Remarques sur une conjecture de Lang

Fabien Pazuki Fabien Pazuki
IMJ Université Paris 7
2, place de Jussieu
75 251 Paris Cedex 05, France
pazuki@math.jussieufr http ://www.math.jussieu.fr/ pazuki
Abstract.

The aim of this paper is to study a conjecture predicting a lower bound on the canonical height on abelian varieties, formulated by S. Lang and generalized by J. H. Silverman. We give here an asymptotic result on the height of Heegner points on the modular jacobian J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N), and we derive non-trivial remarks about the conjecture.

Résumé : Le but de cet article est d’étudier une conjecture de Lang énoncée sur les courbes elliptiques dans un livre de Serge Lang, puis généralisée aux variétés abéliennes de dimension supérieure dans un article de Joseph Silverman. On donne un résultat asymptotique sur la hauteur des points de Heegner sur J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N), lequel permet de déduire que la conjecture est optimale dans sa formulation.


1. La conjecture de Lang et Silverman

S. Lang a conjecturé dans [12] p. 92 une minoration de la hauteur de Néron-Tate d’une courbe elliptique, qu’on rappelle ici :

Conjecture 1.

(Lang) Pour tout corps de nombres k𝑘k, il existe une constante positive c(k)𝑐𝑘c(k) telle que pour toute courbe elliptique E𝐸E définie sur k𝑘k et tout point P𝑃P d’ordre infini de E(k)𝐸𝑘E(k) on ait :

h^(P)c(k)max{logNk/(ΔE),h(jE)},^𝑃𝑐𝑘subscriptN𝑘subscriptΔ𝐸subscript𝑗𝐸\widehat{h}(P)\geq c(k)\,\max\Big{\{}\log\mathop{\mathrm{N}_{k/\mathbb{Q}}}(\Delta_{E}),h(j_{E})\Big{\}},

h^(.)\widehat{h}(.) est la hauteur de Néron-Tate sur E𝐸E, Nk/(ΔE)subscriptN𝑘subscriptΔ𝐸\mathop{\mathrm{N}_{k/\mathbb{Q}}}(\Delta_{E}) la norme du disciminant minimal de la courbe E𝐸E et h(jE)subscript𝑗𝐸h(j_{E}) la hauteur de Weil logarithmique et absolue de l’invariant modulaire jEsubscript𝑗𝐸j_{E} de la courbe E𝐸E.

Remarque.

Dans cette conjecture il est équivalent de chercher une minoration du type h^(P)c(k)hF(E/k)^𝑃𝑐𝑘subscriptF𝐸𝑘\widehat{h}(P)\geq c(k)\,\mathop{h_{\mathrm{F}}}(E/k)hF(E/k)subscriptF𝐸𝑘\mathop{h_{\mathrm{F}}}(E/k) est la hauteur de Faltings (relative) de la courbe elliptique E𝐸E. Dans la formulation de la question qui figure dans [12], S. Lang ne faisait intervenir que le logarithme du discriminant.

Cette conjecture de Lang a été partiellement démontrée par M. Hindry et J. Silverman qui obtiennent dans [6], corollaire 4.2 (ii) de leur théorème 4.1 (p. 430 et 431), le résultat suivant :

Théorème 1.

(Hindry, Silverman) Soit k𝑘k un corps de nombres de degré d𝑑d. Soit E/k𝐸𝑘E/k une courbe elliptique de disciminant minimal ΔEsubscriptΔ𝐸\Delta_{E} et de conducteur FEsubscript𝐹𝐸F_{E}. On note σEsubscript𝜎𝐸\sigma_{E} le quotient de Szpiro défini par σE=logNk/(ΔE)/logNk/(FE)subscript𝜎𝐸subscriptN𝑘subscriptΔ𝐸subscriptN𝑘subscript𝐹𝐸\sigma_{E}=\log\mathop{\mathrm{N}_{k/\mathbb{Q}}}(\Delta_{E})/\log\mathop{\mathrm{N}_{k/\mathbb{Q}}}(F_{E}). Alors pour tout point PE(k)𝑃𝐸𝑘P\in{E(k)} d’ordre infini on a la minoration :

h^(P)(20σE)8d104σE112max{logNk/(ΔE),h(jE)}.^𝑃superscript20subscript𝜎𝐸8𝑑superscript104subscript𝜎𝐸112subscriptN𝑘subscriptΔ𝐸subscript𝑗𝐸\widehat{h}(P)\geq(20\sigma_{E})^{\displaystyle{-8d}}10^{\displaystyle{-4\sigma_{E}}}\frac{1}{12}\max\Big{\{}\log\mathop{\mathrm{N}_{k/\mathbb{Q}}}(\Delta_{E}),h(j_{E})\Big{\}}.

Ceci permet de conclure pour toute famille de courbes elliptiques pour lesquelles le quotient de Szpiro est borné uniformément. Une conjecture de Szpiro affirme que c’est en fait le cas de toutes les courbes elliptiques sur k𝑘k et entraîne donc la conjecture de Lang ci-dessus. La preuve de ce théorème repose sur l’existence d’une décomposition de la hauteur de Néron-Tate en somme de hauteurs locales bien normalisées.

J. Silverman avait démontré auparavant plusieurs cas particuliers de cette conjecture dans [23] et [22]. Par la suite S. David a publié une preuve de transcendance [2] offrant une constante c(d,σE)𝑐𝑑subscript𝜎𝐸c(d,\sigma_{E}) polynomiale inverse en d𝑑d et σEsubscript𝜎𝐸\sigma_{E}. On peut citer aussi l’article de M. Krir [11] qui explicite sur k=𝑘k=\mathbb{Q} d’une manière un peu différente ce résultat de minoration pour des familles de courbes elliptiques particulières. Plus récemment, une nouvelle constante polynomiale inverse a été obtenue par C. Petsche [20] par la technique de décomposition locale.

La conjecture sur les courbes elliptiques a ensuite été généralisée aux variétés abéliennes de dimension supérieure par J. Silverman dans [22] p. 396 :

Conjecture 2.

(Lang, Silverman) Soit g1𝑔1g\geq 1. Pour tout corps de nombres k𝑘k, il existe une constante positive c(k,g)𝑐𝑘𝑔c(k,g) telle que pour toute variété abélienne A/k𝐴𝑘A/k de dimension g𝑔g, pour tout diviseur ample et symétrique 𝒟Div(A)𝒟Div𝐴\mathcal{D}\in{\mathop{\mathrm{Div}}(A)} et tout point PA(k)𝑃𝐴𝑘P\in{A(k)} tel que P={mP|m}𝑃conditional-set𝑚𝑃𝑚\mathbb{Z}\!\cdot\!P=\{mP|m\in{\mathbb{Z}}\} soit Zariski-dense on ait :

h^A,𝒟(P)c(k,g)max{1,hF(A/k)},subscript^𝐴𝒟𝑃𝑐𝑘𝑔1subscriptF𝐴𝑘\widehat{h}_{A,\mathcal{D}}(P)\geq c(k,g)\,\max\Big{\{}1,\mathop{h_{\mathrm{F}}}(A/k)\Big{\}},

h^A,𝒟(.)\widehat{h}_{A,\mathcal{D}}(.) est la hauteur de Néron-Tate sur A𝐴A associée au diviseur 𝒟𝒟\mathcal{D} et hF(A/k)subscriptF𝐴𝑘\mathop{h_{\mathrm{F}}}(A/k) est la hauteur de Faltings (relative) de la variété abélienne A𝐴A.

Remarque.

Il y a plusieurs notions de hauteur d’une variété abélienne. L’énoncé de cette conjecture est plus fin avec la hauteur de Faltings (relative) comme minorant qu’avec la hauteur de Faltings stable notée hstsubscriptsth_{\mathrm{st}}. Rappelons de plus que la hauteur de Faltings stable est comparable à une hauteur modulaire, comme par exemple la hauteur thêta d’une variété abélienne.

Remarque.

On peut se demander s’il est possible de conjecturer encore mieux en imposant c(k,g)=c0𝑐𝑘𝑔subscript𝑐0c(k,g)=c_{0} une constante absolue. On va voir dans cet article que c’est impossible.

S. David a proposé une preuve partielle de cette conjecture généralisée, preuve basée sur un raisonnement de type transcendance (voir [1]) : il donne une borne inférieure pouvant tendre vers l’infini avec la hauteur (thêta) de la variété. Plus précisément il obtient le théorème :

Théorème 2.

(David) Soient g1𝑔1g\geq 1 un entier, k𝑘k un corps de nombres, v𝑣v une place archimédienne, (A,𝒟)/k𝐴𝒟𝑘(A,\mathcal{D})/k une variété abélienne principalement polarisée de dimension g𝑔g et τvsubscript𝜏𝑣\tau_{v} une matrice telle que A(k¯v)g/g+τvg𝐴subscript¯𝑘𝑣superscript𝑔superscript𝑔subscript𝜏𝑣superscript𝑔A(\bar{k}_{v})\cong\mathbb{C}^{g}/\mathbb{Z}^{g}+\tau_{v}\mathbb{Z}^{g}. On note Imτv=maxi,j|Imτv,ij|normImsubscript𝜏𝑣subscript𝑖𝑗Imsubscript𝜏𝑣𝑖𝑗||\mathop{\mathrm{Im}}\tau_{v}||=\max_{i,j}|\mathop{\mathrm{Im}}\tau_{v,ij}|. Posons : ρ(A)=hst(A)/Imτv.𝜌𝐴subscriptst𝐴normImsubscript𝜏𝑣\rho(A)=h_{\mathrm{st}}(A)/\parallel\mathop{\mathrm{Im}}\tau_{v}\parallel.

Alors il existe une constante c1(k,g)>0subscript𝑐1𝑘𝑔0c_{1}(k,g)>0 telle que, tout point PA(k)𝑃𝐴𝑘P\in{A(k)} vérifiant que .Pformulae-sequence𝑃\mathbb{Z}.P est Zariski-dense, on a :

h^A,𝒟(P)c1(k,g)ρ(A)4g2(logρ(A))4g1hst(A).subscript^𝐴𝒟𝑃subscript𝑐1𝑘𝑔𝜌superscript𝐴4𝑔2superscript𝜌𝐴4𝑔1subscriptst𝐴\widehat{h}_{A,\mathcal{D}}(P)\geq c_{1}(k,g)\rho(A)^{-4g-2}\Big{(}\log\rho(A)\Big{)}^{-4g-1}\,h_{\mathrm{st}}(A).

Cet énoncé implique donc l’inégalité cherchée pour les familles de variétés abéliennes vérifiant ρ(A,k)𝜌𝐴𝑘\rho(A,k) borné. D. Masser utilise d’ailleurs ces résultats dans [14] pour exhiber une famille de variétés abéliennes simples avec ρ𝜌\rho borné, famille vérifiant donc la conjecture de Lang et Silverman. On trouvera des énoncés plus récents traitant notamment de familles en dimension 2 dans le chapitre 2 de [19].

Applications.

