Le théorème de Bertini en famille
Résumé
On majore la dimension de l’ensemble des hypersurfaces de dont l’intersection avec une variété projective intègre fixée n’est pas intègre. Les majorations obtenues sont optimales. Comme application, on construit, quand c’est possible, des hypersurfaces dont les intersections avec toutes les variétés d’une famille de variétés projectives intègres sont intègres. Le degré des hypersurfaces construites est explicite.
Abstract
We give upper bounds for the dimension of the set of hypersurfaces of whose intersection with a fixed integral projective variety is not integral. Our upper bounds are optimal. As an application, we construct, when possible, hypersurfaces whose intersections with all the varieties of a family of integral projective varieties are integral. The degree of the hypersurfaces we construct is explicit.
On fixe un corps de caractéristique quelconque, qui sera systématiquement sous-entendu. Par exemple, . Par sous-variété de , on entendra sous-schéma fermé géométriquement intègre de . On note l’espace des hypersurfaces de degré de .
Si est une sous-variété, on notera (resp. ) le sous-ensemble de constitué des hypersurfaces dont l’intersection avec n’est pas géométriquement intègre de codimension dans (resp. n’est pas géométriquement irréductible et génériquement réduite de codimension dans ). Le théorème de Bertini (voir par exemple [9] I 6.10) montre que si , est strictement inclus dans .
Pour les questions que nous allons étudier, la propriété “irréductible et génériquement réduit” se comporte mieux que l’intégrité. D’autre part, pour faire fonctionner des arguments de déformation, nous aurons besoin de savoir que ces mauvais lieux sont fermés. C’est pourquoi nous allons utiliser la variante suivante du théorème de Bertini, qui fait l’objet de la première partie de cet article.
Théorème 0.1.
Soit une sous-variété de de dimension . Alors et sont des fermés stricts de .
Quand est infini, une conséquence de ce théorème est qu’il existe des hypersurfaces dans le complémentaire de (resp. ). On cherche dans cet article à obtenir une version “en famille” de ce théorème. On se pose plus précisément la question suivante :
Question 0.2.
Étant donnée une famille de sous-variétés de dimension de , peut-on trouver une hypersurface dont les intersections avec toutes les variétés de cette famille soient géométriquement intègres (resp. géométriquement irréductibles et génériquement réduites) ? Si la réponse est positive, peut-on trouver une telle hypersurface de petit degré ?
En fait, cela revient à contrôler, pour chaque variété de la famille, la codimension de (resp. ) dans . Plus précisément, il faut répondre à la question suivante :
Question 0.3.
La codimension de (resp. ) dans tend-elle vers l’infini avec ?
Dans la deuxième partie de cet article, on obtient des minorations optimales de en fonction de et de . En particulier, la réponse à la question 0.3 pour est positive. L’énoncé est le suivant :
Théorème 0.4.
Soit une sous-variété de de dimension . Alors :
De plus, ces bornes sont optimales. Elles sont atteintes pour un cône sur une courbe quand et pour un espace linéaire quand .
On en déduit dans la troisième partie des minorations analogues pour . L’énoncé qui suit montre que la réponse à la question 0.3 pour est positive si et seulement si n’a pas de point fermé de profondeur .
Théorème 0.5.
Soit une sous-variété de de dimension . Alors :
-
(i)
Si n’a pas de point de profondeur et de codimension ,
-
(ii)
Si n’a pas de point fermé de profondeur ,
-
(iii)
Si possède un point fermé de profondeur ,
De plus, ces bornes sont optimales.
Remarquons que la condition “ne pas posséder de point fermé de profondeur et de codimension ” est la condition de Serre. Elle est en particulier vérifiée pour les variétés normales et les variétés de Cohen-Macaulay.
Enfin, dans une quatrième partie, on obtient le théorème suivant répondant à la question 0.2. La restriction sur les fibres de la famille, dans le cas intègre, est nécessaire au vu du théorème précédent.
Théorème 0.6.
Soit une famille plate de sous-variétés de dimension de , c’est-à-dire un diagramme commutatif de -schémas de type fini :
où est plat à fibres géométriquement intègres de dimension et est une immersion fermée. Alors :
-
(i)
Soit tel que . L’ensemble des hypersurface de de degré telles que pour tout , est géométriquement irréductible et génériquement réduit de codimension dans contient un ouvert non vide.
