Critères d’irréductibilité pour les représentations
des courbes elliptiques
Résumé
Let be an elliptic curve defined over a number field . We say that a prime number is exceptional for if admits a -isogeny defined over . The so-called exceptional set of all such prime numbers is finite if and only if does not have complex multiplication over . In this paper, we prove that the exceptional set is included in the set of prime divisors of an explicit list of integers (depending on and ), whose infinitely many of them are non-zero. It provides an efficient algorithm for computing it in the finite case. Other less general but rather useful criteria are given, as well as several numerical examples.
Introduction
Soient la clôture algébrique de dans et un corps de nombres contenu dans . Étant donnés une courbe elliptique définie sur et un nombre premier , on note le groupe des points de -torsion de la courbe . C’est un espace vectoriel de dimension sur le corps muni d’une action du groupe de Galois . Cela fournit un homomorphisme
Serre a démontré ([Ser72]) que si est sans multiplication complexe sur , il existe une constante telle que pour tout nombre premier , la représentation est surjective. Il a également posé la question (toujours ouverte, y compris pour ) de savoir si peut être choisie indépendamment de ([Ser79]).
Dans ce travail, on s’int resse l’ensemble, not , des nombres premiers pour lesquels la repr sentation ci-dessus est r ductible. On dit alors que est exceptionnel pour le couple . L’ensemble est g n ralement fini. Plus pr cis ment, est fini si et seulement n’a pas de multiplication complexe sur , i.e. (prop. 2.2). On s’int resse ici la question suivante.
Question 1. Le corps et la courbe étant donnés, comment d terminer explicitement l’ensemble lorsqu’il est fini?
Lorsque est sans multiplication complexe, Pellarin ([Pel01]), à la suite de Masser et Wüstholz, a obtenu, comme corollaire de ses travaux, une majoration explicite des nombres premiers exceptionnels. Cependant, en raison des constantes qui y apparaîssent, ce résultat ne se pr te malheureusement pas une d termination explicite de l’ensemble des nombres premiers exceptionnels. En utilisant des arguments de th orie du corps de classes, on obtient un crit re (théorème 2) portant sur la r duction de en chaque place finie de offrant une réponse satisfaisante à la question . De plus, dans le cas où est de degré impair sur , on dispose d’un autre résultat (théorème 1) particulièrement simple à mettre en application.
Ces théorèmes sont illustr s num riquement dans le §5 o l’on d termine explicitement l’ensemble des nombres premiers exceptionnels de plusieurs courbes elliptiques.
On s’int resse galement dans ce travail la question suivante.
Question 2. Soient un corps de nombres et un ensemble infini de courbes elliptiques définies sur tels que pour toute courbe de l’ensemble , soit fini. Peut-on trouver une constante uniforme telle que pour toute courbe elliptique appartenant à , la représentation soit irréductible dès que ?
Dans le cas où est l’ensemble de toutes les courbes elliptiques sans multiplication complexe définies sur , cette question est une étape (importante) vers la résolution de la question uniforme de Serre (voir [BP08] pour plus de détails et de nouvelles avancées). Lorsque et est l’ensemble de toutes les courbes elliptiques définies sur , Mazur a montré ([Maz78]) que tel est le cas avec . Dans le cas où est l’ensemble des courbes semi-stables, Kraus a obtenu des résultats uniformes et effectifs pour différentes familles corps de nombres, notamment les corps quadratiques et cubiques ([Kra96, Kra07]). Dans ce travail, on généralise aux corps de nombres plusieurs r sultats connus sur (prop. 1.1 et 1.2). On obtient ainsi quelques réponses dans la direction de la question pour des ensembles de courbes elliptiques ayant mauvaise r duction additive en une place finie de et un « d faut de semi-stabilit » particulier. Ces r sultats sont particuli rement utiles d’un point de vue num rique et sont illustr s au §5.
1 Énoncés des résultats
1.1 Une loi utile
On note le sous-ensemble de constitu des polyn mes unitaires ne s’annulant pas en . L’application
o d signe le r sultant par rapport la variable , d finit une loi de mono de commutatif sur d’ l ment neutre (lemme 3.1). De plus, les racines complexes de sont exactement les produits d’une racine de par une racine de , compt es avec multiplicit s (loc. cit.). Concr tement, si
alors, on a .
Étant donnés et , on convient de noter
Par ailleurs, soient et . Il existe alors un unique polyn me tel que
o (lemme 3.2). Les racines complexes de sont exactement les puissances -i mes des racines complexes de compt es avec multiplicit s. Autrement dit, si
Enfin, l’application est un morphisme de mono des pour la loi .
1.2 R sultats
On énonce deux résultats dans la direction de la question et deux dans la direction de la question que l’on illustre dans le §5 sur des exemples concrets.
On fixe un corps de nombres contenu dans et une courbe elliptique définie sur . On note le degr de sur , son discriminant, son anneau d’entiers, son nombre de classes et la norme de l’extension .
Soit un idéal premier de en lequel a bonne réduction. On pose
où est le cardinal du corps résiduel et
avec le nombre de points sur le corps de la réduction de en .
Soit un nombre premier et
la d composition de en produit d’id aux premiers de . On suppose que a bonne r duction en chaque id al premier au-dessus de . Par abus de langage, on dit alors que a bonne réduction en . Dans ce cas, on associe (on rappelle que et sont fix s) un polyn me coefficients entiers dont certaines valeurs sp ciales vont permettre de d terminer essentiellement l’ensemble . Pr cis ment, on pose :
(1) |
o , d’une part le produit , pris au sens de la d finition du §1.1, porte sur tous les id aux premiers de divisant et, d’autre part les exposants renvoient la notation adopt e galement au § pr c dent. Ce polyn me ne d pend que de la famille de triplets d’entiers o . Ses racines complexes sont de module (lemme 3.4). On consid re alors l’entier (essentiel dans la suite) :
o d signe la partie enti re de .
