Relativité générale (d’après M.Vaugon) et quelques problèmes mathématiques qui en sont issus.
Depuis deux ans, mon ancien directeur de thèse et ami Michel Vaugon a
entrepris de comprendre les intuitions physiques qui ont conduit
à l’axiomatique de la relativité générale tout en gardant un
langage de mathématicien et plus précisément de géomètre.
Ses notes, manuscrites, sont à mon sens d’une clarté remarquable et je
le remercie chaleureusement de me les avoir fournies. Cela
a été l’occasion pour moi de comprendre ces notions, qui m’étaient
étrangères bien que mes travaux de recherche aient des liens importants
avec le relativité générale. J’ai commencé à écrire ce texte en suivant ses notes, non pas pour améliorer son travail, mais pour m’approprier ces notions et les traduire dans mon propre langage. D’ailleurs, des cinq premiers chapitres,
je ne
peux revendiquer qu’une part infime de la forme et quelques
remarques. Même si la suite est plus personnelle, je tenais à ce que son nom apparaisse dans le titre parce que, sans lui, ce texte n’aurait pas vu le jour.
La version ici présente est très raccourcie. Elle sera en effet publiée dans son intégralité chez Ellipses.
Chapitre I Quelques expériences fictives
Ce chapitre permet de montrer comment à partir d’observations simples, on
peut rapidement faire du calcul relativiste et même aboutir à la
célèbre formule . Son but est uniquement culturel et ne servira pas dans la suite du texte. Le lecteur pressé peut donc commencer la lecture directement au chapitre suivant.
La théorie de la relativité est née d’une observation qui va à l’encontre de toutes nos intuitions : la vitesse de la lumière est la même par rapport à
n’importe quel observateur. C’est un fait observé en 1887 par Michelson et Morley et qui se retrouve par le calcul (voir le Paragraphe LABEL:equation_des_ondes du Chapitre LABEL:ondesg). Imaginons par exemple qu’un photon passe devant un observateur à km/h. Imaginons qu’un deuxième observateur aille exactement dans la même direction que le photon mais à km/h. Pour le sens commun, si ce deuxième observateur mesure la vitesse du photon, il doit trouver km/h. Or, expérimentalement, il est démontré que cet observateur va trouver lui aussi une vitesse de km/h. En particulier, les lois habituelles de la mécanique classique ne peuvent pas être vraies, d’où la nécessité de trouver un modèle de l’espace-temps qui prenne en compte ce phénomène tout en gardant “approximativement” (c’est-à-dire pour tout ce qui se passe à l’échelle humaine) les lois de la mécanique classique.
Dans ce premier chapitre, on explique comment, avant même de chercher un bon modèle, on peut déduire de cette observation plusieurs conclusions intéressantes grâce à des raisonnements simples.
I.1. Temps et longueurs
Prenons un observateur qui se trouve dans un train qui avance à mètres/seconde par rapport au quai et dont les wagons ont une longueur de mètres. Prenons aussi un observateur qui regarde passer le train depuis le quai. Maintenant, supposons qu’un photon parte de l’arrière du wagon et qu’il parcoure ce wagon en un temps de secondes. Pour l’observateur , le photon a parcouru mètres en secondes soit une vitesse de mètres/seconde. Maintenant, pour le photon a parcouru en secondes mètres plus la distance parcourue par le train en secondes soit . Ainsi pour l’observateur , le photon va à mètres/seconde. Puisqu’on trouve des vitesses différentes pour les deux observateurs alors que l’expérience dit au contraire qu’on doit trouver les mêmes, c’est qu’il y a une erreur dans le raisonnement. En fait, on a considéré que
-
(1)
le temps mesuré par et pour que le photon parcoure le wagon étaient les mêmes (égaux à ).
-
(2)
La longueur du wagon mesurée par et était la même.
Pour arriver à un modèle fidèle à la réalité, il faut
donc remettre en cause ces deux principes. Bien sûr, ces différences ne
se feront sentir qu’à des vitesses élevées. Un observateur humain qui
observe ce qui se passe autour de lui ne se rendra pas compte de ces
différences de mesure.
Donc, pour la suite, on supposera que le temps entre deux
événements ou la longueur d’un objet dépend de l’observateur qui le
mesure. Se pose aussi le problème de la simultanéité entre deux
événements qui
dépendra elle aussi de l’observateur.
Grandeurs conservées quel que soit l’observateur. Comme on l’a expliqué, on doit remettre en cause les notions de temps et de longueur mais on ne doit pas le faire n’importe comment. Par exemple, une longueur mesurée perpendiculairement au déplacement ne doit pas dépendre de l’observateur. En effet, supposons par exemple que ces longueurs se contractent quand la vitesse augmente (un raisonnement analogue se fait si on suppose que les distances s’allongent) et reprenons le cas du train sur lequel se trouve l’observateur alors que l’observateur est resté sur le quai.
-
—
Plaçons nous d’abord du point de vue de l’observateur . Pour lui le train est immobile alors que les rails ont une vitesse non nulle. Donc la largeur des rails doit être plus petite que l’écartement des roues du train. Autrement dit, les roues du train laissent des traces à l’extérieur des rails.
-
—
Pour l’observateur , c’est le train qui avance et donc l’écartement de ses roues doit être plus petit que l’écartement des rails : les traces des roues du train doivent être à l’intérieur des rails.
Comme les traces laissées par le train ne peuvent pas être à la fois à l’extérieur et à l’intérieur des rails, c’est que l’écartement des rails (ou des roues du train) doit être le même pour les deux observateurs et .
On pourrait imaginer une deuxième expérience pour prouver que les distances mesurées dans le sens du déplacement ne dépendent pas non plus de l’observateur (mais comme on va le voir, ce raisonnement est faux) : les mêmes observateurs et ont chacun une règle graduée dans les mains. Au moment où ils se croisent, l’observateur colle sa règle sur celle de l’observateur placée dans le sens du déplacement par exemple dans un bac à sable posé sur le quai.
Par le même genre de raisonnement que ci-dessus, on peut se dire qu’on arrive à une absurdité (pour la marque laissée par sa règle dans le sable doit être plus grande que celle de et inversement).
Il y a un problème dans cet argument : pour laisser une marque, l’observateur doit poser sa règle dans le sable pendant un intervalle de temps certes très court mais non nul. Or pour , cet intervalle de temps n’est pas le même, il est plus long. En résumé, dans cette expérience, la marque laissée par la règle de sera plus longue que celle laissée par la règle mais pour deux raisons différentes: du point de vue de , parce que sa règle est plus longue et du point du vue de parce que a laissé sa règle un certain temps dans le sable.
Temps et distance pour deux observateurs. On va maintenant imaginer deux expériences qui permettent de préciser les différences de mesure de temps et de distance dans le sens du déplacement pour deux observateurs.
-
(1)
Reprenons toujours nos deux observateurs (dans le train) et (sur le quai). Notons la vitesse du train par rapport au quai. Imaginons qu’un photon fasse un aller-retour (plancher du wagon)-(plafond du wagon). Notons la hauteur du plafond par rapport au plancher du train ( est la même pour et puisque c’est une distance qui est mesurée perpendiculairement au déplacement).
-
—
mesure le temps pour cet aller-retour du photon. Pour lui le photon a parcouru la distance de . Donc la vitesse du photon est .
-
—
mesure le temps pour le même trajet. Mais de son point de vue, le photon n’a pas un parcours vertical puisque le train avance. Plus précisement en hauteur il a parcouru et horizontalement . D’après Pythagore, il a parcouru ce qui donne pour le photon une vitesse .
Maintenant, comme la vitesse de la lumière est constante par rapport à n’importe quel observateur, on a et on trouve que
Comme , on trouve que
On admet donc la règle suivante :
Règle 1 : Soient deux observateurs et qui se déplacent à vitesse constante l’un par rapport à l’autre. On considère deux événements qui se passent au même endroit pour . Alors si on note respectivement et les temps mesurés entre ces deux événements par et , on a
Remarque I.1.
Il est très important de noter que ces événements doivent se passer au même endroit pour l’un des observateurs (d’où la nécessité de considérer un aller-retour du photon). Sans cela, la règle dirait aussi que , ce qui est faux bien sûr. Le point 1 de la Remarque I.2 ci-dessous illustre aussi la nécessité de considérer de tels événements.
Avec le même raisonnement, on peut aussi en déduire une règle avec des hypothèses un peu plus générales, qui nous servirons pour la suite :
Règle 1’ : Soient deux observateurs et qui se déplacent à vitesse constante l’un par rapport à l’autre. On considère deux événements qui se passent à deux endroits et avec perpendiculaire au mouvement pour (attention, cette notion dépend de l’observateur). Alors si on note respectivement et les temps mesurés entre ces deux événements par et , on a
-
—
-
(2)
Maintenant, considérons que le photon fait un aller-retour (arrière du wagon)-(avant du wagon). Cette fois, la longueur dépend de l’observateur. Notons (resp. ) la longueur du wagon mesurée par (resp. par ) et conservons pour sa vitesse.
-
—
L’observateur mesure un temps pour cet aller-retour. La distance parcourue par le photon pendant ce temps est . Donc sa vitesse est .
-
—
Pour , séparons le trajet aller du trajet retour. Notons (resp. ) le temps mesuré par pour l’aller (resp. le retour). Pour , la distance parcourue par le photon sur l’aller est (longueur du wagon plus distance parcourue par le wagon pendant le trajet aller). Pour le retour la distance est .
On a donc
De cette équation, on tire c’est-à-dire . De même, . D’après la Règle 1 ci-dessus, on a
Ainsi,
On en déduit la règle suivante :
Règle 2 : Soient deux observateurs et qui se déplacent l’un par rapport à l’autre à vitesse constante et soit un segment fixe pour et parallèle au mouvement. Alors, les distances et entre et mesurées respectivement par et sont liées par
-
—
Remarque I.2.
