Localisation des points fixes communs
pour des difféomorphismes commutants du plan
Résumé.
On démontre que si est un sous-groupe abélien engendré par une famille quelconque de difféomorphismes de qui sont -proches de l’identité (pour la -topologie de Whitney) et, s’il existe un point dont l’orbite par est bornée, alors les éléments de ont un point fixe commun dans l’enveloppe convexe de . Ici, est l’adhérence topologique de l’orbite de par .
Key words and phrases:
point fixe commun, difféomorphisme, enveloppe convexe, indice, groupe abélien1991 Mathematics Subject Classification:
37E30, 37C251. Introduction
Récemment, Franks-Handel-Parwani ont démontré dans [3], que si est un sous-groupe abélien de engendré par un nombre fini d’éléments et, s’il existe un point dont l’orbite par est bornée, alors les éléments de possèdent un point fixe commun.
En 1989, Bonatti avait démontré l’existence des points fixes communs pour les sous-groupes abéliens de engendrés par des difféomorphismes -proches de l’identité.
En adaptant la stratégie de Bonatti dans [1], on donne une version du théorème de Franks-Handel-Parwani qui nous permet de localiser le point fixe commun. Cela permet aussi d’avoir une version valide pour une famille quelconque de difféomorphismes commutants qui sont -proches de l’identité. Précisément, on démontre le résultat suivant.
Théorème 1.1.
Il existe un voisinage de l’identité dans muni de la -topologie de Whitney avec la propriété suivante.
Si est un sous-groupe abélien engendré par une famille quelconque d’éléments de et s’il existe un point dont l’orbite par est bornée, alors les éléments de possèdent un point fixe commun dans l’enveloppe convexe de .
Dans le cas où le groupe est finiment engendré, on peut être un peu plus précis par rapport à l’ensemble de localisation du point fixe commun (voir théorème 6.1).
Le voisinage cité dans le théorème est un voisinage de type
pour choisi suffisamment petit.
L’idée de la preuve est simple. On commence par fixer un ensemble de générateurs de formé par des difféomorphismes -proches de l’identité et on considère . Tout d’abord, on garantit l’existence d’un point fixe pour dont l’orbite par les autres générateurs du groupe est contenue dans l’enveloppe convexe de . En répétant le même processus avec le point et un autre difféomorphisme de , on trouve un point fixe commun pour ces deux difféomorphismes dont l’orbite par les autres générateurs reste dans l’enveloppe convexe de . Ainsi, on montre le résultat pour un nombre fini de difféomorphismes de l’ensemble . Le point clé dans ce contexte est démontrer que la -orbite du premier point fixe trouvé reste contenue dans l’enveloppe convexe de . Pour cela, on a besoin de trouver un point fixe pour dont l’indice par rapport à une famille de courbes construite à partir de la -orbite du point soit non nul.
Ensuite, on passe du cas finiment engendré au cas général en utilisant la propriété d’intersection finie pour une famille de compacts.
Le fait d’être -proche de l’identité est essentielle dans le théorème 1.1. On peut construire des difféomorphismes de classe dans le plan, à support compact, -proches de l’identité et qui ne satisfont pas le théorème.
Pour cela, on considère une application décroissante, de classe et telle que
où est un entier. Soit le difféomorphisme de dont la restriction au cercle est la rotation d’angle pour tout . Chaque point dans le disque est un point périodique de période pour sauf l’origine qui est l’unique point fixe sur . Pour chaque point , l’origine est dans l’enveloppe convexe de l’orbite de par .
On va modifier par conjugaison afin de détruire cette propriété. Pour cela, on considère deux points qui sont à une même distance, positive et plus petite que , de l’origine. On suppose aussi que le point n’appartient pas à l’orbite de par . Maintenant, on considère un difféomorphisme de à support dans un très petit voisinage du segment de droite et tel que . Ainsi, le point est l’unique point fixe de sur et, si on a choisi suffisamment petit, alors l’orbite de par et par coïncident. D’autre part, n’est pas dans l’enveloppe convexe de l’orbite de par . Bien sûr, cette construction peut être réalisée aussi proche qu’on veut de l’identité, dans la -topologie. Il suffit de prendre grand et proches de l’origine.