Dans la direction de la question de l’Introduction, on montre le crit re suivant.
Th or me 1
Soit un nombre premier exceptionnel pour . Alors, on est dans l’une des situations suivantes :
-
1.
divise ;
-
2.
il existe un id al premier de divisant en lequel a mauvaise r duction additive avec potentiellement bonne r duction supersinguli re.
-
3.
pour tout nombre premier de bonne r duction, le nombre premier divise l’entier (si , on suppose ).
Supposons que soit donn e par une quation de Weierstrass coefficients dans l’anneau de discriminant . On d duit du th or me 1 le corollaire suivant.
Corollaire 1.1
Soit un nombre premier exceptionnel pour . Alors, on est dans l’une des situations suivantes :
-
1.
divise ;
-
2.
pour tout nombre premier de bonne r duction, le nombre premier divise l’entier (si , on suppose ).
Les racines complexes de tant de module (lemme 3.4), on a en particulier :
On d duit alors du th or me 1 le corollaire suivant.
Corollaire 1.2 (cas du degr impair)
On suppose que l’extension est de degr impair. Alors, l’ensemble des nombres premiers exceptionnels pour est fini. De plus, si un nombre premier exceptionnel pour , alors, pour tout nombre premier de bonne r duction, le nombre premier divise l’entier non nul
Remarque. Plus g n ralement, on d montre partir de la proposition 2.2 et de r sultats classiques de la th orie de la multiplication complexe que les propri t s suivantes sont quivalentes :
-
1.
le corps ne contient pas le corps de classes de Hilbert d’un corps quadratique imaginaire;
-
2.
pour toute courbe elliptique d finie sur , l’ensemble est fini.
La situation est plus compliqu e dans le cas des extensions de degr pair. Bien que le critère du théorème 1 ci-dessus s’applique toujours (cf. §5.3), on n’a plus la garantie, pour une courbe ayant un ensemble exceptionnel fini, qu’il existe un nombre premier de bonne réduction pour lequel l’entier soit non nul (comme le montre l’exemple 5.8). L’énoncé plus général ci-dessous permet de contourner cette difficulté et constitue notre résultat principal en direction de la question .
Th or me 2
Soit un nombre premier exceptionnel pour . Alors, on est dans l’une des situations suivantes :
-
1.
divise ;
-
2.
il existe un id al premier de divisant en lequel a mauvaise r duction additive avec potentiellement bonne r duction supersinguli re.
-
3.
pour tout idéal premier de bonne r duction, le nombre premier divise l’entier
où et est le polynôme minimal de sur (si , on suppose que ne divise pas ).
De plus, si est sans multiplication complexe sur , alors pour une infinité d’idéaux premiers .
Dans la direction de la question de l’Introduction, on g n ralise aux corps de nombres plusieurs r sultats connus sur . Soit un id al premier de de caract ristique r siduelle . On a
o est le degr r siduel de . On suppose que a mauvaise r duction additive en avec potentiellement bonne r duction. Alors, pour tout nombre premier tel que , l’action de , sous-groupe d’inertie en , sur se fait par l’interm diaire d’un certain quotient fini de ([ST68]) :
On a alors les deux résultats suivants. Ceux-ci sont connus pour et ont été utilisés par Serre dans [Ser72, §5] pour traiter des exemples numériques.
Proposition 1.1
On suppose que le groupe n’est pas cyclique. Alors, la représentation est irréductible pour tout nombre premier .
Proposition 1.2
On suppose que pour tout entier , l’ordre du groupe ne divise pas . Alors, la représentation est irréductible pour tout nombre premier tel que .
Remarque. Si , on peut remplacer l’hypoth se par : l’ordre du groupe ne divise pas .
Comme corollaires des propositions ci-dessus, on obtient les résultats suivants dans le cas où divise ou .
Corollaire 1.3
On suppose que divise et que l’une des conditions suivantes est satisfaite :
-
1.
le groupe est d’ordre ou ;
-
2.
le groupe est d’ordre ou et le degré résiduel est impair.
Alors, la représentation est irréductible pour tout nombre premier .
Lorsque divise , l’ tude faite dans [Bil09] permet parfois de calculer l’ordre du groupe directement partir de la valuation de l’invariant modulaire de ([Bil09, th. 1]). Si est une extension quadratique de (ou plus g n ralement si le degr sur du compl t de en est ), le th or me [Bil09, th. 2] et [Cal04] fournissent en toute g n ralit l’ordre du groupe en fonction des coefficients d’une quation de Weierstrass de .
Remarque. La condition de parit dans le corollaire pr c dent est n cessaire. En effet, soient l’extension de engendr e par une racine du polyn me
et la courbe elliptique d finie sur par l’ quation
Alors, le degr r siduel de en l’unique id al de divisant , est et la courbe a un d faut de semi-stabilit d’ordre en . Pour autant la repr sentation est réductible car correspond au sous-corps de laiss fixe par le stablilisateur dans d’un sous-groupe d’ordre de ([KO92, p. 273]).
Lorsque divise , on a le corollaire suivant.
Corollaire 1.4
On suppose que divise et que l’une des conditions suivantes est satisfaite :
-
1.
le groupe est d’ordre ;
-
2.
le groupe est d’ordre et le degré résiduel est impair.
Alors, la représentation est irréductible pour tout nombre premier .
