Algèbres de réalisabilité :
un programme pour bien ordonner
Introduction
Le principal problème, pour transformer les preuves mathématiques en programmes, est naturellement posé par les
axiomes : en effet, on sait depuis longtemps comment traiter une preuve en logique intuitionniste pure
(i.e. sans axiome), y compris au second ordre [2, 7, 4].
Le premier de ces axiomes est le tiers exclu, et il paraissait insurmontable. La solution, tout à fait
surprenante, a été donnée par T. Griffin [5] en 1990 et c’est là une découverte essentielle pour la logique.
Dès ce moment, il était clair que tous les autres axiomes allaient suivre, en se plaçant dans un cadre adéquat.
La théorie de la réalisabilité classique constitue un tel cadre : elle est développée
dans [11, 12], où on traite les axiomes de l’Analyse (arithmétique du second ordre
avec choix dépendant).
Dans [14], on commence à s’occuper de l’axiome du choix général, avec l’existence d’un ultrafiltre
sur ; l’outil principal est la notion de structure de réalisabilité, dans laquelle les programmes
sont écrits en -calcul.
On la remplace ici par celle d’algèbre de réalisabilité, plus simple, et beaucoup plus utilisable du point de
vue informatique. Il s’agit d’une variante de la notion usuelle d’algèbre combinatoire. Le langage de programmation n’est donc plus le -calcul, mais un système convenable de combinateurs ; les -termes ne sont considérés que comme des notations ou abréviations, fort utiles au demeurant : un -terme est infiniment plus lisible que sa compilation en combinateurs.
On montre ici comment transformer en programmes les preuves utilisant l’axiome du choix dépendant et :
i) l’existence d’un ultrafiltre non trival sur ;
ii) l’existence d’un bon ordre sur .
Bien entendu, (ii) implique (i) mais, la méthode utilisée pour (i) est intéressante, car elle donne des
programmes plus simples. Ce point est important, parce qu’un nouveau problème apparaît maintenant,
capital et fort difficile : interpréter les programmes obtenus, c’est-à-dire expliquer leur comportement.
Un travail passionnant et de longue haleine.
Le cadre logique est donné par la logique classique du second ordre, autrement dit,
le schéma de compréhension. Toutefois, comme on utilise une relation d’appartenance sur les individus,
il s’agit, en fait, d’une logique d’ordre 3 au moins. C’est d’ailleurs indispensable puisque, si
l’axiome du choix dépendant sur est exprimable comme un schéma au second ordre, les
axiomes (i) et (ii) ne le sont pas.
En utilisant la méthode exposée dans [10], on peut obtenir les mêmes résultats dans ZF.
Il me paraît clair que la technique utilisée ici permettra de traiter tous les axiomes “naturels”
introduits en théorie des ensembles. C’est déjà fait pour l’hypothèse du continu, qui fera l’objet
d’un prochain article. L’axiome du choix et l’hypothèse généralisée du continu dans ZF ne me semblent pas
soulever de problème sérieux, à part celui-ci : il faudra se servir du forcing avec classes
propres d’Easton [3] à l’intérieur du modèle de réalisabilité, ce qui menace d’être très lourd.
Un problème ouvert fort intéressant est posé par les axiomes de grand cardinaux, comme l’existence d’un cardinal
mesurable, ou par l’axiome de détermination.
Mais le problème ouvert essentiel reste de comprendre ce que font les programmes obtenus, et ainsi d’arriver à
les exécuter. Je crois que bien des surprises nous attendent là.
En effet, au fur et à mesure qu’on réalise les axiomes usuels des mathématiques, on est amené à
introduire des outils tout à fait standard et indispensables en programmation système :
pour la loi de Peirce, ce sont les continuations (particulièrement utilisées pour les exceptions) ;
pour l’axiome du choix dépendant, c’est l’horloge et la numérotation des processus ; pour l’axiome
de l’ultrafiltre et le bon ordre sur , ça n’est rien de moins que la lecture et l’écriture
dans une mémoire globale, autrement dit l’affectation.
On peut raisonnablement conjecturer que ces outils ne sont pas mobilisés pour rien, et donc que les programmes
fort complexes qu’on obtient par ce travail de formalisation accomplissent des tâches intéressantes. Lesquelles ?
Remarque.
Le problème de transformer en programmes les preuves utilisant certains axiomes doit être posé correctement
du point de vue informatique. Prenons comme exemple une preuve d’un théorème d’arithmétique, utilisant
un bon ordre de : en restreignant cette preuve à la classe des ensembles constructibles,
on la transforme aisément en une preuve du même théorème n’utilisant plus ce bon ordre. Il suffirait donc,
ensuite, de transformer cette nouvelle preuve en programme.
Mais l’extraction du programme aura été effectuée sur une preuve profondément différente de la preuve originale. De plus, avec ce procédé, il est impossible d’associer un programme à l’axiome du bon ordre lui-même.
Du point de vue informatique, il y a là un grave défaut de modularité : au lieu d’avoir mis l’axiome
du bon ordre dans une bibliothèque de programmes, on est obligé de recommencer le travail de programmation
à chaque nouvelle preuve.
La méthode exposée ici utilise seulement le -terme extrait de la preuve originale, qui contient
donc une instruction pour l’axiome du bon ordre sur , qui n’est pas encore implantée.
Par une compilation convenable, elle le transforme en un programme qui réalise le théorème considéré.
Comme corollaire de cette technique, on obtient un programme associé à l’axiome du bon ordre, que l’on peut
mettre en bibliothèque pour le réutiliser.
Algèbres de réalisabilité
Une algèbre de réalisabilité est constituée par trois ensembles : (ensemble des termes), (ensemble des piles), (ensemble des processus) avec les opérations suivantes :
de dans (application) ;
de dans (empiler) ;
de dans (processus) ;
de dans (continuation).
On a, dans , des éléments distingués , appelés combinateurs élémentaires ou instructions.
Notation. Le terme sera aussi noté
ou .
Par exemple : .
On définit une relation de préordre, notée , sur . C’est la plus petite relation réflexive et transitive telle que, quels que soient et , on ait :
.
.
.
.
.
.
.
.
.
On se donne enfin une partie de qui est un segment terminal pour
ce préordre, c’est-à-dire que : , .
Autrement dit, on demande que ait les propriétés suivantes :
.
.
.
.
.
.
.
.
.
c-termes et -termes
On appelle c-terme un terme construit avec des variables, les combinateurs élémentaires et l’application (fonction binaire). Un c-terme est dit clos s’il est sans variable ; il est alors aussi appelé quasi-preuve et a une valeur dans .
Etant donné un c-terme et une variable , on définit le c-terme par récurrence sur ; pour cela, on utilise le premier cas applicable dans la liste suivante :
1. si ne contient pas .
2. .
3. si ne contient pas .
4. si ne contient pas .
5. (si contient ).
6. (si contient ).
On voit facilement que cette réécriture se termine : en effet, les règles 1 à 5 diminuent le nombre d’atomes du terme initial présents sous , et la règle 6 ne peut être appliquée consécutivement qu’un nombre fini de fois.
Les -termes sont définis de la façon habituelle.
Tout -terme , comportant éventuellement , définit donc un c-terme que nous notons . Si est un -terme clos, il a donc une valeur dans .
Remarque. La notation est donc utilisée dans deux sens différents : dans les -termes, c’est un constituant de la syntaxe ; dans les c-termes, c’est une abréviation. Dans cet article, sauf pour le théorème 1, c’est dans ce dernier sens que nous l’utiliserons exclusivement.
Théorème 1.
Si et , alors .
Preuve par récurrence sur la longueur de . C’est immédiat si est un atome, ou si .
Si , alors avec . On a par hypothèse de récurrence.
Donc . Comme , il reste à montrer
, ce qui est le lemme 2.
C.Q. F . D.
Lemme 2.
Si sont des c-termes, on a .
Preuve par récurrence sur le nombre de règles utilisées pour traduire . On considère la
première règle utilisée.
Si c’est la règle 1, ne contient pas et . Or, ne contient pas par hypothèse,
donc ne le contient pas non plus. On a donc , d’où le résultat.
Si c’est l’une des autres règles, c’est trivial.
C.Q. F . D.
Remarque. Le théorème 1 n’est pas utilisé dans la suite.
Théorème 3.
Si est un c-terme ne comportant que les variables , et si , alors .
En raisonnant par récurrence sur , on est ramené au cas où , qui est donné par le lemme 4.
Lemme 4.
Si est un c-terme ne comportant que la variable , et si , alors :
.
Preuve par récurrence sur le nombre de règles 1 à 6 utilisées pour traduire le terme .
On considère la première règle utilisée .
Si c’est la règle 1, on a puisque n’est pas dans .
Si c’est la règle 2, on a et .
Si c’est la règle 3, on a et (par hypothèse de récurrence)
puisque n’est pas dans .
Si c’est la règle 4, on a et puisque ne contient pas .
Si c’est la règle 5, on a et (par hypothèse de récurrence)
.
Si c’est la règle 6, on a et
(par hypothèse de récurrence)
.
C.Q. F . D.
