Centralisateurs dans le groupe de Jonquières
We give a criterion to determine when the degree growth of a birational map of the complex projective plane which fixes (the action on the basis of the fibration is trivial) a rational fibration is linear up to conjugacy. We also compute the centraliser of such maps. It allows us to describe the centraliser of the birational maps of the complex projective plane which preserve a rational fibration (the action on the basis of the fibration being not necessarily trivial); this question is related to some classical problems of difference equations.
Mathematics Subject Classification. — ,
1 Introduction
La description des centralisateurs des systèmes dynamiques discrets est considérée comme un problème important tant en dynamique réelle que complexe. Ainsi Julia ([20, 19]) puis Ritt ([27]) montrent que l’ensemble des fonctions rationnelles commutant à une fonction rationnelle fixée se réduit en général aux itérés de l’un de ses éléments sauf dans quelques cas spéciaux (à conjugaison près les monômes , les polynômes de Tchebychev, les exemples de Lattès…) Plus tard, dans les années , Smale demande si un difféomorphisme générique d’une variété compacte a son centralisateur trivial, c.-à.d. si
est réduit à . De nombreux mathématiciens ont apporté leur contribution parmi lesquels Bonatti, Crovisier, Fisher, Palis, Wilkinson, Yoccoz ([5, 14, 15, 23, 24, 25]). De même dans le cadre local, plus précisément dans l’étude des éléments de , le groupe des germes de difféomorphismes holomorphes à l’origine de , la description des centralisateurs joue un rôle crucial. Ainsi Ecalle montre que si est tangent à l’identité alors, sauf cas exceptionnel, son centralisateur se réduit encore à un (voir [12, 13]); ceci permet en particulier de décrire les sous-groupes résolubles non abéliens de (voir [9]). À l’inverse Perez-Marco montre qu’il existe des sous-groupes abéliens non linéarisables et non dénombrables de en liaison avec des questions difficiles de « mauvais petits diviseurs » ([26]).
Nous nous proposons de terminer (à indice fini près) le calcul des centralisateurs des éléments du groupe de Cremona . Comme on peut le voir entre autres dans [3, 7] ces calculs de centralisateurs apparaissent naturellement dans les problèmes de représentations de groupes abstraits dans les groupes de transformations. Le groupe des transformations birationnelles du plan projectif complexe est constitué des applications rationnelles
les désignant des polynômes homogènes de même degré et sans facteur commun, qui admettent (sur un ouvert de Zariski) un inverse du même type. Rappelons que le premier degré dynamique de est donné par .
Par « homogénéisation » chaque automorphisme polynomial de produit un élément de , ainsi le groupe des automorphismes polynomiaux de peut être vu comme un sous-groupe de ; c’est le produit amalgamé du groupe des automorphismes affines et du groupe élémentaire défini par
le long de leur intersection ([21]). En s’appuyant sur cette structure très particulière Friedland et Milnor ont montré l’alternative suivante ([16]): soit dans alors
-
—
ou bien est conjugué à un élément de ;
-
—
ou bien est de type Hénon, c.-à.d. conjugué à où , , , .
Si est dans , on a (resp. ) si et seulement si est un automorphisme élémentaire (resp. un automorphisme de type Hénon). Étant donné un automorphisme polynomial de on appelle centralisateur de le groupe des automorphismes polynomiaux qui commutent à . Mis à part les automorphismes résonants du type
tout élément de se plonge dans un flot. En particulier le centralisateur d’un élément de non résonant est non dénombrable; quant aux éléments résonants ils commutent aux automorphismes de la forme , , leur centralisateur est donc aussi non dénombrable. Par contre le centralisateur d’un élément de type Hénon est dénombrable; plus précisément si est type Hénon, son centralisateur est isomorphe à pour un certain et génériquement (voir [22]). On a donc pour tout dans l’équivalence suivante: est de type Hénon si et seulement si son centralisateur est dénombrable. Le groupe présente donc une dichotomie: d’un côté les automorphismes de type Hénon, célèbres pour leur dynamique compliquée, et de l’autre les automorphismes conjugués à des éléments de . Cette dichotomie peut se caractériser via le degré dynamique, ou via le caractère dénombrable ou non du centralisateur, ou encore via la présence d’une fibration rationnelle invariante. Comme nous allons le voir cette dichotomie ne persiste pas dans . Toutefois il y a un analogue à l’énoncé de Friedland et Milnor ([11, 17]); une transformation birationnelle de satisfait une et une seule des propriétés suivantes:
-
—
La suite est bornée, est birationnellement conjugué à un automorphisme d’une surface rationnelle et un itéré de est isotope à l’identité.
