aussi déplacer la branche vers le pavé lisse , ce que ne fait pas Lucarelli. Nous utilisons en fait les deux possibilités pour obtenir une famille de pavages de qui sont différents de celui de Lucarelli, mais qui nous permet de paver la fibre de Springer affine pour .
Soit la base standard de . Pour , on note
C’est un sous schéma fermé -invariant de , et . Notre résultat principal est
Théorème 1.1.
Pour et semi-simple régulier non-ramifié entier, admet un pavage en espaces affines, en particulier, est pur.
L’idée est de couper en parties localement fermées telles que chaque partie est une fibration en espaces affines sur une sous-variété localement fermée de , et donc le pavage est ramené aux pavages pour .
Notations. On note le système de racines de par rapport à et on simplifie , on note les poids fondamentaux correspondants. À toute racine , on associe de la manière usuelle une co-racine . On note le semi-groupe des co-caractères dominants. On note le groupe de Weyl de , on note la réflexion associée à la racine et on simplifie . Pour tout sous-groupe fermé de stable par sous l’action adjointe, on note l’ensemble des racines de dans . On note l’ensemble des sous-groupes paraboliques de contenant , et l’ensemble des sous-groupes de Levi contenant .
Pour , on utilise un exposant M pour désigner l’objet correspondant pour . On identifie la grassmannienne affine à un sous-ind--schéma fermé de par l’injection naturel .
Pour , on note le plus grand entier qui est inférieure ou égale à , et le plus petit entier qui est supérieur ou égale à .
Remerciements. C’est un grand plaisir pour moi de remercier G. Laumon pour m’avoir proposé ce sujet de recherche et ses encouragements constants. Je le remercie aussi pour les nombreuses améliorations qu’il a apporté à ce travail. Je remercie U. Görtz et T. Haines pour avoir signalé quelques imprécisions sur la longueur et l’ordre de Bruhat-Tits sur le groupe de Weyl affine. Je remercie enfin le rapporteur anonyme de cet article pour sa relecture attentive.
2. Pavages non standard de la grassmannienne affine
2.1. Filtration de Moy-Prasad
Le tore “pivotant” agit sur le corps par . Ainsi il agit sur et son algèbre de Lie . Soit , le premier facteur étant le tore pivotant. On note le caractère définit par . On note le caractère de .
L’algèbre de Lie se décompose en espaces propres sous l’action de :
où est de poids et est de poids .
Pour fixé, , on définit une filtration sur :
C’est la filtration de Moy-Prasad sur introduite dans [MP]. Pour , on note le sous-groupe de contenant dont l’algèbre de Lie est . Alors, est un sous-groupe parahorique de contenant , et est un sous-groupe distingué de .
Exemple 2.1.
-
(1)
Pour , on a .
-
(2)
Pour , on a .
-
(3)
Pour , on note , on a
2.2. La décomposition de Bruhat-Tits
La grassmannienne affine admet un pavage standard en espaces affines. Pour le décrire, on définit d’abord une ordre de Bruhat-Tits “modifiée” sur , on commence par . Soit , alors si et seulement si
Puis on pose . Pour tout , où est le stabilisateur de , on pose si et seulement si , où est l’ordre sur induite de celle de Bruhat-Tits sur par rapport à . Puis, pour , on pose
On identifie avec par l’application .
Théorème 2.1 (Bruhat-Tits).
Pour , on a un pavage en espaces affines
De plus, si et seulement si .
On peut consulter [IM] pour la démonstration. On va réécrire le théorème ci-dessus sous la forme d’une décomposition de Bialynicki-Birula. Le tore agit sur . On note le co-caractère défini par
(1) |
Considérons l’action de sur induite par le co-caractère . L’ensemble des points fixes est discret et égal à . De plus, on a
Ici, la limite porte le sens suivant: Soit assez grand tel que , alors le morphisme défini par se factorise par puisque est stable sous l’action de . Et il se prolonge à un morphisme unique puisque est propre, la limit en question est définie comme
qui ne dépend que de et de .
2.3. Pavages non standard de la grassmannienne affine tronquée
2.3.1. Pavage triangulaire
On va paver la variété d’une manière différente de celle de Bruhat-Tits.
Proposition 2.2.
