Raccord sur les espaces de Berkovich
Abstract.
Nous présentons ici quelques résultats autour du problème inverse de Galois. Nous commençons par rappeler la stratégie géométrique classique permettant de démontrer que tout groupe fini est groupe de Galois sur . Nous l’appliquons dans une autre situation afin de démontrer que, si désigne le corps des fonctions méromorphes sur une partie , d’un certain type, d’un espace de Berkovich sur un corps, alors l’énoncé précédent reste valable lorsque l’on remplace par . On retrouve, en particulier, le fait que tout groupe fini est groupe de Galois sur , lorsque est un corps valué complet dont la valuation n’est pas triviale.
Dans un second temps, en utilisant une méthode similaire, nous proposons une nouvelle preuve, purement géométrique, dans le langage des espaces de Berkovich sur un anneau d’entiers de corps de nombres, d’un résultat de D. Harbater assurant que tout groupe fini est groupe de Galois sur un corps de séries arithmétiques convergentes, ainsi que quelques généralisations.
Abstract Patching over Berkovich Spaces. In this text, we present a few results related to the inverse Galois problem. First we recall the geometric patching strategy that is used to handle the problem in the complex case. We use it in a different situation in order to prove that if is the field of meromorphic functions over a part , satisfying some conditions, of a Berkovich space over a valued field, then every finite group is a Galois group over . From this we derive a new proof of the fact that any finite group is a Galois group over , where is a complete valued field with non-trivial valuation.
In a second part, we deal with the following theorem by D. Harbater: every finite group is a Galois group over a field of convergent arithmetic power series. We switch to Berkovich spaces over the ring of integers of a number field and use a similar strategy to give a new and purely geometric proof of this theorem, as well as some generalizations.
Key words and phrases:
Problème inverse de Galois, espaces de Berkovich, géométrie analytique -adique, géométrie analytique globale, séries arithmétiques convergentes1991 Mathematics Subject Classification:
12F12, 14G22, 14G20, 14G25Introduction
Le problème inverse de Galois consiste à montrer que tout groupe fini peut être réalisé comme groupe de Galois sur le corps des nombres rationnels . La simplicité de l’énoncé n’augure en rien de la difficulté de la question et sa réponse nous échappe encore à ce jour.
Une stratégie due à D. Hilbert consiste à chercher à réaliser, tout d’abord, un groupe fini donné comme groupe de Galois sur le corps . Ce second problème se prête à une approche géométrique. En effet, supposons que nous sachions construire un revêtement galoisien (ramifié) de la droite projective de groupe de Galois . L’extension
induite entre les corps de fonctions fournirait alors une solution. Le théorème d’irréductibilité de Hilbert permet ensuite de revenir au problème initial : il assure qu’il est toujours possible de spécialiser une telle extension de façon à obtenir une extension du corps dont le groupe de Galois est encore .
Dans ce texte, nous nous intéressons à des variantes du second problème. Nous commençons par rappeler, dans la section 1, une stratégie classique pour obtenir des revêtements galoisiens : construire localement des revêtements analytiques cycliques, puis raccorder ces revêtements, et enfin montrer que le revêtement obtenu est algébrique.
Dans la deuxième section, nous nous plaçons dans le cadre des espaces analytiques au sens de Berkovich et appliquons la stratégie indiquée. Nous parvenons à démontrer que, lorsque est un corps ultramétrique complet dont la valuation n’est pas triviale, tout groupe fini est groupe de Galois sur le corps . En particulier, pour tout nombre premier , tout groupe fini est groupe de Galois sur le corps , un corps qui contient . La démonstration originale de ce résultat est due à D. Harbater (cf. [13], corollary 2.4) ; elle est écrite dans le cadre de la géométrie formelle. Il existe également une preuve dans le cadre de la géométrie rigide, rédigée par Q. Liu dans [18] en suivant une idée de J.-P. Serre. Signalons que l’absence, en général, de racines primitives de l’unité de tout ordre complique la première étape. Aussi les deux démonstrations citées font-elles appel aux constructions décrites par D. Saltman dans l’article [22]. Dans la preuve que nous proposons ici, en revanche, nous en faisons l’économie : un choix judicieux des lieux où nous construisons les revêtements cycliques nous permet d’avoir recours uniquement à des extensions de Kummer lorsque le corps est de caractéristique nulle, ou de Kummer et d’Artin-Schreier-Witt lorsqu’il est de caractéristique strictement positive. En toute logique, la simplification de l’arithmétique du problème a un coût et nous utilisons un résultat de géométrie plus compliqué, mais fort naturel : un théorème de type GAGA relatif au-dessus d’un espace affinoïde (cf. annexe A).
La dernière section du texte est consacrée à la construction d’extensions galoisiennes d’un sur-corps de d’un type différent : le corps des fractions de l’anneau formé des séries en une variable à coefficients entiers qui convergent sur le disque unité ouvert complexe. Nous en déduisons une nouvelle preuve du résultat de D. Harbater qui assure que tout groupe fini est groupe de Galois sur ce corps (cf. [14], corollary 3.8), et l’étendons à tout corps de nombres. La démonstration originale de ce résultat, aboutissement de la série d’articles [11], [12], [10] et [14], est ardue et technique ; elle basée sur des manipulations algébriques des anneaux de séries du même type que . Celle que nous proposons est, en revanche, purement géométrique. La seule difficulté réside dans le fait que le cadre adapté à ce problème est celui, fort naturel mais sans doute encore un peu exotique, de la droite de Berkovich sur un anneau d’entiers de corps de nombres (la construction et les propriétés de cet espace font l’objet de l’annexe B). Signalons, pour finir, que, contrairement à l’habitude, nous construisons un revêtement d’un ouvert d’un espace affine ; les résultats de type GAGA y tombent donc en défaut et nous utiliserons, pour pallier ce manque, le fait que l’ouvert en question soit un espace de Stein.
Notations
Nous désignerons par l’ensemble des nombres entiers positifs et par le sous-ensemble formé de ceux qui ne sont pas nuls.
Remerciements
La dernière partie de cet article a été rédigée au cours de l’année que j’ai passée à l’université de Ratisbonne. Je souhaite remercier Klaus Künnemann, qui m’a permis d’y séjourner, pour son accueil et ses encouragements. Ma gratitude va également à Antoine Chambert-Loir dont les conseils concernant la structure de cet texte m’ont permis, je l’espère, d’en accroître l’intérêt et la clarté. Merci également à Antoine Ducros de m’avoir communiqué ses notes sur les théorèmes GAGA.
1. Stratégie de raccord
Nous rappelons ici une démonstration classique du fait que tout groupe fini est groupe de Galois d’un revêtement de la variété algébrique . Ce n’est qu’un prétexte pour présenter la stratégie de raccord que nous utiliserons constamment par la suite.
Considérons tout d’abord le cas des groupes cycliques. Pour disposer de plus de souplesse, nous allons commencer par construire des revêtements de la variété analytique , et même des revêtements de petits ouverts de cette variété. Soit . Choisissons un point de , une coordonnée locale au voisinage de ce point, un disque ouvert sur lequel elle est définie et un disque fermé de rayon strictement positif contenu dans . Soient et deux points distincts de . Considérons le revêtement connexe et lisse du disque donné par l’équation
C’est un revêtement galoisien de groupe . En outre, il est trivial au-dessus du complémentaire du disque . Remarquons que pour déterminer le groupe de Galois nous avons utilisé le fait que le corps contienne une racine primitive de l’unité.
Nous allons maintenant recoller des revêtements du type précédent afin d’en construire qui possèdent des groupes de Galois finis arbitraires. Fixons un groupe fini . Notons son ordre et choisissons-en des générateurs , avec . Soit . Notons l’ordre de l’élément dans le groupe et posons . Choisissons un point de et construisons, par la méthode du paragraphe précédent, un -revêtement au-dessus d’un disque ouvert et trivial hors d’un disque fermé . Indexons les feuillets de ce revêtement par les entiers compris entre et de façon compatible avec l’action du groupe . Considérons maintenant , le -revêtement induit par le -revêtement . Rappelons qu’il est constitué topologiquement de copies de . Nous pouvons envoyer, de façon bijective, les feuillets de ce revêtement sur les éléments du groupe. Pour ce faire, choisissons, dans , des représentants des éléments du quotient . L’application qui envoie le feuillet indexé par de la copie indexée par de sur l’élément de est bijective. Nous pouvons alors décrire l’action du groupe sur le revêtement de la façon suivante : l’élément de envoie le feuillet associé à l’élément de sur le feuillet associé à l’élément .