Un résultat de minoration uniforme en la variété du type de l’énoncé de Lang et Silverman aurait des conséquences intéressantes pour plusieurs problèmes concernant les variétés algébriques. On se limitera ici à deux problèmes applicatifs, en direction desquels on trouvera dans la suite des énoncés partiels. Tout d’abord les techniques de preuve des résultats partiels en direction de l’inégalité de Lang et Silverman passent généralement par un raisonnement du type : “parmi les N𝑁N points distincts P1subscript𝑃1P_{1},…,PNsubscript𝑃𝑁P_{N}, il en existe un qui vérifie h^(Pi)>α^subscript𝑃𝑖𝛼\widehat{h}(P_{i})>\alpha ”. Si α𝛼\alpha est strictement positif, on déduit donc qu’il ne peut y avoir plus de N𝑁N points de hauteur nulle, ce qui procure une borne uniforme sur la torsion des variétés abéliennes considérées pour peu que N𝑁N soit uniforme. Le deuxième problème lié à ces minorations est l’obtention de bornes uniformes sur le nombre de points rationnels d’une courbe algébrique de genre g2𝑔2g\geq 2, en passant par l’étude de la variété jacobienne.

Nous réunissons ici des remarques concernant la conjecture 2. On montre en particulier qu’il est impossible de proposer une conjecture plus générale dans laquelle la constante de comparaison des hauteurs ne dépend pas du corps ou ne dépend pas de la dimension de la variété. On traite en détail le cas des jacobiennes de courbes modulaires J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N). Plus exactement on produit un équivalent de la hauteur de Néron-Tate d’un point de Heegner lorsque le niveau N𝑁N est grand, généralisant une démarche déjà présente dans [16]. Pour k𝑘k un corps de nombres dont l’anneau des entiers est noté 𝒪ksubscript𝒪𝑘\mathcal{O}_{k}, on note hksubscript𝑘h_{k} son nombre de classes, uksubscript𝑢𝑘u_{k} la moitié du cardinal de ses unités et ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} l’ensemble des entiers N𝑁N tels qu’il existe un point de Heegner associé à 𝒪ksubscript𝒪𝑘\mathcal{O}_{k} sur X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N). Cet ensemble peut aussi être défini par des congruences. Soulignons de plus qu’on imposera toujours aux entiers considérés dans ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} d’être premiers à 666 et sans facteur carré. Le résultat est le suivant :

Théorème 3.

Soit k𝑘k un corps quadratique dont le discriminant D𝐷D vérifie les conditions D<0𝐷0D<0 et D1(mod4)𝐷annotated1𝑝𝑚𝑜𝑑4D\equiv 1\pmod{4}. Soit Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k}, soit xDX0(N)subscript𝑥𝐷subscript𝑋0𝑁x_{D}\in X_{0}(N) un point de Heegner associé à k𝑘k et posons : cD=(xD)()subscript𝑐𝐷subscript𝑥𝐷c_{D}=(x_{D})-(\infty). Alors on a :

h^J0(N)(cD)hkuklog(N),similar-tosubscript^subscript𝐽0𝑁subscript𝑐𝐷subscript𝑘subscript𝑢𝑘𝑁\widehat{h}_{J_{0}(N)}(c_{D})\sim h_{k}u_{k}\log(N),

lorsque Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k} tend vers l’infini.

Notons g(N)𝑔𝑁g(N) la dimension de J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N). L’utilisation de l’équivalent (obtenu dans [10] grâce à des calculs de géométrie hyperbolique complexe) hst(J0(N))g(N)log(N)/3similar-tosubscriptstsubscript𝐽0𝑁𝑔𝑁𝑁3\mathop{h_{\mathrm{st}}}(J_{0}(N))\sim g(N)\log(N)/3 de la hauteur de Faltings stable de J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N) lorsque N𝑁N est grand et sans facteur carré permet, par comparaison des asymptotiques, de conclure au fait suivant :

Corollaire 1.

Soit k𝑘k un corps quadratique dont le discriminant D𝐷D vérifie les conditions D<0𝐷0D<0 et D1(mod4)𝐷annotated1𝑝𝑚𝑜𝑑4D\equiv 1\pmod{4}. Soit Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k}, soit xDX0(N)subscript𝑥𝐷subscript𝑋0𝑁x_{D}\in X_{0}(N) un point de Heegner associé à k𝑘k et posons : cD=(xD)()subscript𝑐𝐷subscript𝑥𝐷c_{D}=(x_{D})-(\infty). Notons g(N)𝑔𝑁g(N) le genre de X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N). Alors on a :

h^J0(N)(cD)3hkukg(N)hst(J0(N)),similar-tosubscript^subscript𝐽0𝑁subscript𝑐𝐷3subscript𝑘subscript𝑢𝑘𝑔𝑁subscriptstsubscript𝐽0𝑁\widehat{h}_{J_{0}(N)}(c_{D})\sim\frac{3h_{k}u_{k}}{g(N)}\mathop{h_{\mathrm{st}}}(J_{0}(N)),

lorsque Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k} tend vers l’infini.

Merci à l’arbitre de la publication qui par ses remarques précises a permis d’améliorer le texte en plusieurs endroits.

2. Points de Heegner et courbes modulaires

On s’intéresse dans cette partie aux jacobiennes de courbes modulaires et aux points particuliers que sont les points de Heegner sur ces jacobiennes.

Soit k𝑘k un corps quadratique imaginaire dont le discriminant D<0𝐷0D<0 est tel que D1(mod4)𝐷annotated1pmod4D\equiv 1\pmod{4} (D𝐷D sans facteur carré). On s’intéresse dans un premier temps à l’ensemble ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} des entiers N𝑁N tels qu’il existe un point de Heegner associé à k𝑘k sur la courbe modulaire X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N). On estime ensuite, pour de tels N𝑁N, la hauteur du point de Heegner sur la jacobienne J0(N)=Jac(X0(N))subscript𝐽0𝑁Jacsubscript𝑋0𝑁J_{0}(N)=\mathop{\mathrm{Jac}}(X_{0}(N)). On montre en étudiant les différents termes présents l’asymptotique du théorème 3, en notant hksubscript𝑘h_{k} le nombre de classes associées à k𝑘k et uksubscript𝑢𝑘u_{k} la moitié du nombre de ses unités.

On en déduit ensuite des conséquences sur la conjecture de Lang et Silverman et sur la torsion des jacobiennes de courbes modulaires.

2.1. Cadre général

2.1.1. La courbe modulaire X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N)

Soit ={z|Im(z)>0}conditional-set𝑧Im𝑧0\mathcal{H}=\{z\in\mathbb{C}\,|\,\mathop{\mathrm{Im}}(z)>0\} le demi-plan de Poincaré et ={}superscript\mathcal{H}^{*}=\mathcal{H}\cup\mathbb{Q}\cup\{\infty\}. Le groupe

Γ0(N)={(abcd)SL2()|c0(modN)}subscriptΓ0𝑁conditional-set𝑎𝑏𝑐𝑑𝑆subscript𝐿2𝑐annotated0pmod𝑁\Gamma_{0}(N)=\left\{\left(\begin{array}[]{cc}a&b\\ c&d\end{array}\right)\in SL_{2}(\mathbb{Z})\,\Big{|}\,c\equiv 0\pmod{N}\right\}

agit sur superscript\mathcal{H}^{*} et /Γ0(N)superscriptsubscriptΓ0𝑁\mathcal{H}^{\ast}/\Gamma_{0}(N) est une surface de Riemann compacte ; c’est la compactifiée de Y0(N):=/Γ0(N)assignsubscript𝑌0𝑁subscriptΓ0𝑁Y_{0}(N):=\mathcal{H}/\Gamma_{0}(N) laquelle paramètre les paires (Eτ,Gτ)subscript𝐸𝜏subscript𝐺𝜏(E_{\tau},G_{\tau})Eτ=/(+τ)subscript𝐸𝜏𝜏E_{\tau}=\mathbb{C}/(\mathbb{Z}+\tau\mathbb{Z}) est une courbe elliptique sur \mathbb{C} et Gτsubscript𝐺𝜏G_{\tau} est un sous-groupe de Eτ()subscript𝐸𝜏E_{\tau}(\mathbb{C}) cyclique d’ordre N𝑁N. Sur un corps de caractéristique 00 un point de Y0(N)subscript𝑌0𝑁Y_{0}(N) correspond à une paire (E,E)𝐸superscript𝐸(E,E^{\prime}) de courbes elliptiques munies d’une isogénie ϕ:EE:italic-ϕ𝐸superscript𝐸\phi:E\rightarrow E^{\prime} cyclique de degré N𝑁N.

Cela permet d’identifier /Γ0(N)superscriptsubscriptΓ0𝑁\mathcal{H}^{\ast}/\Gamma_{0}(N) à la courbe modulaire X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N) définie sur \mathbb{Q}.

2.1.2. Points de Heegner

Soit k𝑘k un corps quadratique imaginaire. Soit N𝑁N un entier premier au discriminant de k𝑘k. Le point x=(EE)X0(N)𝑥𝐸superscript𝐸subscript𝑋0𝑁x=(E\rightarrow E^{\prime})\in X_{0}(N) est appelé point de Heegner associé à k𝑘k lorsque les deux courbes elliptiques E𝐸E et Esuperscript𝐸E^{\prime} sont à multiplication complexe par 𝒪ksubscript𝒪𝑘\mathcal{O}_{k}.

On peut décrire les points de Heegner sur \mathbb{C} (on pourra se référer par exemple à [5] p. 235 et [4]) :

{(𝒜,𝐧),𝒜Clk,𝐧𝒪k,𝒪k/𝐧/N}formulae-sequence𝒜𝐧𝒜𝐶subscript𝑙𝑘formulae-sequence𝐧subscript𝒪𝑘subscript𝒪𝑘𝐧𝑁\displaystyle\Big{\{}(\mathcal{A},\mathbf{n}),\mathcal{A}\in Cl_{k},\mathbf{n}\subset\mathcal{O}_{k},\mathcal{O}_{k}/\mathbf{n}\cong\mathbb{Z}/N\mathbb{Z}\Big{\}} {xHeegnerX0(N)()}absentsubscript𝑥Heegnersubscript𝑋0𝑁\displaystyle\leftrightarrow\Big{\{}x_{\mathrm{Heegner}}\in X_{0}(N)(\mathbb{C})\Big{\}}
([𝐚],𝐧)delimited-[]𝐚𝐧\displaystyle([\mathbf{a}],\mathbf{n}) (/𝐚/𝐚𝐧1).absent𝐚superscript𝐚𝐧1\displaystyle\to(\mathbb{C}/\mathbf{a}\rightarrow\mathbb{C}/\mathbf{a}\mathbf{n}^{-1}).

La condition d’existence d’un point de Heegner est donc l’existence d’un idéal 𝐧𝒪k𝐧subscript𝒪𝑘\mathbf{n}\subset\mathcal{O}_{k} tel que 𝒪k/𝐧/Nsubscript𝒪𝑘𝐧𝑁\mathcal{O}_{k}/\mathbf{n}\cong\mathbb{Z}/N\mathbb{Z}. Un tel idéal existe si et seulement s’il existe β/2N𝛽2𝑁\beta\in\mathbb{Z}/2N\mathbb{Z} vérifiant β2D(mod4N)superscript𝛽2annotated𝐷pmod4𝑁\beta^{2}\equiv D\pmod{4N}. On a alors 𝐧=N+β+D2𝐧𝑁𝛽𝐷2\mathbf{n}=\mathbb{Z}N+\mathbb{Z}\frac{\beta+\sqrt{D}}{2}.