Dans ce cas préserve une infinité de fibrations rationnelles.
-
—
alors n’est pas conjugué à un automorphisme d’une surface rationnelle et préserve une unique fibration qui est rationnelle.
-
—
auquel cas est conjugué à un automorphisme d’une surface rationnelle préservant une unique fibration qui est elliptique.
-
—
, .
Dans les trois premières éventualités on a , dans la dernière .
À l’inverse du cas polynomial il n’y a pas d’équivalence entre le fait d’avoir un centralisateur dénombrable et d’avoir un premier degré dynamique strictement supérieur à . Dans la suite si est un élément de on note le centralisateur de dans :
La description des centralisateurs des éléments du groupe de Cremona d’ordre infini et à croissance bornée figure dans [3]. Elle découle du fait suivant ([3, Proposition 2.3]): soit une transformation birationnelle d’ordre infini et telle que soit bornée. Alors est conjugué:
-
—
soit à , avec , , le noyau du morphisme , étant engendré par pour un certain ;
-
—
soit à , avec .
Ensuite on montre, dans la première éventualité, que ([3])
dans le cas générique (), on a Enfin dans le second on obtient ([3])
Notons que dans ce dernier cas pour générique, est isomorphe à .
Dans le cas des transformations birationnelles d’ordre fini, la situation est très différente du cas linéaire. Alors que le centralisateur d’une involution linéaire (par exemple ) est infini non dénombrable celui d’une involution de Bertini, resp. Geiser, est fini ([4]). Pour des involutions de Bertini et Geiser génériques le centralisateur se réduit à mais il existe de telles involutions avec un centralisateur plus gros. En effet dans [8, Proposition 3.12] on construit à partir d’un feuilletage , dit de Jouanolou, de degré sur une involution birationnelle ; on montre que est une involution de Geiser. On constate que le groupe engendré par et le groupe d’isotropie de est un groupe fini d’ordre qui est contenu dans .
Notons que lorsque la description des automorphismes des courbes elliptiques permet d’affirmer que est virtuellement abélien tout du moins dans le cas générique. En utilisant la classification des pinceaux de courbes elliptiques (pinceaux d’Halphen) on peut préciser dans tous les cas ces (voir [6])
Dans [6] Cantat donne une description du centralisateur des éléments de premier degré dynamique strictement supérieur à : soit une transformation birationnelle du plan projectif complexe dont le premier degré dynamique est strictement plus grand que . Si est un élément de qui commute avec , il existe deux entiers dans et dans tels que .
Dans [10] on étudie une famille de transformations birationnelles ayant les propriétés suivantes: est à croissance linéaire, en particulier et possède un centralisateur dénombrable: .
Dans cet article on s’attache en particulier à compléter le cas manquant, celui des transformations birationnelles à croissance linéaire. Ceci termine tout du moins du point de vue qualitatif l’étude des centralisateurs des transformations birationnelles qui ne sont pas de torsion.
Dans un premier temps on établit un critère élémentaire permettant d’affirmer qu’une transformation birationnelle qui préserve une fibration rationnelle fibre à fibre est à croissance linéaire (§3); ce critère met en jeu un invariant matriciel projectif classique de type « Baum-Bott ».
Theorème A.
Soit un élément du groupe de Cremona qui préserve une fibration rationnelle fibre à fibre. La transformation est à croissance linéaire si et seulement si l’indice de Baum-Bott de appartient à .
Une conséquence de [11, Theorem 0.2] et du Théorème A est le fait suivant: soit un élément du groupe de Cremona qui préserve une fibration rationnelle fibre à fibre. La transformation est à croissance bornée si et seulement si l’indice de Baum-Bott de appartient à .
Au §4 on commence par établir la propriété suivante: soit une transformation birationnelle qui préserve une fibration rationnelle fibre à fibre. Alors ou bien est périodique, ou bien tous les éléments qui commutent à laissent invariante pas nécessairement fibre à fibre.