Notons le complémentaire de la réunion des disques dans . Considérons le -revêtement induit par le revêtement trivial de et indexons ses feuillets par les éléments de de façon compatible avec l’action de ce groupe.
Raccordons, maintenant, les revêtements que nous venons de construire. Nous supposerons que les disques , avec , sont deux à deux disjoints. Nous pouvons facilement nous ramener à ce cas en les réduisant, si besoin est. Pour tout élément de , nous recollons alors, au-dessus de l’intersection , les feuillets associés aux mêmes éléments du groupe (cf. figure 1). Nous obtenons ainsi un revêtement de dont on vérifie facilement qu’il est connexe, lisse et galoisien de groupe .
Ainsi avons-nous obtenu une variété analytique complexe vérifiant les propriétés requises. Il nous reste à montrer que c’est, en réalité, une variété algébrique. Ce résultat découle du théorème d’existence de Riemann ou, si l’on veut, des théorèmes GAGA de J.-P. Serre. Nous avons finalement obtenu le résultat suivant :
Théorème 1.1\pointrait
Tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension du corps .
Pour résumer, rappelons en quelques mots la stratégie de la preuve :
-
(1)
Construire des revêtements cycliques sur de petits ouverts, triviaux au voisinage du bord.
-
(2)
Raccorder ces revêtements.
-
(3)
Montrer que le revêtement obtenu est algébrique.
D. Harbater l’a développée dans plusieurs contextes et utilisée pour démontrer de nombreux résultats. Nous renvoyons le lecteur désireux d’en savoir plus au texte [15].
La simplicité de cette stratégie de raccord (“patching ” chez D. Harbater) invite à l’appliquer dans de nombreux contextes géométriques, pour peu que l’on dispose d’une bonne notion de “petits ouverts ” et de théorèmes d’algébricité. Ce n’est pas le cas de la géométrie algébrique, où deux ouverts non vides de la droite projective se coupent toujours, mais ce devrait l’être pour toute géométrie analytique. Dans la suite de ce texte, nous illustrerons cette idée en appliquant la stratégie indiquée dans le cadre des espaces de Berkovich sur un corps ultramétrique complet, à la section 2, puis sur un anneau d’entiers de corps de nombres, à la section 3.
2. Problème inverse de Galois sur une droite relative
Soient un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet et un espace -analytique géométriquement irréductible. Nous noterons le faisceau structural sur cet espace. Soit une partie de l’espace .
Notons le produit fibré , et les morphismes naturels de projection. Signalons que, d’après [5], théorèmes 7.16 et 8.4, l’espace est géométriquement irréductible. Notons l’image réciproque de par le morphisme .
Dans les numéros 2.1, 2.2 et 2.3, nous supposerons que la partie est compacte (pour les applications, dans la preuve des corollaires 2.13 et 2.14, elle sera même réduite à un point). Nous la munirons alors du faisceau des fonctions surconvergentes, c’est-à-dire du faisceau , où désigne l’inclusion. De façon générale, nous utiliserons, sans plus le préciser, le faisceau des fonctions surconvergentes pour toute partie compacte. En particulier, l’espace localement annelé associé à l’espace que nous obtiendrons ainsi ne sera autre que le germe au sens de V. Berkovich (cf. [2], §3.4 ou [3], §2).
2.1. Construction locale de revêtements cycliques
Dans le cas complexe, la construction locale était particulièrement simple, car nous disposions de racines primitives de l’unité de tout ordre. Lorsque nous cherchons à construire un revêtement cyclique dont l’ordre est premier à l’exposant caractéristique du corps de base, la situation n’est guère plus compliquée, car nous disposons encore de racines primitives de l’unité sur certains ouverts. Nous utiliserons alors une extension de Kummer bien choisie. Dans les autres cas, nous ferons appel à la théorie d’Artin-Schreier-Witt. Nous noterons l’exposant caractéristique du corps .
Fixons une extension finie et séparable de . Soit le polynôme minimal unitaire d’un élément primitif de cette extension. Notons le point de défini par l’annulation de ce polynôme.
2.1.1. Extensions de Kummer
Soit un entier supérieur ou égal à et premier à . Supposons que le corps contient une racine primitive de l’unité.
Puisque l’anneau local au point est hensélien, il contient une racine primitive de l’unité, que nous noterons . Cette racine est définie sur un voisinage du point , que nous pouvons supposer de la forme
avec .
Posons . Nous noterons encore et les rétrotirettes des éléments et par le morphisme . Remarquons que l’élément de est encore une racine primitive de l’unité.
Soient un voisinage de dans et un élément de nul en tout point de . Posons
Définissons un préfaisceau sur en posant, pour toute partie ouverte de ,
et en utilisant les morphismes de restriction induits par ceux du faisceau . Le caractère unitaire du polynôme assure que est un faisceau de -algèbres cohérent.
Remarque 2.1\pointrait
Le faisceau est l’image directe du faisceau structural d’une courbe analytique sur . Celle-ci nous est donnée comme un revêtement ramifié de degré de .
Soit . Posons
et
Remarquons que le complémentaire de dans est fermé dans .
Proposition 2.2\pointrait
Il existe un isomorphisme de -algèbres
tel que, pour tout ouvert de et tout élément de , nous ayons
où désigne l’automorphisme du faisceau qui consiste à faire agir la permutation cyclique sur les coordonnées.
Proof.
Le rayon de convergence de la série
est strictement positif. La série
définit donc un élément de , qui est une racine du polynôme . Nous avons alors l’égalité
Par conséquent, le morphisme
est un isomorphisme. On vérifie immédiatement qu’il satisfait la condition requise. ∎
Remarque 2.3\pointrait
La première partie du résultat signifie que le revêtement associé au faisceau est trivial au-dessus de . La seconde assure que le groupe agit sur le revêtement par une permutation cyclique des feuillets du lieu trivial.
Nous allons maintenant imposer des conditions sur les données et de façon que le faisceau soit associé à un revêtement irréductible.
Définition 2.4\pointrait
Nous dirons que la partie de satisfait la condition (CGI) si elle est compacte et possède un système fondamental de voisinages affinoïdes géométriquement intègres.
Sous les conditions de cette définition, l’anneau est intègre et la partie connexe. En particulier, le principe du prolongement analytique vaut sur et les anneaux locaux en tous les points de sont intègres.
Lemme 2.5\pointrait
Supposons que la partie de satisfait la condition (CGI). Alors, la partie de possède un système fondamental de voisinages affinoïdes irréductibles.
En particulier, pour tout point de , le morphisme naturel
est injectif.
Proof.
Soient un voisinage affinoïde géométriquement irréductible de dans et un nombre réel strictement supérieur à . La partie de définie par
est alors irréductible, d’après [5], théorème 8.4. En effet, ce n’est autre que le produit, au-dessus de , de l’espace géométriquement irréductible par l’espace
qui est irréductible, car le polynôme est irréductible sur .
La condition (CGI) assurent que l’ensemble des parties de la forme précédente est un système fondamental de voisinages de dans . ∎
Nous supposerons désormais que la partie compacte de satisfait la condition (CGI).
Définition 2.6\pointrait
Nous dirons que l’élément de satisfait la condition () s’il existe un point de qui vérifie les deux conditions suivantes :
-
i)
les corps et sont linéairement disjoints sur ;
-
ii)
le polynôme est irréductible sur le corps .
Lemme 2.7\pointrait
Supposons que l’élément de satisfait la condition (). Alors, le polynôme est irréductible sur le corps Frac. En particulier, l’anneau est intègre.
Proof.
Soit un point de satisfaisant les propriétés énoncées dans la définition de la condition (). Puisque les corps et sont linéairement disjoints sur , le polynôme est irréductible sur . Il l’est donc encore dans , puisque le corps et l’anneau local sont henséliens.
Notons l’ensemble des points de en lesquels la fonction est nulle. D’après le raisonnement précédent, la trace de la fibre sur comporte un seul point, que nous noterons . Notons le faisceau structural sur . Nous avons alors un isomorphisme
Le polynôme est donc irréductible sur le corps , isomorphe à . Par conséquent, le polynôme est irréductible sur le corps .