2 Rappels
Dans toute cette section, on fixe un corps de nombres contenu dans et une courbe elliptique définie sur . Soit un nombre premier exceptionnel. Le groupe poss de alors une droite stable par . Notons le caract re donnant l’action de sur . On l’appelle caract re d’isog nie associ . Dans une base convenable de sur , la repr sentation est repr sentable matriciellement par
o et s’interpr tent comme des caract res de valeurs dans . On a
(2) |
o est le caract re donnant l’action de sur les racines -i mes de l’unit (caract re cyclotomique).
La représentation se factorise à travers le groupe de Galois de l’extension , où est le corps engendré sur par les coordonnées des points de -torsion de . On note encore , , et les morphismes passés au quotient.
Soit est un idéal premier de . On note un sous-groupe d’inertie en de . Si a bonne réduction en et ne divise pas , l’extension est non ramifiée en par le critère de Néron-Ogg-Shafarevich. On note une subsitution de Frobenius en de (bien définie à conjugaison près).
Le résultat suivant est bien connu (c.f. [Sil92, Th.2.4]) et intervient de façon cruciale dans la démonstration des théorèmes 1 et 2.
Proposition 2.1 (Hasse – Weil)
Soit est un idéal premier de en lequel a bonne réduction. Les racines complexes de sont de module . En particulier, on a
Si de plus ne divise pas , le polynôme caractéristique de est . En particulier, on a
2.1 L’ensemble
L’objectif de ce § est de d montrer le r sultat suivant.
Proposition 2.2
Les conditions suivantes sont quivalentes :
-
1.
la courbe n’a pas de multiplication complexe sur (i.e. );
-
2.
l’ensemble est fini.
Démonstration. L’implication r sulte du th or me de Šafarevič sur la finitude des classes de -isomorphisme de courbes elliptiques -isog nes une courbe donn e ([Sil92, IX §6]). Elle est due Serre et d montr e dans [Ser68, IV-9].
R ciproquement, si a des multiplications complexes sur (i.e. est de rang comme -module), alors
et contient le corps quadratique imaginaire . Soit un nombre premier d compos dans . On a
o est l’anneau des entiers de . Alors, l’ensemble des points de annul s par les l ments de est d fini sur et d’ordre ([Lan87, ch.9 §4]). On en d duit que l’ensemble est infini.
2.2 Ramification et caractère d’isogénie
On suppose que est un nombre premier exceptionnel pour . Le résultat suivant se déduit de l’étude de la restriction de aux sous-groupes d’inertie de telle qu’elle est faite, par exemple, dans [Ser68, IV], [Ser72, §§1.11-1.12] et [Kra97] (voir également [Dav08, §1] pour une discussion similaire).
Proposition 2.3
Supposons non ramifi dans .
-
1.
Le caract re est non ramifi en dehors des id aux premiers de divisant .
-
2.
Soit un id al de divisant . On suppose que n’a pas mauvaise r duction additive en avec potentiellement bonne r duction de hauteur (supersinguli re). Alors, il existe un entier tel que
Remarques.
-
1.
Dans une base convenable, la repr sentation sur les points de -torsion de la courbe est repr sentable matriciellement par
Autrement dit, d’apr s l’ galit (2), on peut toujours, si on le souhaite, remplacer la famille par la famille .
-
2.
On peut montrer en utilisant la description locale de donn e dans la proposition [Kra97, prop.] que si divise et a mauvaise réduction additive en avec potentiellement bonne réduction supersingulière, alors il existe un entier tel que
-
3.
Dans sa thèse ([Dav08]), A. David démontre que si ne contient pas le corps de classes de Hilbert d’un corps quadratique imaginaire, il existe alors une constante effective , ne dépendant que de (et donc pas de ) telle que si , on a pour tout idéal premier de divisant (voir également [Mom95]). Nous n’utiliserons pas ces résultats.
2.3 Théorie du corps de classes et caractère d’isogénie
On reprend les hypothèses et notations précédentes. En particulier, est un nombre premier non ramifi dans et on suppose que pour tout id al premier de divisant , n’a pas mauvaise r duction additive en avec potentiellement bonne r duction de hauteur . Étant donn un id al premier de au-dessus de , on d signe par
le morphisme norme. L’objectif de ce paragraphe 2.3 est de d montrer la proposition ci-dessous, cruciale dans la démonstration des th. 1 et 2. Elle figure galement sous une forme l g rement diff rente dans la th se de David ([Dav08, prop. 2.2.1]) ainsi que dans l’article [Mom95, lem. 1] de Momose (sous l’hypothèse que est galoisienne).
Proposition 2.4
Soit premier à et la décomposition de en produit d’idéaux premiers de . On suppose que pour tout id al premier de divisant , a bonne r duction en . Alors, on a :
où est défini à la proposition 2.3.
2.3.1 Un lemme de la th orie du corps de classes.
Soient l’extension de trivialisant le caractère et le groupe de racines -i mes de l’unit dans . D’apr s l’accouplement de Weil, on a . Donc est une sous-extension abélienne de . On note le groupe des idèles de et
le morphisme de réciprocité global donné par la théorie du corps de classes. Il est surjectif et son noyau contient les idèles principales.
Soit une place de . On note le complété de en et on identifie un sous-corps de . On d signe par
la composée de l’injection de dans par le morphisme de réciprocité global.
Si est un idéal premier de de bonne réduction ne divisant pas , on rappelle que l’extension est non ramifiée en . La restriction à d’une substitution de Frobenius en du groupe (bien définie à conjugaison près) est unique. On la note encore . De même, on note encore (resp. ) la restriction du caractère cyclotomique (resp. d’isogénie) à .
Le lemme suivant regroupe plusieurs r sultats classiques de la th orie du corps de classes qui seront utiles la d monstration de la proposition 2.4. La d monstration du troisi me point est tir e de [Kra07, App. 1 prop. 1].