Soit une transformation birationnelle qui préserve une fibration rationnelle fibre à fibre; est contenu dans un sous-groupe abélien maximal, noté , préservant fibre à fibre. La nature de ces sous-groupes abéliens maximaux est bien connue, nous la rappelons au §2.3. On décrit les centralisateurs des éléments non périodiques de qui préservent une fibration rationnelle fibre à fibre (§4); cette description conduit à l’énoncé suivant.
Theorème B.
Soit une transformation birationnelle qui préserve une fibration rationnelle fibre à fibre. Si est à croissance linéaire, le centralisateur de est une extension finie de .
Ces résultats nous permettent de décrire, à indice fini près, les centralisateurs des éléments qui préservent une unique fibration rationnelle, pas nécessairement fibre à fibre, question en liaison avec des problèmes classiques d’équations aux différences (§5). Nous verrons que génériquement ces transformations ont un centralisateur trivial, c.-à.d. réduit aux itérés de . Ceci est résumé dans un tableau récapitulatif au §6. Un corollaire immédiat de cette description est l’énoncé suivant:
Corollaire C.
Soit une transformation birationnelle du plan projectif complexe qui préserve une unique fibration rationnelle. Le centralisateur de est virtuellement résoluble.
Remerciements
Merci à J.-J. Loeb pour sa participation sympathique et au rapporteur pour ses remarques et propos judicieux.
2 Groupe de Jonquières
2.1 Quelques rappels sur le groupe de Cremona
Soit un élément de . L’ensemble des points d’indétermination de est par définition l’ensemble
quant à l’ensemble exceptionnel de , ou encore l’ensemble des courbes contractées par , il est donné par
On note que la transformation birationnelle induit un automorphisme de si et seulement si . Pour les transformations évoquées dans l’introduction et données par
on a
2.2 Groupe de Jonquières
Le groupe de Jonquières est le groupe des transformations birationnelles du plan projectif complexe préservant un pinceau de courbes rationnelles; on le note . Comme deux pinceaux de courbes rationnelles sont birationnellement conjugués, ne dépend pas, à conjugaison près, du pinceau choisi. Dit autrement on peut supposer à conjugaison birationnelle près que est, dans une carte affine de , le groupe maximal des transformations birationnelles laissant la fibration cte invariante. Une transformation de permutant les fibres de la fibration, induit un automorphisme de la base , soit un élément de ; lorsque préserve les fibres, agit comme une homographie dans les fibres génériques. Le groupe de Jonquières s’identifie donc au produit semi-direct ; plus précisément tout dans s’écrit
On remarque que pour un tel l’ensemble exceptionnel se réduit à un nombre fini de fibres cte et éventuellement la « droite » à l’infini. On désigne par le morphisme de dans , c.-à.d. est la seconde composante de . Les éléments de qui préservent la fibration fibre à fibre forment un sous-groupe distingué (noyau du morphisme ) que nous noterons . Si appartient à , il s’écrit et on note la matrice associée . L’indice de Baum-Bott (par analogie avec l’indice de Baum-Bott d’un feuilletage, [1, 18]) de est par définition , on le notera . Le groupe contient bien évidemment des transformations à croissance bornée; on va donner un critère permettant de déterminer les éléments de qui sont à croissance linéaire (§3).
2.3 Formes normales dans
Soit une transformation birationnelle appartenant à ; elle est, à conjugaison birationnelle près, de l’un des types suivants (voir par exemple [10])
avec dans , dans et , dans , n’étant pas un carré (si est un carré alors est conjugué à un élément de type ). En effet, soient un élément de et
son polynôme caractéristique. Ou bien a deux racines distinctes (cas ), ou bien a une racine double (cas ), ou bien n’a pas de racine dans . Dans ce dernier cas ceci signifie que n’est pas un carré dans ; on en déduit que et que s’écrit où désigne un élément de qui n’est pas un carré. Quitte à conjuguer par , on peut supposer que et que , , appartiennent à . Ensuite en conjuguant par on se ramène à et n’est pas un carré; autrement dit avec , dans et n’est pas un carré.
Les sous-groupes abéliens maximaux non finis de sont (à conjugaison près dans ) de trois types
et les groupes
où désigne un élément de qui n’est pas un carré ([10]). En fait en conjuguant par une transformation ad-hoc on peut supposer que est un polynôme ayant toutes ses racines simples, ce que nous faisons dans la suite.