-
(ii)
Soit . Supposons que les n’ont pas de points fermés de profondeur . Alors l’ensemble des hypersurfaces de de degré telles que pour tout , est géométriquement intègre de codimension dans contient un ouvert non vide.
Si est propre, ces ensembles sont des ouverts non vides. Enfin, quand le corps est infini, on peut trouver une telle hypersurface définie sur .
Ces questions ont été motivées par les constructions de [1] de variétés dont le fibré cotangent est ample. En particulier, le théorème 0.5 corrige et précise Lemma 12 de loc. cit., erroné.
Quand est fini, les méthodes utilisées ici pour prouver le théorème 0.6 ne permettent pas de construire une hypersurface définie sur . L’analogue de cette question pour la version lisse du théorème de Bertini a été étudiée et résolue par Poonen dans [10].
Je tiens à remercier chaleureusement O. Debarre pour les nombreux conseils qu’il m’a donnés.
1 Théorème de Bertini
On va démontrer dans cette partie le théorème 0.1.
1.1 Ouverture de la propriété “irréductible et génériquement réduit”
Pour cela, on va commencer par déterminer des conditions sur une famille de schémas sous lesquelles l’ensemble des fibres qui sont irréductibles et génériquement réduites est ouvert : c’est le rôle de la proposition 1.1. C’est une proposition très proche d’énoncés de [6], et les démonstrations sont calquées sur celles s’y trouvant. Par conséquent, on multipliera les références à cet ouvrage.
Proposition 1.1.
Soit un morphisme de schémas propre, plat et de présentation finie. On suppose que les composantes irréductibles des fibres de sont toutes de la même dimension . Alors l’ensemble des tels que est géométriquement irréductible et génériquement réduit est ouvert dans .
.
On scinde la preuve en plusieurs étapes.
Etape 1 :
Sous les hypothèses de l’énoncé, si est le spectre d’un anneau de valuation discrète de point générique et de point fermé , si de plus les composantes irréductibles de sont géométriquement irréductibles, alors si , on a également .
Montrons d’abord que est géométriquement génériquement réduit. Par [6] 12.1.1 (vii), l’ensemble des tels que est géométriquement réduit en est ouvert dans . Son complémentaire est donc fermé. Par hypothèse, est de dimension . Or, par propreté de , la dimension des fibres de est semi-continue supérieurement, donc , et est bien géométriquement génériquement réduit.
Supposons ensuite par l’absurde que ne soit pas irréductible, et soient et deux points maximaux distincts de . Par propreté, la dimension des fibres de est semi-continue supérieurement. On peut donc choisir un point maximal de dont l’adhérence est de dimension . Comme les composantes irréductibles de sont de dimension par hypothèse, est nécessairement un point maximal de .
Par [5] 2.3.4, qui s’applique par platitude, on voit que les points maximaux de sont exactement ceux de . Cela permet de vérifier les hypothèses de [5] 3.4.1.1 et de montrer que si et coïncidaient, on aurait
ce qui est impossible car est génériquement réduit. Ainsi, , donc n’est pas irréductible, ce qui est absurde.
Etape 2 :
Sous les hypothèses de l’énoncé, si est affine noethérien intègre de point générique , si de plus les composantes irréductibles de sont géométriquement irréductibles, et si est non vide, alors .
Supposons que est différent de . Par [2] 7.1.7, qui s’applique par noethérianité, on peut trouver un schéma , spectre d’un anneau de valuation discrète de point fermé et de point générique , et un morphisme tel que et . On peut alors appliquer l’étape après changement de base par , ce qui montre .
Etape 3 :
Sous les hypothèses de l’énoncé, si est affine noethérien, est stable par générisation.
On se donne et une générisation de : on veut montrer que . Quitte à remplacer par , on peut supposer intègre de point générique .
Par [5] 4.6.8, il existe une extension finie de telle que les composantes irréductibles de soient géométriquement irréductibles. Comme il existe une base de sur formée d’éléments entiers sur , l’anneau engendré par ces éléments est fini sur et est de corps de fractions . On pose , de sorte que le morphisme est surjectif car fini et dominant.