-
(1)
Encore une fois, pour appliquer la règle qui lie les temps mesurés par deux observateurs, il faut bien vérifier que ces événements se passent au même endroit pour l’un des observateurs. En effet, dans cette expérience, les temps des trajets aller et retour mesurés par sont tous les deux de . En appliquant la règle de comparaison de temps, on a envie de dire que et . Cela conduit à , ce qui est faux (sinon, la vitesse du photon mesuré par n’est pas la même sur l’aller et le retour). De même, dans la règle de comparaison des longueurs, il est important que le segment mesuré soit fixe par rapport à l’un des observateurs.
-
(2)
De ces raisonnements, on peut facilement déduire des règles de comparaison de temps lorsque deux événements ne se passent pas au même endroit ou de comparaison de longueur pour un segment quelconque. Ces règles sont appelées transformations de Lorentz.
I.2. Masse et impulsion
En mécanique classique, considérons un objet de masse animé dans un repère (c’est-à-dire pour un observateur galiléen donné) d’une vitesse .
Définition.
Le vecteur est appelé quantité de mouvement ou impulsion de l’objet .
Soit maintenant un système composé de objets de quantités de mouvement respectives . Alors, une loi fondamentale de la dynamique en mécanique classique est
Loi de conservation de quantité de mouvement : la quantité de mouvement du système défini par est constante avec le temps. En particulier, elle est conservée lors des chocs entre les objets du système.
On va supposer que cette loi, basée sur l’expérience, est toujours valide en relativité. Mais pour cela, il va falloir préciser les choses, puisque les notions de temps et de distance sont remises en cause. Dans ce but, nous reprenons nos deux observateurs (dans le train) et (sur le quai). Chacun va lancer une pierre sphérique ( pour et pour ) de masse perpendiculairement au mouvement et avec une vitesse de manière à ce que les deux pierres se rencontrent. Pour l’observateur on travaille dans un repère où l’axe est parallèle aux rails et est orthogonal aux rails. Pour l’observateur , on travaille dans le repère dont seule l’origine est différente : on prend à la place de . Autrement dit, le repère se déplace à la vitesse constante par rapport au repère .
Avant le choc,
-
—
L’observateur voit la pierre animée de la vitesse (exprimée dans )
tandis que l’observateur voit la même pierre animée de la vitesse (exprimée dans )
où est la vitesse du train et est à calculer.
-
—
Par symétrie de la situation, l’observateur voit la pierre animée de la vitesse
tandis que l’observateur voit la même pierre animée de la vitesse
(on a bien sûr arbitrairement choisi une orientation des axes).
Calcul de : est la composante perpendiculaire au train du vecteur vitesse de la pierre vue par . Regardons le temps que met la pierre pour parcourir une distance sur l’axe perpendiculaire aux rails (l’axe de . On oublie les composantes dans l’autre direction). D’après le paragraphe précédent, cette distance ne dépend pas de l’observateur. Notons (resp. ) le temps mesuré par (resp. par ) pour que la pierre parcoure cette distance . D’après la Règle 1’ du paragraphe précédent, on a . D’autre part, on a et . On obtient ainsi que
(I.3) |
Après le choc : on considère bien sûr que le choc est élastique. On remarque que les composantes des vitesses selon l’axe des n’est pas modifiée. Regardons maintenant les composantes des vitesses sur l’axe des . Par symétrie de la situation, et doivent voir revenir leur propre pierre à la même vitesse. Si cette vitesse est différente de celle avant le choc (par exemple strictement supérieure à ) alors le système a gagné de l’énergie ce qui va à l’encontre des lois physiques. Donc et doivent voir revenir leur pierre avec la vitesse . Autrement dit,
-
—
L’observateur voit la pierre animée de la vitesse
tandis que l’observateur voit la même pierre animée de la vitesse
-
—
l’observateur voit la pierre animée de la vitesse
tandis que l’observateur voit la même pierre animée de la vitesse
Pour l’observateur , vérifions si la loi de conservation de quantité de mouvement de la mécanique classique est toujours valable pour le système . On doit avoir
Or ce n’est pas le cas puisque la deuxième coordonnée donne . D’où vient l’erreur de raisonnement ? La réponse est simple : on a considéré que les masses des pierres et étaient les mêmes du point de vue des observateurs et . Or il semble raisonnable de remettre en cause ce principe. En effet, supposons qu’un objet conserve la même masse quelle que soit sa vitesse. Il suffira d’une quantité finie d’énergie pour accélérer la particule à n’importe quelle vitesse choisie, y compris à une vitesse plus grande que celle de la lumière. Or, d’après les formules trouvées au paragraphe précédent, la vitesse de la lumière est une barrière infranchissable. L’un des moyens d’expliquer ce fait est de supposer que la masse d’un objet tend vers l’infini quand sa vitesse tend vers celle de la lumière.
Revenons à notre problème. En mécanique relativiste, on va toujours supposer que la quantité de mouvement est le produit de la masse par la vitesse mais on va aussi supposer que la masse d’un objet vu par un observateur dépend de sa vitesse par rapport à cet obervateur. Notons ce vecteur vitesse. On va dire que sa masse est une fonction de notée . On va chercher cette fonction de manière à ce que la quantité de mouvement soit conservée après le choc c’est-à-dire de manière à avoir l’égalité
(I.4) |
On remarque que cette égalité est vérifiée si pour une vitesse et un objet de masse (pour donner un sens à la masse d’un objet, il faut comprendre ce terme comme étant sa masse au repos, c’est-à-dire à vitesse nulle), on a
(où est la norme euclidienne de ). En effet, l’égalité de la première coordonnée est clairement vérifiée. Par ailleurs, pour la deuxième coordonnée, en utilisant (I.3), on a
Cette hypothèse faite sur la masse semble valable dans la mesure où elle tend vers si la vitesse tend vers .
En résumé, on retiendra :
Soit un objet de masse (au repos) vu par un observateur . On suppose que a une vitesse par rapport à . Alors sa masse vue par est
(I.5) |
et sa quantité de mouvement est
Avec ces définitions, on garde la loi de conservation de quantité de mouvement énoncée ci-dessus dans le cadre de la mécanique classique.
Le raisonnement ci-dessus est, d’un point de vue mathématique en tout cas, beaucoup moins rigoureux que ceux donnés dans le paragraphe précédent pour établir les Règles 1, 1’ et 2. Néanmoins, les mesures physiques permettent de vérifier ces lois avec une grande précision.
I.3. La formule .
L’énergie est par définition la capacité d’un système modifier un état, à produire un travail entraînant un mouvement, de la lumière ou de la chaleur.
La formule apparaît déjà dans les travaux de Poincaré et dit qu’une particule au repos possède de par sa masse, une énergie interne due aux forces d’interaction entre particules. L’intuition provient de la remarque expérimentale suivante : si un corps émet une énergie (par exemple par rayonnement) , on mesure que sa masse diminue de d’òu l’idée que cette masse se soit transformée en énergie avec la relation
.
L’étude de cette grandeur physique joue un rôle fondamentale en relativité en raison de la loi suivante :
Loi de conservation de l’énergie : l’énergie totale d’un système qui n’a pas d’échange avec l’extérieur est constante avec le temps.
En particulier, tout comme l’impulsion définie dans le paragraphe précédent, cette quantité est une intégrale première du système ce qui se définit parfaitement en mathématiques.
Maintenant essayons de déduire la formule de la discussion précédente. D’abord, il paraît naturel de penser que l’énergie au repos d’une particule doit être proportionnelle à sa masse. Autrement dit, pour une particule de masse au repos , on a pour si la particule est immobile. Changeons maintenant d’observateur. Si ce nouvel observateur mesure l’énergie de la particule, il doit trouver la même valeur à laquelle s’ajoute l’énergie cinétique de la particule. Par contre, le résultat trouvé sera toujours proportionnel à sa masse observée. On a aussi envie de dire que ce coefficient de proportionnalité doit être universel. On fera donc l’hypothèse suivante : l’énergie totale d’une particule de masse mesurée par un observateur (liée à sa masse au repos par la formule (I.5)) est de la forme où . On vient de dire que l’énergie totale de la particule était son énergie interne (i.e. son énergie au repos) à laquelle s’ajoute son énergie cinétique. En d’autres termes, on a ou encore
(I.6) |
Calcul de : nous aurons besoin de deux lois fondamentales de la mécanique classique :
-
(1)
Soit un objet de masse . Notons son accélération à l’instant . Alors où est la résultante des forces qui s’appliquent à à l’instant .
-
(2)
La différence d’énergie cinétique (c’est-à-dire uniquement due à sa vitesse) de l’objet entre deux instants est égale au travail de la force qui s’applique sur le long de sa trajectoire.
La deuxième loi n’a, a priori, aucune raison d’être remise en question en relativité. Par contre, la première loi n’est pas satisfaisante puisque la masse dépend du temps. On remarque cependant que n’est autre que la dérivée de la quantité de mouvement en fonction du temps. Il paraît plus naturel de garder cette formule en relativité : . On rappelle que le travail d’une force sur une trajectoire est donné par
où est la force qui s’applique en et où est le produit scalaire euclidien. Soit donc un objet de masse au repos soumis à une force constante. À l’instant supposons que cette particule est au repos. On note l’énergie cinétique de la particule à l’instant , la quantité de mouvement à l’instant , la masse à l’instant et la vitesse à l’instant . On remarque que le vecteur vitesse est en tout point proportionnel à . Avec les lois 1 et 2, on obtient
En utilisant la valeur de la masse trouvée ci-dessus
Posons maintenant dans l’intégrale ci-dessus. On a alors
En comparant ce résultat avec (I.6), on obtient que ce qui donne que l’énergie totale d’une particule au repos de masse est .