Déduction naturelle
Avant d’expliciter le langage formel que nous allons utiliser, il est bon de décrire informellement
les structures (modèles) que nous avons en vue. Ce sont des structures du second ordre, à deux types d’objets : les individus appelés aussi conditions et les prédicats (d’arité diverses).
Comme il s’agit d’une description intuitive, on se limite aux modèles dits pleins.
Un tel modèle est constitué de :
un ensemble infini (ensemble des individus ou conditions).
l’ensemble des prédicats d’arité est (modèle plein).
des fonctions de dans .
En particulier, on a un individu et une fonction bijective .
Cela permet de définir l’ensemble des entiers comme le plus petit ensemble contenant et clos par .
On a aussi une condition notée et une application notée de dans .
des relations (prédicats fixés) sur . En particulier, on a la relation
d’égalité sur les individus et le sous-ensemble C des conditions non triviales.
se lit : “ et sont deux conditions compatibles”.
On passe maintenant au langage formel, pour écrire des formules et des preuves concernant ces structures. Il est constitué par :
des variables d’individu ou variables de conditions notées
ou
des variables de prédicat ou variables du second ordre ;
chaque variable de prédicat a une arité qui est dans .
des symboles de fonction sur les individus ; chacun d’eux a une arité
qui est dans .
On a, en particulier, un symbole de fonction d’arité pour chaque fonction récursive .
Ce symbole sera noté aussi .
On a aussi un symbole de constante (qui représente la plus grande condition) et un symbole
de fonction binaire (qui représente la fonction sur les conditions).
Les termes sont formés à la façon habituelle avec les variables et les symboles de fonction.
Les formules atomiques sont de la forme , où est une variable de prédicat d’arité , et sont des termes.
Les formules sont construites comme d’habitude, à partir des formules atomiques, à l’aide
des seuls symboles logiques :
chaque formule atomique est une formule ;
si sont des formules, alors est une formule ;
si est une formule, alors et sont des formules.
Notations. La formule sera notée
.
Les symboles logiques usuels sont définis comme suit :
( est une variable de prédicat d’arité , appelée aussi variable propositionnelle)
; ; ;
;
(où y est une variable d’individu ou de prédicat).
Plus généralement, on écrira pour .
On pourra noter une suite finie de formules ;
on écrira alors et .
est la formule , où est une variable de prédicat unaire.
Les règles de la déduction naturelle sont les suivantes (les sont des formules, les sont des variables de c-terme, sont des c-termes) :
1. .
2. ,
.
3. .
4. x quelle que soit la variable x (individu ou prédicat) qui n’apparaît pas dans
.
5. où est une variable d’individu
et un terme.
6. où est une variable de prédicat d’arité et une formule quelconque.
Remarque.
Dans la notation , les variables sont liées.
Une notation plus usuelle est . Je ne l’emploie pas, car
cela introduit un troisième usage de .
Réalisabilité
Etant donnée une algèbre de réalisabilité ,
un -modèle est l’ensemble des données suivantes :
Un ensemble infini qui est le domaine de variation des variables d’individu.
Le domaine de variation des variables de prédicat d’arité est .
A chaque symbole de fonction d’arité , on associe une fonction de dans ,
notée ou même s’il n’y a pas d’ambigüité.
En particulier, on a donc un élément distingué de et une fonction
(interprétation du symbole ). On suppose que est une bijection de sur .
On peut alors confondre avec l’entier . On a donc .
Chaque fonction récursive est, par hypothèse, un symbole de fonction. Bien entendu,
on suppose que son interprétation prend les mêmesvaleurs que sur .
Enfin, on a aussi une condition et une fonction binaire de dans .
Un terme clos (resp. une formule close) à paramètres dans le modèle
est, par définition, un terme (resp. une formule) où on a remplacé les occurrences libres de chaque
variable par un paramètre, c’est-à-dire un objet du même type du modèle :
une condition pour une variable d’individu, une application de dans pour
une variable de prédicat -aire.
Chaque terme clos , à paramètres dans a une valeur .
Une interprétation est une application qui associe un individu (condition)
à chaque variable d’individu et un paramètre d’arité à chaque variable du second
ordre d’arité .
(resp. ) est l’interprétation obtenue en
changeant, dans la valeur de la variable (resp. ) et en lui donnant
la valeur (resp. ).
Pour toute formule (resp. terme ), on désigne par (resp.
la formule close (resp. le terme clos) avec paramètres obtenue en remplaçant chaque variable
libre par la valeur donnée par .
Pour chaque formule close à paramètres dans , on définit deux
valeurs de vérité :
et .
est défini par : .
est définie par récurrence sur :
est atomique : alors est de la forme où
et les sont des termes clos à paramètres dans .
On pose .
: on pose .
: on pose .
: on pose
si est une variable de prédicat -aire.
Notation. On écrira pour .
Théorème 5 (Lemme d’adéquation).
Si et si , où est une interprétation,
alors .
En particulier, si est close et si , alors .
Preuve par récurrence sur la longueur de la démonstration de .
On considère la dernière règle utilisée.
1. On a . Or, on a supposé et c’est le résultat cherché.
2. On a et on a déjà obtenu et .
Etant donnée , on doit montrer .
Par hypothèse sur , il suffit de montrer .
Par hypothèse de récurrence, on a et par suite :
.
Or, par hypothèse de récurrence, on a aussi ,
d’où le résultat.
3. On a , . On doit montrer :
et on considère donc , . On est ramené à
montrer . Pour cela,
par hypothèse sur et d’après le lemme 4, il suffit de montrer
.
Cela résulte de l’hypothèse de récurrence appliquée à .
4. On a , n’étant pas libre dans .
On doit montrer :
, c’est-à-dire
avec
.
Or on a, par hypothèse, donc :
en effet, comme n’est pas libre dans , on a .
L ’hypothèse de récurrence donne alors le résultat.
6. On a et on doit montrer :
avec l’hypothèse .
Cela découle du lemme 6.
C.Q. F . D.
Lemme 6.
où
est défini par :
.
Preuve par récurrence sur . C’est trivial si n’est pas libre dans .
Le seul cas intéressant de la récurrence est , et on a donc . On a alors :
.
Par hypothèse de récurrence, cela donne
, soit
c’est-à-dire .
C.Q. F . D.
Lemme 7.
Soient des valeurs de vérité. Si , alors .
Soient et ; on doit montrer , soit , ce qui est clair.
C.Q. F . D.
Proposition 8 (Loi de Peirce).
.
On doit montrer que . Soient donc et ; on doit montrer que , ou encore . D’après l’hypothèse sur et , il suffit de montrer que , ce qui résulte du lemme 7.
C.Q. F . D.
Proposition 9.
i) Si , alors .
ii) Si , alors .
i) D’après .
ii) D’après .
C.Q. F . D.
Symboles de prédicat
On utilisera dans la suite des formules étendues utilisant des
symboles (ou constantes) de prédicat sur les individus R,S,… Chacun d’eux a une arité, qui est dans .
On a, en particulier, un symbole de prédicat unaire C (pour représenter l’ensemble
des conditions non triviales).
On ajoute aux règles de construction des formules, les règles :
Si est une formule, R une constante de prédicat -aire
et sont des termes, alors et sont des formules.
est une formule atomique.
Dans la définition d’un -modèle , on ajoute la clause :
A chaque symbole de relation R d’arité , on associe une application, notée
ou , de dans .
On écrira aussi , au lieu de , pour
.
En particulier, on a une application , que l’on notera .
On définit comme suit la valeur de vérité dans d’une formule étendue :
.
.
si
;
sinon.
Proposition 10.
i) .
ii) Si on a quels que soient , alors :
.
Trivial.
C.Q. F . D.
Remarque. D’après la proposition 10, on voit que, si l’application ne prend que les valeurs et , on peut remplacer par .
On définit le prédicat binaire en posant si et si .
D’après la remarque ci-dessus, on peut remplacer par .
La proposition 11 montre qu’on peut aussi remplacer par .
Notations. On écrira au lieu de . On a donc :
si ; si .
On écrira pour . On a donc :
si et si .
L’utilisation de au lieu de , et de au lieu de , simplifie beaucoup le calcul de la valeur de vérité d’une formule comportant le symbole .
Proposition 11.
i) ;
ii) .
i) Soient
et .
On a donc , d’où , donc , d’où .
ii) Soient maintenant et .
On montre que
autrement dit .
Si , alors , .
On a , donc .
Si , alors , donc .
Dans les deux cas, on a le résultat voulu.
C.Q. F . D.
Remarque.
Soient une partie de et sa fonction caractéristique, définie par :
(resp. ) si (resp. ).
On étend le prédicat au modèle en posant :
(resp. ) si (resp. ).
D’après les propositions 10 et 11, on voit que et
sont interchangeables. Plus précisément, on a :
.
Pour chaque formule , on peut définir le symbole de prédicat -aire , en posant . La proposition 12 montre que et sont interchangeables ; cela peut simplifier les calculs de valeurs de vérité.
Proposition 12.
i) ;
ii) .
i) Soient , , et .
On doit montrer :
, soit , ce qui est évident.
ii) Soient et . On doit montrer :
, soit , ce qui est clair, puisque .
C.Q. F . D.