Remarque 2.1.
Un élément de type non trivial est conjugué (via une transformation de type ) à . Les trois types de groupes précédents se distinguent par la nature des points fixes de leurs éléments; avec des notations évidentes , , , ces égalités étant écrites dans .
Par suite si est un élément de et si désigne le sous-groupe abélien maximal non fini de contenant alors, à conjugaison près, est , ou . Plus précisément si est de type (resp. , resp. ), alors (resp. , resp. ).
3 Croissance des degrés dans
Nous allons dans ce paragraphe donner un critère permettant d’affirmer qu’un élément de est à croissance linéaire.
Comme on l’a rappelé précédemment est, à conjugaison birationnelle près, de l’un des types , ou .
Remarque 3.1.
La transformation est une involution si et seulement si l’indice de Baum-Bott de est nul.
Remarque 3.2.
Posons
Soient et son indice de Baum-Bott. Si n’est pas une involution, c.-à.d. , on a
-
—
est du type si et seulement si ;
-
—
est du type si et seulement si appartient à ;
-
—
est du type si et seulement si n’est pas dans .
Si est de type , on a . Lorsque est de type , alors
et on a l’alternative suivante:
-
—
ou bien est une constante auquel cas l’indice de Baum-Bott de est une constante et
-
—
ou bien appartient à et appartient à , alors .
Toute transformation de type , c.-à.d. appartenant à un , est conjuguée dans à . Puisque s’identifie au corps des fonctions méromorphes sur la courbe , il y a sur ce corps une notion de degré (nombre de points dans la fibre générique). Par exemple le degré de (c.-à.d. le degré de ) est le degré ordinaire de , celui de est . On vérifie que la croissance des degrés de et sont identiques. La transformation étant du type sur , elle est à croissance bornée si et seulement si est une constante autrement dit si et seulement si est nul (puisque n’est pas un carré). Par ailleurs ; il appartient à si et seulement si est non nul (toujours parce que n’est pas un carré).
Ce qui précède nous permet d’énoncer le:
Théorème 3.3.
Soit un élément de . La transformation est à croissance linéaire si et seulement si l’indice de Baum-Bott de appartient à .
Remarque 3.4.
Ceci permet d’obtenir un critère pour les éléments tels que soit périodique de période : un tel est à croissance linéaire (resp. bornée) si et seulement si appartient à (resp. appartient à ).
Corollaire 3.5.
Soit un élément de . La transformation est à croissance bornée si et seulement si l’indice de Baum-Bott de appartient à ; dans ce cas est soit de type , soit de type linéaire avec dans , soit une involution de type .
4 Centralisateurs des éléments de
4.1 Le centralisateur d’une transformation non périodique de est contenu dans
Proposition 4.1.
Soit un élément de . Alors
-
—
ou bien est contenu dans
-
—
ou bien est périodique.
Démonstration.
Soit une transformation du groupe de Jonquières qui préserve la fibration cte fibre à fibre, .
Soit une transformation rationnelle qui commute à . Si n’est pas dans , alors cte est une fibration invariante fibre à fibre par différente de cte. Ainsi possède deux fibrations distinctes invariantes fibre à fibre et est donc périodique. En effet les intersections des fibres cte et cte génériques sont de cardinal fini, uniformément borné; or ces intersections sont invariantes par d’où le résultat. ∎
Dans la suite de cette section nous démontrons le Théorème B qui affirme que le centralisateur d’un élément de à croissance linéaire est une extension finie de .
4.2 Cas des transformations de
Soit un élément non trivial de , c.-à.d. ; à conjugaison près par on peut supposer que . Le groupe se déduit alors de l’énoncé suivant ([3]).
Proposition 4.2.
Le centralisateur de est
Démonstration.
Comme est non périodique, la Proposition 4.1 assure que toute transformation qui commute à est de la forme avec dans . En écrivant on obtient: . Ceci conduit à on en déduit que est une fonction de , c.-à.d. . En réécrivant on obtient . Ainsi est du type avec dans et dans . ∎
Remarque 4.3.
Le centralisateur d’un élément non trivial est donc birationnellement conjugué à , la conjugaison ayant lieu dans le groupe de Jonquières.