Un point τ𝜏\tau\in\mathcal{H} correspondant à une courbe à multiplication complexe par 𝒪ksubscript𝒪𝑘\mathcal{O}_{k} est racine d’une équation quadratique de la forme Aτ2+Bτ+C=0𝐴superscript𝜏2𝐵𝜏𝐶0A\tau^{2}+B\tau+C=0 avec A𝐴A, B𝐵B et C𝐶C entiers et de discriminant B24AC=D=disc(k)superscript𝐵24𝐴𝐶𝐷disc𝑘B^{2}-4AC=D=\mathop{\mathrm{disc}}(k). Or Nτ𝑁𝜏N\tau doit avoir la même propriété. Ceci implique que d’une part N|Aconditional𝑁𝐴N|A, d’autre part B2D(mod4N)superscript𝐵2annotated𝐷pmod4𝑁B^{2}\equiv D\pmod{4N}. À toute classe de formes quadratiques de discriminant disc(k)disc𝑘\mathop{\mathrm{disc}}(k) correspond un point de Heegner différent associé au corps k𝑘k.

2.1.3. L’ensemble ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k}

On considère un discriminant de la forme D=d1dr𝐷subscript𝑑1subscript𝑑𝑟D=-d_{1}...d_{r} avec les disubscript𝑑𝑖d_{i} des entiers naturels premiers impairs deux à deux distincts. Le corps k𝑘k donnera lieu à des points de Heegner sur une courbe X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N) pour les entiers Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k} avec :

k:={N|(1)d,d4N=1,Dd2(mod4N)(2)Nest sans facteur carré et premier à 6}.\mathbb{N}_{k}:=\left\{N\in\mathbb{N}\;\Big{|}\;\begin{array}[]{l}(1)\;\exists\,d\in{\mathbb{N}},\,d\wedge 4N=1,\,D\equiv d^{2}\pmod{4N}\\ (2)\;N\,\textrm{est sans facteur carr\'{e} et premier \`{a}}\;6\end{array}\right\}.

L’hypothèse (2)2(2) est essentiellement technique et figure ici pour pouvoir utiliser des calculs asymptotiques plus faciles à mener sous ces hypothèses.

Proposition 2.1.

L’ensemble ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} est de cardinal infini.

Proof.

Il suffit de traiter le cas N=p𝑁𝑝N=p premier supérieur ou égal à 555. Prenons donc p5𝑝5p\geq 5 un nombre premier différent des disubscript𝑑𝑖d_{i}. Le discriminant D𝐷D doit être un carré inversible modulo 4p4𝑝4p, ce qui est équivalent aux conditions D1(mod4)𝐷annotated1pmod4D\equiv 1\pmod{4} et (D/p)=1𝐷𝑝1\left(D/p\right)=1. On obtient pour la seconde :

(Dp)=(1p)i=1r(dip)=1.𝐷𝑝1𝑝superscriptsubscriptproduct𝑖1𝑟subscript𝑑𝑖𝑝1\left(\frac{D}{p}\right)=\left(\frac{-1}{p}\right)\prod_{i=1}^{r}\left(\frac{d_{i}}{p}\right)=1.

Une telle équation en p𝑝p admet comme ensemble type de solutions un nombre non nul et fini de progressions arithmétiques (on pourra consulter [8] p. 55), ceci étant une application directe répétée de la loi de réciprocité quadratique. Le cardinal de ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} est donc infini. ∎

Exemple.

On peut traiter un exemple simple pour illustrer ce propos. Si D=3𝐷3D=-3 on a tout d’abord D1(mod4)𝐷annotated1𝑝𝑚𝑜𝑑4D\equiv 1\pmod{4} et de plus pour p5𝑝5p\geq 5 premier :

(Dp)=(1p)(3p)=(1)p12(p3)(1)p12312=(p3).𝐷𝑝1𝑝3𝑝superscript1𝑝12𝑝3superscript1𝑝12312𝑝3\left(\frac{D}{p}\right)=\left(\frac{-1}{p}\right)\left(\frac{3}{p}\right)=(-1)^{\displaystyle{\frac{p-1}{2}}}\left(\frac{p}{3}\right)(-1)^{\displaystyle{\frac{p-1}{2}\frac{3-1}{2}}}=\left(\frac{p}{3}\right).

On a donc comme solution la progression arithmétique {p1(mod3)}k𝑝annotated1𝑝𝑚𝑜𝑑3subscript𝑘\{p\equiv 1\pmod{3}\}\subset\mathbb{N}_{k}. Ceci permet d’ailleurs de donner une minoration de la densité d(k)𝑑subscript𝑘d(\mathbb{N}_{k}) des premiers de ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} (au sens de Dirichlet) grâce à la forme forte du théorème de progression arithmétique de Dirichlet : d(k)1φ(3)=12𝑑subscript𝑘1𝜑312d(\mathbb{N}_{k})\geq\frac{1}{\varphi(3)}=\frac{1}{2} avec φ𝜑\varphi l’indicateur d’Euler.

2.2. La formule de Gross-Zagier

2.2.1. Accouplement global

On va reprendre ici l’expression de l’accouplement global des points de Heegner sur J0(N)×J0(N)subscript𝐽0𝑁subscript𝐽0𝑁J_{0}(N)\!\times\!J_{0}(N) obtenu par Gross et Zagier dans [5] page 307 et valable pour (m,N)=1𝑚𝑁1(m,N)=1. On rappelle que les calculs menés dans l’article [5] sont faits place par place, mais qu’a priori le symbole <c,c>v<c,c>_{v} n’est pas bien défini. On peut cependant calculer <c,d>v<c,d>_{v} avec cd𝑐𝑑c\neq d et utiliser le fait que globalement <c,d>=<c,c><c,d>=<c,c> car cd𝑐𝑑c-d est de torsion (c’est ici qu’on applique le théorème de Manin-Drinfeld). C’est la démarche qu’adoptent B. Gross et D. Zagier dans leur article.

On rappelle ici le cadre dans lequel on se place :

  • \bullet

    xDsubscript𝑥𝐷x_{D} étant une coordonnée d’un point de Heegner associé au corps quadratique imaginaire k=[D]𝑘delimited-[]𝐷k=\mathbb{Q}[\sqrt{D}], on considère le point cD=(xD)()J0(N)(H)subscript𝑐𝐷subscript𝑥𝐷subscript𝐽0𝑁𝐻c_{D}=(x_{D})-(\infty)\in J_{0}(N)(H) et le point dD=(xD)(0)J0(N)(H)subscript𝑑𝐷subscript𝑥𝐷0subscript𝐽0𝑁𝐻d_{D}=(x_{D})-(0)\in J_{0}(N)(H) avec H𝐻H le corps de classe de Hilbert associé à k𝑘k.

  • \bullet

    Tmsubscript𝑇𝑚T_{m} est le m𝑚m-ième opérateur de Hecke. Son action sur x=(ϕ:EE)X0(N)x=(\phi\!:\!E\!\rightarrow\!E^{\prime})\in X_{0}(N) est donnée par Tm(x)=C(xC)subscript𝑇𝑚𝑥subscript𝐶subscript𝑥𝐶T_{m}(x)=\sum_{C}(x_{C}), la somme portant sur tous les sous-groupes C𝐶C d’ordre m𝑚m dans E𝐸E tels que Cker(ϕ)={0}𝐶kernelitalic-ϕ0C\cap\ker(\phi)=\{0\} avec xC:=(E/CE/ϕ(C))assignsubscript𝑥𝐶𝐸𝐶superscript𝐸italic-ϕ𝐶x_{C}:=(E/C\rightarrow E^{\prime}/\phi(C)).

  • \bullet

    Enfin σGal(H|k)𝜎Galconditional𝐻𝑘\sigma\in\mathop{\mathrm{Gal}}(H|k), avec H𝐻H le corps de classe de Hilbert de k𝑘k, correspond via l’application d’Artin à la classe d’idéaux 𝒜𝒜\mathcal{A} de k𝑘k.

Alors l’article de B. Gross et D. Zagier [5] nous donne, en notant c=cD𝑐subscript𝑐𝐷c=c_{D} et d=dD𝑑subscript𝑑𝐷d=d_{D} :

<c,Tmdσ><c,T_{m}d^{\sigma}>_{\infty} =\!\!\!\!= lims1[2u2n=1σ𝒜(n)r𝒜(m|D|+nN)Qs1(1+2nNm|D|)hκσ1(m)s1]subscript𝑠1delimited-[]2superscript𝑢2superscriptsubscript𝑛1subscript𝜎𝒜𝑛subscript𝑟𝒜𝑚𝐷𝑛𝑁subscript𝑄𝑠112𝑛𝑁𝑚𝐷𝜅subscript𝜎1𝑚𝑠1\!\!\!\!\!\displaystyle{\lim_{s\rightarrow 1}\left[-2u^{2}\sum_{n=1}^{\infty}\sigma_{\mathcal{A}}(n)r_{\mathcal{A}}(m|D|+nN)Q_{s-1}\!\left(1+\frac{2nN}{m|D|}\right)\!-\frac{h\kappa\sigma_{1}(m)}{s-1}\right]}
+hκ[σ1(m)(logN|D|+2p|Nlog(p)p21+2+2ζζ(2)2LL(1,ε))]𝜅delimited-[]subscript𝜎1𝑚𝑁𝐷2subscriptconditional𝑝𝑁𝑝superscript𝑝2122superscript𝜁𝜁22superscript𝐿𝐿1𝜀\displaystyle{+h\kappa\left[\sigma_{1}(m)\left(\log\frac{N}{|D|}+2\sum_{p|N}\frac{\log(p)}{p^{2}-1}+2+2\frac{\zeta^{\prime}}{\zeta}(2)-2\frac{L^{\prime}}{L}(1,\varepsilon)\right)\right]}
+hκ[d|mdlogmd2]𝜅delimited-[]subscriptconditional𝑑𝑚𝑑𝑚superscript𝑑2\displaystyle{+h\kappa\left[\sum_{d|m}d\log\frac{m}{d^{2}}\right]}
+hur𝒜(m)[2LL(1,ε)2γ2log2π+log|D|]𝑢subscript𝑟𝒜𝑚delimited-[]2superscript𝐿𝐿1𝜀2𝛾22𝜋𝐷\displaystyle{+hur_{\mathcal{A}}(m)\left[2\frac{L^{\prime}}{L}(1,\varepsilon)-2\gamma-2\log 2\pi+\log|D|\right]}
<c,Tmdσ>fini<c,T_{m}d^{\sigma}>_{\mathrm{fini}} == u21nm|D|/Nσ𝒜(n)r𝒜(m|D|nN)+hur𝒜(m)logNm.superscript𝑢2subscript1𝑛𝑚𝐷𝑁superscriptsubscript𝜎𝒜𝑛subscript𝑟𝒜𝑚𝐷𝑛𝑁𝑢subscript𝑟𝒜𝑚𝑁𝑚\displaystyle{-u^{2}\sum_{1\leq n\leq m|D|/N}}\sigma_{\mathcal{A}}^{\prime}(n)r_{\mathcal{A}}(m|D|-nN)\,+hur_{\mathcal{A}}(m)\log\frac{N}{m}.