Chapitre II Modélisation de l’espace-temps
II.1. En mécanique classique
Modélisation En mécanique classique, l’univers est modélisé par un espace affine de dimension muni d’une forme quadratique sur de signature .
Remarque II.1.
On préfère prendre un espace affine plutôt que , ce qui évite d’avoir un point base et des directions privilégiées.
Orientation en temps:
Comme les vecteurs isotropes ( ) forment un hyperplan de ,
l’ensemble
a exactement deux composantes connexes. Choisissons
l’une d’elles une fois pour toutes et notons-la . Ce sont les
directions dites positives.
Dans tout le paragraphe, désignera la forme bilinéaire symétrique associée à .
Définition.
-
(1)
Un observateur est une courbe de genre temps i.e. telle qu’il existe une paramétrisation ( est un intervalle réel) tel que pour tout , .
-
(2)
Un observateur galiléen est une droite non isotrope.
Considérer les observateurs galiléens parmi tous les
observateurs est naturel pourtant, physiquement cela pose un problème.
Cela signifie qu’il y a des observateurs privilégiés dans
l’univers. Qui sont-ils ? Il faut remarquer que si l’on connaît un
observateur galiléen, on les connaît tous.
Choisissons maintenant un produit scalaire sur . Notons la norme associée. On peut définir naturellement:
Définition.
-
(1)
Soit . On dit que et sont simultanés si . ”Être simultanés” est une relation d’équivalence dont les classes sont de la forme . Ce sont des hyperplans affines qui physiquement, représentent l’univers à un instant donné.
-
(2)
Lorsque sont simultanés, on peut calculer leur distance:
-
(3)
Le temps qui sépare est donné par . Autrement dit, deux points sont simultanés si et seulement si .
Considérons un observateur galiléen dirigé par un vecteur unitaire () et orienté positivement. Si l’on fixe une origine (on notera ), on a un isomorphisme naturel
où sont déterminés par l’écriture unique .
Prendre une origine consiste à définir pour un temps . Pour
, l’univers observable à l’instant est
.
Paramétrisation normale positive d’un observateur
(on dit aussi paramétrisation par le temps).
Soit un observateur. Soit ( est un intervalle de ) une paramétrisation de telle que ne s’annule jamais sur . Quitte à remplacer par , on peut supposer qu’en tout point . Posons où est un point fixé de . On voit que est un difféomorphisme de sur l’intervalle . Posons maintenant . On voit que pour tout ,
En effet,
Le résultat est maintenant clair puisque .
Une telle paramétrisation de est appelée paramétrisation
normale positive de l’observateur . On a montré qu’une telle
paramétrisation existe toujours et
on remarque facilement qu’elle est unique à translation en temps près.
Vitesse Soit deux observateurs et des paramétrisations normales positives respectives de et . Quitte à faire une translation en temps, on peut supposer que pour fixé, et sont simultanés. Alors, s’écrit de manière unique
où et où . Comme , on voit que .
Définition.
Le vecteur est appelé vecteur vitesse de par rapport à et est noté
Remarques et propriétés:
-
(1)
La vitesse ainsi définie dépend de l’instant .
-
(2)
Si sont des observateurs galiléens alors le vecteur vitesse est constant en fonction du temps. Cette définition est bien conforme à l’idée que l’on se fait de la vitesse : le quotient de la distance par le temps. Prenons en effet deux observateurs galiléens et . Prenons et tels que et sont simultanés ainsi que et . Naturellement, on voit que la norme du vecteur vitesse est égal à
(i.e. distance / temps).
-
(3)
On a .
-
(4)
Si est un troisième observateur, on a
Accélération: Reprenons les notations utilisées pour la définition de la vitesse. On définit l’accélération de par rapport à par Supposons que est galiléen. Puisque la vitesse relative de deux observateurs galiléens est constante, l’accélération définie ci-dessus ne dépend pas de l’observateur galiléen .
II.2. En relativité restreinte
On abandonne la mécanique classique pour la raison suivante: de manière expéri–mentale, on constate que la vitesse de la lumière est constante (en norme) par rapport à n’importe quel observateur. Supposons qu’un observateur voie passer la lumière dans une certaine direction à la vitesse km/h et qu’un autre observateur ait une vitesse de km/h par rapport à dans la même direction que la lumière. La propriété du vecteur vitesse défini en mécanique classique implique que la vitesse de la lumière par rapport à sera de km/h, ce qui contredit l’expérience. On doit donc abandonner le modèle de la mécanique classique. C’est ainsi qu’est née la relativité restreinte en 1905 grâce aux travaux d’Einstein.
Modélisation En relativité restreinte, l’univers est modélisé par un espace affine de dimension muni d’une forme quadratique sur de signature .
D’un point de vue physique, on prend un espace affine pour éviter qu’il y ait des points privilégiés. Malgré tout, dans la pratique, on se placera la plupart du temps dans l’espace de Minkowski où
Dans , il y a trois types de vecteurs :
-
—
les vecteurs de type temps: ;
-
—
les vecteurs de type lumière: ;
-
—
les vecteurs de type espace: .
On peut comme en mécanique classique choisir une orientation de
temps. En effet, l’ensemble des vecteurs de type temps a deux
composantes connexes. Il faut remarquer que cet ensemble est un cône
dont le bord est l’ensemble des vecteurs de type lumière.
On choisit l’une des composantes connexes et on la note , cet ensemble représentant l’ensemble des vecteurs de type temps orientés positivement. Une autre manière de voir les choses est de fixer un vecteur de type temps et de dire qu’un vecteur est orienté positivement si , où est la forme bilinéaire associée à .
De la même manière, on définit
-
—
un observateur: courbe de genre temps (i.e. dont tout vecteur tangent est de type temps)
-
—
un observateur galiléen: droite de type temps.
Soit un observateur. En procédant comme en mécanique
classique, on montre qu’il existe une paramétrisation de , unique
à translation en temps près que l’on appellera paramétrisation
normale positive qui vérifie
et pour tout .
On verra plus loin qu’il y a d’autres paramétrisations normales
naturelles.
Soit un observateur paramétré par .
En mécanique classique, l’espace vu par ou univers observable pour à l’instant est l’ensemble des points simultanés à c’est-à-dire . L’espace vu par ne dépend pas de mais seulement du point .
En relativité restreinte, on a une définition analogue :
Définition.
on appelle espace vu par au point l’espace affine . En particulier, cet espace dépend de l’observateur et pas seulement de . Physiquement, cela correspond à l’ensemble des points simultanés à l’observateur à un instant donné.
Si , cela n’a pas de sens de se demander si et
sont simultanés. Par contre si et si , on peut se
demander si est simultané à pour . C’est le cas si
où est un vecteur tangent à en .
Contrairement à ce qui se passe en mécanique classique, la
simultanéité n’est pas symétrique (si , et si
et sont simultanés pour , ils ne le sont pas forcément pour
).
Pour avoir une bonne image en tête, le plus simple est d’imaginer muni de . Soit un observateur galiléen. Si est parallèle à l’axe des abscisses, l’espace vu par est vertical (axe des ordonnées). Si l’espace (droite vectorielle associée à ) se rapproche de la position limite alors aussi ( est le symétrique de par rapport à ).
Ce modèle est assez pratique pour visualiser correctement ce qui se passe, mais pour coller
plus à la réalité physique, il faudrait plutôt penser à
muni de avec petit. Ainsi, lorsque est
suffisamment petit, l’orthogonal de toute droite de type temps est
“presque” verticale. En effet, l’orthogonal d’une droite dirigée par
est dirigé par et on se rapproche du modèle muni de
qui permet de visualiser la mécanique classique (considérer
ou ne change rien à la géométrie).
Définition.
Soit un observateur (pas forcément galiléen) paramétré par .
-
—
Soient . Le temps propre pour l’observateur entre et est donné par
Physiquement, il s’agit du temps que mesure l’observateur entre et .
-
—
Soient simultanés pour (i.e. il existe tel que ). On définit la distance de à (pour ) par .
Remarque II.2.
-
(1)
Le temps propre ne dépend pas de la paramétrisation choisie.
-
(2)
La définition est la même qu’en mécanique classique (on remplace juste par ): en mécanique classique, lorsque l’on écrit
( est ici de signature ) on voit que l’on obtient . En effet, on peut écrire de manière unique où et . Alors et est de signe constant (sinon n’est pas de genre temps). Supposons par exemple . Alors, . Ainsi, . En revenant à la définition de , on voit que et (car et ), d’où le résultat.
-
(3)
Si l’on se donne , cela n’a pas de sens comme en mécanique classique de parler de temps qui sépare et . Cela dépend de la trajectoire choisie. Imaginons tels que est de type temps. Prenons la trajectoire directe (i.e. la droite ). On regarde le temps propre entre et et l’on trouve . Maintenant, imaginons une trajectoire entre et de type lumière, (ou du moins très proche d’une trajectoire de type lumière) et calculons le temps propre entre et . On paramétrise par . On voit que si bien que . Évidemment, physiquement, aucun observateur ne peut suivre une courbe de type lumière mais si la trajectoire s’en rapproche, le temps propre sera très petit. En particulier, on remarque que si deux observateurs et ont une trajectoire qui passent par et et si voyage à une vitesse proche de celle de la lumière, i.e. avec une trajectoire dont la tangente se rapproche de la position limite “lumière”, aura un temps propre beaucoup plus petit que entre et . Cette propriété, contraire à l’intuition, est connue sous le nom de paradoxe de langevin. On la présente habituellement en disant que deux jumeaux sont nés sur Terre. L’un part en voyage à une vitesse proche de celle de la lumière. Quand il revient sur Terre, il est beaucoup plus jeune que son frère.