2. Notations
Soient des points non nécessairement distincts et tels que pour tout . On note la courbe fermée et orientée obtenue en mettant bout à bout les segments
où est le segment de droite orienté joignant à . Ces segments seront appelés segments qui composent la courbe et chaque sera appelé sommet de la courbe. On dira aussi que est le successeur de dans la courbe, pour tout .
On va supposer aussi que si deux segments orientés qui composent la courbe s’intersectent, alors ils le font selon un angle inférieur à . En particulier, s’ils s’intersectent selon un segment de droite, alors les orientations coïncident dans l’intersection. Suivant ces conventions, si
donc la courbe est la courbe décrite deux fois dans le sens anti-horaire. On rappelle que possède des auto-intersections qui persistent par de petites perturbations de la courbe.
Étant donné un difféomorphisme et un point , on note la courbe orientée obtenue en mettant bout à bout les segments de la famille et on note la courbe fermée, orientée obtenue en mettant bout à bout les segments
où .
Si est une courbe paramétrée, fermée et continue dans et est un point hors de la courbe, on notera l’indice de par rapport à . La propriété caractérise le fait que le point appartient à l’enveloppe convexe de l’ensemble des points décrits par .
Nous allons aussi adopter les notations et nomenclatures suivantes:
-
–
;
est l’orbite de par ou, simplement, la -orbite de :
-
–
;
est l’orbite de par ou, la -orbite de quand est un sous-groupe. Dans ce cas on utilisera aussi la notation pour indiquer la -orbite de quand est un ensemble de générateurs de ;
-
–
si , on note (resp. ) l’enveloppe convexe (resp. l’adhérence) de ;
-
–
on note , et les ensembles des points fixes communs de , de et de , respectivement, où .
Dans on utilise la norme usuelle qui sera notée . L’ensemble est l’espace des difféomorphismes de de classe munie de la -topologie de Whitney. On notera la boule fermée de centre et de rayon pour la norme .
3. Un lemme topologique
Dans cette section, nous énonçons un lemme topologique qui aura un rôle important pour la preuve du théorème 1.1. La preuve du lemme sera présentée dans la dernière section de cet article.
Dans la suite, on suppose que sont des points non nécessairement distincts mais tels que quand où . On admet aussi que l’angle entre deux segments et qui s’intersectent est inférieur à pour tout .
Lemme 3.1.
La courbe se décompose en un nombre fini de courbes simples fermées ayant les propriétés
-
le nombre de fois que chaque point du plan est recouvert par est le même que par
-
où chaque segment qui compose est contenu dans un des segments qui compose , ayant la même orientation que celui-ci, pour chaque dans ce sens on dira que
-
si les intérieurs des disques bordés par et respectivement, s’intersectent, alors l’un d’entre eux est contenu dans l’autre
-
pour tout
-
il existe tel que est bien défini et non nul pour tout point dans l’intérieur du disque bordé par .
Comme corollaire immédiat nous avons le résultat suivant.
Corollaire 3.2.
Étant donné , il existe une courbe simple fermée telle que est bien défini et non nul pour tout point dans l’intérieur du disque bordé par .
Afin de préparer la preuve du lemme topologique nous présentons ici un méthode de modification d’une courbe .
Nous allons décomposer la courbe en découpant de façon convenable les segments qui composent la courbe, en des segments plus petits. Nous autorisons aussi à modifier l’ordre selon laquelle ces segments sont décrits. Par contre, au cours des modifications, le support de la courbe, la multiplicité de ses points et l’orientation des segments qui composent la courbe seront préservés. Les modifications seront faites pour détruire les auto-intersections persistantes par de petites perturbations de la courbe . En plus, dans chaque pas du processus de modification de la courbe, nous serons toujours à produire des courbes du type contenues dans .