Lemme 2.1
Soit une place de .
-
1.
Si est une place infinie de , on a .
-
2.
Si est une place finie de ne divisant pas , on a , où est le groupe des unités de l’anneau d’entiers du corps . Si de plus, divise , alors , o est une uniformisante de .
-
3.
Si est une place finie de divisant , alors appartient au sous-groupe d’inertie en de et on a
Démonstration. Soit une place de . On distingue trois cas.
-
1.
Supposons que soit une place infinie de . Soit l’extension de trivialisant le caractère ,
le morphisme de réciprocité global donné par la théorie du corps de classes et
L’image de l’application est d’ordre . Par ailleurs, l’image par d’un élément de ne dépend que de sa restriction à . D’où :
puis
D’o le r sultat.
-
2.
Supposons que soit une place finie de ne divisant pas . Alors, d’apr s [Neu86], l’image par de est un sous-groupe d’inertie en de l’extension . Or celle-ci est non ramifi e en d’apr s le critère de Néron-Ogg-Šafarevič. D’o l’ galit
Si de plus divise alors a bonne r duction en par hypothèse et d’apr s [Neu86], l’image par de est la substitution de Frobenius en de l’extension . Autrement dit, .
-
3.
Supposons que soit une place finie de divisant . On note une cl ture alg brique de . Comme est non ramifi dans , on identifie l’extension non ramifi e de contenue dans dont le degr sur est le degr r siduel de sur . On note la cl ture ab lienne de dans , la cl ture ab lienne de dans ,
le morphisme de r ciprocit local en et
le morphisme de restriction. D’apr s la compatibilit entre la th orie du corps de classes locale et globale, on a, pour tout ,
(3)
Cela termine la d monstration du lemme 2.1.
2.3.2 D monstration de la proposition 2.4.
L’entier est non nul car premier à . L’image par le morphisme de réciprocité global de l’idèle principale est triviale :
(4) |
Si est une place infinie de , alors d’après le lemme 2.1, on a
(5) |
Si est une place finie de ne divisant ni , ni , alors . D’après loc. cit. on a donc .
Si est une place finie de divisant . Alors, , où est une uniformisante de et . D’après loc. cit. on a donc , puis
(6) |
Si est une place finie de divisant , alors d’après loc. cit., appartient au sous-groupe d’inertie en de et on a
Or, d’après la proposition 2.3, on a
On en déduit que l’on a
(7) |
D’après les égalités (4)–(7) ci-dessus, on a
Cela démontre la proposition 2.4.
3 Démonstrations des théorèmes 1 et 2
Soient un corps de nombres contenu dans , une courbe elliptique définie sur et un nombre premier exceptionnel pour . On suppose , non ramifi dans et pour tout id al premier de divisant , n’a pas mauvaise r duction additive en avec potentiellement bonne r duction de hauteur .
Avant de démontrer les théorèmes 1 et 2, on commence par définir pour tout anneau int gre , une loi de monoïde commutatif sur un sous-ensemble de et par en étudier les propriétés utiles.
3.1 Loi de mono de
Soit un anneau int gre de corps des fractions et une cl ture alg brique de . On note le sous-ensemble de constitu des polyn mes unitaires ne s’annulant pas en .
Lemme 3.1
L’application
a une image contenue dans . Elle d finit une loi de mono de commutatif sur d’ l ment neutre . De plus, si , s’ crivent
dans , on a
En particulier,
Démonstration. Il s’agit de v rifier que pour tout , et , on a
-
1.
;
-
2.
;
-
3.
;
-
4.
.
On suppose que le polyn me s’ crit
Alors,
et (car ). Par d finition du r sultant de deux polyn mes ([Bou81, A IV.71 §6 D f. 1]), on a donc . Par ailleurs, sur , on a
et d’apr s [Bou81, A IV.75 §6 Cor. 1],
Or, , donc
C’est la formule de l’ nonc . On en d duit que l’on a :
-
—
, donc ;
-
—
;
-
—
;
De plus, les polyn mes et ont les m mes racines dans compt es avec multiplicit s. Comme ils sont unitaires, ils sont gaux. D’o le lemme.
Lemme 3.2
Soient et . Il existe un unique polyn me tel que
(8) |
o . L’application est un morphisme de mono des pour la loi . De plus, si se factorise sur de la fa on suivante
(9) |
Démonstration. Soit . L’unicit d’un polyn me v rifiant la relation (8) est imm diate. Posons
et une racine -i me de l’unit dans . V rifions alors qu’il existe bien un polyn me de satisfaisant l’ galit (8) :
d’apr s [Bou81, A IV.75 §6 Cor. 1] | |||
Or, on a . D’o
Autrement dit,
o l’on a pos
Cela d montre qu’il existe bien un polyn me de satisfaisant l’ galit (8) et qu’il est donn par la formule (9). Par ailleurs, d’apr s le lemme 3.1, on a et comme est unitaire, on a . On en d duit que l’application est bien d finie.
V rifions enfin qu’il s’agit bien d’un morphisme de mono des. On a . Soient et dans . D’apr s le lemme 3.1 et la formule (9), les polyn mes et ont les m mes racines dans compt es avec multiplicit s. Ils sont donc gaux. D’o le lemme 3.2.
Lemme 3.3
Soient et deux anneaux int gres et un morphisme d’anneaux. L’ensemble
est stable pour la loi . L’application induit un morphisme de mono des (encore not )
Soient et . Alors, et on a .
Démonstration. D’apr s le lemme 3.1, si , , on a et
D’o
car , et est int gre. Donc est bien un sous-ensemble de stable pour la loi . On a et la relation
r sulte de la d finition du r sultant de deux polyn mes ([Bou81, A IV.72 §6]) en termes de d terminant de Sylvester.