On peut alors appliquer l’étape après avoir changé de base par . Notons l’ensemble évident. On a , donc par surjectivité de . Comme contient le point générique de , contient bien le point générique de , ce qui conclut.
Etape 4 :
Sous les hypothèses de l’énoncé, est ouvert.
Comme la proposition est locale sur , on peut supposer que est affine.
Quand est noethérien, on va montrer que est ouvert en appliquant le critère [3] 0.9.2.5. Vérifions-en les hypothèses. D’une part, est stable par générisation par l’étape . D’autre part, est localement constructible par [6] 9.7.7 et 9.8.7.
Si n’est pas noethérien, on écrit comme limite inductive de ses sous-anneaux de type fini sur . Alors, par [6] 8.9.1, 8.10.5 (xii) et 11.2.6, on peut trouver un sous-anneau noethérien de et un morphisme vérifiant les même propriétés que , et tel que soit obtenu à partir de par extension des scalaires. Si est le changement de base et si est l’ensemble évident, on a . Comme est ouvert par le cas noethérien, est ouvert. D’où le résultat.
∎
1.2 Démonstration du théorème
Démontrons maintenant la version dont nous aurons besoin du théorème de Bertini, c’est-à-dire le théorème 0.1.
.
Par [9] I 6.10 appliqué à l’inclusion de dans , est strictement inclus dans . Comme , il suffit de montrer que et sont fermés dans . On fait la preuve pour ; la fermeture de se montre de la même manière en utilisant [6] 12.2.4 (viii) à la place de la proposition 1.1.
On introduit la famille paramétrant les et la projection canonique. On note l’ouvert de où . Comme le polynôme de Hilbert de ses fibres est constant, en appliquant le critère III 9.9 de [8], on voit que est plat. Soit alors le sous-ensemble de constitué des tels que est géométriquement irréductible et génériquement réduit. Il est ouvert par la proposition 1.1. Par conséquent, , qui est le complémentaire de dans , est fermé.
∎
2 Minoration de la codimension de
Cette partie contient la démonstration du théorème 0.4. Comme celui-ci est insensible à l’extension des scalaires, on supposera que est algébriquement clos.
L’idée d’utiliser une dégénérescence de vers une réunion d’espaces linéaires pour montrer ce théorème est due à Zak.
2.1 Optimalité des minorants
On montre dans ce paragraphe que les minorations du théorème 0.4 sont optimales.
Proposition 2.1.
Soit et . Alors on peut trouver une sous-variété d’un espace projectif pour laquelle l’inégalité du théorème 0.4 est une égalité.
.
Si , le lemme 2.2 ci-dessous montre qu’on peut prendre pour un sous-espace linéaire de dimension de .
Si , on choisit pour un cône de base une courbe intègre de degré et de sommet un sous-espace linéaire de dimension de . Notons l’ensemble des éléments de contenant . Si , est réunion de sous-espaces linéaires de et ne peut donc être irréductible et génériquement réduit pour raison de degré. Par conséquent, . D’autre part, par le lemme 2.3 ci-dessous, . On en déduit et donc que l’inégalité de 0.4 est une égalité.
∎
Lemme 2.2.
Soit un sous-espace linéaire de dimension de , et . Alors :
Proof.
On est immédiatement ramenés au cas où et . Les points fermés de correspondent aux hypersurfaces dont une équation n’est pas irréductible, donc est réunion de sous-ensembles correspondant aux degrés et des deux facteurs d’une décomposition. Ceci permet de calculer :
∎
Lemme 2.3.
Soit une sous-variété de de dimension . Notons l’ensemble des hypersurfaces de degré contenant . On a
De plus, quand est un sous-espace linéaire de , on a égalité.
.
Soit un sous-espace linéaire de dimension de ne rencontrant pas . Les fibres de la projection depuis sont toutes finies non vides. Ceci montre que et l’ensemble des cônes de sommet ne s’intersectent pas dans . On peut alors appliquer le théorème de l’intersection projective :
Finalement, quand est un sous-espace linéaire de , et sont supplémentaires dans , et on voit facilement que et sont des sous-espaces linéaires supplémentaires dans . On a alors
∎
2.2 Réduction au cas d’une hypersurface qui est un cône sur une courbe plane
Dans ce paragraphe, on prépare la preuve du théorème 0.4 en effectuant un certain nombre de réductions. On commence par se ramener par projection au cas où est une hypersurface.