Combinateur de point fixe
Théorème 13.
On pose avec . On a alors .
Soit telle que soit une relation bien fondée sur . On alors :
i) .
ii) .
La propriété est immédiate, d’après
le théorème 3.
i) On fixe , et . On montre, par induction sur
la relation bien fondée , que pour tout .
Soit donc ; d’après (i), on a et
il suffit donc de montrer que .
Par hypothèse, on a ; il suffit donc
de montrer que pour tout .
C’est évident si , par définition de .
Si , on doit montrer , soit pour tout
. Or, cela découle de l’hypothèse d’induction.
ii) La preuve est presque identique : on fixe , et
.
On montre, par induction sur la relation bien fondée , que
pour tout .
Comme précédemment, on est ramené à montrer que :
pour tout ; c’est évident si .
Si , on doit montrer , ou encore :
pour tout .
Or, cela découle de l’hypothèse d’induction.
C.Q. F . D.
Entiers, mise en mémoire et fonctions récursives
On a un symbole de constante et un symbole de fonction unaire qui est interprété,
dans le modèle par une fonction bijective .
Rappelons que nous avons identifié avec l’entier et qu’on suppose donc que .
On désigne par int la formule .
Soit une suite d’éléments de . On définit le symbole de prédicat unaire en posant : ; si .
Théorème 14.
Soient tels que l’on ait et :
;
quels que soient et . Alors :
int.
est appelé opérateur de mise en mémoire.
Soient , , int et . On doit montrer autrement dit .
Si , on définit le prédicat unaire en posant :
si ; si .
On a donc, évidemment, et .
Or, par hypothèse sur , on a . Il suffit donc de montrer que :
, soit pour tout .
C’est évident si , puisqu’alors .
Si , on doit montrer
, ce qui résulte de l’hypothèse.
Si , on a ; on définit le prédicat unaire en posant :
pour et
si .
Par hypothèse sur , on a :
; ; .
Il suffit donc de montrer que , soit pour tout .
C’est évident si , car alors .
Si avec , soit ;
on doit montrer . Or, on a qui est dans , par hypothèse sur .
C.Q. F . D.
Notation. On définit les c-termes clos ; ; et, pour chaque , on pose .
On définit le symbole de prédicat
unaire ent(x) en posant :
ent si ;
ent si .
Autrement dit, ent(x) est le prédicat lorsque la suite est .
Théorème 15.
On pose , avec . On a alors :
i) ent int.
ii) entint.
est donc un opérateur de mise en mémoire.
i) On a immédiatement, d’après le théorème 3 :
;
quels que soient et .
On vérifie que : en effet, si , alors
quels que soient et
(d’après le théorème 3).
Le résultat est alors immédiat, d’après le théorème 14.
ii) On doit montrer ent int pour tout . On peut supposer
(sinon ent et le résultat est trivial).
On doit alors montrer :
sachant que int.
Il existe donc un prédicat unaire , ,
et tels que .
On doit montrer . On montre, en fait, par récurrence
sur , que pour tout .
Pour , soit ; on doit montrer ,
soit , ce qui est évident puisque .
Pour passer de à , soit . On a :
.
Or, par hypothèse de récurrence, on a pout tout
. Il en résulte que . Comme
, on a bien .
C.Q. F . D.
Le théorème 15 montre qu’on peut utiliser le prédicat ent au lieu de int,
ce qui simplifie beaucoup les calculs. En particulier, on définit le quantificateur universel
restreint aux entiers en posant int.
On peut donc le remplacer par le quantificateur universel restreint à ent défini par :
ent. On a alors .
La valeur de vérité de la formule est donc beaucoup plus simple que celle de la
formule .
Théorème 16.
Soit une fonction récursive. Il existe un -terme clos tel que, si , et est une -variable, alors se réduit à par réduction de tête faible.
Il s’agit d’une variante du théorème de représentation des fonctions récursives par des -termes. Elle est démontrée dans [12].
C.Q. F . D.
Théorème 17.
Soit une fonction récursive. On définit, dans , un symbole de fonction
en posant avec ; on prolonge
de façon arbitraire sur . Alors, il existe une quasi-preuve telle que :
intintint.
Pour simplifier, on suppose .
D’après le théorème 15, il suffit de trouver une quasi-preuve telle que . Autrement dit :
pour tout .
On peut supposer que (sinon, et le résultat est trivial).
On a donc ; on doit donc avoir pour tout
et , avec .
On prend le -terme donné par le théorème 16. D’après ce théorème, on a :
, qui est dans , par hypothèse sur .
C.Q. F . D.
Remarque. On a ainsi réalisé par des quasi-preuves, tous les axiomes de l’arithmétique du second ordre, avec un symbole de fonction pour chaque fonction récursive.
Algèbres standard
Une algèbre de réalisabilité est dite standard si
son ensemble de termes et son ensemble de piles sont définis comme suit :
On a un ensemble dénombrable qui est l’ensemble des constantes de pile.
Les termes et les piles de sont les suites finies d’éléments de l’ensemble :
qui sont obtenus par les règles suivantes :
sont des termes ;
chaque élément de est une pile ;
si sont des termes, alors est un terme ;
si est un terme et une pile, alors est une pile ;
si est une pile, alors est un terme.
Un terme de la forme est appelé continuation. Il sera noté aussi .
L’ensemble des processus de l’algèbre est .
Si et , le couple est noté .
Une pile est donc de la forme , où et ( est une constante de pile). Etant donné un terme , on pose .
On fixe une bijection récursive de sur , notée .
On définit une relation de préordre, notée , sur . C’est la plus petite relation réflexive et transitive telle que, quels que soient et , on ait :
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
On se donne enfin une partie de qui est un segment terminal pour
ce préordre, c’est-à-dire que : , .
Autrement dit, on demande que ait les propriétés suivantes :
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Remarque. Le seul élément non fixé dans une algèbre de réalisabilité standard est donc l’ensemble de processus .
L’axiome du choix sur les individus (ACI)
Soient une algèbre de réalisabilité standard et un -modèle, dont l’ensemble d’individus est noté . On a alors :
Théorème 18 (ACI).
Pour chaque formule close avec paramètres, il existe une fonction
telle que l’on ait :
i) int.
ii) ent.
Pour , on définit de façon arbitraire si .
Si , on a pour une pile et une seule.
On définit la fonction au moyen de l’axiome du choix, de façon que, s’il existe
tel que , on ait .
i) On doit montrer int,
quels que soient .
Soient donc int et
; on doit montrer
, soit . Or, on a :
int par hypothèse sur ;
int d’après le théorème 5 ;
par hypothèse sur et par définition de .
ii) La preuve est la même ; on observe simplement que ent.
C.Q. F . D.
Modèles génériques
A partir d’une algèbre de réalisabilité standard et d’un -modèle , on construit une nouvelle algèbre de réalisabilité et un -modèle , qui est dit générique sur . Nous définirons ensuite le forcing, qui est une transformation syntaxique sur les formules ; c’est l’outil essentiel pour calculer les valeurs de vérité dans le modèle générique .
On considère donc une algèbre de réalisabilité standard et
un -modèle dont l’ensemble d’individus est .
On a un prédicat unaire , une fonction binaire
et un individu distingué . On suppose que les données constituent
une structure de forcing dans , ce qui veut dire qu’on a la propriété suivante :
Il existe six quasi-preuves telles que :
;
;
;
;
;
.
Nous appellerons C-expression une suite de symboles de la forme où chaque est l’une des quasi-preuves
.
Une telle expression n’est pas un c-terme, mais en est un, pour tout c-terme ;
le terme sera aussi écrit .
Notation.
Un -terme est un terme écrit avec les variables , la constante et le symbole
de fonction binaire . Soient deux -termes. La notation :
signifie que est une C-expression telle que .
Avec cette notation, les hypothèses ci-dessus s’écrivent donc :
; ; ;
; ;
.
Lemme 19.
Il existe des C-expressions telles que :
; ; ;
; .
On écrit la suite des transformations, avec la C-expression qui l’exécute :
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
C.Q. F . D.
Théorème 20.
Soient deux -termes tels que toute variable de apparaisse dans . Alors, il existe une C-expression telle que .
Lemme 21.
Soient un -terme et une variable de . Alors, il existe une C-expression telle que .
On raisonne par récurrence sur le nombre de symboles de qui se trouvent après la dernière occurrence de .
Si ce nombre est , on a ou . On a alors ou
(lemme 19).
Sinon, on a ; si la dernière occurrence de est dans , l’hypothèse de récurrence donne . On a alors .
Si la dernière occurrence de est dans , on a . Si cette occurrence est dans ,
l’hypothèse de récurrence donne . On pose (lemme 19).
Si cette occurrence est dans , l’hypothèse de récurrence donne
. On pose alors .
C.Q. F . D.
On montre le théorème 20 par récurrence sur la longueur de .
Si , on a ; si est une variable, on applique le lemme 21.
Si , l’hypothèse de récurrence donne et aussi . On pose alors .
C.Q. F . D.
Corollaire 22.
Soient deux -termes tels que toute variable de apparaisse dans . Alors, il existe une C-expression telle que .