-
(4)
Soit un vecteur de type temps. Alors l’hyperplan vectoriel est de type espace (i.e. est de signature ). En effet, la signature de est obtenue en ajoutant un (car de type temps) à celle de . En particulier, dans la définition de , .
-
(5)
Dans un sens, tout est beaucoup plus naturel qu’en mécanique classique car il n’y a pas besoin de se donner un produit scalaire supplémentaire. Toute l’information est contenue dans .
Paramétrisation normale positive pour un observateur galiléen . Soit un observateur galiléen de vecteur directeur unitaire ( orienté positivement) paramétré par tel que pour tout , . Pour , l’unité de temps est . Maintenant considérons un autre observateur paramétré par . Il est naturel de décomposer pour tout où et . En mécanique classique, si alors . En relativité restreinte, n’implique pas . En particulier, il est naturel de considérer une paramétrisation orientée positivement pour laquelle pour tout , c’est-à-dire qui respecte l’unité de temps pour (voir la Remarque II.3 ainsi que le point 1 de la Remarque II.4). Une telle paramétrisation existe, est unique à translation en temps près (même argument que pour l’existence des autres paramétrisations normales) et sera appelée paramétrisation normale positive pour l’observateur .
Remarque II.3.
L’une des propriétés d’une telle paramétrisation est la suivante: si , sont tels que et sont simultanés pour , alors pour tout , et sont simultanés pour . En effet, quitte à faire une translation en temps, on peut supposer et alors
car les deux termes du membres de droites sont dans . On voit avec cet argument pourquoi il est nécessaire de définir ce type de paramétrisation relativement à un observateur galiléen. Par contre, si et sont des paramétrisations normales positives de deux observateurs et et si et sont simultanés pour , en général et ne sont pas simultanés pour .
Vitesse: Soit , deux observateurs paramétrés respectivement par et . On suppose que est une paramétrisation normale positive. Fixons un point que l’on écrit . Quitte à faire une translation en temps, on peut supposer que est simultané à pour . Le vecteur s’écrit de manière unique
où et où .
Définition.
Le vecteur vitesse de par rapport à est
Remarque II.4.
-
(1)
Si est une paramétrisation normale pour , et donc
-
(2)
Parler de vitesse sans préciser l’observateur par rapport auquel on se place n’a pas de sens sauf pour la vitesse de la lumière qui est constante par rapport à n’importe quel observateur (voir Proposition II.6 ci-dessous).
-
(3)
La vitesse relative de deux observateurs galiléens est constante. Avec les notations ci-dessus, correspond exactement à la vitesse relative de deux observateurs galiléens dirigés par et .
-
(4)
Cette définition correspond bien à l’intuition. Si et sont deux observateurs galiléens qui se croisent en et si et sont simultanés pour alors
(=distance parcourue dans la direction de divisée par le temps). En effet, soit , des vecteurs directeurs de et normaux orientés positivement. Écrivons et . Comme et sont simultanés pour , on a . On écrit où et où . On a alors i.e. et donc ou encore . Cela donne que
(II.5) Par ailleurs, on a par définition
Comme on a le résultat cherché.
Avec cette modélisation de l’espace, on a
PROPOSITION II.6.
La vitesse de la lumière par rapport à n’importe quel observateur est constante.
Dans cette proposition, par ”vitesse de la lumière”, il faut bien évidemment comprendre ”norme du vecteur vitesse de la lumière”.
Remarque II.7.
Avec la normalisation choisie, on trouve que la vitesse de la lumière est . Pour changer cette valeur, il suffit de normaliser les vecteurs de type temps à une autre constante que .
Démonstration.
Soit un observateur paramétré par , paramétrisation normale positive et un rayon de lumière i.e. une droite de type lumière. Soit un vecteur directeur de (qu’on ne peut pas normaliser puisque ) on peut paramétrer par . Soient un point de et un point de simultané à pour . On écrit
où et où . Quitte à remplacer par on peut supposer que . Par définition, on a
Remarquons que
Comme et comme , on a , ce qui implique que
Ainsi
ce qui démontre le résultat.
II.3. En relativité générale
On abandonne la relativité restreinte principalement parce que, comme on le verra dans le prochain chapitre, elle n’est pas adaptée à la description du comportement de la matière. Un autre problème est qu’en relativité restreinte, comme en mécanique classique, les observateurs galiléens sont des observateurs privilégiés, ce qui physiquement n’est pas satisfaisant. Einstein a ainsi introduit la théorie de la relativité générale, dont il a publié les bases en 1915.
Modélisation En relativité générale, l’univers est modélisé par une variété munie d’une métrique lorentzienne , c’est-à-dire une métrique de signature sur chaque espace tangent .
Remarque II.8.
On simplifiera en prenant des variétés mais Hawking a étudié les conséquences de considérer des variétés de régularité plus faible.
Soit . On dit que
-
—
est de genre temps si ;
-
—
est de genre lumière si ;
-
—
est de genre espace si .
Une courbe est de genre temps (resp. lumière, resp. espace) si en tout point ses vecteurs tangents sont de type temps (resp. lumière, resp. espace).
Dans chaque espace tangent , l’ensemble a deux composantes connexes.
Définition.
Une orientation en temps continue de est une orientation en temps de chaque espace tangent (i.e. le choix d’une composante connexe de ) telle que pour tout , il existe un voisinage de et un champ de vecteur sur tel que pour tout , est dans .
Si un tel choix existe, on dit que est orientable en temps. Dans la suite, on suppose est orientée en temps, c’est-à-dire que est orientable en temps et qu’une orientation en temps continue a été fixée.
Définition.
-
—
On appelle observateur une courbe de genre temps.
-
—
On appelle observateur en un point la donnée d’un vecteur de genre temps, unitaire (i.e. ) et orienté positivement (i.e. ).
-
—
Soit un observateur (ou un observateur en un point). L’espace global vu par en est la partie de qui est -orthogonale, c’est-à-dire la partie de formée de la réunion de toutes les géodésiques issues de et orthogonale à en .
-
—
Soit un observateur paramétré par . Le temps propre entre et est donné par
Remarque II.9.
-
(1)
De même qu’en relativité restreinte et en mécanique classique, si est un observateur, il existe une paramétrisation normale positive de , unique à translation en temps près, i.e. une paramétrisation telle que pour tout , et .
-
(2)
En relativité restreinte, on n’avait pas besoin de la notion d’observateur en un point, bien que beaucoup de notions auraient pu se restreindre à cette définition (par exemple la vitesse ne dépendait que de la position et du vecteur tangent).
-
(3)
L’espace global vu par un observateur en est une sous-variété de type espace de dimension au voisinage de (même argument qu’en relativité restreinte).
Avec ces définitions, parler de vitesse n’a pas vraiment de sens. En effet, soit un observateur en un point dirigé par unitaire. On a besoin de décomposer un vecteur d’un autre espace tangent en une composante sur et une composante sur . Il y a plusieurs manières de la faire, mais aucune n’est canonique.
Chapitre III De la matière dans l’espace-temps
Ce chapitre a pour but d’arriver jusqu’à l’axiomatique de la relativité générale pour décrire le comportement de la matière. Avant d’en arriver à ce stade, il faut comprendre quels sont les problèmes posés par la mécanique classique et la relativité restreinte. Quelle que soit la manière dont on construit la théorie, il faut garder à l’esprit qu’un ”observateur humain” doit percevoir les mouvements prédits par les lois de Newton. Ces règles ne peuvent en aucun cas être remises en cause à vitesse faible (par rapport à celle de la lumière). La principale différence entre la relativité générale et la mécanique classique doit surtout se faire sentir soit à grande échelle, soit lorsque des vitesses importantes sont en jeu (par exemple, un GPS qui analyse très précisément la position d’un utilisateur à partir d’ondes tient compte des effets relativistes). C’est pourquoi dans ce chapitre, nous commençons par rappeler les lois utilisées pour décrire le comportement de la matière en mécanique classique et en relativité restreinte, ce qui nous amènera naturellement à l’axiomatique de la relativité générale.
III.1. Particules et fluides
En mécanique classique, relativité restreinte et relativité générale, la matière est supposée se composer de particules qui se définissent de la manière suivante.
Définition.
En mécanique classique, relativité restreinte et relativité générale, une particule est un couple où est une courbe de genre temps et est un nombre positif ou nul, la masse de .
Autrement dit, une particule est un observateur muni d’une masse. Lorsqu’on prend en compte les phénomènes électromagnétiques, on lui attribue également
une charge .
Malheureusement, si on s’intéresse au mouvement de chaque particule, les équations qui apparaissent même en mécanique classique sont quasiment irrésolubles. Cela conduit à considérer la matière comme un fluide.
Définition.
-
(1)
Une congruence de courbes (terminologie de S. Hawking) sur un domaine de est une famille de courbes de type temps qui ne se coupent pas. Plus précisément, il s’agit d’une famille de courbes de type temps telle que tout admet un voisinage ouvert et un difféomorphisme (avec régularité suffisante pour que tout soit bien défini) (où est un intervalle ouvert de et où est une boule ouverte de ) tel que pour tout , il existe un unique avec .
-
(2)
Un fluide dans est un couple où est une fonction appelée densité de masse du fluide. Ce couple devra vérifier une propriété supplémentaire que l’on définira plus tard (voir la ”propriété requise” ci-dessous).
Physiquement, les courbes représentent les trajectoires de chaque point du fluide. Avec ce point de vue, on ne voit plus les particules une à une. Prenons un observateur attaché au fluide (i.e. l’une des courbes de la congruence). La fonction densité de masse, physiquement, se définit comme suit: au point , considérons l’observateur fixé au fluide (i.e. la courbe qui passe par ). Le densité de masse est la limite du quotient de la masse mesurée par (i.e. la somme des masses des particules) contenue dans un voisinage de (espace vu par en ) par le volume pour la métrique riemannienne induite de lorsque se réduit autour de .