D’après le lemme 2.5, le morphisme naturel est injectif. Par conséquent, le corps est un sous-corps de . On en déduit que le polynôme est irréductible sur le corps .
Le polynôme étant unitaire, l’unicité de la division euclidienne assure que le morphisme
est injectif. Puisque l’anneau au but est intègre, celui à la source, qui n’est autre que l’anneau , l’est également. ∎
Remarque 2.8\pointrait
Ce résultat signifie que la courbe associée au faisceau est intègre, c’est-à-dire réduite et irréductible.
2.1.2. Extensions d’Artin-Schreier-Witt
Il nous reste à traiter le cas des groupes cycliques dont l’ordre n’est pas premier à l’exposant caractéristique du corps . Nous supposons désormais que est un nombre premier et chercherons à construire un revêtement cyclique d’ordre , où est un entier supérieur à . Il s’agit essentiellement de remplacer, dans le numéro précédent, la théorie de Kummer par celle d’Artin-Schreier-Witt. Nous nous contenterons d’indiquer les grandes lignes de la preuve.
Dans ce numéro, comme dans le précédent, nous supposerons que la partie compacte de satisfait la condition (CGI).
Soit un élément de nul en tout point de .
Définition 2.9\pointrait
Nous dirons que l’élément de satisfait la condition () s’il existe un point de qui vérifie les deux conditions suivantes :
-
i)
les corps et sont linéairement disjoints sur ;
-
ii)
le polynôme est irréductible sur le corps .
Soit . Posons
et
Notons l’anneau des vecteurs de Witt de longueur sur . Posons
et, pour tout élément de ,
Pour tout , définissons un polynôme à coefficients dans par la formule
Le groupe agit sur l’anneau en laissant stable et en envoyant , pour , sur la coordonnée du vecteur dans . Par analogie avec la construction précédente, nous définissons un faisceau sur par
Les propriétés des vecteurs de Witt montrent que, pour tout , nous avons
Soit . L’image du polynôme dans le corps résiduel de l’anneau local est scindé à racines simples. Puisque cet anneau local est hensélien, le polynôme possède racines simples dans . En raisonnant par récurrence sur le nombre de variables, on montre ainsi que le système d’équations polynomiales donné par possède exactement racines dans et que le morphisme
est un isomorphisme. On en déduit que le revêtement est trivial sur , comme à la proposition 2.2.
Supposons que l’élément de satisfait la condition (). L’énoncé du lemme 2.7 vaut alors encore. Pour le démontrer, l’on remplace simplement les arguments de la théorie de Kummer par ceux de la théorie d’Artin-Schreier-Witt. L’argument-clé consiste à utiliser le fait que le polynôme est irréductible sur , où est un point de satisfaisant les propriétés énoncées dans la définition de la condition (), et à en déduire que le polynôme est irréductible sur , où désigne l’unique point de la fibre en lequel s’annule.
2.2. Raccord et retour à l’algèbre
Soit un groupe fini. Soient , avec , des générateurs du groupe . Nous pouvons les choisir de façon que, pour tout élément de , il existe un nombre premier et un entier tels que le sous-groupe de engendré par soit cyclique d’ordre . Nous supposerons qu’il existe tel que, pour tout , et, pour tout , .
Nous nous plaçons sous les hypothèses suivantes :
-
•
la partie de satisfait la condition (CGI) ;
-
•
pour tout élément de , il existe une extension séparable de contenant une racine primitive de l’unité et un élément de qui satisfait la condition ;
-
•
pour tout élément de , il existe une extension séparable de et un élément de qui satisfait la condition ;
-
•
les corps sont deux à deux non isomorphes.
Supposons que les élément sont nuls en tout point de . Soit un élément de . Construisons par la méthode du numéro 2.1.1 ou 2.1.2 un revêtement galoisien de groupe . Il est défini au-dessus d’une partie et trivial au-dessus d’une partie . Notons le -revêtement induit.
Puisque les corps sont deux à deux non isomorphes, nous pouvons choisir les parties de façon qu’elles soient deux à deux disjointes (il suffit de choisir des éléments assez petits). Pour , posons . C’est une partie fermée de . Posons
et considérons le -revêtement induit par le revêtement trivial au-dessus de .
Raccordons, à présent, les différents revêtements selon les relations entre les éléments du groupe , par la méthode décrite au numéro 1. Nous obtenons un revêtement de , galoisien de groupe . On montre à l’aide du lemme 2.7 et de son analogue dans le cas des revêtements d’Artin-Schreier-Witt, qu’il est intègre. Un théorème du type GAGA (cf. corollaire A.6) assure qu’il est algébrique. En passant aux corps de fonctions, nous obtenons donc finalement une extension finie et galoisienne de groupe
où désigne le faisceau des fonctions méromorphes. La construction que nous avons menée étant purement géométrique, on se convainc aisément que cette extension est régulière, c’est-à-dire que le corps est algébriquement fermé dans le corps .
Théorème 2.10\pointrait
Il existe une extension finie du corps qui est régulière et galoisienne de groupe de Galois .
2.3. Conclusion
Regroupons les résultats que nous avons obtenus jusqu’ici.
Théorème 2.11\pointrait
Soient un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet. Soient un espace -analytique et une partie compacte de qui possède un système fondamental de voisinages affinoïdes géométriquement intègres. Supposons que pour tout nombre premier différent de la caractéristique du corps et tout entier , il existe une famille infinie de corps deux à deux non isomorphes satisfaisant les propriétés suivantes :
-
i)
tout élément de est une extension finie et séparable de contenant une racine primitive de l’unité ;
-
ii)
pour tout élément de , il existe un élément de et un élément de nul en tout point de tels que les corps et soient linéairement disjoints et le polynôme soit irréductible sur leur compositum.
Si la caractéristique du corps est un nombre premier , supposons en outre qu’il existe une famille infinie de corps deux à deux non isomorphes satisfaisant les propriétés suivantes :
-
i)
tout élément de est une extension finie et séparable de ;
-
ii)
pour tout élément de , il existe un élément de et un élément de nul en tout point de tels que les corps et soient linéairement disjoints et le polynôme soit irréductible sur leur compositum.
Alors, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Remarque 2.12\pointrait
Ce théorème ne contient malheureusement aucun résultat qui ne soit déjà connu. En effet, le corps contient toujours un corps complet pour une valeur absolue non triviale (un corps de séries de Laurent engendré par l’un des éléments lorsque est trivialement valué) et, sur un tel corps, le résultat est dû à D. Harbater (cf. [13], corollary 2.4).
Nous allons, à présent, appliquer ce résultat général dans des cas particuliers.
Corollaire 2.13\pointrait
Soit un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique non triviale pour laquelle il est complet. Alors, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Proof.
Appliquons le théorème 2.11 en choisissant pour espace la droite analytique , dont nous noterons la variable, et pour partie le point . Soit une extension finie du corps . Choisissons pour point le point : l’anneau local est l’anneau des séries en une variable à coefficients dans de rayon de convergence strictement positif. Par conséquent, les corps et sont linéairement disjoints sur . Choisissons pour fonction la fonction : pour tout entier , le polynôme est irréductible sur le corps , qui est un sous-corps de , par le théorème d’Eisenstein. Les hypothèses du théorème 2.11 sont donc satisfaites.
Soit un groupe fini. Il existe une extension finie et régulière du corps qui est galoisienne de groupe . Puisque l’anneau local est composé de séries convergentes et que le corps n’est pas trivialement valué, toute variété qui possède un point sur en possède un sur . En utilisant le théorème de Bertini-Noether (cf. [6], proposition 10.4.2), on montre alors que l’on peut spécialiser l’extension précédente en une extension finie et régulière du corps qui est galoisienne de groupe . ∎
Rappelons qu’un corps est dit fertile111Nous empruntons ce terme à L. Moret-Bailly (cf. [19]). Les corps fertiles sont connus sous beaucoup d’autres noms. Ils ont été introduits par F. Pop dans [21] sous l’appellation de “large fields ”. si tout -schéma de type fini qui possède un point sur en possède un sur (l’on peut démontrer que cela équivaut à demander que toute -courbe lisse qui possède un point sur en possède une infinité). F. Pop a démontré que, si est un corps fertile, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps (cf. [21], main theorem A).