Pour les membres de droite on a :

  • \bullet

    r𝒜(n)subscript𝑟𝒜𝑛r_{\mathcal{A}}(n) représente le nombre d’idéaux dans la classe 𝒜𝒜\mathcal{A} de norme égale à n𝑛n.

  • \bullet

    σ𝒜(n)=d|nε𝒜(n,d)subscript𝜎𝒜𝑛subscriptconditional𝑑𝑛subscript𝜀𝒜𝑛𝑑\sigma_{\mathcal{A}}(n)=\sum_{d|n}\varepsilon_{\mathcal{A}}(n,d) et σ𝒜(n)=d|nε𝒜(n,d)lognd2superscriptsubscript𝜎𝒜𝑛subscriptconditional𝑑𝑛subscript𝜀𝒜𝑛𝑑𝑛superscript𝑑2\sigma_{\mathcal{A}}^{\prime}(n)=\sum_{d|n}\varepsilon_{\mathcal{A}}(n,d)\log\frac{n}{d^{2}}. On rappelle que ε𝒜(n,d)subscript𝜀𝒜𝑛𝑑\varepsilon_{\mathcal{A}}(n,d) est nul si pgcd(d,n/d,D)>1pgcd𝑑𝑛𝑑𝐷1\mathrm{pgcd}(d,n/d,D)>1. Dans le cas où pgcd(d,n/d,D)=1pgcd𝑑𝑛𝑑𝐷1\mathrm{pgcd}(d,n/d,D)=1, en notant pgcd(d,D)=|D2|pgcd𝑑𝐷subscript𝐷2\mathrm{pgcd}(d,D)=|D_{2}|, D1D2=Dsubscript𝐷1subscript𝐷2𝐷D_{1}D_{2}=D, εDi(d)=(Did)subscript𝜀subscript𝐷𝑖𝑑subscript𝐷𝑖𝑑\varepsilon_{D_{i}}(d)=(\frac{D_{i}}{d}) et χD1D2subscript𝜒subscript𝐷1subscript𝐷2\chi_{D_{1}\!\cdot\!D_{2}} un certain caractère de Clk𝐶subscript𝑙𝑘Cl_{k} (voir [5] p. 277 et p. 268) :

    ε𝒜(n,d)=εD1(d)εD2(Nnd)χD1D2(𝒜).subscript𝜀𝒜𝑛𝑑subscript𝜀subscript𝐷1𝑑subscript𝜀subscript𝐷2𝑁𝑛𝑑subscript𝜒subscript𝐷1subscript𝐷2𝒜\varepsilon_{\mathcal{A}}(n,d)=\varepsilon_{D_{1}}(d)\varepsilon_{D_{2}}\Big{(}\!-N\frac{n}{d}\Big{)}\chi_{D_{1}\!\cdot\!D_{2}}(\mathcal{A}).
  • \bullet

    h=hksubscript𝑘h=h_{k} est le nombre de classes associé à k𝑘k et D=Dk𝐷subscript𝐷𝑘D=D_{k} est son discriminant. De plus u=uk𝑢subscript𝑢𝑘u=u_{k} est la moitié du nombre de ses unités. On sait que u=1𝑢1u=1 sauf dans les cas D=3𝐷3D=-3u=3𝑢3u=3 et D=4𝐷4D=-4u=2𝑢2u=2.

  • \bullet

    κ=κN=12/(Np|N(1+1p))𝜅subscript𝜅𝑁12𝑁subscriptproductconditional𝑝𝑁11𝑝\displaystyle{\kappa=\kappa_{N}=-12/\left(N\prod_{p|N}\Big{(}1+\frac{1}{p}\Big{)}\right)}.

  • \bullet

    σ1(m)=d|mdsubscript𝜎1𝑚subscriptconditional𝑑𝑚𝑑\displaystyle{\sigma_{1}(m)=\sum_{d|m}d}.

  • \bullet

    γ0.57similar-to-or-equals𝛾0.57\gamma\simeq 0.57 la constante d’Euler.

  • \bullet

    ζ(s)=n11ns𝜁𝑠subscript𝑛11superscript𝑛𝑠\displaystyle{\zeta(s)=\sum_{n\geq 1}\frac{1}{n^{s}}} est la fonction zêta de Riemann.

  • \bullet

    L(s,ε)=n1ε(n)ns𝐿𝑠𝜀subscript𝑛1𝜀𝑛superscript𝑛𝑠\displaystyle{L(s,\varepsilon)=\sum_{n\geq 1}\frac{\varepsilon(n)}{n^{s}}} est la fonction L𝐿L de Dirichlet, avec ε(n)=(nD)𝜀𝑛𝑛𝐷\varepsilon(n)=\displaystyle{\Big{(}\frac{n}{D}\Big{)}}.

  • \bullet

    Qs1(t)subscript𝑄𝑠1𝑡Q_{s-1}(t) est la fonction de Legendre de seconde espèce. On a plusieurs expressions de cette quantité spectrale ([5] p. 238), par exemple pour t>1𝑡1t>1 et s>0𝑠0s>0 :

    Qs1(t)=0du(t+t21cosh(u))s.subscript𝑄𝑠1𝑡superscriptsubscript0d𝑢superscript𝑡superscript𝑡21𝑢𝑠Q_{s-1}(t)=\int_{0}^{\infty}\frac{\mathrm{d}u}{(t+\sqrt{t^{2}-1}\cosh(u))^{s}}.

    On utilisera dans la suite la fonction gs(z,w)=2Qs1(1+|zw|22Im(z)Im(w))subscript𝑔𝑠𝑧𝑤2subscript𝑄𝑠11superscript𝑧𝑤22Im𝑧Im𝑤g_{s}(z,w)=-2Q_{s-1}\left(1+\frac{|z-w|^{2}}{2\mathop{\mathrm{Im}}(z)\mathop{\mathrm{Im}}(w)}\right). C’est en particulier une fonction holomorphe de la variable s𝑠s sur le domaine Re(s)>1Re𝑠1\mathop{\mathrm{Re}}(s)>1. Ses propriétés sont détaillées dans [5] p. 239.

2.2.2. Particularisations

La première partie du travail consiste à évaluer cette formule pour se ramener à l’expression de la hauteur du point cJ0(N)(H)𝑐subscript𝐽0𝑁𝐻c\in J_{0}(N)(H).

Tout d’abord par le théorème de Manin-Drinfeld, c𝑐c et d𝑑d représentent la même classe dans J0(N)(H)tensor-productsubscript𝐽0𝑁𝐻J_{0}(N)(H)\otimes{\mathbb{Q}}. On en déduit l’égalité suivante :

<c,Tmdσ>=<c,Tmcσ>.<c,T_{m}d^{\sigma}>\,=\,<c,T_{m}c^{\sigma}>.

On prend de plus m=1𝑚1m=1. On obtient alors T1c=csubscript𝑇1𝑐𝑐T_{1}c=c. Enfin on prend σ=IdGal(H|k)𝜎IdGalconditional𝐻𝑘\sigma=\mathrm{Id}\in\mathop{\mathrm{Gal}}(H|k), ce qui impose donc de prendre 𝒜=𝒪k𝒜subscript𝒪𝑘\mathcal{A}=\mathcal{O}_{k} l’anneau des entiers du corps k𝑘k. Ceci étant posé on calcule alors le membre de droite pour obtenir, h^J0(N)subscript^subscript𝐽0𝑁\widehat{h}_{J_{0}(N)} étant la hauteur de Néron-Tate associée au diviseur 2Θ2Θ2\Theta de la variété abélienne J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N) :

Proposition 2.2.
h^J0(N)(c)=<c,c>=<c,c>+<c,c>fini,\widehat{h}_{J_{0}(N)}(c)=\,<c,c>\,=\,<c,c>_{\infty}\,+\,<c,c>_{\mathrm{fini}},

avec :

<c,c><c,c>_{\infty} =\!\!\!= lims1[2u2n=1σ𝒪k(n)r𝒪k(|D|+nN)Qs1(1+2nN|D|)hκs1]subscript𝑠1delimited-[]2superscript𝑢2superscriptsubscript𝑛1subscript𝜎subscript𝒪𝑘𝑛subscript𝑟subscript𝒪𝑘𝐷𝑛𝑁subscript𝑄𝑠112𝑛𝑁𝐷𝜅𝑠1\!\!\!\!\displaystyle{\lim_{s\rightarrow 1}\left[-2u^{2}\sum_{n=1}^{\infty}\sigma_{\mathcal{O}_{k}}(n)r_{\mathcal{O}_{k}}(|D|+nN)Q_{s-1}\!\left(1+\frac{2nN}{|D|}\right)\!-h\frac{\kappa}{s-1}\right]} (i)𝑖\!\!(i)
+hκ(logN|D|+2p|Nlog(p)p21+2+2ζζ(2)2LL(1,ε))𝜅𝑁𝐷2subscriptconditional𝑝𝑁𝑝superscript𝑝2122superscript𝜁𝜁22superscript𝐿𝐿1𝜀\displaystyle{+h\kappa\left(\log\frac{N}{|D|}+2\sum_{p|N}\frac{\log(p)}{p^{2}-1}+2+2\frac{\zeta^{\prime}}{\zeta}(2)-2\frac{L^{\prime}}{L}(1,\varepsilon)\right)} (ii)𝑖𝑖\!\!(ii)
+hu[2LL(1,ε)2γ2log2π+log|D|]𝑢delimited-[]2superscript𝐿𝐿1𝜀2𝛾22𝜋𝐷\displaystyle{+hu\left[2\frac{L^{\prime}}{L}(1,\varepsilon)-2\gamma-2\log 2\pi+\log|D|\right]} (iii)𝑖𝑖𝑖\!\!\!(iii)
<c,c>fini<c,c>_{\mathrm{fini}} == u21n|D|/Nσ𝒪k(n)r𝒪k(|D|nN)+hulog(N)superscript𝑢2subscript1𝑛𝐷𝑁superscriptsubscript𝜎subscript𝒪𝑘𝑛subscript𝑟subscript𝒪𝑘𝐷𝑛𝑁𝑢𝑁\displaystyle{-u^{2}\sum_{1\leq n\leq|D|/N}}\sigma_{\mathcal{O}_{k}}^{\prime}(n)r_{\mathcal{O}_{k}}(|D|-nN)\,+hu\log(N) (iv)𝑖𝑣\!\!(iv)

2.3. Preuve du théorème 3

On se place toujours dans le même cadre, le discriminant D𝐷D du corps k𝑘k est fixé avec les conditions de l’introduction. D’après la proposition 2.1 l’ensemble ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} est infini, on peut donc faire tendre N𝑁N vers l’infini. On s’efforce alors dans cette troisième partie de trouver un équivalent, lorsque N𝑁N tend vers l’infini, de la hauteur h^J0(N)(c)subscript^subscript𝐽0𝑁𝑐\widehat{h}_{J_{0}(N)}(c). Nous allons donc étudier la contribution de chaque terme de la proposition 2.2. On commence par donner quelques majorations utiles.

2.3.1. Majorations

Lemme 2.3.