D’après le théorème 20, on a . On peut donc poser .
C.Q. F . D.
Corollaire 23.
Il existe des C-expressions telles que :
; ; ;
; ;
; ;
.
Lemme 24.
Pour chaque C-expression , on pose .
On a alors .
Immédiat, d’après le théorème 3. On aurait pu aussi prendre .
C.Q. F . D.
Proposition 25.
Si on a , alors :
.
Supposons . Il existe donc
tel que :
. On a donc
et . Par suite :
.
C.Q. F . D.
L’algèbre
On définit une algèbre de réalisabilité dont l’ensemble des termes est
, l’ensemble des piles est et l’ensemble des processus
est .
L’ensemble de processus de cette algèbre sera noté . Il est défini
comme suit :
.
Pour et ), on pose :
;
.
Pour , on pose :
.
Lemme 26.
On a .
Par hypothèse, on a ; il existe donc
tel que :
. D’après le lemme 24, on a
; comme ,
on a et donc
.
C.Q. F . D.
On définit les combinateurs élémentaires B, C, E, I, K, W, cc de l’algèbre en posant :
B ; C ; E ;
I ; K ; W ; cc
avec ; ;
; ;
; ; .
On pose k avec .
Théorème 27.
Quels que soient et ,
on a :
;
;
;
.
;
.
cc k.
k .
A titre d’exemples, on fait la démonstration pour W, B, k,
cc.
On pose .
Supposons , donc
.
Il existe donc tel que .
Comme ,
on a .
Mais et il en résulte que l’on a
.
Supposons , soit .
Il existe donc tel que .
Or, on a
(d’après le théorème 3)
(d’après le lemme 24).
Donc, on a .
Mais et on a donc :
,
autrement dit .
Supposons k, soit . Il existe donc
tel que . Or, on a
(d’après le théorème 3)
.
On a donc ; mais, comme ,
on a bien .
Supposons cc , soit . Il existe donc
tel que . Or, on a :
.
Il en résulte que . Or, on a
et il en résulte que l’on a , c’est-à-dire k.
C.Q. F . D.
On a ainsi défini complètement l’algèbre de réalisabilité .
Pour chaque c-terme clos (quasi-preuve), désignons par sa valeur dans l’algèbre (sa valeur dans l’algèbre standard est lui-même). On pose , où est une quasi-preuve et une condition écrite avec , et les parenthèses, qui sont définis comme suit par récurrence sur :
Si est un combinateur élémentaire , alors a déjà été défini ;
.
; .
Le modèle
Le -modèle a le même ensemble d’individus et les mêmes fonctions que .
Par définition, les prédicats d’arité de sont les applications de dans .
Mais comme , ils s’identifient aux applications de dans ,
c’est-à-dire aux prédicats d’arité du modèle .
Chaque constante de prédicat R, d’arité , est interprétée dans le modèle ,
par une application .
Dans le modèle , cette constante de prédicat est interprétée par l’application , où .
Pour chaque formule close à paramètres dans , sa valeur de vérité, qui est une partie de , sera notée . On écrira pour exprimer que réalise , autrement dit .
Théorème 28.
Si on a en logique classique du second ordre, où est une formule close, alors
.
Application immédiate du théorème 5 (lemme d’adéquation) dans le -modèle .
C.Q. F . D.
Proposition 29.
i) Si , alors pour tout , avec .
ii) Soient tels que pour toute . On a alors :
quels que soient et ;
pour toute formule close .
i) On doit montrer que, pour tout , on a , soit :
. Soit donc , d’où .
Comme on a, par hypothèse, , on en déduit et donc .
ii) Supposons ; il existe donc tel que
. On a donc , d’où
.
Soit ; on a , soit
. D’après ce qu’on vient de voir, on a donc
, donc .
C.Q. F . D.
Les entiers du modèle
Rappelons qu’on a posé :
, et pour tout entier .
On a donc et .
Donc et .
Les définitions par récurrence de sont donc les suivantes :
; ;
; .
On peut définir le prédicat unaire ent dans le modèle de deux façons distinctes :
i) A partir du prédicat ent du modèle , en posant :
ent ; ent si .
ii) Directement par la définition de ent(x) dans le modèle ; nous notons ce prédicat
ent. On a donc :
|ent ; |ent si .
D’après le théorème 14, appliqué dans le modèle , on sait que les
prédicats int et ent sont interchangeables. Le théorème 30 montre que
les prédicats int et ent sont aussi interchangeables. On a ainsi trois prédicats
qui définissent les entiers dans le modèle ; c’est ent que nous utiliserons
le plus souvent dans la suite. En particulier, on remplacera le quantificateur
par .
Théorème 30.
Il existe deux quasi-preuves telles que :
i) ent int.
ii) entint.
i) On applique le théorème 14 à la suite définie par .
On cherche deux quasi-preuves telles que :
; .
.
D’après le théorème 14, on aura alors le résultat cherché :
ent int.
On pose , avec .
On a alors
(théorème 3 et proposition 29(ii))
(proposition 25)
.
Supposons d’abord que ; on a alors
et donc :
. Cela montre que
.
Par ailleurs, en posant , d’où , et , on a bien montré que :
.
On pose ensuite , avec .
ii) On cherche une quasi-preuve telle que entint. Il suffit d’avoir :
entint pour tout , puisque |ent
si .
Soit int ;
on doit avoir , soit .
Or, on a int
(théorème 5, appliqué dans ) et donc :
ou encore .
Soit donc ; on a alors
où et sont deux C-expressions telles que :
; .
En effet, on a vu que et .
Il en résulte que, si , alors
, d’où .
On a donc .
On construit ci-dessous deux quasi-preuves telles que, pour tout , on ait :
a) ;
b) .
En posant , on a ,
ce qui est le résultat voulu.
a) On pose ; on a, d’après le
théorème 3 :
.
Il suffit donc de montrer que ce qu’on fait par récurrence sur .
Si , on a immédiatement puisque .
Pour passer de à , on a par hypothèse de récurrence.
b) On pose ,
et .
On a donc . On montre,
par récurrence sur , que :
pour tout entier ,
ce qui donne le résultat voulu avec .
Pour , on a
puisque .
Pour passer de à , on a
(puisque )
par hypothèse de récurrence.
C.Q. F . D.
Forcing
Il s’agit d’évaluer les valeurs de vérité des formules dans le -modèle générique .
Pour chaque variable de prédicat d’arité , on ajoute au langage une nouvelle variable de prédicat,
notée , d’arité . Dans le -modèle , on utilisera
les variables et ; dans le -modèle , seulement les variables .
A chaque paramètre du second ordre d’arité du modèle , soit , on associe un paramètre du second ordre d’arité , soit du modèle . Il est défini de façon évidente,
puisque ; on pose :
Pour toute formule écrite sans les variables , avec paramètres dans le modèle , on définit, par récurrence sur , une formule notée (lire “ force ”), avec paramètres dans le modèle , écrite avec les variables et une variable libre de condition :
Si est atomique de la forme , alors est .
Si est atomique de la forme , alors est .
Si où sont des formules, alors est .
Si , où est une constante de prédicat, alors :
est .
Si , alors est .
Si , alors est .
Si , alors est .
On a donc, en particulier :
Si , alors est .
Lemme 31.
Soient une formule dont les variables libres sont parmi et des paramètres du second ordre du modèle , d’arités correspondantes.
On a alors :
.
Immédiat, par récurrence sur .
C.Q. F . D.
Théorème 32.
Pour chaque formule close à paramètres dans le modèle , il existe deux quasi-preuves , qui ne dépendent que de la structure propositionnelle de ,
telles que l’on ait :
;
quels que soient et .
La structure propositionnelle de est le type simple construit avec un seul atome et
, obtenu à partir de en supprimant tous les quantificateurs, tous les symboles
avec leur hypothèse, et en identifiant toutes les formules atomiques avec .
Par exemple, la structure propositionnelle de la formule :
est .
Preuve par récurrence sur la longueur de .
Si est atomique, on a ; on montre que
et . On a, en effet :
.
En effet, par définition de , on a .
On a donc :
.
Par ailleurs, on a
d’où enfin, par définition de :
.
Supposons que . Comme , on a
d’après :
et donc d’après .
Inversement, supposons que . En appliquant et le fait que
, on obtient
et donc d’après .
Si , alors .
On a donc .
Par ailleurs, on a .
Soient un paramètre du second ordre du modèle , de même arité
que , et le paramètre correspondant du modèle .
Si , alors on a , donc
, d’après le lemme 31.
Par hypothèse de récurrence, on a . Comme est arbitraire,
on en déduit .
Inversement, si on a , alors pour tout .
Par hypothèse de récurrence, on a , d’où , d’après le lemme 31.
Comme est arbitraire, on en déduit , c’est-à-dire .
Si , alors . Donc
.
Par ailleurs, .
Le résultat est immédiat, d’après l’hypothèse de récurrence.
Si , alors
. Donc :
.
Par ailleurs, .
Le résultat est immédiat, d’après l’hypothèse de récurrence.
Si , on a et donc :
.
Supposons et posons .
On doit montrer ; soient donc et .
On doit montrer soit .