Regardons le cas particulier où possède seulement un nombre fini de points multiples. Dans ce cas, en augmentant de façon convenable le nombre de sommets de la courbe, on peut admettre sans perte de généralité que si deux segments qui composent la courbe s’intersectent, alors ils le font selon une extrémité commune. Dans ce cas, chaque point de la courbe est recouvert une seule fois, sauf les sommets qui peuvent l’être plusieurs fois.
Prenons alors un point de la courbe où on a des intersections. Ces intersections peuvent être persistantes ou pas par de petites perturbations. Rappelons que par hypothèse, si deux segments qui composent la courbe s’intersectent, alors l’angle entre eux est plus petit que . Ainsi, on peut fixer une ligne passant par convenablement orientée, de telle façon que tous les segments qui composent la courbe et qui pointent vers
sont du côté droit de et les segments qui sortent de
sont à gauche de comme montré dans la figure à suivre. Évidemment, ces deux classes de segments ont le même nombre d’éléments et chaque segment a comme successeur, dans la courbe , un segment . Maintenant, il est facile de détruire, simultanément, tous les intersections persistantes, qui arrivent au point : il suffit de modifier la courbe en mettant comme successeur de . Bien sûr, on suppose que est à droite de et que est à droite de . Après cette modification, tous les intersections au point peuvent être détruites par de petites perturbations de la courbe.
La condition sera essentielle pour démontrer comme les figures à suivre le montrent. Dans la figure à gauche, on a la courbe . Après faire une première modification, on obtient les courbes et qui sont montrées dans la figure au milieu. Les deux courbes obtenues sont des courbes simples fermées, mais elles ne satisfont pas la condition . En fait, dans l’intersection des intérieurs des disques bordés par ces courbes, chaque point a un indice nul par rapport à la courbe .
Mais, il reste encore deux intersections persistantes par de petites perturbations:
En modifiant les courbes dans ces intersections pour éliminer les intersections persistantes, on obtient les courbes suivantes:
qui sont montrées dans la figure à droite. Ces courbes satisfont les conditions du lemme. Les points dans les intérieurs des disques bordés par ces deux courbes ont des indices non nuls par rapport à la courbe initiale .
La décomposition, dans le cas de la courbe définie dans la section 2 et où
est donnée par les courbes
4. Propriétés des difféomorphismes -proches de l’identité
Dans cette section, nous énonçons quelques-uns des résultats de Bonatti (voir [1]), ici énoncés pour les difféomorphismes de qui sont -proches de l’identité dans la -topologie de Whitney.
Dans la suite, est l’espace des applications de classe muni de la -topologie de Whitney. Pour chaque , on notera le voisinage de l’identité donné par
où .
Si est choisi suffisamment petit, s’inclut dans . Dans la suite, on supposera toujours cette condition vérifiée.
Dans l’article cité ci-dessus, Bonatti montre qu’il existe avec les propriétés suivantes:
-
Si et , alors est sans point fixe sur la boule fermée de centre et de rayon ;
-
Si et alors l’angle entre deux segments orientés
qui s’intersectent est plus petit que pour tout ;
-
Soient des difféomorphismes commutants et soit un point fixe commun pour tel que . Supposons qu’il existe une courbe simple fermée contenue dans . Alors, il existe un point fixe commun à dans l’intérieur du disque bordé par .
Les résultats énoncés dans et correspondent, respectivement, aux corollaire 2.2, lemme 2.3 et lemme 5.1, démontrés dans [1].
On rappelle que la courbe (dans l’assertion B.3) existe toujours si est un point -récurrent pour , c’est-à-dire, dans ce cas, la courbe possède au moins un point multiple. Cela a déjà été remarqué par Bonatti.
Le prochain lemme n’est pas explicitement démontré dans [1], mais sa preuve est une répétition exacte des raisonnements qui amènent à la preuve du lemme 5.1 dans [1].