Si on note τ(n)𝜏𝑛\tau(n) le nombre de diviseurs de n𝑛n, alors on a les majorations |σ𝒪k(n)|τ(n)subscript𝜎subscript𝒪𝑘𝑛𝜏𝑛|\sigma_{\mathcal{O}_{k}}(n)|\leq\tau(n) et |σ𝒪k(n)|τ(n)log(n)superscriptsubscript𝜎subscript𝒪𝑘𝑛𝜏𝑛𝑛|\sigma_{\mathcal{O}_{k}}^{\prime}(n)|\leq\tau(n)\log(n).

Proof.

Il suffit de voir que |ε𝒜(n,d)|subscript𝜀𝒜𝑛𝑑|\varepsilon_{\mathcal{A}}(n,d)| est borné par 111. ∎

Lemme 2.4.

On rappelle la majoration : τ(n)=Oε(nε)𝜏𝑛subscript𝑂𝜀superscript𝑛𝜀\tau(n)=O_{\varepsilon}(n^{\varepsilon}) pour tout ε>0𝜀0\varepsilon>0.

Proof.

On se reportera à [24] et [25] p. 13 et suivantes. ∎

Lemme 2.5.

On peut majorer : rOk(n)=Oε(nε)subscript𝑟subscriptO𝑘𝑛subscript𝑂𝜀superscript𝑛𝜀r_{\textit{O}_{k}}(n)=O_{\varepsilon}(n^{\varepsilon}) pour tout ε>0𝜀0\varepsilon>0.

Proof.

Dans un anneau d’entiers, un idéal se décompose en produit d’idéaux premiers. Soient n1𝑛1n\geq 1 et =𝒫1α1𝒫lαlsuperscriptsubscript𝒫1subscript𝛼1superscriptsubscript𝒫𝑙subscript𝛼𝑙\mathcal{I}=\mathcal{P}_{1}^{\alpha_{1}}...\mathcal{P}_{l}^{\alpha_{l}} un idéal de norme n𝑛n. En prenant la norme on obtient une égalité du type n=p1β1plβl𝑛superscriptsubscript𝑝1subscript𝛽1superscriptsubscript𝑝𝑙subscript𝛽𝑙n=p_{1}^{\beta_{1}}...p_{l}^{\beta_{l}} avec les pisubscript𝑝𝑖p_{i} des entiers naturels premiers. Les possibilités pour l’idéal \mathcal{I} sont donc fonction du nombre d’idéaux au-dessus de chaque premier pi|nconditionalsubscript𝑝𝑖𝑛p_{i}|n. Puisque k𝑘k est un corps quadratique, il y a au plus deux idéaux au-dessus d’un entier premier p𝑝p de \mathbb{Z} (auquel cas p𝑝p est totalement décomposé), ceci donne donc lieu à au plus 2lsuperscript2𝑙2^{l} idéaux \mathcal{I} de norme n𝑛n. Or l=p|n1=ω(n)𝑙subscriptconditional𝑝𝑛1𝜔𝑛l=\sum_{p|n}1=\omega(n) et par définition de τ(n)𝜏𝑛\tau(n) on a : 2ω(n)τ(n)superscript2𝜔𝑛𝜏𝑛2^{\omega(n)}\leq\tau(n). On conclut donc par le lemme précédent. ∎

Lemme 2.6.

Si s>1𝑠1s>1 on a les propriétés asymptotiques suivantes :

Qs1(t)=subscript𝑄𝑠1𝑡absent\displaystyle Q_{s-1}(t)= Ot+(ts),subscript𝑂𝑡superscript𝑡𝑠\displaystyle\,O_{t\rightarrow+\infty}(t^{-s}),
Qs1(t)=subscript𝑄𝑠1𝑡absent\displaystyle Q_{s-1}(t)= 12log(t1)+Ot1(1).12𝑡1subscript𝑂𝑡11\displaystyle-\frac{1}{2}\log(t-1)+O_{t\rightarrow 1}(1).
Proof.

On pourra par exemple se référer à [3] à partir de la page 155. ∎

Lemme 2.7.

On rappelle enfin : ζ(s)=1s1+Os1(1)𝜁𝑠1𝑠1subscript𝑂𝑠11\displaystyle{\zeta(s)=\frac{1}{s-1}+O_{s\rightarrow 1}(1)}.

Proof.

Il suffit de faire une comparaison série-intégrale. ∎

2.3.2. Les termes (ii), (iii), (iv)

Le traitement des trois derniers termes est assez rapide. En effet à D𝐷D fixé h=hksubscript𝑘h=h_{k} est constant, on obtient donc directement que le terme (iii) est un ON+(1)subscript𝑂𝑁1O_{N\rightarrow+\infty}(1). De plus en utilisant l’estimation aisée κ=O(1N)𝜅𝑂1𝑁\kappa=O\left(\frac{1}{N}\right) on a immédiatement que (ii) est un O(log(N)N)𝑂𝑁𝑁O\left(\frac{\log(N)}{N}\right).

Pour (iv) on remarque que u21n|D|/Nσ𝒪k(n)r𝒪k(|D|nN)=0superscript𝑢2subscript1𝑛𝐷𝑁superscriptsubscript𝜎subscript𝒪𝑘𝑛subscript𝑟subscript𝒪𝑘𝐷𝑛𝑁0\displaystyle{-u^{2}\sum_{1\leq n\leq|D|/N}}\sigma_{\mathcal{O}_{k}}^{\prime}(n)r_{\mathcal{O}_{k}}(|D|-nN)=0 si N>|D|𝑁𝐷N>|D| ; cela suffit puisqu’on va considérer N𝑁N grand à D𝐷D fixé. On obtient donc que le terme dominant est hulog(N)𝑢𝑁hu\log(N).

Jusqu’ici on a donc montré que le terme principal des contributions (ii), (iii) et (iv) est hulog(N)𝑢𝑁h\,u\,\log(N). Il nous reste maintenant à étudier le terme (i) issu (comme (ii) et (iii)) des places archimédiennes.

2.3.3. Le terme (i)

Le but de toute cette partie est de généraliser la démarche de P. Michel et E. Ullmo dans [16] pour montrer une majoration du terme (i) par un Oε(Nε1)subscript𝑂𝜀superscript𝑁𝜀1O_{\varepsilon}(N^{\varepsilon-1}). Commençons par poser :

H~(s):=2u2n=1σ𝒪k(n)r𝒪k(|D|+nN)Qs1(1+2nN|D|).assign~𝐻𝑠2superscript𝑢2superscriptsubscript𝑛1subscript𝜎subscript𝒪𝑘𝑛subscript𝑟subscript𝒪𝑘𝐷𝑛𝑁subscript𝑄𝑠112𝑛𝑁𝐷\widetilde{H}(s):=\displaystyle{-2u^{2}\sum_{n=1}^{\infty}\sigma_{\mathcal{O}_{k}}(n)r_{\mathcal{O}_{k}}(|D|+nN)Q_{s-1}\left(1+\frac{2nN}{|D|}\right).}

Les lemmes 2.4, 2.5 et 2.6 assurent que H~~𝐻\widetilde{H} converge absolument pour Re(s)>1Re𝑠1\mathop{\mathrm{Re}}(s)>1 et définit une fonction holomorphe.

On va utiliser plusieurs fonctions introduites dans l’article de B. Gross et D. Zagier pour étudier la fonction H~~𝐻\widetilde{H} au voisinage de 111. La fonction gssubscript𝑔𝑠g_{s} est définie en 2.12.12.1. On rappelle donc :

Pour z,z𝑧superscript𝑧z,z^{\prime}\in\mathcal{H}, on pose ([5] p. 251 et 252) :

GN,s1(z,z):=γΓ0(N)/{±1}γzzgs(z,γz)+2hu[ΓΓ(s)log(2π)+LL(1,ε)+12log(|D|)].assignsuperscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝑧superscript𝑧subscript𝛾subscriptΓ0𝑁plus-or-minus1𝛾superscript𝑧𝑧subscript𝑔𝑠𝑧𝛾superscript𝑧2𝑢delimited-[]superscriptΓΓ𝑠2𝜋superscript𝐿𝐿1𝜀12𝐷G_{N,s}^{1}(z,z^{\prime}):=\sum_{\begin{subarray}{c}\gamma\in\Gamma_{0}(N)/\{\pm 1\}\\ \gamma z^{\prime}\neq z\end{subarray}}g_{s}(z,\gamma z^{\prime})+2hu\left[\frac{\Gamma^{\prime}}{\Gamma}(s)-\log(2\pi)+\frac{L^{\prime}}{L}(1,\varepsilon)+\frac{1}{2}\log(|D|)\right].

Pour 𝒜Clk𝒜𝐶subscript𝑙𝑘\mathcal{A}\in Cl_{k}, on pose ([5] p. 243) :

γN,s1(𝒜):=𝒜1,𝒜2Clk𝒜1𝒜21=𝒜GN,s1(τ𝒜1,τ𝒜2).assignsuperscriptsubscript𝛾𝑁𝑠1𝒜subscriptsubscript𝒜1subscript𝒜2𝐶subscript𝑙𝑘subscript𝒜1superscriptsubscript𝒜21𝒜superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1subscript𝜏subscript𝒜1subscript𝜏subscript𝒜2\gamma_{N,s}^{1}(\mathcal{A}):=\sum_{\begin{subarray}{c}\mathcal{A}_{1},\mathcal{A}_{2}\in Cl_{k}\\ \mathcal{A}_{1}\mathcal{A}_{2}^{-1}=\mathcal{A}\end{subarray}}G_{N,s}^{1}(\tau_{\mathcal{A}_{1}},\tau_{\mathcal{A}_{2}}).

Les calculs de B. Gross et D. Zagier montrent alors que ([5] p. 243 et p. 247 combinée avec p. 285) :

H~(s)=γN,s1(𝒪k)=𝒜1,𝒜2Clk𝒜1𝒜21=𝒪kGN,s1(τ𝒜1,τ𝒜2)=𝒜1ClkGN,s1(τ𝒜1,τ𝒜1).~𝐻𝑠superscriptsubscript𝛾𝑁𝑠1subscript𝒪𝑘subscriptsubscript𝒜1subscript𝒜2𝐶subscript𝑙𝑘subscript𝒜1superscriptsubscript𝒜21subscript𝒪𝑘superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1subscript𝜏subscript𝒜1subscript𝜏subscript𝒜2subscriptsubscript𝒜1𝐶subscript𝑙𝑘superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1subscript𝜏subscript𝒜1subscript𝜏subscript𝒜1\widetilde{H}(s)=\gamma_{N,s}^{1}(\mathcal{O}_{k})=\sum_{\begin{subarray}{c}\mathcal{A}_{1},\mathcal{A}_{2}\in Cl_{k}\\ \mathcal{A}_{1}\mathcal{A}_{2}^{-1}=\mathcal{O}_{k}\end{subarray}}G_{N,s}^{1}(\tau_{\mathcal{A}_{1}},\tau_{\mathcal{A}_{2}})=\sum_{\mathcal{A}_{1}\in Cl_{k}}G_{N,s}^{1}(\tau_{\mathcal{A}_{1}},\tau_{\mathcal{A}_{1}}).

On peut alors trouver dans l’article de P. Michel et E. Ullmo ([16] p. 673) une étude d’un terme GN,s1(τ,τ)superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏G_{N,s}^{1}(\tau,\tau) (=H(s)absent𝐻𝑠=H(s) dans leur notation) pour un point de Heegner τ𝜏\tau. Leur résultat est le suivant :

Proposition 2.8.