Remarque III.1.
On pourrait penser que la fonction densité de masse décrit complètement le fluide à elle seule puisqu’elle indique la quantité de matière présente à tout instant et à tout endroit. En fait, elle n’est pas suffisante : par exemple, sans la donnée de la congruence de courbes, on n’a aucun moyen de détecter la rotation d’une particule sphérique.
Définition.
Considérons un fluide dans . Le champ de vecteurs unitaire associé à est le champ de vecteurs formé des vecteurs tangents aux courbes du fluides, normaux ( en mécanique classique, en relativité restreinte et en relativité générale) et orientés positivement.
Définition.
Considérons une hypersurface de type espace et un fluide de densité de masse . On appelle masse au repos de sur le flux du champ à travers . En relativité restreinte et relativité générale, elle est définie par l’intégrale
où est le champ de vecteurs unitaire, où est le champ de vecteur -orthogonal à , unitaire () et orienté positivement.
Donnons quelques explications sur la “masse au repos”. Supposons que soit -orthogonale à , c’est-à
-dire, d’un point de vue physique, au ”mouvement” du fluide. Alors, (car ) et la masse au repos
est la masse de fluide que contient mesurée par un observateur fixé
au fluide.
Propriété requise (en mécanique classique, relativité restreinte et relativité générale) :
Soit un fluide, et respectivement la densité de masse et le champ de vecteurs unitaire associés à . On impose que
(III.2) |
Cette condition traduit le fait qu’il n’y a pas de perte de matière entre deux instants donnés. Essayons de comprendre pourquoi. On se place dans le cadre de la relativité générale ou restreinte. Reprenons la définition de la congruence de courbes: pour il existe un voisinage difféomorphe via à . Pour simplifier, supposons que et identifions à (on confond et son image). Le bord de est formé de trois parties: , et . On se place dans la situation la plus claire physiquement : et sont -orthogonales au fluide - c’est-à-dire que les points de et sont tous simultanés pour un observateur fixé au fluide- alors que est tangente au fluide. Notons le vecteur normal à ( sinon n’est pas de genre espace). Notons aussi l’élément de volume induit par sur .
Avec le théorème de Stokes,
où est le vecteur -orthogonal à , unitaire et sortant. Autrement dit, et . De plus, il est clair que
On obtient ainsi
ce qui montre que la masse au repos du fluide sur est la même que
sur .
À l’échelle de l’univers, les fluides sont composés d’étoiles, de galaxies qui jouent le rôle de particules. Ces particules s’entrochoquent rarement et les forces qui s’exercent entre elles ne sont pas de nature électromagnétique (en fait, on verra qu’en relativité générale les particules n’interagissent pas entre elles). Cela conduit à introduire la définition suivante :
Définition.
Un fluide parfait sans pression est un fluide dans lequel les particules sont indépendantes les unes des autres et dans lequel il n’y a pas d’autre énergie que celle des particules (pas de chocs, c’est-à-dire pas de viscosité, pas de rotation)
Cette définition est parfaitement adaptée au modèle de la relativité générale, où comme on le verra plus tard, les particules sont supposées ne pas avoir d’interactions entre elles. Un fluide parfait inclut normalement la pression (qui est une énergie supplémentaire) mais lorsque les particules du fluide sont constituées d’étoiles, de planètes et de galaxie, la pression est supposée nulle, sauf à l’intérieur des particules. Ce modèle est aussi utilisé dans d’autres cadres, par exemple dans le cas d’un fluide de très faible viscosité (par exemple en aérodynamique).
III.2. En mécanique classique
En mécanique classique, les principes utilisés sont ceux de Newton, qui traduisent l’attraction universelle (deux objets quelconques s’attirent mutuellement), idée qui sera complètement abandonnée en relativité générale. Il y a deux points de vue différents pour modéliser l’attraction universelle. Soit on utilise les lois de Newton, soit on utilise la notion de Lagrangien. Bien évidemment, quel que soit le point de vue choisi, on retrouve les mêmes résultats.
III.2.1. Point de vue du potentiel pour des particules
Ce paragraphe a pour but de formuler la loi de Newton qui
traduit l’attraction universelle.
Soit une particule.
Définition.
Le comportement de la matière est alors régi par la
Loi de Newton Soient des particules. On suppose que les courbes ne se coupent pas. Alors pour tout l’accélération de la particule en est
où est le gradient calculé dans la direction de .
L’accélération est calculée relativement à un observateur
galiléen mais rappelons qu’elle ne dépend pas de l’observateur
galiléen choisi. Ce système différentiel d’ordre 2
est presque impossible à résoudre dès qu’il y a particules ou plus en jeu (problème des 3 corps).
III.2.2. Point de vue du potentiel pour un fluide parfait sans pression
Ce paragraphe sert à faire deviner quelles seront les bons axiomes à poser en relativité générale pour qu’à vitesse faible (par rapport à celle de la lumière), on puisse retrouver des lois proches de celles de Newton.
On rappelle que le potentiel créé par des particules est
où est la distance de à l’unique point de qui est simultané à . Par extension, si est un fluide parfait sans pression de densité de masse , on définit le potentiel créé par en posant
où rappelons-le est le produit scalaire dont nous avons muni et où l’on a choisi l’unité de masse pour que . Soit maintenant un observateur galiléen dirigé par unitaire, orienté positivement. On rappelle que dès lors qu’on choisit une origine (ce qui correspond à choisir un instant pour ) ”voit” comme via l’isomophisme décrit dans le paragraphe II.1 du chapitre II. L’hyperplan correspond à l’espace observable par à l’instant . Via cet isomorphisme, se réécrit
pour tout .
Remarque III.3.
Avec les mêmes notations, si , l’intégrale
représente la masse du fluide qui se trouve dans (bien sûr, ce dépend de à l’instant ).
Maintenant, il faut se souvenir que la fonction de Green du laplacien sur est
(on travaillera toujours avec le laplacien avec la convention de signe suivante : il est égal à lorsque la carte est une isométrie sur un ouvert de muni de sa métrique standard) et ainsi
Autrement dit, on a
(III.4) |
La loi de Newton traduite sur les courbes du fluide est alors donnée par
(III.5) |
où est l’accélération au point et au temps de la courbe du fluide passant par . Maintenant, on rappelle que
(III.6) |
où est le champ de vecteurs unitaire associé au fluide et que cette relation traduit la conservation de masse. Lorsqu’on considérait la matière particule par particule, cette relation était juste remplacée par le fait qu’il y avait à tout instant le même nombre de particules et que leur masse était constante.
III.2.3. Point de vue du lagrangien
Ce paragraphe donne une formulation équivalente à la loi de Newton qui permet d’introduire naturellement les notions d’énergie et d’impulsion qui seront à la base de la théorie en relativité générale. Pour finir nous regarderons l’exemple d’une particule dans le vide. La lecture de ce paragraphe n’est pas indispensable pour comprendre d’où vient l’équation d’Einstein.
Le point de vue du lagrangien consiste à voir les trajectoires des particules comme des chemins minimisant une fonctionnelle appelée fonctionnelle d’action (en quelque sorte des géodésiques sauf que cette fonctionnelle dépend du système physique). On travaille donc particule par particule. Physiquement, la fonctionnelle d’action calcule pour une trajectoire donnée l’énergie cinétique de la trajectoire moins l’énergie potentielle créée par les autres particules. En effet, les particules vont avoir tendance à suivre les trajectoires qui leur font dépenser le moins d’énergie (énergie cinétique) et qui va utiliser au maximum l’énergie potentielle des autres particules. En fait, on va oublier cette interprétation physique en relativité restreinte.
Définition.
-
(1)
Un lagrangien d’une particule dans un système physique (i.e. dans un ensemble de particules contenant ) est une application qui vérifie plusieurs axiomes que nous préciserons plus tard et qui permettront de modéliser les trajectoires des particules.
-
(2)
Soit un lagrangien de et . Dans la suite on considérera toujours que est ultérieur à . Notons le temps entre et . Soit une autre courbe de genre temps passant par et paramétrée par , normale orientée positivement et telle que et (on dira que est admissible). On définit la fonctionnelle d’action associée à entre et par
Comme expliqué plus haut, on veut que
Axiome 1
pour toute courbe de genre temps passant par et ou de manière équivalente
pour tout paramétrisation admissible.
Le lagrangien d’une particule vérifiant l’axiome 1 n’est pas unique. Il est défini à une différentielle totale près. Rappelons qu’une différentielle totale est une fonction de la forme où . En effet, soit une telle fonction. Notons . Alors, puisque
pour toute paramétrisation admissible, les fonctionnelles d’action associées à et ne différent que de la constante et l’axiome 1 est vrai pour si et seulement si il est vrai pour . Inversement, on a :
PROPOSITION III.7.
Si les fonctionnelles d’action de deux lagrangiens et différent d’une constante pour tous , alors et diffèrent d’une différentielle totale.
Démonstration.
On définit la forme différentielle par . Par hypothèse, l’intégrale de le long d’un chemin ne dépend que des extrémités de . On fixe et on définit pour la fonction où est un chemin quelconque joignant à . Fixons et prenons une base . La forme s’écrit où les sont les fonctions coordonnées dans cette base. Pour petit, remarquons que où pour . Comme le premier terme ne dépend pas de ,
Cela montre que et que et diffèrent d’une différentielle totale.
Soit un observateur galiléen muni d’une origine (voir paragraphe II.1 du chapitre II). On a vu que déterminait de manière naturelle un isomorphisme entre et en écrivant, pour tout point
où , et où est le vecteur unitaire orienté positivement qui dirige .