Soit donc ; on doit montrer ou encore .
D’après l’hypothèse de récurrence appliquée à , on a .
D’après , on a donc .
En appliquant de nouveau l’hypothèse de récurrence, on en déduit :
. Mais, comme , on a alors :
, soit .
Comme , on a et donc .
Mais, par définition de , on a, d’après le théorème 3 :
ce qui donne le résultat voulu : .
Supposons maintenant ; on pose .
On doit montrer c’est-à-dire .
Soient donc et ; on doit montrer .
Par hypothèse de récurrence, on a , donc
ou encore, par définition de l’algèbre : .
En appliquant encore l’hypothèse de récurrence, on a et donc :
. Mais on a :
d’après le théorème 3 ;
d’où le résultat voulu.
C.Q. F . D.
Une formule est dite du premier ordre si elle est obtenue par les règles suivantes :
est du premier ordre.
Si sont du premier ordre, alors est du premier ordre.
Si est du premier ordre, R est un symbole de prédicat et sont des termes avec
paramètres, alors , sont du premier ordre.
Si est du premier ordre, est du premier ordre ( est une variable d’individu).
Remarques.
i) Si est une formule du premier ordre, il en est de même de .
ii) Cette notion sera étendue plus loin (voir proposition 39).
Théorème 33.
Soit une formule close du premier ordre. Il existe deux quasi-preuves , qui ne dépendent que
de la structure propositionnelle de , telles que l’on ait :
;
quels que soient et .
On raisonne par récurrence sur la construction de suivant les règles ci-dessus.
Si est , on pose :
avec .
avec .
En effet, supposons et montrons , soit . Soit donc , donc , d’où , par hypothèse sur , ce qui donne .
Inversement, si , on a pour toute .
Or, si , on a , donc ,
donc .
Donc .
Si est , on pose :
avec
; ; .
En effet, supposons , et .
On doit montrer , soit
.
Soit donc ; on doit montrer .
On a ; or, par hypothèse
de récurrence, on a , donc et ;
d’où .
D’après l’hypothèse de récurrence, on a , donc :
, soit .
Or, on a , donc , d’où :
. Par suite :
d’où .
On pose maintenant :
avec .
Supposons ; soient , et . On doit montrer :
. On a ; en appliquant l’hypothèse de récurrence, on a , donc soit .
En appliquant de nouveau l’hypothèse de récurrence, on trouve :
.
Comme on a , on obtient :
et finalement .
Si , où R est un symbole de prédicat d’arité et
, on pose :
avec .
avec .
Supposons et soient , .
On doit montrer :
, soit . Soit donc ;
on doit montrer . Or, on a ,
donc , par hypothèse de récurrence. Par suite, on a , soit :
. Mais on a , donc
, donc , d’où
.
Supposons maintenant ; soient ,
et . On doit montrer . Or, on a , soit , donc :
, par hypothèse de récurrence.
Or, on a , donc ,
d’où le résultat.
Si , on pose et .
En effet, supposons et . On doit
montrer . Comme , on a ,
donc et . D’où le résultat, par hypothèse de récurrence.
Supposons maintenant , et . On doit montrer . Comme , on a , donc et . D’où le résultat, par hypothèse de récurrence.
Si , on pose et .
En effet, si , on a pour tout . Par hypothèse de récurrence, on a ; donc .
Si , on a pour tout . Par hypothèse de récurrence, on a ; donc .
C.Q. F . D.
L’idéal générique
On définit un prédicat unaire du modèle (paramètre du
second ordre d’arité 1), en posant ; on l’appellera l’idéal générique.
Le prédicat binaire du modèle qui lui correspond, est donc
tel que (resp. ) si (resp. ). Autrement dit :
est le prédicat .
La formule s’écrit . On a donc
. Autrement dit :
est identique à .
Notations.
On note la formule et la formule , c’est-à-dire .
Dans la suite, on écrira souvent au lieu de ;
s’écrit alors et s’écrit
.
Remarque. On rappelle, en effet, que n’est pas une formule, mais une partie de ; en fait, dans certains modèles de réalisabilité considérés plus loin, il existera une formule telle que .
On pourra alors identifier à la formule .
Si est une formule close, on écrira pour exprimer qu’il existe
une quasi-preuve telle que . D’après la proposition 29(i),
cela équivaut à dire qu’il existe une quasi-preuve telle que pour
tout .
Proposition 34.
i) ;
.
ii) ;
.
iii) Si alors
pour tout ( est un symbole de prédicat d’arité ).
i) Si , alors et donc
pour tout . On a donc :
, soit pour toute ,
c’est-à-dire .
Si , on a , donc pour toute . On a donc , soit pour tout . Donc .
ii) Si , on a
pour et . Donc ,
d’où soit .
Or décrit , et donc .
Si , on a , et donc
pour tout . On a donc d’où
pour tout .
On en déduit .
iii) Soit ; on a pour toute ,
donc quel que soit , d’où .
C.Q. F . D.
Théorème 35 (Propriétés élémentaires du générique).
i) avec .
ii) où
avec et .
iii) où
avec et .
iv) où , avec
et .
v)
où , avec
; ; .
i) Soit ; on doit montrer que , c’est-à-dire :
. Mais, d’après la
proposition 25, on a :
.
Or, on a par hypothèse sur .
ii)Soient et . On doit montrer que
, soit .
Soit donc ; on doit montrer que .
D’après la proposition 34, on a .
Or, on a et , donc
d’où
d’où
.
iii) Soient , et . On doit montrer que :
, soit .
D’après les propositions 29(ii) et 25, on est ramené à montrer :
puis , c’est-à-dire :
.
Par hypothèse sur , il reste donc à montrer que , c’est-à-dire :
, ou encore pour toute .
Or, d’après la proposition 25, on a :
par hypothèse sur .
iv) Soient et ;
on doit montrer que :
, soit
.
D’après la proposition 34(i), on a . Soit ,
donc d’où pour tout .
On a donc , donc
. D’après la proposition 34(iii), on a .
Par hypothèse sur , on a donc , soit :
, donc
(proposition 25) et donc .
v) Soient et ; on doit montrer que :
pour toute , soit
.
D’après la proposition 34(i), on a , donc
: en effet, si et , on a
puisque .
D’après la proposition 34(iii), on a alors .
Or, par hypothèse sur , on a . Il en résulte que :
, soit (.
D’après la proposition 34(ii), on a .
Soit , donc et
. On a donc :
, donc :
.
Autrement dit :
ou encore, d’après la proposition 29(ii) : .
C.Q. F . D.
Théorème 36 (Densité).
Pour toute fonction , on a :
où , ;
avec ; .
Soient ,
et .
On doit montrer que ;
soit donc . On doit montrer .
On montre d’abord que .
Soient donc et ; on doit montrer
soit ou encore pour tout .
Or, et . Il suffit donc de montrer :
ou encore .
Or, cela résulte de l’hypothèse sur , qui implique .
Par hypothèse sur , on a . Il en résulte que :
, soit .
Or, on a , donc .
Il en résulte que .
Cela donne le résultat voulu, puisque .
C.Q. F . D.
Condition de chaîne dénombrable
Dans cette section, on considère une algèbre de réalisabilité standard et un
-modèle . On suppose que l’ensemble (domaine de variation des variables
d’individu) est de cardinal .
On fixe une surjection et on définit un prédicat binaire
du modèle , noté aussi , en posant :
si ; si
(on utilise, pour le prédicat , la notation au lieu de
).
Le prédicat permet donc d’associer, à chaque individu, un ensemble d’entiers qui
sont ses éléments. La proposition 37 montre que l’axiome suivant est réalisé :
Pour tout ensemble, il existe un individu qui a les mêmes éléments entiers.
Cet axiome sera appelé axiome de représentation des prédicats sur et noté RPN.
Proposition 37 (RPN).
.
Cette formule s’écrit entent.
On considère donc un paramètre d’arité et un terme
tel que :
entent.
On doit montrer que , ou encore
pour toute pile .
Par définition de , il existe tel que l’on ait
pour tout entier . Or, on a :
entent.
Il suffit donc de montrer que ent et ent.
On rappelle que le prédicat ent est défini par :
|ent si et |ent si .
On doit donc montrer :
pour tout , et ;
pour tout , et .
Or ceci s’écrit et , ce qui est trivialement
vérifié, puisque .
C.Q. F . D.
On suppose maintenant que est une structure de forcing dans .
On définit alors également le symbole dans le -modèle en posant :
pour . Autrement dit
si ; si .
Proposition 38.
Le prédicat est .
La formule est .
Immédiat, par définition de .
C.Q. F . D.
Proposition 39.
i) où et .
ii) où et .
On a pour toute ,
ou encore :
pour tout et .
i) Supposons , et . On a alors :
, puisque .
ii) Supposons , et . On a alors :
, puisque .
C.Q. F . D.
La notion de formule du premier ordre a été définie plus haut (voir théorème 33). On étend cette définition en y ajoutant la clause suivante :
est du premier ordre, quels que soient les termes .
On dira que la structure de forcing satisfait la condition de chaîne dénombrable (en abrégé c.c.d.) s’il existe une quasi-preuve ccd telle que :
.