Soient et . Alors, d’apr s le lemme 3.2, on a et
car et est int gre. D’o . De plus, d’apr s la formule (8) et la d finition du r sultant de deux polyn mes ([Bou81, A IV.72 §6]), on a
D’o l’ galit et le lemme 3.3.
Remarque. D’apr s le lemme ci-dessus, l’application de r duction induit un morphisme de mono des
En particulier, pour tout , .
3.2 Démonstration du théorème 1
Soit un nombre premier tel que ait bonne réduction en tout idéal premier de divisant . Il s’agit de montrer que divise .
3.2.1 Le polynôme
Soit la d composition de l’id al en produit d’id aux premiers de . On note le cardinal de l’ensemble . On rappelle que a par hypoth se bonne r duction en tout id al premier de divisant . Le polyn me donn par la formule (1) est alors bien d fini et coefficients entiers.
Lemme 3.4
Le polyn me appartient et v rifie :
(10) |
Ses racines complexes sont de module . Si de plus , alors et on a
Démonstration. Pour tout , le polyn me est unitaire, coefficients entiers et on a (prop. 2.1) :
En particulier, . D’apr s les lemmes 3.1 et 3.2, le polyn me est bien d fini (la loi est associative) et ind pendant de l’ordre des id aux premiers dans la d composition de dans (la loi est commutative). De plus, appartient .
Soient de degr s respectifs . On montre par r currence sur , partir de la formule pour du lemme 3.1 que l’on a
De plus, d’apr s le lemme 3.2, pour tout et tout entier , on a
Comme pour tout id al , on a , on en d duit
D’o la formule car .
Par ailleurs, d’apr s la proposition 2.1, les racines complexes de sont de module . Donc, d’apr s le lemme 3.2, celles de sont de module . D’apr s le lemme 3.1, celles de sont de module
Supposons pr sent . Alors, d’apr s la formule (10), on a . D’apr s la proposition 2.1, on a
Donc d’apr s le lemme 3.2, on a :
(11) |
Puis,
D’o le lemme 3.4.
3.2.2 Fin de la d monstration du th or me 1
Supposons . Alors, pour , par d finition de , il existe un entier tel que divise . D’o divise car d’apr s le lemme 3.4 :
Supposons . D’apr s la proposition 2.4 appliquée à , on a :
(12) |
Or, par d finition on a
o . D’o
(13) |
Or, d’apr s la proposition 2.3 et on pose
de sorte que
(14) |
Comme est non ramifi dans , on a
(15) |
Or, d’apr s la remarque 2.2 suivant la proposition 2.3, on peut toujours, si on le souhaite, remplacer la famille par la famille , donc on peut supposer que l’on a :
Autrement dit, d’apr s les galit s (14) et (15)
soit encore
D’apr s les galit s (13) et (14) on a
(16) |
Par ailleurs, d’apr s le lemme 3.4, on a . Donc, d’apr s les galit s (12) et (16), il vient , c’est- -dire
D’o le th or me 1.
3.3 Démonstration du théorème 2
Soit un idéal premier de bonne réduction, un générateur de et son polynôme minimal sur . On commence par un lemme préliminaire.
Lemme 3.5
Le polynôme appartient à et vérifie pour divisant
Démonstration. Le polynôme est irréductible et unitaire. Il appartient donc à et il en va de même pour d’après le lemme 3.2. Par définition, on a
et
Or, le polynôme est à coefficients dans , d’où . On en déduit donc avec les lemmes 3.1 et 3.2 que l’on a :
Puis avec le lemme 3.3, il vient
car . D’où le lemme.
Démontrons à présent le théorème 2. Supposons que divise . Alors, est une racine commune de et modulo . Donc divise l’entier et par suite, si , divise .
Supposons que ne divise pas . Alors, d’après la proposition 2.4 appliquée à , on a
(17) |
Or, d’après le lemme 3.5, on a
On en déduit donc avec le lemme 3.1 que l’on a
puis avec l’égalité (17) ci-dessus et le lemme 3.3,
où l’on a posé
Comme au §3.2.2, on peut supposer . Par ailleurs, est une racine de . On en déduit donc que divise et par suite, divise . Cela démontre la première partie du théorème 2. Il reste à voir que si est sans multiplication complexe sur , alors pour une infinité de .
Supposons . Alors, il existe une racine complexe de telle que soit racine de pour un certain entier . C’est impossible pour car . On a donc (et par suite ) et s’écrit comme un produit de conjugués de élevés à la puissance . Notons le corps engendré par . C’est une extension de degré au plus de . On distingue deux cas :
-
1.
soit et alors est inclus dans , la clôture galoisienne de dans ; en particulier, est non ramifié en dehors des premiers divisant .
-
2.
Soit et alors
est une racine -ième de l’unité contenue dans . C’est donc une racine primitive -ième, -ième, -ième ou -ième de l’unité et l’on a :
-
(a)
soit , et ;
-
(b)
soit , et ou ;
-
(c)
soit ou (avec ), , donc est pair et ;
-
(d)
soit ou (avec ), , donc et est impair. On en déduit ;
-
(e)
soit ou , , donc et est impair. On en déduit et .
On en déduit que dans ce cas la courbe a réduction supersingulière en et que le corps est non ramifié en dehors de .
-
(a)
Autrement dit, on a montré que si , alors le corps est non ramifié en dehors des nombres premiers divisant . Or, d’après un résultat de Serre ([Ser68, IV-14(d)]), on sait que si est sans multiplication complexe sur , alors pour tout ensemble fini de nombres premiers, il existe une infinité d’idéaux premiers tels que soit ramifié en tout nombre premier appartenant à . Compte-tenu de l’étude précédente, on en déduit qu’il existe une infinité d’idéaux premiers pour lesquels on a . Cela achève la démonstration du théorème 2.