Définition.
Soient un lagrangien d’une particule dans un système physique. Le lagrangien de vu par et associé à est donné par
où est tel que .
Soit une paramétrisation admissible entre et un autre point de . On peut lui associer
où comme dans la définition ci-dessus, . Remarquons que comme , on a et . Comme de plus (puisque ), on a . Ainsi . De cette manière, (voir le point 1 de la Remarque II.4). On a aussi . On en déduit que
Cela justifie cette définition d’autant que si on pose,
la courbe associée à la courbe paramétrant la courbe de minimise la fonctionnelle
parmi tous les .
On a maintenant le résultat suivant (voir Avez, calcul différentiel)
THÉORÈME III.8.
Soit une fonction . Supposons qu’une courbe minimise
parmi toutes les courbes normales orientées positivement, alors on a
(III.9) |
où et représentent respectivement les différentielles partielles relativement aux deuxième et troisième variables.
Ce théorème calcule l’équation d’Euler d’un minimiseur de la fonctionnelle d’action et fournit ainsi une équation différentielle dont les solutions donnent les trajectoires des particules.
On va maintenant définir l’énergie et l’impulsion d’une particule dans un système physique vu par un observateur . Dans le premier chapitre, on explique briève–ment leur interprétation physique. Par ailleurs, les lois physiques données dans ce même chapitre impliquent que ces grandeurs doivent être constantes avec le temps. D’un point de vue mathématique, ce sont des intégrales premières du système. On gardera ce point de vue mathématique ici. On verra aussi que leur définition impose des conditions très restrictives mais qui seront remplies pour le cas d’une particule dans le vide. On constatera au final que les résultats trouvés correspondent à ceux qui avaient été obtenus par des intuitions physiques au Chapitre I.
PROPOSITION III.10.
Avec les mêmes notations que ci-dessus, on suppose que ne dépend pas de la première variable. Soit l’unique courbe admissible qui paramètre la courbe de la particule. Notons , la courbe associée vue par l’observateur (voir ci-dessus). Alors le nombre
est constant. On l’appelle l’énergie de la particule vue par .
Insistons encore une fois sur le fait que cette proposition-définition n’a de sens
que si ne dépend pas de la première variable. Notons aussi
que si tel est le cas, il n’y a aucune raison que cette hypothèse soit
vraie si on change d’observateur galiléen. Pour comprendre ce qui se
passe physiquement, imaginons qu’un observateur étudie une particule dans
le vide. L’énergie de cette particule est la somme de son énergie au
repos (qui est supposée nulle en mécanique classique) et de son
énergie cinétique. Supposons que cet observateur soit en mouvement
irrégulier par rapport à la particule. Imaginons par exemple qu’il soit
soumis à des forces électromagnétiques et que la particule soit
neutre électriquement. Alors, l’observateur va mesurer une énergie pour
la particule qui est non constante dans le temps (elle va dépendre de la
vitesse de la particule par rapport à l’observateur). Pour avoir une
bonne définition d’énergie, il faut que l’observateur soit d’une
certaine manière lié au système.
De même, on définit l’impulsion de la manière suivante:
PROPOSITION III.11.
On utilise les mêmes notations que dans la proposition précédente mais cette fois, on suppose que ne dépend pas des deux premières variables. Alors
est un vecteur constant que l’on appelle impulsion de la particule vue par
Notons que dans l’énoncé ci-dessus, l’identification entre et est donnée par le produit scalaire (voir Paragraphe II.1). Encore une fois, les conditions extrêmement restrictives d’application de la proposition (dépendance de de la troisième variable uniquement) seront vérifiées dans le cas d’une particule dans le vide.
Remarque III.12.
Les définitions ci-dessus ne sont pas tout à fait rigoureuses. En effet, on a vu qu’un lagrangien était définie à une différentielle totale près. Si maintenant on remplace par où est une différentielle totale, on va trouver une nouvelle énergie (et impulsion) qui seront les mêmes que celles trouvées avec mais auxquelles on aura ajouté une constante. On verra que pour obtenir un modèle physique réaliste, il faudra que le lagrangien dépende de la masse de la particule. Il y aura alors un seul choix de constante possible pour que l’énergie et l’impulsion d’une particule de masse nulle soient nulles.
Exemple d’une particule dans le vide.
Comme expliqué ci-dessus, on pourra définir l’énergie et l’impulsion de la particule pour tout observateur galiléen.
Dans ce cas précis, on considère une particule et on va se donner
Axiome 2 un lagrangien de est invariant par les isométries de i.e. pour toute isométrie et pour tous , il existe tel que pour tout admissible, on ait .
Cet axiome traduit le fait que physiquement, il n’y a pas de direction privilégiée dans l’univers et qu’une particule que l’on ”bouge” par une isométrie (position et vitesse) à un instant donné a une trajectoire qui est ”bougée” de la même manière (i.e. par la même isométrie). Alors on montre
THÉORÈME III.13.
En considérant les axiomes et , il existe dans (classe des lagrangiens définis à une différentielle totale près) un lagrangien tel que pour tout unitaire () et orienté positivement
où est le vecteur directeur unitaire orienté positivement d’un observateur galiléen fixé .
La démonstration de ce résultat n’est pas évidente du tout et sera omise ici.
Remarque III.14.
-
(1)
Dans l’énoncé ci-dessus, est la norme associée à (voir Paragraphe II.1). La définition a bien un sens car .
-
(2)
La forme de n’est donné que pour des vecteurs unitaires mais c’est à ces vecteurs que l’on applique .
-
(3)
Le théorème dit ”il existe tel que …” mais en fait, l’observateur peut être choisi arbitrairement. En effet, si dans la définition de , on remplace par ( étant un autre observateur galiléen), on obtient un lagrangien qui diffère de par une différentielle totale.
Dans ce théorème, on peut a priori prendre i.e. et les axiomes et sont bien vérifiés mais toute trajectoire est alors minimisante ce qui ne correspond pas à la réalité physique. On va poser . Fixons maintenant un observateur . Pour simplifier, prenons celui que l’on a choisi dans le Théorème III.13. On a alors par définition qui ne dépend ni de ni de . L’énergie de la particule est donnée par (on conserve les notations utilisées lorsqu’on a défini l’énergie)
et puisque , on trouve
On remarque que représente la vitesse de la particule par rapport à . Ainsi, On trouve que est égale à l’énergie cinétique de la particule au sens habituel (). Comme on l’a expliqué plus haut, si on prend un autre lagrangien dans la même classe, on va trouver la même valeur de l’énergie plus une constante. On fixe cette constante à pour que l’énergie d’une particule de masse nulle soit nulle.
De la même manière on trouve que l’impulsion est donnée par
La trajectoire de la particule minimise la fonctionnelle d’action. La Proposition III.11 nous dit alors que le vecteur vitesse de la particule par rapport à doit être constant. Puisque est arbitraire, on en déduit que la trajectoire de la particule est une droite.
Lorsque le système physique considéré est composé de particules, l’axiome ne permet plus de conclure. En fait, on postulera directement la valeur du lagrangien d’une particule pour retrouver la loi de Newton:
Axiome 2’ Le lagrangien d’une particule dans un système physique () est donné par
où est le vecteur unitaire positivement orienté d’un observateur galiléen fixé , où est la constante de gravitation et où est la distance de au point de qui est simultané à .
On remarque que ce lagrangien est en gros l’énergie cinétique de moins l’énergie potentielle des autres particules.
III.3. En relativité restreinte
III.3.1. Point de vue du lagrangien pour une particule dans le vide
Ce paragraphe a pour but de calculer l’énergie et l’impulsion d’une particule dans le vide en relativité restreinte. Ce sera un bon point de départ pour la théorie de la relativité générale du fait que, comme on le verra, on fera l’hypothèse que les particules sont indépendantes les unes des autres : chacune se comportera comme une particule dans le vide. La lecture de ce paragraphe n’est pas indispensable pour comprendre d’où vient l’équation d’Einstein.
La loi de Newton pose de nombreux problèmes. Simplement par son
énoncé, il y a interaction entre particules et de manière
sous-jacente, il y a le problème de la simultanéité. Notamment (il
faut essayer pour s’en convaincre), la loi de Newton amène à
considérer des vitesses plus grandes que celle de la lumière : en effet, si un objet change de place, son potentiel newtonnien est trnasformé en conséquence et son influence sur l’univers tout entier est instantanément modifié. L’information a donc été transmise avec une vitesse infinie. Pour une seule particule dans le vide, le
principe lagrangien ne s’appuie pas sur ces interactions entre particules et on peut regarder ce qui se passe en relativité restreinte.
Dans ce cadre, on cherche un lagrangien qui vérifie les axiomes et . L’exemple le plus simple est clairement de poser . On a vu que ce choix, en mécanique classique, même s’il ne contredisait pas les axiomes et , n’avait aucune chance de modéliser la réalité physique puisque toute trajectoire minimiserait alors la fonctionnelle d’action. Comme on va le voir, la situation est différente en relativité restreinte.