4.3 Cas des transformations de
On s’intéresse maintenant aux éléments du groupe . Si est non constant, on note le sous-groupe fini de constitué des éléments laissant invariant:
La finitude de provient du fait suivant: les fibres de qui sont finies, de cardinal inférieur ou égal au degré de , sont invariantes par les éléments de . On introduit le sous-groupe
On remarque que est distingué dans .
Exemple 4.4.
Si est un entier et , alors et est le groupe .
On note le groupe linéaire
Enfin par définition le groupe est engendré par et les éléments du type , appartenant à .
Proposition 4.5.
Soit un élément non périodique de .
Si est à croissance bornée, c.-à.d. si est une constante, le centralisateur de est
Si est à croissance linéaire, alors .
Remarques 4.6.
-
—
En général le groupe se réduit à l’identité; plus précisément dans l’ensemble des fractions rationnelles de degré donné la propriété est générique. Par suite, « génériquement » pour dans , le groupe se réduit à .
-
—
Si avec non constant, alors est une extension finie de .
-
—
Si , avec dans , on a encore puisqu’ici on peut définir .
Démonstration.
Dans un premier temps supposons que avec dans (non racine de l’unité). Soit une transformation birationnelle qui commute à on peut, d’après la Proposition 4.1, écrire sous la forme . Étant donné un point fixé on obtient en écrivant la commutation de et l’égalité d’où . Autrement dit est constante sur l’adhérence de Zariski de . Il en résulte que est une fonction de ainsi est du type . En réécrivant la commutation de et on obtient ce qui conduit nécessairement à , c.-à.d. s’écrit .
Supposons que s’écrive avec dans . Tout élément de préserve la fibration cte (Proposition 4.1):
En écrivant explicitement la commutation de et on obtient:
et |
on en déduit que et sont nuls. Par suite ou . Supposons dans un premier temps que c’est-à-dire au changement de notation près . La commutation de et entraîne . Comme , il en résulte que est dans le produit semi-direct . Si maintenant , la transformation est du type et cette fois la commutation entraîne . Puisque est contenu dans , ici encore est dans . ∎
4.4 Cas des transformations de
Dans ce qui suit on présente le calcul de pour les éléments de tels que soit à racines simples (comme on l’a dit on s’y ramène via conjugaison par un élément de la forme ). On écrit donc sous la forme où ; la courbe de points fixes de est donnée par . Puisque les valeurs propres de sont on constate que est périodique si et seulement si est identiquement nul et dans ce cas est de période . Dans la suite on suppose non périodique. Comme est à racines simples le genre de est supérieur ou égal à pour , vaut pour ; enfin est rationnelle lorsque .
4.4.1 Cas où est de genre strictement positif
Puisque est à croissance linéaire, n’est pas périodique. Sur une fibre générale a deux points fixes qui correspondent aux deux points sur la courbe . Les courbes et les fibres cte sont invariantes par et il n’y a aucune autre courbe invariante même de genre ou . En effet une courbe invariante différente de cte intersecte une fibre générale en un nombre fini de points forcément invariants par ; comme est d’ordre infini c’est impossible car une transformation de Moebius qui laisse invariant un ensemble à plus de trois éléments est périodique.
Proposition 4.7.
Soit l’élément de donné par . Supposons que soit non périodique c.-à.d. et que soit un polynôme à racines simples de degré supérieur ou égal à c.-à.d. le genre de est supérieur ou égal à . Alors est une extension finie de , qui est triviale pour la plupart des .
Démonstration.
Sur chaque fibre générique ( avec ) la restriction de a deux points fixes . La Proposition 4.1 assure que . Nous allons nous intéresser au noyau de
c.-à.d. aux éléments de qui préservent la fibration cte fibre à fibre. Notons que préserve et que l’automorphisme de respecte les points fixes précédents. Par conséquent ou bien est l’identité de , ce qui revient à dire que est dans , ou bien est l’involution de . On remarque que est réalisée par l’involution globale ainsi toute transformation birationnelle préservant et la fibration cte fibre à fibre est ou bien dans , ou bien dans .
Un calcul élémentaire montre que si bien que n’est pas dans . Il en résulte que .
Considérons un élément de . Comme doit préserver et la fibration cte la restriction de à est un automorphisme de qui commute à l’involution . En général sur le groupe de tels automorphismes se réduit à l’identité et . Dans tous les cas est un groupe fini. C’est bien sûr évident lorsque le genre de est supérieur ou égal à puisque le groupe des automorphismes de est fini; dans le cas elliptique, on conclut en utilisant le fait que les laissent invariants les points de ramification. ∎
Remarques 4.8.