Proposition 2.4.
Le théorème 0.4 se déduit du cas particulier où est une hypersurface.
.
Si , c’est le lemme 2.2 quand ou le lemme 2.3 quand . Si est une hypersurface, il n’y a rien à démontrer.
Si est de codimension dans , on choisit, par le théorème de Bertini lisse, un sous-espace linéaire de dimension de dont l’intersection avec est constituée de points réduits . Soit un hyperplan de contenant et aucun des , , et un hyperplan de ne contenant pas . On note la projection depuis et . La variété munie de sa structure réduite est une hypersurface de ; on considère . Par construction, est le point réduit . Par conséquent, comme est propre, est génériquement fini de degré , c’est-à-dire birationnel. On notera le fermé strict de au-dessus duquel n’est pas un isomorphisme.
Soit le fermé de constitué des cônes de sommet . Par théorème de l’intersection projective,
On vérifie en comparant les diviseurs de Cartier que , et que tirer en arrière les sections globales induit une bijection entre et . Moyennant cette identification entre et , on va montrer que
où désigne l’ensemble des hypersurfaces contenant une composante irréductible de de codimension dans . On pourra alors conclure en appliquant l’hypothèse à d’une part, et le lemme 2.3 d’autre part.
Pour cela, soit . Comme , est dense dans , et étant surjectif, est dense dans . Comme , est irréductible et génériquement réduit. C’est donc aussi le cas de qui lui est isomorphe, et de par densité. On a donc bien .
∎
Un argument de déformation permet ensuite d’effectuer la réduction suivante :
Proposition 2.5.
Le théorème 0.4 se déduit du cas particulier où est une hypersurface qui est un cône sur une courbe plane.
.
Par 2.4, on peut supposer que est une hypersurface. Par Bertini, on choisit des coordonnées dans lesquelles elle est d’équation de sorte que la courbe soit intègre. Soit la sous-variété de d’équation . C’est une famille plate d’hypersurfaces de , triviale de fibre au-dessus de , et telle que est un cône sur une courbe plane intègre.
Soit le sous-ensemble de constitué des tels que n’est pas irréductible et génériquement réduit de codimension dans . Comme dans la preuve en 1.2 du théorème 0.1, on montre que est fermé dans .
Les fibres de sont les . Par fermeture de , est propre, donc la dimension de ses fibres est semi-continue supérieurement. Ainsi, il existe tel que . Comme est projectivement équivalente à et que l’on sait majorer la dimension de par hypothèse, on peut conclure.
∎
2.3 Fin de la démonstration
Achevons de démontrer le théorème 0.4. On va adopter la même stratégie qu’en 2.5, en utilisant maintenant une déformation de en une réunion d’hyperplans.
.
Etape 1 :
Construction d’une déformation.
Par la proposition 2.5, on suppose que est une hypersurface d’équation , qui est un cône de sommet l’espace linéaire d’équations sur une courbe plane intègre de degré . Par Bertini, on choisit nos coordonnées de sorte que soit constitué de points réduits. Soit la sous-variété de d’équation . C’est une famille plate d’hypersurfaces de , triviale de fibre au-dessus de , et telle que est réunion réduite de hyperplans distincts s’intersectant le long d’un espace linéaire commun .
On note la famille paramétrant les et la projection canonique. Soit le sous-ensemble de constitué des tels que n’est pas irréductible et génériquement réduit de codimension dans . On note l’ouvert de où est de codimension dans . Comme le polynôme de Hilbert de ses fibres est constant, en appliquant le critère III 9.9 de [8], on voit que est plat. Soit alors le sous-ensemble de constitué des tels que est irréductible et génériquement réduit. Il est ouvert par 1.1. Par conséquent, , qui est le complémentaire de dans , est fermé. Soit la réunion des composantes irréductibles de dominant . Comme est triviale au-dessus de , c’est aussi le cas de ; ainsi, et coïncident au-dessus de .
On va montrer que , où est l’ensemble des hypersurfaces contenant et l’ensemble des hypersurfaces dont l’intersection avec est . Admettons dans un premier temps cette inclusion. Quand , par 2.2, et . Ainsi, . Par propreté de , la dimension de ses fibres est semi-continue supérieurement, et il existe tel que . Mais, , ce qui permet de conclure car est projectivement équivalente à .
