Variétés rationnellement connexes sur un corps algébriquement clos

Laurent BONAVERO

Résumé. Ce sont les notes d’un mini-cours sur les variétés rationnellement connexes, écrit pour les Etats de la Recherche de la Société Mathématique de France (Strasbourg, 2008)111 Je remercie tous les participants pour leurs commentaires qui ont permis d’améliorer grandement ce texte par rapport à la version distribuée le jour de la conférence. Stéphane Druel à Grenoble m’a apporté une aide inestimable lors de la préparation de ce cours.222 Institut Fourier, UFR de Mathématiques, Université de Grenoble 1, UMR 5582, BP 74, 38402 Saint Martin d’Hères, FRANCE. e-mail : laurent.bonavero@ujf-grenoble.fr. On met l’accent sur les aspects géométriques. Ces notes sont aussi une invitation à lire le livre d’Olivier Debarre [Deb01], dont une grande partie de ce cours est extraite. Ces notes doivent surtout permettre au lecteur de comprendre l’énoncé suivant et l’un de ses fameux corollaires [GHS03].

Théorème 1.

(Graber, Harris et Starr) Sur un corps algébriquement clos, soient X𝑋X une variété projective lisse et φ:XC:𝜑𝑋𝐶\varphi:X\to C un morphisme surjectif sur une courbe projective lisse C𝐶C. Si la fibre générale de φ𝜑\varphi est séparablement rationnellement connexe, alors φ𝜑\varphi possède une section.

Corollaire 2.

(Graber, Harris et Starr) Sur un corps algébriquement clos de caractéristique zéro, soit f:XY:𝑓𝑋𝑌f~{}:X\to Y un morphisme dominant entre deux variétés projectives. Si Y𝑌Y et la fibre générale de f𝑓f sont rationnellement connexes, alors X𝑋X est rationnellement connexe.

Les preuves de ces deux résultats sont données dans le cours de Jason Starr, le matériel préliminaire nécessaire est présenté en détail dans ces notes. Ce cours est rédigé dans l’espoir de s’adresser à un public large, à l’exception peut-être du §7, où nous donnons les détails de la preuve de la conjecture de connexité rationnelle de Shokurov par Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan, plus technique et où les prérequis sont un peu plus importants.

COURS 1

Ce premier cours est un survol sur l’importance et la présence des courbes rationnelles en géométrie algébrique. On traite le cas particulier des hypersurfaces de l’espace projectif et on discute le lien entre courbes rationnelles et géométrie birationnelle classique (éclatements, lieux exceptionnel et d’indétermination) ou moderne (théorie de Mori). On introduit enfin la notion de connexité rationnelle et des notions qui lui sont reliées.

Introduction

Sauf mention explicite du contraire, toutes les variétés algébriques et les morphismes considérés sont définis sur un corps k𝑘k algébriquement clos de caractéristique arbitraire, les variétés sont irréductibles et réduites. Certains énoncés ne sont valables qu’en caractéristique 00 (ceux dont la preuve nécessite le théorème de lissité générique ou ceux pour lesquels il faut utiliser une résolution des singularités) ou sur un corps non dénombrable (ceux pour lesquels il est important de savoir qu’une variété n’est pas réunion dénombrable de sous-variétés propres), on le mentionnera explicitement.

Une courbe est une variété projective intègre (irréductible et réduite) de dimension 111.

Si X𝑋X est une variété (quasi-) projective, on dira qu’un point est en position générale, ou plus simplement général, s’il appartient à un ouvert non vide (non spécifié) de X𝑋X, qu’il est en position très générale, ou plus simplement très général, s’il appartient au complémentaire d’une réunion dénombrable de fermés stricts de X𝑋X. Cette dernière notion n’est que très peu pertinente sur un corps dénombrable où le complémentaire d’une réunion dénombrable de fermés stricts de X𝑋X peut être vide.

1. Quelques exemples de variétés possédant des courbes rationnelles.

1.1. Généralités

Il y a trois grandes classes de courbes projectives lisses : la droite projective 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} (dont la topologie complexe est celle d’une sphère), les courbes elliptiques (dont la topologie complexe est celle d’un tore), les courbes de genre 2absent2\geq 2 (dont la topologie complexe est celle d’une bouée multi-places). Il y a énormément d’invariants ou outils permettant de distinguer ces trois classes, celui qui nous sera le plus utile sera le signe du fibré canonique : si X𝑋X est une variété projective lisse de dimension n𝑛n, on note classiquement KX:=detTXassignsubscript𝐾𝑋subscript𝑇𝑋K_{X}:=-\det T_{X}333 On ne distinguera pas entre notation additive et multiplicative pour le groupe de Picard. Ici, KXsubscript𝐾𝑋K_{X} est le dual du fibré detTXsubscript𝑇𝑋\det T_{X}.. C’est le fibré en droites dont les sections locales sont les n𝑛n-formes régulières f(z1,,zn)dz1dzn𝑓subscript𝑧1subscript𝑧𝑛𝑑subscript𝑧1𝑑subscript𝑧𝑛f(z_{1},\ldots,z_{n})dz_{1}\wedge\cdots\wedge dz_{n}. Pour une courbe lisse C𝐶C, on a KC=TCsubscript𝐾𝐶subscriptsuperscript𝑇𝐶K_{C}=T^{*}_{C} et les propriétés suivantes sont satisfaites : K1subscript𝐾superscript1-K_{{\mathbb{P}}^{1}} est ample, KEsubscript𝐾𝐸K_{E} est trivial si E𝐸E est une courbe elliptique et KCsubscript𝐾𝐶K_{C} est ample si C𝐶C est de genre 2absent2\geq 2.

Le problème suivant est un problème classique en géométrie algébrique : si XN𝑋superscript𝑁X\subset{\mathbb{P}}^{N} est une variété projective, existe-t-il une courbe dans X𝑋X de degré donné et de genre donné ? Si oui, en existe-t-il beaucoup et que peut-on dire du lieu dans X𝑋X couvert par ces courbes ? Une situation élémentaire où l’on peut énoncer une réponse complète est le cas des courbes planes : si C2𝐶superscript2C\subset{\mathbb{P}}^{2} est une courbe lisse plane de genre g𝑔g et de degré d𝑑d, alors g=(d1)(d2)/2𝑔𝑑1𝑑22g=(d-1)(d-2)/2. Si C2𝐶superscript2C\subset{\mathbb{P}}^{2} est une courbe de degré d𝑑d (ceci signifie que C𝐶C intersecte une droite générale de 2superscript2\mathbb{P}^{2} en d𝑑d points), alors le genre g𝑔g de sa désingularisée vérifie g(d1)(d2)/2𝑔𝑑1𝑑22g\leq(d-1)(d-2)/2. En particulier, si C2𝐶superscript2C\subset{\mathbb{P}}^{2} est isomorphe à 1superscript1{\mathbb{P}}^{1}, alors C𝐶C est une droite ou une conique dans 2superscript2{\mathbb{P}}^{2} et si f:12:𝑓superscript1superscript2f~{}:{\mathbb{P}}^{1}\to{\mathbb{P}}^{2} est un morphisme dont l’image f(1)𝑓superscript1f({\mathbb{P}}^{1}) est de degré 3absent3\geq 3, alors f(1)𝑓superscript1f({\mathbb{P}}^{1}) est nécessairement singulière.

Définition 3.

Soit X𝑋X une variété projective. Une courbe rationnelle sur X𝑋X est un morphisme f:1X:𝑓superscript1𝑋f:{\mathbb{P}}^{1}\to X non constant444 Il pourra arriver que par abus de langage (ou par inattention), on parle aussi de courbes rationnelles pour désigner l’image d’un morphisme non constant f:1X:𝑓superscript1𝑋f:{\mathbb{P}}^{1}\to X.. Le degré d’une courbe rationnelle f:1X:𝑓superscript1𝑋f:{\mathbb{P}}^{1}\to X est le degré du morphisme f𝑓f.

Le lecteur débutant doit commencer par se convaincre qu’il n’y a pas de morphisme f:1C:𝑓superscript1𝐶f:{\mathbb{P}}^{1}\to C non constant si C𝐶C est une courbe de genre 1absent1\geq 1.555 Dans sa thèse [Laz84], R. Lazarsfeld montre le très joli résultat suivant : si X𝑋X est une variété projective complexe lisse de dimension n𝑛n et si f:nX:𝑓superscript𝑛𝑋f:{\mathbb{P}}^{n}\to X est un morphisme surjectif, alors Xnsimilar-to-or-equals𝑋superscript𝑛X\simeq{\mathbb{P}}^{n}. La preuve utilise de façon essentielle la géométrie des courbes rationnelles de X𝑋X. Hwang et Mok ont depuis étendu ce résultat à de nombreuses variétés de Fano avec nombre de Picard égal à 111.

1.2. Courbes rationnelles contenues dans les hypersurfaces de nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}

Les courbes rationnelles les plus simples dans l’espace projectif sont les droites. On se demande ici si une hypersurface (générale) de degré d𝑑d dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n} contient (au moins) une droite.

La variété des droites dans n=(V)superscript𝑛𝑉{\mathbb{P}}^{n}={\mathbb{P}}(V) (où V𝑉V est un espace vectoriel de dimension n+1𝑛1n+1666Dans tout ce cours, nous suivons la convention naïve : (V)𝑉{\mathbb{P}}(V) désigne la variété des droites vectorielles de V𝑉V.) est la grassmannienne G(2,n+1)𝐺2𝑛1G(2,n+1) de dimension 2n22𝑛22n-2. Il y a sur G(2,n+1)𝐺2𝑛1G(2,n+1) un sous-fibré tautologique E𝐸E de rang 222 du fibré trivial G(2,n+1)×V𝐺2𝑛1𝑉G(2,n+1)\times V (la fibre E[l]subscript𝐸delimited-[]𝑙E_{[l]} de E𝐸E au dessus de [l]G(2,n+1)delimited-[]𝑙𝐺2𝑛1[l]\in G(2,n+1) est le sous-espace vectoriel de V𝑉V de dimension 222 défini par la droite l(V)𝑙𝑉l\subset{\mathbb{P}}(V)). Une hypersurface Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} de degré d𝑑d dans (V)𝑉{\mathbb{P}}(V) est donnée par son équation, à savoir un polynôme homogène de degré d𝑑d, autrement dit un élément s𝑠s de Sd(V)superscript𝑆𝑑superscript𝑉S^{d}(V^{*}). L’hypersurface Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} contient la droite l𝑙l si et seulement si s|E[l]s_{|E_{[l]}} est nul. La sous-variété FXd(1,n,d)subscript𝐹subscript𝑋𝑑1𝑛𝑑F_{X_{d}}(1,n,d) de G(2,n+1)𝐺2𝑛1G(2,n+1) des droites contenues dans Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} est donc le lieu des zéros de s𝑠s vue comme section du fibré Sd(E)superscript𝑆𝑑superscript𝐸S^{d}(E^{*}) sur G(2,n+1)𝐺2𝑛1G(2,n+1). Il est alors bien connu (en caractéristique zéro seulement) que pour s𝑠s générale, dimFXd(1,n,d)=dimG(2,n+1)rgSd(E)dimensionsubscript𝐹subscript𝑋𝑑1𝑛𝑑dimension𝐺2𝑛1rgsuperscript𝑆𝑑superscript𝐸\dim F_{X_{d}}(1,n,d)=\dim G(2,n+1)-\operatorname{rg}S^{d}(E^{*}) si cette quantité est positive ou nulle, et que FXd(1,n,d)subscript𝐹subscript𝑋𝑑1𝑛𝑑F_{X_{d}}(1,n,d) est vide sinon. Comme rgSd(E)=d+1rgsuperscript𝑆𝑑superscript𝐸𝑑1\operatorname{rg}S^{d}(E^{*})=d+1, on en déduit l’énoncé suivant.

Proposition 4.

En caractéristique nulle777Cet énoncé est en fait encore vrai en caractéristique positive., une hypersurface générale de degré d𝑑d dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n} contient une infinité de droites si d<2n3𝑑2𝑛3d<2n-3, un nombre fini de droites si d=2n3𝑑2𝑛3d=2n-3 et ne contient pas de droites si d>2n3𝑑2𝑛3d>2n-3.

Le lecteur intéressé consultera [DM98] pour en savoir beaucoup plus sur la variété des r𝑟r-plans contenus dans une intersection complète. Il y trouvera aussi des valeurs numériques du nombre de droites contenues dans une hypersurface générale de degré 2n32𝑛32n-3 dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}, dont le célèbre et classique : il y a 272727 droites sur une cubique lisse de 3superscript3{\mathbb{P}}^{3}.

Dans le cas où d<2n3𝑑2𝑛3d<2n-3, il est possible de préciser un peu le lieu de Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} couvert par les droites contenues dans Xdsubscript𝑋𝑑X_{d}. Soit en effet ZXd×FXd(1,n,d)𝑍subscript𝑋𝑑subscript𝐹subscript𝑋𝑑1𝑛𝑑Z\subset X_{d}\times F_{X_{d}}(1,n,d) la variété d’incidence suivante :

Z:={(x,[l])Xd×FXd(1,n,d)xl}.assign𝑍conditional-set𝑥delimited-[]𝑙subscript𝑋𝑑subscript𝐹subscript𝑋𝑑1𝑛𝑑𝑥𝑙Z:=\{(x,[l])\in X_{d}\times F_{X_{d}}(1,n,d)\mid x\in l\}.

Les fibres de la deuxième projection ZFXd𝑍subscript𝐹subscript𝑋𝑑Z\to F_{X_{d}} étant de dimension 111, on a dimZ=2n2ddimension𝑍2𝑛2𝑑\dim Z=2n-2-d. Soit V=p1(Z)Xd𝑉subscript𝑝1𝑍subscript𝑋𝑑V=p_{1}(Z)\subset X_{d} l’image de Z𝑍Z dans Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} par la première projection : c’est le lieu de Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} couvert par les droites contenues dans Xdsubscript𝑋𝑑X_{d}. Si dn𝑑𝑛d\geq n, on déduit de ce qui précède que V𝑉V est une sous-variété stricte de Xdsubscript𝑋𝑑X_{d}, on montre aussi aisément888Si s𝑠s est un polynôme homogène de degré d𝑑d définissant Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} et si x=[1:0::0]Xdx=[1:0:\cdots:0]\in X_{d}, alors la droite passant par x𝑥x et un point [0:x1::xn]delimited-[]:0subscript𝑥1::subscript𝑥𝑛[0:x_{1}:\cdots:x_{n}] est contenue dans Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} si et seulement si s(t,x1,,xn)=0𝑠𝑡subscript𝑥1subscript𝑥𝑛0s(t,x_{1},\ldots,x_{n})=0 pour tout t𝑡t. Comme ts(t,x1,,xn)maps-to𝑡𝑠𝑡subscript𝑥1subscript𝑥𝑛t\mapsto s(t,x_{1},\ldots,x_{n}) est un polynôme en t𝑡t de degré d1absent𝑑1\leq d-1, ce polynôme est nul si et seulement si ses d𝑑d coefficients sont nuls, ce qui consiste à résoudre d𝑑d équations homogènes de degrés respectifs 1,2,,d12𝑑1,2,\ldots,d en les variables [x1::xn]delimited-[]:subscript𝑥1:subscript𝑥𝑛[x_{1}:\cdots:x_{n}]. Il y a au moins une solution si dn1𝑑𝑛1d\leq n-1. Dans le cas d=n1𝑑𝑛1d=n-1, on remarque qu’il y en a (n1)!𝑛1(n-1)!, autrement dit par un point général de Xn1nsubscript𝑋𝑛1superscript𝑛X_{n-1}\subset\mathbb{P}^{n} passent (n1)!𝑛1(n-1)! droites. Cette observation élémentaire a inspiré un très joli résultat dû à J.M. Landsberg [Lan03]. que si dn1𝑑𝑛1d\leq n-1, alors V=Xd𝑉subscript𝑋𝑑V=X_{d}, autrement dit Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} est couverte par des droites. Finalement, dans le cas d=n𝑑𝑛d=n, des arguments analogues permettent de montrer que Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} est couverte par des coniques999 Merci à Laurent Manivel à qui je dois les références m’ayant permis d’écrire cette “footnote”, en réponse à une question de Jean-Louis Colliot-Thélène. Par un point général de Xnnsubscript𝑋𝑛superscript𝑛X_{n}\subset\mathbb{P}^{n} passent un nombre fini de coniques. Il n’y a pas, à ma connaissance, de méthodes élémentaires pour déterminer ce nombre en dimension quelconque. La formule générale découle d’un calcul d’invariants de Gromov-Witten à l’aide de la symétrie miroir utilisant une équation différentielle ordinaire introduite par Givental. Les lignes qui suivent sont issues de la lecture de [JNS04] et [Jin05].

Théorème 5.
(Coates, Givental - Jinzenji, Nakamura, Suzuki) Sur le corps des nombres complexes, soit Xnnsubscript𝑋𝑛superscript𝑛X_{n}\subset\mathbb{P}^{n} une hypersurface générale de degré n𝑛n dans nsuperscript𝑛\mathbb{P}^{n}. Soit Nnsubscript𝑁𝑛N_{n} le nombre de coniques contenues dans Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} et passant par un point général de Xnsubscript𝑋𝑛X_{n}. Alors Nn=(2n)!2n+1(n!)22.subscript𝑁𝑛2𝑛superscript2𝑛1superscript𝑛22N_{n}=\frac{(2n)!}{2^{n+1}}-\frac{(n!)^{2}}{2}. On renvoie à [Bea95] et [BH10] pour d’autres résultats sur les coniques contenues dans des hypersurfaces. Expliquons brièvement comment on obtient ce résultat. Si a𝑎a, b𝑏b, c𝑐c et d𝑑d sont quatre entiers, notons 𝒪a𝒪b𝒪cdsubscriptdelimited-⟨⟩subscript𝒪𝑎subscript𝒪𝑏subscript𝒪𝑐𝑑\langle\mathcal{O}_{a}\mathcal{O}_{b}\mathcal{O}_{c}\rangle_{d} l’invariant de Gromov-Witten comptant le nombre (éventuellement infini) de courbes rationnelles de degré d𝑑d contenues dans Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} et rencontrant 333 sous-espaces projectifs de nsuperscript𝑛\mathbb{P}^{n}, généraux, de codimension respective a𝑎a, b𝑏b et c𝑐c. Lorsque a𝑎a, b𝑏b ou c𝑐c valent 111, chaque courbe rationnelle de degré d𝑑d contenue dans Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} est comptée d𝑑d fois puisque l’intersection d’une courbe de degré d𝑑d et d’un hyperplan général est constituée de d𝑑d points. Comme l’intersection d’une droite générale et de Xnsubscript𝑋𝑛X_{n} est constituée de n𝑛n points, le nombre Nnsubscript𝑁𝑛N_{n} cherché vaut donc Nn=𝒪1𝒪1𝒪n12/4nsubscript𝑁𝑛subscriptdelimited-⟨⟩subscript𝒪1subscript𝒪1subscript𝒪𝑛124𝑛N_{n}=\langle\mathcal{O}_{1}\mathcal{O}_{1}\mathcal{O}_{n-1}\rangle_{2}/4n. Dans [Jin05] sont introduites des constantes L~mn+1,n,dsuperscriptsubscript~𝐿𝑚𝑛1𝑛𝑑\tilde{L}_{m}^{n+1,n,d}, dites “constantes de structure de l’anneau de cohomologie quantique de Xnsubscript𝑋𝑛X_{n}”. Ces constantes satisfont aux formules récurrentes suivantes (que l’on explicite uniquement dans les cas d=1𝑑1d=1 et d=2𝑑2d=2) : m=0n1L~mn+1,n,1wm=nj=1n1(jw+(nj))superscriptsubscript𝑚0𝑛1superscriptsubscript~𝐿𝑚𝑛1𝑛1superscript𝑤𝑚𝑛superscriptsubscriptproduct𝑗1𝑛1𝑗𝑤𝑛𝑗\sum_{m=0}^{n-1}\tilde{L}_{m}^{n+1,n,1}w^{m}=n\prod_{j=1}^{n-1}(jw+(n-j)) et m=0n2L~mn+1,n,2wm=j2=0n2j1=0j2j0=0j1L~j1n+1,n,1L~j2+1n+1,n,1wj1j0(1+w2)j2j1.superscriptsubscript𝑚0𝑛2superscriptsubscript~𝐿𝑚𝑛1𝑛2superscript𝑤𝑚superscriptsubscriptsubscript𝑗20𝑛2superscriptsubscriptsubscript𝑗10subscript𝑗2superscriptsubscriptsubscript𝑗00subscript𝑗1superscriptsubscript~𝐿subscript𝑗1𝑛1𝑛1superscriptsubscript~𝐿subscript𝑗21𝑛1𝑛1superscript𝑤subscript𝑗1subscript𝑗0superscript1𝑤2subscript𝑗2subscript𝑗1\sum_{m=0}^{n-2}\tilde{L}_{m}^{n+1,n,2}w^{m}=\sum_{j_{2}=0}^{n-2}\sum_{j_{1}=0}^{j_{2}}\sum_{j_{0}=0}^{j_{1}}\tilde{L}_{j_{1}}^{n+1,n,1}\tilde{L}_{j_{2}+1}^{n+1,n,1}w^{j_{1}-j_{0}}\left(\frac{1+w}{2}\right)^{j_{2}-j_{1}}. Il y est aussi montré que pour tout entier m𝑚m, 0mn20𝑚𝑛20\leq m\leq n-2, on a L~mn+1,n,2=𝒪1𝒪n1m𝒪m+12/nsuperscriptsubscript~𝐿𝑚𝑛1𝑛2subscriptdelimited-⟨⟩subscript𝒪1subscript𝒪𝑛1𝑚subscript𝒪𝑚12𝑛\tilde{L}_{m}^{n+1,n,2}=\langle\mathcal{O}_{1}\mathcal{O}_{n-1-m}\mathcal{O}_{m+1}\rangle_{2}/n. Le théorème découle du calcul du coefficient de wn2superscript𝑤𝑛2w^{n-2} dans la deuxième formule ci-dessus, de celui de wn1superscript𝑤𝑛1w^{n-1} dans la première et enfin de l’évaluation de cette dernière en w=2𝑤2w=2.  .

Si Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} est une hypersurface lisse de degré d𝑑d dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}, son fibré canonique est calculé par la formule d’adjonction et vaut KXd=𝒪n(dn1)|XdK_{X_{d}}={\mathcal{O}}_{{\mathbb{P}}^{n}}(d-n-1)_{|X_{d}}. La proposition précédente est une première illustration d’un principe général : “plus le fibré canonique KXsubscript𝐾𝑋K_{X} est positif, moins il y a de courbes rationnelles sur X𝑋X, plus ce fibré est négatif, plus il y a de courbes rationnelles sur X𝑋X.

De nombreux auteurs (dont Clemens, Voisin et Pacienza) ont étudié l’existence de courbes rationnelles de degré 2absent2\geq 2 dans les hypersurfaces de nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}. Rassemblons leurs résultats (voir [Pac03] et sa bibliographie).

Théorème 6.

Supposons le corps de base de caractéristique nulle. Soit Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} une hypersurface très générale de degré d𝑑d dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}. Alors :

  1. (1)

    (Clemens) si n3𝑛3n\geq 3 et d2n1𝑑2𝑛1d\geq 2n-1, Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} ne contient pas de courbes rationnelles,

  2. (2)

    (Voisin) si n4𝑛4n\geq 4 et d2n2𝑑2𝑛2d\geq 2n-2, Xdsubscript𝑋𝑑X_{d} ne contient pas de courbes rationnelles,

  3. (3)

    (Voisin) si n5𝑛5n\geq 5 et si δ1𝛿1\delta\geq 1, X2n3subscript𝑋2𝑛3X_{2n-3} ne contient qu’un nombre fini de courbes rationnelles de degré δ𝛿\delta,

  4. (4)

    (Pacienza) si n6𝑛6n\geq 6 et si δ2𝛿2\delta\geq 2, X2n3subscript𝑋2𝑛3X_{2n-3} ne contient pas de courbes rationnelles de degré δ𝛿\delta.

1.3. Courbes rationnelles provenant de la géométrie birationnelle classique

La géométrie birationnelle consiste à classifier les variétés algébriques en identifiant deux variétés algébriques si elles sont “isomorphes sur un ouvert (de Zariski) non vide”.

Définition 7.

Deux variétés algébriques X𝑋X et Xsuperscript𝑋X^{\prime} sont birationnellement équivalentes s’il existe une application rationnelle φ:XX:𝜑𝑋superscript𝑋\varphi:X\dashrightarrow X^{\prime} et des ouverts non vides UX𝑈𝑋U\subset X et UXsuperscript𝑈superscript𝑋U^{\prime}\subset X^{\prime} tels que φ|U:UU\varphi_{|U}:U\to U^{\prime} soit un isomorphisme. Une telle φ𝜑\varphi est une application birationnelle. Si Vsuperscript𝑉V^{\prime} est une-sous variété de Xsuperscript𝑋X^{\prime} non contenue dans XUsuperscript𝑋superscript𝑈X^{\prime}\setminus U^{\prime}, V=:φ1(UV)¯V=:\overline{\varphi^{-1}(U^{\prime}\cap V^{\prime})} est la transformée stricte de Vsuperscript𝑉V^{\prime} dans X𝑋X.

Un exemple fondamental d’application birationnelle est celui des éclatements le long de sous-variétés lisses : si Y𝑌Y est une sous-variété fermée lisse contenue dans le lieu non-singulier d’une variété algébrique X𝑋X, il y a une variété algébrique BY(X)subscript𝐵𝑌𝑋B_{Y}(X) et un morphisme birationnel π:BY(X)X:𝜋subscript𝐵𝑌𝑋𝑋\pi:B_{Y}(X)\to X qui se restreint en un isomorphisme π:BY(X)π1(Y)XY:𝜋subscript𝐵𝑌𝑋superscript𝜋1𝑌𝑋𝑌\pi:B_{Y}(X)\setminus\pi^{-1}(Y)\to X\setminus Y et telle que π1(Y)(NY/X)similar-to-or-equalssuperscript𝜋1𝑌subscript𝑁𝑌𝑋\pi^{-1}(Y)\simeq{\mathbb{P}}(N_{Y/X})NY/Xsubscript𝑁𝑌𝑋N_{Y/X} désigne le fibré normal de Y𝑌Y dans X𝑋X. L’application birationnelle π:BY(X)X:𝜋subscript𝐵𝑌𝑋𝑋\pi:B_{Y}(X)\to X s’appelle l’éclatement de X𝑋X le long de Y𝑌Y, ou de centre Y𝑌Y et E:=π1(Y)assign𝐸superscript𝜋1𝑌E:=\pi^{-1}(Y) est le diviseur exceptionnel de π𝜋\pi. Moralement, on remplace chaque point y𝑦y de Y𝑌Y par l’espace projectif des directions normales à Y𝑌Y dans X𝑋X passant par y𝑦y. Comme les espaces projectifs contiennent beaucoup de courbes rationnelles, il y a en particulier des courbes rationnelles dans BY(X)subscript𝐵𝑌𝑋B_{Y}(X). Une première utilisation des éclatements101010 Les éclatements jouent un rôle central en géométrie birationnelle comme le montrent les trois énoncés difficiles et fondamentaux suivants (voir [Hir64], [Hir75], [AKMW02] et le survol [Bon02]). Ils ne sont connus qu’en caractéristique zéro, leur preuve dépasse largement le cadre de ce cours.

Théorème 8.
(Hironaka - Théorème de désingularisation) Soit XN𝑋superscript𝑁X\subset{\mathbb{P}}^{N} une variété projective. Alors il existe une suite finie d’éclatements ZpZp1Z0=Nsubscript𝑍𝑝subscript𝑍𝑝1subscript𝑍0superscript𝑁Z_{p}\to Z_{p-1}\to\cdots\to Z_{0}={\mathbb{P}}^{N} le long de sous-variétés lisses YiZisubscript𝑌𝑖subscript𝑍𝑖Y_{i}\subset Z_{i} telle que, si πisubscript𝜋𝑖\pi_{i} désigne la composée πi:ZiN:subscript𝜋𝑖subscript𝑍𝑖superscript𝑁\pi_{i}:Z_{i}\to{\mathbb{P}}^{N} et XiZisubscript𝑋𝑖subscript𝑍𝑖X_{i}\subset Z_{i} la transformée stricte de X=X0𝑋subscript𝑋0X=X_{0} sous πisubscript𝜋𝑖\pi_{i}, alors (1) chaque Yisubscript𝑌𝑖Y_{i} est incluse dans le lieu singulier de Xisubscript𝑋𝑖X_{i}, (2) la variété Xpsubscript𝑋𝑝X_{p} est une variété projective lisse. On dit que πp:XpX:subscript𝜋𝑝subscript𝑋𝑝𝑋\pi_{p}:X_{p}\to X est une désingularisation (plongée) de X𝑋X.
Théorème 9.
(Hironaka - Levée des indéterminations) Soient XN𝑋superscript𝑁X\subset{\mathbb{P}}^{N} une variété projective, Xsuperscript𝑋X^{\prime} une variété projective et φ:XX:𝜑𝑋superscript𝑋\varphi:X\dashrightarrow X^{\prime} une application rationnelle. Alors il existe une suite finie d’éclatements ZpZp1Z0=Nsubscript𝑍𝑝subscript𝑍𝑝1subscript𝑍0superscript𝑁Z_{p}\to Z_{p-1}\to\cdots\to Z_{0}={\mathbb{P}}^{N} le long de sous-variétés lisses YiZisubscript𝑌𝑖subscript𝑍𝑖Y_{i}\subset Z_{i} telle que, si πisubscript𝜋𝑖\pi_{i} désigne la composée πi:ZiN:subscript𝜋𝑖subscript𝑍𝑖superscript𝑁\pi_{i}:Z_{i}\to{\mathbb{P}}^{N} et XiZisubscript𝑋𝑖subscript𝑍𝑖X_{i}\subset Z_{i} la transformée stricte de X=X0𝑋subscript𝑋0X=X_{0} sous πisubscript𝜋𝑖\pi_{i}, alors (1) chaque Yisubscript𝑌𝑖Y_{i} est incluse dans le lieu d’indétermination de φπi𝜑subscript𝜋𝑖\varphi\circ\pi_{i}, (2) l’application rationnelle φπp:XpX:𝜑subscript𝜋𝑝subscript𝑋𝑝superscript𝑋\varphi\circ\pi_{p}:X_{p}\dashrightarrow X^{\prime} se prolonge en une application régulière φπp:XpX:𝜑subscript𝜋𝑝subscript𝑋𝑝superscript𝑋\varphi\circ\pi_{p}:X_{p}\to X^{\prime}.
Théorème 10.
(Abramovich, Karu, Matsuki et Włodarczyk - Théorème de factorisation) Soit φ:XX:𝜑𝑋superscript𝑋\varphi:X\dashrightarrow X^{\prime} une application birationnelle entre deux variétés projectives lisses X𝑋X et Xsuperscript𝑋X^{\prime}. Alors, φ𝜑\varphi se factorise en une suite d’éclatements et de contractions de centres lisses. Autrement dit, il y a une suite d’applications birationnelles entre variétés projectives lisses X1=V0φ0V1φ1φi1ViφiVi+1φi+1φl2Vl1φl1Vl=X2subscript𝑋1subscript𝑉0superscriptsubscript𝜑0subscript𝑉1superscriptsubscript𝜑1superscriptsubscript𝜑𝑖1subscript𝑉𝑖superscriptsubscript𝜑𝑖subscript𝑉𝑖1superscriptsubscript𝜑𝑖1superscriptsubscript𝜑𝑙2subscript𝑉𝑙1superscriptsubscript𝜑𝑙1subscript𝑉𝑙subscript𝑋2X_{1}=V_{0}\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{0}}}{{\dashrightarrow}}V_{1}\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{1}}}{{\dashrightarrow}}\cdots\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{i-1}}}{{\dashrightarrow}}V_{i}\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{i}}}{{\dashrightarrow}}V_{i+1}\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{i+1}}}{{\dashrightarrow}}\cdots\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{l-2}}}{{\dashrightarrow}}V_{l-1}\stackrel{{\scriptstyle\varphi_{l-1}}}{{\dashrightarrow}}V_{l}=X_{2} de sorte que φ=φl1φl2φ1φ0𝜑subscript𝜑𝑙1subscript𝜑𝑙2subscript𝜑1subscript𝜑0\varphi=\varphi_{l-1}\circ\varphi_{l-2}\circ\cdots\varphi_{1}\circ\varphi_{0} et pour tout i𝑖i, φi:ViVi+1:subscript𝜑𝑖subscript𝑉𝑖subscript𝑉𝑖1\varphi_{i}:V_{i}\dashrightarrow V_{i+1} ou φi1:Vi+1Vi:superscriptsubscript𝜑𝑖1subscript𝑉𝑖1subscript𝑉𝑖\varphi_{i}^{-1}:V_{i+1}\dashrightarrow V_{i} est un éclatement le long d’une sous-variété lisse.
permet de démontrer les résultats suivants, le premier est connu sous le nom de lemme d’Abhyankar.