-
—
Supposons que où désigne un entier positif et des complexes distincts non nuls. Si , avec , alors contient dès que est contenu dans autrement dit dès que est invariant par les , .
-
—
Plus généralement considérons une transformation . Supposons que et contiennent le groupe ; c’est par exemple le cas lorsque et se factorisent dans . Alors contient le groupe diédral . Notons qu’ici, par commodité, nous avons choisi une écriture non polynomiale de .
4.4.2 Cas où est rationnelle
Soit un élément de à croissance linéaire. Comme on l’a vu la courbe de points fixes de est donnée par . Soit un élément de . Alors ou bien contracte , ou bien préserve . Or la Proposition 4.1 assure que préserve la fibration cte; la courbe étant transverse à la fibration, ne peut pas contracter donc est un élément du groupe de Jonquières qui préserve . Dès que est de degré supérieur ou égal à les hypothèses de la Proposition 4.7 sont satisfaites; supposons donc que . Le cas se ramène à . En effet, soit un élément du type ; posons . On peut vérifier que est du type , ce qui permet d’atteindre tous les polynômes quadratiques à racines simples. Si , c.-à.d. de la forme , on se ramène, quitte à conjuguer par , à .
Lemme 4.9.
Soit une transformation du type avec dans . Si est un élément de , alors est ou bien du type , , ou bien du type , racine de l’unité; de plus, est contenu dans le groupe fini .
Démonstration.
Écrivons sous la forme .
La conique décrite par est munie de l’involution qui a ses points fixes en et . On remarque que la restriction est un automorphisme de qui commute à . En particulier les points fixes de sont préservés par dans leur ensemble. Il en résulte que laisse invariant l’ensemble , c.-à.d. ou bien , ou bien .
La commutation de et se traduit par l’égalité suivante dans :
Ceci implique que les matrices et sont conjuguées dans . En particulier on a l’égalité
∎
Pour non nul on note le groupe diédral infini
remarquons que les sont conjugués à .
Si est un élément non constant de on désigne par le sous-groupe fini de donné par
La description des avec dans et rationnelle se ramène à l’énoncé suivant.
Proposition 4.10.
Soit avec dans , non constant. Il existe dans tel que
Démonstration.
Supposons que soit réduit à l’identité pour tout , autrement dit d’après le Lemme 4.9. En écrivant que les éléments de préservent la courbe on obtient et , ce qui signifie que et prouve l’énoncé dans ce cas.
Si maintenant est non trivial pour un certain dans , on sait que est ou bien du type , ou bien du type avec racine de l’unité (Lemme 4.9). Supposons que avec racine de l’unité. De l’invariance de par on tire
Par suite il existe une racine carrée de , , telle que On constate alors que la transformation linéaire est dans . On peut appliquer à , qui vérifie , le premier argument, de sorte que est dans . Enfin si pour un certain on procède comme ci-dessus. On a et il existe une racine carrée de , , telle que . On remarque cette fois que la transformation commute à ; de plus est dans et vérifie . Par suite est dans . ∎
Remarque 4.11.
Si l’inclusion est stricte on peut évidemment affiner les formes normales de suivant la nature de .
5 Centralisateurs des éléments de et équations aux différences
Soit un élément de qui préserve une unique fibration rationnelle. Considérons le morphisme
qui à une transformation de associe la seconde composante de ; soit le noyau de . Remarquons que si est trivial alors est isomorphe à . On peut se ramener par conjugaison à , ou . Notons que est contenu dans le centralisateur (dans ) de ; ce groupe est abélien, isomorphe à ou , sauf dans le cas où il est isomorphe à . Nous faisons une description au cas par cas dans §5.1 et §5.2.
5.1 Cas où n’est pas de torsion
5.1.1 Étude du cas
Soit un élément d’ordre infini dans . Puisque appartient à on peut utiliser la classification établie au §4. Le fait que soit une translation implique que est non fini et donc est nécessairement, à conjugaison près, de l’un des deux types suivants
n’étant pas une racine de l’unité. Dans ces deux éventualités les calculs de nous indique que est du type suivant (respectivement):
Nous allons étudier le centralisateur de dans ces deux cas. Rappelons que est contenu dans puisque préserve une seule fibration rationnelle.