Quand , et . On conclut en raisonnant identiquement.
Etape 2 :
Changement de base.
Il reste à prouver l’inclusion admise ci-dessus. On raisonne par l’absurde en choisissant telle que . Ceci implique que est réduit et a exactement composantes irréductibles distinctes (il n’y a pas de points immergés car est intersection complète).
D’une part, appartient à une composante irréductible de qui domine , et d’autre part, comme , . On peut donc trouver une courbe intègre , un morphisme tel que soit dominant, et un point tel que . On note le tiré en arrière de par . Comme est à valeurs dans , par changement de base, est propre et plat. Comme est réduit, en appliquant [6] 12.2.4 (v), et quitte à restreindre , on peut supposer les fibres de géométriquement réduites. Or, étant à valeurs dans , les fibres de ne sont pas géométriquement intègres. Elles sont donc nécessairement géométriquement réductibles. Quitte à remplacer par un revêtement, on peut alors supposer que la fibre générique de est réductible, c’est-à-dire que est réductible. Finalement, en normalisant, on voit qu’on peut choisir lisse.
Dans la suite de la démonstration, on va obtenir une contradiction en montrant l’irréductibilité de .
Etape 3 :
Irréductibilité de .
Comme , contient un point fermé . Ainsi, . Soit une composante irréductible de contenant . Par dimension, est dominante, donc plate. Admettons un instant que contienne les composantes irréductibles de . Alors, si ,
Comme et sont de même dimension, et qu’on a une inclusion, cela implique , soit . Ce qui contredit la réductibilité de .
Il reste à prouver l’assertion admise ci-dessus : on doit montrer que pour . C’est ce qu’on va obtenir dans la suite, comme conséquence du théorème de Ramanujam-Samuel. Dans l’étape suivante, on introduit les variétés auxquelles on pourra appliquer ce théorème.
Etape 4 :
Normalisation.
Considérons la sous-variété de d’équation . La projection depuis induit , lisse car de fibres des espaces affines . La projection est triviale de fibre au-dessus de . Au-dessus de , elle est lisse sauf en le point : en effet, est constitué de droites s’intersectant en . Remarquons que .
En tirant en arrière par , on obtient . On identifie et aux sous-variétés correspondantes de , et et aux sous-variétés correspondantes de .
Notons la normalisation de . Comme est dans le lieu lisse de , au-dessus duquel est un isomorphisme, on peut considérer la transformée stricte de dans : on la note encore et on notera l’inclusion. Montrons que a un unique antécédent dans . D’une part, les composantes irréductibles de sont exactement les , de sorte que est constitué des . D’autre part, comme la fibre générique de est la normalisation de qui est connexe, [6] 15.5.9 (ii) montre que est connexe. Ceci n’est possible que si ne dépend pas de : on note ce point .
On tire en arrière par pour obtenir muni de deux projections et respectivement sur et . Tirant en arrière par , on obtient , qui est la transformée stricte de . Comme a un unique antécédent par , a un unique antécédent par , égal à pour tout , qu’on note .
Le diagramme cartésien de variétés pointées ci-dessous récapitule les constructions effectuées :
Etape 5 :
Application du théorème de Ramanujam-Samuel.
Comme , ne contient pas . Ainsi, n’est pas inclus dans le lieu où n’est pas un isomorphisme, et on peut considérer sa transformée stricte dans . Par propreté de , , et on a donc .
Remarquons que comme ne contient pas , ne contient pas . On peut donc appliquer le théorème de Ramanujam-Samuel sous sa forme [7] 21.14.3 (i) au morphisme lisse de base normale et au diviseur de en le point . Ainsi, est de Cartier dans en . En particulier, comme rencontre en le point , rencontre en un diviseur de . Cela signifie que rencontrait en un diviseur de , nécessairement égal à . C’est ce qu’on voulait montrer.
∎
3 Minoration de la codimension de
L’objet de cette partie est de déduire le théorème 0.5 du théorème 0.4. Comme ces énoncés sont insensibles à l’extension des scalaires, on fera l’hypothèse que est algébriquement clos.
Il faut contrôler les points immergés qui apparaissent lorsqu’on intersecte avec une hypersurface.
Lemme 3.1.