Corollaire 2.14\pointrait
Soit un corps. Alors, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps . En particulier, si le corps est fertile ou contient un corps fertile, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Proof.
Munissons le corps de la valuation triviale et considérons la même situation que dans la preuve précédente. Nous avons alors et le théorème 2.11 fournit le résultat annoncé.
Lorsque le corps est fertile, le théorème de Bertini-Noether permet de spécialiser l’extension précédente en une extension de possédant les mêmes propriétés. La régularité de l’extension de permet d’obtenir, par produit tensoriel, pour tout corps contenant , une extension de possédant encore les propriétés requises. ∎
Remarque 2.15\pointrait
Le résultat du second corollaire contient le résultat du premier, puisque tout corps complet pour une valeur absolue ultramétrique non triviale est fertile. Cependant, la preuve de ce dernier énoncé étant assez difficile (on peut, par exemple, le démontrer en utilisant l’approximation d’Artin), nous avons choisi de proposer une preuve directe du corollaire 2.13.
2.4. Cas de la valuation triviale
Lorsque le corps est trivialement valué, nous pouvons obtenir des résultats plus généraux. Nous indiquons simplement ici les modifications à apporter au raisonnement qui précède.
Supposons que le corps est muni de la valeur absolue triviale. Pour tout , nous pouvons alors définir une application, appelée flot (cf. [20], 1.3), de dans de la façon suivante. Soient un point de – il est associé à une semi-norme multiplicative sur qui induit la valeur absolue triviale sur – et un nombre réel strictement positif. L’image du couple est le point de associée à la semi-norme multiplicative . Par restriction à la source et au but, nous pouvons encore définir le flot sur tout fermé de Zariski d’un espace affine analytique. Signalons qu’une fonction définie au voisinage d’un point se prolonge, et ce de façon unique, à un voisinage de sa trajectoire sous le flot (ibid., proposition 1.3.10).
Nous considérerons désormais un espace analytique qui est un fermé de Zariski d’un espace affine analytique et une partie ouverte de . Nous définissons comme précédemment , et .
Expliquons comment adapter les constructions locales du numéro 2.1. Comme alors, choisissons une extension finie et séparable de . Soit le polynôme minimal unitaire d’un élément primitif de cette extension et notons le point de défini par l’annulation de ce polynôme.
Reprenons, à présent, le raisonnement du numéro 2.1.1. À cet effet, choisissons un entier supérieur ou égal à et premier à et supposons que le corps contient une racine primitive de l’unité. Par hensélianité, elle se relève, dans l’anneau local au point , en une racine primitive de l’unité, que nous noterons . Les propriétés du flot assurent qu’elle est définie sur l’ouvert
Soit un élément de . Insistons sur le fait que nous ne supposons plus qu’il soit nul en tout point de . Nous définissons alors un faisceau , comme précédemment, au-dessus de l’ouvert
Puisque le corps est trivialement valué, le rayon de convergence de la série est égal à et le revêtement associé à est trivial au-dessus de l’ouvert
Supposons, en outre, que l’élément est de valeur absolue strictement inférieure à en tout point de . Alors, le complémentaire de la partie dans est fermé dans .
Pour assurer l’irréductibilité du revêtement associé au faisceau , nous remplaçons la condition (CGI) par la condition suivante : l’ouvert est limite inductive d’espaces affinoïdes géométriquement intègres. Le résultat du lemme 2.7 vaut alors encore.
Passons aux résultats du numéro 2.1.2. Supposons donc que est un nombre premier et considérons un entier de la forme , avec . Soit un élément de et posons, de nouveau,
Les propriétés du flot permettent de préciser le domaine de définition des racines du polynôme . Notons le lieu d’annulation de dans . Supposons qu’il ne soit pas vide et que pour tout point de vérifiant et tout voisinage de , le flot joigne le point à un point de (c’est en particulier le cas dès que la partie est stable par le flot, que l’élément est de valeur absolue strictement inférieure à en tout point de et s’annule sur ). Posons
Les propriétés du flot assurent que le revêtement associé à est encore trivial sur une partie de dont le complémentaire dans est fermé. Si l’élément est de valeur absolue strictement inférieure à en tout point de , nous pouvons même choisir la partie de façon que son complémentaire dans soit fermé dans .
Dans la preuve du théorème 2.10, il faut finalement remplacer le résultat de type GAGA du corollaire A.6 par celui du corollaire A.7.
Nous obtenons finalement le résultat suivant :
Théorème 2.16\pointrait
Soient un corps. Munissons-le de la valeur absolue triviale. Soient un espace de Zariski d’un espace affine -analytique et une partie ouverte de stable par le flot qui soit limite inductive d’espaces affinoïdes géométriquement intègres. Supposons que pour tout nombre premier différent de la caractéristique du corps et tout entier , il existe une famille infinie de corps deux à deux non isomorphes satisfaisant les propriétés suivantes :
-
i)
tout élément de est une extension finie et séparable de contenant une racine primitive de l’unité ;
-
ii)
pour tout élément de , il existe un élément de et un élément de de valeur absolue strictement inférieure à en tout point de et qui s’annule sur tels que les corps et soient linéairement disjoints et le polynôme soit irréductible sur leur compositum.
Si la caractéristique du corps est un nombre premier , supposons en outre qu’il existe une famille infinie de corps deux à deux non isomorphes satisfaisant les propriétés suivantes :
-
i)
tout élément de est une extension finie et séparable de ;
-
ii)
pour tout élément de , il existe un élément de et un élément de de valeur absolue strictement inférieure à en tout point de et qui s’annule sur tels que les corps et soient linéairement disjoints et le polynôme soit irréductible sur leur compositum.
Alors, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Remarque 2.17\pointrait
De nouveau, le résultat de ce théorème est connu, puisque le corps contient un corps de séries de Laurent sur (engendré par l’un des éléments ).
Corollaire 2.18\pointrait
Soit un corps. Notons le sous-anneau de composé des séries de la forme
qui vérifient la condition
Alors, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Proof.
Appliquons le théorème 2.11 en choisissant pour espace l’espace analytique de dimension deux , dont nous noterons et les variables, et pour partie le disque ouvert relatif de rayon au-dessus de :
Cette partie est stable par le flot et nous avons .
Soit une extension finie du corps . Choisissons pour point le point de coordonnées : l’anneau local est isomorphe à . Par conséquent, les corps et sont linéairement disjoints sur . Choisissons pour fonction la fonction : pour tout entier , le polynôme est irréductible sur le corps . Les hypothèses du théorème 2.11 sont donc satisfaites. On en déduit le résultat attendu. ∎
Ce dernier énoncé peut surprendre, puisqu’il découle directement du corollaire 2.14. En effet, le corps contient le corps . Il présente cependant un intérêt dans le cadre de l’analogie entre corps de fonctions et corps de nombres. La droite analytique sur un corps trivialement valué est proche, à bien des égards, du spectre analytique – espace analytique de dimension – d’un anneau d’entiers de corps de nombres (cf. annexe B). Il semble donc raisonnable d’envisager que le résultat du corollaire précédent reste vrai en remplaçant l’anneau par l’anneau du disque ouvert de rayon au-dessus du spectre d’un anneau d’entiers de corps de nombres. Signalons que les constructions effectuées peuvent effectivement être menées dans ce cadre. Pour conclure, seuls manquent encore les théorèmes du type GAGA sur les espaces de Berkovich au-dessus des anneaux d’entiers de corps de nombres.
Conjecture 2.19\pointrait
Soient un corps de nombres, l’anneau de ses entiers et l’ensemble des plongements de dans . Notons le sous-anneau de composé des séries telles que, pour tout , la série à coefficients complexes a un rayon de convergence supérieur ou égal à . Alors, tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Remarque 2.20\pointrait
Nous ignorons si le corps est fertile, même lorsque l’anneau est l’anneau des entiers.
3. Problème inverse de Galois sur un disque relatif
Soit un anneau d’entiers de corps de nombres. Nous allons maintenant appliquer la stratégie de raccord décrite à la section 1 dans le cadre des espaces de Berkovich sur (cf. annexe B). Plus précisément, un groupe fini étant donné, nous allons construire un revêtement galoisien de groupe du disque
Cela indique que la troisième étape de notre démonstration différera fondamentalement de la troisième étape de la démonstration du cas complexe. En effet, le disque est un espace affine et non plus projectif comme l’était . En particulier, les théorèmes GAGA n’y sont pas valables. Nous utiliserons, pour les remplacer, le caractère Stein du disque .