Dans un premier temps considérons la possibilité .
Commençons par remarquer que si l’équation aux différences possède une solution rationnelle, alors est conjuguée à qui préserve plus d’une fibration.
Notons que si contient un élément du type alors , i.e. est constant; d’ailleurs tous les avec dans commutent à . Décrivons plus généralement les éléments de . Si , la commutation de et conduit à
et |
L’égalité implique que est constant: . Alors se réécrit . Nécessairement (comme on l’a vu l’équation aux différences n’a pas de solution rationnelle sous l’hypothèse préserve une unique fibration); par suite est constante, i.e. avec dans . Supposons maintenant que soit non nul; on peut alors se ramener à . On peut vérifier que implique ; il n’y a donc pas d’élément de la forme dans . Ainsi et on obtient une description de via la suite exacte
Comme , on constate que est abélien et donc résoluble.
Proposition 5.1.
Si préserve une seule fibration, alors est résoluble métabélien.
Considérons maintenant l’éventualité . Remarquons que l’équation aux différences n’a pas de solution sinon serait conjugué à et possèderait plus d’une fibration invariante. Soit un élément de , il est du type . Si , on peut supposer que ; en écrivant que et commutent on obtient
et |
L’égalité implique que est une constante. Puisque l’équation aux différences n’a pas de solution, entraîne que . Autrement dit s’écrit . Si est non nul, on peut se ramener à . La commutation de et entraîne les égalités
et |
d’où . La dernière condition imposée par est
Il se peut que ait une solution par exemple pour ; dans ce cas précis n’est pas à croissance bornée. On constate que deux solutions de diffèrent d’une constante multiplicative. Ainsi génériquement et dans le cas où a une solution
On obtient encore une description de via la suite exacte
5.1.2 Étude du cas , d’ordre infini
Soit un élément d’ordre infini dans . Puisque appartient à on peut utiliser la classification établie au §4. Comme précédemment on se ramène aux deux éventualités:
Dans le cas où , on obtient en utilisant le même raisonnement que
et on a une description de via
Lorsque alors d’où une description de via la suite exacte
En effet, pour des raisons analogues à celles évoquées précédemment, l’équation aux différences n’a pas de solution. Soit un élément de , il est du type . Si , alors s’écrit . Si est non nul, on peut se ramener à . La commutation de et entraîne . La dernière condition imposée par est mais celle-ci n’est pas compatible avec le fait que soit à croissance linéaire. En effet, est à croissance linéaire si et seulement si l’est puisque
mais est à croissance bornée.
Proposition 5.2.
Si resp. avec d’ordre infini préserve une seule fibration, alors est résoluble métabélien.
5.2 Cas où de torsion
Donnons une description des sous-groupes de torsion infinis de , elle découle de [2, Théorème 2].
Lemme 5.3.
Les sous-groupes de torsion infinis de sont à conjugaison près de la forme
(5.1) |
où désigne un élément de éventuellement nul et un sous-groupe infini de racines de l’unité.
Proposition 5.4.
Soit une transformation de qui préserve une unique fibration rationnelle. Supposons que le noyau de soit de torsion. Alors est fini et, à indice fini près, est isomorphe à qui est un sous-groupe abélien de .
Démonstration.
Raisonnons par l’absurde: supposons que soit infini de torsion c’est-à-dire du type . En passant à l’adhérence de Zariski on constate que commute aussi aux éléments du type où désigne un élément quelconque de : contradiction avec l’hypothèse selon laquelle de torsion. ∎
5.3 Exemples
Considérons la transformation donnée par . On remarque que
de sorte que la suite n’est pas bornée. Il en résulte que l’équation aux différences n’a pas de solution rationnelle. Comme on l’a vu l’image de est dans le groupe des translations et son noyau se réduit à (voir §5.1.1).
Considérons maintenant un élément général de ; on est ramené à étudier les deux possibilités suivantes
On commence par l’éventualité ; la commutation s’écrit alors
d’où qui implique que est une constante et
Notons que la somme des résidus de est nulle de sorte que vaut . Supposons que ne soit pas entier. Alors la transformation vérifie
ainsi la suite est non bornée. Ceci implique qu’il n’y a pas de solution à l’équation aux différences . En effet si est solution de la transformation conjugue à dont la suite des degrés des itérés est à croissance bornée. Il en résulte que appartient à . En composant par un itéré convenable de on se ramène à un élément de ce qui termine le cas .