Soit et .
-
(1)
L’intersection est non-vide seulement si .
-
(2)
Pour , l’intersection est isomorphe à un espace affine standard. Plus précisément, , où est la sous--variété ouverte et fermée de formée des matrices telles que et que
où .
-
(3)
Par conséquent, on a un pavage en espaces affines
L’inclusion implique que .
Démonstration.
-
(1)
Prenons . Puisque est fermé et invariant sous l’action de , on a
-
(2)
Pour , , le réseaux admet une base unique sur de la forme
tel que
On a si et seulement si
d’où la description précise de l’intersection dans la proposition.
∎
Passant aux composantes connexes de la grassmannienne affine. Pour , on note la variété de Schubert affine.
Corollaire 2.3.
Soit tel que , soit . Alors on a un pavage en espaces affines
L’intersection , où est la sous--variété ouverte et fermée de formée des matrices telles que
où . De plus, l’inclusion
implique que .
Démonstration.
C’est parce que la variété est l’une des composants connexes de . ∎
2.3.2. Passage au dual
On définit un accouplement par
Pour , on note Alors est un réseau et . On a donc une involution . Pour , on note l’image de sous cette involution, alors
Lemme 2.4.
Pour , on a .
Utilisant ce lemme, on trouve une version duale du corollaire 2.3.
Corollaire 2.5.
Soit tel que , soit . Alors on a un pavage en espaces affines
L’intersection est égale à , où est la sous--variété ouverte et fermée de formée des matrices telles que
où . De plus, l’inclusion
implique que .
2.4. Pavages en tranches de la grassmannienne affine tronquée
On fixe tel que . Le but de cette section est de construire une famille de pavage non standard de la variété de Schubert affine .
2.4.1. Partition en tranches
On va couper en parties localement fermées. On note
On note , c’est une sous-variété ouverte de . L’idée est de couper en parties localement fermées et d’utiliser le lemme suivant pour procéder par récurrence.
Lemme 2.6.
Soit tel que . Si , alors il existe tel que
et que .
Démonstration.
Dans le cas où , on a , et
Dans le cas où , on a , et
Dans le cas où , on a ∎
On va ensuite couper selon les sous-groupes paraboliques maximaux semi-standards. Soient maximal, sa factorisation de Levi. On note le poids tel que
On note le sous-ensemble propre tel que
On note le complémentaire de . Les , et se correspondent bijectivement, on les identifie en tant que sous-indice.
On prend tel que
(2) |
On note
où est l’unique poids fondamental dans l’orbite . Il est clair que ne dépend que de l’intervalle dans l’équation (2). On note . Alors on a la partition disjointe
On va ensuite ordonner les . Pour fixé, l’union peut être ordonné par l’inverse de l’ordre de Bruhat-Tits de . Donc il reste à ordonner les , on distingue entre deux cas.
(1) et .
Pour tel que , on note
Lemme 2.7.
-
(1)
Pour tel que , est vide.
-
(2)
Pour tel que , on a
Démonstration.
-
(1)
On raisonne par l’absurde. Supposons , alors et donc pour . Parce que , on a
ce qui est une contradiction à l’hypothèse que .
-
(2)
C’est parce que est le plus longue élément dans .
∎
Donc, on a l’égalité
ce qui donne l’ordre entre les : on a La figure 1 donne un exemple de l’ordre de pavage pour dans ce cas.
(2) et .
Pour tel que , on note
Alors parallèlement on a
Lemme 2.8.
-
(1)
Pour tel que , est vide.
-
(2)
Pour tel que , on a
Donc, on a l’égalité
ce qui donne l’ordre entre les : on a . La figure 2 donne un exemple de l’ordre de pavage pour dans ce cas.
2.4.2. Pavage non standard en tranches
On va repaver les en espaces affines. Pour cela, on montre qu’ils sont des fibrations en espaces affines sur certaines variétés de Schubert affines de , et on se ramène à repaver ces variétés de Schubert affines.
Lemme-Définition 2.9.
Soit un sous--schéma réduit de de type fini. Soit un sous--module de type fini de . On suppose que est indépendent de pour , alors les s’organisent en un fibré vectoriel que on notera sur .
Démonstration.