4 Bornes uniformes
4.1 Démonstration de la proposition 1.1
Soit un idéal premier de tel que le sous-groupe soit non cyclique. Compte-tenu de la structure des groupes , l’idéal premier a n cessairement caract ristique r siduelle ou ([Ser72, §]) et ou (resp. ) si (resp. ). L’irr ductibilit de r sulte alors du lemme 4.1 ci-dessous et du fait que se plonge dans (car et , [Ser72, §]).
Notation 1
On rappelle qu’un sous-groupe maximal de stabilisant une droite de est appelé sous-groupe de Borel.
Lemme 4.1
Soit un sous-groupe de . On suppose non ab lien fini. Si ne divise pas l’ordre de , alors ne se plonge pas dans un sous-groupe de Borel de .
Démonstration. Supposons qu’il existe un morphisme injectif de dans un sous-groupe de Borel de . Dans une base convenable de sur , est repr sentable matriciellement par le Borel standard
Il contient alors le sous-groupe d’ordre engendr par l’ l ment
C’est un sous-groupe distingu de . Comme l’ordre de est premier , le morphisme compos
est injectif. Par ailleurs, est ab lien. D’o une contradiction car est suppos non ab lien.
4.2 Démonstration de la proposition 1.2
Soient un nombre premier exceptionnel et un id al premier de de caract ristique r siduelle en lequel a mauvaise r duction additive avec potentiellement bonne r duction. On souhaite montrer qu’il existe un entier tel que l’ordre du groupe divise .
Vu la th orie du corps de classes, le caract re s’interpr te comme un homomorphisme
o est le conducteur de et le corps de classes de rayon . Alors, le caract re est ramifi en (cf. [Ser72, §§ 1.12 et 5.6]) et on a une factorisation du type
L’ordre du groupe divise l’indice de ramification en de l’extension . Or l’extension intermédiaire est non ramifiée en . Donc l’ordre de divise le cardinal du groupe . Notons (resp. ) le cardinal du groupe (resp. ). Alors, d’apr s [Coh00, cor.], on a
o (resp. ) d signe le sous-groupe du groupe des unit s de qui sont congrues modulo (resp. ) au sens de [Coh00, Def.]. Or, comme divise , l’indice de dans divise celui de . Donc, l’ordre de divise et il en va de même en particulier pour l’ordre de . D’o la proposition 1.2.
4.3 Démonstration des corollaires 1.3 et 1.4
5 Exemples num riques
L’objet de cette section est de déterminer explicitement, pour certaines courbes elliptiques d finies sur des corps de nombres , l’ensemble et d’illustrer ainsi chacun des résultats du §1.
5.1 Strat gie
On traite successivement des courbes définies sur des corps quadratiques, puis une sur un corps cubique et enfin une dernière sur un corps biquadratique. Pour la plupart d’entre elles, on commence par d terminer son type de r duction en chaque id al premier. Si pour l’un d’entre eux, on est dans un cas d’application des « r sultats uniformes » (prop. 1.1 et 1.2 et cor. 1.3 et 1.4) du §1, il ne reste plus alors traiter que le cas et ventuellement et o est un nombre premier . Sinon, on applique le crit re du th or me 1. On cherche alors un nombre premier de bonne r duction pour lequel soit non nul. Si est impair, c’est automatique (cor. 1.2). Si est pair, l’existence d’un tel nombre premier n’est malheureusement pas garantie comme le montre l’exemple 5.8. Cependant dans le cas quadratique (), cela ne pose aucun probl me d’en trouver un dans la pratique.
Apr s quelques it rations, on obtient alors un ensemble tr s restreint de nombres premiers contenant , et les premiers ramifi s dans le corps. On traite ensuite « la main » ceux qui restent. Soit on trouve un id al premier de bonne r duction ne divisant pas tel que soit irr ductible modulo et alors n’est pas exceptionnel, soit on montre que poss de un sous-groupe stable d’ordre et alors est exceptionnel.
5.2 Notations
La courbe est donnée sous forme d’une équation de Weierstrass
avec . On adopte les notations standard de Tate ([Tat75]). Pour chaque idéal premier de , on note la valuation en de normalisée par .
Étant donn un nombre premier , on note l’ensemble des
diviseurs premiers de . Lorsque est définie sur un corps quadratique, on dispose
de deux programmes pari
, disponibles l’adresse :
http://people.math.jussieu.fr/~billerey/
.
appelés, TraceOfFrobenius
et ExceptionalPrimes
, permettant respectivement de calculer la famille et de d terminer l’ensemble (et aussi l’entier ).
5.3 Les polynômes dans le cas quadratique
On suppose que est un corps quadratique, i.e. . Pour un de bonne réduction, on a alors et (lemme 3.4). La proposition suivante donne une description explicite des polynômes et de la condition . On rappelle au pr alable que pour tout entier , il existe un unique polyn me appartenant tel que pour tout nombre r el , on ait . Le polyn me s’appelle le -i me polyn me de Tchebychev (de premi re esp ce). On a en particulier,
et .
Proposition 5.1
On suppose quadratique. Soit nombre premier de bonne r duction. On est dans l’une des situations suivantes.
-
1.
Soit est ramifi dans , et on a
En particulier, on a
Ainsi si et seulement si , c’est- -dire si et seulement si a bonne réduction supersingulière en .
-
2.
Soit est inerte dans , et on a
En particulier, on a
Ainsi si et seulement si , c’est- -dire si et seulement si a bonne réduction supersingulière en .