Soit donc une particule dans le vide. On va poser , choix que l’on justifiera plus tard. Comme en mécanique classique, fixons et prenons une autre courbe de genre temps passant par et . La fonctionnelle d’action associée est
où encore une fois les admissibles sont les paramétrisations des courbes définies sur , normales de type temps orientées positivement et telles que et . On rappelle que le temps propre d’un point à un point associé à une courbe est défini par
Soit maintenant un un observateur galiléen dirigé par vecteur unitaire orienté positivement et une paramétrisation d’une courbe que l’on suppose normale pour l’observateur (et qui n’est donc pas admissible). On veut trouver l’expression du lagrangien de la particule relativement à l’observateur . Pour cela, on écrit
où , et où l’on a choisi comme origine. On verra par la suite que le résultat obtenu ne dépend pas du choix de l’origine. On obtient ainsi une courbe associée dans . Comme en mécanique classique, puisque est normale par rapport à l’observateur , on a et est la vitesse de par rapport à . On cherche le lagrangien de la particule vue par , c’est-à-dire . Plus précisément, on cherche une fonction telle que la fonctionnelle d’action associée à (que l’on reparamètre pour qu’elle soit admissible) soit égale à celle de et ce, pour tout . Observons que comme , on a:
où est la norme de la vitesse de la particule décrite par la courbe par rapport à . Ainsi
où et . Autrement dit, le lagrangien de la particule vue par est
La fonctionnelle d’action associée redonne bien .
Remarque III.15.
Si le vecteur vitesse est petit par rapport à la vitesse de la lumière (qui rappelons, avec nos conventions, vaut ), on voit que
(). Comme a une fonctionnelle d’action dont les minimiseurs sont les mêmes que celle de , qui était le lagrangien de vue par en mécanique classique, on remarque que pour des vitesses petites, les trajectoires de vérifient les mêmes principes qu’en mécanique classique. C’est la première raison pour laquelle on a choisi de prendre . On en verra une deuxième après le calcul de l’énergie.
Revenons maintenant au Théorème III.8 et aux Propositions III.10 et III.11. Leurs preuves ne font intervenir que la structure d’espace affine et pas la signature de la forme quadratique . Autrement dit, ils restent valables en relativité restreinte. Comme ne dépend que de la troisième variable, on peut définir l’énergie et l’impulsion. Fixons où est une paramétrisation normale pour de la courbe associée à la particule considérée. En gardant les mêmes notations que ci-dessus, on a pour l’énergie de vue par :
Puisque , on a
Remarque III.16.
Pour une particule au repos (c’est-à-dire vue par un observateur pour lequel ), on retrouve que l’énergie de la particule est (voir Chapitre I) où est la vitesse de la lumière (qui dans nos unités vaut ). Cela fournit une deuxième raison de définir le lagrangien par pour une particule de masse . Une différence majeure avec la mécanique classique est qu’en relativité restreinte une particule au repos a une énergie non nulle.
De même, on calcule que l’impulsion de vue par est donnée par
On retrouve la formule trouvée par intuition physique dans le Chapitre 1. Comme en mécanique classique, on déduit des Propositions III.10 et III.11 que la trajectoires de est une droite.
Remarque III.17.
Puisque , une particule dans le vide a une courbe qui maximise .
III.3.2. Énergie d’un fluide parfait sans pression
Ce paragraphe a pour but de définir l’énergie d’un fluide parfait sans pression en relativité restreinte. Cela permettra de donner en relativité générale une définition naturelle du tenseur d’énergie-impulsion. La lecture de ce paragraphe n’est pas indispensable pour comprendre d’où vient l’équation d’Einstein.
En relativité restreinte, est un espace affine muni d’une forme bilinéaire symétri–que (ou d’une forme quadratique ) de signature . C’est donc un cas particulier de variété lorentzienne dont la métrique est en tout point égale à . Soit un fluide parfait sans pression de densité de masse .
Définition.
Soit un observateur galiléen dirigé par unitaire et orienté positivement.
-
(1)
La densité d’énergie du fluide par rapport à est la fonction définie pour par
où est la vitesse (en norme) du fluide en pour l’observateur (i.e. la vitesse de la courbe qui passe par relativement à ).
-
(2)
Soit un voisinage d’un point , (rappelons que est l’ensemble des points simultanés à pour ). L’énergie du fluide à travers est l’intégrale
Justifions cette définition. Supposons que sur la vitesse du fluide par rapport à est constante (en norme) égale à . Alors par définition,
(III.18) |
Par ailleurs, et où l’on a écrit comme ci-dessus
(III.19) |
Ici , et est le champ de vecteurs unitaire associé à . Maintenant, notons la masse au repos du fluide sur . On a par définition
(III.20) |
car est, puisque , le champ de vecteurs -orthogonal à unitaire et positivement orienté. D’après l’équation (III.19), on a en utilisant le fait que ,
(III.21) |
Encore une fois avec (III.19),
et comme
cela donne
Puisque (car et sont positivement orientés), on obtient . En injectant cette valeur dans (III.21), on obtient que
(III.22) |
Avec (III.20), cela donne
Avec (III.18), on obtient une énergie
On retrouve en particulier la valeur de l’énergie pour une particule dans le vide vue par l’observateur (voir le paragraphe III.3).
III.4. En relativité générale
Différence fondamentale avec la mécanique classique
En mécanique classique, on considérait que les particules s’attiraient
entre elles. En relativité, le comportement de la matière est régi
par deux axiomes.
Axiome 1 : Les courbes des particules, paramétrées
par leur temps propres (c’est-à-dire que la paramétrisation est normale
positive), sont des géodésiques de type temps de .
On considère que le tenseur (et donc ses géodésiques)
contient toutes les informations sur la matière.
Axiome 2 : Cet axiome donne précisément le lien
entre le tenseur et la matière. Il sera précisé plus tard.
Toute la difficulté revient justement à trouver ce deuxième axiome de manière à ce que, à vitesse faible, on retrouve les lois de la mécanique classique. On veut éviter de considérer la matière particule par particule : on a vu que cela conduit à des équations affreusement compliquées à résoudre (c’est ce qui se passe en mécanique classique dés qu’il y a trois particules ou plus). On gardera donc le point de vue des fluides.
III.4.1. Fluides parfaits sans pression et tenseur d’énergie-impulsion
Puisqu’en relativité générale, on considère que les particules sont indépendantes les unes des autres et que leur trajectoire ne dépend que de la métrique , il est naturel de considérer la matière comme un fluide parfait sans pression. La première chose à faire est de donner une définition de l’énergie d’un fluide parfait sans pression par rapport à un observateur. Puisque les particules sont indépendantes deux à deux, chaque particule va se comporter comme une seule particule dans le vide, modèle que l’on a déjà étudié en relativité restreinte. On va voir qu’en relativité générale, on peut tout calculer en un point et dans l’espace tangent correspondant . Or lorsqu’on travaille sur muni de la métrique , on est exactement dans le cadre de la relativité restreinte, cadre sur lequel on va donc s’appuyer pour construire la théorie.
On commence par donner la définition suivante.
Définition.
Soit un fluide, un observateur et . La vitesse du fluide par rapport à est le vecteur vitesse de la courbe du fluide passant par (qui peut être considérée comme un observateur) par rapport à .
On a dit plus haut que la vitesse d’un observateur par rapport à un autre n’avait pas de sens en relativité générale, parce que pour la définir, il faudrait décomposer un vecteur d’un espace tangent dans un autre espace tangent . Lorsque les deux observateurs sont au même point, il n’y a plus ce problème et on peut procéder comme en relativité restreinte. Donc pour préciser la définition ci-dessus, notons le vecteur unitaire tangent à en x et orienté positivement. Notons le champ de vecteurs unitaire associé à . On écrit de manière unique
où (l’orthogonalité étant bien évidemment relative à ) et . Comme en relativité restreinte, on définit
On considère un fluide parfait sans pression de densité de masse dans un domaine , et un observateur au point dirigé par unitaire et orienté positivement. On a vu que la densité d’énergie de vue par en était
ou encore d’après (III.22),
Il faut noter que cette expression n’aurait pas de sens en relativité générale en un autre point que . Cela conduit à définir la forme bilinéaire symétrique
En considérant pour tout , on obtient ainsi un tenseur deux fois covariant qui vérifie que pour tout observateur au point dirigé par , unitaire et orienté positivement, on a
où est défini comme ci-dessus. D’autre part, on pourrait faire pour l’impulsion la même construction que pour la densité d’énergie en relativité restreinte et avec la même démarche obtenir en relativité générale un vecteur au point que l’on notera et qui est l’analogue de construit ci-dessus. Alors, on peut vérifier que si est unitaire (i.e. ) et -orthogonal à ,
Cela justifie de donner la définition suivante
Définition.
Le tenseur est appelé tenseur d’énergie-impulsion associé au fluide .
En fait, on confondra souvent avec le tenseur deux fois contravariant qui lui est associé. On le notera toujours . Il est clair que
(III.23) |
étant le champ de vecteurs unitaires associé à . On montre maintenant que
PROPOSITION III.24.
Le champ de vecteurs de composantes est le champ de vecteurs nul si et seulement si les courbes du fluides sont des géodésiques de .
Démonstration.
Soit . Prenons une base de tel que . On a alors
où est la connexion de Levi-Civita associée à . Compte-tenu de (III.2), le champ de vecteurs est nul si et seulement si , c’est-à-dire si et seulement si les courbes du fluide sont des géodésiques de .
III.4.2. L’équation d’Einstein
Nous sommes maintenant en mesure de définir le deuxième axiome de la relativité générale. Pour cela, la stratégie est d’essayer de copier les modèles de la relativité restreinte et de la mécanique classique pour retrouver les lois de Newton pour des vitesses faibles par rapport à celle de la lumière. Le problème est que dans ces modèles, les observateurs galiléens jouent un rôle fondamental (par exemple pour définir l’énergie et l’impulsion) et qu’en relativité générale, on n’a aucun observateur privilégié. L’idée est alors de supposer dans un premier temps qu’on a de tels observateurs (”presque” galiléens), de trouver une bonne formulation du deuxième axiome dans ce cadre et de voir que ce que l’on a trouvé est en fait intrinsèque et ne dépend pas de ces observateurs particuliers.
Définition.