Le sens intuitif de cette formule est :
Si est une suite décroissante de conditions, alors il existe une condition qui
les minore toutes ; de plus, si toutes ces conditions sont non triviales, alors est non triviale.
On se propose, dans cette section de montrer le :
Théorème 40 (Conservation des réels).
Si la c.c.d. est vérifiée, il existe une quasi-preuve crl telle que :
(crl.
Cela signifie que l’axiome RPN, qui est réalisé dans le -modèle (voir proposition 37) l’est aussi dans le -modèle générique .
Notation.
La formule se lit
“ décide ”, et est notée .
Elle s’écrit aussi .
Si un prédicat unaire du -modèle ,
et est le prédicat binaire correspondant du
-modèle standard , la formule
est donc notée
aussi .
Théorème 41.
Si la c.c.d. est vérifiée, il existe une quasi-preuve dec telle que :
dec.
On montre d’abord comment le théorème 40 se déduit de ce théorème 41.
D’après le théorème 32, il suffit de trouver une quasi-preuve crl0 telle que :
crl0
ou encore, puisque :
crl0.
D’après le théorème 41, il suffit de trouver une quasi-preuve crl1 telle que :
crl1.
Il suffit de trouver une quasi-preuve crl2 telle que :
crl2.
On prendra alors crl1crl2
avec ;
(rappelons que la formule s’écrit, en fait, ).
On fixe , ,
, ,
et . On doit avoir (crl2).
On choisit tel que l’on ait pour tout ,
ce qui est possible, par définition de .
On a trivialement .
Or, la formule s’écrit :
.
En remplaçant et par , on obtient donc :
.
De et , on déduit :
où sont des C-expressions telles que ; .
On a donc :
(1) .
La formule s’écrit .
Mais (proposition 38) par définition de .
Donc
.
On a donc :
(2)
avec et .
La formule s’écrit , ou encore :
, c’est-à-dire, par définition de :
. Or, on a :
, autrement dit . Par suite :
(3) avec .
Il résulte de (1,2,3) que :
.
On peut donc poser crl2 .
C.Q. F . D.
Le reste de cette section est consacré à la preuve du théorème 41.
Définition d’une suite par récurrence
On se donne une suite finie de formules avec paramètres et . On se donne aussi une quasi-preuve dse telle que dse.
Remarque. Dans l’application qu’on a en vue, la suite est composée de trois formules.
D’après le théorème 18(ii) (axiome du choix pour les individus), il existe une fonction
telle que :
.
Il en résulte que dse.
On définit une fonction notée , de dans , en posant, pour :
si et ; sinon.
La relation est évidemment bien fondée sur .
D’après le théorème 13(ii), on a donc :
ententent.
En posant , on a donc :
.
On a donc :
dse.
On définit la formule et la suite de formules . On a donc montré :
Lemme 42.
dse0, avec dse0 dse.
Lemme 43.
Soit cp une quasi-preuve telle que, quels que soient , on ait :
cp (resp. , )
si (resp. , ). Alors :
i) cp.
ii) dse1
avec dse1cp,
où sont deux suites de variables distinctes de même longueur que la suite .
i) Trivial.
ii) Soient , , ,
et .
On doit montrer .
Si , on est ramené à ; c’est vrai parce qu’on a alors .
Si , on est ramené à montrer . Cela résulte
immédiatement de :
et donc ent,
puisque .
C.Q. F . D.
On définit maintenant le prédicat :
et on montre que est une suite de conditions (relation fonctionnelle sur
) et quelques autres propriétés de .
Lemme 44.
i) .
ii) .
iii) rec
où rec
étant une suite de variables distinctes de même longueur que .
i) Trivial.
ii) On définit le prédicat binaire en posant et pour . On remplace par dans la définition de . Comme on a pour tout , on obtient ; d’où le résultat.
iii) Soient , , ,
,
et .
Alors , donc soit (rec.
C.Q. F . D.
Lemme 45.
ccd1 où ccd1cd1
avec cd1dse0rec ;
est une suite de variables distinctes de même longueur que .
Preuve par récurrence sur ; on a , donc
.
On montre maintenant cd1.
On considère donc , .
On a rec
(lemme 44iii),
, et donc :
rec, où est de même longueur que .
Or, on a dse0 (lemme 42) ; donc :
(dse0)rec, soit
(cd1).
On a donc montré cd1,
d’où il résulte que :
cd1.
C.Q. F . D.
Lemme 46.
Il existe une quasi-preuve ccd2 telle que :
ccd2.
On fait la preuve détaillée par récurrence sur . Elle permet d’écrire explicitement la quasi-preuve ccd2.
Pour , le lemme 44(ii) donne le résultat : .
On fixe et on suppose .
On définit le prédicat binaire :
.
On montre , c’est-à-dire :
.
Or on a , par hypothèse de récurrence ; (lemme 43(ii)), d’où .
En posant , on a :
; on a aussi . Cela montre que en faisant dans la définition de .
On a donc .
D’où :
et donc .
On obtient donc puisqu’on a ccd1 (lemme 45) et dse0 (lemme 42).
C.Q. F . D.
Fin de la preuve du théorème 41
Pour montrer le théorème 41, on fixe et un prédicat binaire
.
Il s’agit de trouver une quasi-preuve dec telle que :
dec.
On applique les résultats précédents, en prenant pour la suite des trois
formules suivantes : .
Le lemme 47 ci-dessous donne une quasi-preuve dse telle que
dse.
Lemme 47.
dse
où dse
avec , et .
La formule considérée s’écrit .
Soit donc .
On doit montrer (dse.
On montre :
Soit ; on a donc ; en effet :
.
Or, on a ; on a
et
(puisque ).
Donc , d’où le résultat.
On montre maintenant .
Soient donc et . On doit montrer :
. Or, on a ,
(lemme 48) et
; donc :
. Il suffit donc de montrer :
, c’est-à-dire :
.
On montre, en fait :
.
Soient donc et . On doit montrer :
pour tout , soit . Or, on a ,
donc , d’où le résultat, puisque .
Il en résulte que
soit (dse), ce qui termine la preuve.
C.Q. F . D.
Lemme 48.
Soit . Alors .
Cette formule s’écrit .
Soient donc , d’où et . On a donc bien pour tout .
C.Q. F . D.
On se propose d’appliquer la condition de chaîne dénombrable au prédicat binaire . Les lemmes 45 et 46 montrent que les deux premières hypothèses de la c.c.d. sont réalisées par ccd1 et ccd2. La troisième est donnée par le lemme 49 ci-dessous.
Lemme 49.
Il existe deux quasi-preuves ccd3 et for telles que :
i) ccd3.
ii) for.
D’après le lemme 44(iii), on a :
rec.
En utilisant ccd2 (lemme 46), on a :
.
Or, est une suite de quatre formules dont les deux dernières sont :
et .
i) On en déduit d’abord .
D’où le résultat, puisqu’on a dse0 (lemme 42).
ii) On en déduit aussi .
On obtient donc puisqu’on a :
ccd1 (lemme 45) et dse0 (lemme 42).
C.Q. F . D.
On peut maintenant appliquer la c.c.d. au prédicat , ce qui donne une quasi-preuve
ccd0 telle que ccd0 avec :
.
Pour terminer la preuve du théorème 41, il suffit donc de trouver des quasi-preuves
dec0,dec1,dec2 telles que :
dec0 ;
dec1 ;
dec2.
Soient donc tels que :
et
En appliquant le lemme 44(i) avec , on obtient .
On peut donc prendre dec1 .
Lemme 50.
ccd4
où ccd4.
Soient , et .
En faisant dans la définition de , on a :
.
On a .
Par ailleurs, puisque , on a facilement :
.
Il en résulte que ,
soit (ccd4).
C.Q. F . D.
Du lemme 50, on déduit immédiatement ccd4.
On peut donc poser dec0 ccd4.
Lemme 51.
i) lef0 avec lef0.
ii) lef1 avec
lef1lef0.
i) Immédiat en explicitant les formules :
;
;
.
On déclare , , , .
ii) On écrit les formules :
;
;
.
On déclare , , , , , .
C.Q. F . D.
En utilisant les lemmes 49(ii) et 51 ainsi que , on obtient :
lef1for.
Or, on a ccd1 (lemme 45) ; on en déduit :
ccd1lef1for.
On peut donc poser dec2 ccd1lef1for.
Cela termine la preuve du théorème 41.
C.Q. F . D.
L’axiome d’ultrafiltre sur
On considère une algèbre de réalisabilité standard et un -modèle dans
lequel l’ensemble d’individus (qui est aussi l’ensemble des conditions) est .
La relation binaire est définie par si ; sinon, .
est défini par pour tout ;
est définie par pour tout .
L’axiome de représentation des prédicats sur (RPN)
On définit la fonction récursive d’arité , notée (codage des -uplets) :
; .
Proposition 52.
où est une variable de prédicat d’arité .
Soit un prédicat d’arité . On définit en posant :
pour , . On a alors immédiatement :
et
.
On en déduit :
et
.
Il suffit alors d’appliquer le théorème 15.
C.Q. F . D.