Lemme 4.1.
Soient des difféomorphismes commutants et soit un point fixe commun à tel que . Supposons qu’il existe une suite croissante dans telle que et soit une courbe simple fermée contenue dans .
Alors, si est suffisamment grand, il existe un point fixe commun à dans l’intérieur du disque bordé par .
Commentaire sur la preuve.
La preuve du lemme 4.1 est une adaptation simple de la preuve du lemme 5.1 de [1]. La différence est que dans notre lemme, la courbe simple fermée peut avoir des segments de droite contenus dans le segment . Mais ça n’impose pas de restrictions car, comme l’a démontré Bonatti dans [1], les propriétés de sur les segments , utilisées dans la preuve, sont similaires aux propriétés de sur le segment quand est suffisamment grand. En fait, dans [2], Bonatti utilise déjà les courbes pour démontrer l’existence des points fixes communs pour des difféomorphismes commutants des surfaces compactes à caractéristique d’Euler non nulle. ∎
Lemme 4.2.
Soient des difféomorphismes commutants et soit un point fixe commun à tel que . Supposons qu’il existe une suite croissante dans tel que . Alors, si est suffisamment grand, il existe un point tel que .
Preuve.
Soient et vérifiant les conditions du lemme. Pour chaque considérons la courbe .
Rappelons que le segment s’approche de si on prend grand. Ainsi d’après , l’angle entre deux segments qui composent la courbe et qui s’intersectent est inférieur à si est suffisamment grand. Alors, le corollaire 3.2 nous garantit qu’il existe une courbe simple fermée contenue dans . En plus, l’indice est bien défini et non nul pour tous les points dans l’intérieur du disque bordé par . D’autre part, le lemme 4.1 nous garantit qu’il existe un point fixe commun dans l’intérieur de et la preuve est terminée. ∎
Le voisinage du théorème 1.1 ne sera pas le voisinage utilisé dans les résultats de [1]. Il sera modifié par le voisinage décrit dans le prochain lemme.
Lemme 4.3.
Étant donné et , il existe avec la propriété suivante
pour tout , et .
Le lemme 4.3 est une conséquence immédiate du lemme 4.4. Dans la suite, pour de classe , la propriété sur signifie que
Lemme 4.4.
Étant donné et , il existe avec la propriété suivante si est de classe et sur , alors pour tous et pour tout on a
Preuve.
On fera une preuve par contradiction. Supposons que le lemme n’est pas vrai. Dans ce cas, pour chaque , il existe:
-
–
de classe tel que sur
-
–
distincts et avec
tels que
et par conséquent,
(4.4.1) |
pour tout . De plus, quitte à considérer une sous-suite, on peut supposer que et convergent respectivement vers et et que
convergent, simultanément, vers un même vecteur unitaire .
Si et sont strictement positifs alors, en revenant à l’inégalité (4.4.1) et en passant à la limite pour on déduit que l’on a
(4.4.2) |
ce qui nous donne la contradiction cherchée pour ce cas.
Supposons que et . Par le théorème des accroissements finis appliqué aux coordonnées de , on conclut qu’il existe des points dans le segment tels que
(4.4.3) |
Comme et , il s’en suit que pour tout . En passant à la limite dans le terme de droite de l’égalité (4.4.3) on obtient le vecteur unitaire . Par conséquent, en revenant à l’inégalité (4.4.1) on obtient la même inégalité (4.4.2) ce qui produit à nouveau, une contradiction. Le cas où est similaire au cas . ∎
5. Préparation pour la preuve du théorème
Dans la suite de ce travail, le voisinage de l’identité dans sera donné par
et est choisi en prenant et . Les voisinages et ont été introduits dans la section 4.
Remarque 5.1.
Soient deux difféomorphismes commutants et soit tel que . D’après le lemme 4.3 et le choix du voisinage on a
pour tout et . Pourtant, comme et commutent il s’en suit que est contenu dans la boule fermée de centre et de rayon .