Proposition 11.

Soient X𝑋X et Y𝑌Y des variétés projectives et π:XY:𝜋𝑋𝑌\pi:X\to Y un morphisme birationnel. On suppose que Y𝑌Y est lisse. Alors, par un point général de toute composante irréductible de Exc(π)Exc𝜋{\rm Exc}(\pi)111111Exc(π)Exc𝜋{\rm Exc}(\pi) désigne le fermé de X𝑋X formé des points au voisinage desquels π𝜋\pi n’est pas un isomorphisme. passe une courbe rationnelle contractée par π𝜋\pi.

La preuve consiste à se ramener au cas où Exc(π)Exc𝜋{\rm Exc}(\pi) est irréductible lisse et d’image lisse dans Y𝑌Y, puis à faire des éclatements successifs de Y𝑌Y le long de sous-variétés lisses, le premier éclatement se faisant le long de π(Exc(π))𝜋Exc𝜋\pi({\rm Exc}(\pi)), et enfin à montrer que Exc(π)Exc𝜋{\rm Exc}(\pi) est birationnellement équivalent à l’un des diviseurs exceptionnels de cette suite d’éclatements121212En caractéristique zéro, on peut, en levant les indéterminations de π1superscript𝜋1\pi^{-1} par une suite d’éclatements de centres lisses, montrer que toute fibre de π𝜋\pi est rationnellement connexe par chaînes. Cette notion sera introduite plus loin et ce résultat sera étendu au cas où X𝑋X est peu singulière, c’est l’objet de la toute dernière partie de ce cours..

Corollaire 12.

Soient X𝑋X et Y𝑌Y des variétés projectives. On suppose que X𝑋X est lisse et que Y𝑌Y ne contient pas de courbe rationnelle. Alors toute application rationnelle φ:XY:𝜑𝑋𝑌\varphi:X\dashrightarrow Y se prolonge en une application régulière XY𝑋𝑌X\to Y.

Démonstration. Soit GφX×Ysubscript𝐺𝜑𝑋𝑌G_{\varphi}\subset X\times Y l’adhérence du graphe de φ𝜑\varphi. La première projection p:GφX:𝑝subscript𝐺𝜑𝑋p:G_{\varphi}\to X est une application birationnelle. Comme X𝑋X est lisse, d’après la proposition précédente, toute composante irréductible de Exc(p)Exc𝑝{\rm Exc}(p) contient une courbe rationnelle CGφX×Y𝐶subscript𝐺𝜑𝑋𝑌C\subset G_{\varphi}\subset X\times Y contractée par p𝑝p. Comme Y𝑌Y ne contient pas de courbes rationnelles, c’est que la deuxième projection q:GφY:𝑞subscript𝐺𝜑𝑌q:G_{\varphi}\to Y contracte aussi C𝐶C, ce qui est absurde, une courbe dans X×Y𝑋𝑌X\times Y ne pouvant être à la fois “horizontale” et “verticale”. Ainsi Exc(p)=Exc𝑝{\rm Exc}(p)=\varnothing ce qui implique le résultat.   

Le résultat précédent implique de suite.

Corollaire 13.

Soit X𝑋X une variété projective lisse ne contenant pas de courbes rationnelles. Alors toute application φ:XX:𝜑𝑋𝑋\varphi:X\dashrightarrow X birationnelle se prolonge en un isomorphisme (bi-régulier) de X𝑋X.

Démonstration. Par le corollaire précédent, φ𝜑\varphi et φ1superscript𝜑1\varphi^{-1} se prolongent en des morphismes réguliers.  

A l’inverse, les variétés X𝑋X possédant beaucoup de courbes rationnelles ont en général des applications birationnelles XX𝑋𝑋X\dashrightarrow X qui ne sont pas des isomorphismes. C’est en particulier le cas des espaces projectifs nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}, n2𝑛2n\geq 2, dont le groupe des transformations birationnelles est beaucoup plus gros (et compliqué) que son groupe d’isomorphismes réguliers qui n’est autre que le groupe PGLn+1subscriptPGL𝑛1{\rm PGL}_{n+1}. Nous verrons plus loin que ce principe est à prendre avec prudence : on montre en effet parfois que certaines variétés de Fano131313Une variété projective est de Fano si KXsubscript𝐾𝑋-K_{X} est un diviseur de Cartier ample. (possédant beaucoup de courbes rationnelles, voir §6) ne sont pas rationnelles (i.e. birationnellement équivalentes à nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n}) en prouvant que leur groupe de transformations birationnelles coïncide avec leur groupe d’isomorphismes réguliers (c’est le cas de la quartique complexe lisse dans 4superscript4{\mathbb{P}}^{4} par exemple).

1.4. Courbes rationnelles et théorie de Mori

Ce paragraphe est une première introduction aux liens entre courbes rationnelles et signe du fibré canonique tels qu’ils apparaissent dans la géométrie birationnelle “moderne”, à savoir la théorie de Mori (ou MMP pour “Minimal Model Program”).

Quelques notations : si f:XY:𝑓𝑋𝑌f:X\to Y est un morphisme entre deux variétés projectives normales, on note N1(X/Y)subscriptN1𝑋𝑌{\rm N}_{1}(X/Y) l’espace vectoriel réel engendré par les courbes contractées par f𝑓f, modulo l’équivalence numérique. Le sous-cône convexe fermé de N1(X/Y)subscriptN1𝑋𝑌{\rm N}_{1}(X/Y) engendré par les classes des 111-cycles effectifs est noté NE¯(X/Y)¯NE𝑋𝑌\overline{{\rm NE}}(X/Y).

Le résultat à la base de la théorie de Mori est le suivant. Il est le fruit des travaux de nombreux auteurs dont les principaux sont Benveniste, Kawamata, Kollár, Mori, Reid et Shokurov. On renvoie au très récent et lumineux texte de Druel [Dru08] pour une présentation des toutes dernières avancées du MMP par Birkar, Cascini, Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan [BCHM10].

Théorème 14.

(Théorème du cône) On suppose que le corps de base est de caractéristique zéro. Soient X𝑋X une variété projective à singularités terminales141414 Le lecteur débutant peut supposer X𝑋X lisse. et f:XZ:𝑓𝑋𝑍f:X\to Z un morphisme sur une variété projective Z𝑍Z.

  1. (1)

    Il existe une famille au plus dénombrable (Γi)iIsubscriptsubscriptΓ𝑖𝑖𝐼(\Gamma_{i})_{i\in I} de courbes rationnelles telle que pour tout iI𝑖𝐼i\in I,

    1. (i)

      dim(f(Γi))=0dimension𝑓subscriptΓ𝑖0\dim(f(\Gamma_{i}))=0,

    2. (ii)

      0<KXΓi2dim(X)0subscript𝐾𝑋subscriptΓ𝑖2dimension𝑋0<-K_{X}\cdot\Gamma_{i}\leq 2\dim(X),

    3. (iii)

      Ri:=+[Γi]assignsubscript𝑅𝑖superscriptdelimited-[]subscriptΓ𝑖R_{i}:={\mathbb{R}}^{+}[\Gamma_{i}] est une arête du cône NE¯(X/Z)¯NE𝑋𝑍\overline{{\rm NE}}(X/Z),

    4. (iv)

      NE¯(X/Z)=NE¯(X/Z)KX0+iIRi.¯NE𝑋𝑍¯NEsubscript𝑋𝑍subscript𝐾𝑋0subscript𝑖𝐼subscript𝑅𝑖\overline{{\rm NE}}(X/Z)=\overline{{\rm NE}}(X/Z)_{K_{X}\geq 0}+\sum_{i\in I}R_{i}.

  2. (2)

    Soit iI𝑖𝐼i\in I. Il existe un unique morphisme à fibres connexes ci:X/ZXi/Z:subscript𝑐𝑖𝑋𝑍subscript𝑋𝑖𝑍c_{i}:X/Z\to X_{i}/Z sur une variété projective normale Xisubscript𝑋𝑖X_{i} tel que, pour toute courbe CX𝐶𝑋C\subset X, dim(ci(C))=0dimensionsubscript𝑐𝑖𝐶0\dim(c_{i}(C))=0 si et seulement si [C]Ridelimited-[]𝐶subscript𝑅𝑖[C]\in R_{i} ; le morphisme cisubscript𝑐𝑖c_{i} est appelé la contraction de Risubscript𝑅𝑖R_{i}.

Ce théorème dit en particulier que si le fibré canonique KXsubscript𝐾𝑋K_{X} n’est pas (f𝑓f-) nef151515 On rappelle qu’un fibré en droites L𝐿L (ou un diviseur de Cartier) est nef, pour numériquement effectif, si LC0𝐿𝐶0L\cdot C\geq 0 pour toute courbe C𝐶C, qu’il est f𝑓f-nef si LC0𝐿𝐶0L\cdot C\geq 0 pour toute courbe C𝐶C contenue dans une fibre de f𝑓f., alors il existe une courbe rationnelle ΓΓ\Gamma telle que KXΓ<0subscript𝐾𝑋Γ0K_{X}\cdot\Gamma<0.

Soit ci:X/ZXi/Z:subscript𝑐𝑖𝑋𝑍subscript𝑋𝑖𝑍c_{i}:X/Z\to X_{i}/Z la contraction d’une arête Risubscript𝑅𝑖R_{i} avec KXRi>0subscript𝐾𝑋subscript𝑅𝑖0-K_{X}\cdot R_{i}>0. Deux cas se présentent :

  1. \bullet

    si dim(Xi)=dim(X)dimensionsubscript𝑋𝑖dimension𝑋\dim(X_{i})=\dim(X), cisubscript𝑐𝑖c_{i} est une application birationnelle (on distingue alors en général deux sous-cas suivant que Exc(ci)Excsubscript𝑐𝑖{\rm Exc}(c_{i}) est de codimension 111 - on dit que cisubscript𝑐𝑖c_{i} est divisorielle - ou que Exc(ci)Excsubscript𝑐𝑖{\rm Exc}(c_{i}) est de codimension 2absent2\geq 2 - on dit que cisubscript𝑐𝑖c_{i} est petite),

  2. \bullet

    sinon dim(Xi)<dim(X)dimensionsubscript𝑋𝑖dimension𝑋\dim(X_{i})<\dim(X), cisubscript𝑐𝑖c_{i} est alors une fibration de Mori dont la fibre générale est une variété de Fano (en général singulière).

Le bilan est donc le suivant sur un corps de caractéristique zéro : si X𝑋X est une variété projective (disons lisse ou à singularités terminales), soit KXsubscript𝐾𝑋K_{X} est nef, soit il y a une courbe rationnelle ΓΓ\Gamma telle que KXΓ>0subscript𝐾𝑋Γ0-K_{X}\cdot\Gamma>0 contractée par une application birationnelle ou par une fibration dont la fibre générale est de Fano.

Comme application du théorème du cône, démontrons la proposition suivante.

Proposition 15.

Soient X𝑋X et Y𝑌Y deux variétés projectives à singularités terminales, avec Y𝑌Y \mathbb{Q}-factorielle, sur un corps de caractéristique zéro et π:XY:𝜋𝑋𝑌\pi:X\to Y un morphisme birationnel. Alors, si π𝜋\pi n’est pas un isomorphisme, il existe une courbe rationnelle C𝐶C contractée par π𝜋\pi telle que KXC>0subscript𝐾𝑋𝐶0-K_{X}\cdot C>0.

Démonstration161616Voir [Deb01] pour une preuve à la main quand X𝑋X et Y𝑌Y sont lisses.. L’hypothèse que Y𝑌Y est \mathbb{Q}-factorielle assure que le lieu exceptionnel de π𝜋\pi est de codimension pure 111.

Ecrivons

KX=πKY+aiEisubscript𝐾𝑋superscript𝜋subscript𝐾𝑌subscript𝑎𝑖subscript𝐸𝑖K_{X}=\pi^{*}K_{Y}+\sum a_{i}E_{i}

où les Eisubscript𝐸𝑖E_{i} sont les composantes irréductibles de Exc(π)Exc𝜋{\rm Exc}(\pi) et les aisubscript𝑎𝑖a_{i} sont tous >0absent0>0 (c’est ici que l’on utilise l’hypothèse que Y𝑌Y est à singularités terminales).

Par l’absurde, si KXsubscript𝐾𝑋K_{X} est 0absent0\geq 0 sur toute courbe rationnelle contractée par π𝜋\pi, c’est que KXsubscript𝐾𝑋K_{X} est π𝜋\pi-nef par le théorème du cône (que l’on peut appliquer puisque X𝑋X est à singularités terminales). On en déduit que aiEi=KXπKYsubscript𝑎𝑖subscript𝐸𝑖subscript𝐾𝑋superscript𝜋subscript𝐾𝑌\sum a_{i}E_{i}=K_{X}-\pi^{*}K_{Y} est aussi π𝜋\pi-nef. Comme π(aiEi)=0subscript𝜋subscript𝑎𝑖subscript𝐸𝑖0\pi_{*}(-\sum a_{i}E_{i})=0, le lemme de négativité171717 Le lemme de négativité est le lemme suivant.

Lemme 16.
(Lemme de négativité) Soient π:XY:𝜋𝑋𝑌\pi:X\to Y un morphisme entre deux variétés projectives normales et B𝐵B un {\mathbb{Q}}-diviseur de Cartier sur X𝑋X. On suppose que B𝐵-B est π𝜋\pi-nef. Alors B𝐵B est effectif si et seulement si πBsubscript𝜋𝐵\pi_{*}B est effectif. implique que les aisubscript𝑎𝑖a_{i} sont tous 0absent0\leq 0 ce qui fournit la contradiction.  

2. Cinq notions mesurant la présence de courbes rationnelles.

On donne ici cinq notions permettant de mesurer la présence de courbes rationnelles. Rappelons à nouveau que les variétés et morphismes considérés sont définis sur un corps algébriquement clos de caractéristique arbitraire.

Définition 17.

Soit X𝑋X une variété projective de dimension n𝑛n. On dit que X𝑋X est

  1. (1)

    rationnelle s’il existe une application birationnelle φ:nX:𝜑superscript𝑛𝑋\varphi:\mathbb{P}^{n}\dashrightarrow X,

  2. (2)

    unirationnelle s’il existe une application rationnelle dominante φ:nX:𝜑superscript𝑛𝑋\varphi:\mathbb{P}^{n}\dashrightarrow X,

  3. (3)

    réglée s’il existe une variété projective Y𝑌Y de dimension n1𝑛1n-1 et une application birationnelle φ:1×YX:𝜑superscript1𝑌𝑋\varphi:\mathbb{P}^{1}\times Y\dashrightarrow X,

  4. (4)

    uniréglée s’il existe une variété projective Y𝑌Y de dimension n1𝑛1n-1 et une application rationnelle dominante φ:1×YX:𝜑superscript1𝑌𝑋\varphi:\mathbb{P}^{1}\times Y\dashrightarrow X,

  5. (5)

    rationnellement connexe s’il existe une variété quasi-projective T𝑇T et un morphisme F:1×TX:𝐹superscript1𝑇𝑋F:\mathbb{P}^{1}\times T\to X tels que le morphisme 1×1×TX×Xsuperscript1superscript1𝑇𝑋𝑋\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}\times T\to X\times X qui à (u,u,t)1×1×T𝑢superscript𝑢𝑡superscript1superscript1𝑇(u,u^{\prime},t)\in\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}\times T associe (F(u,t),F(u,t))X×X𝐹𝑢𝑡𝐹superscript𝑢𝑡𝑋𝑋(F(u,t),F(u^{\prime},t))\in X\times X soit dominant.

Si X𝑋X vérifie l’une des propriétés ci-dessus, alors X𝑋X est couverte par des courbes rationnelles au sens où par tout point de X𝑋X en position générale passe une courbe rationnelle. Même si ce cours traite par la suite de la connexité rationnelle, donnons quelques exemples et les liens entre ces cinq notions.

Remarques. Évidemment, X𝑋X rationnelle implique X𝑋X unirationnelle, X𝑋X réglée implique X𝑋X uniréglée. Comme n1×1superscript𝑛1superscript1\mathbb{P}^{n-1}\times\mathbb{P}^{1} est une variété rationnelle, X𝑋X rationnelle implique X𝑋X réglée et X𝑋X unirationnelle implique X𝑋X uniréglée (sauf si dim(X)=0dimension𝑋0\dim(X)=0). Enfin, X𝑋X unirationnelle implique X𝑋X rationnellement connexe et X𝑋X rationnellement connexe implique X𝑋X uniréglée (sauf si dim(X)=0dimension𝑋0\dim(X)=0).

Les variétés de la forme 1×Ysuperscript1𝑌\mathbb{P}^{1}\times YY𝑌Y ne contient pas de courbes rationnelles sont réglées mais ne sont pas unirationnelles. Plus généralement, toutes les implications mentionnées ci-dessus sont connues pour être strictes à l’exception de la suivante : on ne connait pas de variété rationnellement connexe non unirationnelle. Mentionnons que toute cubique complexe lisse dans 4superscript4\mathbb{P}^{4} est unirationnelle181818 Soient X34subscript𝑋3superscript4X_{3}\subset\mathbb{P}^{4} une cubique complexe lisse et L𝐿L une droite contenue dans X3subscript𝑋3X_{3}, il en existe, on a même déjà vu que les droites contenues dans X3subscript𝑋3X_{3} couvrent X3subscript𝑋3X_{3}. On note ΣΣ\Sigma l’ensemble des droites l𝑙l de 4superscript4\mathbb{P}^{4} telles qu’il existe pL𝑝𝐿p\in L avec plTp(X3)𝑝𝑙subscript𝑇𝑝subscript𝑋3p\in l\subset T_{p}(X_{3}). Si q4𝑞superscript4q\in\mathbb{P}^{4} est un point général fixé et si Π4Πsuperscript4\Pi\subset\mathbb{P}^{4} est un 222-plan général fixé, l’application φ:L×ΠΣ:𝜑𝐿ΠΣ\varphi:L\times\Pi\dashrightarrow\Sigma définie par φ(p,r)=Tp(X3)pqr¯𝜑𝑝𝑟subscript𝑇𝑝subscript𝑋3¯𝑝𝑞𝑟\varphi(p,r)=T_{p}(X_{3})\cap\overline{pqr} est une application birationnelle, donc ΣΣ\Sigma est une variété rationnelle de dimension 333. Par ailleurs, si lΣ𝑙Σl\in\Sigma est une droite tangente à X3subscript𝑋3X_{3} passant par un point p𝑝p de L𝐿L, son intersection avec X3subscript𝑋3X_{3} contient un deuxième point, permettant de définir ainsi une application rationnelle ψ:ΣX3:𝜓Σsubscript𝑋3\psi:\Sigma\dashrightarrow X_{3}. Il est facile de voir que ψ𝜓\psi est dominante, de degré 222. et non rationnelle (il s’agit d’un résultat dû à Clemens et Griffiths). Mentionnons aussi (voir par exemple [Mar00] et [Mar06]) qu’il existe des quartiques lisses unirationnelles dans 4superscript4\mathbb{P}^{4} et que les quartiques complexes lisses dans 4superscript4\mathbb{P}^{4} ne sont pas rationnelles (la non rationalité est due à Iskovskikh et Manin).

Avant de mentionner le joli résultat de Kollár [Kol95], rappelons qu’une hypersurface lisse dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n} de degré dn𝑑𝑛d\leq n est de Fano, donc rationnellement connexe en caractéristique zéro comme nous le verrons au §6.

Théorème 18.

(Kollár) Sur \mathbb{C}, une hypersurface très générale dans nsuperscript𝑛{\mathbb{P}}^{n} de degré d𝑑d vérifiant

23(n+2)dn23𝑛2𝑑𝑛\frac{2}{3}(n+2)\leq d\leq n

n’est pas réglée (et n’est a fortiori pas rationnelle).

La preuve de ce résultat se fait en passant en caractéristique positive, Kollár construit dans le même article, en caractéristique positive, des exemples de variétés de Fano non séparablement rationnellement connexes (voir plus loin pour cette dernière notion).

Les cinq notions ci-dessus sont des notions birationnellement invariantes : si X𝑋X est birationnellement équivalente à Xsuperscript𝑋X^{\prime}, alors X𝑋X est rationnelle (resp. unirationnelle, resp. réglée, resp. uniréglée, resp. rationnellement connexe) si et seulement si Xsuperscript𝑋X^{\prime} l’est.

D’une certaine façon, les variétés qui nous intéressent dans ce cours ont toutes un fibré canonique “négatif” en vertu du résultat profond suivant, dû à Boucksom, Demailly, Păun et Peternell : une variété est uniréglée si et seulement si son fibré canonique n’est pas “limite de diviseurs effectifs” [BDPP04] (voir aussi le survol [Deb06]).

Théorème 19.

(Boucksom, Demailly, Păun et Peternell) Soit X𝑋X une variété projective complexe191919Les auteurs démontrent ce résultat en utilisant des techniques transcendantes. Ce théorème est maintenant conséquence des travaux de Birkar, Cascini, Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan [BCHM10] et est donc valable sur un corps algébriquement clos de caractéristique zéro. lisse. Alors X𝑋X est uniréglée si et seulement si KXsubscript𝐾𝑋K_{X} n’est pas pseudo-effectif202020Un diviseur de Cartier sur X𝑋X est pseudo-effectif si sa classe dans N1(X)superscriptN1𝑋{\rm N}^{1}(X) est dans l’adhérence du cône engendré par les classes de diviseurs effectifs..

Il n’est pas question de démontrer ce résultat ici, mentionnons simplement une conséquence immédiate, beaucoup plus élémentaire, que nous démontrerons plus loin à l’aide des courbes rationnelles.

Proposition 20.

En caractéristique nulle, les plurigenres d’une variété projective lisse et uniréglée X𝑋X sont tous nuls :

m>0H0(X,mKX)=0.formulae-sequencefor-all𝑚0superscript𝐻0𝑋𝑚subscript𝐾𝑋0\forall m>0\,\,\,\,\,\,\,H^{0}(X,mK_{X})=0.

La réciproque est conjecturée.

Conjecture 1.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Alors X𝑋X est uniréglée si et seulement si les plurigenres de X𝑋X sont tous nuls :

m>0H0(X,mKX)=0.formulae-sequencefor-all𝑚0superscript𝐻0𝑋𝑚subscript𝐾𝑋0\forall m>0\,\,\,\,\,\,\,H^{0}(X,mK_{X})=0.

Cette conjecture est conséquence de la “Conjecture d’abondance”, qui est, après les toutes dernières avancées du programme de Mori par Birkar, Cascini, Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan, la conjecture majeure encore ouverte dans le programme de Mori.

COURS 2

Dans ce deuxième cours, nous introduisons les notions de courbes rationnelles libres et très libres. L’étude de leurs déformations permet de caractériser les variétés (séparablement) rationnellement connexes en terme d’existence de telles courbes.

3. Connexité rationnelle. Courbes rationnelles libres et très libres.

Les résultats de cette section sont dus à Kollár, Miyaoka et Mori [KMM92]. Je me suis beaucoup appuyé sur [Deb01] et [AK03].

3.1. Retour sur la définition de connexité rationnelle

Définition 21.

Soit X𝑋X une variété projective de dimension n𝑛n. On dit que X𝑋X est rationnellement connexe s’il existe une variété quasi-projective T𝑇T et un morphisme F:1×TX:𝐹superscript1𝑇𝑋F:\mathbb{P}^{1}\times T\to X tels que le morphisme 1×1×TX×Xsuperscript1superscript1𝑇𝑋𝑋\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}\times T\to X\times X qui à (u,u,t)1×1×T𝑢superscript𝑢𝑡superscript1superscript1𝑇(u,u^{\prime},t)\in\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}\times T associe (F(u,t),F(u,t))X×X𝐹𝑢𝑡𝐹superscript𝑢𝑡𝑋𝑋(F(u,t),F(u^{\prime},t))\in X\times X soit dominant.

Si X𝑋X est lisse et le corps de base de caractéristique nulle, l’application tangente d’un morphisme dominant est génériquement de rang maximal. Ceci n’est plus vrai en caractéristique positive212121En caractéristique positive, un morphisme dominant peut être de différentielle identiquement nulle : le morphisme de Frobenius xxpmaps-to𝑥superscript𝑥𝑝x\mapsto x^{p} est l’exemple le plus célèbre. et il s’avère nécessaire d’étendre un peu la notion de connexité rationnelle.

Définition 22.

Soit X𝑋X une variété projective de dimension n𝑛n. On dit que X𝑋X est séparablement rationnellement connexe s’il existe une variété quasi-projective T𝑇T et un morphisme F:1×TX:𝐹superscript1𝑇𝑋F:\mathbb{P}^{1}\times T\to X tels que le morphisme 1×1×TX×Xsuperscript1superscript1𝑇𝑋𝑋\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}\times T\to X\times X qui à (u,u,t)1×1×T𝑢superscript𝑢𝑡superscript1superscript1𝑇(u,u^{\prime},t)\in\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}\times T associe (F(u,t),F(u,t))X×X𝐹𝑢𝑡𝐹superscript𝑢𝑡𝑋𝑋(F(u,t),F(u^{\prime},t))\in X\times X soit dominant et génériquement lisse.

Soit X𝑋X une variété projective. Pour chaque entier d𝑑d, il y a d’après Grothendieck un schéma quasi-projectif de type fini, noté Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X), paramétrant les morphismes de degré d𝑑d de 1superscript1{\mathbb{P}}^{1} à valeurs dans X𝑋X. Ce schéma n’est en général ni réduit, ni irréductible. Si f:1X:𝑓superscript1𝑋f:{\mathbb{P}}^{1}\to X est un morphisme de degré d𝑑d, on notera [f]Mord(1,X)delimited-[]𝑓subscriptMor𝑑superscript1𝑋[f]\in{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) le point correspondant. Si X𝑋X est lisse le long de l’image de f𝑓f, l’espace tangent de Zariski de Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) au point [f]delimited-[]𝑓[f] est isomorphe à H0(1,fTX)superscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X}) et Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) est lisse au point [f]delimited-[]𝑓[f] dès que H1(1,fTX)=0superscript𝐻1superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋0H^{1}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X})=0.

Comme le degré d’un morphisme est constant en famille, on en déduit que si X𝑋X est une variété rationnellement connexe, il existe un entier d>0𝑑0d>0 tel que le morphisme naturel

1×1×Mord(1,X)X×Xsuperscript1superscript1subscriptMor𝑑superscript1𝑋𝑋𝑋{\mathbb{P}}^{1}\times{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X)\to X\times X

soit dominant : autrement dit, si x𝑥x et y𝑦y sont généraux dans X𝑋X (au sens où (x,y)𝑥𝑦(x,y) est général dans X×X𝑋𝑋X\times X), il y a une courbe rationnelle de degré d𝑑d joignant x𝑥x à y𝑦y.

En particulier, si x𝑥x est général dans X𝑋X, alors par y𝑦y général dans X𝑋X passe une courbe rationnelle de degré d𝑑d issue de x𝑥x. Autrement dit, le morphisme 1×Mord(1,X,0x)Xsuperscript1subscriptMor𝑑maps-tosuperscript1𝑋0𝑥𝑋{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X,0\mapsto x)\to X qui à (u,[f])𝑢delimited-[]𝑓(u,[f]) associe f(u)𝑓𝑢f(u) est dominant222222 Mord(1,X,0x)subscriptMor𝑑maps-tosuperscript1𝑋0𝑥{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X,0\mapsto x) désigne le sous-schéma fermé de Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) des morphismes [f]delimited-[]𝑓[f] vérifiant de plus f(0)=x𝑓0𝑥f(0)=x. Plus généralement, on notera Mord(1,X,ipixi)subscriptMor𝑑maps-tosuperscript1𝑋for-all𝑖subscript𝑝𝑖subscript𝑥𝑖{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X,\forall i\,p_{i}\mapsto x_{i}) le sous-schéma fermé de Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) des morphismes [f]delimited-[]𝑓[f] vérifiant de plus f(pi)=xi𝑓subscript𝑝𝑖subscript𝑥𝑖f(p_{i})=x_{i} pour tout 1ir1𝑖𝑟1\leq i\leq r. Son espace tangent au point [f]delimited-[]𝑓[f] est H0(1,fTX𝒪1(i=1rpi))superscript𝐻0superscript1tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript1superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝑝𝑖H^{0}({\mathbb{P}}^{1},f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\mathbb{P}^{1}}(-\sum_{i=1}^{r}p_{i})), il est lisse au point [f]delimited-[]𝑓[f] si H1(1,fTX𝒪1(i=1rpi))=0superscript𝐻1superscript1tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript1superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝑝𝑖0H^{1}({\mathbb{P}}^{1},f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\mathbb{P}^{1}}(-\sum_{i=1}^{r}p_{i}))=0 et sa dimension au point [f]delimited-[]𝑓[f] est toujours minorée par KXf(1)+(1r)dimXsubscript𝐾𝑋subscript𝑓superscript11𝑟dimension𝑋-K_{X}\cdot f_{*}(\mathbb{P}^{1})+(1-r)\dim X..

Si le corps de base n’est pas dénombrable, on peut montrer la réciproque suivante. Si par deux points généraux d’une variété projective X𝑋X passe une courbe rationnelle, alors il existe un entier d𝑑d tel que le morphisme naturel

1×1×Mord(1,X)X×Xsuperscript1superscript1subscriptMor𝑑superscript1𝑋𝑋𝑋{\mathbb{P}}^{1}\times{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X)\to X\times X

est dominant232323Il suffit de considérer le schéma localement noethérien de type fini Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) union dénombrable des Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) pour d𝑑d\in{\mathbb{N}} et le morphisme associé. ; X𝑋X est donc rationnellement connexe.

Il est important de noter que la variété Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) n’est en général pas projective mais seulement quasi-projective : pour X=2𝑋superscript2X={\mathbb{P}}^{2} et 0t0𝑡0\neq t\in\mathbb{C}, la famille de morphismes

ft([u:v])=[t(u2v2):2tuv:u2+v2]f_{t}([u:v])=[t(u^{2}-v^{2}):2tuv:u^{2}+v^{2}]

ne se compactifie pas dans Mor2(1,2)subscriptMor2superscript1superscript2{\rm Mor}_{2}({\mathbb{P}}^{1},{\mathbb{P}}^{2}) lorsque t𝑡t tend vers 00 ou l’infini. Il y a un phénomène de “cassage” qui nous amènera à considérer des “chaînes de courbes rationnelles”.

3.2. Courbes rationnelles libres et très libres

Rappelons que le groupe de Picard de 1superscript1\mathbb{P}^{1}, et plus généralement celui de msuperscript𝑚\mathbb{P}^{m}, est isomorphe à \mathbb{Z} et que l’on note 𝒪m(1)subscript𝒪superscript𝑚1\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{m}}(1) le générateur ample de ce groupe. En vertu d’un théorème dû à Grothendieck, tout fibré vectoriel E𝐸E de rang r1𝑟1r\geq 1 sur 1superscript1\mathbb{P}^{1} s’écrit de façon unique i=1r𝒪1(ai)superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑟subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖\oplus_{i=1}^{r}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}) pour des entiers a1arsubscript𝑎1subscript𝑎𝑟a_{1}\geq\cdots\geq a_{r}. Attention, l’énoncé correspondant sur msuperscript𝑚\mathbb{P}^{m}, m2𝑚2m\geq 2, est faux.

Exemple 1.

Si m2𝑚2m\geq 2, le fibré tangent Tmsubscript𝑇superscript𝑚T_{\mathbb{P}^{m}} n’est pas une somme directe de fibrés en droites. En revanche, pour toute droite lm𝑙superscript𝑚l\subset{\mathbb{P}^{m}}, sa restriction à l𝑙l l’est et la décomposition ne dépend pas de l𝑙l :

(Tm)|l𝒪1(2)𝒪1(1)(m1).(T_{\mathbb{P}^{m}})_{|l}\simeq\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(2)\oplus\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(1)^{\oplus(m-1)}.

De même, T1𝒪1(2)similar-to-or-equalssubscript𝑇superscript1subscript𝒪superscript12T_{\mathbb{P}^{1}}\simeq\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(2).

Pour démontrer les résultats principaux concernant les variétés rationnellement connexes, nous allons devoir déformer (et lisser) les (chaînes de) courbes rationnelles. Les courbes rationnelles se déforment d’autant plus facilement que leur fibré normal a tendance à être positif. Formalisons ceci à l’aide d’une définition maintenant classique.

Définition 23.

Soient X𝑋X une variété projective de dimension n𝑛n et f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe rationnelle. On suppose que f(1)𝑓superscript1f(\mathbb{P}^{1}) est contenu dans le lieu lisse Xregsubscript𝑋regX_{\rm reg} de X𝑋X. Ecrivons alors

fTXi=1n𝒪1(ai) avec a1an.similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖 avec subscript𝑎1subscript𝑎𝑛f^{*}T_{X}\simeq\oplus_{i=1}^{n}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i})\mbox{ avec }a_{1}\geq\cdots\geq a_{n}.