Le schéma de compréhension pour (SCN)
Soit une formule dont les variables libres sont parmi . On définit une fonction d’arité , soit , autrement dit en posant pour tout .
Proposition 53.
On a pour toute formule .
En effet, on a trivialement :
et
.
Il suffit alors d’appliquer le théorème 15.
C.Q. F . D.
Remarque. Le symbole de fonction binaire est obtenu en appliquant SCN à la formule .
Le modèle générique
On désigne par la formule , qui exprime que l’ensemble d’entiers
est infini. Le prédicat C est défini par cette formule : pour tout , est, par
définition, l’ensemble .
Il en résulte que la condition s’écrit :
.
Pour terminer la définition de l’algèbre (et du -modèle ), il reste donc à trouver des quasi-preuves telles que :
; ;
; ; ;
.
Or, on a facilement, en déduction naturelle :
avec .
D’après le théorème 5 (lemme d’adéquation), on peut donc poser
et , pour des quasi-preuves telles que :
; ;
; ; ;
.
La condition de chaîne dénombrable
On montre, dans cette section le :
Théorème 54.
La structure de forcing satisfait la condition de chaîne dénombrable dans .
Il s’agit de trouver une quasi-preuve ccd telle que :
ccd
où est la formule .
D’après le théorème 15, cela revient à trouver une quasi-preuve ccd’ telle que :
ccd’.
D’après le théorème 5 (lemme d’adéquation), nous pouvons utiliser la méthode suivante
pour montrer :
Montrer , puis
montrer au moyen des règles de la déduction naturelle classique
du second ordre (qui contient le schéma de compréhension), et des axiomes suivants qui sont réalisés par des quasi-preuves dans le -modèle :
pour tous les termes clos qui ont des valeurs distinctes dans .
pour toutes les équations entre termes qui sont vraies dans .
Le schéma de fondation (SCF, voir théorème 13ii) qui est constitué des formules :
où est telle que la relation soit bien fondée sur .
Le schéma d’axiome du choix pour les individus (ACI, voir théorème 18) qui est constitué des
formules ;
est une suite finie de variables, une formule close
quelconque, et un symbole de fonction d’arité .
L’axiome de représentation des prédicats sur (RPN, voir proposition 52)
qui est constitué des formules ;
est une suite de variables et est une variable de prédicat d’arité .
Le schéma de compréhension pour les entiers (SCN, voir proposition 53),
qui est constitué des formules ;
est une suite de variables, est une formule close quelconque,
et est un symbole de fonction d’arité .
Lemme 55.
.
On applique le SCN à la formule ; on obtient donc :
en utilisant la notation pour .
On a et donc .
Or, on a , d’où :
, soit .
Inversement, des hypothèses :
, on déduit :
, puis :
puis :
. Par suite :
et donc :
.
C.Q. F . D.
En appliquant RPN et le schéma de compréhension, on obtient :
avec .
Le sens intuitif de est : “ est l’individu associé à la suite de conditions
rendue décroissante”.
On applique SCN à la formule . On obtient donc :
.
On utilisera la notation pour . On a donc :
.
et par suite :
On pose .
Le sens intuitif de est : “ est le premier élément de qui est ”.
On applique SCN à la formule . On obtient donc :
.
On utilisera la notation pour . On a donc :
.
Les hypothèses de la c.c.d. sont :
;
;
;
.
On pose et .
Il suffit donc de montrer :
et
.
Notation. La formule est notée .
Lemme 56.
.
Cette formule s’écrit . Or, on a :
;
:
.
C.Q. F . D.
Lemme 57.
.
On a int int.
Or, on a int int, et donc :
int.
Par suite, on a :
int int, soit :
int int. Par suite :
int int.
C.Q. F . D.
Lemme 58.
.
Preuve par récurrence sur . On doit montrer :
int.
Pour , on a .
Il suffit donc de montrer :
,
ce qui découle, en fait, de , à savoir .
L’hypothèse de récurrence est ;
est ; est .
Par ailleurs, on a facilement . On en déduit donc :
, soit .
Or, on a
par le lemme 57.
On a donc c’est-à-dire :
, ce qui est le résultat voulu.
C.Q. F . D.
Lemme 59.
.
On a d’après . Par ailleurs, on a facilement :
. En appliquant le lemme 58, on obtient donc :
. D’où le résultat, en appliquant .
C.Q. F . D.
Lemme 60.
.
D’après le schéma de fondation (SCF), on a :
.
Or, on a (lemme 59), donc .
On en déduit .
C.Q. F . D.
Lemme 61.
.
On a .
Or, par définition du symbole de fonction , on a .
Donc .
Par définition de , on a trivialement .
Par ailleurs, on a (lemme 60).
Donc , d’où .
C.Q. F . D.
Lemme 62.
.
On a , avec :
.
On doit donc montrer :
int int int int int int
avec c’est-à-dire :
.
De et , on déduit , donc .
De , on déduit , et donc .
On a donc , soit . Or, de , on déduit
(lemme 56), donc , ce qui contredit .
C.Q. F . D.
Par définition de , on a trivialement .
Or, on a trivialement . D’où, finalement :
.
On a ainsi obtenu la quasi-preuve ccd’ cherchée, ce qui termine la preuve du théorème 54.
C.Q. F . D.
L’ultrafiltre
Dans le modèle , nous avons défini l’idéal générique , qui est un prédicat unaire, en posant : pour tout .
D’après le théorème 35, on a :
i)
ii)
iii)
iv)
v)
D’après le théorème 33, on a pour toute formule close du premier ordre.
Remarque. Une formule “du premier ordre” comporte des quantificateurs sur les individus qui, à l’aide du symbole , représentent les parties de .C’est donc une formule du second ordre du point de vue de l’arithmétique. Mais elle ne comporte pas de quantificateur sur les ensembles d’individus.
D’après les théorèmes 15 et 30, on peut utiliser, dans , le quantificateur , puisque le quantificateur est du premier ordre.
On a donc :
vi)
vii)
viii) ;
puisque les formules considérées sont du premier ordre.
Les propriétés (i) à (viii) montrent que, dans le -modèle , la formule suivante est
réalisée :
est un idéal maximal non trivial sur l’algèbre de Boole des parties de qui sont
représentées par des individus.
Or, d’après les théorèmes 40 et 54, la formule suivante
est réalisée dans :
Toute partie de est représentée par un individu.
La formule suivante est donc réalisée dans :
est un idéal maximal non trivial sur l’algèbre de Boole des parties de .
Programmes obtenus à partir de preuves
Soit une formule de l’arithmétique du second ordre, c’est-à-dire une formule du
second ordre dont tous les quantificateurs d’individu sont restreints à et tous les
quantificateurs du second ordre sont restreints à .
On lui associe une formule du premier ordre, définie par récurrence sur :
Si est , .
Si est , est , où est une variable d’individu associée à la
variable de prédicat unaire .
Si est , est .
Si est , est .
Si est , est .
On note que, si est une formule de l’arithmétique du premier ordre, alors est simplement la restriction de au prédicat int.
Soit une formule close de l’arithmétique du second ordre et considérons une preuve de à l’aide de
l’axiome du choix dépendant ACD et l’axiome AU de l’ultrafiltre sur , énoncé
sous la forme : “ est un idéal maximal non trivial sur ”.
On en déduit immédiatement une preuve de en ajoutant l’axiome RPN de représentation des prédicats
sur : . On obtient donc :
AU, RPN, ACD.
On a donc AU, RPN avec et ACD.
est donc une formule du premier ordre.
Dans la section précédente, on a obtenu des quasi-preuve telles que et RPN (théorèmes 40 et 54).
Le théorème 28 (lemme d’adéquation) donne donc
, c’est-à-dire :
avec .
D’après le théorème 33, on a donc , c’est-à-dire :
ACD.
L’axiome ACD† est conséquence de ACI (axiome du choix pour les individus). D’après le
théorème 18, on a donc une quasi-preuve ACD†.
Par ailleurs, on a évidemment une quasi-preuve .
On a donc finalement .
On peut alors appliquer au programme tous les résultats obtenus dans le cadre de la réalisabilité usuelle. Le cas où est une formule arithmétique (resp. ) est étudié dans [12]
(resp. [13]).
Pour prendre deux exemples très simples :
Si , on a quels que soient les termes et la pile .
Si , où est un symbole de fonction, alors pour tout , il existe tel que et .
est la quasi-preuve de mise en mémoire des entiers donnée au théorème 15(i).
sont quelconques ; en prenant pour une constante, on obtient donc un programme de calcul
de en fonction de .
Bon ordre sur
Le -modèle est le même que dans la section précédente : l’ensemble d’individus est . Rappelons qu’un élément de est appelé tantôt individu, tantôt condition, suivant le contexte.
On pose (bijection de sur ). On définit une fonction binaire
en posant :
si ; est arbitraire (par exemple ) si .
Notation. Dans la suite, on écrira au lieu de . La donnée d’un individu est donc équivalente à celle d’une suite d’individus ). Si , on a .
On fixe un bon ordre strict sur , isomorphe au cardinal :
tout segment initial propre de est donc de cardinal . On définit une fonction binaire,
notée en posant si ; sinon.