Nous noterons et, pour tout idéal maximal de ,
Ces deux parties sont connexes.
3.1. Construction locale de revêtements cycliques
Dans le cas complexe, la construction locale était particulièrement simple car nous disposions de racines primitives de l’unité de tout ordre. Elle ne sera guère plus difficile ici puisque, comme nous allons l’expliquer, un entier étant donné, il existe toujours une branche de , et même une infinité, dont l’anneau des fonctions contient une racine primitive de l’unité.
Soient un entier, un nombre premier congru à modulo et un idéal maximal de contenant . Notons le complété de l’anneau pour la topologie -adique. Soit une uniformisante de l’anneau . Posons
Définissons un préfaisceau sur en posant, pour toute partie ouverte de ,
et en utilisant les morphismes de restriction induits par ceux du faisceau . Le caractère unitaire du polynôme assure que est un faisceau de -algèbres cohérent. Nous considérons ce faisceau comme l’image directe du faisceau d’un revêtement fini de .
Le résultat classique qui suit explique le choix des entiers et .
Lemme 3.1\pointrait
L’anneau contient une racine primitive de l’unité et, pour tout , nous avons .
Soit une racine primitive de l’unité. Posons
Le résultat suivant affirme que le revêtement de associé au faiseau est trivial au-dessus de l’ouvert .
Proposition 3.2\pointrait
Il existe un isomorphisme de -algèbres
tel que, pour tout ouvert de et tout élément de , nous ayons
où désigne l’automorphisme du faisceau qui consiste à faire agir la permutation cyclique sur les coordonnées.
Proof.
En utilisant le lemme précédent, on montre que la fonction possède une racine dans . Nous la noterons . On en déduit l’égalité
Par conséquent, le morphisme
est un isomorphisme. On vérifie immédiatement qu’il satisfait la condition requise. ∎
Démontrons, à présent, que le revêtement est irréductible.
Lemme 3.3\pointrait
Le polynôme est irréductible sur le corps Frac. En particulier, l’anneau est intègre.
Proof.
Notons le point de la fibre . D’après la discussion menée à la fin de la section B, l’anneau local en ce point est isomorphe à l’anneau . Commençons par montrer que le polynôme est irréductible sur le corps . Pour des raisons de valuation -adique, l’élément de n’est racine dans pour aucun diviseur de . D’après la théorie de Kummer, cela impose au polynôme d’être irréductible sur . Les mêmes arguments que dans la preuve du lemme 2.7 permettent alors de conclure. ∎
Nous pouvons même être plus précis et démontrer un principe du prolongement analytique.
Lemme 3.4\pointrait
Soient un point de et un élément de . Le morphisme
où est la projection sur le facteur, est injectif.
Proof.
Soit un élément de l’anneau dont l’image par le morphisme est nulle. Choisissons un élément de qui représente la section . Reprenons les notations de la preuve de la proposition 3.2. Par hypothèse, nous avons
Pour montrer que l’élément est nul, il suffit de montrer que le polynôme est le polynôme minimal de l’élément sur le corps . C’est bien le cas, puisque le lemme précédent assure que le polynôme est irréductible sur le corps . ∎
Terminons par un résultat topologique.
Lemme 3.5\pointrait
La partie
est fermée dans le disque .
Proof.
Il suffit de montrer que est fermée dans puisque cette dernière partie est elle-même fermée dans . En d’autres termes, nous souhaitons montrer que la partie
est ouverte dans . Puisque est une partie ouverte de , il suffit de montrer que est voisinage dans de chacun des points de .
Soit un point de . Posons . C’est un élément de l’intervalle . Soient un élément de et un élément de tels que l’on ait . La partie
est un voisinage ouvert du point dans qui est contenu dans . ∎
3.2. Raccord et retour à l’algèbre
Soit un groupe fini. Notons son ordre. Soient , avec , des générateurs du groupe . Pour tout élément de , notons l’ordre de l’élément , choisissons un nombre premier congru à modulo et un idéal maximal de contenant . Nous pouvons supposer que les sont distincts.
Soit un élément de . Construisons par la méthode du numéro 3.1 un revêtement galoisien de groupe . Il est défini au-dessus de et trivial au-dessus de
Notons le -revêtement induit (cf. section 1).
D’après le lemme 3.5, pour tout élément de , la partie est fermée dans . Définissons une partie ouverte de par
On se convainc aisément qu’elle est connexe. Considérons le -revêtement induit par le revêtement trivial au-dessus de . Recollons ces différents revêtements par la méthode décrite au numéro 1. Nous obtenons un revêtement de , galoisien de groupe , associé à un faisceau . On montre à l’aide du lemme 3.4 qu’il est intègre, c’est-à-dire que l’anneau est intègre.
Nous disposons, à présent, d’un revêtement du disque possédant le groupe de Galois désiré . Il nous reste à montrer que l’extension induite entre les corps de fonctions est galoisienne de même groupe. Nous utiliserons, pour ce faire, le caractère Stein du disque (cf. théorème B.4).
Proposition 3.6\pointrait
Le groupe des automorphismes de -algèbres du faisceau est isomorphe à .
Proof.
Soient et deux faisceaux de -algèbres cohérents. Considérons l’application
Elle est bijective car les faisceaux et satisfont le théorème A sur .
Par construction, le groupe des automorphismes de -algèbres du faisceau est isomorphe à . On en déduit le résultat attendu. ∎
Il reste à montrer que l’extension est entière. Puisque les théorèmes du type GAGA ne sont pas valables dans ce cadre, nous utiliserons un raisonnement direct.
Lemme 3.7\pointrait
Tout élément de annule un polynôme unitaire à coefficients dans de degré inférieur à .
Proof.
Soit un élément de . Nous supposerons, tout d’abord, qu’il existe un point de tel que toutes les coordonnées de son image dans soient distinctes. Puisque l’ouvert est connexe, le principe du prolongement analytique (cf. théorème B.3) assure qu’en tout point de , toutes les coordonnées du germe sont distinctes. Notons les coordonnées de l’image de dans . Posons
En tout point de , l’image du polynôme est l’unique polynôme unitaire de degré inférieur à à coefficients dans qui annule le germe .
Pour tout élément de , posons . Montrons, par récurrence, que pour tout élément de , il existe un polynôme unitaire de degré à coefficients dans qui annule l’élément de . Nous avons déjà traité le cas . Soit maintenant un élément de pour lequel l’hypothèse de récurrence est vérifiée. L’élément de l’anneau est annulé par un polynôme unitaire de degré inférieur à à coefficients dans le corps . Soit un élément de . Nous avons démontré qu’il existe un unique polynôme unitaire de degré inférieur à à coefficients dans qui annule le germe . On en déduit que les images des polynômes et dans coïncident. L’ouvert étant connexe, d’après le théorème B.3, les images de ces polynômes dans coïncident. On en déduit que le polynôme se prolonge en un polynôme unitaire de degré inférieur à à coefficients dans qui annule l’élément de .
On déduit finalement le résultat attendu du cas .
Soit un point de l’ouvert . La fibre du faisceau au point est isomorphe à l’algèbre . D’après le théorème B.4, le faisceau vérifie le théorème A sur le disque . On en déduit qu’il existe un élément de dont toutes les coordonnées de l’image dans la fibre sont distinctes.
Soit un élément de . Il existe un élément de tel que toutes les coordonnées du germe de la section au point soient distinctes. Le raisonnement qui précède montre qu’il existe deux polynômes unitaires et de degré inférieur à à coefficients dans qui annulent respectivement les sections et . On en déduit qu’il existe un polynôme unitaire de degré inférieur à à coefficients dans qui annule la section . ∎
Lemme 3.8\pointrait
L’anneau est algébriquement fermé dans l’anneau .
Proof.
Soit un polynôme unitaire à coefficients dans sans racines dans . Supposons, par l’absurde, qu’il existe une section de qui est racine du polynôme . Notons le point de la fibre de l’espace . C’est un point de l’ouvert . Notons la première coordonnée de l’image du germe par l’isomorphisme . C’est un élément de qui vérifie l’égalité . D’après la discussion menée à la fin de la section B, l’anneau local se plonge dans l’anneau . On en déduit que le polynôme possède une racine dans l’anneau et donc dans le corps . Puisque l’anneau est algébriquement fermé dans le corps , cette racine doit appartenir à . Nous avons abouti à une contradiction. On en déduit le résultat annoncé. ∎
Introduisons une définition correspondant à cette propriété.