D’autre part, on sait d’après que est sans point fixe sur la boule fermée de centre et de rayon . Donc, on peut faire une homothopie entre les courbes
sans passer par les points fixes de et sans bouger les extrémités et .
De plus, si est une suite croissante dans telle que lorsque tend vers l’infini et, si on considère suffisamment grand, alors on peut appliquer aux segments le lemme 4.3 ce qui montre que et sont tous les deux dans la boule ouverte de centre et de rayon sur laquelle n’a pas de point fixe. Ainsi, on peut, comme précédemment, faire une homothopie entre les courbes et sans passer par les points fixes de et sans bouger les extrémités et .
Nous allons faire l’usage de cette remarque dans la preuve du lemme 5.3.
Définition 5.2.
Soit et soit tels que . On dit qu’un point est un point capital pour s’il existe une suite croissante dans telle que:
-
—
lorsque tend vers l’infini;
-
—
est bien défini et non nul pour suffisamment grand.
Bien sûr, si est un point capital pour alors appartient à l’enveloppe convexe de .
Lemme 5.3.
Soient deux difféomorphismes commutants et soit un point capital pour où . Alors est un point capital pour quel que soit et on a .
Preuve.
Comme le point est un point capital pour , il existe une suite croissante dans avec les propriétés suivantes:
-
–
;
-
–
est bien défini et non nul pour suffisamment grand.
On va montrer que les points et les courbes fermées orientées ont les même propriétés qu’énoncés précédemment pour et .
Comme et commutent on a et on aura encore:
En outre, l’indice de par rapport à la courbe est bien défini et est non nul. D’autre part, il suit de la Remarque 5.1 qu’on peut faire une homothopie entre et , qui fixe les sommets de et ne passe pas par les points fixes de . On en déduit alors que est bien défini et
pourvu que soit suffisamment grand. Ainsi, on vient de montrer que est un point capital pour . Donc appartient à l’enveloppe convexe de et, par conséquent, on aura .
En répétant ce processus successivement on conclut que:
-
–
pour chaque , l’indice est bien défini et non nul lorsque est suffisamment grand;
-
–
pour tout entier .
La preuve pour le cas est similaire, il suffit de diminuer le voisinage pour qu’on puisse appliquer les raisonnements à . Ceci clôt la preuve du lemme. ∎
Lemme 5.4.
Soient des difféomorphismes commutants et soit un point dont la -orbite est bornée. Alors, il existe un point satisfaisant une des conditions
-
-
et dans ce cas est un point capital pour où .
Preuve.
Admettons qu’il n’y ait pas de points fixes de dans . Ainsi, contient un compact minimal sans point fixe pour . Dans ce cas, étant donné , on a . Donc, il existe une suite croissante dans telle que .
Maintenant, passons aux courbes fermées et orientées . D’après le lemme 4.2, il existe tel que est bien défini et non nul pourvu que soit suffisamment grand. Et dans ces conditions appartient à .
Comme la -orbite de est bornée et , on en déduit que la -orbite de est bornée et donc, est aussi borné. Dans ce cas, quitte à extraire une sous suite de , on peut admettre sans perte de généralité, que avec dans .
Comme , il existe une boule telle que .
Supposons qu’on puisse trouver des segments arbitrairement proches de avec . Dans ce cas, la compacité de montre qu’il existe tel que ; ceci donne une contradiction car, par , il n’existe pas de points fixes de dans le segment . De plus, en prenant suffisamment grand, on déduit que les segments ne peuvent pas passer arbitrairement proches de car et ne contient pas le point .
Alors, quitte à passer à une valeur plus petite de , on peut supposer que la boule isole le point de toutes les courbes si est assez grand. Et dans cette condition, l’indice de par rapport à la courbe est bien défini et on obtient:
-
–
;
-
–
,
ce qui démontre l’existence d’un point capital associé à où .