Comme la relation est bien fondée sur , on a (théorème 13) :
dans le -modèle , mais aussi dans tout -modèle .
On écrira, en abrégé, pour .
Dans et , la relation est donc bien fondée mais, en général, pas totale.
C’est une relation d’ordre strict, dans ces deux modèles, car on a immédiatement, dans le
modèle : ; .
Comme il s’agit de formules du premier ordre, d’après le théorème 33, on a aussi,
dans le modèle : ; .
Une condition est aussi une suite d’individus . On va la considérer intuitivement comme “ l’ensemble des individus pour ” ; cela pour définir la condition , la formule qui exprime que est une condition non triviale, et l’opération binaire .
est l’ensemble vide, autrement dit (c’est-à-dire ) doit être faux. On pose donc :
pour tout .
Une condition est non triviale si l’ensemble d’individus qui lui est associé est totalement ordonné par .
On pose donc :
avec :
c’est-à-dire .
L’ensemble associé à est la réunion des ensembles associés à et à ; on pose donc :
où est défini par : ; ;
est défini par : ; .
La notation signifie que l’ensemble associé à contient celui associé à .
On pose donc :
.
Lemme 63.
i) avec .
ii) avec
où sont des quasi-preuves représentant respectivement les fonctions récursives :
, , , parité de ( est à valeurs booléennes).
i) On suppose :
entent ;
entent ;
; ent ; et on a ent.
D’où ent.
Supposons et soit ent.
Si , alors ; donc .
On a montré :
ent. Donc .
ii) On suppose :
entent ;
; ent.
Si on remplace par , puis par , on obtient, d’après la définition de :
(1) ;
(2) .
Il y a alors deux cas :
Si , on a et, d’après (1), . Donc :
ent et, par suite :
.
Si , on a et, d’après (2), .
En faisant , on obtient et donc :
.
On a donc, dans les deux cas : .
C.Q. F . D.
Lemme 64.
i) avec
.
ii) autrement dit .
i) Soient , c’est-à-dire :
entent ;
ent ent avec :
.
Soient .
Soient , .
On a ; si et ,
alors , donc .
On a donc ent si et .
Par suite, ent si , d’où :
si , d’où :
ent. Donc :
.
ii) Se déduit immédiatement de (i) et (lemme 63).
C.Q. F . D.
Le lemme suivant montre qu’on peut construire l’algèbre et le -modèle .
Lemme 65.
Il existe six quasi-preuves telles que :
; ;
; ; ;
.
On montre seulement le premier cas. D’après le lemme 64(i), il suffit de trouver
une quasi-preuve .
On suppose donc :
;
ent.
Il y a trois cas :
; on a alors . On fait , donc
ent.
On a donc : .
; on a alors . On fait , donc :
ent. On a donc : .
; on a alors . On fait , donc :
ent. On a donc :
(p est le programme pour le prédécesseur).
On pose donc , où est
défini par sa règle d’exécution :
(resp. , ) si (resp. ).
C.Q. F . D.
On montre maintenant le :
Théorème 66.
La structure de forcing satisfait la condition de chaîne dénombrable dans .
Les hypothèses de la c.c.d. sont :
;
;
;
.
Par ailleurs, d’après le théorème 18, on a une fonction binaire telle que :
.
D’après , on peut donc aussi utiliser la formule :
.
On pose et .
Lemme 67.
.
On montre par récurrence sur .
Pour , cela découle de . Pour le pas de la récurrence, on utilise .
On a donc .
De , on déduit , d’où le résultat d’après et .
C.Q. F . D.
On définit la limite cherchée en définissant et pour chaque .
Pour ( c’est-à-dire ), on pose ;
puis .
Intuitivement, définit une suite d’ensembles dénombrables, et est la réunion de
ces ensembles.
Preuve de .
D’après le lemme 64(ii), il suffit de montrer , soit :
, pour .
On fixe et on pose . D’après la définition de , il suffit de montrer :
.
Or, de , on déduit et donc :
et . On est donc ramené à montrer :
.
Or, cette formule se déduit immédiatement de .
Preuve de .
On doit montrer , soit . Or, on a :
; ; ;
; ; .
De , on déduit avec
(lemme 67).
On a donc :
; ; ; .
De , on déduit , c’est-à-dire .
Cela termine la preuve du théorème 66.
C.Q. F . D.
Le bon ordre sur
Dans le modèle , on définit le prédicat unaire .
Lemme 68.
.
On doit montrer , soit :
.
D’après le théorème 35(ii) et (iii), on a .
Il suffit donc de montrer .
On montre ci-dessous qu’on a .
Comme c’est une formule du premier ordre, cela donne le résultat voulu, d’après le théorème 33.
On a, en effet : ; ;
; .
On est donc ramené à montrer :
ce qui est évident, par définition de .
C.Q. F . D.
Le lemme 68 montre que est une relation totale sur . Mais, par ailleurs, dans , est une relation bien fondée. On a donc :
est bien ordonné par .
On définit maintenant deux fonctions sur :
une fonction unaire en posant ; .
une fonction binaire en posant ; ;
; pour tout .
On a donc et quels que soient et par suite :
; ;
; .
Intuitivement, définit l’ensemble obtenu en ôtant de l’ensemble associé à ;
définit l’ensemble obtenu en ajoutant à l’ensemble associé à .
Lemme 69.
Si , il existe tel que et pour tout .
Pour chaque , on a . Mais l’application est évidemment injective, puisque . Donc l’ensemble est de cardinal . Or, par hypothèse sur , tout segment initial propre de , pour le bon ordre , est de cardinal . Il existe donc tel que pour tout . Il suffit alors de poser .
C.Q. F . D.
On peut donc définir une fonction binaire telle que l’on ait :
et quels que soient et .
On a donc :
; .
; .
Lemme 70.
On a .
Ceci s’écrit ou encore :
.
En faisant , il suffit de montrer :
(1) .
En remplaçant par dans (1), on voit qu’il suffit de montrer :
.
Lemme 71.
.
On a . Donc, pour
montrer , il suffit de montrer :
(1) et
(2) .
On applique cette remarque en posant . Alors (1) s’écrit puisque et et de même pour .
Il suffit donc de montrer (2), c’est-à-dire :
.
Or, on a ; ;
; .
Il suffit donc de montrer :
ce qui est trivial, puisqu’on a .
C.Q. F . D.
Lemme 72.
.
Ceci s’écrit :
entent
ce qui est immédiat, en faisant .
C.Q. F . D.
On a (lemme 72), d’où on déduit (lemme 64ii), et donc . D’après le lemme 71,
on a donc :
. Comme il s’agit d’une formule du premier ordre,
on a, d’après le théorème 33 :
et donc, d’après le théorème 35(ii) : .
On applique alors le théorème 36 qui donne :
ce qui est le résultat cherché.
C.Q. F . D.
Théorème 73.
Les formules suivantes sont réalisées dans :
i) Il existe un bon ordre sur l’ensemble des individus.
ii) Il existe un bon ordre sur l’ensemble des parties de .
i) Le lemme 70 montre que, dans , la fonction est une surjection
de sur l’ensemble des individus. Or, on a vu que la formule : “ est bien ordonné par ” est réalisée dans .
ii) D’après les théorèmes 40 et 66, la formule suivante est réalisée dans
: “ Toute partie de est représentée par un individu ”.
D’où le résultat, d’après (i).
C.Q. F . D.
Le théorème 73(ii) permet de transformer en programme n’importe quelle preuve d’une formule de l’arithmétique du second ordre, utilisant l’existence d’un bon ordre sur . La méthode est la même que celle exposée ci-dessus pour l’axiome de l’ultrafiltre.
Références
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- [2] H.B. Curry, R. Feys. Combinatory Logic. North-Holland (1958).
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J.Y. Girard. Une extension de l’interprétation fonctionnelle de Gödel à l’analyse.
Proc. 2nd Scand. Log. Symp. (North-Holland) (1971) p. 63-92. -
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Conf. record 17th A.C.M. Symp. on Principles of Progr. Languages (1990). -
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-
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J. Symb. Log. 16 (1951) p. 248-26. -
[9]
G. Kreisel. On the interpretation of non-finitist proofs II.
J. Symb. Log. 17 (1952), p. 43-58. -
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http://www.pps.jussieu.fr/ krivine/articles/zf_epsi.pdf -
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Th. Comp. Sc., 308, p. 259-276 (2003).
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http://www.pps.jussieu.fr/ krivine/articles/quote.pdf -
[12]
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A paraître dans Panoramas et synthèses, Société Mathématique de France.
http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00154500
Version mise à jour à :
http://www.pps.jussieu.fr/ krivine/articles/Luminy04.pdf -
[13]
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Geocal’06 (février 2006 - Marseille); Mathlogaps’07 (juin 2007 - Aussois).
http://cel.archives-ouvertes.fr/cel-00154509
Version mise à jour à :
http://www.pps.jussieu.fr/ krivine/articles/Mathlog07.pdf -
[14]
J.-L. Krivine. Structures de réalisabilité, RAM et ultrafiltre sur . (2008)
http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00321410
http://www.pps.jussieu.fr/ krivine/articles/Ultrafiltre.pdf