Définition 3.9\pointrait
Une extension du corps est dite régulière si le corps est algébriquement fermé dans .
Regroupons, à présent, les résultats obtenus.
Proposition 3.10\pointrait
L’extension de corps
est finie de degré , régulière et galoisienne de groupe .
Proof.
L’extension est finie et de degré inférieur à d’après le lemme 3.7. Elle est régulière d’après le lemme 3.8. On déduit de la proposition 3.6 qu’il existe un morphisme injectif du groupe dans le groupe des -automorphismes du corps Frac(). Or le groupe a pour cardinal . On en déduit que l’extension est exactement de degré , qu’elle est galoisienne et que son groupe de Galois est isomorphe au groupe . ∎
3.3. Conclusion et généralisations
Regroupons, à présent, les résultats que nous avons obtenus. Puisque nous sommes partis d’un groupe fini arbitraire, nous avons finalement démontré que tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps . D’après la description de l’anneau donnée à la fin de la section B, ce dernier est isomorphe au corps , où désigne l’anneau des séries en une variable à coefficients dans de rayon de convergence complexe supérieur ou égal à en toute place infinie. Lorsque , nous retrouvons bien ainsi le résultat de D. Harbater (cf. [14], corollary 3.8) énoncé en introduction.
Théorème 3.12\pointrait
Soit un anneau d’entiers de corps de nombres. Tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Remarque 3.13\pointrait
Pour tout , l’anneau des séries en une variable à coefficients dans de rayon de convergence complexe supérieur ou égal à en toute place infinie (une seule suffirait) est réduit à l’anneau de polynômes . Si nous disposions du théorème précédent pour un certain nombre réel , nous aurions donc résolu le problème inverse de Galois géométrique sur .
Pour finir, nous regroupons plusieurs résultats proches de celui du théorème 3.12. Les démonstrations en sont fort similaires et nous n’indiquerons que les modifications à effectuer.
Ainsi que nous l’avons déjà signalé, le spectres analytique d’un anneau d’entiers de corps de nombres présente de nombreuses similitudes avec la droite analytique sur un corps trivialement valué. C’est donc, tout d’abord, dans ce cadre que nous allons nous placer. Soit un corps. Munissons-le de la valeur absolue triviale afin d’en faire un corps ultramétrique complet. Considérons, maintenant, l’espace , analogue de . Nous noterons et les coordonnées sur cet espace.
Lorsque la caractéristique du corps est nulle, pour tout entier , il existe une infinité de branches de la droite dont l’anneau des fonctions contient une racine primitive de l’unité. Posons
En appliquant le raisonnement suivi dans cette section, nous démontrons que tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps . Par régulière, nous entendons ici que le corps est algébriquement fermé dans l’extension en question.
Supposons, à présent, que le corps est de caractéristique , où est un nombre premier. Dans ce cas, la construction des revêtements cycliques locaux est plus complexe. Cependant, il est possible de la mener à bien en faisant appel aux extensions d’Artin-Schreier-Witt, comme nous l’avons déjà fait au numéro 2.1. Il est plus difficile de montrer qu’un tel revêtement est trivial sur une partie dont le complémentaire est fermé dans , mais les propriétés du flot nous permettent d’y parvenir.
En utilisant une description explicite de l’anneau , nous obtenons finalement le résultat suivant :
Théorème 3.14\pointrait
Soit un corps. Notons le sous-anneau de composé des séries de la forme
qui vérifient la condition
Tout groupe fini est groupe de Galois d’une extension finie et régulière du corps .
Remarque 3.15\pointrait
Le théorème précédent nous permet, en particulier, de réaliser, pour tout corps , tout groupe fini comme groupe de Galois sur le corps des fractions de . Nous étendons ainsi des résultats de D. Harbater (cf. [12], corollary 1.4 et corollary 1.5).
Appendix A Théorèmes GAGA relatifs sur un affinoïde
Soit un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet, une algèbre -affinoïde et un schéma localement de type fini sur . Dans [2], 2.6, V. Berkovich a défini, de manière fonctorielle, l’analytifié du schéma . Il vient avec un morphisme d’espaces localement annelés , qui est plat et surjectif (cette dernière propriété tombe évidemment en défaut dans le cas complexe). À tout faisceau de -modules , nous pouvons associer, par rétrotirette, un faisceau de -modules, que nous noterons . Remarquons que l’analytifié d’un faisceau cohérent est encore cohérent.
Dans la lignée des théorèmes GAGA de J.-P. Serre (cf. [23] et [8], exposé XII), nous allons nous intéresser aux propriétés du foncteur d’analytification lorsque l’espace est propre. Précisément, nous allons démontrer le théorème suivant :
Théorème A.1\pointrait
Soit un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet, une algèbre -affinoïde et un -schéma propre. Alors
-
i)
pour tout faisceau de -modules cohérent et tout entier , le morphisme
est un isomorphisme ;
-
ii)
le foncteur d’analytification
induit une équivalence entre la catégorie des -modules cohérents et celle des -modules cohérents.
La preuve originale de J.-P. Serre, qui concerne l’analytification complexe, peut être adaptée à notre contexte sans difficultés majeures. Signalons que le théorème précédent a d’ailleurs déjà été obtenu par U. Köpf dans le cadre de la géométrie rigide (cf. [17]) et par A. Ducros en général, dans un texte inédit. Nous en rédigeons cependant une démonstration pour la commodité du lecteur, sans prétendre aucunement à l’originalité.
Comme dans le cas complexe, on se ramène à démontrer le théorème pour un espace de la forme et on utilise les résultats classiques concernant les faisceaux cohérents sur un tel espace. Deux propriétés joueront un rôle essentiel dans la preuve : la platitude du morphisme et la finitude cohomologique des morphismes propres. Ce dernier point prend la forme du théorème suivant :
Théorème A.2\pointrait
Soit un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet, une algèbre -affinoïde et un -espace analytique propre. Pour tout faisceau de -modules cohérent et tout entier naturel , le -module est un -module de Banach de type fini.
Ce résultat a été démontré par R. Kiehl dans le cas d’un corps de valuation non triviale et d’objets strictement affinoïdes (cf. [16], Theorem 3.3). Il a été étendu au cas général par V. Berkovich (cf. [1], proposition 3.3.5).
Indiquons pour finir le seul véritable ajout que nous avons dû faire à la preuve de J.-P. Serre (et qui figure chez A. Ducros) : il s’agit du lemme A.4, un résultat de changement de base, utilisé pour pallier le fait qu’un point de l’espace -analytique n’est pas toujours situé sur un hyperplan.
A.1. Démonstration
Commençons par quelques réductions classiques. En utilisant le lemme de Chow (cf. [7], théorème 5.6.1), on montre qu’il suffit de prouver le théorème dans le cas où est un schéma projectif sur . Dans le cas complexe, les détails de l’argument figurent dans l’exposé XII de [8] ; un raisonnement en tout point semblable vaut ici.
Si est un schéma projectif sur , il existe une immersion fermée , pour un certain entier naturel . Pour tout faisceau de -modules cohérent , le faisceau de -modules , qui n’est autre que le prolongement de par zéro, est encore cohérent. On vérifie que cette opération de prolongement commute à l’analytification et préserve la cohomologie. En outre, elle possède un inverse à gauche : la restriction à . En utilisant ces propriétés, on montre qu’il suffit de prouver le théorème dans le cas où est un espace projectif sur . C’est ce que nous supposerons désormais.
A.1.1. Assertion i) lorsque
Nous allons démontrer, par récurrence sur , que, pour tout entier naturel et tout entier relatif , l’assertion i) du théorème est vraie lorsque et .
Pour , le résultat découle du théorème d’acyclicité de Tate.
Soit tel que le résultat soit vrai pour . Posons . Soit une section non nulle du fibré et l’hyperplan de (isomorphe à ) qu’elle définit. Nous noterons à la fois le faisceau structural sur et son prolongement par zéro à . D’après l’hypothèse de récurrence, pour tout entier , le morphisme
est un isomorphisme.