Pour conclure la preuve, il suffit de se rappeler que, en prenant grand et proche de , l’indice est bien défini et il coïncide avec . Alors, et le lemme est conclut. ∎
6. Preuve du théorème 1.1
Pour démontrer le théorème 1.1, on commence par le cas où il y a un nombre fini de générateurs.
Théorème 6.1.
Soient des difféomorphismes commutants et supposons qu’il existe un point dont la -orbite est bornée. Alors, il existe un point fixe commun à satisfaisant une des conditions
-
-
et dans ce cas est un point capital pour où et .
Preuve.
On fera une preuve par récurrence sur . Le lemme 5.4 donne le résultat dans le cas et . Admettons alors que le résultat est vrai pour quelconque et démontrons le dans le cas .
Pour cela, soient des difféomorphismes commutants et soit dont la -orbite est bornée.
Le lemme 5.4 appliqué au point et aux difféomorphismes donne un point fixe commun aux difféomorphismes et satisfaisant l’une des conditions
-
Cas I
-
Cas II
et dans ce cas est point capital pour où .
Étudions le Cas I. Par hypothèse, la -orbite de est contenue dans et donc, est bornée. L’hypothèse d’induction appliquée au point et aux difféomorphismes
nous garantit qu’il existe un point fixe
satisfaisant l’une des conditions
-
Cas I-A
-
Cas I-B
et dans ce cas est un point capital pour où et
Si on se place sur le Cas I-A , alors car et, comme , on doit avoir
Supposons maintenant que le Cas I-A n’arrive pas. Ainsi,
et est contenu dans l’enveloppe convexe de . Donc,
En plus, le point est un point capital pour où et
et donc,
car .
Il reste à prouver Rappelons-nous que
Ainsi, on peut approcher les sommets de la courbe pour des points qui sont dans et construire une courbe
qui ne passe pas par le point et telle que . Cela démontre que le point est contenu dans et la preuve est finie pour le Cas I .
Supposons maintenant que le Cas I n’arrive pas. Alors, le point
est un point capital pour où . D’autre part, le lemme 5.3 appliqué successivement aux difféomorphismes
nous garantit que la -orbite du point est contenue dans l’enveloppe convexe de et, par conséquent, est bornée puisque
et . On peut alors appliquer l’hypothèse d’induction au point et aux difféomorphismes
pour conclure qu’il existe un point fixe commun aux difféomorphismes
satisfaisant l’une des conditions
-
Cas II-A
-
Cas II-B
et dans ce cas est un point capital pour où et
Supposons que le Cas II-A arrive. Si le point est dans , alors la preuve est finie. Par contre, si on en déduit qu’il existe une boule telle que
Maintenant, admettons qu’il existe des segments passant arbitrairement proches du point avec . Il suit de la compacité de qu’il existe un point tel que ce qui est un absurde car il n’existe pas de points fixes de sur . Ainsi, en prenant plus petit, si nécessaire, on peut admettre que isole de l’ensemble formé par toutes les courbes où .
En plus, comme il s’en suit qu’il existe des suites d’entiers tels que
Dans la suite, on va utiliser la notation
Rappelons-nous que d’après lemme 5.3, on sait que est un point capital pour où .
Admettons maintenant qu’on a des segments du type passant arbitrairement proches de pour et grands. Quitte à passer à une sous-suite de , on peut admettre que car est bornée et . D’autre part, pour chaque fixé, on sait que . Ainsi, on peut construire une sous-suite de telle que et on a en plus les segments qui passent arbitrairement proches de pour grand.
Dans ce cas, le segment s’approche arbitrairement du segment et pourtant contient le point ce qui est un absurde. Alors, quitte à diminuer on peut admettre que la boule isole le point de toutes les courbes lorsque et sont grands.
Maintenant, en prenant suffisamment grand, on déduit que le point est un point capital pour où . Donc, le point est contenu dans l’enveloppe convexe de parce que . En outre, on déduit que et le théorème vient d’être prouvé lorsque le Cas II-A se produit.