Pour la commutation se traduit par
soit encore par
En particulier ; comme précédemment cette équation aux différences n’a pas de solution: un argument de croissance des degrés assure que n’est pas conjugué à .
Ceci montre que est engendré par les et les itérés de .
L’exemple que l’on vient d’étudier fait partie d’une famille de transformations birationnelles pour lesquelles on peut décrire les centralisateurs.
Proposition 5.5.
Considérons la famille de transformations birationnelles donnée par .
Le centralisateur de est le groupe engendré par , appartenant à , et les itérés de ; c’est un groupe abélien isomorphe à .
Lorsque est différent de , on a .
Démonstration.
L’éventualité ayant déjà été traitée nous allons supposer que . On vérifie, comme on l’a fait pour , que la croissance des degrés de n’est pas bornée. Soit un élément de . Comme d’habitude on peut supposer que vaut ou .
Commençons par examiner la possibilité ; les conditions de commutation impliquent que
En examinant les pôles de la différence on constate que est un entier . Quitte à composer par on se ramène au cas . Mais si
possède une solution alors est conjugué à dont la croissance des degrés est bornée.
Reste à examiner la possibilité que l’on rencontre bien sûr au travers des itérés de . La commutation de et indique que , d’où , et produit l’équation aux différences
En examinant les pôles des membres de cette égalité on constate que est un entier. Par suite en composant par un itéré ad-hoc de on se ramène à , , et vérifie
Si on constate que la seule solution rationnelle de est la solution nulle ce qui conduit à ; enfin si l’équation ne possède pas de solution rationnelle, ceci résulte là encore d’un examen des pôles (ou encore d’un argument déjà rencontré de croissance des degrés). ∎
Reprenons l’exemple suivant évoqué dans l’introduction. Soit la famille de transformations birationnelles donnée dans la carte affine par
Proposition 5.6 ([10], Lemme 1.4, Théorème 1.6).
Pour , génériques, la transformation est à croissance linéaire et possède un centralisateur dénombrable; plus précisément est constitué des puissances de .
L’idée de la démonstration est la suivante: le point est « envoyé » par sur une fibre de la fibration cte et l’orbite positive de est constituée de fibres de cette fibration. Soit une transformation birationnelle qui commute à ; puisque contracte un nombre fini de courbes il existe un entier positif (que l’on choisit minimal) tel que ne soit pas contractée par . Quitte à remplacer par on constate que est un point d’indétermination de ; autrement dit permute les points d’indétermination de . Une étude plus précise permet de montrer que est fixé par . Les paramètres et étant génériques, l’adhérence de l’orbite négative de par est Zariski dense; puisque fixe chaque élément de l’orbite de , coïncide avec l’identité.
6 Récapitulatif
Le tableau qui suit résume les différents cas rencontrés à conjugaison birationnelle près. La colonne « » précise la suite exacte de en fonction des propriétés de et .
type | type | croissance | ||||
des degrés | ||||||
bornée | ||||||
, | bornée | |||||
non racine de l’unité | ||||||
, | fini | linéaire | , extension finie de | |||
, | fini | linéaire | extension finie de | |||
linéaire | , extension finie de | |||||
décrit par – | , d’ordre fini | celle de | décrit en – | |||
, d’ordre infini | linéaire | |||||
, d’ordre infini | linéaire | |||||
« général multiplicatif » | , d’ordre infini | de torsion, fini | linéaire | |||
fini |
type | type | croissance | ||||
des degrés | ||||||
linéaire | métabélien | |||||
linéaire | ||||||
linéaire | ||||||
« général additif » | de torsion, fini | |||||
fini |
La ligne traite les cas (§4.4.2).
Notons que l’on peut présenter des formes normales lorsque le groupe est suffisamment gros. Ainsi en et il n’y a pas de forme normale, tout du moins raisonnable. On constate aussi qu’à la ligne on retrouve la famille à centralisateur isomorphe à alors que les , , dont le centralisateur est aussi , sont en . Ces deux familles d’exemples montrent que génériquement à degré fixé le centralisateur d’une transformation birationnelle de est isomorphe à .
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