On dit que la courbe rationnelle f𝑓f est

  1. (1)

    libre si an0subscript𝑎𝑛0a_{n}\geq 0,

  2. (2)

    très libre si an1subscript𝑎𝑛1a_{n}\geq 1,

  3. (3)

    r𝑟r-libre (avec r0𝑟0r\geq 0) si anrsubscript𝑎𝑛𝑟a_{n}\geq r.

Un point important à retenir est que si f𝑓f est libre, alors le schéma Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) est lisse au point [f]delimited-[]𝑓[f], de dimension h0(1,fTX)=dimH0(1,fTX)=n+i=1nai=KXf(1)+nsuperscript0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋dimensionsuperscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋𝑛superscriptsubscript𝑖1𝑛subscript𝑎𝑖subscript𝐾𝑋subscript𝑓superscript1𝑛h^{0}({\mathbb{P}}^{1},f^{*}T_{X})=\dim H^{0}({\mathbb{P}}^{1},f^{*}T_{X})=n+\sum_{i=1}^{n}a_{i}=-K_{X}\cdot f_{*}(\mathbb{P}^{1})+n. On parlera alors en particulier de la composante de Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) contenant [f]delimited-[]𝑓[f]. De plus, l’ensemble des morphismes r𝑟r-libres est un ouvert de Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X)242424Ceci vient du fait que f𝑓f est r𝑟r-libre si et seulement si H1(1,fTX𝒪1(r1))=0superscript𝐻1superscript1tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript1𝑟10H^{1}({\mathbb{P}}^{1},f^{*}T_{X}\otimes\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(-r-1))=0 et du théorème de semi-continuité de la cohomologie.. Nous allons voir que les courbes libres se déforment beaucoup, nous permettant de caractériser les variétés lisses rationnellement connexes à l’aide des courbes très libres.

Théorème 24.

Soit X𝑋X une variété projective lisse de dimension n𝑛n.

  1. (1)

    Si X𝑋X contient une courbe rationnelle très libre f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X, alors pour tout sous-ensemble fini général {x1,,xm}subscript𝑥1subscript𝑥𝑚\{x_{1},\ldots,x_{m}\} de X𝑋X, il existe une courbe rationnelle très libre sur X𝑋X passant par tous les xisubscript𝑥𝑖x_{i} dont le degré ne dépend que de celui de f𝑓f et de m𝑚m. En particulier, X𝑋X est rationnellement connexe (et même séparablement rationnellement connexe).

  2. (2)

    En caractéristique zéro, si X𝑋X est rationnellement connexe, alors, par un point général de X𝑋X passe une courbe très libre.

  3. (3)

    En caractéristique quelconque, si X𝑋X est séparablement rationnellement connexe, alors, par un point général de X𝑋X passe une courbe très libre.

Démonstration. Elle se fait en plusieurs étapes.

Etape 1. Soient f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe r𝑟r-libre (r0𝑟0r\geq 0), s𝑠s un entier 1absent1\geq 1 et

evs:(1)s×Mor(1,X)redXs:superscriptev𝑠superscriptsuperscript1𝑠Morsuperscriptsuperscript1𝑋redsuperscript𝑋𝑠{\rm ev}^{s}:(\mathbb{P}^{1})^{s}\times{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X)^{\rm red}\to X^{s}

le morphisme qui à (u1,u2,,us,[g])(1)s×Mor(1,X)subscript𝑢1subscript𝑢2subscript𝑢𝑠delimited-[]𝑔superscriptsuperscript1𝑠Morsuperscript1𝑋(u_{1},u_{2},\ldots,u_{s},[g])\in(\mathbb{P}^{1})^{s}\times{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) associe (g(u1),,g(us))Xs𝑔subscript𝑢1𝑔subscript𝑢𝑠superscript𝑋𝑠(g(u_{1}),\ldots,g(u_{s}))\in X^{s}. Montrons que si sr+1𝑠𝑟1s\leq r+1, alors evssuperscriptev𝑠{\rm ev}^{s} est un morphisme lisse au voisinage du point (u1,u2,,us,[f])subscript𝑢1subscript𝑢2subscript𝑢𝑠delimited-[]𝑓(u_{1},u_{2},\ldots,u_{s},[f]) pour tout (u1,u2,,us)(1)ssubscript𝑢1subscript𝑢2subscript𝑢𝑠superscriptsuperscript1𝑠(u_{1},u_{2},\ldots,u_{s})\in(\mathbb{P}^{1})^{s}.

En effet, soit T𝑇T la composante de Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) passant par [f]delimited-[]𝑓[f]. On a vu que T𝑇T est lisse au voisinage de [f]delimited-[]𝑓[f], de dimension n+i=1nain(r+1)𝑛superscriptsubscript𝑖1𝑛subscript𝑎𝑖𝑛𝑟1n+\sum_{i=1}^{n}a_{i}\geq n(r+1) (avec fTXi=1n𝒪1(ai)similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖f^{*}T_{X}\simeq\oplus_{i=1}^{n}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i})).

Il suffit donc de montrer que pour tout (u1,u2,,us)(1)ssubscript𝑢1subscript𝑢2subscript𝑢𝑠superscriptsuperscript1𝑠(u_{1},u_{2},\ldots,u_{s})\in(\mathbb{P}^{1})^{s}, la différentielle de evssuperscriptev𝑠{\rm ev}^{s} est surjective au point (u1,u2,,us,[f])subscript𝑢1subscript𝑢2subscript𝑢𝑠delimited-[]𝑓(u_{1},u_{2},\ldots,u_{s},[f]). Cette différentielle n’est autre que l’application naturelle

i=1sTui1H0(1,fTX)i=1sTf(ui)X=i=1s(fTX)f(ui)direct-sumsuperscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑠subscript𝑇subscript𝑢𝑖superscript1superscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑠subscript𝑇𝑓subscript𝑢𝑖𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑠subscriptsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋𝑓subscript𝑢𝑖\bigoplus_{i=1}^{s}T_{u_{i}}\mathbb{P}^{1}\oplus H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X})\to\bigoplus_{i=1}^{s}T_{f(u_{i})}X=\bigoplus_{i=1}^{s}(f^{*}T_{X})_{f(u_{i})}

qui à (v1,,vs,σ)i=1sTui1H0(1,fTX)subscript𝑣1subscript𝑣𝑠𝜎direct-sumsuperscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑠subscript𝑇subscript𝑢𝑖superscript1superscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋(v_{1},\ldots,v_{s},\sigma)\in\bigoplus_{i=1}^{s}T_{u_{i}}\mathbb{P}^{1}\oplus H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X}) associe

((Tf)u1(v1)+σ(u1),,(Tf)us(vs)+σ(us)),subscript𝑇𝑓subscript𝑢1subscript𝑣1𝜎subscript𝑢1subscript𝑇𝑓subscript𝑢𝑠subscript𝑣𝑠𝜎subscript𝑢𝑠((Tf)_{u_{1}}(v_{1})+\sigma(u_{1}),\ldots,(Tf)_{u_{s}}(v_{s})+\sigma(u_{s})),

elle est donc surjective dès que pour tout i=1,,n𝑖1𝑛i=1,\ldots,n, l’application d’évaluation

H0(1,𝒪1(ai))j=1s(𝒪1(ai))ujsuperscript𝐻0superscript1subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖superscriptsubscriptdirect-sum𝑗1𝑠subscriptsubscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖subscript𝑢𝑗H^{0}(\mathbb{P}^{1},\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}))\to\bigoplus_{j=1}^{s}(\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}))_{u_{j}}

l’est. C’est le cas si (et seulement si lorsque les ujsubscript𝑢𝑗u_{j} sont deux à deux distincts) ais1subscript𝑎𝑖𝑠1a_{i}\geq s-1.  

Etape 2. Sous les hypothèses de l’étape 1, l’application evs:(1)s×TXs:superscriptev𝑠superscriptsuperscript1𝑠𝑇superscript𝑋𝑠{\rm ev}^{s}:(\mathbb{P}^{1})^{s}\times T\to X^{s} est donc dominante, autrement dit, par s𝑠s points généraux de X𝑋X passe une courbe r𝑟r-libre déformation de f𝑓f.

Etape 3. Montrons maintenant le point (1) du théorème. Soit f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe très libre, on écrit fTXi=1n𝒪1(ai)similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖f^{*}T_{X}\simeq\oplus_{i=1}^{n}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}) et soit r:=min(ai)1assign𝑟subscript𝑎𝑖1r:=\min(a_{i})\geq 1. En composant f𝑓f à la source par un morphisme hδ:11:subscript𝛿superscript1superscript1h_{\delta}~{}:\mathbb{P}^{1}\to\mathbb{P}^{1} de degré δ𝛿\delta, on obtient une courbe rδ𝑟𝛿r\delta-libre, à savoir fhδ𝑓subscript𝛿f\circ h_{\delta}. Des étapes précédentes, on déduit que si rδ+1m𝑟𝛿1𝑚r\delta+1\geq m, alors par m𝑚m points généraux de X𝑋X passe une déformation de fhδ𝑓subscript𝛿f\circ h_{\delta}.252525 On ne résiste pas ici au commentaire suivant : la preuve qui précède montre que si C𝐶C est une courbe rationnelle très libre, un multiple suffisamment grand de C𝐶C se déforme suffisamment pour passer par m𝑚m points généraux de X𝑋X. Ceci fonctionne bien car 1superscript1\mathbb{P}^{1} possède des endomorphismes de degré arbitrairement grand, ceci fonctionnerait encore pour des courbes elliptiques. Pour des courbes de genre 2absent2\geq 2, ceci fonctionne encore en caractéristique positive seulement car on dispose du morphisme de Frobenius. Cette remarque géniale est due à Mori et est le point de départ de la théorie de Mori.

Etape 4. Supposons que X𝑋X est rationnellement connexe. On a vu qu’il existe alors un entier d𝑑d tel que le morphisme naturel

ev2:1×1×Mord(1,X)redX×X:superscriptev2superscript1superscript1subscriptMor𝑑superscriptsuperscript1𝑋red𝑋𝑋{\rm ev}^{2}:{\mathbb{P}}^{1}\times{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X)^{\rm red}\to X\times X

soit dominant. Quand la caractéristique du corps de base est supposée nulle, il existe (u1,u2,[f])1×1×Mord(1,X)redsubscript𝑢1subscript𝑢2delimited-[]𝑓superscript1superscript1subscriptMor𝑑superscriptsuperscript1𝑋red(u_{1},u_{2},[f])\in{\mathbb{P}}^{1}\times{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X)^{\rm red} tel que la différentielle de ev2superscriptev2{\rm ev}^{2} en (u1,u2,[f])subscript𝑢1subscript𝑢2delimited-[]𝑓(u_{1},u_{2},[f]) soit surjective, et ceci étant une condition ouverte, on peut supposer u1u2subscript𝑢1subscript𝑢2u_{1}\neq u_{2}. Un tel (u1,u2,[f])subscript𝑢1subscript𝑢2delimited-[]𝑓(u_{1},u_{2},[f]) existe aussi en caractéristique positive quand X𝑋X est supposée séparablement rationnellement connexe (par définition !). Nous allons montrer que f𝑓f est très libre.

A nouveau, la différentielle de ev2superscriptev2{\rm ev}^{2} en (u1,u2,[f])subscript𝑢1subscript𝑢2delimited-[]𝑓(u_{1},u_{2},[f]) est l’application naturelle

Tu11Tu21H0(1,fTX)Tf(u1)XTf(u2)Xdirect-sumsubscript𝑇subscript𝑢1superscript1subscript𝑇subscript𝑢2superscript1superscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋direct-sumsubscript𝑇𝑓subscript𝑢1𝑋subscript𝑇𝑓subscript𝑢2𝑋T_{u_{1}}\mathbb{P}^{1}\oplus T_{u_{2}}\mathbb{P}^{1}\oplus H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X})\to T_{f(u_{1})}X\oplus T_{f(u_{2})}X

qui à (v1,v2,σ)Tu11Tu21H0(1,fTX)subscript𝑣1subscript𝑣2𝜎direct-sumsubscript𝑇subscript𝑢1superscript1subscript𝑇subscript𝑢2superscript1superscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋(v_{1},v_{2},\sigma)\in T_{u_{1}}\mathbb{P}^{1}\oplus T_{u_{2}}\mathbb{P}^{1}\oplus H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X}) associe

((Tf)u1(v1)+σ(u1),(Tf)u2(v2)+σ(u2)).subscript𝑇𝑓subscript𝑢1subscript𝑣1𝜎subscript𝑢1subscript𝑇𝑓subscript𝑢2subscript𝑣2𝜎subscript𝑢2((Tf)_{u_{1}}(v_{1})+\sigma(u_{1}),(Tf)_{u_{2}}(v_{2})+\sigma(u_{2})).

Le point clé est le suivant : comme T1𝒪1(2)similar-to-or-equalssubscript𝑇superscript1subscript𝒪superscript12T_{\mathbb{P}^{1}}\simeq\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(2), l’application H0(1,T1)Tu11Tu21superscript𝐻0superscript1subscript𝑇superscript1direct-sumsubscript𝑇subscript𝑢1superscript1subscript𝑇subscript𝑢2superscript1H^{0}(\mathbb{P}^{1},T_{\mathbb{P}^{1}})\to T_{u_{1}}\mathbb{P}^{1}\oplus T_{u_{2}}\mathbb{P}^{1} est surjective, donc l’image de l’application H0(1,fTX)Tf(u1)XTf(u2)Xsuperscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋direct-sumsubscript𝑇𝑓subscript𝑢1𝑋subscript𝑇𝑓subscript𝑢2𝑋H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X})\to T_{f(u_{1})}X\oplus T_{f(u_{2})}X contient celle de (Tf)u1(Tf)u2:Tu11Tu21Tf(u1)XTf(u2)X:direct-sumsubscript𝑇𝑓subscript𝑢1subscript𝑇𝑓subscript𝑢2direct-sumsubscript𝑇subscript𝑢1superscript1subscript𝑇subscript𝑢2superscript1direct-sumsubscript𝑇𝑓subscript𝑢1𝑋subscript𝑇𝑓subscript𝑢2𝑋(Tf)_{u_{1}}\oplus(Tf)_{u_{2}}:T_{u_{1}}\mathbb{P}^{1}\oplus T_{u_{2}}\mathbb{P}^{1}\to T_{f(u_{1})}X\oplus T_{f(u_{2})}X, d’où l’on déduit évidemment262626Si f1:E1F:subscript𝑓1subscript𝐸1𝐹f_{1}:E_{1}\to F et f2:E2F:subscript𝑓2subscript𝐸2𝐹f_{2}:E_{2}\to F sont deux applications linéaires telles que d’une part l’image de f1subscript𝑓1f_{1} est contenue dans celle de f2subscript𝑓2f_{2} et d’autre part f1f2:E1E2F:direct-sumsubscript𝑓1subscript𝑓2direct-sumsubscript𝐸1subscript𝐸2𝐹f_{1}\oplus f_{2}:E_{1}\oplus E_{2}\to F est surjectif, alors f2subscript𝑓2f_{2} est surjectif. que H0(1,fTX)Tf(u1)XTf(u2)Xsuperscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋direct-sumsubscript𝑇𝑓subscript𝑢1𝑋subscript𝑇𝑓subscript𝑢2𝑋H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X})\to T_{f(u_{1})}X\oplus T_{f(u_{2})}X est surjective. De là, si fTXi=1n𝒪1(ai)similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖f^{*}T_{X}\simeq\oplus_{i=1}^{n}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}), chaque

H0(1,𝒪1(ai))(𝒪1(ai))u1(𝒪1(ai))u2superscript𝐻0superscript1subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖direct-sumsubscriptsubscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖subscript𝑢1subscriptsubscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖subscript𝑢2H^{0}(\mathbb{P}^{1},\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}))\to(\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}))_{u_{1}}\oplus(\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}))_{u_{2}}

est surjective, donc ai1subscript𝑎𝑖1a_{i}\geq 1 pour tout i𝑖i : f𝑓f est très libre.  

Le lecteur débutant pourra démontrer le strict analogue du théorème précédent pour les variétés uniréglées. Le résultat de l’étape 4 ci-dessus doit être adapté de la façon suivante : si la différentielle de ev1:1×Mord(1,X)redX:superscriptev1superscript1subscriptMor𝑑superscriptsuperscript1𝑋red𝑋{\rm ev}^{1}:{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X)^{\rm red}\to X est surjective au point (u,[f])𝑢delimited-[]𝑓(u,[f]), alors f𝑓f est libre.

Théorème 25.

Soit X𝑋X une variété projective lisse de dimension n𝑛n.

  1. (1)

    Si X𝑋X contient une courbe rationnelle libre, alors X𝑋X est uniréglée.

  2. (2)

    En caractéristique zéro, si X𝑋X est uniréglée, alors par un point général de X𝑋X passe une courbe libre. En particulier, si X𝑋X est uniréglée, alors KXsubscript𝐾𝑋K_{X} n’est pas numériquement effectif.

En caractéristique positive, les choses sont sont bien différentes comme le montre l’exemple suivant.

Exemple 2.

Soit

X={[x0::xn]nx0d++xnd=0}X=\{[x_{0}:\cdots:x_{n}]\in\mathbb{P}^{n}\mid x_{0}^{d}+\cdots+x_{n}^{d}=0\}

l’hypersurface de Fermat de degré d=pr+1𝑑superscript𝑝𝑟1d=p^{r}+1 dans nsuperscript𝑛\mathbb{P}^{n} sur un corps algébriquement clos de caractéristique positive p𝑝p. Alors X𝑋X est unirationnelle si n3𝑛3n\geq 3 (donc rationnellement connexe). Par ailleurs, si dn+1𝑑𝑛1d\geq n+1, le fibré canonique de X𝑋X est numériquement effectif (son intersection avec toute courbe est 0absent0\geq 0), en particulier, X𝑋X ne contient pas de courbes libres : la différentielle de ev1:1×Mord(1,X)X:superscriptev1superscript1subscriptMor𝑑superscript1𝑋𝑋{\rm ev}^{1}:{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X)\to X n’est donc jamais surjective. A fortiori, X𝑋X n’est pas séparablement rationnellement connexe.

Pour le confort du lecteur, énonçons deux corollaires, extraits de la preuve du théorème 24.

Corollaire 26.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique quelconque,

  1. (1)

    X𝑋X est séparablement rationnellement connexe si et seulement si par tout point général de X𝑋X passe une courbe très libre,

  2. (2)

    X𝑋X est séparablement uniréglée si et seulement si par tout point général de X𝑋X passe une courbe libre.

Corollaire 27.

Soient X𝑋X une variété projective et f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe rationnelle dont l’image est contenue dans le lieu lisse de X𝑋X.

  1. (1)

    En caractéristique quelconque,

    1. (a)

      f𝑓f est très libre si et seulement s’il y a (u1,u2,[f])1×1×Mor(1,X)subscript𝑢1subscript𝑢2delimited-[]𝑓superscript1superscript1Morsuperscript1𝑋(u_{1},u_{2},[f])\in{\mathbb{P}}^{1}\times{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) tel que la différentielle de ev2superscriptev2{\rm ev}^{2} en (u1,u2,[f])subscript𝑢1subscript𝑢2delimited-[]𝑓(u_{1},u_{2},[f]) est surjective,

    2. (b)

      f𝑓f est libre si et seulement s’il y a (u,[f])1×Mor(1,X)𝑢delimited-[]𝑓superscript1Morsuperscript1𝑋(u,[f])\in{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X) tel que la différentielle de ev1superscriptev1{\rm ev}^{1} en (u,[f])𝑢delimited-[]𝑓(u,[f]) est surjective.

  2. (2)

    En caractéristique zéro,

    1. (a)

      f𝑓f est très libre si et seulement si les déformations de f𝑓f passent par deux points généraux de X𝑋X.

    2. (b)

      f𝑓f est libre si et seulement si les déformations de f𝑓f dominent X𝑋X.

3.3. Lieu des courbes libres et courbes libres minimales

Avec les techniques précédentes, on montre la proposition suivante.

Proposition 28.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Alors, il existe une intersection dénombrable d’ouverts non vides de X𝑋X, notée Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}, telle que toute courbe rationnelle dont l’image rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} est libre. De plus, Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}\neq\varnothing si et seulement si X𝑋X est uniréglée.

Démonstration. Considérons à nouveau le morphisme d’évaluation

ev1:1×Mor(1,X)X.:superscriptev1superscript1Morsuperscript1𝑋𝑋{\rm ev}^{1}:{\mathbb{P}}^{1}\times{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X)\to X.

Pour chaque composante irréductible Misubscript𝑀𝑖M_{i} de Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}({\mathbb{P}}^{1},X), deux situations sont possibles :

  1. \bullet

    soit ev1(1×Mi)¯X¯superscriptev1superscript1subscript𝑀𝑖𝑋\overline{{\rm ev}^{1}({\mathbb{P}}^{1}\times M_{i})}\neq X, on pose Ui=Xev1(1×Mi)¯subscript𝑈𝑖𝑋¯superscriptev1superscript1subscript𝑀𝑖U_{i}=X\setminus\overline{{\rm ev}^{1}({\mathbb{P}}^{1}\times M_{i})},

  2. \bullet

    soit ev1(1×Mi)¯=X¯superscriptev1superscript1subscript𝑀𝑖𝑋\overline{{\rm ev}^{1}({\mathbb{P}}^{1}\times M_{i})}=X, comme on a supposé que la caractéristique du corps de base est zéro, il y a un ouvert non vide Uisubscript𝑈𝑖U_{i} de X𝑋X tel que pour tout (u,[f])1×Mired𝑢delimited-[]𝑓superscript1superscriptsubscript𝑀𝑖red(u,[f])\in{\mathbb{P}}^{1}\times M_{i}^{\rm red}, si f(u)Ui𝑓𝑢subscript𝑈𝑖f(u)\in U_{i} alors la différentielle de ev1superscriptev1{\rm ev}^{1} en (u,[f])𝑢delimited-[]𝑓(u,[f]) est surjective (en particulier, si f(u)Ui𝑓𝑢subscript𝑈𝑖f(u)\in U_{i}, alors f𝑓f est libre).

Il est alors clair que Xlibre:=iUiassignsuperscript𝑋libresubscript𝑖subscript𝑈𝑖X^{\rm libre}:=\cap_{i}U_{i} convient.  

Le lecteur familier avec le lemme de cassage272727Il s’énonce de la façon suivante.

Théorème 29.
(Lemme de cassage) Soient X𝑋X une variété projective et f:1X:𝑓superscript1𝑋f:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe rationnelle telle que dim[f](Mor(1,X,0f(0),f())2\dim_{[f]}({\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto f(0),\infty\mapsto f(\infty))\geq 2. Alors le 111-cycle f(1)subscript𝑓superscript1f_{*}(\mathbb{P}^{1}) est numériquement équivalent à un 111-cycle connexe passant par f(0)𝑓0f(0) et f()𝑓f(\infty), effectif et non intègre de courbes rationnelles. Remarquons que l’on a toujours dim[f]Mor(1,X,0f(0),f())1\dim_{[f]}{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto f(0),\infty\mapsto f(\infty))\geq 1 car on peut composer f𝑓f à la source par les automorphismes de 1superscript1\mathbb{P}^{1} fixant 00 et \infty. Ce théorème affirme donc que si une courbe rationnelle se déforme “vraiment” en fixant deux points, alors elle dégénère en un cycle non irréductible et/ou non réduit de courbes rationnelles. Le lecteur calculera les dégénérescences de la famille des coniques planes ft([u:v])=[t(u2v2):2tuv:u2+v2]f_{t}([u:v])=[t(u^{2}-v^{2}):2tuv:u^{2}+v^{2}] passant par les deux points [1:±i:0]delimited-[]:1plus-or-minus𝑖:0[1:\pm i:0]. l’utilisera associé aux techniques précédentes pour démontrer les deux premiers points du théorème suivant, le troisième est beaucoup plus difficile, il est dû à Cho, Miyaoka et Shepherd-Barron (voir [CMS02] ou [Keb02]).

Théorème 30.

Soit X𝑋X une variété projective lisse uniréglée, de dimension n𝑛n, sur un corps de caractéristique zéro. Soit H𝐻H un diviseur ample sur X𝑋X et d=minHh(1)𝑑𝐻subscriptsuperscript1d=\min H\cdot h_{*}(\mathbb{P}^{1}) où le minimum est pris sur l’ensemble des courbes libres h:1X:superscript1𝑋h~{}:\mathbb{P}^{1}\to X.

  1. (1)

    Soit f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe libre telle que d=Hf(1)𝑑𝐻subscript𝑓superscript1d=H\cdot f_{*}(\mathbb{P}^{1}). Alors, il existe s𝑠s tel que

    fTX𝒪1(2)𝒪1(1)s𝒪1n1s.similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋direct-sumsubscript𝒪superscript12subscript𝒪superscript1superscript1direct-sum𝑠superscriptsubscript𝒪superscript1direct-sum𝑛1𝑠f^{*}T_{X}\simeq\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(2)\oplus\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(1)^{\oplus s}\oplus\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}^{\oplus n-1-s}.
  2. (2)

    Soient xXlibre𝑥superscript𝑋librex\in X^{\rm libre}, f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe libre telle que d=Hf(1)𝑑𝐻subscript𝑓superscript1d=H\cdot f_{*}(\mathbb{P}^{1}) et f(0)=x𝑓0𝑥f(0)=x. Soit Mxsubscript𝑀𝑥M_{x} la composante de Mor(1,X,0x)Mormaps-tosuperscript1𝑋0𝑥{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto x) passant par [f]delimited-[]𝑓[f]. Alors Mxsubscript𝑀𝑥M_{x} est propre.

  3. (3)

    (Cho, Miyaoka et Shepherd-Barron) S’il existe f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe libre telle que d=minHf(1)𝑑𝐻subscript𝑓superscript1d=\min H\cdot f_{*}(\mathbb{P}^{1}) et

    fTX𝒪1(2)𝒪1(1)n1,similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋direct-sumsubscript𝒪superscript12subscript𝒪superscript1superscript1direct-sum𝑛1f^{*}T_{X}\simeq\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(2)\oplus\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(1)^{\oplus n-1},

    alors Xnsimilar-to-or-equals𝑋superscript𝑛X\simeq\mathbb{P}^{n}.

Suivant les auteurs, les courbes libres f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X de degré minimal pour une polarisation donnée, ou plus généralement telles que la composante de Mor(1,X,0x)Mormaps-tosuperscript1𝑋0𝑥{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto x) passant par [f]delimited-[]𝑓[f] est propre pour x𝑥x (très) général dans X𝑋X sont dites minimales. L’étude des courbes libres minimales sur les variétés de Fano dont le rang du groupe de Picard vaut 111 est aussi l’objet de toute une série de travaux dus à Hwang et Mok, ainsi qu’à Kebekus.

COURS 3

Dans ce troisième cours, nous introduisons la notion de connexité rationnelle par chaînes. Cette notion est beaucoup plus souple que la connexité rationnelle. Nous étudions aussi les techniques de lissage de chaînes de courbes rationnelles. Ces techniques seront utilisées au cours suivant pour montrer que les notions de connexité rationnelle par chaînes et de connexité rationnelle coïncident dans la catégorie des variétés projectives lisses sur un corps de caractéristique zéro.

4. Connexité rationnelle par chaînes. Techniques de lissage.

Les résultats de cette section sont dus à Kollár, Miyaoka et Mori [KMM92]. Je me suis à nouveau beaucoup appuyé sur [Deb01] et [AK03].

4.1. Connexité rationnelle par chaînes

On a vu précédemment que Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}({\mathbb{P}}^{1},X) n’est pas projectif en général, mais seulement quasi-projectif. Le phénomène de dégénérescences qui intervient fait apparaître des chaînes de courbes rationnelles. On introduit ici la classe des variétés telles que par deux points généraux passe une chaîne de courbes rationnelles282828Une chaîne de courbes rationnelles est un schéma propre de dimension 111, connexe, dont toutes les composantes irréductibles sont des courbes rationnelles, courbe rationnelle signifiant exceptionnellement ici courbe dont la normalisée est 1superscript1\mathbb{P}^{1}..

Définition 31.

Soit X𝑋X une variété (quasi-) projective ou un schéma connexe. On dit que X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes s’il existe une variété quasi-projective T𝑇T et un sous-schéma 𝒞𝒞\mathcal{C} de T×X𝑇𝑋T\times X tels que

  1. (1)

    les fibres de la projection p:𝒞T:𝑝𝒞𝑇p~{}:\mathcal{C}\to T sont propres, connexes, de dimension 111 et toutes leurs composantes irréductibles sont rationnelles292929Courbe rationnelle signifie (à nouveau exceptionnellement !) ici courbe dont la normalisée est 1superscript1\mathbb{P}^{1}.,

  2. (2)

    la projection e:𝒞×T𝒞X×X:𝑒subscript𝑇𝒞𝒞𝑋𝑋e~{}:\mathcal{C}\times_{T}\mathcal{C}\to X\times X est dominante.

Si X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes, alors par deux points généraux x𝑥x et xsuperscript𝑥x^{\prime} de X𝑋X, il existe tT𝑡𝑇t\in T tel que x𝑥x et xsuperscript𝑥x^{\prime} appartiennent à q(p1(t))𝑞superscript𝑝1𝑡q(p^{-1}(t))q𝑞q est la projection q:𝒞X:𝑞𝒞𝑋q~{}:\mathcal{C}\to X, autrement dit, la chaîne de courbes rationnelles q(p1(t))𝑞superscript𝑝1𝑡q(p^{-1}(t)) passe par x𝑥x et par xsuperscript𝑥x^{\prime}.

Mise en garde. Contrairement aux notions précédemment rencontrées, cette notion n’est pas invariante par transformation birationnelle : si Y𝑌Y est un cône sur une variété projective Y0subscript𝑌0Y_{0}, Y𝑌Y est rationnellement connexe par chaînes (passer par le sommet du cône). En revanche, le “cylindre” X𝑋X obtenu en éclatant le sommet du cône n’est pas rationnellement connexe par chaînes si Y0subscript𝑌0Y_{0} ne l’est pas.

Exemple 3.

Sur un corps de caractéristique zéro, considérons

π:𝒳={(w,x,y,z,t)w,x,y,z3×𝔸t1x3+y3+z3=tw3}𝔸t1.:𝜋𝒳conditional-set𝑤𝑥𝑦𝑧𝑡superscriptsubscript𝑤𝑥𝑦𝑧3superscriptsubscript𝔸𝑡1superscript𝑥3superscript𝑦3superscript𝑧3𝑡superscript𝑤3superscriptsubscript𝔸𝑡1\pi:\mathcal{X}=\{(w,x,y,z,t)\in\mathbb{P}_{w,x,y,z}^{3}\times\mathbb{A}_{t}^{1}\mid x^{3}+y^{3}+z^{3}=tw^{3}\}\to\mathbb{A}_{t}^{1}.

La variété 𝒳𝒳\mathcal{X} est lisse, étudions les fibres de π𝜋\pi. Si t0𝑡0t\neq 0, la fibre π1(t)superscript𝜋1𝑡\pi^{-1}(t) est une surface cubique lisse de 3superscript3\mathbb{P}^{3} ; elle est rationnellement connexe par chaînes (deux points généraux peuvent être reliés par une chaîne formée d’une droite et de deux coniques), donc rationnellement connexe comme nous le verrons plus loin (théorème 38). Si t=0𝑡0t=0, la fibre π1(0)superscript𝜋10\pi^{-1}(0) est un cône sur une courbe elliptique ; elle est rationnellement connexe par chaînes mais n’est pas rationnellement connexe.

Le fait que des chaînes de courbes rationnelles ne peuvent dégénérer qu’en des chaînes de courbes rationnelles implique que si X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes, alors par deux points quelconques de X𝑋X passe une chaîne de courbes rationnelles.

Evidemment, les variétés rationnellement connexes sont rationnellement connexes par chaînes, le but des lignes qui suivent est de démontrer la réciproque pour les variétés lisses en caractéristique zéro.

4.2. Lissage de chaînes de courbes rationnelles

Cette section est plus technique, le lecteur débutant pourra prendre comme une boîte noire les deux théorèmes de lissage.

4.2.1. Lissage des arbres de courbes rationnelles

Définition 32.

Un arbre de courbes rationnelles est un schéma C𝐶C de dimension un, réduit, connexe dont les composantes irréductibles

  1. (1)

    sont des courbes rationnelles lisses,

  2. (2)

    peuvent être numérotées en choisissant arbitrairement l’une d’elles comme étant C1subscript𝐶1C_{1} et de sorte que pour tout i2𝑖2i\geq 2, Cisubscript𝐶𝑖C_{i} rencontre C1Ci1subscript𝐶1subscript𝐶𝑖1C_{1}\cup\cdots\cup C_{i-1} transversalement en un unique point lisse de C1Ci1subscript𝐶1subscript𝐶𝑖1C_{1}\cup\cdots\cup C_{i-1}.