Choisissons assez grand tel que
On note le fibré vectoriel constant sur avec fibre . On note le sous-fibré vectoriel de tel que sa fibre sur est . On note le sous-fibré vectoriel de tel que sa fibre sur est . L’hypothèse implique que l’intersection est équi-dimensionel sur , et donc il est un fibré vectoriel sur . Le quotient est donc le fibré vectoriel que l’on cherche. ∎
Pour , soit la décomposition d’Iwasawa de , on note le point , qui ne dépend que de et de .
Définition 2.1.
On note la rétraction .
Lemme 2.10.
La rétraction
est une fibration en espaces affines, en particulier sa restriction à l’est aussi pout tout .
Démonstration.
Par définition, on a
On note . Pour , on a
car normalise . Parce que , la dimension de la dernier terme est
où et est l’unique poids fondamental dans l’orbite , donc la dimension est constante pour . Donc les dimensions de sont constantes pour . D’après le lemme 2.9, ils s’organisent en un fibré vectoriel .
Par l’isomorphisme canonique
on obtient que est un -torseur sur , d’où la proposition.
∎
Pour , on dit que est positif par rapport à si
On dit qu’il est négatif par rapport à si est positif par rapport à .
Proposition 2.11.
Soit tel que . On prend un nombre comme dans l’équation (2). Soient maximal, sa factorisation de Levi. Soit tel que est négatif par rapport à . Alors on a le pavage en espaces affines
l’inclusion implique que . De plus, on a l’intersection
où avec
-
(1)
est la sous--variété ouverte et fermée de formée des matrices telles que et que
où .
-
(2)
est la sous--variété ouverte et fermée de formée des matrices telles que et que
où .
Démonstration.
Soit le co-caractère défini par l’équation (1). Pour , on a
Donc
Pour , on a
car est négatif par rapport à , d’où l’égalité
(3) |
Cette égalité implique que le pavage non standard se factorise par la fibration . Plus précisément,
(4) |
Remarquons que
pour certaines indices .
Corollaire 2.12.
Même hypothèse que la proposition précédente. La rétraction
est une fibration en espaces affines.
Démonstration.
C’est parce que le pavage non standard factorise par la fibration , qui est une fibration en espaces affines par le lemme 2.10.
∎
En conclusion, soient tel que , un nombre comme dans l’équation (2). Étant donné pour tout maximal tel que est négatif par rapport à , on peut paver en espaces affines avec l’Iwahori d’après la proposition 2.11. De cette manière, on construit un pavage non standard de . Comme on a remarqué, cette processus peut être continué sur avec autre paramètre . Par récurrence, on construit un pavage non standard de , on l’appelle le pavage en tranches de .
3. Application aux pavages de la fibre de Springer affine
Soit un élément semi-simple régulier entier, on va utiliser les pavages non standard pour paver la fibre de Springer affine . La fibre de Springer affine n’est pas réduite comme un schéma, mais on va travailler avec sa structure réduite puisque on s’intéresse qu’à sa cohomologie étale.
3.1. Une proposition technique
Prenons un sous-groupe parabolique maximal . Soit un élément semi-simple régulier entier. Soient des sous-groupes ouverts et fermés.
Lemme 3.1.
Considérons la rétraction
Soit , alors est isomorphe canoniquement à
Démonstration.
Pour , soit , alors
d’ou le lemme (dans la deuxième ligne on utilise le fait que est maximal). ∎
Proposition 3.2.
Soit une sous-variété de . On suppose que les dimensions
sont indépendantes de pour tout . Alors la rétraction
est une fibration en espaces affines.
Démonstration.
Remarque 3.1.
La condition que la dimension de est indépendante de pour tout est équivalent à la condition que la rétraction
est une fibration en espaces affines. Dans la suite, on utilise aussi cette condition alternative.
Lemme 3.3.
Supposons que normalise . Soit une -orbite dans , alors la dimension est indépendante de pour .
Démonstration.
Fixe , pour tout , on a
car normalise , d’où le lemme. ∎
Corollaire 3.4.
Supposons que normalise les algèbres de Lie et . Soit une -orbite dans . Alors la rétraction
est une fibration en espaces affines.