Pour tout , la multiplication par définit une suite exacte courte
En écrivant la suite exacte longue associée et en utilisant le lemme des cinq, on montre que l’on a un isomorphisme pour tout si, et seulement si, on a un isomorphisme pour tout .
Un calcul explicite montre que l’on a pour tout . On en déduit le résultat annoncé.
A.1.2. Assertion i) en général
Soit . Posons . Nous allons démontrer, par une récurrence descendante sur , que, pour tout entier naturel , l’assertion i) du théorème est vraie pour .
Si , pour tout faisceau de -modules cohérent , les groupes et sont tous deux nuls, et le résultat est vrai.
Soit tel que le résultat soit vrai pour . Soit un faisceau de -modules cohérent. Nous pouvons l’insérer dans une suite exacte de faisceaux de -modules cohérents
où est somme directe de faisceaux isomorphes à , avec .
Insérons le faisceau dans une suite exacte courte du même type
D’après l’hypothèse de récurrence et le numéro A.1.1, le résultat vaut pour le faisceau en rang et pour le faisceau en rangs et . Le lemme des cinq assure alors que le morphisme
est surjectif.
Pour les mêmes raisons que précédemment, nous savons en outre que le résultat vaut pour le faisceau en rang et pour le faisceau en rangs et . Une nouvelle application du lemme des cinq assure alors que le morphisme
est bijectif.
A.1.3. Pleine fidélité du foncteur
Soit un espace projectif sur . Soient et deux faisceaux de -modules cohérents. Soit un point de . Notons son image dans .
Nous disposons des isomorphismes
et
La platitude du morphisme naturel entraîne que le morphisme
est un isomorphisme.
On conclut en appliquant le résultat de l’assertion i) du théorème au faisceau cohérent et à l’entier .
A.1.4. Surjectivité essentielle du foncteur
Nous allons démontrer, par récurrence sur , que, pour tout entier naturel , le foncteur est essentiellement surjectif lorsque .
Lorsque , le résultat est classique (cf. [1], proposition 2.3.1).
Soit tel que le résultat soit vrai pour le schéma . Posons . Commençons par une série de lemmes.
Lemme A.3\pointrait
Pour tout hyperplan projectif de et tout faisceau de -modules cohérent , il existe un entier tel que
Proof.
On démontre ce résultat en appliquant l’hypothèse de récurrence au faisceau , puis en utilisant le résultat analogue pour les schémas projectifs et les isomorphismes fournis par l’assertion i) du théorème. ∎
Lemme A.4\pointrait
Soit une extension valuée complète de . Notons le morphisme de projection. Soient un point de et l’un de ses antécédents par le morphisme . Soit un faisceau de -modules cohérent. Supposons que la fibre soit engendrée par l’ensemble des sections globales de . Alors, la fibre est engendrée par l’ensemble des sections globales de .
Proof.
D’après le théorème A.2, est un -module de Banach fini. Considérons une famille , avec , qui l’engendre. Notons le conoyau du morphisme défini par cette famille. Puisque le produit tensoriel est exact à droite, le faisceau est le conoyau du morphisme défini par la famille .
L’exactitude du foncteur assure que les -modules et sont isomorphes. En particulier, la famille engendre . Puisque, par hypothèse, cet ensemble engendre , la fibre est nulle. A fortiori, nous avons . Puisque , nous avons même , d’où l’on déduit que , par le lemme de Nakayama. ∎
Lemme A.5\pointrait
Soient un faisceau de -modules cohérent et un point de . Il existe un entier naturel tel que, pour tout , la fibre soit engendrée par l’ensemble des sections globales de .
Proof.
D’après le lemme A.4, quitte à effectuer un changement de corps de base de à (et à modifier les autres données en conséquence), nous pouvons supposer que le point est -rationnel. Il est alors situé sur l’analytifié d’un certain hyperplan projectif de .
Soit une section de de lieu des zéros . La multiplication par définit une suite exacte
où est un faisceau de -modules cohérent supporté par .
Soit . En tensorisant la suite précédente par puis en la scindant, nous obtenons les deux suites exactes courtes
et
qui donnent naissance aux deux suites exactes de cohomologie
et
D’après le lemme A.3, il existe un entier tel que, pour tout , les groupes de cohomologie
soient nuls et, par conséquent, le morphisme composé
soit surjectif.
Le morphisme étant propre, le théorème A.2, assure que le -module est de type fini, et donc noethérien. On en déduit qu’il existe un entier tel que, pour tout , le morphisme
soit un isomorphisme. Par conséquent, pour tout , le morphisme surjectif
est bijectif, d’où l’on déduit, en considérant la suite exacte longue associé à la seconde suite exacte courte, que le morphisme
est surjectif.
D’après l’hypothèse de récurrence, le faisceau de -modules cohérent est l’analytifié d’un faisceau de -modules cohérent . Notons l’image du point dans . Les résultats classiques sur les schémas projectifs assurent qu’il existe un entier tel que, pour tout , la fibre soit engendrée, en tant que -module, par l’ensemble des sections globales . En utilisant l’assertion i) du théorème, on en déduit que le résultat vaut encore en remplaçant respectivement par , par et par .
Notons le faisceau d’idéaux qui définit dans . Remarquons que sa fibre est contenue dans l’idéal maximal de . Soit . Nous venons de montrer que est engendré par . On en déduit que est engendré par , et donc par . On conclut par le lemme de Nakayama. ∎
Terminons, à présent, la démonstration. Soit un faisceau de -modules cohérent. En utilisant le résultat du lemme précédent et la compacité de , on montre qu’il existe un entier tel qu’en tout point de , la fibre soit engendrée par . On en déduit l’existence d’un entier naturel , d’un faisceau de -modules cohérent et d’une suite exacte
En appliquant le même raisonnement au faisceau , nous parvenons finalement à écrire le faisceau comme le conoyau d’un morphisme , avec et . Puisque le foncteur d’analytification est pleinement fidèle, le morphisme est l’analytifié d’un morphisme . L’exactitude à droite du foncteur d’analytification assure alors que le faisceau est isomorphe à l’analytifié du conoyau du morphisme , qui est un faisceau de -modules cohérent.
A.2. Corollaires
Nous énonçons ici deux corollaires du théorème A.1. Ils ont également pour objet des résultats de type GAGA, mais sur des bases qui ne sont plus nécessairement affinoïdes. Nous sommes convaincu qu’il est possible de les étendre à une base quelconque, de façon à obtenir un analogue parfait des théorèmes obtenus par M. Hakim dans le cadre de la géométrie analytique complexe (cf. [9], chapitre VIII, théorèmes 3.2 et 3.5). Cependant, pour éviter d’avoir à utiliser le formalisme un peu lourd des schémas relatifs sur un espace analytique, nous nous contenterons d’énoncer les deux cas particuliers que nous utilisons dans cet article.
Soit un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet, une algèbre -affinoïde et un -schéma propre. Soit une partie compacte de possédant un système fondamental de voisinages affinoïdes. Rappelons que la notation désigne l’anneau des germes de fonctions analytiques au voisinage de . Notons et l’image réciproque de dans . Munissons du faisceau des fonctions surconvergentes. En utilisant le morphisme d’analytification au-dessus d’un espace affinoïde défini par V. Berkovich, on montre qu’il existe un morphisme d’espaces localement annelés . La rétrotirette d’un faisceau de -modules cohérent est un faisceau de -modules cohérent, que nous noterons .
Corollaire A.6\pointrait
Supposons que nous nous trouvons dans la situation décrite ci-dessus. Alors
-
i)
pour tout faisceau de -modules cohérent et tout entier , le morphisme
est un isomorphisme ;
-
ii)
le foncteur d’analytification
induit une équivalence entre la catégorie des -modules cohérents et celle des -modules cohérents.
Proof.
Il faut tout d’abord remarquer que l’espace est compact. En reprenant le raisonnement de la preuve de la proposition de [4], on en déduit que tout faisceau cohérent sur se prolonge en un faisceau cohérent sur un voisinage de , et donc sur une partie de la forme , où est un voisinage affinoïde de . En utilisant ce raisonnement et le théorème A.1, on obtient le résultat attendu. ∎
Soit un corps muni d’une valeur absolue ultramétrique pour laquelle il est complet, une algèbre -affinoïde et un -schéma propre. Soit un espace -analytique qui soit limite inductive d’espaces affinoïdes. Notons . En utilisant le morphisme d’analytification au-dessus d’un espace affinoïde défini par V. Berkovich, on construit, par limite inductive, un espace analytique et un morphisme d’espaces localement annelés . Comme précédemment, la rétrotirette d’un faisceau de -modules cohérent est un faisceau de -modules cohérent, que nous noterons . Le résultat suivant se déduit alors aisément du théorème A.1.