Les seules singularités d’un arbre de courbes rationnelles sont donc des nœuds ordinaires, correspondant aux points d’intersection de deux composantes. Le graphe non orienté ayant pour sommets les composantes de C𝐶C, avec une arête entre deux sommets si les deux composantes correspondantes s’intersectent, est un arbre.

Soient X𝑋X une variété projective lisse, C𝐶C un arbre de courbes rationnelles, f:CX:𝑓𝐶𝑋f:C\to X un morphisme et p1,,prsubscript𝑝1subscript𝑝𝑟p_{1},\ldots,p_{r} des points lisses deux à deux distincts de C𝐶C.

Définition 33.

On dit que f𝑓f est lissable en fixant f(p1),,f(pr)𝑓subscript𝑝1𝑓subscript𝑝𝑟f(p_{1}),\ldots,f(p_{r}) s’il existe

  1. (1)

    une courbe quasi-projective lisse T𝑇T avec un point distingué oT𝑜𝑇o\in T, une surface 𝒞𝒞\mathcal{C} et un morphisme plat π:𝒞T:𝜋𝒞𝑇\pi~{}:\mathcal{C}\to T tels que π1(o)=Csuperscript𝜋1𝑜𝐶\pi^{-1}(o)=C et π1(t)superscript𝜋1𝑡\pi^{-1}(t) est une courbe rationnelle lisse pour tout tT{o}𝑡𝑇𝑜t\in T\setminus\{o\},

  2. (2)

    r𝑟r sections σi:T𝒞:subscript𝜎𝑖𝑇𝒞\sigma_{i}:T\to\mathcal{C} de π𝜋\pi telles que σi(o)=pisubscript𝜎𝑖𝑜subscript𝑝𝑖\sigma_{i}(o)=p_{i} pour tout i𝑖i,

  3. (3)

    un morphisme F:𝒞X:𝐹𝒞𝑋F~{}:\mathcal{C}\to X tel que F|π1(o)=fF_{|\pi^{-1}(o)}=f et F(σi(T))=f(pi)𝐹subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖F(\sigma_{i}(T))=f(p_{i}) pour tout i𝑖i.

Cette définition appelle quelques commentaires.

  1. (i)

    Une surface 𝒞𝒞\mathcal{C} vérifiant les seuls points (1) et (2) de la définition est facile à construire en éclatant 1×𝔸1superscript1superscript𝔸1\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{A}^{1} convenablement.

  2. (ii)

    Si f𝑓f est lissable en fixant f(p1),,f(pr)𝑓subscript𝑝1𝑓subscript𝑝𝑟f(p_{1}),\ldots,f(p_{r}), pour to𝑡𝑜t\neq o, Ft:1X:subscript𝐹𝑡superscript1𝑋F_{t}~{}:\mathbb{P}^{1}\to X est une courbe rationnelle (dont l’image peut être singulière) passant par f(p1),,f(pr)𝑓subscript𝑝1𝑓subscript𝑝𝑟f(p_{1}),\ldots,f(p_{r}).

  3. (iii)

    En général, f𝑓f n’est pas lissable : supposons que S𝑆S est une surface projective lisse et que CS𝐶𝑆C\subset S est un arbre à deux composantes avec C12=C22=2superscriptsubscript𝐶12superscriptsubscript𝐶222C_{1}^{2}=C_{2}^{2}=-2. Alors l’inclusion CS𝐶𝑆C\subset S n’est pas lissable. En effet, il existe une surface singulière S0subscript𝑆0S_{0}, un morphisme birationnel h:SS0:𝑆subscript𝑆0h~{}:S\to S_{0} tels que h(C)=x0S0𝐶subscript𝑥0subscript𝑆0h(C)=x_{0}\in S_{0} et h:SCS0{x0}:similar-to-or-equals𝑆𝐶subscript𝑆0subscript𝑥0h~{}:S\setminus C\simeq S_{0}\setminus\{x_{0}\}. Si F:𝒞S:𝐹𝒞𝑆F~{}:\mathcal{C}\to S est un lissage de f𝑓f, notons Ftsubscript𝐹𝑡F_{t} est la restriction de F𝐹F à π1(t)superscript𝜋1𝑡\pi^{-1}(t). Par le lemme de rigidité, hFtsubscript𝐹𝑡h\circ F_{t} est constant pour tout tT𝑡𝑇t\in T (on peut supposer T𝑇T irréductible affine), donc Ftsubscript𝐹𝑡F_{t} est constant pour tout to𝑡𝑜t\neq o, ce qui est absurde.

  4. (iv)

    Les géomètres italiens, mais aussi Noether ou Halphen, se sont intéressés au lissage de courbes gauches. Le lissage des arbres de courbes de 3superscript3\mathbb{P}^{3} est étudié et utilisé par Hartshorne et Hirschowitz (voir [HH83] et le théorème 37 plus loin) ; Kollár a depuis donné le formalisme général dans son livre [Kol96].

Dans l’exemple (iii) ci-dessus, C1subscript𝐶1C_{1} et C2subscript𝐶2C_{2} ne sont pas des courbes libres ; bien au contraire, leur fibré normal est “très” négatif, ce qui assure que l’on peut les contracter sur un point. Le théorème qui suit montre que la situation est bien meilleure pour les courbes libres.

Théorème 34.

Soient X𝑋X une variété projective lisse, C𝐶C un arbre de courbes rationnelles, f:CX:𝑓𝐶𝑋f~{}:C\to X un morphisme, p1,,prsubscript𝑝1subscript𝑝𝑟p_{1},\ldots,p_{r} des points lisses distincts de C𝐶C dont risubscript𝑟𝑖r_{i} exactement sont situés sur la composante Cisubscript𝐶𝑖C_{i} (chaque risubscript𝑟𝑖r_{i} est 0absent0\geq 0 ; en particulier, ils peuvent être tous nuls). Soient fisubscript𝑓𝑖f_{i}, 1ir1𝑖𝑟1\leq i\leq r les restrictions de f𝑓f aux composantes Cisubscript𝐶𝑖C_{i}. Si f1subscript𝑓1f_{1} est (r11)subscript𝑟11(r_{1}-1)-libre303030Dans le cas où r1=0subscript𝑟10r_{1}=0, ceci signifie que tous les aisubscript𝑎𝑖a_{i} sont 1absent1\geq-1 dans la décomposition f1TXi=1n𝒪1(ai)similar-to-or-equalssuperscriptsubscript𝑓1subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖f_{1}^{*}T_{X}\simeq\oplus_{i=1}^{n}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}). et fisubscript𝑓𝑖f_{i} est risubscript𝑟𝑖r_{i}-libre pour tout i2𝑖2i\geq 2, alors f𝑓f est lissable en fixant tous les f(pi)𝑓subscript𝑝𝑖f(p_{i}) et on peut supposer que Ftsubscript𝐹𝑡F_{t} est (r1)𝑟1(r-1)-libre pour tout otT𝑜𝑡𝑇o\neq t\in T.

Démonstration.

Etape 1. Soient une courbe lisse T𝑇T avec un point distingué oT𝑜𝑇o\in T, une surface lisse 𝒞𝒞\mathcal{C} et un morphisme π:𝒞T:𝜋𝒞𝑇\pi~{}:\mathcal{C}\to T tels que π1(o)=Csuperscript𝜋1𝑜𝐶\pi^{-1}(o)=C et π1(t)superscript𝜋1𝑡\pi^{-1}(t) est une courbe rationnelle lisse pour tout tT{o}𝑡𝑇𝑜t\in T\setminus\{o\}. Soient aussi r𝑟r sections σi:T𝒞:subscript𝜎𝑖𝑇𝒞\sigma_{i}:T\to\mathcal{C} de π𝜋\pi telles que σi(o)=pisubscript𝜎𝑖𝑜subscript𝑝𝑖\sigma_{i}(o)=p_{i}. On l’a dit, ceci est facile à construire.

Etape 2. Si le morphisme F𝐹F cherché existe, alors pour tout tT𝑡𝑇t\in T,

FtMor(π1(t),X,iσi(t)f(pi)).subscript𝐹𝑡Mormaps-tosuperscript𝜋1𝑡𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑡𝑓subscript𝑝𝑖F_{t}\in{\rm Mor}(\pi^{-1}(t),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(t)\mapsto f(p_{i})).

D’après Mori, les schémas Mor(π1(t),X,iσi(t)f(pi))Mormaps-tosuperscript𝜋1𝑡𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑡𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\pi^{-1}(t),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(t)\mapsto f(p_{i})) s’assemblent en un T𝑇T-schéma

ρ:Mor(𝒞,X,iσi(T)f(pi))T:𝜌Mormaps-to𝒞𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖𝑇\rho:{\rm Mor}(\mathcal{C},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(T)\mapsto f(p_{i}))\to T

tel que Mor(𝒞,X,iσi(T)f(pi))tMor(π1(t),X,iσi(t)f(pi))similar-to-or-equalsMorsubscriptmaps-to𝒞𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖𝑡Mormaps-tosuperscript𝜋1𝑡𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑡𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\mathcal{C},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(T)\mapsto f(p_{i}))_{t}\simeq{\rm Mor}(\pi^{-1}(t),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(t)\mapsto f(p_{i})).

Comme dans la version absolue, il y a un critère simple permettant de comprendre le schéma

Mor(𝒞,X,iσi(T)f(pi))Mormaps-to𝒞𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\mathcal{C},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(T)\mapsto f(p_{i}))

au voisinage d’un point [h]delimited-[][h] : si

[h]Mor(π1(t0),X,iσi(t0)f(pi))delimited-[]Mormaps-tosuperscript𝜋1subscript𝑡0𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖subscript𝑡0𝑓subscript𝑝𝑖[h]\in{\rm Mor}(\pi^{-1}(t_{0}),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(t_{0})\mapsto f(p_{i}))

et si H1(π1(t0),hTX𝒪π1(t0)(i=1rσi(t0)))=0superscript𝐻1superscript𝜋1subscript𝑡0tensor-productsuperscriptsubscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript𝜋1subscript𝑡0superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝜎𝑖subscript𝑡00H^{1}(\pi^{-1}(t_{0}),h^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\pi^{-1}(t_{0})}(-\sum_{i=1}^{r}\sigma_{i}(t_{0})))=0, alors ρ𝜌\rho est un morphisme lisse au point [h]delimited-[][h]. En particulier Mor(π1(t0),X,iσi(t0)f(pi))Mormaps-tosuperscript𝜋1subscript𝑡0𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖subscript𝑡0𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\pi^{-1}(t_{0}),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(t_{0})\mapsto f(p_{i})) est lisse au point [h]delimited-[][h] de dimension

dimH0(π1(t0),hTX𝒪π1(t0)(i=1rσi(t0)))dimensionsuperscript𝐻0superscript𝜋1subscript𝑡0tensor-productsuperscriptsubscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript𝜋1subscript𝑡0superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝜎𝑖subscript𝑡0\dim H^{0}(\pi^{-1}(t_{0}),h^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\pi^{-1}(t_{0})}(-\sum_{i=1}^{r}\sigma_{i}(t_{0})))

et Mor(𝒞,X,iσi(T)f(pi))Mormaps-to𝒞𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\mathcal{C},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(T)\mapsto f(p_{i})) est irréductible au point [h]delimited-[][h] de dimension

dimH0(π1(t0),hTX𝒪π1(t0)(i=1rσi(t0)))+dimT.dimensionsuperscript𝐻0superscript𝜋1subscript𝑡0tensor-productsuperscriptsubscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript𝜋1subscript𝑡0superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝜎𝑖subscript𝑡0dimension𝑇\dim H^{0}(\pi^{-1}(t_{0}),h^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\pi^{-1}(t_{0})}(-\sum_{i=1}^{r}\sigma_{i}(t_{0})))+\dim T.

En particulier encore, et c’est ce qu’il faut retenir ici, si f:CX:𝑓𝐶𝑋f~{}:C\to X est le morphisme à lisser en fixant les f(pi)𝑓subscript𝑝𝑖f(p_{i}) et si H1(C,fTX𝒪C(ipi))=0superscript𝐻1𝐶tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪𝐶subscript𝑖subscript𝑝𝑖0H^{1}(C,f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{C}(-\sum_{i}p_{i}))=0, alors la composante de

Mor(𝒞,X,iσi(T)f(pi))Mormaps-to𝒞𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\mathcal{C},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(T)\mapsto f(p_{i}))

passant par [f]delimited-[]𝑓[f] domine T𝑇T. Il existe donc une courbe (que l’on peut supposer lisse)

TMor(𝒞,X,iσi(T)f(pi))superscript𝑇Mormaps-to𝒞𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑇𝑓subscript𝑝𝑖T^{\prime}\to{\rm Mor}(\mathcal{C},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(T)\mapsto f(p_{i}))

passant par [f]delimited-[]𝑓[f] et dominant T𝑇T. Le morphisme naturel

𝒞×TTXsubscript𝑇𝒞superscript𝑇𝑋\mathcal{C}\times_{T}T^{\prime}\to X

fournit le morphisme F:𝒞×TTX:𝐹subscript𝑇𝒞superscript𝑇𝑋F~{}:\mathcal{C}\times_{T}T^{\prime}\to X cherché !

Etape 3. Terminons la preuve dans le cas où il n’y a que deux composantes : au vu de ce qui précède, il suffit de montrer que H1(C,fTX𝒪C(i=1rpi))=0superscript𝐻1𝐶tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪𝐶superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝑝𝑖0H^{1}(C,f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{C}(-\sum_{i=1}^{r}p_{i}))=0 (par semi-continuité, on aura aussi H1(π1(t),FtTX𝒪π1(t)(i=1rσi(t)))=0superscript𝐻1superscript𝜋1𝑡tensor-productsuperscriptsubscript𝐹𝑡subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript𝜋1𝑡superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝜎𝑖𝑡0H^{1}(\pi^{-1}(t),F_{t}^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\pi^{-1}(t)}(-\sum_{i=1}^{r}\sigma_{i}(t)))=0 pour tout t𝑡t quitte à rétrécir T𝑇T, ce qui implique que Ftsubscript𝐹𝑡F_{t} est (r1)𝑟1(r-1)-libre).

Si q=C1C2𝑞subscript𝐶1subscript𝐶2q=C_{1}\cap C_{2}, considérons la suite exacte suivante :

0𝒪C2(qpr1+1pr)𝒪C(p1pr)𝒪C1(p1pr1)00subscript𝒪subscript𝐶2𝑞subscript𝑝subscript𝑟11subscript𝑝𝑟subscript𝒪𝐶subscript𝑝1subscript𝑝𝑟subscript𝒪subscript𝐶1subscript𝑝1subscript𝑝subscript𝑟100\to\mathcal{O}_{C_{2}}(-q-p_{r_{1}+1}-\cdots-p_{r})\to\mathcal{O}_{C}(-p_{1}-\cdots-p_{r})\to\mathcal{O}_{C_{1}}(-p_{1}-\cdots-p_{r_{1}})\to 0

où l’on a réordonné les pisubscript𝑝𝑖p_{i} de sorte que les r1subscript𝑟1r_{1} premiers soient sur C1subscript𝐶1C_{1}. Après tensorisation par fTXsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋f^{*}T_{X} et passage à la suite exacte longue de cohomologie associée, on en déduit la suite exacte suivante :

H1(C2,f2TX𝒪C2(qi=r1+1rpi)))\displaystyle H^{1}(C_{2},f_{2}^{*}T_{X}\otimes\mathcal{O}_{C_{2}}(-q-\sum_{i=r_{1}+1}^{r}p_{i}))) H1(C,fTX𝒪C(i=1rpi))absentsuperscript𝐻1𝐶tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪𝐶superscriptsubscript𝑖1𝑟subscript𝑝𝑖\displaystyle\to H^{1}(C,f^{*}T_{X}\otimes\mathcal{O}_{C}(-\sum_{i=1}^{r}p_{i}))
H1(C1,f1TX𝒪C1(i=1r1pi))).\displaystyle\hskip 71.13188pt\to H^{1}(C_{1},f_{1}^{*}T_{X}\otimes\mathcal{O}_{C_{1}}(-\sum_{i=1}^{r_{1}}p_{i}))).

Comme f1subscript𝑓1f_{1} est (r11)subscript𝑟11(r_{1}-1)-libre et f2subscript𝑓2f_{2} est r2subscript𝑟2r_{2}-libre, les deux groupes extrêmes sont nuls313131Rappelons que H1(1,𝒪1(a))=0superscript𝐻1superscript1subscript𝒪superscript1𝑎0H^{1}(\mathbb{P}^{1},\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a))=0 si et seulement si a1𝑎1a\geq-1., ce qui fournit le résultat.  

4.2.2. Lissage des peignes

Définition 35.

Un peigne rationnel C𝐶C est un arbre de m+1𝑚1m+1 courbes rationnelles lisses, avec une composante distinguée D𝐷D (la poignée) et m𝑚m dents C1,,Cmsubscript𝐶1subscript𝐶𝑚C_{1},\ldots,C_{m} deux à deux disjointes, chaque dent Cisubscript𝐶𝑖C_{i} rencontrant D𝐷D transversalement en un unique point qi:=DCiassignsubscript𝑞𝑖𝐷subscript𝐶𝑖q_{i}:=D\cap C_{i}, i=1,,m𝑖1𝑚i=1,\ldots,m.

Dans cette définition, il y a donc une composante privilégiée, à savoir la poignée. Le théorème suivant permet de lisser des peignes rationnels sans que la poignée ne soit supposée libre. C’est une différence majeure avec le paragraphe précédent où toutes les composantes étaient supposées libres pour permettre le lissage.

Théorème 36.

Soient X𝑋X une variété projective lisse, C𝐶C un peigne rationnel à m𝑚m dents et f:CX:𝑓𝐶𝑋f~{}:C\to X un morphisme. On suppose que la restriction de f𝑓f à chaque dent est libre et on se donne r0𝑟0r\geq 0 points lisses p1,,prsubscript𝑝1subscript𝑝𝑟p_{1},\ldots,p_{r} de C𝐶C, situés sur la poignée. Si

m>KXfD+(r1)dimX+dim[f|D]Mor(1,X,ipif(pi)),m>K_{X}\cdot f_{*}D+(r-1)\dim X+\dim_{[f_{|D}]}{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,\forall i\,\,p_{i}\mapsto f(p_{i})),

alors il existe un sous-peigne Csuperscript𝐶C^{\prime} de C𝐶C avec la même poignée et avec au moins une dent tel que f|Cf_{|C^{\prime}} soit lissable en fixant les pisubscript𝑝𝑖p_{i}323232 La preuve de ce théorème ne permet pas de contrôler la différence CC𝐶superscript𝐶C\setminus C^{\prime}. Dans [GHS03], les auteurs démontrent un théorème de lissage de peigne avec toutes les dents, pour peu que les dents soient “générales”. Ceci est aussi discuté dans le cours d’Olivier Wittenberg. .

Démonstration.

Etape 1. Soit 𝒞mD×𝔸msubscript𝒞𝑚𝐷superscript𝔸𝑚\mathcal{C}_{m}\to D\times\mathbb{A}^{m} l’éclatement de D×𝔸m𝐷superscript𝔸𝑚D\times\mathbb{A}^{m} le long des m𝑚m sous-variétés disjointes {qi}×{yi=0}subscript𝑞𝑖subscript𝑦𝑖0\{q_{i}\}\times\{y_{i}=0\} de codimension 222 dans D×𝔸m𝐷superscript𝔸𝑚D\times\mathbb{A}^{m} (on note Ei1×𝔸m1𝒞msimilar-to-or-equalssubscript𝐸𝑖superscript1superscript𝔸𝑚1subscript𝒞𝑚E_{i}\simeq\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{A}^{m-1}\subset\mathcal{C}_{m} le diviseur exceptionnel au dessus de {qi}×{yi=0}subscript𝑞𝑖subscript𝑦𝑖0\{q_{i}\}\times\{y_{i}=0\}). Soit π:𝒞m𝔸m:𝜋subscript𝒞𝑚superscript𝔸𝑚\pi:\mathcal{C}_{m}\to\mathbb{A}^{m} la projection induite. La fibre au-dessus de 0𝔸m0superscript𝔸𝑚0\in\mathbb{A}^{m} est le peigne C𝐶C ; plus généralement, la fibre de π𝜋\pi au-dessus de y𝔸m𝑦superscript𝔸𝑚y\in\mathbb{A}^{m} est un peigne de poignée D𝐷D dont le nombre de dents est égal au nombre de yisubscript𝑦𝑖y_{i} égaux à zéro. Il est important de remarquer le fait facile suivant. Pour 1m<m1superscript𝑚𝑚1\leq m^{\prime}<m, si Vm:={y𝔸my1==ym=0}assignsubscript𝑉superscript𝑚conditional-set𝑦superscript𝔸𝑚subscript𝑦1subscript𝑦superscript𝑚0V_{m^{\prime}}:=\{y\in\mathbb{A}^{m}\mid y_{1}=\cdots=y_{m^{\prime}}=0\}, alors l’image inverse π1(Vm)superscript𝜋1subscript𝑉superscript𝑚\pi^{-1}(V_{m^{\prime}}) possède m+1superscript𝑚1m^{\prime}+1 composantes irréductibles de dimension mm+1𝑚superscript𝑚1m-m^{\prime}+1 décrites ainsi : pour chaque 1im1𝑖superscript𝑚1\leq i\leq m^{\prime}, Eiπ1(Vm)1×𝔸mmsimilar-to-or-equalssubscript𝐸𝑖superscript𝜋1subscript𝑉superscript𝑚superscript1superscript𝔸𝑚superscript𝑚E_{i}\cap\pi^{-1}(V_{m^{\prime}})\simeq\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{A}^{m-m^{\prime}} est une composante irréductible de π1(Vm)superscript𝜋1subscript𝑉superscript𝑚\pi^{-1}(V_{m^{\prime}}), la dernière est isomorphe à la variété 𝒞mmsubscript𝒞𝑚superscript𝑚\mathcal{C}_{m-m^{\prime}} obtenue en éclatant D×VmD×𝔸mmsimilar-to-or-equals𝐷subscript𝑉superscript𝑚𝐷superscript𝔸𝑚superscript𝑚D\times V_{m^{\prime}}\simeq D\times\mathbb{A}^{m-m^{\prime}} le long des mm𝑚superscript𝑚m-m^{\prime} sous-variétés disjointes {qi}×{yi=0}subscript𝑞𝑖subscript𝑦𝑖0\{q_{i}\}\times\{y_{i}=0\} pour i>m𝑖superscript𝑚i>m^{\prime}. La fibre de 𝒞mm𝔸mmsubscript𝒞𝑚superscript𝑚superscript𝔸𝑚superscript𝑚\mathcal{C}_{m-m^{\prime}}\to\mathbb{A}^{m-m^{\prime}} au dessus de 00 est le sous-peigne C=DCm+1Cmsuperscript𝐶𝐷subscript𝐶superscript𝑚1subscript𝐶𝑚C^{\prime}=D\cup C_{m^{\prime}+1}\cup\cdots\cup C_{m} de C𝐶C.

Remarquons qu’il y a aussi r𝑟r sections σi:𝔸m𝒞m:subscript𝜎𝑖superscript𝔸𝑚subscript𝒞𝑚\sigma_{i}:\mathbb{A}^{m}\to\mathcal{C}_{m} de π𝜋\pi telles que σi(0)=piDC=π1(0)subscript𝜎𝑖0subscript𝑝𝑖𝐷𝐶superscript𝜋10\sigma_{i}(0)=p_{i}\in D\subset C=\pi^{-1}(0).

Etape 2. A nouveau, les schémas Mor(π1(y),X,iσi(y)f(pi))Mormaps-tosuperscript𝜋1𝑦𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑦𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\pi^{-1}(y),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(y)\mapsto f(p_{i})) s’assemblent en un 𝔸msuperscript𝔸𝑚\mathbb{A}^{m}-schéma

Mor(𝒞m,X,iσi(𝔸m)f(pi))𝔸mMormaps-tosubscript𝒞𝑚𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖superscript𝔸𝑚𝑓subscript𝑝𝑖superscript𝔸𝑚{\rm Mor}(\mathcal{C}_{m},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(\mathbb{A}^{m})\mapsto f(p_{i}))\to\mathbb{A}^{m}

tel que Mor(𝒞m,X,iσi(𝔸m)f(pi))yMor(π1(y),X,iσi(y)f(pi))similar-to-or-equalsMorsubscriptmaps-tosubscript𝒞𝑚𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖superscript𝔸𝑚𝑓subscript𝑝𝑖𝑦Mormaps-tosuperscript𝜋1𝑦𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖𝑦𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\mathcal{C}_{m},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(\mathbb{A}^{m})\mapsto f(p_{i}))_{y}\simeq{\rm Mor}(\pi^{-1}(y),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(y)\mapsto f(p_{i})).

Montrons que

dim[f]Mor(𝒞m,X,iσi(𝔸m)f(pi))>dim[f]Mor(C,X,ipif(pi)).subscriptdimensiondelimited-[]𝑓Mormaps-tosubscript𝒞𝑚𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖superscript𝔸𝑚𝑓subscript𝑝𝑖subscriptdimensiondelimited-[]𝑓Mormaps-to𝐶𝑋for-all𝑖subscript𝑝𝑖𝑓subscript𝑝𝑖\dim_{[f]}{\rm Mor}(\mathcal{C}_{m},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(\mathbb{A}^{m})\mapsto f(p_{i}))>\dim_{[f]}{\rm Mor}(C,X,\forall i\,\,p_{i}\mapsto f(p_{i})).

Le membre de droite est facile à estimer : un morphisme de C𝐶C dans X𝑋X est déterminé par sa restriction à chaque composante, et les morphismes correspondants doivent coïncider aux points d’intersections. Pour les dents, les espaces de morphismes sont lisses en [f|Ci][f_{|C_{i}}], d’espace tangent H0(Ci,f|CiTX𝒪Ci(pi))H^{0}(C_{i},f_{|C_{i}}^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{C_{i}}(-p_{i})) puisque les dents sont libres. Or, si a0𝑎0a\geq 0, dimH0(1,𝒪1(a1))=adimensionsuperscript𝐻0superscript1subscript𝒪superscript1𝑎1𝑎\dim H^{0}(\mathbb{P}^{1},{\mathcal{O}}_{\mathbb{P}^{1}}(a-1))=a, il vient donc :

dim[f]Mor(C,X,ipif(pi))i=1m(KXfCi)+dim[f|D]Mor(1,X,ipif(pi)).\dim_{[f]}{\rm Mor}(C,X,\forall i\,\,p_{i}\mapsto f(p_{i}))\leq\sum_{i=1}^{m}(-K_{X}\cdot f_{*}C_{i})+\dim_{[f_{|D}]}{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,\forall i\,\,p_{i}\mapsto f(p_{i})).

Le membre de gauche est lui minoré par KXfC+(1r)dimX+msubscript𝐾𝑋subscript𝑓𝐶1𝑟dimension𝑋𝑚-K_{X}\cdot f_{*}C+(1-r)\dim X+m. L’inégalité cherchée découle donc de l’hypothèse.

Etape 3. Il y a donc une courbe T𝑇T passant par [f]delimited-[]𝑓[f] dans Mor(𝒞m,X,iσi(𝔸m)f(pi))Mormaps-tosubscript𝒞𝑚𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖superscript𝔸𝑚𝑓subscript𝑝𝑖{\rm Mor}(\mathcal{C}_{m},X,\forall i\,\,\sigma_{i}(\mathbb{A}^{m})\mapsto f(p_{i})) qui ne s’envoie pas sur 00 dans 𝔸msuperscript𝔸𝑚\mathbb{A}^{m}. Si l’image de T𝑇T rencontre (k)m𝔸msuperscriptsuperscript𝑘𝑚superscript𝔸𝑚(k^{*})^{m}\subset\mathbb{A}^{m}, c’est gagné : le morphisme f:CX:𝑓𝐶𝑋f~{}:C\to X est lissable sans avoir à “enlever de dents”. Sinon, quitte à renuméroter les coordonnées, on peut supposer que y1,,ymsubscript𝑦1subscript𝑦superscript𝑚y_{1},\ldots,y_{m^{\prime}} sont les coordonnées qui s’annulent sur l’image de T𝑇T : π(T)Vm:={y𝔸my1==ym=0}𝜋𝑇subscript𝑉superscript𝑚assignconditional-set𝑦superscript𝔸𝑚subscript𝑦1subscript𝑦superscript𝑚0\pi(T)\subset V_{m^{\prime}}:=\{y\in\mathbb{A}^{m}\mid y_{1}=\cdots=y_{m^{\prime}}=0\} et π(T)𝜋𝑇\pi(T) rencontre l’ouvert (k)mmVm𝔸mmsuperscriptsuperscript𝑘𝑚superscript𝑚subscript𝑉superscript𝑚similar-to-or-equalssuperscript𝔸𝑚superscript𝑚(k^{*})^{m-m^{\prime}}\subset V_{m^{\prime}}\simeq\mathbb{A}^{m-m^{\prime}}. Comme T𝑇T ne s’envoie pas sur 00, on a m<msuperscript𝑚𝑚m^{\prime}<m. On a alors

TMor(π1(Vm),X,iσi(Vm)f(pi)).𝑇Mormaps-tosuperscript𝜋1subscript𝑉superscript𝑚𝑋for-all𝑖subscript𝜎𝑖subscript𝑉superscript𝑚𝑓subscript𝑝𝑖T\subset{\rm Mor}(\pi^{-1}(V_{m^{\prime}}),X,\forall i\,\,\sigma_{i}(V_{m^{\prime}})\mapsto f(p_{i})).

Or, on a vu à l’étape 1 que l’une des composantes de π1(Vm)superscript𝜋1subscript𝑉superscript𝑚\pi^{-1}(V_{m^{\prime}}) est isomorphe à 𝒞msubscript𝒞superscript𝑚\mathcal{C}_{m^{\prime}} pour m<msuperscript𝑚𝑚m^{\prime}<m si bien que T𝑇T fournit un lissage d’un sous-peigne Csuperscript𝐶C^{\prime} de C𝐶C possédant mm>0𝑚superscript𝑚0m-m^{\prime}>0 dents.  

Remarques.

  1. (i)

    Il est important de comprendre où l’on a utilisé que les dents sont libres. La preuve ci-dessus montre qu’une inégalité de la forme

    m𝑚\displaystyle m >i=1m(dimH0(Ci,f|CiTX𝒪Ci(qi))(KXfCi))\displaystyle>\sum_{i=1}^{m}(\dim H^{0}(C_{i},f_{|C_{i}}^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{C_{i}}(-q_{i}))-(-K_{X}\cdot f_{*}C_{i}))
    +KXfD+(r1)dimX+dim[f|D]Mor(1,X,ipif(pi))\displaystyle\hskip 42.67912pt+K_{X}\cdot f_{*}D+(r-1)\dim X+\dim_{[f_{|D}]}{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,\forall i\,\,p_{i}\mapsto f(p_{i}))

    suffit pour lisser un sous-peigne, sauf qu’une telle inégalité n’est en général pas satisfaite si les quantités positives ou nulles dimH0(Ci,f|CiTX𝒪Ci(qi))(KXfCi)\dim H^{0}(C_{i},f_{|C_{i}}^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{C_{i}}(-q_{i}))-(-K_{X}\cdot f_{*}C_{i}) ne sont pas nulles, ce que garantit l’hypothèse Cisubscript𝐶𝑖C_{i} libre.

  2. (ii)

    On n’a pas réellement utilisé le fait que la poignée soit une courbe rationnelle. Le lecteur pourra prouver un énoncé analogue dans le cas d’une poignée quelconque. Il faut bien sûr adapter la notion de lissage, la fibre générale du lissage devant être une courbe lisse dont le genre est celui du peigne.

Je ne sais pas quelle est l’origine exacte de l’idée illustrée par le théorème précédent, à savoir qu’on peut lisser toute courbe si on lui attache suffisamment de courbes libres. Hartshorne et Hirschowitz démontrent par exemple le théorème suivant [HH83].

Théorème 37.

(Hartshorne et Hirschowitz) Soit D𝐷D une courbe lisse dans 3superscript3\mathbb{P}^{3} et soit

X=DL1Lm𝑋𝐷subscript𝐿1subscript𝐿𝑚X=D\cup L_{1}\cup\cdots\cup L_{m}

un peigne de poignée D𝐷D dont les dents Lisubscript𝐿𝑖L_{i} sont des droites. Si m>dimH1(D,ND/3)+1𝑚dimensionsuperscript𝐻1𝐷subscript𝑁𝐷superscript31m>\dim H^{1}(D,N_{D/\mathbb{P}^{3}})+1, alors X𝑋X est lissable (en une famille de courbes lisses dont le genre dépend de celui de D𝐷D et de m𝑚m).

COURS 4

Dans ce quatrième cours, nous montrons que les notions de connexité rationnelle par chaînes et de connexité rationnelle coïncident dans la catégorie des variétés projectives lisses sur un corps de caractéristique zéro. Plusieurs applications sont données, notamment à l’étude des variétés de Fano.