Supposons maintenant que le Cas II-A n’arrive pas. Ainsi, le point commun aux difféomorphismes
appartient à et est un point capital pour avec et où
Comme la -orbite de est contenue dans
on déduit immédiatement que . De plus, il s’en suit pour les mêmes raisons que ce qui démontre que le point fixe est un point capital pour avec
et la preuve du théorème est achevée. ∎
Le théorème 1.1 est un cas particulier du résultat à suivre.
Théorème 6.2.
Étant donné deux familles des difféomorphismes telles que le sous-groupe de engendré par soit abélien et supposons qu’il existe un point dont la -orbite soit bornée. Alors, il existe un point dans .
Preuve.
On commence par rappeler l’identité
où est compacte. Le théorème 6.1 nous garantit que
lorsque les sous-familles et sont finies. Cela démontre que la famille des compacts
a la propriété de l’intersection finie. Par conséquent,
ce qui donne le résultat recherché. ∎
7. Preuve du Lemme Topologique
La preuve du lemme topologique se fait en deux étapes.
Étape I .
Supposons tout d’abord que a seulement un nombre fini de points d’auto-intersections. Dans ce cas, quitte à augmenter de façon convenable le nombre de sommets de la courbe, on peut admettre que si deux segments qui composent la courbe s’intersectent, l’intersection se fait sur les extrémités. Ainsi, chaque point de la courbe est recouvert une seule fois, sauf les sommets qui peuvent l’être plusieurs fois.
On considère maintenant un point de où on a des intersections. On a vu dans la section 3 comment modifier la courbe de telle façon à détruire toutes les intersections persistantes par de petites perturbations qui peuvent arriver au point . Après avoir fait une première modification, la courbe initiale peut avoir d’autres points avec des auto-intersections persistantes non encore détruites.
Comme on a préservé l’orientation initiale des segments, l’indice de chaque point par rapport à la courbe modifiée coïncide avec celui de la courbe initiale .
Répétons le processus de déformation de la courbe initiale, un nombre fini de fois, jusqu’a éliminer tous les auto-intersections persistantes par de petites perturbations de . On aura construit à la fin un nombre fini de courbes simples fermées satisfaisant les conditions , , et . Les justifications sont les suivantes.
Pendant le processus de déformation, par construction, les courbes restent toujours des courbes fermées du type , contenue dans et chaque point du plan est recouvert le même nombre de fois par et par modifié; cela signifie que les conditions et sont satisfaites.
De plus, l’angle entre deux segments quelconques de la courbe initiale qui s’intersectent est inférieur à . Donc, si une des courbes possède au moins une auto-intersection non persistante par de petites perturbations, alors on déduit qu’il existe encore des intersections persistantes car la courbe est fermée et on est dans le plan. Cela contredit notre hypothèse sur la non existence d’intersections persistantes. On illustre cette situation dans les deux figures suivantes.
Si et s’intersectent avec alors les intérieurs des disques bordés par ces courbes ou bien sont disjoints, ou bien l’un d’entre eux est contenu dans l’autre, car il n’existe pas d’intersections persistantes. Cela démontre que la famille a la propriété .
Pour la propriété , on a déjà remarqué qu’au cours de chaque modification réalisée sur , l’indice de chaque point n’a pas changé.
Il reste à prouver que la propriété est satisfaite.
Pour cela, on considère une famille maximale de disques fermés dans
dont les bords sont des courbes de la famille . Une telle famille de disques est maximale dans le sens suivant:
-
–
il n’existe pas de disque fermé ni proprement contenu dans , ni contenant proprement le disque , dont le bord soit une courbe de la famille ;
-
–
il n’existe pas de disque fermé proprement contenu dans et contenant proprement le disque , dont le bord soit une courbe de la famille pour chaque .