On a la majoration suivante, valable pour tout ε>0𝜀0\varepsilon>0 :

lims1(GN,s1(τ,τ)κs1)=Oε(Nε1).subscript𝑠1superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏𝜅𝑠1subscript𝑂𝜀superscript𝑁𝜀1\lim_{s\rightarrow 1}\left(G_{N,s}^{1}(\tau,\tau)-\frac{\kappa}{s-1}\right)=O_{\varepsilon}(N^{\varepsilon-1}).
Proof.

Nous allons suivre [16] en remarquant que leur preuve reste valide pour tout point de Heegner τ𝜏\tau lorsque D𝐷D est fixé. On introduit le noyau automorphe pour Γ0(N)/{±1}subscriptΓ0𝑁plus-or-minus1\Gamma_{0}(N)/\{\pm 1\} :

GN,s(z,z)=γΓ0(N)/{±1}γzzgs(z,γz).subscript𝐺𝑁𝑠𝑧superscript𝑧subscript𝛾subscriptΓ0𝑁plus-or-minus1𝛾superscript𝑧𝑧subscript𝑔𝑠𝑧𝛾superscript𝑧\displaystyle{G_{N,s}(z,z^{\prime})=\sum_{\begin{subarray}{c}\gamma\in\Gamma_{0}(N)/\{\pm 1\}\\ \gamma z^{\prime}\neq z\end{subarray}}g_{s}(z,\gamma z^{\prime})}.

On a alors l’égalité pour a>1𝑎1a>1 :

(1) GN,s1(τ,τ)GN,a1(τ,τ)=GN,s(τ,τ)GN,a(τ,τ)2hu(ΓΓ(s)ΓΓ(a)).superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏superscriptsubscript𝐺𝑁𝑎1𝜏𝜏subscript𝐺𝑁𝑠𝜏𝜏subscript𝐺𝑁𝑎𝜏𝜏2𝑢superscriptΓΓ𝑠superscriptΓΓ𝑎G_{N,s}^{1}(\tau,\tau)-G_{N,a}^{1}(\tau,\tau)=G_{N,s}(\tau,\tau)-G_{N,a}(\tau,\tau)-2hu\left(\frac{\Gamma^{\prime}}{\Gamma}(s)-\frac{\Gamma^{\prime}}{\Gamma}(a)\right).

On utilise pour conclure le lemme la proposition suivante, dont la preuve figure dans le livre de H. Iwaniec [9] p. 105, théorème 7.57.57.5.

Proposition 2.9.

Soient a>1𝑎1a>1 et Re(s)>1Re𝑠1\mathop{\mathrm{Re}}(s)>1. Soit N𝑁N un entier sans facteur carré et premier à 666. On note sj(1sj)subscript𝑠𝑗1subscript𝑠𝑗s_{j}(1-s_{j}) la j𝑗j-ième valeur propre du laplacien sur X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N). On prend de plus (uj)jsubscriptsubscript𝑢𝑗𝑗(u_{j})_{j} une base orthonormale de fonctions propres associées à ces valeurs propres. On note de plus Eρsubscript𝐸𝜌E_{\rho} la série d’Eisenstein associée à la pointe ρ𝜌\rho. On pose enfin :

χsa(v)=1(sv)(1sv)1(av)(1av).subscript𝜒𝑠𝑎𝑣1𝑠𝑣1𝑠𝑣1𝑎𝑣1𝑎𝑣\chi_{sa}(v)=\frac{1}{(s-v)(1-s-v)}-\frac{1}{(a-v)(1-a-v)}.

On a alors l’égalité :

GN,s(z,z)GN,a(z,z)subscript𝐺𝑁𝑠𝑧superscript𝑧subscript𝐺𝑁𝑎𝑧superscript𝑧\displaystyle{G_{N,s}(z,z^{\prime})-G_{N,a}(z,z^{\prime})} == jχsa(sj)uj(z)u¯j(z)subscript𝑗subscript𝜒𝑠𝑎subscript𝑠𝑗subscript𝑢𝑗𝑧subscript¯𝑢𝑗superscript𝑧\displaystyle{\sum_{j}\chi_{sa}(s_{j})u_{j}(z)\overline{u}_{j}(z^{\prime})}
+ρ{Pointes}14πi12+iχsa(v)Eρ(z,v)E¯ρ(z,v¯)𝑑v,subscript𝜌Pointes14𝜋𝑖subscript12𝑖subscript𝜒𝑠𝑎𝑣subscript𝐸𝜌𝑧𝑣subscript¯𝐸𝜌superscript𝑧¯𝑣differential-d𝑣\displaystyle{+\sum_{\rho\in\{\mathrm{Pointes}\}}\frac{1}{4\pi i}\int_{\frac{1}{2}+i\mathbb{R}}\chi_{sa}(v)E_{\rho}(z,v)\overline{E}_{\rho}(z^{\prime},\overline{v})dv,}

et la série et l’intégrale convergent absolument et uniformément sur tout compact.

Cette proposition permet de prolonger la fonction GN,s(z,z)GN,a(z,z)subscript𝐺𝑁𝑠𝑧superscript𝑧subscript𝐺𝑁𝑎𝑧superscript𝑧G_{N,s}(z,z^{\prime})-G_{N,a}(z,z^{\prime}) en une fonction méromorphe (que l’on notera de la même manière) sur le domaine (s)>1/2𝑠12\Re(s)>1/2 avec un pôle simple en s=1𝑠1s=1 de résidu égal à κ𝜅\kappa (voir aussi [5] p. 239). Cette fonction est même holomorphe sur le domaine Re(s)>3/4Re𝑠34\mathop{\mathrm{Re}}(s)>3/4 privé du point s=1𝑠1s=1 (voir [16] p. 672).

On va choisir une bande verticale dans le plan complexe contenant l’abscisse s=1𝑠1s=1 dans le but d’appliquer le principe de Phragmen-Lindelöf à la fonction :

GN,s(τ,τ)GN,a(τ,τ)κs1.subscript𝐺𝑁𝑠𝜏𝜏subscript𝐺𝑁𝑎𝜏𝜏𝜅𝑠1G_{N,s}(\tau,\tau)-G_{N,a}(\tau,\tau)-\frac{\kappa}{s-1}.

On en déduira une majoration au voisinage de s=1𝑠1s=1 de celle-ci et donc par l’égalité (1) de GN,s1(τ,τ)κ/(s1)superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏𝜅𝑠1G_{N,s}^{1}(\tau,\tau)-\kappa/(s-1).

Tout d’abord par application des lemmes 2.4, 2.5, 2.6 et 2.7 on a la majoration valable pour (s)>1𝑠1\Re(s)>1 et ε>0𝜀0\varepsilon>0 :

GN,s1(τ,τ)=Oε(Nε1(1+1|s1|)).superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏subscript𝑂𝜀superscript𝑁𝜀111𝑠1G_{N,s}^{1}(\tau,\tau)=O_{\varepsilon}\left(N^{\varepsilon-1}\left(1+\frac{1}{|s-1|}\right)\right).

On va à présent étudier la croissance de la fonction GN,s1(τ,τ)κ/(s1)superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏𝜅𝑠1G_{N,s}^{1}(\tau,\tau)-\kappa/(s-1) (toujours par l’intermédiaire de l’égalité (1) ci-avant) dans une bande du type bs1+ε𝑏𝑠1𝜀b\leq s\leq 1+\varepsilon avec 3/4<b<134𝑏13/4<b<1. On prend par exemple b=7/8𝑏78b=7/8. On utilise alors t=Im(s)𝑡Im𝑠t=\mathop{\mathrm{Im}}(s) et on a :

Proposition 2.10.

Il existe un A>0𝐴0A>0 tel que pour tout s𝑠s dans la bande 7/8s1+ε78𝑠1𝜀7/8\leq s\leq 1+\varepsilon on a la majoration, avec t=Im(s)𝑡Im𝑠t=\mathop{\mathrm{Im}}(s) et τ𝜏\tau un point de Heegner :

GN,s(τ,τ)GN,a(τ,τ)κs1(N(1+|t|))A,much-less-thansubscript𝐺𝑁𝑠𝜏𝜏subscript𝐺𝑁𝑎𝜏𝜏𝜅𝑠1superscript𝑁1𝑡𝐴G_{N,s}(\tau,\tau)-G_{N,a}(\tau,\tau)-\frac{\kappa}{s-1}\ll(N(1+|t|))^{A},

et la constante implicite est indépendante de N𝑁N.

Proof.

On se reportera à [16] p. 673. ∎

On a donc une croissance suffisamment faible de la fonction GN,s1(τ,τ)κ/(s1)superscriptsubscript𝐺𝑁𝑠1𝜏𝜏𝜅𝑠1G_{N,s}^{1}(\tau,\tau)-\kappa/(s-1) dans la bande 7/8Re(s)1+ε78Re𝑠1𝜀7/8\leq\mathop{\mathrm{Re}}(s)\leq 1+\varepsilon pour pouvoir conclure par le principe de Phragmen-Lindelöf en utilisant l’équation fonctionnelle de [16] p. 654. Ceci achève la preuve du théorème 2.8.

Il suffit alors d’appliquer ce théorème à chacune des hh classes associées à k𝑘k pour obtenir :

Proposition 2.11.

On a la majoration valable pour tout ε>0𝜀0\varepsilon>0 :

lims1(H~(s)hκs1)=Oε(Nε1).subscript𝑠1~𝐻𝑠𝜅𝑠1subscript𝑂𝜀superscript𝑁𝜀1\lim_{s\rightarrow 1}\left(\widetilde{H}(s)-h\frac{\kappa}{s-1}\right)=O_{\varepsilon}(N^{\varepsilon-1}).

La conjonction de la proposition 2.2 avec les résultats de majorations 2.3 à 2.7 et 2.11 démontre le théorème 3.

2.4. Corollaires

On donne ici deux corollaires du théorème 3 :

Corollaire 2.12.

Sous les hypothèses du théorème, avec |D|>4𝐷4|D|>4, on a l’estimation de hksubscript𝑘h_{k} suivante :

limNNkh^J0(N)(cD)log(N)=hk.subscript𝑁𝑁subscript𝑘subscript^subscript𝐽0𝑁subscript𝑐𝐷𝑁subscript𝑘\lim_{\begin{subarray}{c}N\rightarrow\infty\\ N\in\mathbb{N}_{k}\end{subarray}}\frac{\widehat{h}_{J_{0}(N)}(c_{D})}{\log(N)}=h_{k}.
Corollaire 2.13.

Pour tout discriminant D1(mod4)𝐷annotated1𝑝𝑚𝑜𝑑4D\equiv 1\pmod{4} négatif et sans facteur carré il existe un entier N0(D)subscript𝑁0𝐷N_{0}(D) et un certain ensemble ksubscript𝑘\mathbb{N}_{k} de congruences modulo D𝐷D tels que pour tout NN0(D)𝑁subscript𝑁0𝐷N\geq N_{0}(D) et Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k} les points de Heegner cDsubscript𝑐𝐷c_{D} sont d’ordre infini dans J0(N)(H)subscript𝐽0𝑁𝐻J_{0}(N)(H).