5. Connexité rationnelle versus connexité rationnelle par chaînes. Applications.

5.1. Une équivalence remarquable

Voici le résultat principal de cette partie.

Théorème 38.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Si X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes, alors par tout sous-ensemble fini de X𝑋X passe une courbe rationnelle très libre (définie sur une extension non dénombrable du corps de base).

Le corollaire suivant est très utile.

Corollaire 39.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Alors X𝑋X est rationnellement connexe si et seulement si X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes.

Démonstration du corollaire. Supposons X𝑋X rationnellement connexe par chaînes. D’après le théorème 38, il existe un corps K𝐾K extension non dénombrable de k𝑘k et une courbe rationnelle très libre f:K1XK:𝑓subscriptsuperscript1𝐾subscript𝑋𝐾f:\mathbb{P}^{1}_{K}\to X_{K} définie sur K𝐾K. La courbe f𝑓f est définie sur une extension de type fini de k𝑘k, i.e. sur le corps k(U)𝑘𝑈k(U) d’une k𝑘k-variété U𝑈U. En d’autres termes, il y a une famille paramétrée par U𝑈U de k𝑘k-courbes rationnelles très libres. La variété X𝑋X est donc (k𝑘k-) rationnellement connexe.  

Nous verrons plus loin que si X𝑋X est une variété de Fano non singulière sur un corps algébriquement clos de caractéristique arbitraire, alors X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes (ce résultat est d’ailleurs plus facile en caractéristique positive qu’en caractéristique nulle). On en déduit le corollaire suivant.

Corollaire 40.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Si X𝑋X est de Fano, alors X𝑋X est rationnellement connexe.

La démonstration du théorème utilise le fait suivant (voir sa preuve dans le livre de Debarre, facile une fois qu’on a écrit que Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} est une intersection dénombrable décroissante d’ouverts).

Fait. Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps non dénombrable. Soient π:𝒞T:𝜋𝒞𝑇\pi:\mathcal{C}\to T un morphisme propre et plat de dimension relative 111, où T𝑇T est irréductible et F:𝒞X:𝐹𝒞𝑋F~{}:\mathcal{C}\to X. Soit o𝑜o un point distingué de T𝑇T. Si l’image de Fosubscript𝐹𝑜F_{o} rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}, alors il existe une famille dénombrable d’ouverts non vides Tisubscript𝑇𝑖T_{i} de T𝑇T telle que pour tout tiTi𝑡subscript𝑖subscript𝑇𝑖t\in\cap_{i}T_{i}, l’image de Ft:π1(t)X:subscript𝐹𝑡superscript𝜋1𝑡𝑋F_{t}~{}:\pi^{-1}(t)\to X rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}. Autrement dit, il faut retenir le slogan : toute déformation très générale d’une chaîne de courbes rationnelles rencontrant Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} rencontre aussi Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}.

Evidemment, ce fait serait trivial si Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} était un ouvert de X𝑋X, ce qu’il n’est pas en général333333Si S𝑆S est une surface rationnelle avec une infinité dénombrable de (1)1(-1)-courbes, Slibresuperscript𝑆libreS^{\rm libre} est certainement contenu dans le complémentaire de ces (1)1(-1)-courbes.. En revanche, si X𝑋X est uniréglée sur un corps non dénombrable, alors Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} est dense dans X𝑋X.

Démonstration du théorème 38. C’est très joli et ça se fait en plusieurs étapes. Soit K𝐾K un corps algébriquement clos non dénombrable extension du corps de base k𝑘k. Dans toute la suite de cette preuve, on travaille sur K𝐾K.

Etape 1. Démontrons le lemme préliminaire suivant.

Lemme 41.

Soit X𝑋X une variété projective. Supposons qu’il existe f:1f(1)=DX:𝑓superscript1subscript𝑓superscript1𝐷𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to f_{*}(\mathbb{P}^{1})=D\subset X une courbe rationnelle sur X𝑋X et h:1X:superscript1𝑋h~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe rationnelle libre dont l’image rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} telles que h(0)=xD0𝑥𝐷h(0)=x\in D. Soit yD𝑦𝐷y\in D distinct de x𝑥x. Alors il existe une courbe rationnelle rencontrant Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} et passant par x𝑥x et par y𝑦y.

En effet, comme hh est libre, l’application d’évaluation en 00, ev0:MX:subscriptev0𝑀𝑋{\rm ev}_{0}:M\to X est dominante (où M𝑀M est la composante de Mor(1,X)Morsuperscript1𝑋{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X) passant par [h]delimited-[][h] et où ev0([g])=g(0)subscriptev0delimited-[]𝑔𝑔0{\rm ev}_{0}([g])=g(0)). Comme son image rencontre D𝐷D, sa restriction ev0:ev01(D)D:subscriptev0superscriptsubscriptev01𝐷𝐷{\rm ev}_{0}:{\rm ev}_{0}^{-1}(D)\to D domine D𝐷D. Par le fait ci-dessus, on en déduit que par un point très général de D𝐷D passe une courbe libre déformation de hh dont l’image rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}. Si x1,,xmsubscript𝑥1subscript𝑥𝑚x_{1},\ldots,x_{m} sont très généraux dans D𝐷D (donc distincts de x𝑥x et y𝑦y), il existe donc une courbe Cisubscript𝐶𝑖C_{i} libre passant par xisubscript𝑥𝑖x_{i}. Pour m𝑚m suffisamment grand, le peigne DC1Cm𝐷subscript𝐶1subscript𝐶𝑚D\cup C_{1}\cup\cdots\cup C_{m} de poignée D𝐷D et de dents les Cisubscript𝐶𝑖C_{i}, possède un sous-peigne Csuperscript𝐶C^{\prime} lissable à x𝑥x et y𝑦y fixés. Comme Csuperscript𝐶C^{\prime} possède au moins une dent, Csuperscript𝐶C^{\prime} rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}, une déformation très générale de Csuperscript𝐶C^{\prime} rencontre Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} donc est libre en appliquant à nouveau le fait ci-dessus.  

Etape 2. Soient (x1,x2)Xlibre×Xsubscript𝑥1subscript𝑥2superscript𝑋libre𝑋(x_{1},x_{2})\in X^{\rm libre}\times X et C𝐶C une chaîne de courbes rationnelles joignant x1subscript𝑥1x_{1} à x2subscript𝑥2x_{2}. Quitte à supprimer et renuméroter des maillons, on peut supposer que C=C1Ck𝐶subscript𝐶1subscript𝐶𝑘C=C_{1}\cup\cdots\cup C_{k} avec x1C1subscript𝑥1subscript𝐶1x_{1}\in C_{1}, x2Cksubscript𝑥2subscript𝐶𝑘x_{2}\in C_{k} et Ci1Cisubscript𝐶𝑖1subscript𝐶𝑖C_{i-1}\cap C_{i}\neq\varnothing pour i=1,,k1𝑖1𝑘1i=1,\ldots,k-1. Comme x1Xlibresubscript𝑥1superscript𝑋librex_{1}\in X^{\rm libre}, C1subscript𝐶1C_{1} est libre. Choisissons un point x𝑥x dans C1C2subscript𝐶1subscript𝐶2C_{1}\cap C_{2} et un point y𝑦y dans C2C3subscript𝐶2subscript𝐶3C_{2}\cap C_{3} (on peut supposer que yx𝑦𝑥y\neq x car si C1C2=C2C3subscript𝐶1subscript𝐶2subscript𝐶2subscript𝐶3C_{1}\cap C_{2}=C_{2}\cap C_{3}, on supprime alors la courbe C2subscript𝐶2C_{2} de la chaîne C𝐶C). Le lemme 41 montre qu’il y a une courbe rencontrant Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} et passant par x𝑥x et y𝑦y : on a ainsi remplacé C2subscript𝐶2C_{2} par une courbe rencontrant Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}, déformation d’un peigne de poignée C2subscript𝐶2C_{2}, dans la chaîne C𝐶C. En itérant ce procédé, on construit une chaîne, passant par x1subscript𝑥1x_{1} et x2subscript𝑥2x_{2}, de courbes rationnelles rencontrant toutes Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre}.

Etape 3. Lissons la chaîne de courbes rationnelles obtenue à l’étape précédente, en fixant x2subscript𝑥2x_{2} ; c’est possible grâce au théorème de lissage des arbres de courbes rationnelles libres.

Etape 4. Le bilan des trois étapes précédentes est le suivant : si X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes, pour tout point x2Xsubscript𝑥2𝑋x_{2}\in X, l’image de

ev1:1×Mor(1,X,0x2)X:superscriptev1superscript1Mormaps-tosuperscript1𝑋0subscript𝑥2𝑋{\rm ev}^{1}:\mathbb{P}^{1}\times{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto x_{2})\to X

contient Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} dans son adhérence. Comme Xlibresuperscript𝑋libreX^{\rm libre} est dense, cette application est dominante et il y a une composante M𝑀M de Mor(1,X,0x2)XMormaps-tosuperscript1𝑋0subscript𝑥2𝑋{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto x_{2})\to X tel que ev1:1×MX:superscriptev1superscript1𝑀𝑋{\rm ev}^{1}:\mathbb{P}^{1}\times M\to X soit dominante. Soit [f]Mdelimited-[]𝑓𝑀[f]\in M une courbe libre. La composante M𝑀M est lisse au point [f]delimited-[]𝑓[f] et comme les déformations de f𝑓f fixant x2subscript𝑥2x_{2} dominent X𝑋X, on en déduit que f𝑓f est très libre. Répétons cet argument qui nous a déjà servi dans la preuve du théorème 8 et qui, je l’espère, est devenu familier au lecteur.

En effet, il y a (comme la caractéristique du corps de base est supposée nulle) (u,[f])1×M𝑢delimited-[]𝑓superscript1𝑀(u,[f])\in{\mathbb{P}}^{1}\times M tel que la différentielle de ev1superscriptev1{\rm ev}^{1} en (u,[f])𝑢delimited-[]𝑓(u,[f]) soit surjective. A nouveau, la différentielle de ev1superscriptev1{\rm ev}^{1} en (u,[f])𝑢delimited-[]𝑓(u,[f]) est l’application naturelle

Tu1H0(1,fTX𝒪1(1))Tf(u)Xdirect-sumsubscript𝑇𝑢superscript1superscript𝐻0superscript1tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript11subscript𝑇𝑓𝑢𝑋T_{u}\mathbb{P}^{1}\oplus H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\mathbb{P}^{1}}(-1))\to T_{f(u)}X

qui à (v,σ)Tu1H0(1,fTX𝒪1(1))𝑣𝜎direct-sumsubscript𝑇𝑢superscript1superscript𝐻0superscript1tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript11(v,\sigma)\in T_{u}\mathbb{P}^{1}\oplus H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\mathbb{P}^{1}}(-1)) associe (Tf)u(v)+σ(u)subscript𝑇𝑓𝑢𝑣𝜎𝑢(Tf)_{u}(v)+\sigma(u). Le point clé est le suivant : comme T1𝒪1(2)similar-to-or-equalssubscript𝑇superscript1subscript𝒪superscript12T_{\mathbb{P}^{1}}\simeq\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(2), l’application H0(1,T1)Tu1superscript𝐻0superscript1subscript𝑇superscript1subscript𝑇𝑢superscript1H^{0}(\mathbb{P}^{1},T_{\mathbb{P}^{1}})\to T_{u}\mathbb{P}^{1} est surjective, donc l’image de l’application H0(1,fTX)Tf(u)Xsuperscript𝐻0superscript1superscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝑇𝑓𝑢𝑋H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X})\to T_{f(u)}X contient celle de (Tf)u:Tu1Tf(u)X:subscript𝑇𝑓𝑢subscript𝑇𝑢superscript1subscript𝑇𝑓𝑢𝑋(Tf)_{u}:T_{u}\mathbb{P}^{1}\to T_{f(u)}X, d’où l’on déduit évidemment que H0(1,fTX𝒪1(1))Tf(u)Xsuperscript𝐻0superscript1tensor-productsuperscript𝑓subscript𝑇𝑋subscript𝒪superscript11subscript𝑇𝑓𝑢𝑋H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}T_{X}\otimes{\mathcal{O}}_{\mathbb{P}^{1}}(-1))\to T_{f(u)}X est surjectif. De là, si fTXi=1n𝒪1(ai)similar-to-or-equalssuperscript𝑓subscript𝑇𝑋superscriptsubscriptdirect-sum𝑖1𝑛subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖f^{*}T_{X}\simeq\oplus_{i=1}^{n}\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}), chaque

H0(1,𝒪1(ai1))𝒪1(ai)usuperscript𝐻0superscript1subscript𝒪superscript1subscript𝑎𝑖1subscript𝒪superscript1subscriptsubscript𝑎𝑖𝑢H^{0}(\mathbb{P}^{1},\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i}-1))\to\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(a_{i})_{u}

est surjectif, donc ai1subscript𝑎𝑖1a_{i}\geq 1 pour tout i𝑖i : f𝑓f est très libre.

Etape 5. Montrons que par deux points quelconques x𝑥x et y𝑦y passe une courbe très libre.

C’est facile, il suffit de joindre x𝑥x et y𝑦y à un point z𝑧z très général à l’aide de courbes très libres, puis de lisser à l’aide du théorème de lissage des arbres.

Etape 6. Montrons finalement que par tout sous-ensemble fini {x1,,xm}subscript𝑥1subscript𝑥𝑚\{x_{1},\ldots,x_{m}\} de X𝑋X passe une courbe rationnelle très libre.

On le fait par récurrence sur m𝑚m, on vient de voir le cas m=2𝑚2m=2. Soit alors f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe très libre passant par x1,,xm1subscript𝑥1subscript𝑥𝑚1x_{1},\ldots,x_{m-1} et soit une courbe très libre passant par xmsubscript𝑥𝑚x_{m} et un point auxiliaire de f(1)𝑓superscript1f(\mathbb{P}^{1}). Quitte à composer f𝑓f à la source, on peut supposer que f𝑓f est r𝑟r-libre avec r𝑟r suffisamment grand pour qu’on puisse lisser cet arbre à deux composantes en fixant tous les xisubscript𝑥𝑖x_{i}.  

En étant un peu plus soigneux, il est possible de borner le degré des courbes très libres ainsi construites en fonction du nombre de maillons nécessaires pour joindre deux points généraux de X𝑋X par une chaîne de courbes rationnelles343434Ce type de résultat permet par exemple de montrer que sur un corps non dénombrable, si deux points généraux sont joignables par une chaîne de courbes rationnelles, alors deux points quelconques peuvent être joints par une chaîne de courbes rationnelles.. On renvoie à nouveau au livre d’O. Debarre.

5.2. Deux applications

5.2.1.

On montre que sur un corps de caractéristique zéro, la connexité rationnelle est une propriété ouverte et fermée des variétés projectives lisses.

Théorème 42.

On suppose que le corps de base est de caractéristique zéro. Soit T𝑇T une variété quasi-projective et soit π:𝒳T:𝜋𝒳𝑇\pi:\mathcal{X}\to T un morphisme projectif lisse. S’il existe t0Tsubscript𝑡0𝑇t_{0}\in T tel que Xt0:=π1(t0)assignsubscript𝑋subscript𝑡0superscript𝜋1subscript𝑡0X_{t_{0}}:=\pi^{-1}(t_{0}) soit rationnellement connexe, alors Xtsubscript𝑋𝑡X_{t} est rationnellement connexe pour tout tT𝑡𝑇t\in T.

Démonstration.

Etape 1. La connexité rationnelle est une propriété ouverte.

Soit en effet f:1Xt0:𝑓superscript1subscript𝑋subscript𝑡0f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X_{t_{0}} une courbe très libre de Xt0subscript𝑋subscript𝑡0X_{t_{0}}. On voit aussi f𝑓f comme une courbe libre de 𝒳𝒳\mathcal{X}. Le schéma Mor(1,𝒳)Morsuperscript1𝒳{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},\mathcal{X}) est lisse au point [f]delimited-[]𝑓[f], les déformations de f𝑓f dominent 𝒳𝒳\mathcal{X} et sont verticales par le lemme de rigidité : si hh est une déformation de f𝑓f, son image est contenue dans une fibre Xtsubscript𝑋𝑡X_{t} et hh est alors une courbe très libre de Xtsubscript𝑋𝑡X_{t} par un argument de semi-continuité de la cohomologie par exemple.

Etape 2. La connexité rationnelle est une propriété fermée.

On suppose que T𝑇T est une courbe et que Xtsubscript𝑋𝑡X_{t} est rationnellement connexe pour tt𝑡subscript𝑡t\neq t_{\infty} Si xsubscript𝑥x_{\infty} et ysubscript𝑦y_{\infty} sont deux points de Xtsubscript𝑋subscript𝑡X_{t_{\infty}}, on les approche par xtsubscript𝑥𝑡x_{t} et ytsubscript𝑦𝑡y_{t} dans Xtsubscript𝑋𝑡X_{t}. Une courbe rationnelle Ctsubscript𝐶𝑡C_{t} contenue dans Xtsubscript𝑋𝑡X_{t} et passant par xtsubscript𝑥𝑡x_{t} et ytsubscript𝑦𝑡y_{t} dégénère en une chaîne de courbes rationnelles contenue dans Xtsubscript𝑋subscript𝑡X_{t_{\infty}} et passant par xsubscript𝑥x_{\infty} et ysubscript𝑦y_{\infty}. Autrement dit, Xtsubscript𝑋subscript𝑡X_{t_{\infty}} est rationnellement connexe par chaînes, donc rationnellement connexe par le théorème précédent.353535 Plus efficacement, il suffit de dire que de façon générale, la connexité rationnelle par chaînes est une propriété fermée. 

5.2.2. Simple-connexité

Dans ce paragraphe, on travaille sur \mathbb{C}. Notre objectif est de démontrer que les variétés lisses rationnellement connexes sont simplement connexes.

La première étape est de démontrer que si X𝑋X est lisse et rationnellement connexe par chaînes, alors son groupe fondamental est fini. On utilise ici une jolie astuce due à Campana. Elle repose sur un lemme de géométrie différentielle que nous admettrons ici.

Lemme 43.

Soit f:VW:𝑓𝑉𝑊f~{}:V\to W un morphisme dominant avec W𝑊W normale. Alors l’image du morphisme induit π1(f):π1(V)π1(W):subscript𝜋1𝑓subscript𝜋1𝑉subscript𝜋1𝑊\pi_{1}(f)~{}:\pi_{1}(V)\to\pi_{1}(W) est d’indice fini dans π1(W)subscript𝜋1𝑊\pi_{1}(W). En particulier, si cette image est triviale, alors π1(W)subscript𝜋1𝑊\pi_{1}(W) est fini.

Soient X𝑋X une variété rationnellement connexe et f:1X:𝑓superscript1𝑋f~{}:\mathbb{P}^{1}\to X une courbe très libre. On a vu que les déformations de f𝑓f à point fixé dominent X𝑋X, autrement dit, si MMor(1,X,0f(0))𝑀Mormaps-tosuperscript1𝑋0𝑓0M\subset{\rm Mor}(\mathbb{P}^{1},X,0\mapsto f(0)) est la composante passant par f𝑓f, l’application d’évaluation ev1:1×MX:superscriptev1superscript1𝑀𝑋{\rm ev}^{1}:\mathbb{P}^{1}\times M\to X est dominante. L’injection ι:{0}×M1×M:𝜄0𝑀superscript1𝑀\iota:\{0\}\times M\hookrightarrow\mathbb{P}^{1}\times M induit un isomorphisme au niveau des groupes fondamentaux. On en déduit que l’image de π1(ev1):π1(1×M)π1(X):subscript𝜋1superscriptev1subscript𝜋1superscript1𝑀subscript𝜋1𝑋\pi_{1}({\rm ev}^{1})~{}:\pi_{1}(\mathbb{P}^{1}\times M)\to\pi_{1}(X) est égale à l’image de la composée π1(ev1ι):π1({0}×M)π1(X):subscript𝜋1superscriptev1𝜄subscript𝜋10𝑀subscript𝜋1𝑋\pi_{1}({\rm ev}^{1}\circ\iota)~{}:\pi_{1}(\{0\}\times M)\to\pi_{1}(X) qui est triviale puisque ev1ιsuperscriptev1𝜄{\rm ev}^{1}\circ\iota est constant égal à f(0)𝑓0f(0) ! Par le lemme, π1(X)subscript𝜋1𝑋\pi_{1}(X) est fini.

Proposition 44.

Soit X𝑋X une variété projective lisse rationnellement connexe sur \mathbb{C}. Alors

H0(X,(mTX)p)=0superscript𝐻0𝑋superscriptsuperscript𝑚superscriptsubscript𝑇𝑋tensor-productabsent𝑝0H^{0}(X,(\wedge^{m}T_{X}^{*})^{\otimes p})=0

pour tous m𝑚m et p𝑝p strictement positifs. En particulier, χ(X,𝒪X)=1𝜒𝑋subscript𝒪𝑋1\chi(X,\mathcal{O}_{X})=1.

Démonstration. Si f𝑓f est une courbe très libre, f(mTX)p)f^{*}(\wedge^{m}T_{X}^{*})^{\otimes p}) est une somme de 𝒪1(bi)subscript𝒪superscript1subscript𝑏𝑖\mathcal{O}_{\mathbb{P}^{1}}(b_{i}) avec tous les bisubscript𝑏𝑖b_{i} strictement négatifs. On a donc

H0(1,f(mTX)p)=0,superscript𝐻0superscript1superscript𝑓superscriptsuperscript𝑚superscriptsubscript𝑇𝑋tensor-productabsent𝑝0H^{0}(\mathbb{P}^{1},f^{*}(\wedge^{m}T_{X}^{*})^{\otimes p})=0,

donc toute section de (mTX)psuperscriptsuperscript𝑚superscriptsubscript𝑇𝑋tensor-productabsent𝑝(\wedge^{m}T_{X}^{*})^{\otimes p} s’annule sur l’image de f𝑓f, donc est identiquement nulle puisque les courbes très libres dominent X𝑋X. Enfin, on a

dimHj(X,𝒪X)=dimH0(X,jTX)=0dimensionsuperscript𝐻𝑗𝑋subscript𝒪𝑋dimensionsuperscript𝐻0𝑋superscript𝑗superscriptsubscript𝑇𝑋0\dim H^{j}(X,\mathcal{O}_{X})=\dim H^{0}(X,\wedge^{j}T_{X}^{*})=0

si j>0𝑗0j>0, donc χ(X,𝒪X)=dimH0(X,𝒪X)=1𝜒𝑋subscript𝒪𝑋dimensionsuperscript𝐻0𝑋subscript𝒪𝑋1\chi(X,\mathcal{O}_{X})=\dim H^{0}(X,\mathcal{O}_{X})=1373737Exercice : adapter la preuve précédente pour montrer que si X𝑋X est une variété projective lisse uniréglée sur un corps de caractéristique zéro, alors H0(X,mKX)=0superscript𝐻0𝑋𝑚subscript𝐾𝑋0H^{0}(X,mK_{X})=0 pour tout m>0𝑚0m>0..  

On peut maintenant prouver le théorème annoncé.

Théorème 45.

Soit X𝑋X une variété lisse projective et rationnellement connexe par chaînes sur \mathbb{C}. Alors X𝑋X est simplement connexe.

Démonstration. Comme π1(X)subscript𝜋1𝑋\pi_{1}(X) est fini, le revêtement universel ρ:X~X:𝜌~𝑋𝑋\rho~{}:\tilde{X}\to X est encore une variété projective lisse rationnellement connexe383838Une courbe rationnelle très libre sur X𝑋X se relève en une courbe rationnelle très libre sur X~~𝑋\tilde{X} car 1superscript1\mathbb{P}^{1} est simplement connexe.. Comme ρ𝜌\rho est étale, on a ρTX=TX~superscript𝜌subscript𝑇𝑋subscript𝑇~𝑋\rho^{*}T_{X}=T_{\tilde{X}} et 𝒪X~=ρ𝒪Xsubscript𝒪~𝑋superscript𝜌subscript𝒪𝑋\mathcal{O}_{\tilde{X}}=\rho^{*}\mathcal{O}_{X}. On a donc, si n:=dimX=dimX~assign𝑛dimension𝑋dimension~𝑋n:=\dim X=\dim\tilde{X}, d’après le théorème de Riemann-Roch,

1=χ(X~,𝒪X~)=deg(td(TX~))n\displaystyle 1=\chi(\tilde{X},\mathcal{O}_{\tilde{X}})=\deg({\rm td}(T_{\tilde{X}}))_{n} =deg(ch(𝒪X~)td(TX~))n=deg(ch(ρ𝒪X)td(ρTX))n\displaystyle=\deg({\rm ch}(\mathcal{O}_{\tilde{X}})\cdot{\rm td}(T_{\tilde{X}}))_{n}=\deg({\rm ch}(\rho^{*}\mathcal{O}_{X})\cdot{\rm td}(\rho^{*}T_{X}))_{n}
=deg(ρ(ch(𝒪X)td(TX)))n\displaystyle=\deg(\rho^{*}({\rm ch}(\mathcal{O}_{X})\cdot{\rm td}(T_{X})))_{n}
=deg(ρ)deg(ch(𝒪X)td(TX))n\displaystyle=\deg(\rho)\cdot\deg({\rm ch}(\mathcal{O}_{X})\cdot{\rm td}(T_{X}))_{n}
=deg(ρ)χ(X,𝒪X)=deg(ρ),absentdegree𝜌𝜒𝑋subscript𝒪𝑋degree𝜌\displaystyle=\deg(\rho)\cdot\chi(X,\mathcal{O}_{X})=\deg(\rho),

donc ρ𝜌\rho est un isomorphisme, X~Xsimilar-to-or-equals~𝑋𝑋\tilde{X}\simeq X, la variété X𝑋X est donc simplement connexe.  

Remarques.

  1. (1)

    Les deux ingrédients de la preuve ci-dessus sont le fait que π1(X)subscript𝜋1𝑋\pi_{1}(X) est fini et que χ(X,𝒪X)=1𝜒𝑋subscript𝒪𝑋1\chi(X,\mathcal{O}_{X})=1. Dans le cas où X𝑋X est Fano, la première assertion se démontre aussi en munissant X𝑋X d’une métrique riemannienne à courbure de Ricci strictement positive393939C’est possible et non trivial : ceci découle de la résolution de la conjecture de Calabi-Yau. et il est bien connu que les variétés riemanniennes compactes à courbure de Ricci positive ont un π1subscript𝜋1\pi_{1} fini. La deuxième assertion découle immédiatement du théorème d’annulation de Kodaira.

  2. (2)

    En caractéristique zéro, la proposition 44 reste vraie et la démonstration du théorème 45 montre que tout revêtement étale fini de X𝑋X est trivial : on dit que X𝑋X est algébriquement simplement connexe. Kollár a montré qu’en caractéristique positive, une variété projective lisse séparablement rationnellement connexe est algébriquement simplement connexe (on renvoie au survol [Cha04] et sa bibliographie pour une discussion en toute caractéristique de la simple-connexité d’une variété séparablement rationnellement connexe ou unirationnelle).

6. Connexité rationnelle des variétés de Fano.

Les variétés de Fano sont les variétés projectives lisses X𝑋X pour lesquelles le fibré anticanonique KX=det(TX)subscript𝐾𝑋subscript𝑇𝑋-K_{X}=\det(T_{X}) est ample. Elles sont beaucoup étudiées car ce sont des briques élémentaires du programme de Mori (même s’il faut alors autoriser des singularités). De façon générale, il y a un espoir de classifier les variétés pour lesquelles le fibré tangent a tendance à être positif. Un énoncé particulièrement remarquable est la résolution par Mori d’une conjecture de Hartshorne [Mor79].

Théorème 46.

(Mori) Soit X𝑋X une variété projective lisse de dimension n𝑛n sur un corps de caractéristique quelconque. Alors TXsubscript𝑇𝑋T_{X} est ample si et seulement si Xnsimilar-to-or-equals𝑋superscript𝑛X\simeq\mathbb{P}^{n}.

L’hypothèse qu’une variété est de Fano est beaucoup plus faible : l’hypothèse d’amplitude porte sur le déterminant du fibré tangent. Du point de vue de la géométrie riemannienne, c’est la différence entre une hypothèse portant sur la courbure sectionnelle et une hypothèse portant sur la courbure de Ricci. Cependant, on a encore un théorème de finitude pour les variétés de Fano, aboutissement des travaux de Nadel, Campana, Kollár, Matsusaka, Miyaoka et Mori.

Théorème 47.

Sur un corps de caractéristique zéro, pour tout n1𝑛1n\geq 1, il n’y a qu’un nombre fini de types de déformation de variétés lisses de Fano de dimension n𝑛n.

Il n’est pas question de démontrer ces deux résultats ici, mentionnons que leur preuve utilise de façon essentielle la géométrie des courbes rationnelles dans les variétés de Fano. Remarquons aussi que l’hypothèse X𝑋X Fano n’est évidemment pas invariante par morphisme birationnel404040Un peu de publicité pour mes travaux : le comportement par éclatement des variétés de Fano reste un sujet actuel d’étude initié dans [Wis91]. Lorsqu’on éclate des points, on a un théorème de classification dont une conséquence amusante est le théorème suivant [BCW02].

Théorème 48.
(Bonavero, Campana et Wiśniewski) Si X𝑋X est une variété projective lisse complexe de dimension n3𝑛3n\geq 3 et s’il existe deux points distincts a𝑎a et b𝑏b de X𝑋X tels que l’éclatement de X𝑋X de centre {a,b}𝑎𝑏\{a,b\} soit une variété de Fano, alors X𝑋X est isomorphe à une quadrique lisse de n+1superscript𝑛1\mathbb{P}^{n+1}. .

Exemple 4.

La seule courbe de Fano est la droite projective. En dimension deux, les surfaces de Fano sont aussi appelées surfaces de Del Pezzo, ce sont 2superscript2\mathbb{P}^{2} éclaté en au plus 888 points en position générale et 1×1superscript1superscript1\mathbb{P}^{1}\times\mathbb{P}^{1}. En dimension trois, il y a 105105105 familles classifiées par Iskovskikh quand le nombre de Picard est égal à 111 et par Mori et Mukai quand le nombre de Picard est 2absent2\geq 2 (voir [IP99] et son impressionnante bibliographie).

6.1. Le quotient rationnel

Si X𝑋X est une variété projective, on peut définir une relation d’équivalence sur X𝑋X de la façon suivante : deux points x𝑥x et xsuperscript𝑥x^{\prime} sont équivalents s’il existe une chaîne de courbes rationnelles passant par x𝑥x et xsuperscript𝑥x^{\prime}. Il n’y a aucun espoir que l’espace quotient pour cette relation d’équivalence puisse être muni d’une structure de variété algébrique (de sorte que l’application de passage au quotient soit un morphisme algébrique). Un énoncé remarquable dû à Campana et Kollár permet d’obtenir un “quotient rationnel”. Nous énonçons sans preuve ce résultat, cas particulier d’un énoncé beaucoup plus général où Campana, en caractéristique zéro, considère les relations d’équivalences engendrées par des familles couvrantes de sous-variétés (on autorise des chaînes de sous-variétés qui ne sont pas des courbes ! ).

Théorème 49.

(Campana, Kollár) Soit X𝑋X une variété projective normale sur un corps (algébriquement clos) de caractéristique quelconque. Alors il existe une variété projective normale R(X)𝑅𝑋R(X), unique à application birationnelle près, (appelée quotient rationnel) et une application rationnelle ρ:XR(X):𝜌𝑋𝑅𝑋\rho:X\dashrightarrow R(X) dominante telles que :

  1. (1)

    il existe un ouvert non vide X0superscript𝑋0X^{0} de X𝑋X et un ouvert non vide R(X)0𝑅superscript𝑋0R(X)^{0} de R(X)𝑅𝑋R(X) telle que ρ𝜌\rho se restreigne en un morphisme propre et surjectif ρ:X0R(X)0:𝜌superscript𝑋0𝑅superscript𝑋0\rho:X^{0}\to R(X)^{0} (on dit que ρ𝜌\rho est presque holomorphe),

  2. (2)

    pour tout yR(X)0𝑦𝑅superscript𝑋0y\in R(X)^{0}, la fibre ρ1(y)superscript𝜌1𝑦\rho^{-1}(y) est rationnellement connexe par chaînes,

  3. (3)

    toute application presque holomorphe φ:XY:𝜑𝑋𝑌\varphi~{}:X\dashrightarrow Y dont la fibre générale est rationnellement connexe par chaînes se factorise par ρ𝜌\rho en ψ:YR(X):𝜓𝑌𝑅𝑋\psi:Y\dashrightarrow R(X),

  4. (4)

    toute courbe rationnelle de X𝑋X rencontrant une fibre très générale de ρ𝜌\rho est contenue dans une fibre de ρ𝜌\rho.