3.2. Pavage pour
Dans cette section uniquement, on suppose que . Alors le tore maximal est isomorphe soit à , soit à , soit à . On appelle dans ces cas non-ramifié, mélangé, elliptique respectivement.
Le pavage de est connue dans les cas suivants:
Théorème 3.5 (Lucarelli).
Pour non-ramifié, admet un pavage en espaces affines.
Pour elliptique, le pavage de est donné par Goresky, Kottwitz et Macpherson dans [GKM1] car est forcément équivalué.
Proposition 3.6.
Pour mélangé, la cohomologie de est pure.
Démonstration.
Pour équivalué, c’est déjà montré par Goresky, Kottwitz et Macpherson. Pour non-equivalué, à conjugaison près, on peux supposer que
On va paver en espaces affines. D’abord, on pave avec l’Iwahori . Pour , on note . Par la proposition 2.2, on a un pavage en espaces affines et
On note
Soit sa factorisation de Levi standard. D’après le corollaire 3.4, la rétraction
est une fibration en espaces affines. En effet, on prend
alors . Il est évident que normalise et .
De plus, l’intersection est isomorphe à un espace affine car , donc l’est aussi.
∎
Avec le même pavage, on peut montrer:
Proposition 3.7.
Soit tel que et est équivalué de valuation , . Alors est pur.
En conclusion, on a
Théorème 3.8.
Pour tout semi-simple régulier entier, la cohomologie de est pure.
Dans la suit, on va utiliser les pavages non standard en tranches de la grassmannienne affine tronquée que l’on a construit dans §2.4, pour paver les fibres de Springer affines , non-ramifié. Ce pavage est plus “flexible” que celui de Lucarelli, et il est indisponible pour paver la fibre de Springer affine pour dans le cas non-ramifié.
Théorème 3.9.
Soient un élément régulier, , un nombre comme dans l’équation (2). Alors pour tout maximal, l’intersection admet un pavage en espaces affines.
Démonstration.
Après conjuguer par le groupe de Weyl, on peut supposer que
On note . Soit la factorisation de Levi standard de . On note , alors on a .
-
(1)
Pour ou , on va montrer que l’intersection est isomorphe à un espace affine standard. On traite que , l’autre cas étant pareil.
Parce que normalise et , d’après le corollaire 3.4, la rétraction
est une fibration en espaces affines. De plus, l’intersection est isomorphe à un espace affine car . L’intersection est donc isomorphe à un espace affine.
-
(2)
Pour ou . On ne traite que , l’autre cas étant pareil.
Soit , et
qui est un groupe de Lie. D’après la proposition 2.11, on a un pavage en espaces affines
et
On va montrer que l’intersection est isomorphe à un espace affine standard. Ainsi on obtiendra un pavage en espaces affines
Par le corollaire 2.12, la rétraction
est une fibration en espaces affines. Puisque , il normalise , le lemme 3.3 et la proposition 3.2 impliquent que la rétraction
est une fibration en espaces affines. Puisque , l’intersection est isomorphe à un espace affine. Par conséquent, est isomorphe à un espace affine.
-
(3)
Pour ou . On va montrer que l’intersection est isomorphe à un espace affine standard, ainsi on obtiendra un pavage en espaces affines de similaire au cas précedent. On ne traitre que le cas , l’autre cas étant pareil.
Soit , on note
qui est un groupe de Lie. D’après la proposition 2.11, on a
Par le corollaire 2.12, la rétraction
est une fibration en espaces affines. Puisque , il normalise . Le lemme 3.3 et la proposition 3.2 impliquent que la rétraction
est une fibration en espaces affines. Puisque , l’intersection est isomorphe à un espace affine et donc est isomorphe à un espace affine.
∎
En utilisant le pavage en tranches de que l’on a construit dans §2.4, on obtient
Corollaire 3.10.
Pour tout , la sous-variété fermée de admet un pavage en espaces affines. En particulier, elle est pure.
3.3. Pavage pour dans le cas nonramifié
Soit un élément régulier entier, le but de cette section est de démontrer le théorème suivant:
Théorème 3.11.
Pour tout , l’intersection admet un pavage en espaces affines. Par conséquent, la cohomologie de est pure.