Un domaine statique est un ouvert connexe de tel que est isométrique à où est un intervalle ouvert, est un ouvert connexe de et où dans la “carte canonique” (donnée par l’isométrie de dans ), la matrice de au point est donnée par
où () sont des fonctions suffisamment régulières pour que la suite ait un sens. Autrement dit, on a
pour tout ,
Remarque III.25.
Le mot statique provient du fait que les composantes de la métrique ne dépendent pas du temps.
Il n’y a aucune raison qu’il existe dans un domaine
statique mais Hawking a montré que l’existence d’un tel domaine statique
est équivalente à l’existence d’un champ de Killing
(c’est-à-dire un champ de vecteurs engendrant un flot isométrique) et
d’une hypersurface de genre espace orthogonale en tout point au champ
de vecteurs . Le flot de donne donc un groupe à un paramètre
d’isométries dont les orbites (ce sont les courbes
intégrales de ) sont -orthogonales à .
Autrement dit, considérons une courbe intégrale de . Cette
courbe définit un observateur . L’espace vu par est à tout
instant isométrique à où est la restriction de
à . Ces observateurs observant toujours le même espace sont les
analogues des observateurs galiléens en mécanique classique ou en
relativité restreinte.
Nous travaillons donc dans . La
matière est modélisée par un fluide parfait sans pression . Rappelons
que le premier axiome dit que les courbes de paramétrées par le
temps sont des géodésiques de . L’idée fondamentale pour
trouver le deuxième axiome est que le fluide lui-même (y compris sa
densité de masse) est lié à la métrique . C’est ce lien que l’on
cherche à déterminer de manière à retrouver (en approximation) les
lois de Newton. Remarquons que les domaines statiques permettent de se ramener à la relativité restreinte ou à la mécanique de la façon suivante : prenons le cas
où
et où
est la métrique euclidienne. Alors, on a deux manières de voir les choses. Soit on travaille dans . Dans ce cas, on retrouve l’espace-temps de la
relativité restreinte. Sinon, on peut travailler dans muni
de la forme associée à la forme bilinéaire dont le noyau (tangent à ) est muni du produit scalaire . On retrouve le modèle de la mécanique classique. Pour trouver le deuxième axiome, c’est avec cette vision des choses que l’on va travailler.
Pour cela, considérons une courbe du fluide paramétrée par , paramétrisation normale positive. On écrit dans la carte :
et on note et Écrire dans cette carte revient à regarder à travers les yeux d’un observateur galiléen , c’est-à-dire une courbe intégrale de . Le vecteur représente la vitesse de par rapport à et le vecteur est le vecteur accélération de vue par . En fait, pour travailler vraiment avec le modèle de la mécanique classique, il faudrait que soit une paramétrisation normale pour et donc normaliser pour avoir . Cependant, comme , on a
c’est-à-dire
(III.26) |
Maintenant, on doit supposer qu’on est proche du modèle de la mécanique classique donc est proche de . D’autre part, les vitesses sont supposées petites par rapport à la vitesse de la lumière, c’est-à-dire qu’on suppose
(III.27) |
ce qui fait que
(III.28) |
(autrement dit, est ”presque” une paramétrisation normale pour la forme ) et peut bien être considéré comme le vecteur accélération de la courbe .
Même si cette approche n’a rien de rigoureux, elle est physiquement cohérente. Elle va nous permettre de trouver par l’intuition un bon deuxième axiome dont la validité sera vérifiée par les observations physiques.
La première chose à faire est de se débrouiller pour retrouver la relation (III.5) en approximation. Pour cela, nous devons exprimer en fonction de données géométriques. C’est l’objet du résultat suivant :
PROPOSITION III.29.
Les composantes du vecteurs vérifient pour tout
où l’on a posé et où .
Démonstration.
D’après l’axiome , est une géodésique de . Autrement dit, ( est la dérivée covariante associée à la connexion de Levi-Civita de ). Donc
(III.30) |
Écrivons maintenant que
Comme d’après (III.36), pour , , on obtient
(III.31) |
De même, on calcule que
(III.32) |
Revenons maintenant à ce qui nous intéresse: retrouver la relation (III.5). Pour être ”approximativement” en mécanique classique, on doit supposer que vaut ”presque” et est presque la métrique euclidienne. On écrit donc et on suppose que . On écrit aussi . Compte-tenu de (III.36) et de (III.27), on obtient que
(III.33) |
Pour retrouver la relation (III.5), on voudrait que cette fonction soit le potentiel newtonnien qui apparaît dans la relation (III.5), c’est-à-dire, en vertu de la relation (III.4) que
(III.34) |
Or on calcule que
PROPOSITION III.35.
Dans la carte , la courbure de Ricci de vérifie
Démonstration.
On commence par calculer les symboles de Christoffel de la connexion de Levi-Civita associée à dans cette carte. Nous notons “” la coordonnée associée à et utilisons les conventions d’Einstein. On rappelle que par définition, on a pour tous
et que . Donc si ,
(III.36) |
Maintenant, on sait que la courbure de Ricci s’exprime dans une carte en fonction des symboles de Christoffel (voir l’appendice) grâce à la formule suivante:
où l’on a noté les composantes du tenseur de Ricci dans la carte considérée. On a donc:
c’est-à-dire en remplaçant les symboles de Christoffel par leur valeur:
(III.37) |
On a utilisé le fait que puisque ne dépend pas de , . Maintenant, on calcule
En écrivant que , on obtient
ce qui donne
Rappelons que l’opérateur de D’alembert ou d’alembertien est l’analogue riemannien du laplacien. Il est défini en coordonnées par
Il est fréquent de conserver les notations riemanniennes en géométrie
lorentzienne (par exemple en ce concerne les courbures) mais pour le
d’alembertien, une notation différente indique la différence de nature
entre ces deux opérateurs : le laplacien est elliptique alors que le
d’alembertien est hyperbolique.
De cette proposition, on déduit puisque avec , que . En revenant aux notations tensorielles, pour avoir la relation (III.34), il faut donc imposer
Rappelons que le tenseur d’énergie-impulsion est défini par
et comme ,
en utilisant (III.28). La relation (III.34) est donc satisfaite si on suppose que
Remarque III.39.
Il suffit que cette relation soit satisfaite sur la composante pour avoir (III.34) mais pour avoir une équation intrinsèque, on l’impose comme étant une égalité tensorielle.
Malheureusement, la proposition III.24 implique que l’on doit avoir
ce qui n’a aucune raison d’être vrai en général. Par contre, on remarque que le tenseur dit tenseur d’Einstein
(III.40) |
(où est la courbure scalaire) vérifie cette condition (i.e. ). Cette relation se déduit de l’identité de Bianchi sur la courbure de Riemann. D’où l’idée de poser
(III.41) |
Cette relation conserve la relation (III.34). Pour le voir, contractons chaque côté de l’égalité par . Comme et comme (car ), on obtient . Mais d’après (III.27), si et on a déjà vu que (d’après (III.28)). On obtient donc puisque . On en déduit en utilisant l’équation (III.41) que
et on retrouve (III.34).
Si on ajoute à un terme de la forme (où
est un réel), on garde la relation (III.40). Par contre, on perd la
relation (III.34). Prendre conduit à considérer
que l’univers est en expansion (voir le chapitre suivant)
ce que refusait complètement Einstein.
C’est pourquoi il a ajouté ce terme. L’équation garde sa cohérence (i.e. la relation (III.40)). On peut même montrer que c’est le seul terme que l’on peut ajouter pour garder la cohérence de l’équation. Si l’on suppose que est petit, on est proche des lois de Newton.
C’est cette équation intrinsèque (on n’a pas besoin d’avoir de domaine statique pour la considérer) que l’on gardera.
Autrement dit, on est maintenant en mesure d’énoncer les deux axiomes qui régissent la matière lorsqu’on considère qu’il n’y a qu’un fluide parfait pression dans l’espace-temps :
Axiome 1 : Les courbes du fluide paramétrées par leur temps propre sont des géodésiques de .
Axiome 2 : La matière et la métrique sont liées par l’équation d’Einstein
(III.42) |
où est une constante, appelée constante cosmologique, que l’on peut choisir.
Remarque III.43.
Si la matière n’est pas modélisée par un fluide parfait, on conserve tout de même ces deux axiomes sous cette forme mais c’est le tenseur d’énergie-impulsion qui prendra une autre forme.
Considérons seulement l’axiome . La relation (III.40) implique que et la proposition III.24 implique alors l’axiome . On considère donc que le comportement de la matière est régi par l’axiome seulement. L’axiome est alors automatiquement vrai.
À partir de maintenant et dans tous les chapitres qui suivent, nous nous plaçons toujours
dans l’espace-temps de la relativité générale et nous supposerons
que le comportement de la matière est régi par l’axiome 2 seulement.
Remarque III.44.
Vers la fin de sa vie, Einstein a admis qu’il avait fait une erreur en
refusant d’admettre que . En tout cas, si la constante
n’est pas nulle, elle doit être très petite. En effet, ce
terme additionnel détruit la
relation (III.34). Par conséquent, on ne retrouve plus les lois
de la mécanique classique à petite échelle. Les
mesures physiques récentes
tendent à montrer que est non nulle, petite, mais pas aussi
petite que ce que l’on
pensait.
Remarque III.45.
La constante cosmologique fournit également une explication possible à l’énergie noire.
Remarque III.46.
Pour établir l’équation d’Einstein, on a travaillé avec la courbure de Ricci mais on aurait pu penser à poser ce qui est a priori suffisant pour avoir la relation (III.34). Physiquement, cela n’aurait pas pu modéliser correctement la réalité car cette relation faisait intervenir seulement la densité de masse et pas les courbes du fluide. On aurait aussi pu penser à utiliser le tenseur de Riemann mais les équations auraient été beaucoup plus compliquées et les observations physiques montrent que le choix de l’axiome ci-dessus est un modèle très proche de la réalité.
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