Les trois derniers points signifient qu’une fibre très générale de ρ𝜌\rho est une classe d’équivalence. De ce point de vue, l’énoncé est optimal : il y a des surfaces projectives non uniréglées contenant une infinité au plus dénombrable de courbes rationnelles (certaines surfaces K3𝐾3K3 par exemple).

Evidemment, si X𝑋X est une variété projective normale, alors X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes si et seulement si R(X)𝑅𝑋R(X) est réduit à un point (par définition). De même, X𝑋X est uniréglée si et seulement si dimR(X)<dimXdimension𝑅𝑋dimension𝑋\dim R(X)<\dim X.

Parmi les nombreuses conséquences du théorème de Graber, Harris et Starr, on obtient les deux résultats suivants, le premier était conjecturé par Kollár.

Théorème 50.

Soit X𝑋X une variété projective lisse sur un corps de caractéristique quelconque. Alors le quotient rationnel R(X)𝑅𝑋R(X) de X𝑋X n’est pas uniréglé.

Démonstration. C’est immédiat : si R(X)𝑅𝑋R(X) est uniréglé, soit C𝐶C une courbe rationnelle passant par un point général de R(X)𝑅𝑋R(X). Alors, d’après le théorème 1, ρ:ρ1(C)C:𝜌superscript𝜌1𝐶𝐶\rho:\rho^{-1}(C)\to C possède une section, qui est donc une courbe rationnelle rencontrant une fibre générale de ρ𝜌\rho non contenue dans une fibre de ρ𝜌\rho, contradiction.  

Corollaire 51.

Soit X𝑋X une variété projective sur un corps de caractéristique zéro. Alors les assertions suivantes sont équivalentes :

  1. (1)

    pour toute application rationnelle XY𝑋𝑌X\dashrightarrow Y dominante, Y𝑌Y est uniréglée ou réduite à un point,

  2. (2)

    la variété X𝑋X est rationnellement connexe.

Démonstration. (1) implique (2) : soient π:X~X:𝜋~𝑋𝑋\pi:\tilde{X}\to X une résolution des singularités de X𝑋X, ρ:X~R(X~):𝜌~𝑋𝑅~𝑋\rho:\tilde{X}\dashrightarrow R(\tilde{X}) son quotient rationnel. Alors, l’application rationnelle ρπ1:XR(X~):𝜌superscript𝜋1𝑋𝑅~𝑋\rho\circ\pi^{-1}:X\dashrightarrow R(\tilde{X}) est dominante, donc R(X~)𝑅~𝑋R(\tilde{X}) est réduit à un point, donc X~~𝑋\tilde{X} est rationnellement connexe par chaînes, donc rationnellement connexe par le théorème 38 et par suite X𝑋X est rationnellement connexe.

(2) implique (1) est évident.  

6.2. Courbes rationnelles sur les variétés de Fano

Ce paragraphe est une deuxième introduction à la théorie de Mori, je ne donne aucune preuve. On a déjà vu que si KXsubscript𝐾𝑋K_{X} n’est pas nef, la variété X𝑋X possède des courbes rationnelles. Le théorème suivant précise cette idée.

Théorème 52.

(Miyaoka et Mukai) Soit X𝑋X une variété projective sur un corps de caractéristique quelconque. Soit C𝐶C une courbe de X𝑋X. On suppose que X𝑋X est lisse le long de C𝐶C et que KXC<0subscript𝐾𝑋𝐶0K_{X}\cdot C<0. Soit H𝐻H un diviseur ample sur X𝑋X. Alors par tout point x𝑥x de C𝐶C passe une courbe rationnelle ΓΓ\Gamma telle que

0<HΓ2dimXHCKXC.0𝐻Γ2dimension𝑋𝐻𝐶subscript𝐾𝑋𝐶0<H\cdot\Gamma\leq 2\dim X\frac{H\cdot C}{-K_{X}\cdot C}.

Remarques.

  1. (i)

    Si X𝑋X est lisse, on peut à l’aide du lemme de cassage obtenir une courbe rationnelle ΓΓ\Gamma satisfaisant de plus KXΓdimX+1subscript𝐾𝑋Γdimension𝑋1-K_{X}\cdot\Gamma\leq\dim X+1. Il s’agit du premier pas (mais le pas essentiel) pour démontrer le théorème du cône dans le cas lisse.

  2. (ii)

    Si X𝑋X est normale \mathbb{Q}-Fano414141On entend par là que X𝑋X est singulière et qu’un multiple entier de KXsubscript𝐾𝑋-K_{X} est un diviseur de Cartier ample., on en déduit que X𝑋X est couverte par des courbes rationnelles ΓΓ\Gamma vérifiant KXΓ2dimXsubscript𝐾𝑋Γ2dimension𝑋-K_{X}\cdot\Gamma\leq 2\dim X. Comme il n’y a qu’un nombre fini de composantes de Mord(1,X)subscriptMor𝑑superscript1𝑋{\rm Mor}_{d}(\mathbb{P}^{1},X) de degré d𝑑d donné, on en déduit que toute variété normale projective \mathbb{Q}-Fano est uniréglée.

Ce théorème est, on l’a déjà mentionné, plus facile en caractéristique positive : on montre qu’un grand multiple de C𝐶C obtenu à l’aide du morphisme de Frobenius se déforme en passant par x𝑥x et dégénère en une chaîne de courbes rationnelles. En caractéristique zéro, on utilise le résultat connu en caractéristique positive avec un contrôle uniforme du degré des courbes rationnelles produites. Cette idée géniale, parmi d’autres, a valu à Mori la médaille Fields et on peut mentionner qu’on ne connaît pas de preuve alternative par des méthodes transcendantes, ingrédient nécessaire à une éventuelle extension du programme de Mori aux variétés kählériennes compactes.

Campana d’une part et Kollár, Miyaoka et Mori d’autre part ont étendu le résultat de Miyaoka et Mori de la façon suivante.

Théorème 53.

Soit X𝑋X une variété projective normale \mathbb{Q}-Fano sur un corps de caractéristique quelconque et ρ:XY:𝜌𝑋𝑌\rho:X\dashrightarrow Y une application presque holomorphe dominante. Soit F𝐹F une fibre générale de ρ𝜌\rho. Si Y𝑌Y n’est pas réduit à un point, alors il existe une courbe rationnelle rencontrant F𝐹F et non contenue dans F𝐹F.

6.3. Connexité rationnelle des variétés de Fano

Il suffit d’assembler les résultats précédents pour obtenir le résultat général suivant.

Théorème 54.

Soit X𝑋X une variété projective normale \mathbb{Q}-Fano sur un corps de caractéristique quelconque. Alors X𝑋X est rationnellement connexe par chaînes.

Le corollaire 39 implique alors le résultat annoncé.

Corollaire 55.

Soit X𝑋X une variété projective lisse et de Fano sur un corps de caractéristique zéro. Alors X𝑋X est rationnellement connexe.

En étant plus soigneux, il est possible à nouveau de borner le degré (et le nombre de maillons) d’une chaîne de courbes rationnelles permettant de joindre deux points généraux, et même quelconques, de X𝑋X. Ce type de bornes dans le cas lisse permet aussi de montrer le théorème 47.

COURS 5 (cette partie a été écrite avec Stéphane DRUEL).

Dans ce dernier cours, nous présentons la preuve de la conjecture de connexité rationnelle de Shokurov suivant Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan. Outre ses liens évidents avec les cours précédents, cette partie se veut être, modestement, une invitation à la géométrie birationnelle moderne, celle des paires et du MMP. La littérature sur le sujet a explosé ces 20 dernières années, on recommande particulièrement les textes “historiques” [KMM87] et [CKM88], les ouvrages récents [Cor07], [Kol97], [KM98], [Laz04] et [Mat01] ainsi que le récent texte de synthèse [Dru08].

7. La conjecture de connexité rationnelle de Shokurov.

Dans toute cette partie, le corps de base K𝐾K est algébriquement clos de caractéristique zéro. On présente, suivant Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan, une vaste généralisation de certains des énoncés précédemment rencontrés (on pense au lemme d’Abhyankar et au théorème 54), le théorème de Graber, Harris et Starr y jouant un rôle essentiel.

7.1. Les résultats

Définition 56.

Une paire (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est la donnée :

  1. (i)

    d’une variété algébrique normale X𝑋X,

  2. (ii)

    d’un \mathbb{Q}-diviseur de Weil Δ=i=1NdiΔiΔsuperscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑑𝑖subscriptΔ𝑖\Delta=\sum_{i=1}^{N}d_{i}\Delta_{i}, où les ΔisubscriptΔ𝑖\Delta_{i} sont des diviseurs de Weil irréductibles et réduits et les disubscript𝑑𝑖d_{i} des nombres rationnels 0absent0\geq 0,

tels que KX+Δsubscript𝐾𝑋ΔK_{X}+\Delta est \mathbb{Q}-Cartier.

Définition 57.

Soit (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire. Une log-résolution de (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est un morphisme birationnel propre π:YX:𝜋𝑌𝑋\pi~{}:Y\to X telle que Y𝑌Y est lisse et Exc(π)+ΔExc𝜋superscriptΔ{\rm Exc}(\pi)+\Delta^{\prime} est un diviseur à croisements normaux simples (ΔsuperscriptΔ\Delta^{\prime} est la transformée stricte de ΔΔ\Delta).

Pour un tel π𝜋\pi, on écrit alors

KY+Δ=π(KX+Δ)+Eaπ(E,Δ)Esubscript𝐾𝑌superscriptΔsuperscript𝜋subscript𝐾𝑋Δsubscript𝐸subscript𝑎𝜋𝐸Δ𝐸K_{Y}+\Delta^{\prime}=\pi^{*}(K_{X}+\Delta)+\sum_{E}a_{\pi}(E,\Delta)E

où les aπ(E,Δ)subscript𝑎𝜋𝐸Δa_{\pi}(E,\Delta)\in{\mathbb{Q}} et où la somme porte sur les diviseurs exceptionnels et irréductibles E𝐸E de π𝜋\pi.

Tout diviseur exceptionnel et irréductible E𝐸E de π𝜋\pi définit une valuation divisorielle νEsubscript𝜈𝐸\nu_{E} de K(X)𝐾𝑋K(X), de centre π(E)X𝜋𝐸𝑋\pi(E)\subset X. On montre que aπ(E,Δ)subscript𝑎𝜋𝐸Δa_{\pi}(E,\Delta) ne dépend que de νEsubscript𝜈𝐸\nu_{E} et on note alors a(E,Δ)=aπ(E,Δ)𝑎𝐸Δsubscript𝑎𝜋𝐸Δa(E,\Delta)=a_{\pi}(E,\Delta). On étend a(,Δ)𝑎Δa(-,\Delta) à tout diviseur irréductible non exceptionnel E𝐸E en prenant l’opposé de la multiplicité de E𝐸E dans ΔΔ\Delta.

Définition 58.

On dit que la paire (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est Kawamata log terminale (klt en abrégé) si

a(E,Δ)>1𝑎𝐸Δ1a(E,\Delta)>-1

pour toute valuation divisorielle νEsubscript𝜈𝐸\nu_{E}424242Il suffit de le vérifier sur une log-résolution.. Si (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est une paire et si π𝜋\pi est une log-résolution de (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta), on note

Nklt(X,Δ)={Ea(E,Δ)1}π(E)Nklt𝑋Δsubscriptconditional-set𝐸𝑎𝐸Δ1𝜋𝐸{\rm Nklt}(X,\Delta)=\cup_{\{E\mid a(E,\Delta)\leq-1\}}\pi(E)

où la réunion porte sur tous les diviseurs irréductibles. Le lieu Nklt(X,Δ)Nklt𝑋Δ{\rm Nklt}(X,\Delta) ne dépend pas de π𝜋\pi, il est fermé et la paire (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est klt sur l’ouvert XNklt(X,Δ)𝑋Nklt𝑋ΔX\setminus{\rm Nklt}(X,\Delta).

Définition 59.

On dit que la paire (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est log canonique (lc en abrégé) si

a(E,Δ)1𝑎𝐸Δ1a(E,\Delta)\geq-1

pour toute valuation divisorielle νEsubscript𝜈𝐸\nu_{E}434343Il suffit de le vérifier sur une log-résolution..

Le cadre des paires est maintenant le cadre naturel dans lequel prend place le programme de Mori (on sait même maintenant qu’il s’avère nécessaire de travailler avec des \mathbb{R}-diviseurs). Dire qu’une paire (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est klt signifie que X𝑋X et ΔΔ\Delta sont peu singulières. Ces singularités sont inévitables lorsqu’on applique le programme de Mori. Il est immédiat (voir la preuve du lemme 64 ci-dessous) et important de constater qu’une petite perturbation d’une paire klt est encore une paire klt : si D𝐷D est un \mathbb{Q}-diviseur de Cartier effectif et si (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est klt, alors (X,Δ+εD)𝑋Δ𝜀𝐷(X,\Delta+\varepsilon D) est klt pour tout ε>0𝜀0\varepsilon>0 suffisamment petit.

Exemple 5.
  1. (1)

    Les paires klt sont lc.

  2. (2)

    Soient S𝑆S une surface lisse et CS𝐶𝑆C\subset S une courbe lisse de genre g𝑔g telle que C2=n<0superscript𝐶2𝑛0C^{2}=-n<0. Soit π:SS0:𝜋𝑆subscript𝑆0\pi:S\to S_{0} le morphisme birationnel consistant à contracter C𝐶C sur un point. Alors π𝜋\pi est une résolution de la paire (S0,0)subscript𝑆00(S_{0},0) et

    KS=πKS0+(1+22gn)C.subscript𝐾𝑆superscript𝜋subscript𝐾subscript𝑆0122𝑔𝑛𝐶K_{S}=\pi^{*}K_{S_{0}}+\left(-1+\frac{2-2g}{n}\right)C.

    La paire (S0,0)subscript𝑆00(S_{0},0) est donc klt si et seulement si g=0𝑔0g=0, est lc si et seulement si g1𝑔1g\leq 1.

  3. (3)

    Si X𝑋X est lisse et Δ=i=1NdiΔiΔsuperscriptsubscript𝑖1𝑁subscript𝑑𝑖subscriptΔ𝑖\Delta=\sum_{i=1}^{N}d_{i}\Delta_{i} est un diviseur à croisements normaux simples, alors

    Nklt(X,Δ)={idi1}ΔiNklt𝑋Δsubscriptconditional-set𝑖subscript𝑑𝑖1subscriptΔ𝑖{\rm Nklt}(X,\Delta)=\cup_{\{i\mid d_{i}\geq 1\}}\Delta_{i}

    et (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est klt si et seulement si di<1subscript𝑑𝑖1d_{i}<1 pour tout i𝑖i, est lc si et seulement si di1subscript𝑑𝑖1d_{i}\leq 1 pour tout i𝑖i.

Les résultats suivants sont dus à Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan (on renvoie à l’article original [HM07] pour des énoncés un peu plus généraux).

Théorème 60.

(Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan) Soient (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt et f:XS:𝑓𝑋𝑆f~{}:X\to S un morphisme propre tels que KXsubscript𝐾𝑋-K_{X} est f𝑓f-gros et (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) est f𝑓f-nef444444Un \mathbb{Q}-diviseur est dit f𝑓f-gros s’il est \mathbb{Q}-linéairement équivalent à A+B𝐴𝐵A+BA𝐴A est f𝑓f-ample et B𝐵B est un \mathbb{Q}-diviseur de Weil effectif. Un diviseur \mathbb{Q}-Cartier est f𝑓f-nef s’il est nef en restriction à toute fibre de f𝑓f.. Soient Y𝑌Y une variété algébrique normale, g:YX:𝑔𝑌𝑋g~{}:Y\to X un morphisme propre birationnel et π=fg:YS:𝜋𝑓𝑔𝑌𝑆\pi=f\circ g:Y\to S. Alors toute composante connexe de toute fibre de π𝜋\pi est rationnellement connexe par chaînes.

Mise en garde. Dans cet énoncé, les composantes connexes des fibres de π𝜋\pi ne sont en général pas irréductibles. Dire qu’une composante connexe W𝑊W d’une fibre de π𝜋\pi est rationnellement connexe par chaînes implique que deux points quelconques de W𝑊W peuvent être joints par une chaîne de courbes rationnelles contenues dans W𝑊W. Ceci n’implique pas que chaque composante irréductible de W𝑊W est elle-même rationnellement connexe par chaînes. Soient X𝑋X une variété lisse de dimension 333, Bx(X)subscript𝐵𝑥𝑋B_{x}(X) l’éclaté de X𝑋X en x𝑥x et Y𝑌Y l’éclaté de Bx(X)subscript𝐵𝑥𝑋B_{x}(X) le long d’une courbe elliptique contenue dans le diviseur exceptionnel de Bx(X)Xsubscript𝐵𝑥𝑋𝑋B_{x}(X)\to X. Soit π:YX:𝜋𝑌𝑋\pi:Y\to X la composée. Alors π1(x)superscript𝜋1𝑥\pi^{-1}(x) est connexe, a deux composantes irréductibles, est rationnellement connexe par chaînes mais la composante correspondant au diviseur exceptionnel du deuxième éclatement n’est pas rationnellement connexe par chaînes : c’est un fibré en 1superscript1\mathbb{P}^{1} sur une courbe elliptique.

Les deux énoncés suivants étaient conjecturés par Shokurov. Il s’agit du théorème 60 dans les cas extrêmes où S𝑆S est un point et S=X𝑆𝑋S=X.

Dans le cas où S𝑆S est réduit à un point, on obtient une généralisation du théorème 54 due à Zhang.

Corollaire 61.

(Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan, Zhang) Soit (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt, avec X𝑋X projective, telle que (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) est gros et nef. Alors X𝑋X est rationnellement connexe.

Dans le cas où S=X𝑆𝑋S=X, on obtient encore le corollaire suivant, généralisation des propositions 11 et 15 et du corollaire 12 ; le point (1) est la conjecture de connexité rationnelle de Shokurov.

Corollaire 62.

(Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan) Soit (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt.

  1. (1)

    Soient Y𝑌Y une variété algébrique normale et π:YX:𝜋𝑌𝑋\pi~{}:Y\to X un morphisme birationnel propre. Alors toute fibre454545Inutile ici de se restreindre aux composantes connexes, le théorème principal de Zariski affirme que si π:YX:𝜋𝑌𝑋\pi:Y\to X est propre birationnel avec X𝑋X normale, alors les fibres de π𝜋\pi sont connexes. de π𝜋\pi est rationnellement connexe par chaînes.

  2. (2)

    Soient Z𝑍Z une variété algébrique normale et φ:XZ:𝜑𝑋𝑍\varphi:X\dashrightarrow Z une application rationnelle propre. Si Z𝑍Z ne contient pas de courbes rationnelles, alors φ𝜑\varphi se prolonge en une application régulière φ:XZ:𝜑𝑋𝑍\varphi:X\to Z.

Une dernière conséquence est la connexité rationnelle par chaînes des fibres des contractions de Mori fournies par le théorème du cône.

Corollaire 63.

Soient X𝑋X une variété projective à singularités terminales et f:XZ:𝑓𝑋𝑍f:X\to Z un morphisme sur une variété projective Z𝑍Z. Soient Ri:=+[Γi]assignsubscript𝑅𝑖superscriptdelimited-[]subscriptΓ𝑖R_{i}:={\mathbb{R}}^{+}[\Gamma_{i}] une arête du cône NE¯(X/Z)¯NE𝑋𝑍\overline{{\rm NE}}(X/Z) telle que KXΓi>0subscript𝐾𝑋subscriptΓ𝑖0-K_{X}\cdot\Gamma_{i}>0 et ci:X/ZXi/Z:subscript𝑐𝑖𝑋𝑍subscript𝑋𝑖𝑍c_{i}:X/Z\to X_{i}/Z la contraction associée. Alors toute fibre de cisubscript𝑐𝑖c_{i} est rationnellement connexe par chaînes.

Mentionnons aussi que Broustet et Pacienza ont étendu depuis les résultats de Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan au cas où (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) n’est plus supposé f𝑓f-nef [BP09].

7.2. Les grandes lignes de la preuve du théorème 60

On donne dans ce paragraphe les grandes étapes, tous les détails sont donnés dans la suite de ce cours.

Soient (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt et f:XS:𝑓𝑋𝑆f~{}:X\to S un morphisme propre tels que KXsubscript𝐾𝑋-K_{X} est f𝑓f-gros et (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) est f𝑓f-nef. Soient Y𝑌Y une variété algébrique normale, g:YX:𝑔𝑌𝑋g~{}:Y\to X un morphisme propre birationnel et π=fg:YS:𝜋𝑓𝑔𝑌𝑆\pi=f\circ g:Y\to S. Supposons pour simplifier que KX+Δsubscript𝐾𝑋ΔK_{X}+\Delta est linéairement équivalent à 00 et que Δ=A+BΔ𝐴𝐵\Delta=A+B avec A𝐴A ample aussi général que souhaité, B𝐵B effectif et (X,B)𝑋𝐵(X,B) klt.

7.2.1. Le cas où S𝑆S est réduit à un point.

Il s’agit alors de montrer que Y𝑌Y est rationnellement connexe par chaînes. Supposons à nouveau pour simplifier que Y𝑌Y est lisse et qu’il y a un morphisme régulier t:YR(Y):𝑡𝑌𝑅𝑌t:Y\to R(Y) de Y𝑌Y sur son quotient rationnel R(Y)𝑅𝑌R(Y). Comme R(Y)𝑅𝑌R(Y) n’est pas uniréglé (théorème 50), le théorème 19 affirme que KR(Y)subscript𝐾𝑅𝑌K_{R(Y)} est pseudo-effectif, et par suite que

κ(R(Y),KR(Y)+H)=dimR(Y)𝜅𝑅𝑌subscript𝐾𝑅𝑌𝐻dimension𝑅𝑌\kappa(R(Y),K_{R(Y)}+H)=\dim R(Y)

pour tout \mathbb{Q}-diviseur ample H𝐻H sur R(Y)𝑅𝑌R(Y).

On peut alors écrire464646Les participants de l’Ecole d’Eté 2007 de l’Institut Fourier à Grenoble reconnaitront la décomposition “dagger” dont Alessio Corti est fan.

KY+Ω=g(KX+Δ)+Dsubscript𝐾𝑌Ωsuperscript𝑔subscript𝐾𝑋Δ𝐷K_{Y}+\Omega=g^{*}(K_{X}+\Delta)+D

ΩΩ\Omega et D𝐷D sont effectifs sans composante commune, la paire (Y,Ω)𝑌Ω(Y,\Omega) est klt et D𝐷D est g𝑔g-exceptionnel. On peut aussi supposer que Ω=gA+B¯Ωsuperscript𝑔𝐴¯𝐵\Omega=g^{*}A+\bar{B} avec (Y,B¯)𝑌¯𝐵(Y,\bar{B}) klt. Comme D𝐷D est g𝑔g-exceptionnel,

κ(Y,KY+Ω)=κ(X,KX+Δ)=0.𝜅𝑌subscript𝐾𝑌Ω𝜅𝑋subscript𝐾𝑋Δ0\kappa(Y,K_{Y}+\Omega)=\kappa(X,K_{X}+\Delta)=0.

En utilisant la positivité de ΩΩ\Omega, on montre alors, c’est l’étape clé, qu’il existe un \mathbb{Q}-diviseur ample H𝐻H sur R(Y)𝑅𝑌R(Y) tel que

0=κ(Y,KY+Ω)κ(R(Y),KR(Y)+H)=dimR(Y)0𝜅𝑌subscript𝐾𝑌Ω𝜅𝑅𝑌subscript𝐾𝑅𝑌𝐻dimension𝑅𝑌0=\kappa(Y,K_{Y}+\Omega)\geq\kappa(R(Y),K_{R(Y)}+H)=\dim R(Y)

(et ainsi R(Y)𝑅𝑌R(Y) est réduit à un point, i.e. Y𝑌Y est rationnellement connexe par chaînes). Cette inégalité (de type conjecture Cn,msubscript𝐶𝑛𝑚C_{n,m}) est obtenue à l’aide d’un théorème de positivité d’images directes (dû à Campana) pour les faisceaux du type t𝒪Y(m(KY/R(Y)+C))subscript𝑡subscript𝒪𝑌𝑚subscript𝐾𝑌𝑅𝑌𝐶t_{*}\mathcal{O}_{Y}(m(K_{Y/R(Y)}+C)), où C𝐶C est un diviseur effectif dont la restriction à la fibre générale de t𝑡t est lc.

7.2.2. Le cas où dimS>0dimension𝑆0\dim S>0.

Fixons sS𝑠𝑆s\in S et supposons que S𝑆S est affine. Supposons aussi pour simplifier que Y𝑌Y est lisse et que F:=π1(s)assign𝐹superscript𝜋1𝑠F:=\pi^{-1}(s) est un diviseur à croisements normaux simples.

On montre alors que si k𝑘k est le nombre de composantes irréductibles de F=π1(s)𝐹superscript𝜋1𝑠F=\pi^{-1}(s), il existe une numérotation des composantes irréductibles F1,,Fksubscript𝐹1subscript𝐹𝑘F_{1},\ldots,F_{k} de F𝐹F et pour tout i𝑖i une paire (Y,Θi)𝑌subscriptΘ𝑖(Y,\Theta_{i}) tels que

  1. (1)

    Θi=A¯0+BisubscriptΘ𝑖subscript¯𝐴0subscript𝐵𝑖\Theta_{i}=\bar{A}_{0}+B_{i}A¯0subscript¯𝐴0\bar{A}_{0} est un \mathbb{Q}-diviseur ample et effectif et Bisubscript𝐵𝑖B_{i} est un \mathbb{Q}-diviseur effectif,

  2. (2)

    KY+ΘiE¯isimilar-tosubscript𝐾𝑌subscriptΘ𝑖subscript¯𝐸𝑖K_{Y}+\Theta_{i}\sim\bar{E}_{i}E¯isubscript¯𝐸𝑖\bar{E}_{i} est effectif, g𝑔g-exceptionnel et n’a pas de composante commune avec ΘisubscriptΘ𝑖\Theta_{i},

  3. (3)

    Nklt(Y,Θi)=F1FiNklt𝑌subscriptΘ𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖{\rm Nklt}(Y,\Theta_{i})=F_{1}\cup\cdots\cup F_{i} et le coefficient de Fisubscript𝐹𝑖F_{i} dans ΘisubscriptΘ𝑖\Theta_{i} vaut 111, celui des F1,,Fi1subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{1},\ldots,F_{i-1} est >1absent1>1. En particulier, Θ1=A¯0+F1+C1subscriptΘ1subscript¯𝐴0subscript𝐹1subscript𝐶1\Theta_{1}=\bar{A}_{0}+F_{1}+C_{1}(Y,C1)𝑌subscript𝐶1(Y,C_{1}) est klt et C1subscript𝐶1C_{1} ne contient pas F1subscript𝐹1F_{1} dans son support.

On montre ensuite que

  1. (1)

    La composante F1subscript𝐹1F_{1} est rationnellement connexe,

  2. (2)

    pour tout i2𝑖2i\geq 2, Fisubscript𝐹𝑖F_{i} est rationnellement connexe par chaînes modulo

    FiNklt(Y,Θi1)=Fi(F1Fi1),subscript𝐹𝑖Nklt𝑌subscriptΘ𝑖1subscript𝐹𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{i}\cap{\rm Nklt}(Y,\Theta_{i-1})=F_{i}\cap(F_{1}\cup\ldots\cup F_{i-1}),

    ce qui signifie que pour tout xFi𝑥subscript𝐹𝑖x\in F_{i}, il existe une chaîne de courbes rationnelles joignant x𝑥x à un point de Fi(F1Fi1)subscript𝐹𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{i}\cap(F_{1}\cup\ldots\cup F_{i-1}).

Pour montrer que F1subscript𝐹1F_{1} est rationnellement connexe, on considère comme précédemment son quotient rationnel t:F1R(F1):𝑡subscript𝐹1𝑅subscript𝐹1t:F_{1}\to R(F_{1}) (que l’on suppose régulier pour simplifier) puis l’on montre qu’il existe un \mathbb{Q}-diviseur ample H𝐻H sur R(F1)𝑅subscript𝐹1R(F_{1}) tel que

κ(F1,KF1+{Θ1}|F1)κ(R(F1),KR(F1)+H)\kappa(F_{1},K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})\geq\kappa(R(F_{1}),K_{R(F_{1})}+H)

à l’aide à nouveau du théorème de positivité d’images directes de Campana.

Pour conclure, il suffit de montrer que κ(F1,KF1+{Θ1}|F1)=0\kappa(F_{1},K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})=0. Or KF1+{Θ1}|F1=(KY+Θ1)|F1K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}}=(K_{Y}+\Theta_{1})_{|F_{1}} si bien qu’il s’agit alors d’appliquer un théorème d’extension de sections fourni lui-aussi par Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan.

7.3. Un peu de technologie des paires

L’avantage de travailler avec des paires réside dans leur grande souplesse, on peut les perturber et “suivre leur positivité” dans les log-résolutions successives. On donne ici un lemme qui illustre bien ce principe.

Lemme 64.

Soient (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt. On suppose que ΔΔ\Delta est gros. Alors il existe un \mathbb{Q}-diviseur ample effectif A𝐴A et un \mathbb{Q}-diviseur effectif Γ1subscriptΓ1\Gamma_{1} tels que les paires (X,Γ1+A)𝑋subscriptΓ1𝐴(X,\Gamma_{1}+A) et (X,Γ1)𝑋subscriptΓ1(X,\Gamma_{1}) sont klt et ΔΓ1+Asimilar-toΔsubscriptΓ1𝐴\Delta\sim\Gamma_{1}+A474747Dans tout ce texte, similar-to\sim est l’équivalence linéaire des \mathbb{Q}-diviseurs : deux \mathbb{Q}-diviseurs M𝑀M et N𝑁N sont linéairement équivalents s’il existe un entier positif m𝑚m tels que mM𝑚𝑀mM et mN𝑚𝑁mN sont deux diviseurs entiers linéairement équivalents..

Ce lemme permet donc de remplacer la paire klt (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) par une paire (X,Γ)𝑋Γ(X,\Gamma) elle aussi klt, avec ΓΔsimilar-toΓΔ\Gamma\sim\Delta et Γ=ample+effectifΓampleeffectif\Gamma={\rm ample}+{\rm effectif}. L’hypothèse que ΔΔ\Delta est gros est évidemment essentielle ici.

Démonstration. Comme ΔΔ\Delta est gros, il existe des \mathbb{Q}-diviseurs H𝐻H et B𝐵B tels que H𝐻H est ample, B𝐵B est effectif et ΔH+Bsimilar-toΔ𝐻𝐵\Delta\sim H+B. Soit Hm|mH|subscript𝐻𝑚𝑚𝐻H_{m}\in|mH| un élément général et Am:=(1/m)Hmassignsubscript𝐴𝑚1𝑚subscript𝐻𝑚A_{m}:=(1/m)H_{m}, où m𝑚m est choisi suffisamment grand et suffisamment divisible pour que mH𝑚𝐻mH soit un diviseur (entier) très ample sur X𝑋X. On pose alors

Γ:=(1ε)Δ+εAm+εB=Γ1+AΔassignΓ1𝜀Δ𝜀subscript𝐴𝑚𝜀𝐵subscriptΓ1𝐴similar-toΔ\Gamma:=(1-\varepsilon)\Delta+\varepsilon A_{m}+\varepsilon B=\Gamma_{1}+A\sim\Delta

A:=εAmassign𝐴𝜀subscript𝐴𝑚A:=\varepsilon A_{m} et Γ1:=(1ε)Δ+εBassignsubscriptΓ11𝜀Δ𝜀𝐵\Gamma_{1}:=(1-\varepsilon)\Delta+\varepsilon B. Par construction, KX+Am+BKX+Δsimilar-tosubscript𝐾𝑋subscript𝐴𝑚𝐵subscript𝐾𝑋ΔK_{X}+A_{m}+B\sim K_{X}+\Delta est \mathbb{Q}-Cartier, donc KX+Γ(1ε)(KX+Δ)+ε(KX+Am+B)similar-tosubscript𝐾𝑋Γ1𝜀subscript𝐾𝑋Δ𝜀subscript𝐾𝑋subscript𝐴𝑚𝐵K_{X}+\Gamma\sim(1-\varepsilon)(K_{X}+\Delta)+\varepsilon(K_{X}+A_{m}+B) l’est aussi, de même que KX+Γ1subscript𝐾𝑋subscriptΓ1K_{X}+\Gamma_{1}.

Soit π:YX:𝜋𝑌𝑋\pi~{}:Y\to X une log-résolution ΔΔ\Delta telle que Exc(π)+Δ+BExc𝜋superscriptΔsuperscript𝐵{\rm Exc}(\pi)+\Delta^{\prime}+B^{\prime} soit un diviseur à croisements normaux simples. Si Hmsubscript𝐻𝑚H_{m} est suffisamment général, la transformée stricte de Hmsubscript𝐻𝑚H_{m} est égale à sa transformée totale πHmsuperscript𝜋subscript𝐻𝑚\pi^{*}H_{m}.