-
3.
Soit est d compos dans , et on a
En particulier, on a
Ainsi si et seulement si l’une des conditions suivantes est satisfaite :
Démonstration. La preuve de cette proposition repose sur la proposition 2.1 ainsi que sur les relations de récurrence entre polynômes de Tchebychev. Elle n’est pas difficile. On ne traite que le cas où est inerte, les autres étant analogues. Supposons donc inerte dans avec et posons
D’apr s la prop. 2.1, on a . Posons donc avec . D’apr s le lemme 3.1, on a
D’o
Or, et , d’o
On en d duit imm diatement
Or, on a . D’o la factorisation
car
et
On en d duit que l’on a si et seulement si , ou . Autrement dit, si et seulement si car .
5.4 Exemples
On illustre dans les exemples suivants chacun des résultats du §1.
Exemple 5.1
On suppose . On considère la courbe d’équation
Alors, .
Démonstration. On a
Or, est une unité de . En particulier, la courbe a bonne réduction en dehors de (l’idéal premier) . On a :
Donc a mauvaise réduction additive en . On note son d faut de semi-stabilit en . On a et . L’extension étant non ramifi en , on a d’après [Cal04], ou . Or, avec les notations de loc. cit. la condition (C2) n’est pas satisfaite. On en déduit que l’on a . Et, d’après le cor. 1.3, est irréductible pour tout nombre premier . La courbe a bonne r duction en l’id al premier et d’après le programme TraceOfFrobenius
, on a . D’o
Donc est également irréductible. La représentation , en revanche, est réductible car est un point d’ordre .
Exemple 5.2
On suppose . On considère la courbe d’équation
Alors, l’ensemble est vide.
Démonstration. On a
De plus, et ni , ni ne divisent . Donc la courbe a mauvaise r duction multiplicative en un id al premier au-dessus de et un id al premier au-dessus de . Le nombre premier est inerte dans et
Donc et d’apr s [Cal04], on a , ou . Comme par ailleurs,
la condition (C3) de loc. cit. est satisfaite avec et ou (en fait d’apr s loc. cit.). Puisque est pair, le cor. 1.3 ne s’applique pas. Cependant, en l’id al premier , on a
Donc a mauvaise r duction additive en avec potentiellement bonne r duction. Son d faut de semi-stabilit est d’ordre ([Ser72, p.312]). Or, ne divise pas . Donc, d’apr s la prop. 1.2, la repr sentation est irr ductible pour tout nombre premier et . Si d signe un id al divisant , alors a bonne r duction en et d’apr s le programme TraceOfFrobenius
, on a
Donc le polyn me est irr ductible modulo et . On en d duit le r sultat.
Exemple 5.3
On suppose . Pour tout entier , on considère la courbe d’équation
Supposons que l’on ait ou , o est l’unique id al de au-dessus de . Alors, l’ensemble est contenu dans .
Démonstration. On a
En particulier, , et
Donc a mauvaise r duction additive en avec potentiellement bonne r duction. Par ailleurs, est ramifi dans (donc est impair) et
Avec les notations de l’exemple pr c dent, lorsque ou , le corollaire 1.3 ne s’applique pas toujours. On traite ci-dessous un exemple dans le cas o .
Exemple 5.4
On suppose . On considère la courbe d’équation
(18) |
Alors, l’ensemble est vide.
Démonstration. On a
On a où et
Donc, d’après [Pap93], l’équation (18) correspond à un cas ou de Tate. En particulier, il est minimal en et a réduction additive en . Déterminons à présent l’ordre de son défaut de semi-stabilité en . On a et est une uniformisante de . De plus,
Donc, d’après [Bil09, th. 2], on a . On ne peut donc pas appliquer le cor. 1.3.
Notons l’idéal premier de engendré par . On a
d’o . L’équation (18) est minimale en et a mauvaise réduction additive en avec potentiellement bonne r duction. Son défaut de semi-stabilité est d’ordre (c.f. [Ser72, p.312]). Comme divise , la prop. 1.2 ne donne aucune majoration de . Par ailleurs, on a et d’apr s [Kra97, lem.1], n’a pas potentiellement bonne r duction de hauteur en .
Notons l’idéal premier de engendré par . La courbe a mauvaise réduction multiplicative en . En dehors de , et , la courbe a bonne réduction.
Vu l’étude précédente, aucun des résultats « uniformes » du §1 ne s’applique. Pour cette courbe, on a donc recours au critère du th. 1. Soit un nombre premier exceptionnel. D’après le programme TraceOfFrobenius
, on a
D’après le th. 1 appliquée à et , divise chacun des entiers et . Or, d’après le programme ExceptionalPrimes
, on a
et
D’o
Il ne reste donc plus qu’à traiter les cas , , et . Or, a bonne r duction en l’id al premier et d’apr s le programme TraceOfFrobenius
, on a
Donc est irréductible modulo , et . Et, si est un idéal premier au-dessus de , on a ou , et
Donc est irréductible modulo . On en déduit que est également irréductible pour , , et . D’où le résultat.
Exemple 5.5
On suppose et on pose
On considère la courbe d’équation
Alors, .