Remarque.

Pour certains petits N𝑁N on sait que le corps de définition est nécessairement strictement plus gros que \mathbb{Q}. Par exemple on a cDJ0(N)(H)\J0(N)()subscript𝑐𝐷\subscript𝐽0𝑁𝐻subscript𝐽0𝑁c_{D}\in{J_{0}(N)(H)\backslash J_{0}(N)(\mathbb{Q})} pour tout N{11,14,15,17,19,20,21,24,27,32,36,49}𝑁111415171920212427323649N\in{\{11,14,15,17,19,20,21,24,27,32,36,49\}}. En effet on connaît les courbes modulaires X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N) de genre 1, il y en a douze et elles correspondent aux niveaux N𝑁N ci-avant. Ces courbes sont des courbes elliptiques et on a donc dans ce cas un isomorphisme entre J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N) et X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N). On sait de plus que pour ces douze courbes le groupe X0(N)()subscript𝑋0𝑁X_{0}(N)(\mathbb{Q}) est fini, i.e. leur rang sur \mathbb{Q} est égal à zéro. (On se base ici sur une étude des courbes modulaires de genre 1 dont la référence est [13].)

2.5. Remarques sur la conjecture de Lang et Silverman

On rappelle qu’on note hF(A/k)subscriptF𝐴𝑘\mathop{h_{\mathrm{F}}}(A/k) pour la hauteur de Faltings (relative) d’une variété abélienne A𝐴A. La hauteur de Néron-Tate associée à 2Θ2Θ2\Theta sera notée h^A(.)\widehat{h}_{A}(.). Rappelons l’énoncé de la conjecture de Lang et Silverman sur les variétés abéliennes :

Conjecture 2.14.

(Lang, Silverman) Soit g1𝑔1g\geq 1 et soit k𝑘k un corps. Il existe une constante c=c(k,g)>0𝑐𝑐𝑘𝑔0c=c(k,g)>0 telle que pour toute variété abélienne A/k𝐴𝑘A/k de dimension g𝑔g, tout diviseur ample et symétrique 𝒟Div(A)𝒟Div𝐴\mathcal{D}\in\mathop{\mathrm{Div}}(A) et tout point PA(k)𝑃𝐴𝑘P\in A(k) tel que P¯=A¯𝑃𝐴\overline{{\mathbb{Z}\!\cdot\!P}}=A on a :

h^A,D(P)chF(A/k).subscript^𝐴𝐷𝑃𝑐subscriptF𝐴𝑘\widehat{h}_{A,D}(P)\geq c\;\mathop{h_{\mathrm{F}}}(A/k).

On trouve dans l’article [10] l’équivalent suivant, obtenu par des techniques de géométrie hyperbolique complexe :

Théorème 2.15.

(Jorgenson, Kramer) Pour tout N𝑁N sans facteur carré et premier à 666 on a, lorsque N𝑁N tend vers l’infini :

hst(J0(N))=g(N)3log(N)+o(g(N)log(N)).subscriptstsubscript𝐽0𝑁𝑔𝑁3𝑁𝑜𝑔𝑁𝑁\mathop{h_{\mathrm{st}}}(J_{0}(N))=\frac{g(N)}{3}\log(N)\,+\,o\Big{(}g(N)\log(N)\Big{)}.

Or la dimension de J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N) est égale au genre de X0(N)subscript𝑋0𝑁X_{0}(N) et ce dernier s’exprime comme suit lorsque N𝑁N est sans facteur carré (voir [21]) :

g(X0(N))=1+N12p|N(1+1p)14p|N(1+(1p))13p|N(1+(3p))12τ(N),𝑔subscript𝑋0𝑁1𝑁12subscriptproductconditional𝑝𝑁11𝑝14subscriptproductconditional𝑝𝑁11𝑝13subscriptproductconditional𝑝𝑁13𝑝12𝜏𝑁g(X_{0}(N))=1+\frac{N}{12}\prod_{p|N}\left(1+\frac{1}{p}\right)-\frac{1}{4}\prod_{p|N}\left(1+\left(\frac{-1}{p}\right)\right)-\frac{1}{3}\prod_{p|N}\left(1+\left(\frac{-3}{p}\right)\right)-\frac{1}{2}\tau(N),

et donc en particulier on a l’équivalent lorsque N+𝑁N\rightarrow+\infty :

g(X0(N))N12p|N(1+1p),similar-to𝑔subscript𝑋0𝑁𝑁12subscriptproductconditional𝑝𝑁11𝑝g(X_{0}(N))\sim\frac{N}{12}\prod_{p|N}\left(1+\frac{1}{p}\right),

avec l’encadrement pour une certaine constante α>0𝛼0\alpha>0 :

1p|N(1+1p)αloglog(N).1subscriptproductconditional𝑝𝑁11𝑝𝛼𝑁1\leq\prod_{p|N}\left(1+\frac{1}{p}\right)\leq\alpha\log\log(N).
Remarque.

(importante) Les points de Heegner vérifient la condition P¯=J0(N)¯𝑃subscript𝐽0𝑁\overline{{\mathbb{Z}\!\cdot\!P}}=J_{0}(N) au moins lorsque le discriminant D𝐷D est choisi suffisamment grand. Cela découle de l’étude menée par J. Nekovár et N. Schappacher dans [18].

On a donc :

Fait 2.16.

Si nous réunissons ici les résultats obtenus dans les théorèmes 3.11 et 3.17 : h^J0(N)(c)hkuklog(N)similar-tosubscript^subscript𝐽0𝑁𝑐subscript𝑘subscript𝑢𝑘𝑁\widehat{h}_{J_{0}(N)}(c)\sim h_{k}u_{k}\log(N) et hst(J0(N))g(N)log(N)/3similar-tosubscriptstsubscript𝐽0𝑁𝑔𝑁𝑁3\mathop{h_{\mathrm{st}}}(J_{0}(N))\sim g(N)\log(N)/3, on voit que la conjonction de ces théorèmes constitue un exemple indiquant que la constante présente dans la conjecture de Lang et Silverman doit nécessairement dépendre de la dimension g𝑔g des variétés abéliennes considérées. On peut même affirmer pour un corps quadratique imaginaire k𝑘k donné et H𝐻H son corps de classe de Hilbert :

c(H,g)3hkg=3[H:k]g.c(H,g)\leq\frac{3h_{k}}{g}=\frac{3[H:k]}{g}.

On déduit de plus de la comparaison des deux asymptotiques le corollaire 1.

2.6. Ordre et niveau sur la jacobienne

On compare ici le résultat asymptotique montré précédemment avec un résultat existant pour les petites valeurs du niveau N𝑁N. On pourra se référer à l’article de H. Nakazato [17]. On se place dorénavant dans la situation suivante : soit E𝐸E une courbe elliptique définie sur \mathbb{Q}. D’après le théorème de Wiles étendu par Breuil, Conrad, Diamond, Taylor elle est munie d’un morphisme non constant :

φ:X0(N)E().:𝜑subscript𝑋0𝑁𝐸\varphi:X_{0}(N)\longrightarrow E(\mathbb{C}).

On note de plus Elsubscript𝐸𝑙E_{l} l’ensemble des points de l𝑙l-torsion de E𝐸E. Si E𝐸E n’est pas à multiplication complexe on pose :

SE={l|Gal((El)|)Aut𝔽l(El)}{l|N}{2,3}.subscript𝑆𝐸conditional-set𝑙Galconditionalsubscript𝐸𝑙subscriptAutsubscript𝔽𝑙subscript𝐸𝑙conditional-set𝑙𝑁23S_{E}=\Big{\{}l\,|\,\mathop{\mathrm{Gal}}(\mathbb{Q}(E_{l})|\mathbb{Q})\neq\mathop{\mathrm{Aut}_{\mathbb{F}_{l}}}(E_{l})\Big{\}}\cup\{l|N\}\cup\{2,3\}.

Si E𝐸E est à multiplication complexe on posera seulement :

SE={l|N}{2,3}.subscript𝑆𝐸conditional-set𝑙𝑁23S_{E}=\{l|N\}\cup\{2,3\}.

Fixons alors un discriminant D1(mod4)𝐷annotated1pmod4D\equiv 1\pmod{4} négatif tel qu’aucun facteur premier de D𝐷D ne soit inclu dans SEsubscript𝑆𝐸S_{E}. L’ensemble SEsubscript𝑆𝐸S_{E} est fini et il y a une infinité de tels D𝐷D (voir [17]). Soit alors Nk𝑁subscript𝑘N\in\mathbb{N}_{k}. Dans ces conditions on a :

Théorème 2.17.

(Nakazato) Soit τX0(N)𝜏subscript𝑋0𝑁\tau\in X_{0}(N) un point de Heegner associé à k𝑘k. Si on a hk>deg(φ)subscript𝑘degree𝜑h_{k}>\deg(\varphi) alors φ(τ)𝜑𝜏\varphi(\tau) est un point d’ordre infini sur E𝐸E.

Remarque.

On peut minorer le degré de φ𝜑\varphi en fonction de N𝑁N, par exemple en suivant [26] :

deg(φ)N76ε.degree𝜑superscript𝑁76𝜀\deg(\varphi)\geq N^{\frac{7}{6}-\varepsilon}.

En utilisant cette remarque et les théorèmes 2.13 et 2.17 on pourra garder à l’esprit que les points de Heegner sur la jacobienne J0(N)subscript𝐽0𝑁J_{0}(N) sont génériquement des points d’ordre infini.

3. Variation du corps et restriction des scalaires à la Weil

On présente dans cette partie l’effet de la variation du corps, vue sous deux angles différents, sur l’énoncé de la conjecture de Lang et Silverman.

3.1. Variation du corps

Nous commençons notre étude par la remarque suivante : soient k𝑘k un corps de nombres et (A,Θ)/k𝐴Θ𝑘(A,\Theta)/k une variété abélienne polarisée par un diviseur ΘΘ\Theta. Soit PA(k)𝑃𝐴𝑘P\in{A(k)} un point d’ordre infini. Pour tout N1𝑁1N\geq 1 posons PN=1NPsubscript𝑃𝑁1𝑁𝑃P_{N}=\frac{1}{N}P et kN=k[PN]subscript𝑘𝑁𝑘delimited-[]subscript𝑃𝑁k_{N}=k[P_{N}]. Alors :

h^A,Θ(PN)=1N2h^A,Θ(P).subscript^𝐴Θsubscript𝑃𝑁1superscript𝑁2subscript^𝐴Θ𝑃\widehat{h}_{A,\Theta}(P_{N})=\frac{1}{N^{2}}\widehat{h}_{A,\Theta}(P).

On a donc :

Fait 3.1.

(classique) Soient k𝑘k un corps de nombres et A/k𝐴𝑘A/k une variété abélienne. Il existe une suite d’extensions kN/ksubscript𝑘𝑁𝑘k_{N}/k et une suite de points PNA(kN)subscript𝑃𝑁𝐴subscript𝑘𝑁P_{N}\in{A(k_{N})} vérifiant .PNformulae-sequencesubscript𝑃𝑁\mathbb{Z}.P_{N} Zariski-dense telles que :

limN+h^A,Θ(PN)=0.subscript𝑁subscript^𝐴Θsubscript𝑃𝑁0\lim_{N\rightarrow+\infty}\widehat{h}_{A,\Theta}(P_{N})=0.