Le lemme découle alors des calculs suivants, la somme porte à chaque fois sur les diviseurs π𝜋\pi-exceptionnels et les désignent les transformées strictes.

KY+Am+Bsubscript𝐾𝑌superscriptsubscript𝐴𝑚superscript𝐵\displaystyle K_{Y}+A_{m}^{\prime}+B^{\prime} =π(KX+Am+B)+ErEEabsentsuperscript𝜋subscript𝐾𝑋subscript𝐴𝑚𝐵subscript𝐸subscript𝑟𝐸𝐸\displaystyle=\pi^{*}(K_{X}+A_{m}+B)+\sum_{E}r_{E}E
KY+Δsubscript𝐾𝑌superscriptΔ\displaystyle K_{Y}+\Delta^{\prime} =π(KX+Δ)+Ea(E,Δ)Eabsentsuperscript𝜋subscript𝐾𝑋Δsubscript𝐸𝑎𝐸Δ𝐸\displaystyle=\pi^{*}(K_{X}+\Delta)+\sum_{E}a(E,\Delta)E
KY+Γ1subscript𝐾𝑌superscriptsubscriptΓ1\displaystyle K_{Y}+\Gamma_{1}^{\prime} =π(KX+Γ1)+E((1ε)a(E,Δ)+εrE)Eabsentsuperscript𝜋subscript𝐾𝑋subscriptΓ1subscript𝐸1𝜀𝑎𝐸Δ𝜀subscript𝑟𝐸𝐸\displaystyle=\pi^{*}(K_{X}+\Gamma_{1})+\sum_{E}((1-\varepsilon)a(E,\Delta)+\varepsilon r_{E})E
KY+Γsubscript𝐾𝑌superscriptΓ\displaystyle K_{Y}+\Gamma^{\prime} =π(KX+Γ)+E((1ε)a(E,Δ)+εrE)E.absentsuperscript𝜋subscript𝐾𝑋Γsubscript𝐸1𝜀𝑎𝐸Δ𝜀subscript𝑟𝐸𝐸\displaystyle=\pi^{*}(K_{X}+\Gamma)+\sum_{E}((1-\varepsilon)a(E,\Delta)+\varepsilon r_{E})E.

Comme a(E,Δ)>1𝑎𝐸Δ1a(E,\Delta)>-1 pour tout E𝐸E, les quantités (1ε)a(E,Δ)+εrE1𝜀𝑎𝐸Δ𝜀subscript𝑟𝐸(1-\varepsilon)a(E,\Delta)+\varepsilon r_{E} sont aussi >1absent1>-1 pour ε>0𝜀0\varepsilon>0 suffisamment petit. De même, les multiplicités de ΓΓ\Gamma et Γ1subscriptΓ1\Gamma_{1} le long de leurs composantes irréductibles sont <1absent1<1 si ε>0𝜀0\varepsilon>0 est suffisamment petit.  

7.4. Le théorème de positivité d’images directes de Campana.

L’un des ingrédients essentiels, non encore introduit dans ce cours, de la preuve du théorème de Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan est un théorème de positivité d’images directes. Pour l’énoncer, nous avons besoin d’une définition due à Viehweg.

Définition 65.

Un faisceau cohérent sans torsion \mathcal{E} sur une variété projective V𝑉V est faiblement positif si, V0subscript𝑉0V_{0} désignant le plus grand ouvert sur lequel \mathcal{E} est localement libre, il existe un ouvert non vide UV0𝑈subscript𝑉0U\subset V_{0} tel que pour tout diviseur ample H𝐻H sur V𝑉V, pour tout entier a>0𝑎0a>0, il existe b>0𝑏0b>0 tel que les sections globales de ab:=(Symab|V0)H|V0b\mathcal{F}^{ab}:=({\rm Sym}^{ab}\mathcal{E}_{|V_{0}})\otimes H_{|V_{0}}^{\otimes b} engendrent |Uab\mathcal{F}^{ab}_{|U}.

Remarque. On met en garde le lecteur avec le fait que le faisceau nul est faiblement positif !!

Le théorème de positivité d’images directes dû à Campana [Cam04b], et faisant suite aux travaux de Viehweg, s’énonce de la façon suivante.

Théorème 66.

(Campana) Soit f:VV:𝑓superscript𝑉𝑉f~{}:V^{\prime}\to V un morphisme à fibres connexes entre variétés projectives lisses et soit C𝐶C un \mathbb{Q}-diviseur effectif. On suppose que la restriction de C𝐶C à une fibre générale de f𝑓f est lc. Alors le faisceau f𝒪V(m(KV/V+C))subscript𝑓subscript𝒪superscript𝑉𝑚subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶f_{*}\mathcal{O}_{V^{\prime}}(m(K_{V^{\prime}/V}+C)) est faiblement positif pour tout entier m𝑚m tel que m(KV/V+C)𝑚subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶m(K_{V^{\prime}/V}+C) est entier.

On l’a dit, le faisceau nul est faiblement positif. Sous des hypothèses de positivité de la fibre, on garantit que le faisceau images directes est non trivial.

Théorème 67.

Soit f:VV:𝑓superscript𝑉𝑉f~{}:V^{\prime}\to V un morphisme à fibres connexes entre variétés projectives lisses, soit C𝐶C un \mathbb{Q}-diviseur effectif et soit W𝑊W la fibre générale de f𝑓f.

On suppose que la paire (W,C|W)(W,C_{|W}) est lc et que

κ(W,m0(KV/V+C)|W)0\kappa(W,m_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C)_{|W})\geq 0

pour un entier m0subscript𝑚0m_{0} tel que m0(KV/V+C)subscript𝑚0subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶m_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C) est entier.

Alors, pour tout diviseur ample H𝐻H sur V𝑉V, il y a un entier b>0𝑏0b>0 tel que

H0(V,bm0(KV/V+C+fH))0.superscript𝐻0superscript𝑉𝑏subscript𝑚0subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶superscript𝑓𝐻0H^{0}(V^{\prime},bm_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C+f^{*}H))\neq 0.

Démonstration. Répétons, pour le confort du lecteur, cet argument dû à Campana et Viehweg et détaillé dans [Deb08].

Le lemme d’aplatissement de Raynaud combiné au théorème de désingularisation d’Hironaka permet de construire un diagramme

V1subscriptsuperscript𝑉1\textstyle{V^{\prime}_{1}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}τsuperscript𝜏\scriptstyle{\tau^{\prime}}f1subscript𝑓1\scriptstyle{f_{1}}Vsuperscript𝑉\textstyle{{V^{\prime}}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}f𝑓\scriptstyle{f}V1subscript𝑉1\textstyle{V_{1}\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces\ignorespaces}τ𝜏\scriptstyle{\tau}V𝑉\textstyle{V}

V1subscriptsuperscript𝑉1V^{\prime}_{1} et V1subscript𝑉1V_{1} sont des variétés projectives lisses, τsuperscript𝜏\tau^{\prime} et τ𝜏\tau sont des modifications telles que d’une part f1(Exc(τ))Exc(τ)subscript𝑓1Excsuperscript𝜏Exc𝜏f_{1}({\rm Exc}(\tau^{\prime}))\subset{\rm Exc}(\tau) et d’autre part toute hypersurface SV1𝑆subscriptsuperscript𝑉1S\subset V^{\prime}_{1} dont l’image par f1subscript𝑓1f_{1} est de codimension 2absent2\geq 2 dans V𝑉V est τsuperscript𝜏\tau^{\prime}-exceptionnelle.

Comme (τ)Csuperscriptsuperscript𝜏𝐶(\tau^{\prime})^{*}C est lc, le théorème 66 assure que

(f1)𝒪V1(m(KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V))subscriptsubscript𝑓1subscript𝒪subscriptsuperscript𝑉1𝑚subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉(f_{1})_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}_{1}}(m(K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}))

est faiblement positif pour tout m𝑚m suffisamment divisible. Ce même faisceau est aussi non nul car

τ(f1)𝒪V1(m0(KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V))=f𝒪V(m0(KV/V+C))0subscript𝜏subscriptsubscript𝑓1subscript𝒪subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑚0subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉subscript𝑓subscript𝒪superscript𝑉subscript𝑚0subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶0\tau_{*}(f_{1})_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}_{1}}(m_{0}(K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}))=f_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}}(m_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C))\neq 0

puisque la fibre du faisceau f𝒪V(m0(KV/V+C))subscript𝑓subscript𝒪superscript𝑉subscript𝑚0subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶f_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}}(m_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C)) en un point général de V𝑉V vaut

H0(W,(m0(KV/V+C))|W),H^{0}(W,(m_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C))_{|W}),

supposé non nul.

Comme H𝐻H est ample, τ(m0H)superscript𝜏subscript𝑚0𝐻\tau^{*}(m_{0}H) est linéairement équivalent à HV1+EV1subscript𝐻subscript𝑉1subscript𝐸subscript𝑉1H_{V_{1}}+E_{V_{1}} avec HV1subscript𝐻subscript𝑉1H_{V_{1}} ample sur V1subscript𝑉1V_{1} et EV1subscript𝐸subscript𝑉1E_{V_{1}} effectif. Par définition de la faible positivité du faisceau non nul f𝒪V(m0(KV/V+C))subscript𝑓subscript𝒪superscript𝑉subscript𝑚0subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶f_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}}(m_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C)), il existe un entier b𝑏b et un ouvert V0subscript𝑉0V_{0} de V1subscript𝑉1V_{1}, dont le complémentaire dans V1subscript𝑉1V_{1} est de codimension 2absent2\geq 2, tels que

H0(V0,(f1)𝒪V1(bm0(KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V))HV1b)0.superscript𝐻0subscript𝑉0tensor-productsubscriptsubscript𝑓1subscript𝒪subscriptsuperscript𝑉1𝑏subscript𝑚0subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉superscriptsubscript𝐻subscript𝑉1tensor-productabsent𝑏0H^{0}(V_{0},(f_{1})_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}_{1}}(bm_{0}(K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}))\otimes H_{V_{1}}^{\otimes b})\neq 0.

A fortiori, puisque τ(m0H)HV1+EV1similar-tosuperscript𝜏subscript𝑚0𝐻subscript𝐻subscript𝑉1subscript𝐸subscript𝑉1\tau^{*}(m_{0}H)\sim H_{V_{1}}+E_{V_{1}},

H0(f11(V0),bm0(KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V+f1τH))superscript𝐻0superscriptsubscript𝑓11subscript𝑉0𝑏subscript𝑚0subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉superscriptsubscript𝑓1superscript𝜏𝐻\displaystyle H^{0}(f_{1}^{-1}(V_{0}),bm_{0}(K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}+f_{1}^{*}\tau^{*}H)) =\displaystyle=
H0(V0,(f1)𝒪V1(bm0(KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V))τHb)0.superscript𝐻0subscript𝑉0tensor-productsubscriptsubscript𝑓1subscript𝒪subscriptsuperscript𝑉1𝑏subscript𝑚0subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉superscript𝜏superscript𝐻tensor-productabsent𝑏0\displaystyle H^{0}(V_{0},(f_{1})_{*}{\mathcal{O}}_{V^{\prime}_{1}}(bm_{0}(K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}))\otimes\tau^{*}H^{\otimes b})\neq 0.

Or,

KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V+f1τH=KV1/V+(τ)(KV/V+C+fH).subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉superscriptsubscript𝑓1superscript𝜏𝐻subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1superscript𝑉superscriptsuperscript𝜏subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶superscript𝑓𝐻K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}+f_{1}^{*}\tau^{*}H=K_{V^{\prime}_{1}/V^{\prime}}+(\tau^{\prime})^{*}(K_{V^{\prime}/V}+C+f^{*}H).

Comme KV1/Vsubscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1superscript𝑉K_{V^{\prime}_{1}/V^{\prime}} est τsuperscript𝜏\tau^{\prime}-exceptionnel, de même que le complémentaire dans V1subscriptsuperscript𝑉1V^{\prime}_{1} de f11(V0)superscriptsubscript𝑓11subscript𝑉0f_{1}^{-1}(V_{0}), on en déduit que

0H0(f11(V0),bm0(KV1/V1+(τ)C+f1KV1/V+f1τH))=H0(V,bm0(KV/V+C+fH)).0superscript𝐻0superscriptsubscript𝑓11subscript𝑉0𝑏subscript𝑚0subscript𝐾subscriptsuperscript𝑉1subscript𝑉1superscriptsuperscript𝜏𝐶superscriptsubscript𝑓1subscript𝐾subscript𝑉1𝑉superscriptsubscript𝑓1superscript𝜏𝐻superscript𝐻0superscript𝑉𝑏subscript𝑚0subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶superscript𝑓𝐻0\neq H^{0}(f_{1}^{-1}(V_{0}),bm_{0}(K_{V^{\prime}_{1}/V_{1}}+(\tau^{\prime})^{*}C+f_{1}^{*}K_{V_{1}/V}+f_{1}^{*}\tau^{*}H))=H^{0}(V^{\prime},bm_{0}(K_{V^{\prime}/V}+C+f^{*}H)).

 

On en déduit, suivant la terminologie introduite par Campana, une version “orbifold” de la conjecture Cn,msubscript𝐶𝑛𝑚C_{n,m}.

Corollaire 68.

Soit f:VV:𝑓superscript𝑉𝑉f~{}:V^{\prime}\to V un morphisme à fibres connexes entre variétés projectives lisses, soit C𝐶C un \mathbb{Q}-diviseur effectif et soit W𝑊W la fibre générale de f𝑓f. On suppose que la paire (W,C|W)(W,C_{|W}) est lc et que

κ(W,(KV/V+C)|W)0.\kappa(W,(K_{V^{\prime}/V}+C)_{|W})\geq 0.

Alors, pour tout diviseur ample H𝐻H sur V𝑉V,

κ(V,KV+C+2fH)κ(V,KV+H).𝜅superscript𝑉subscript𝐾superscript𝑉𝐶2superscript𝑓𝐻𝜅𝑉subscript𝐾𝑉𝐻\kappa(V^{\prime},K_{V^{\prime}}+C+2f^{*}H)\geq\kappa(V,K_{V}+H).

Démonstration. Comme il existe un entier b>0𝑏0b>0 tel que

H0(V,b(KV/V+C+fH))0,superscript𝐻0superscript𝑉𝑏subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶superscript𝑓𝐻0H^{0}(V^{\prime},b(K_{V^{\prime}/V}+C+f^{*}H))\neq 0,

on en déduit que pour tout m𝑚m suffisamment divisible, H0(V,mb(KV+H))superscript𝐻0𝑉𝑚𝑏subscript𝐾𝑉𝐻H^{0}(V,mb(K_{V}+H)) s’injecte dans

H0(V,mb(KV/V+C+fH+f(KV+H)))H0(V,mb(KV+C+2fH)).similar-to-or-equalssuperscript𝐻0superscript𝑉𝑚𝑏subscript𝐾superscript𝑉𝑉𝐶superscript𝑓𝐻superscript𝑓subscript𝐾𝑉𝐻superscript𝐻0superscript𝑉𝑚𝑏subscript𝐾superscript𝑉𝐶2superscript𝑓𝐻H^{0}(V^{\prime},mb(K_{V^{\prime}/V}+C+f^{*}H+f^{*}(K_{V}+H)))\simeq H^{0}(V^{\prime},mb(K_{V^{\prime}}+C+2f^{*}H)).

A fortiori,

dimH0(V,mb(KV+H))dimH0(V,mb(KV+C+2fH)).dimensionsuperscript𝐻0𝑉𝑚𝑏subscript𝐾𝑉𝐻dimensionsuperscript𝐻0superscript𝑉𝑚𝑏subscript𝐾superscript𝑉𝐶2superscript𝑓𝐻\dim H^{0}(V,mb(K_{V}+H))\leq\dim H^{0}(V^{\prime},mb(K_{V^{\prime}}+C+2f^{*}H)).

 

7.5. Le résultat de Zhang.

On traite ici le cas où dimS=0dimension𝑆0\dim S=0. Rappelons l’énoncé.

Corollaire 61. (Zhang) Soit (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt, avec X𝑋X projective, telle que (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) est gros et nef. Alors X𝑋X est rationnellement connexe.

Démonstration.

Soit g:YX:𝑔𝑌𝑋g~{}:Y\to X une log-résolution de la paire (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) fixée dans toute la suite. On va montrer que Y𝑌Y est rationnellement connexe. Comme Y𝑌Y est lisse, il suffit de montrer que Y𝑌Y est rationnellement connexe par chaînes (corollaire 39), autrement dit que son quotient rationnel R(Y)𝑅𝑌R(Y) est réduit à un point.

Comme (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) est gros et nef, le “base-point-free theorem”484848 En voici l’énoncé, dans le cadre relatif utile pour la suite du cours. On l’applique ici dans le cas où Z𝑍Z est réduit à un point.

Théorème 69.
(“Base-point-free theorem”) Soient (X,Γ)𝑋Γ(X,\Gamma) une paire klt, π:XZ:𝜋𝑋𝑍\pi:X\to Z un morphisme projectif et D𝐷D un diviseur de Cartier π𝜋\pi-nef sur X𝑋X. On suppose qu’il existe un rationnel a>0𝑎0a>0 tel que aD(KX+Γ)𝑎𝐷subscript𝐾𝑋ΓaD-(K_{X}+\Gamma) est π𝜋\pi-nef et π𝜋\pi-gros. Alors le système linéaire mD𝑚𝐷mD est π𝜋\pi-globalement engendré pour tout m𝑚m suffisamment divisible. Dans l’énoncé de ce théorème, “mD𝑚𝐷mD est π𝜋\pi-globalement engendré” signifie qu’il existe un recouvrement de Z𝑍Z par des ouverts affines tel que mD𝑚𝐷mD est sans point base en restriction à π1(U)superscript𝜋1𝑈\pi^{-1}(U) pour tout ouvert U𝑈U du recouvrement. affirme que m(KX+Δ)𝑚subscript𝐾𝑋Δ-m(K_{X}+\Delta) est sans point base pour m𝑚m assez grand et assez divisible. Soit alors D|m(KX+Δ)|𝐷𝑚subscript𝐾𝑋ΔD\in|-m(K_{X}+\Delta)| un élément général pour m𝑚m suffisamment grand et divisible. La paire (X,Δ+(1/m)D)𝑋Δ1𝑚𝐷(X,\Delta+(1/m)D) est toujours klt et si Δ1:=Δ+(1/m)DassignsubscriptΔ1Δ1𝑚𝐷\Delta_{1}:=\Delta+(1/m)D, alors Δ1subscriptΔ1\Delta_{1} est gros et KX+Δ10similar-tosubscript𝐾𝑋subscriptΔ10K_{X}+\Delta_{1}\sim 0. Comme Δ1subscriptΔ1\Delta_{1} est gros, le lemme 64 montre qu’il existe Δ2=εA1+B1subscriptΔ2𝜀subscript𝐴1subscript𝐵1\Delta_{2}=\varepsilon A_{1}+B_{1}, A1subscript𝐴1A_{1} ample et B1subscript𝐵1B_{1} effectif, A1subscript𝐴1A_{1} suffisamment général pour que sa transformée totale sous g𝑔g soit égale à sa transformée stricte sous g𝑔g, tels que (X,B1)𝑋subscript𝐵1(X,B_{1}) est klt, (X,Δ2)𝑋subscriptΔ2(X,\Delta_{2}) est klt et KX+Δ20similar-tosubscript𝐾𝑋subscriptΔ20K_{X}+\Delta_{2}\sim 0.

Dorénavant, on peut donc supposer que (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est une paire klt, que KX+Δsubscript𝐾𝑋ΔK_{X}+\Delta est linéairement équivalent à 00 et que Δ=A+BΔ𝐴𝐵\Delta=A+B avec A𝐴A ample aussi général que souhaité, B𝐵B effectif et (X,B)𝑋𝐵(X,B) klt.

Etape 2. Soient t:YR(Y):𝑡𝑌𝑅𝑌t~{}:Y\dashrightarrow R(Y) le quotient rationnel de Y𝑌Y, φ:Y~Y:𝜑~𝑌𝑌\varphi:\tilde{Y}\to Y une suite d’éclatements de centres lisses qui lève les indéterminations de t𝑡t et t~=tφ:Y~R(Y):~𝑡𝑡𝜑~𝑌𝑅𝑌\tilde{t}=t\circ\varphi:\tilde{Y}\to R(Y) le morphisme associé.

On écrit à nouveau la décomposition

KY~+Ω=(gφ)(KX+Δ)+Dsubscript𝐾~𝑌Ωsuperscript𝑔𝜑subscript𝐾𝑋Δ𝐷K_{\tilde{Y}}+\Omega=(g\circ\varphi)^{*}(K_{X}+\Delta)+D

ΩΩ\Omega et D𝐷D sont effectifs sans composante commune, la paire (Y~,Ω)~𝑌Ω(\tilde{Y},\Omega) est klt, (gφ)(Ω)=Δsubscript𝑔𝜑ΩΔ(g\circ\varphi)_{*}(\Omega)=\Delta et D𝐷D est (gφ)𝑔𝜑(g\circ\varphi)-exceptionnel. Enfin, Ω=(gφ)A+B¯Ωsuperscript𝑔𝜑𝐴¯𝐵\Omega=(g\circ\varphi)^{*}A+\bar{B} avec (Y~,B¯)~𝑌¯𝐵(\tilde{Y},\bar{B}) klt. Comme D𝐷D est (gφ)𝑔𝜑(g\circ\varphi)-exceptionnel,

κ(Y~,KY~+Ω)=κ(X,KX+Δ)=0.𝜅~𝑌subscript𝐾~𝑌Ω𝜅𝑋subscript𝐾𝑋Δ0\kappa(\tilde{Y},K_{\tilde{Y}}+\Omega)=\kappa(X,K_{X}+\Delta)=0.

Etape 3. Démontrons le lemme suivant.

Lemme 70.

Il existe un \mathbb{Q}-diviseur H𝐻H ample sur R(Y)𝑅𝑌R(Y) tel que (gφ)A2t~H+Γsimilar-tosuperscript𝑔𝜑𝐴2superscript~𝑡𝐻Γ(g\circ\varphi)^{*}A\sim 2\tilde{t}^{*}H+\GammaΓΓ\Gamma est effectif et la paire (Y~,B¯+Γ)~𝑌¯𝐵Γ(\tilde{Y},\bar{B}+\Gamma) est klt.

En effet, il existe un diviseur effectif Esuperscript𝐸E^{*} tel que (gφ)AεEsuperscript𝑔𝜑𝐴𝜀superscript𝐸(g\circ\varphi)^{*}A-\varepsilon E^{*} est ample sur Y~~𝑌\tilde{Y} pour tout ε>0𝜀0\varepsilon>0 suffisamment petit. Si H1subscript𝐻1H_{1} est très ample sur R(Y)𝑅𝑌R(Y), soit Amsubscript𝐴𝑚A_{m} un membre général de |m((gφ)AεE)t~H1|𝑚superscript𝑔𝜑𝐴𝜀superscript𝐸superscript~𝑡subscript𝐻1|m((g\circ\varphi)^{*}A-\varepsilon E^{*})-\tilde{t}^{*}H_{1}|. On a alors

(gφ)A1mAm+εE+1mt~H1.similar-tosuperscript𝑔𝜑𝐴1𝑚subscript𝐴𝑚𝜀superscript𝐸1𝑚superscript~𝑡subscript𝐻1(g\circ\varphi)^{*}A\sim\frac{1}{m}A_{m}+\varepsilon E^{*}+\frac{1}{m}\tilde{t}^{*}H_{1}.

Si m𝑚m est suffisamment grand et ε𝜀\varepsilon suffisamment petit, la paire (Y~,(1/m)Am+εE+B¯)~𝑌1𝑚subscript𝐴𝑚𝜀superscript𝐸¯𝐵(\tilde{Y},(1/m)A_{m}+\varepsilon E^{*}+\bar{B}) est klt puisque (Y~,B¯)~𝑌¯𝐵(\tilde{Y},\bar{B}) l’est et H=(1/2m)H1𝐻12𝑚subscript𝐻1H=(1/2m)H_{1} convient. Ceci termine ce lemme.  

Etape 4. La paire B¯+Γ¯𝐵Γ\bar{B}+\Gamma est klt, donc sa restriction à la fibre générale t~1(u)superscript~𝑡1𝑢\tilde{t}^{-1}(u) l’est aussi. De plus,

KY~/R(Y)+B¯+ΓKY~t~KR(Y)+Ω(gφ)A+(gφ)A2t~Hsimilar-tosubscript𝐾~𝑌𝑅𝑌¯𝐵Γsubscript𝐾~𝑌superscript~𝑡subscript𝐾𝑅𝑌Ωsuperscript𝑔𝜑𝐴superscript𝑔𝜑𝐴2superscript~𝑡𝐻K_{\tilde{Y}/R(Y)}+\bar{B}+\Gamma\sim K_{\tilde{Y}}-\tilde{t}^{*}K_{R(Y)}+\Omega-(g\circ\varphi)^{*}A+(g\circ\varphi)^{*}A-2\tilde{t}^{*}H

donc

(KY~/R(Y)+B¯+Γ)|t~1(u)(KY~+Ω)|t~1(u)D|t~1(u)(K_{\tilde{Y}/R(Y)}+\bar{B}+\Gamma)_{|\tilde{t}^{-1}(u)}\sim(K_{\tilde{Y}}+\Omega)_{|\tilde{t}^{-1}(u)}\sim D_{|\tilde{t}^{-1}(u)}

est effectif donc

H0(t~1(u),m(KY~/R(Y)+B¯+Γ)|t~1(u))0.H^{0}(\tilde{t}^{-1}(u),m(K_{\tilde{Y}/R(Y)}+\bar{B}+\Gamma)_{|\tilde{t}^{-1}(u)})\neq 0.

Comme (gφ)A2t~H+Γsimilar-tosuperscript𝑔𝜑𝐴2superscript~𝑡𝐻Γ(g\circ\varphi)^{*}A\sim 2\tilde{t}^{*}H+\Gamma et Ω=(gφ)A+B¯Ωsuperscript𝑔𝜑𝐴¯𝐵\Omega=(g\circ\varphi)^{*}A+\bar{B}, on en déduit par le Corollaire 68 que

0=κ(Y~,KY~+Ω)0𝜅~𝑌subscript𝐾~𝑌Ω\displaystyle 0=\kappa(\tilde{Y},K_{\tilde{Y}}+\Omega) =κ(Y~,KY~+B¯+Γ+2t~H)absent𝜅~𝑌subscript𝐾~𝑌¯𝐵Γ2superscript~𝑡𝐻\displaystyle=\kappa(\tilde{Y},K_{\tilde{Y}}+\bar{B}+\Gamma+2\tilde{t}^{*}H)
κ(R(Y),KR(Y)+H).absent𝜅𝑅𝑌subscript𝐾𝑅𝑌𝐻\displaystyle\geq\kappa(R(Y),K_{R(Y)}+H).

Or R(Y)𝑅𝑌R(Y) n’est pas uniréglé (théorème 50), le théorème 19 affirme donc que KR(Y)subscript𝐾𝑅𝑌K_{R(Y)} est pseudo-effectif, et par suite que

κ(R(Y),KR(Y)+H)=dimR(Y).𝜅𝑅𝑌subscript𝐾𝑅𝑌𝐻dimension𝑅𝑌\kappa(R(Y),K_{R(Y)}+H)=\dim R(Y).

Contradiction sauf si R(Y)𝑅𝑌R(Y) est un point !  

7.6. Le théorème de Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan.

On traite ici le cas où dimS>0dimension𝑆0\dim S>0. Rappelons l’énoncé.

Théorème 60. (Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan) Soient (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) une paire klt et f:XS:𝑓𝑋𝑆f~{}:X\to S un morphisme propre tels que KXsubscript𝐾𝑋-K_{X} est f𝑓f-gros et (KX+Δ)subscript𝐾𝑋Δ-(K_{X}+\Delta) est f𝑓f-nef. Soient Y𝑌Y une variété algébrique normale, g:YX:𝑔𝑌𝑋g~{}:Y\to X un morphisme propre birationnel et π=fg:YS:𝜋𝑓𝑔𝑌𝑆\pi=f\circ g:Y\to S. Alors toute composante connexe de toute fibre de π𝜋\pi est rationnellement connexe par chaînes.

7.6.1. Quelques réductions “faciles”

Comme l’énoncé est local, on peut supposer que S𝑆S est affine, et à l’aide du “base-point-free theorem” dans sa version relative, on montre, exactement comme dans la preuve du théorème de Zhang494949 Dans notre situation, S𝑆S est affine, et quitte à réduire S𝑆S, on peut écrire KXA+Bsimilar-tosubscript𝐾𝑋𝐴𝐵-K_{X}\sim A+B avec A𝐴A ample et B𝐵B effectif, et Γ=(1ε)Δ+εBΓ1𝜀Δ𝜀𝐵\Gamma=(1-\varepsilon)\Delta+\varepsilon B. La paire (X,Γ)𝑋Γ(X,\Gamma) est klt pour ε>0𝜀0\varepsilon>0 petit et ε((KX+Δ))(KX+Γ)(KX+Δ)+εAsimilar-to𝜀subscript𝐾𝑋Δsubscript𝐾𝑋Γsubscript𝐾𝑋Δ𝜀𝐴\varepsilon(-(K_{X}+\Delta))-(K_{X}+\Gamma)\sim-(K_{X}+\Delta)+\varepsilon A est nef et gros, donc |m(KX+Δ)|𝑚subscript𝐾𝑋Δ|-m(K_{X}+\Delta)| est sans point base pour m𝑚m suffisamment divisible. , qu’il existe Δ2=εA1+B1subscriptΔ2𝜀subscript𝐴1subscript𝐵1\Delta_{2}=\varepsilon A_{1}+B_{1}, A1subscript𝐴1A_{1} ample et B1subscript𝐵1B_{1} effectif, A1subscript𝐴1A_{1} suffisamment général pour que sa transformée totale sous g𝑔g soit égale à sa transformée stricte sous g𝑔g, tels que (X,B1)𝑋subscript𝐵1(X,B_{1}) est klt, (X,Δ2)𝑋subscriptΔ2(X,\Delta_{2}) est klt et KX+Δ20similar-tosubscript𝐾𝑋subscriptΔ20K_{X}+\Delta_{2}\sim 0.

Dorénavant, on suppose donc que (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) est une paire klt, que f:XS:𝑓𝑋𝑆f~{}:X\to S est un morphisme tel que KX+Δsubscript𝐾𝑋ΔK_{X}+\Delta est linéairement équivalent à 00 et que Δ=A+BΔ𝐴𝐵\Delta=A+B avec A𝐴A ample aussi général que souhaité, B𝐵B effectif et (X,B)𝑋𝐵(X,B) klt. On supposera aussi, quitte à faire une factorisation de Stein, que f𝑓f est à fibres connexes et que S𝑆S est affine normale.

7.6.2. On réalise la fibre comme lieu non klt d’une paire bien choisie

Fixons sS𝑠𝑆s\in S. Quitte à éclater encore Y𝑌Y, on peut supposer que g𝑔g est une log-résolution de (X,Δ)𝑋Δ(X,\Delta) telle que

π1(s)+Exc(g)+Δsuperscript𝜋1𝑠Exc𝑔superscriptΔ\pi^{-1}(s)+{\rm Exc}(g)+\Delta^{\prime}

est un diviseur à croisements normaux simples505050 π1(s)superscript𝜋1𝑠\pi^{-1}(s) et Exc(g)Exc𝑔{\rm Exc}(g) ont bien sûr des composantes communes.  : si σ:YY:𝜎superscript𝑌𝑌\sigma:Y^{\prime}\to Y est une suite d’éclatements (donc à fibres connexes) et si toute composante connexe de (πσ)1(s)superscript𝜋𝜎1𝑠(\pi\circ\sigma)^{-1}(s) est rationnellement connexe par chaînes, alors toute composante connexe de π1(s)superscript𝜋1𝑠\pi^{-1}(s) est aussi rationnellement connexe par chaînes.

Soit F:=π1(s)assign𝐹superscript𝜋1𝑠F:=\pi^{-1}(s) dont on rappelle qu’on vient de supposer que c’est un diviseur à croisements normaux simples.

Proposition 71.