Démonstration. On v rifie que pour le mod le choisi, on a
En particulier, la courbe a bonne r duction en les id aux premiers divisant , , , et et d’apr s le programme TraceOfFrobenius
, on a
Soit un nombre premier exceptionnel n’appartenant pas l’ensemble
Alors, d’apr s le corollaire 1.1, on a en particulier
D’o , d’apr s le programme ExceptionalPrimes
,
Autrement dit, il ne reste plus qu’ traiter les cas o et . Or le polyn me est irr ductible modulo , et . De m me, est irr ductible modulo , modulo et modulo . Si d signe l’id al premier de au-dessus de tel que , alors est irr ductible modulo . On en d duit que et ne sont pas exceptionnels. En revanche est un nombre premier exceptionnel. En effet, la courbe modulaire param trisant les courbes elliptiques munies d’un sous-groupe stable d’ordre est de genre et un isomorphisme avec est donn par la fraction rationnelle suivante ([Mes80, §2.2]) :
On v rifie alors que l’on a . Cela montre que est exceptionnel et le r sultat annonc .
Exemple 5.6
On suppose et on pose
On considère la courbe d’équation
(19) |
Alors, la courbe a des multiplications complexes par le corps et .
Démonstration. On a
o est l’unit fondamentale de . On en d duit que
est entier de polynôme minimal sur
V rifions que a des multiplications complexes par l’ordre de de conduteur . En effet, il n’y a qu’un nombre fini de classes d’isomorphisme de courbes elliptiques ayant des multiplications complexes par un ordre de discriminant fixé. De plus, le polynôme minimal sur de l’invariant modulaire d’une telle courbe elliptique est
o désigne la fonction modulaire et parcourt l’ensemble des triplets d’entiers tels que la forme quadratique soit primitive positive réduite de discriminant ([Coh93, Th. 7.2.14]). Dans le cas o , on a exactement deux représentants des classes d’équivalence de telles formes quadratiques donnés par
On vérifie alors que l’on a
et
Cela tablit l’assertion.
Par ailleurs, d’apr s l’expression des coefficients , et ci-dessus, a r duction additive en l’id al et
En particulier, on a d’apr s [Kra90, th. 1], ou . Donc, d’apr s le cor. 1.4, la repr sentation est irr ductible pour tout nombre premier . Par ailleurs, la courbe modulaire param trisant les courbes elliptiques munies d’un sous-groupe stable d’ordre est de genre et un isomorphisme avec est donn par la fraction rationnelle suivante :
On v rifie alors que l’on a . Cela montre que est exceptionnel. On v rifie enfin que le point de coordonn es affines
est un point d’ordre de . En particulier, est exceptionnel. D’o le r sultat.
Remarque. Pour montrer la finitude de l’ensemble exceptionnel, on aurait pu appliquer directement le cor. 1.1 (au lieu du cor. 1.4) par exemple avec le nombre premier pour lequel .
Dans les deux derniers exemples suivants, on a utilisé magma
([BCP97]) pour calculer certains coefficients de la fonction de .
Exemple 5.7
On consid re le corps cubique cyclique de conducteur et la courbe d’équation
o est racine du polyn me . Alors, l’ensemble est vide.
Démonstration. On a et o est l’id al de engendr par . De plus, on v rifie que l’on a
et est une unit de . La courbe a mauvaise r duction multiplicative en les id aux premiers et . En l’id al premier , la courbe a mauvaise r duction additive avec potentiellement bonne r duction et . Donc, d’apr s [Kra90, th.1], on a ou . En l’id al premier , la courbe a mauvaise r duction additive avec potentiellement bonne r duction et
d’o et . Comme de plus
d’apr s [Cal04], on a . Partout ailleurs, la courbe a bonne r duction.
Vu l’étude précédente, aucun des résultats « uniformes » du §1 ne s’applique. Les nombres premiers , , et sont (totalement) d compos s dans et on v rifie que l’on a
Soit un nombre premier exceptionnel . D’apr s le th. 1, on a en particulier,
Il ne reste donc plus qu’ traiter les cas o ou . Or, si d signe un id al premier de au-dessus de , le polyn me est irr ductible modulo et . Par ailleurs, l’id al est premier et , donc le polyn me
est irr ductible modulo . On en d duit le r sultat annonc .
Exemple 5.8
On consid re et la courbe d’équation
où
Alors, .
Démonstration. La courbe a la propriété particulière d’être une -courbe, c’est-à-dire, d’être isogène à ses conjuguées galoisiennes. Plus précisément, c’est une -courbe (sans multiplication complexe) de conducteur dont tous les endomorphismes sont définis sur (cf. [GG10, ex. 13] et [GL01]). En les idéaux au-dessus de , elle a mauvaise réduction multiplicative. En particulier, aucun des résultats « uniformes » du §1 ne s’applique. Montrons à présent que le critère du th. 1 est lui aussi insuffisant pour traiter cette courbe. On doit montrer que pour tout nombre premier , l’entier est nul, autrement dit, que est racine de (lemme 3.4). D’après les propriétés de rappelées ci-dessus, on a pour tout couple d’idéaux premiers divisant . Or , donc si , se décompose en un produit de ou idéaux premiers. On a alors respectivement
Or, dans le premier cas, les racines complexes et de satisfont et dans le second, . On en déduit le résultat voulu dans ce cas. Par ailleurs, on vérifie que l’on a et
d’où la nullité de pour tout de bonne réduction. Pour cette courbe, on a donc recours au critère du th. 2. Le nombre de classes de est . On considère l’idéal premier au-dessus de engendré par une racine du polynôme . On a alors,
et
puis,
On en déduit que l’on a
On recommence ensuite ces mêmes calculs avec l’idéal premier au-dessus de engendré par une racine du polynôme . On a alors et
Après ces deux itérations du th. 2, on a donc montré l’inclusion
Notons respectivement, et un idéal premier au-dessus de et de . Alors, le polynôme est irréductible modulo et et le polynôme est irréductible modulo . De même, le polynôme ci-dessus est irréductible modulo . Enfin, et sont exceptionnels car ce sont les degrés des isogénies de vers ses trois conjuguées galoisiennes (loc. cit.). D’où le résultat.
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