Ce fait souligne la nécessité d’avoir une constante dépendant du corps k𝑘k dans l’énoncé de la conjecture de Lang et Silverman. On ajoute que la dépendance minimale en le corps k𝑘k devrait être en [k:]1/g[k:\mathbb{Q}]^{-1/g}.

3.2. Restriction des scalaires à la Weil

Nous exploitons ici la même idée de division de points, mais présentée différemment. Nous allons nous intéresser à la restriction des scalaires, appelée aussi foncteur norme. On consultera [15] et [27] pour une définition plus générale et les preuves des propriétés utilisées ci-après.

Soient k𝑘k un corps de nombres et L/k𝐿𝑘L/k une extension finie de degré m𝑚m. Soit A/L𝐴𝐿A/L une variété abélienne définie sur L𝐿L de dimension g𝑔g. On s’intéresse à la variété obtenue par restriction des scalaires A=NL/kAsubscript𝐴subscriptN𝐿𝑘𝐴A_{*}=\mathop{\mathrm{N}_{L/k}}A définie sur k𝑘k par restriction des scalaires. C’est une variété abélienne car pour toute extension galoisienne ksuperscript𝑘k^{\prime} de k𝑘k contenant L𝐿L on a l’isomorphisme :

ψ:(NL/kA)kAkσ1××Akσm,:𝜓subscriptsubscriptN𝐿𝑘𝐴superscript𝑘subscriptsuperscript𝐴subscript𝜎1superscript𝑘subscriptsuperscript𝐴subscript𝜎𝑚superscript𝑘\psi:(\mathop{\mathrm{N}_{L/k}}A)_{k^{\prime}}\longrightarrow A^{\sigma_{1}}_{k^{\prime}}\!\times\!...\!\times\!A^{\sigma_{m}}_{k^{\prime}},

où les σisubscript𝜎𝑖\sigma_{i} sont les plongements de L𝐿L dans ksuperscript𝑘k^{\prime} au-dessus de k𝑘k. Elle arrive de plus équipée d’un morphisme surjectif :

p:(NL/kA)LA.:𝑝subscriptsubscriptN𝐿𝑘𝐴𝐿𝐴p:(\mathop{\mathrm{N}_{L/k}}A)_{L}\longrightarrow A.

Soit bPic0(A)𝑏superscriptPic0𝐴b\in{\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A)}. On lui associe l’élément b=pσ1(bσ1)++pσm(bσm)subscript𝑏superscript𝑝subscript𝜎1superscript𝑏subscript𝜎1superscript𝑝subscript𝜎𝑚superscript𝑏subscript𝜎𝑚b_{*}=p^{\sigma_{1}*}(b^{\sigma_{1}})+...+p^{\sigma_{m}*}(b^{\sigma_{m}}). Alors la proposition 4 de [15] nous donne un isomorphisme :

Pic0(A)superscriptPic0𝐴\displaystyle\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A) Pic0(A)absentsuperscriptPic0subscript𝐴\displaystyle\to\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A_{*})
b𝑏\displaystyle b b.maps-toabsentsubscript𝑏\displaystyle\mapsto b_{*}.

On associera à la variété abélienne polarisée (A,Θ)/L𝐴Θ𝐿(A,\Theta)/L sa restriction (A,Θ)/ksubscript𝐴subscriptΘ𝑘(A_{*},\Theta_{*})/k via cet isomorphisme. La proposition 555 de [15] nous donne alors :

Proposition 3.2.

(Milne)

On note <.,.>L:Pic0(A)×A(L)<.,.>_{L}:\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A)\!\times\!A(L)\rightarrow\mathbb{R} l’accouplement de Néron-Tate. Soient aA(k)𝑎subscript𝐴𝑘a\in{A_{*}(k)} et bPic0(A)𝑏superscriptPic0𝐴b\in{\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A)}, alors :

<b,a>k=<b,p(a)>L.<b_{*},a>_{k}=<b,p(a)>_{L}.

Considérons l’application (surjective, voir par exemple [7] p. 208) suivante :

ΦΘ:A:subscriptΦΘ𝐴\displaystyle\Phi_{\Theta}\colon A Pic0(A)absentsuperscriptPic0𝐴\displaystyle\to\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A)
Q𝑄\displaystyle Q tQΘΘ.maps-toabsentsuperscriptsubscript𝑡𝑄ΘΘ\displaystyle\mapsto t_{Q}^{*}\Theta-\Theta.

Nous choisissons alors dans l’énoncé de Milne : b=ΦΘ(p(a))𝑏subscriptΦΘ𝑝𝑎b=\Phi_{\Theta}(p(a)), image du point p(a)A𝑝𝑎𝐴p(a)\in{A} dans Pic0(A)superscriptPic0𝐴\mathop{\mathrm{Pic^{0}}}(A). On sait alors que <ΦΘ(p(a)),p(a)>L=h^A/L,Θ(p(a))<\Phi_{\Theta}(p(a)),p(a)>_{L}=\widehat{h}_{A/L,\Theta}(p(a)) et on déduit de ce qui précède :

h^A/k,Θ(a)=h^A/L,Θ(p(a)).subscript^subscript𝐴𝑘subscriptΘ𝑎subscript^𝐴𝐿Θ𝑝𝑎\widehat{h}_{A_{*}/k,\Theta_{*}}(a)=\widehat{h}_{A/L,\Theta}(p(a)).

Considérons alors le cas de figure suivant. On choisit un point P1A(k)subscript𝑃1𝐴𝑘P_{1}\in{A(k)} d’ordre infini et on forme, pour N1𝑁1N\geq 1, une suite de points PN=1NP1A(kN)subscript𝑃𝑁1𝑁subscript𝑃1𝐴subscript𝑘𝑁P_{N}=\frac{1}{N}P_{1}\in{A(k_{N})}, avec kN=k[PN]subscript𝑘𝑁𝑘delimited-[]subscript𝑃𝑁k_{N}=k[P_{N}]. On note mN=[kN:k]m_{N}=[k_{N}:k]. On peut donc définir une suite de variétés abéliennes AN=NkN/kAsubscript𝐴𝑁subscriptNsubscript𝑘𝑁𝑘𝐴A_{N}=\mathop{\mathrm{N}_{k_{N}/k}}A définies sur k𝑘k telles que, en notant PNsuperscriptsubscript𝑃𝑁P_{N}^{\prime} un antécédent de PNsubscript𝑃𝑁P_{N} par p𝑝p dans AN(k)subscript𝐴𝑁𝑘A_{N}(k) :

h^AN/k,ΘN(PN)=h^A/kN,Θ(PN)=1N2h^A/kN,Θ(P1)=1N2h^A/k,Θ(P1).subscript^subscript𝐴𝑁𝑘subscriptΘ𝑁superscriptsubscript𝑃𝑁subscript^𝐴subscript𝑘𝑁Θsubscript𝑃𝑁1superscript𝑁2subscript^𝐴subscript𝑘𝑁Θsubscript𝑃11superscript𝑁2subscript^𝐴𝑘Θsubscript𝑃1\widehat{h}_{A_{N}/k,\Theta_{N}}(P_{N}^{\prime})=\widehat{h}_{A/k_{N},\Theta}(P_{N})=\frac{1}{N^{2}}\widehat{h}_{A/k_{N},\Theta}(P_{1})=\frac{1}{N^{2}}\widehat{h}_{A/k,\Theta}(P_{1}).

Dans le même temps, grâce à l’isomorphisme ψ𝜓\psi on peut déduire les relations suivantes sur les dimensions et les hauteurs stables :

dim(AN)=mNdim(A),hst(AN)=mNhst(A).formulae-sequencedimsubscript𝐴𝑁subscript𝑚𝑁dim𝐴subscript𝑠𝑡subscript𝐴𝑁subscript𝑚𝑁subscript𝑠𝑡𝐴\mathop{\mathrm{dim}}(A_{N})=m_{N}\mathop{\mathrm{dim}}(A),\;\;\;\;\;h_{st}(A_{N})=m_{N}h_{st}(A).

On doit enfin calculer l’adhérence de PNsuperscriptsubscript𝑃𝑁\mathbb{Z}\!\cdot\!P_{N}^{\prime}. Or comme PN=1NP1subscript𝑃𝑁1𝑁subscript𝑃1P_{N}=\frac{1}{N}P_{1}, on aura PN=1NP1subscript𝑃𝑁1𝑁subscript𝑃1\mathbb{Z}\!\cdot\!P_{N}=\frac{1}{N}\mathbb{Z}\!\cdot\!P_{1}, donc :

PN¯={(P,,P)Aσ1××AσmN}Aσ1××AσmN¯superscriptsubscript𝑃𝑁𝑃𝑃superscript𝐴subscript𝜎1superscript𝐴subscript𝜎subscript𝑚𝑁superscript𝐴subscript𝜎1superscript𝐴subscript𝜎subscript𝑚𝑁\overline{\mathbb{Z}\!\cdot\!P_{N}^{\prime}}=\Big{\{}(P,...,P)\in{A^{\sigma_{1}}\!\times\!...\!\times\!A^{\sigma_{m_{N}}}}\Big{\}}\subsetneq A^{\sigma_{1}}\!\times\!...\!\times\!A^{\sigma_{m_{N}}}

On peut donc garder à l’esprit :

Fait 3.3.

Soit k𝑘k un corps de nombres. Il existe une suite de variétés abéliennes AN/ksubscript𝐴𝑁𝑘A_{N}/k définies sur k𝑘k et une suite de points d’ordre infini QNAN(k)subscript𝑄𝑁subscript𝐴𝑁𝑘Q_{N}\in{A_{N}(k)} telles que (dim(AN))N1subscriptdimsubscript𝐴𝑁𝑁1(\mathop{\mathrm{dim}}(A_{N}))_{N\geq 1} est croissante et :

limN+h^AN(QN)=0,subscript𝑁subscript^subscript𝐴𝑁subscript𝑄𝑁0\displaystyle\lim_{N\rightarrow+\infty}\widehat{h}_{A_{N}}(Q_{N})=0,
limN+hst(AN)=+,subscript𝑁subscript𝑠𝑡subscript𝐴𝑁\displaystyle\lim_{N\rightarrow+\infty}h_{st}(A_{N})=+\infty,
dim(.QN¯)=dim(A1).dim¯formulae-sequencesubscript𝑄𝑁dimsubscript𝐴1\displaystyle\mathop{\mathrm{dim}}(\overline{\mathbb{Z}.Q_{N}})=\mathop{\mathrm{dim}}(A_{1}).

Ce fait souligne le caractère crucial de l’hypothèse P¯=A¯𝑃𝐴\overline{\mathbb{Z}\!\cdot\!P}=A dans l’énoncé de la conjecture de Lang et Silverman.

Remarque.

Une variante consiste à considérer la situation A=A1×A2𝐴subscript𝐴1subscript𝐴2A=A_{1}\!\times\!A_{2} et un point P=(P1,O)A(k)𝑃subscript𝑃1𝑂𝐴𝑘P=(P_{1},O)\in{A(k)}, avec hF(A2/k)subscriptFsubscript𝐴2𝑘\mathop{h_{\mathrm{F}}}(A_{2}/k) très grand.

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