Si k𝑘k est le nombre de composantes irréductibles de F=π1(s)𝐹superscript𝜋1𝑠F=\pi^{-1}(s), il existe une numérotation des composantes irréductibles F1,,Fksubscript𝐹1subscript𝐹𝑘F_{1},\ldots,F_{k} de F𝐹F et pour tout i𝑖i compris entre 111 et k𝑘k une paire (Y,Θi)𝑌subscriptΘ𝑖(Y,\Theta_{i}) tels que

  1. (1)

    Θi=A¯0+BisubscriptΘ𝑖subscript¯𝐴0subscript𝐵𝑖\Theta_{i}=\bar{A}_{0}+B_{i}A¯0subscript¯𝐴0\bar{A}_{0} est un \mathbb{Q}-diviseur ample et effectif et Bisubscript𝐵𝑖B_{i} est un \mathbb{Q}-diviseur effectif,

  2. (2)

    KY+ΘiE¯isimilar-tosubscript𝐾𝑌subscriptΘ𝑖subscript¯𝐸𝑖K_{Y}+\Theta_{i}\sim\bar{E}_{i}E¯isubscript¯𝐸𝑖\bar{E}_{i} est effectif, g𝑔g-exceptionnel et n’a pas de composante commune avec ΘisubscriptΘ𝑖\Theta_{i},

  3. (3)

    Nklt(Y,Θi)=F1FiNklt𝑌subscriptΘ𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖{\rm Nklt}(Y,\Theta_{i})=F_{1}\cup\cdots\cup F_{i} et le coefficient de Fisubscript𝐹𝑖F_{i} dans ΘisubscriptΘ𝑖\Theta_{i} vaut 111, celui des F1,,Fi1subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{1},\ldots,F_{i-1} est >1absent1>1, celui des Fi+1,,Fksubscript𝐹𝑖1subscript𝐹𝑘F_{i+1},\ldots,F_{k} est <1absent1<1. En particulier, Θ1=A¯0+F1+C1subscriptΘ1subscript¯𝐴0subscript𝐹1subscript𝐶1\Theta_{1}=\bar{A}_{0}+F_{1}+C_{1}(Y,C1)𝑌subscript𝐶1(Y,C_{1}) est klt et C1subscript𝐶1C_{1} ne contient pas F1subscript𝐹1F_{1} dans son support515151 On conseille au lecteur l’exercice suivant : soit π:S~S:𝜋~𝑆𝑆\pi:\tilde{S}\to S l’éclatement de deux points infiniment voisins dans une surface lisse S𝑆S. On note E1subscript𝐸1E_{1} et E2subscript𝐸2E_{2} les deux courbes exceptionnelles, p𝑝p le point de S𝑆S tel que π1(p)=E1E2superscript𝜋1𝑝subscript𝐸1subscript𝐸2\pi^{-1}(p)=E_{1}\cup E_{2}. Soient Cmsubscript𝐶𝑚C_{m} une courbe possédant une singularité nodale d’ordre m𝑚m en p𝑝p, Δ=0Δ0\Delta=0 sur S𝑆S. Alors, π𝜋\pi est une log-résolution de ΔΔ\Delta telle que π1(p)Cmsuperscript𝜋1𝑝superscriptsubscript𝐶𝑚\pi^{-1}(p)\cup C_{m}^{\prime} est à croisements normaux simples et on a Nklt(S~,Θ2)=E1E2Nklt~𝑆subscriptΘ2subscript𝐸1subscript𝐸2{\rm Nklt}(\tilde{S},\Theta_{2})=E_{1}\cup E_{2} et Nklt(S~,Θ1)=E1Nklt~𝑆subscriptΘ1subscript𝐸1{\rm Nklt}(\tilde{S},\Theta_{1})=E_{1}Θ1=(2/m)Cm+E1subscriptΘ12𝑚superscriptsubscript𝐶𝑚subscript𝐸1\Theta_{1}=(2/m)C_{m}^{\prime}+E_{1}, Θ2=(3/m)Cm+2E1+E2subscriptΘ23𝑚superscriptsubscript𝐶𝑚2subscript𝐸1subscript𝐸2\Theta_{2}=(3/m)C_{m}^{\prime}+2E_{1}+E_{2} et KS~+Θiπ0subscriptsimilar-to𝜋subscript𝐾~𝑆subscriptΘ𝑖0K_{\tilde{S}}+\Theta_{i}\sim_{\pi}0..

Démonstration.

Etape 1. Construction d’un diviseur Θ0subscriptΘ0\Theta_{0} auxiliaire.

On écrit la décomposition :

KY+Θ=g(KX+Δ)+EEsubscript𝐾𝑌Θsuperscript𝑔subscript𝐾𝑋Δ𝐸similar-to𝐸K_{Y}+\Theta=g^{*}(K_{X}+\Delta)+E\sim E

ΘΘ\Theta et E𝐸E sont effectifs, sans composante commune, E𝐸E est g𝑔g-exceptionnel et gΘ=Δsubscript𝑔ΘΔg_{*}\Theta=\Delta. Comme les composantes irréductibles Fjsubscript𝐹𝑗F_{j} de F=π1(s)𝐹superscript𝜋1𝑠F=\pi^{-1}(s) peuvent être g𝑔g-exceptionnelles, on écrit E=jejFj+E¯𝐸subscript𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝐹𝑗¯𝐸E=\sum_{j}e_{j}F_{j}+\bar{E} où les ejsubscript𝑒𝑗e_{j} sont 0absent0\geq 0 et le support de E¯¯𝐸\bar{E} ne contient pas de Fjsubscript𝐹𝑗F_{j}.

Evidemment, (Y,Θ)𝑌Θ(Y,\Theta) est klt, ΘΔ=gA+BΘsuperscriptΔsuperscript𝑔𝐴superscript𝐵\Theta\geq\Delta^{\prime}=g^{*}A+B^{\prime} (comme toujours, un désigne la transformée stricte) car on a supposé que A𝐴A est suffisamment général. Finalement, Θ=gA+CΘsuperscript𝑔𝐴𝐶\Theta=g^{*}A+CC𝐶C est effectif et (Y,C)𝑌𝐶(Y,C) est klt. On note au passage que le support de C+Exc(g)𝐶Exc𝑔C+\textup{Exc}(g) est à croisements normaux simples. Soit N𝑁N un \mathbb{Q}-diviseur effectif et g𝑔g-exceptionnel tel que gANsuperscript𝑔𝐴𝑁g^{*}A-N soit ample. On remarque que pour tout 0<ε10𝜀10<\varepsilon\leq 1, gAεN=(1ε)gA+ε(gAN)superscript𝑔𝐴𝜀𝑁1𝜀superscript𝑔𝐴𝜀superscript𝑔𝐴𝑁g^{*}A-\varepsilon N=(1-\varepsilon)g^{*}A+\varepsilon(g^{*}A-N) est encore ample. On vérifie facilement que pour 0<ε010subscript𝜀010<\varepsilon_{0}\leq 1 convenable, la paire (Y,C+ε0N)𝑌𝐶subscript𝜀0𝑁(Y,C+\varepsilon_{0}N) est klt. On choisit A0gAε0Nsimilar-tosubscript𝐴0superscript𝑔𝐴subscript𝜀0𝑁A_{0}\sim g^{*}A-\varepsilon_{0}N suffisamment général et on pose B0=C+εNsubscript𝐵0𝐶𝜀𝑁B_{0}=C+\varepsilon N et Θ0=A0+B0subscriptΘ0subscript𝐴0subscript𝐵0\Theta_{0}=A_{0}+B_{0} ; (Y,Θ0)𝑌subscriptΘ0(Y,\Theta_{0}) et (Y,B0)𝑌subscript𝐵0(Y,B_{0}) sont des paires klt et les supports de Θ0subscriptΘ0\Theta_{0} et B0subscript𝐵0B_{0} sont à croisements normaux simples. On peut également supposer ici que B0subscript𝐵0B_{0} et E𝐸E n’ont pas de composante commune, quitte à remplacer B0subscript𝐵0B_{0}, Θ0subscriptΘ0\Theta_{0} et E𝐸E par les diviseurs obtenus en simplifiant les composantes communes.

Etape 2. Numérotation des composantes.

Soit l𝑙l un entier, soient G1,G2,,Glsubscript𝐺1subscript𝐺2subscript𝐺𝑙G_{1},G_{2},\dots,G_{l} des diviseurs amples généraux sur S𝑆S passant par s𝑠s et soit G=G1++Gl𝐺subscript𝐺1subscript𝐺𝑙G=G_{1}+\cdots+G_{l}. Ecrivons πG=gjFj+G¯superscript𝜋𝐺subscript𝑔𝑗subscript𝐹𝑗¯𝐺\pi^{*}G=\sum g_{j}F_{j}+\bar{G}G¯¯𝐺\bar{G} ne contient pas de Fjsubscript𝐹𝑗F_{j} dans son support. Si t0subscript𝑡0t_{0} est un rationnel >0absent0>0 et suffisamment petit indépendamment de l𝑙l, alors la paire (Y,t0G¯)𝑌subscript𝑡0¯𝐺(Y,t_{0}\bar{G}) est klt. Choisissons maintenant l𝑙l de sorte que t0gjej>1subscript𝑡0subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗1t_{0}g_{j}-e_{j}>1 pour tout j𝑗j compris entre 111 et k𝑘k.

Ecrivons pour 0<tt00𝑡subscript𝑡00<t\leq t_{0} :

KY+Θ0+tπGjejFj=KY+A0+B0+j(tgjej)Fj+tG¯.subscript𝐾𝑌subscriptΘ0𝑡superscript𝜋𝐺subscript𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝐹𝑗subscript𝐾𝑌subscript𝐴0subscript𝐵0subscript𝑗𝑡subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝐹𝑗𝑡¯𝐺K_{Y}+\Theta_{0}+t\pi^{*}G-\sum_{j}e_{j}F_{j}=K_{Y}+A_{0}+B_{0}+\sum_{j}(tg_{j}-e_{j})F_{j}+t\bar{G}.

Choisissons des rationnels ε1,,εksubscript𝜀1subscript𝜀𝑘\varepsilon_{1},\ldots,\varepsilon_{k} strictements positifs de sorte que A0+jεjFjsubscript𝐴0subscript𝑗subscript𝜀𝑗subscript𝐹𝑗A_{0}+\sum_{j}\varepsilon_{j}F_{j} soit ample et de sorte que les rationnels 1+εj+ejgj1subscript𝜀𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝑔𝑗\dfrac{1+\varepsilon_{j}+e_{j}}{g_{j}} soient deux à deux distincts et <t0absentsubscript𝑡0<t_{0}. On renumérote alors les composantes afin que

1+ε1+e1g1<1+ε2+e2g2<<1+εk+ekgk1subscript𝜀1subscript𝑒1subscript𝑔11subscript𝜀2subscript𝑒2subscript𝑔21subscript𝜀𝑘subscript𝑒𝑘subscript𝑔𝑘\dfrac{1+\varepsilon_{1}+e_{1}}{g_{1}}<\dfrac{1+\varepsilon_{2}+e_{2}}{g_{2}}<\cdots<\dfrac{1+\varepsilon_{k}+e_{k}}{g_{k}}

et on pose ti=1+εi+eigisubscript𝑡𝑖1subscript𝜀𝑖subscript𝑒𝑖subscript𝑔𝑖t_{i}=\dfrac{1+\varepsilon_{i}+e_{i}}{g_{i}}.

Etape 3. Construction des ΘisubscriptΘ𝑖\Theta_{i}.

L’identité ci-dessus se ré-écrit alors

KY+Θ0+tiπGjejFj=KY+(A0+j=1kεjFj)+B0+j=1k(tigjejεj)Fj+tiG¯.subscript𝐾𝑌subscriptΘ0subscript𝑡𝑖superscript𝜋𝐺subscript𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝐹𝑗subscript𝐾𝑌subscript𝐴0superscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝜀𝑗subscript𝐹𝑗subscript𝐵0superscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝑡𝑖subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝜀𝑗subscript𝐹𝑗subscript𝑡𝑖¯𝐺K_{Y}+\Theta_{0}+t_{i}\pi^{*}G-\sum_{j}e_{j}F_{j}=K_{Y}+(A_{0}+\sum_{j=1}^{k}\varepsilon_{j}F_{j})+B_{0}+\sum_{j=1}^{k}(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j})F_{j}+t_{i}\bar{G}.

Soit alors, comme dans la preuve du lemme 64, un \mathbb{Q}-diviseur A¯0subscript¯𝐴0\bar{A}_{0} général et linéairement équivalent à A0+j=1kεjFjsubscript𝐴0superscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝜀𝑗subscript𝐹𝑗A_{0}+\sum_{j=1}^{k}\varepsilon_{j}F_{j}. On pose alors

Θi=A¯0+B0+j=1kmax(tigjejεj,0)Fj+tiG¯ et Bi=B0+j=1kmax(tigjejεj,0)Fj+tiG¯.subscriptΘ𝑖subscript¯𝐴0subscript𝐵0superscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝑡𝑖subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝜀𝑗0subscript𝐹𝑗subscript𝑡𝑖¯𝐺 et subscript𝐵𝑖subscript𝐵0superscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝑡𝑖subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝜀𝑗0subscript𝐹𝑗subscript𝑡𝑖¯𝐺\Theta_{i}=\bar{A}_{0}+B_{0}+\sum_{j=1}^{k}\max(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j},0)F_{j}+t_{i}\bar{G}\;\mbox{ et }\,B_{i}=B_{0}+\sum_{j=1}^{k}\max(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j},0)F_{j}+t_{i}\bar{G}.

Par construction, on a

KY+ΘiKY+Θj=1kejFj+j=1k(max(tigjejεj,0)(tigjejεj))Fjsimilar-tosubscript𝐾𝑌subscriptΘ𝑖subscript𝐾𝑌Θsuperscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝑒𝑗subscript𝐹𝑗superscriptsubscript𝑗1𝑘subscript𝑡𝑖subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝜀𝑗0subscript𝑡𝑖subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝜀𝑗subscript𝐹𝑗K_{Y}+\Theta_{i}\sim K_{Y}+\Theta-\sum_{j=1}^{k}e_{j}F_{j}+\sum_{j=1}^{k}\big{(}\max(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j},0)-(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j})\big{)}F_{j}

d’où

KY+ΘiE¯+j=1k(max(tigjejεj,0)(tigjejεj))Fj=:E¯i.K_{Y}+\Theta_{i}\sim\bar{E}+\sum_{j=1}^{k}\big{(}\max(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j},0)-(t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j})\big{)}F_{j}=:\bar{E}_{i}.

La paire (Y,Θi)𝑌subscriptΘ𝑖(Y,\Theta_{i}) convient : en effet, si tigjejεj<0subscript𝑡𝑖subscript𝑔𝑗subscript𝑒𝑗subscript𝜀𝑗0t_{i}g_{j}-e_{j}-\varepsilon_{j}<0 alors ej>0subscript𝑒𝑗0e_{j}>0 donc Fjsubscript𝐹𝑗F_{j} est g𝑔g-exceptionnelle.   

7.7. Deuxième étape de la preuve du théorème 60 : extension de sections

Si ΓΓ\Gamma est un \mathbb{Q}-diviseur effectif, on note {Γ}Γ\{\Gamma\} sa partie fractionnaire.

Proposition 72.

Avec les notations précédentes, pour tout 1ik1𝑖𝑘1\leq i\leq k

κ(Fi,KFi+{Θi}|Fi)0.\kappa(F_{i},K_{F_{i}}+\{\Theta_{i}\}_{|F_{i}})\leq 0.

La preuve de cette proposition repose sur un théorème d’extension de sections dû à Hacon et McsuperscriptMc{\rm M^{c}}Kernan ([HM06], Corollary 3.17). Il est l’aboutissement d’une série de travaux initiés par Siu, Tsuji et Takayama.

Théorème 73.

(Hacon et 𝐌𝐜superscript𝐌𝐜{\rm\bf M^{c}}Kernan) Soient π:YS:𝜋𝑌𝑆\pi~{}:Y\to S un morphisme projectif avec S𝑆S affine, Y𝑌Y lisse de dimension d𝑑d. Soit H𝐻H un diviseur ample sur Y𝑌Y. Soient V𝑉V une hypersurface lisse de Y𝑌Y et ΓΓ\Gamma un \mathbb{Q}-diviseur effectif dont le support est à croisements normaux simples tel que Γ={Γ}+VΓΓ𝑉\Gamma=\{\Gamma\}+V. Soit enfin C𝐶C un \mathbb{Q}-diviseur effectif dont le support ne contient pas V𝑉V. On suppose

  1. (1)

    que KV+(ΓV)|VK_{V}+(\Gamma-V)_{|V} est pseudo-effectif

  2. (2)

    et qu’il existe un \mathbb{Q}-diviseur effectif GKY+Γ+Csimilar-to𝐺subscript𝐾𝑌Γ𝐶G\sim K_{Y}+\Gamma+C ne contenant aucune intersection (non vide) de composantes de ΓΓ\Gamma.

Alors, il existe un entier k1𝑘1k\geq 1 tel que pour tout m1𝑚1m\geq 1, l’image de l’application naturelle

H0(Y,mk(KY+Γ+C)+k(d+1)H)H0(V,mk(KY+Γ+C)|V+k(d+1)H|V)H^{0}(Y,mk(K_{Y}+\Gamma+C)+k(d+1)H)\to H^{0}(V,mk(K_{Y}+\Gamma+C)_{|V}+k(d+1)H_{|V})

contient H0(V,mk(KY+Γ)|V+kH|V)H^{0}(V,mk(K_{Y}+\Gamma)_{|V}+kH_{|V}) où l’inclusion

H0(V,mk(KY+Γ)|V+kH|V)H0(V,mk(KY+Γ+C)|V+k(d+1)H|V)H^{0}(V,mk(K_{Y}+\Gamma)_{|V}+kH_{|V})\subset H^{0}(V,mk(K_{Y}+\Gamma+C)_{|V}+k(d+1)H_{|V})

est induite par le diviseur kmC|V+kdH|VkmC_{|V}+kdH_{|V}.

Montrons comment on utilise ce résultat pour démontrer la proposition 72.

Démonstration de la proposition 72. On le fait pour la “première composante”, à savoir F1subscript𝐹1F_{1}. On applique le résultat ci-dessus à V=F1𝑉subscript𝐹1V=F_{1}, Γ=Θ1=A¯0+C1+F1ΓsubscriptΘ1subscript¯𝐴0subscript𝐶1subscript𝐹1\Gamma=\Theta_{1}=\bar{A}_{0}+C_{1}+F_{1} et C=0𝐶0C=0. On peut toujours supposer qu’un multiple entier non nul de KV+(ΓV)|VK_{V}+(\Gamma-V)_{|V} est effectif (et donc certainement pseudo-effectif) sinon il n’y a rien à démontrer. La condition (1) est donc satisfaite.

De même, KY+Θ1E¯1similar-tosubscript𝐾𝑌subscriptΘ1subscript¯𝐸1K_{Y}+\Theta_{1}\sim\bar{E}_{1}, donc le lieu base de KY+Θ1subscript𝐾𝑌subscriptΘ1K_{Y}+\Theta_{1} est contenu dans E¯1subscript¯𝐸1\bar{E}_{1} (rappelons que S𝑆S est affine donc ce qui vient de S𝑆S peut être supposé sans point base). Or π1(s)+Exc(g)+Δsuperscript𝜋1𝑠Exc𝑔superscriptΔ\pi^{-1}(s)+{\rm Exc}(g)+\Delta^{\prime} est un diviseur à croisements normaux simples et Θ1subscriptΘ1\Theta_{1} et E¯1subscript¯𝐸1\bar{E}_{1} n’ont pas de composantes communes, une intersection de composantes de Θ1subscriptΘ1\Theta_{1} ne peut donc pas être incluse dans E¯1subscript¯𝐸1\bar{E}_{1} : la condition (2) est ainsi aussi satisfaite.

Le théorème précédent affirme alors qu’il existe un entier k1𝑘1k\geq 1 tel que pour tout m1𝑚1m\geq 1, l’image de l’application naturelle

H0(Y,mk(KY+Θ1)+k(d+1)H)H0(F1,mk(KF1+{Θ1}|F1)+k(d+1)H|F1)H^{0}(Y,mk(K_{Y}+\Theta_{1})+k(d+1)H)\to H^{0}(F_{1},mk(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})+k(d+1)H_{|F_{1}})

contient H0(F1,mk(KF1+{Θ1}|F1)+kH|F1)H^{0}(F_{1},mk(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})+kH_{|F_{1}}) où l’inclusion

H0(F1,mk(KF1+{Θ1}|F1)+kH|F1)H0(F1,mk(KF1+{Θ1}|F1)+k(d+1)H|F1)H^{0}(F_{1},mk(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})+kH_{|F_{1}})\subset H^{0}(F_{1},mk(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})+k(d+1)H_{|F_{1}})

est induite par le diviseur kdH|F1kdH_{|F_{1}} et où H𝐻H est un diviseur ample sur Y𝑌Y et d𝑑d est la dimension de Y𝑌Y.

On en déduit que

dimH0(F1,m(KF1+{Θ1}|F1))\displaystyle\dim H^{0}(F_{1},m(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})) dimH0(F1,mk(KF1+{Θ1}|F1)+kH|F1)\displaystyle\leq\dim H^{0}(F_{1},mk(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})+kH_{|F_{1}})
rg(π𝒪Y(mk(KY+Θ1)+k(d+1)H))sabsentrgsubscriptsubscript𝜋subscript𝒪𝑌𝑚𝑘subscript𝐾𝑌subscriptΘ1𝑘𝑑1𝐻𝑠\displaystyle\leq{\rm rg}(\pi_{*}\mathcal{O}_{Y}(mk(K_{Y}+\Theta_{1})+k(d+1)H))_{s}
=rg(π𝒪Y(mk(E¯1)+k(d+1)H))s.absentrgsubscriptsubscript𝜋subscript𝒪𝑌𝑚𝑘subscript¯𝐸1𝑘𝑑1𝐻𝑠\displaystyle={\rm rg}(\pi_{*}\mathcal{O}_{Y}(mk(\bar{E}_{1})+k(d+1)H))_{s}.

Soit D𝐷D un diviseur sur X𝑋X tel que gDk(d+1)Hsuperscript𝑔𝐷𝑘𝑑1𝐻g^{*}D-k(d+1)H soit effectif. On a finalement

rg(π𝒪Y(mk(E¯1)+k(d+1)H))srgsubscriptsubscript𝜋subscript𝒪𝑌𝑚𝑘subscript¯𝐸1𝑘𝑑1𝐻𝑠\displaystyle{\rm rg}(\pi_{*}\mathcal{O}_{Y}(mk(\bar{E}_{1})+k(d+1)H))_{s} rg(π𝒪Y(mk(E¯1)+gD))sabsentrgsubscriptsubscript𝜋subscript𝒪𝑌𝑚𝑘subscript¯𝐸1superscript𝑔𝐷𝑠\displaystyle\leq{\rm rg}(\pi_{*}\mathcal{O}_{Y}(mk(\bar{E}_{1})+g^{*}D))_{s}
=rg(f(g𝒪Y(mkE¯1+gD)))sabsentrgsubscriptsubscript𝑓subscript𝑔subscript𝒪𝑌𝑚𝑘subscript¯𝐸1superscript𝑔𝐷𝑠\displaystyle={\rm rg}(f_{*}(g_{*}\mathcal{O}_{Y}(mk\bar{E}_{1}+g^{*}D)))_{s}
=rg(f𝒪X(D))sabsentrgsubscriptsubscript𝑓subscript𝒪𝑋𝐷𝑠\displaystyle={\rm rg}(f_{*}\mathcal{O}_{X}(D))_{s}

puisque g𝒪Y(mE¯1)=𝒪Xsubscript𝑔subscript𝒪𝑌𝑚subscript¯𝐸1subscript𝒪𝑋g_{*}\mathcal{O}_{Y}(m\bar{E}_{1})=\mathcal{O}_{X}. On a bien κ(F1,KF1+{Θ1}|F1)0.\kappa(F_{1},K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})\leq 0.

Pour la composante Fisubscript𝐹𝑖F_{i}, il s’agit du même raisonnement avec V:=Fiassign𝑉subscript𝐹𝑖V:=F_{i}, Γ:={Θi}+FiassignΓsubscriptΘ𝑖subscript𝐹𝑖\Gamma:=\{\Theta_{i}\}+F_{i} et C=ΘiΓ𝐶subscriptΘ𝑖ΓC=\Theta_{i}-\Gamma.  

7.8. Dernière étape de la preuve du théorème 60

Les notations et la situation sont celles de l’étape précédente. La proposition suivante termine la preuve du théorème 60.

Proposition 74.
  1. (1)

    La composante F1subscript𝐹1F_{1} est rationnellement connexe,

  2. (2)

    pour tout i2𝑖2i\geq 2, Fisubscript𝐹𝑖F_{i} est rationnellement connexe par chaînes modulo

    FiNklt(Y,Θi1)=Fi(F1Fi1),subscript𝐹𝑖Nklt𝑌subscriptΘ𝑖1subscript𝐹𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{i}\cap{\rm Nklt}(Y,\Theta_{i-1})=F_{i}\cap(F_{1}\cup\ldots\cup F_{i-1}),

    ce qui signifie que pour tout xFi𝑥subscript𝐹𝑖x\in F_{i}, il existe une chaîne de courbes rationnelles joignant x𝑥x à un point de Fi(F1Fi1)subscript𝐹𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{i}\cap(F_{1}\cup\ldots\cup F_{i-1}).

Démonstration. On commence par démontrer le premier point. Comme F1subscript𝐹1F_{1} est lisse, il suffit de montrer que F1subscript𝐹1F_{1} est rationnellement connexe par chaînes (corollaire 39), autrement dit que son quotient rationnel R:=R(F1)assign𝑅𝑅subscript𝐹1R:=R(F_{1}) est réduit à un point.

Soit donc t:F1R:𝑡subscript𝐹1𝑅t:F_{1}\dashrightarrow R le quotient rationnel de F1subscript𝐹1F_{1}. On peut supposer que R𝑅R est lisse. La paire klt (F1,{Θ1}|F1)(F_{1},\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}}) va jouer un rôle clé. Rappelons la liste de ses propriétés :

  1. (1)

    la dimension de Kodaira de KF1+{Θ1}|F1K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}} vaut 00 ou -\infty : ceci découle immédiatement de la proposition 72,

  2. (2)

    {Θ1}|F1=(A¯0)|F1+(C1)|F1\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}}=(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}+(C_{1})_{|F_{1}}A¯0subscript¯𝐴0\bar{A}_{0} est ample sur Y𝑌Y, la paire (F1,(C1)|F1)(F_{1},(C_{1})_{|F_{1}}) est klt et

    KF1+{Θ1}|F1(E¯1)|F1K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}}\sim(\bar{E}_{1})_{|F_{1}}

    est effectif.

  3. (3)

    soient φ:F~1F1:𝜑subscript~𝐹1subscript𝐹1\varphi~{}:\tilde{F}_{1}\to F_{1} une suite d’éclatements qui lève les indéterminations de t𝑡t et

    t~=tφ:F~1R:~𝑡𝑡𝜑subscript~𝐹1𝑅\tilde{t}=t\circ\varphi:\tilde{F}_{1}\to R

    le morphisme composé. Alors la dimension de Kodaira de la restriction de

    φ(KF1+{Θ1}|F1)\varphi^{*}(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})

    à la fibre générale de t~~𝑡\tilde{t} est 0absent0\geq 0 (car supérieure ou égale à la dimension de Kodaira de la restriction de φ(E¯1)|F1\varphi^{*}(\bar{E}_{1})_{|F_{1}} à la fibre générale de t~~𝑡\tilde{t} !).

On utilise alors à nouveau le théorème de positivité d’images directes de Campana. Soient donc, comme ci-dessus, φ:F~1F1:𝜑subscript~𝐹1subscript𝐹1\varphi~{}:\tilde{F}_{1}\to F_{1} une suite d’éclatements qui lève les indéterminations de t𝑡t et t~=tφ:F~1R:~𝑡𝑡𝜑subscript~𝐹1𝑅\tilde{t}=t\circ\varphi:\tilde{F}_{1}\to R le morphisme composé. On écrit comme d’habitude la décomposition

KF~1+Ω=φ(KF1+{Θ1}|F1)+DK_{\tilde{F}_{1}}+\Omega=\varphi^{*}(K_{F_{1}}+\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}})+D

ΩΩ\Omega et D𝐷D sont effectifs sans composantes communes, φ(Ω)={Θ1}|F1\varphi_{*}(\Omega)=\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}} et D𝐷D est φ𝜑\varphi-exceptionnel. Les propriétés précédemment listées pour (F1,{Θ1}|F1)(F_{1},\{\Theta_{1}\}_{|F_{1}}) se propagent à (F~1,Ω)subscript~𝐹1Ω(\tilde{F}_{1},\Omega) :

  1. (1)

    la dimension de Kodaira de KF~1+Ωsubscript𝐾subscript~𝐹1ΩK_{\tilde{F}_{1}}+\Omega vaut 00 ou -\infty,

  2. (2)

    la dimension de Kodaira de la restriction de KF~1+Ωsubscript𝐾subscript~𝐹1ΩK_{\tilde{F}_{1}}+\Omega à la fibre générale de t~~𝑡\tilde{t} est 0absent0\geq 0,

  3. (3)

    Ω=φ(A¯0)|F1+B¯\Omega=\varphi^{*}(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}+\bar{B}(F~1,B¯)subscript~𝐹1¯𝐵(\tilde{F}_{1},\bar{B}) est klt.

D’après le lemme 70, il existe un diviseur H𝐻H ample sur R𝑅R tel que φ(A¯0)|F12t~H+Γ\varphi^{*}(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}\sim 2\tilde{t}^{*}H+\GammaΓΓ\Gamma est un diviseur effectif sur F~1subscript~𝐹1\tilde{F}_{1} et la paire (F~1,B¯+Γ)subscript~𝐹1¯𝐵Γ(\tilde{F}_{1},\bar{B}+\Gamma) est klt.

La paire B¯+Γ¯𝐵Γ\bar{B}+\Gamma est klt et

KF~1/R+B¯+ΓKF~1t~KR+Ωφ(A¯0)|F1+φ(A¯0)|F12t~HK_{\tilde{F}_{1}/R}+\bar{B}+\Gamma\sim K_{\tilde{F}_{1}}-\tilde{t}^{*}K_{R}+\Omega-\varphi^{*}(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}+\varphi^{*}(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}-2\tilde{t}^{*}H

donc

(KF~1/R+B¯+Γ)|t~1(u)(KF~1+Ω)|t~1(u)(K_{\tilde{F}_{1}/R}+\bar{B}+\Gamma)_{|\tilde{t}^{-1}(u)}\sim(K_{\tilde{F}_{1}}+\Omega)_{|\tilde{t}^{-1}(u)}

est de dimension de Kodaira 0absent0\geq 0.

Comme φ(A¯0)|F12t~H+Γ\varphi^{*}(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}\sim 2\tilde{t}^{*}H+\Gamma et Ω=φ(A¯0)|F1+B¯\Omega=\varphi^{*}(\bar{A}_{0})_{|F_{1}}+\bar{B}, on en déduit alors que

0=κ(F~1,KF~1+Ω)0𝜅subscript~𝐹1subscript𝐾subscript~𝐹1Ω\displaystyle 0=\kappa(\tilde{F}_{1},K_{\tilde{F}_{1}}+\Omega) =κ(F~1,KF~1+B¯+Γ+2t~H)absent𝜅subscript~𝐹1subscript𝐾subscript~𝐹1¯𝐵Γ2superscript~𝑡𝐻\displaystyle=\kappa(\tilde{F}_{1},K_{\tilde{F}_{1}}+\bar{B}+\Gamma+2\tilde{t}^{*}H)
κ(R,KR+H).absent𝜅𝑅subscript𝐾𝑅𝐻\displaystyle\geq\kappa(R,K_{R}+H).

Or R𝑅R n’est pas uniréglé (théorème 50), le théorème 19 affirme donc que KRsubscript𝐾𝑅K_{R} est pseudo-effectif, et par suite que

κ(R,KR+H)=dimR.𝜅𝑅subscript𝐾𝑅𝐻dimension𝑅\kappa(R,K_{R}+H)=\dim R.

Contradiction sauf si R𝑅R est un point ! C’est magnifique et ça termine la preuve du premier point.

Pour montrer que Fisubscript𝐹𝑖F_{i} est rationnellement connexe par chaînes modulo

FiNklt(Y,Θi1)=Fi(F1Fi1),subscript𝐹𝑖Nklt𝑌subscriptΘ𝑖1subscript𝐹𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{i}\cap{\rm Nklt}(Y,\Theta_{i-1})=F_{i}\cap(F_{1}\cup\ldots\cup F_{i-1}),

il suffit d’observer que si t:FiR(Fi):𝑡subscript𝐹𝑖𝑅subscript𝐹𝑖t~{}:F_{i}\dashrightarrow R(F_{i}) est le quotient rationnel de Fisubscript𝐹𝑖F_{i}, alors soit

FiNklt(Y,Θi1)=Fi(F1Fi1)subscript𝐹𝑖Nklt𝑌subscriptΘ𝑖1subscript𝐹𝑖subscript𝐹1subscript𝐹𝑖1F_{i}\cap{\rm Nklt}(Y,\Theta_{i-1})=F_{i}\cap(F_{1}\cup\ldots\cup F_{i-1})

domine R(Fi)𝑅subscript𝐹𝑖R(F_{i}), soit le même raisonnement que précédemment montre que R(Fi)𝑅subscript𝐹𝑖R(F_{i}) est réduit à un point.  

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