Le reste de la section est consacré à la démonstration du théorème. Quitte à conjuguer par le groupe de Weyl, on peut supposer que est en forme minimale (voir l’appendice), alors sa valuation radicielle est l’un des deux types suivants:
-
(1)
,
-
(2)
Pour les deux types, il suffit de paver l’intersection de avec le composant neutre . Pour simplifier les notations, on le note encore . On commence par paver en utilisant le sous-groupe d’Iwahori
On note . D’après la proposition 2.2, on a un pavage en espaces affines
et
Pour , on note
Alors , et pour tout , on a ce qui donne l’ordre de pavage entre les . Voir la figure 3 pour ce découpage. Pour démontrer le théorème 3.11, il suffit donc de paver chaque .
On note
Soit sa factorisation de Levi. On note
alors .
Lemme 3.12.
La rétraction est une fibration en espaces affines.
Démonstration.
On montre d’abord que la dimension de est indépendante de pour . Pour , on a
car normalise . Et la dimension de la dernière terme est
Donc les s’organisent en un fibré vectoriel sur . La rétraction en question est un torseur sous ce fibré vectoriel, d’où le lemme. ∎
De plus, puisque , la projection vers le deuxième facteur donne un isomorphisme
Dans la suite, on distingue entre les deux types.
3.3.1. Premier type
On va couper en parties localement fermées telles que la restriction de la fibration
sur chaque partie est une fibration en espaces affines.
On fixe tel que
Pour , on note
et on note
Alors . Pour tout , on note
Les figures 4 et 5 donnent les découpages dans les deux cas.
Lemme 3.13.
La rétraction
induite une fibration en espaces affines
et du même quand on remplace par .
Démonstration.
Puisque on a déjà le lemme 3.12, d’après la proposition 3.2, il suffit de montrer que la dimension de
est indépendante de pour dans . Même argument si on remplace par .
Pour , on a . Pour , on a
car normalise . La dimension du dernier terme est
-
(1)
Pour , , la dimension est .
-
(2)
Pour , , la dimension est
constante sur .
-
(3)
Pour , la dimension est
constante sur .
-
(4)
Pour , la dimension est
constante sur .
∎
Puisque , d’après le théorème 3.9 et le corollaire 3.10, les intersections
admettent des pavages en espaces affines, et on a vu comment les ordonner pour en déduire un pavage en espaces affines de . D’après le lemme précédent, les intersections
admettent aussi des pavages en espaces affines, et en utilisant le même ordre que leurs analogues ci-dessus, on en déduit un pavage en espaces affines de . Le théorème est donc démontré pour ce type.
3.3.2. Deuxième type
On pave avec l’Iwahori , où
On note . Soit
où . Alors les mêmes arguments que ceux dans la démonstration de la proposition 2.11 et du lemme 2.12 montrent que
Lemme 3.14.
On a un pavage en espaces affines
où , et la rétraction
est une fibration en espaces affines.
Lemme 3.15.
La rétraction
est une fibration en espaces affines.
Démonstration.
On note
C’est une sous-variété fermée de . Voir le figure 6 pour avoir une idée de . Dans les lemmes 3.16, 3.17, on va paver et en espaces affines. La réunion de ces deux pavages nous donnera un pavage en espaces affines de , ce qui terminera la démonstration pour le deuxième type.
Lemme 3.16.
La sous-variété ouverte de admet un pavage en espaces affines. Plus précisément, pour , l’intersection est isomorphe à un espace affine.
Démonstration.
D’après le lemme 3.15, il suffit de montrer que est isomorphe à un espace affine. Puisque
on a
On note
Ce sont des groupes de Lie et on a . On note
et sa factorisation de Levi. Parce que normalise et , le corollaire 3.4 implique que la rétraction
est une fibration en espaces affines. De plus, l’intersection est isomorphe à un espace affine car , d’où le lemme. ∎
Lemme 3.17.
L’intersection admet un pavage en espaces affines.
Démonstration.
En utilisant le lemme 3.15, on va déduire un pavage de d’un pavage de .
Pour , on a
La composition de la translation sur par et la projection à la facteur de donne un isomorphisme
(5) |
Avec cet isomorphisme, on peut translater le pavage pour à un pavage pour . On fixe tel que
On note et . Pour , on note
et on note
Alors . Pour tout , on note
Ce découpage est analogue de celui indiqué dans les figures 4 et 5.