Corollaire A.7\pointrait
Supposons que nous nous trouvons dans la situation décrite ci-dessus. Alors
-
i)
pour tout faisceau de -modules cohérent et tout entier , le morphisme
est un isomorphisme ;
-
ii)
le foncteur d’analytification
induit une équivalence entre la catégorie des -modules cohérents et celle des -modules cohérents.
Appendix B La droite de Berkovich sur un anneau d’entiers de corps de nombres
Dans cette annexe, nous présentons succintement la droite de Berkovich sur un anneau d’entiers de corps de nombres. Nous invitons le lecteur dont ces prémices auront éveillé la curiosité à parcourir l’ouvrage [20] pour approfondir ce sujet.
B.1. Définitions
Soit un corps de nombres. Notons l’anneau de ses entiers. Commençons par rappeler la définition d’espace affine analytique sur . Elle est due à V. Berkovich (cf. [1], §1.5). Soit . L’espace affine analytique de dimension sur , noté , est l’ensemble des semi-normes multiplicatives sur , c’est-à-dire l’ensemble des applications
qui vérifient les propriétés suivantes :
-
i)
et ;
-
ii)
;
-
iii)
.
Remarque B.1\pointrait
Dans la définition proposée par V. Berkovich figure une condition supplémentaire qui fait intervenir une norme sur l’anneau . Pour , posons
où désigne l’ensemble des plongements complexes du corps et la valeur absolue usuelle sur . La fonction définit une norme sur et, lorsque l’on munit l’anneau de cette norme, la définition de Berkovich coïncide avec la nôtre. Signalons que, quelle que soit la norme dont on munit (sous réserve tout de même qu’elle soit sous-multiplicative et fasse de un espace complet), on obtient un espace contenu dans celui que nous avons défini.
Soit un point de . Il lui est associé une semi-norme multiplicative sur . L’ensemble des éléments sur lesquels elle s’annule est un idéal premier de . Le quotient est un anneau intègre sur lequel la semi-norme induit une valeur absolue. Nous noterons le complété du corps des fractions de cet anneau pour cette valeur absolue. Nous noterons simplement la valeur absolue sur le corps , cela n’entraînant pas de confusion. La construction fournit un morphisme
L’image d’un élément de par ce morphisme sera notée . Avec ces notations, nous avons donc .
Munissons, à présent, l’espace analytique d’une topologie : celle engendrée par les ensembles de la forme
pour et .
Pour finir, nous définissons un faisceau d’anneaux sur de la façon suivante : pour tout ouvert de , l’anneau est constitué des applications
qui vérifient les deux conditions suivantes :
-
i)
, ;
-
ii)
est localement limite uniforme de fractions rationnelles sans pôles.
B.2. Dimension
Afin de rendre plus palpables les définitions précédentes, nous allons décrire explicitement , l’espace affine analytique de dimension sur , que nous noterons plus volontiers . Nous noterons la valeur absolue usuelle sur et, pour tout idéal maximal de , nous noterons la valeur absolue -adique normalisée. Du théorème d’Ostrowski, l’on déduit que les points de sont exactement
-
i)
la valeur absolue triviale (nous noterons le point associé) ;
-
ii)
la valeur absolue archimédienne (nous noterons le point associé) pour tout toute classe de conjugaison de plongements complexes de et tout élément de ;
-
iii)
la valeur absolue -adique (nous noterons le point associé) pour tout idéal maximal de et tout élément de ;
-
iv)
la semi-norme (nous noterons le point associé) induite par la valeur absolue triviale sur le corps fini pour tout idéal maximal de .
Nous pouvons également décrire la topologie de l’espace (cf. figure 2, tracée dans le cas où pour simplifier les notations, mais aisément généralisable). Pour cela, il suffit d’indiquer que chacune des branches tracée sur la figure 2 est homéomorphe à un segment réel et qu’un voisinage du point central est une partie qui contient entièrement toutes les branches à l’exception d’un nombre fini, et qui contient un voisinage de dans chacune des branches restantes. Si l’on préfère, l’espace possède la topologie du compactifié d’Alexandrov de la réunion disjointe de ses branches privées de , le point jouant le rôle du point à l’infini.
Nous pouvons également décrire explicitement les sections du faisceau structural sur les ouverts de . Nous avons représenté les différents cas à la figure 3, de nouveau dans le cas où .
B.3. Dimension
Venons-en, à présent, à l’espace affine analytique de dimension sur . Nous noterons la coordonnée sur cet espace. Remarquons, tout d’abord, que le morphisme induit un morphisme de projection
Cela permet d’obtenir une description topologique de la droite de Berkovich sur : la fibre de au-dessus d’un point de est isomorphe à la droite de Berkovich sur le corps . Si , cette droite est isomorphe à l’espace et, si , elle est isomorphe à son quotient par la conjugaison complexe. Nous ne chercherons pas à obtenir de description plus précise et nous contenterons d’indiquer quelques propriétés (cf. [20], théorèmes 4.4.1 et 4.5.5).
Théorème B.2\pointrait
-
i)
L’espace est localement compact, métrisable et de dimension topologique .
-
ii)
L’espace est localement connexe par arcs.
-
iii)
Le morphisme de projection est ouvert.
-
iv)
En tout point de , l’anneau local est hensélien, noethérien, régulier, de dimension inférieure à et le corps résiduel est hensélien.
-
v)
Le faisceau structural est cohérent.
Signalons encore que la droite de Berkovich sur satisfait au principe du prolongement analytique (ibid., théorèmes 4.4.2 et 7.1.9, corollaire 4.4.5).
Théorème B.3\pointrait
Soit une partie connexe de .
-
i)
Le principe du prolongement analytique vaut sur . En particulier, l’anneau est intègre.
-
ii)
L’anneau des sections méromorphes est un corps.
-
iii)
Si est de Stein, le morphisme naturel est un isomorphisme.
Rappelons ici ce que nous entendons par espace de Stein. Nous dirons qu’un espace localement annelé est de Stein s’il satisfait les conclusions des théorèmes A et B de H. Cartan :
-
A)
pour tout faisceau de -modules cohérent et tout point de , la fibre est engendrée par l’ensemble des sections globales ;
-
B)
pour tout faisceau de -modules cohérent et tout entier , nous avons .
Donnons quelques exemples de sous-espaces de la droite analytique qui sont des espaces de Stein (ibid., théorème 6.6.29).
Théorème B.4\pointrait
Soient une partie ouverte et connexe de l’espace et . Soit un polynôme unitaire à coefficients dans . Les parties suivantes de la droite analytique sont des espaces de Stein :
-
i)
;
-
ii)
.
Pour terminer, disons quelques mots des sections globales sur les parties de la droite analytique . Sur les disques, elles s’expriment essentiellement en termes de séries dont les coefficients sont des fonctions sur . Considérons, par exemple, le disque ouvert relatif de rayon :
Le morphisme naturel induit un isomorphisme
où désigne l’anneau constitué des séries de la forme
telles que le rayon de convergence de la série à coefficients complexes
soit supérieur ou égal à , pour tout plongement complexe de . On déduit cette description du théorème 3.2.16 de ibid.
À partir de la description des anneaux de sections sur les disques, nous pouvons déduire celle des anneaux locaux en certains points. Nous nous contenterons de deux exemples. Soit un idéal maximal de . Notons le point de la fibre de au-dessus du point . D’après le corollaire 3.2.5 de ibid., le morphisme naturel induit un isomorphisme
Notons le point de la fibre de au-dessus du point . D’après le corollaire 3.2.8 de ibid., le morphisme naturel induit un isomorphisme
où désigne l’anneau constitué des éléments de qui vérifient les propriétés suivantes :
-
i)
;
-
ii)
pour tout plongement complexe de , le rayon de convergence complexe de la série est strictement positif ;
-
iii)
pour tout idéal maximal de , le rayon de convergence -adique de la série est strictement positif (il suffit d’imposer cette condition pour les idéaux maximaux qui contiennent un élément possédant les propriétés décrites en i).
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