Évidemment, pour chaque famille de disques fermés et emboîtés
dont les bords sont des courbes de la famille , il existe toujours une famille maximale de disques fermés qui la contient.
S’il existe une famille maximale qui se réduit à un seul disque, alors la propriété est vraie. Admettons maintenant que toute famille maximale a au moins deux disques. Supposons, par contradiction, que
(7.0.1) |
et pour toute famille maximale de disques fermés .
On sait que pour tout . Admettons, sans perte de généralité, que cet indice est positif et prenons le plus grand entier tel que . Un tel entier existe à cause de l’égalité (7.0.1) et parce que pour tout .
La courbe est connexe, donc il existe une courbe de la famille contenue dans l’anneau , qui touche et qui est distincte de et . Comme l’angle entre deux segments de la courbe initiale qui s’intersectent est inférieur à , les courbes et ne s’intersectent pas pour une raison d’orientation. D’autre part, la maximalité de la famille de disques nous permet de déduire que la courbe borde un disque contenu dans . De plus, on aura aussi que a l’orientation anti-horaire, comme .
Maintenant, on considère une famille maximale de disques fermés qui contient et :
(7.0.2) |
Dans cette famille, on peut avoir des disques qui contiennent proprement et qui sont contenus proprement dans , mais les bords de ces disques sont orientés dans le sens anti-horaire vu que tous ces disques doivent toucher le disque .
Maintenant, on répète pour la famille (7.0.2) le même raisonnement utilisé pour la première famille maximale de disques. De cette façon, la condition (7.0.1) pour les familles maximales de disques nous montrera, après un nombre fini de pas, que la famille possède plus que courbes, ce qui nous donne la contradiction finale cherchée et démontre que la famille a la propriété .
Étape II .
Plaçons-nous sur le cas général. Quitte à augmenter le nombre de sommets de la courbe, on peut admettre que si deux segments et qui composent la courbe initiale s’intersectent, alors nous avons l’une des deux possibilités:
-
–
soit l’intersection se réduit a un point unique et dans ce cas le point est l’extrémité commun aux deux segments;
-
–
soit l’intersection contient plus d’un point et dans ce cas les segments coïncident.
Considérons alors un segment qui compose la courbe et supposons qu’il est recouvert exactement fois par la courbe . Avec une petite perturbation de , on peut séparer le segment dans segments de telle façon que les éléments de la famille
s’intersectent deux à deux seulement dans les points et que pour tout .
Dans cette construction, on suppose aussi que est toujours à gauche de où . De plus, comme on a fait une perturbation petite, on peut supposer que la courbe ne passe pas par la région limitée par les segments Nous montrons une telle perturbation dans les deux figures ci-dessus. Les nombres à côté de chaque segment indiquent le nombre de fois que le segment est recouvert par la courbe .
On répète ce processus avec tous les segments qui sont recouverts plus d’une fois par la courbe initiale. On obtient une courbe dans les mêmes conditions qu’on avait dans l’Étape I et alors, on considère la décomposition de cette courbe dans une famille de courbes simples fermées satisfaisant les conditions du lemme.
Finalement, on remarque que chacun des segments qui apparaît dans la perturbation du segment appartient à une unique courbe simple fermée de la décomposition . Dans ce cas, on peut faire une isotopie de au segment original , à extrémités fixes et préservant encore la propriété que la courbe reste toujours simple et fermée. De cette façon, on obtient la décomposition cherchée et la preuve du lemme est terminée.
Références
- [1] C. Bonatti, Un point fixe commun pour des difféomorphismes commutants de , Ann. of Math. (2) 129 (1989), no. 1, 61–69.
- [2] by same author, Difféomorphismes commutants des surfaces et stabilité des fibrations en tores, Topology 29 (1990), no. 1, 101–126.
- [3] J. Franks, M. Handel, and K. Parwani, Fixed points of abelian actions on , Ergodic Theory Dynam. Systems 27 (2007), no. 5, 1557–1581.