Lemme 3.18.
La rétraction
induite une fibration en espaces affines
et du même si on remplace par .
Démonstration.
Puisque on a déjà le lemme 3.12, d’après la proposition 3.2, il suffit de montrer que la dimension de
est indépendante de pour dans . Même argument si on remplace par .
Pour , on a . Pour , on a
car normalise . La dimension du dernier terme est
-
(1)
Pour , soit , la dimension est
donc constante sur .
-
(2)
Pour , soit , la dimension est .
-
(3)
Pour , la dimension est
donc constante sur .
-
(4)
Pour , la dimension est
donc constante sur .
∎
Par l’isomorphisme , les intersections
admettent des pavages en espaces affines d’après le théorème 3.9 et le corollaire 3.10. Comme expliqué dans la construction de §2.4, on peut les ordonner pour en déduire un pavage en espaces affines de . D’après le lemme précédent, les intersections
admettent aussi des pavages en espaces affines. En utilisant le même ordre que leurs analogues ci-dessus, on en déduit un pavage de en espaces affines. ∎
Remarque 3.2.
-
(1)
La méthode que l’on a développé pour paver les fibres de Springer affines pour peut être généralisée aux groupes classiques de rang et sans grandes difficultés.
-
(2)
La difficulté principale pour généraliser cette méthode à est due au fait que les intersections ne sont pas pure si n’est pas conjugué à ou sous l’action de .
Appendice: Forme minimale d’un élément semi-simple régulier non-ramifié
Soit , le tore maximal des matrices diagonales.
Définition 3.1.
L’élément régulier est dit en forme minimale s’il satisfait à la condition
Dans ce cas, on dit que sa valuation radicielle est le -uplet .
Proposition 3.19.
Tout élément est conjugué sous l’action du groupe de Weyl à au moins un élément en forme minimale.
Démonstration.
On va montrer la proposition par récurrence. Pour , le résultat est évident. On suppose que pour la proposition est démontrée.
Soit , soit . Soit l’une des sous-matrices équivaluées de valuation de qui est de taille maximale. On note , et .
Lemme 3.20.
Pour fixé et , les valuations sont toutes les mêmes et strictement plus petites que .
Démonstration.
S’il existe tel que , alors pour tout , les inégalités
entrainent que , i.e. que la matrice est équivaluée de valuation , contradiction à l’hypothèse que est de taille maximale. Donc , pour tout .
Par conséquent, pour tout , on a
∎
Donc on peut “contracter” en un élément tel que et les valuations radicielles ne changent pas à l’extérieure de . On note . On observe que la matrice est toujours de taille strictement plus grande que , donc est de taille strictement plus petite que . Par l’hypothèse de récurrence, admet une forme minimale . En remplaçant l’élément dans par , on trouve une conjugaison de en forme minimale.∎
Remarque 3.3.
En général, un élément peut être conjugué à plusieurs éléments en forme minimale.
Références
- [GKM1] M. Goresky, R. Kottwitz, R. Macpherson, Purity of equivalued affine Springer fibers, Representation Theory 10 (2006), 130-146.
- [GKM2] M. Goresky, R. Kottwitz, R. Macpherson, Homology of affine Springer fibers in the unramified case, Duke Math. J. 121 (2004), no. 3, 509-561.
- [GKM3] M. Goresky, R. Kottwitz, R. Macpherson, Codimensions of root valuation strata, Pure. Appl. Math. Q. 5 (2009), no. 4, 1253-1310.
- [IM] N. Iwahori, H. Matsumoto, On some Bruhat decomposition and the structure of the Hecke rings of -adic Chevalley groups, Publ. Math. IHES, 25 (1965), 5-48.
- [KL] D. Kazhdan, G. Lusztig, Fixed point varieties on affine flag manifolds, Israel. J. Math. 62(1988), 129-168.
- [Lu] V. Lucarelli, Affine pavings for affine Springer fibers for split elements in , http://arxiv.org/abs/math/0309132
- [MP] A. Moy, G. Prasad, Unrefined minimal K-types for p-adic groups, Invent. Math. 116 (1994), 393–408.