Soit un -schéma de type fini réduit. Alors ne contient qu’un nombre fini de points de profondeur et de codimension dans .
.
La fonction est semi-continue supérieurement sur par [6] 12.1.1 (v).
Notons le fermé . Par positivité de la profondeur, les points de sont de codimension . Si , ne contient pas de points de codimension . En effet, un tel point vérifierait , et [4] chap. 0, 16.4.6 (i) montre que ce serait un point immergé de .
Ainsi, pour , les points de de hauteur sont des points génériques de composantes irréductibles de , et ils sont donc en nombre fini. Les points de de profondeur et de codimension sont exactement la réunion de tous ces points pour , et sont donc en nombre fini.
∎
Lemme 3.2.
Soit une sous-variété de dimension . Notons ses points de codimension et de profondeur , qui sont en nombre fini par le lemme 3.1.
Alors si ne contient pas , les points immergés de sont exactement les appartenant à .
.
En effet, par [4] chap. 0, 16.4.6 (i), les points immergés sont exactement ceux de profondeur et de codimension . Il suffit alors de remarquer que lors d’une section non triviale par une hypersurface, codimension et profondeur chutent tous deux de . ∎
Montrons à présent le théorème 0.5 :
.
On considère les points de de profondeur et de codimension . Notons ceux qui sont fermés, et les autres. Soit l’ensemble des hypersurfaces contenant et l’ensemble des hypersurfaces contenant .
Par le lemme 3.2, . Or, dans , est un sous-espace linéaire de codimension , est de codimension par la proposition 2.3, et on minore la codimension de à l’aide du théorème 0.4. On en déduit les minorations voulues.
Enfin, ces minorations sont optimales comme conséquence de la preuve et du fait que les minorations du théorème 0.4 sont optimales. Plus précisément, voici des variétés réalisant les cas d’égalité :
-
(i)
Cas où n’a pas de point de profondeur et de codimension :
-
(a)
quand , un cône sur une courbe plane intègre.
-
(b)
quand , un espace linéaire.
-
(a)
-
(ii)
Cas où n’a pas de point fermé de profondeur :
-
(a)
quand , une variété contenant un point de profondeur dont l’adhérence est une droite, mais pas de point fermé de profondeur .
-
(b)
quand et , un plan.
-
(c)
quand et , un cône sur une courbe plane intègre.
-
(a)
-
(iii)
Cas où possède un point fermé de profondeur :
-
(a)
une variété quelconque contenant un point fermé de profondeur .
-
(a)
∎
4 Le théorème de Bertini en famille
Comme application des résultats précédents, montrons le théorème 0.6.
.
Soit le sous-ensemble de constitué des tels que n’est pas géométriquement intègre de codimension dans . Comme dans la preuve en 1.2 du théorème 0.1, et en utilisant [6] 12.2.4 (viii) à la place de la proposition 1.1, on montre que est fermé dans .
Les fibres de sont les et sont donc de codimension dans par le théorème 0.5 . La codimension de dans est donc . Ainsi, n’est pas surjective.
L’ensemble qui nous intéresse est le complémentaire de l’image de , et est donc non vide. Comme il est constructible par le théorème de Chevalley, il contient un ouvert non vide. Quand est propre, est également propre, et son image par est fermée, donc de complémentaire un ouvert. Enfin, si le corps est infini, toute variété non vide a un -point, d’où l’existence de l’hypersurface définie sur recherchée.
∎
References
- [1] O. Debarre, Varieties with ample cotangent bundle, Comp. Math. 141 (), .
- [2] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique II, Publ. Math. IHES 8 ().
- [3] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique III, Publ. Math. IHES 11 ().
- [4] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique IV 1, Publ. Math. IHES 20 ().
- [5] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique IV 2, Publ. Math. IHES 24 ().
- [6] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique IV 3, Publ. Math. IHES 28 ().
- [7] A. Grothendieck, Éléments de géométrie algébrique IV 4, Publ. Math. IHES 32 ().
- [8] R. Hartshorne, Algebraic geometry, Springer-Verlag, .
- [9] J.-P. Jouanolou, Théorèmes de Bertini et applications, Birkhäuser, .
- [10] B. Poonen, Bertini theorems over finite fields, Annals of math. 160 (), no. , .