Variétés rationnellement connexes sur un corps algébriquement clos
Résumé. Ce sont les notes d’un mini-cours sur les variétés rationnellement connexes, écrit pour les Etats de la Recherche de la Société Mathématique de France (Strasbourg, 2008)111 Je remercie tous les participants pour leurs commentaires qui ont permis d’améliorer grandement ce texte par rapport à la version distribuée le jour de la conférence. Stéphane Druel à Grenoble m’a apporté une aide inestimable lors de la préparation de ce cours.222 Institut Fourier, UFR de Mathématiques, Université de Grenoble 1, UMR 5582, BP 74, 38402 Saint Martin d’Hères, FRANCE. e-mail : laurent.bonavero@ujf-grenoble.fr. On met l’accent sur les aspects géométriques. Ces notes sont aussi une invitation à lire le livre d’Olivier Debarre [Deb01], dont une grande partie de ce cours est extraite. Ces notes doivent surtout permettre au lecteur de comprendre l’énoncé suivant et l’un de ses fameux corollaires [GHS03].
Théorème 1.
(Graber, Harris et Starr) Sur un corps algébriquement clos, soient une variété projective lisse et un morphisme surjectif sur une courbe projective lisse . Si la fibre générale de est séparablement rationnellement connexe, alors possède une section.
Corollaire 2.
(Graber, Harris et Starr) Sur un corps algébriquement clos de caractéristique zéro, soit un morphisme dominant entre deux variétés projectives. Si et la fibre générale de sont rationnellement connexes, alors est rationnellement connexe.
Les preuves de ces deux résultats sont données dans le cours de Jason Starr, le matériel préliminaire nécessaire est présenté en détail dans ces notes. Ce cours est rédigé dans l’espoir de s’adresser à un public large, à l’exception peut-être du §7, où nous donnons les détails de la preuve de la conjecture de connexité rationnelle de Shokurov par Hacon et Kernan, plus technique et où les prérequis sont un peu plus importants.
COURS 1
Ce premier cours est un survol sur l’importance et la présence des courbes rationnelles en géométrie algébrique. On traite le cas particulier des hypersurfaces de l’espace projectif et on discute le lien entre courbes rationnelles et géométrie birationnelle classique (éclatements, lieux exceptionnel et d’indétermination) ou moderne (théorie de Mori). On introduit enfin la notion de connexité rationnelle et des notions qui lui sont reliées.
Introduction
Sauf mention explicite du contraire, toutes les variétés algébriques et les morphismes considérés sont définis sur un corps algébriquement clos de caractéristique arbitraire, les variétés sont irréductibles et réduites. Certains énoncés ne sont valables qu’en caractéristique (ceux dont la preuve nécessite le théorème de lissité générique ou ceux pour lesquels il faut utiliser une résolution des singularités) ou sur un corps non dénombrable (ceux pour lesquels il est important de savoir qu’une variété n’est pas réunion dénombrable de sous-variétés propres), on le mentionnera explicitement.
Une courbe est une variété projective intègre (irréductible et réduite) de dimension .
Si est une variété (quasi-) projective, on dira qu’un point est en position générale, ou plus simplement général, s’il appartient à un ouvert non vide (non spécifié) de , qu’il est en position très générale, ou plus simplement très général, s’il appartient au complémentaire d’une réunion dénombrable de fermés stricts de . Cette dernière notion n’est que très peu pertinente sur un corps dénombrable où le complémentaire d’une réunion dénombrable de fermés stricts de peut être vide.
1. Quelques exemples de variétés possédant des courbes rationnelles.
1.1. Généralités
Il y a trois grandes classes de courbes projectives lisses : la droite projective (dont la topologie complexe est celle d’une sphère), les courbes elliptiques (dont la topologie complexe est celle d’un tore), les courbes de genre (dont la topologie complexe est celle d’une bouée multi-places). Il y a énormément d’invariants ou outils permettant de distinguer ces trois classes, celui qui nous sera le plus utile sera le signe du fibré canonique : si est une variété projective lisse de dimension , on note classiquement 333 On ne distinguera pas entre notation additive et multiplicative pour le groupe de Picard. Ici, est le dual du fibré .. C’est le fibré en droites dont les sections locales sont les -formes régulières . Pour une courbe lisse , on a et les propriétés suivantes sont satisfaites : est ample, est trivial si est une courbe elliptique et est ample si est de genre .
Le problème suivant est un problème classique en géométrie algébrique : si est une variété projective, existe-t-il une courbe dans de degré donné et de genre donné ? Si oui, en existe-t-il beaucoup et que peut-on dire du lieu dans couvert par ces courbes ? Une situation élémentaire où l’on peut énoncer une réponse complète est le cas des courbes planes : si est une courbe lisse plane de genre et de degré , alors . Si est une courbe de degré (ceci signifie que intersecte une droite générale de en points), alors le genre de sa désingularisée vérifie . En particulier, si est isomorphe à , alors est une droite ou une conique dans et si est un morphisme dont l’image est de degré , alors est nécessairement singulière.
Définition 3.
Soit une variété projective. Une courbe rationnelle sur est un morphisme non constant444 Il pourra arriver que par abus de langage (ou par inattention), on parle aussi de courbes rationnelles pour désigner l’image d’un morphisme non constant .. Le degré d’une courbe rationnelle est le degré du morphisme .
Le lecteur débutant doit commencer par se convaincre qu’il n’y a pas de morphisme non constant si est une courbe de genre .555 Dans sa thèse [Laz84], R. Lazarsfeld montre le très joli résultat suivant : si est une variété projective complexe lisse de dimension et si est un morphisme surjectif, alors . La preuve utilise de façon essentielle la géométrie des courbes rationnelles de . Hwang et Mok ont depuis étendu ce résultat à de nombreuses variétés de Fano avec nombre de Picard égal à .
1.2. Courbes rationnelles contenues dans les hypersurfaces de
Les courbes rationnelles les plus simples dans l’espace projectif sont les droites. On se demande ici si une hypersurface (générale) de degré dans contient (au moins) une droite.
La variété des droites dans (où est un espace vectoriel de dimension 666Dans tout ce cours, nous suivons la convention naïve : désigne la variété des droites vectorielles de .) est la grassmannienne de dimension . Il y a sur un sous-fibré tautologique de rang du fibré trivial (la fibre de au dessus de est le sous-espace vectoriel de de dimension défini par la droite ). Une hypersurface de degré dans est donnée par son équation, à savoir un polynôme homogène de degré , autrement dit un élément de . L’hypersurface contient la droite si et seulement si est nul. La sous-variété de des droites contenues dans est donc le lieu des zéros de vue comme section du fibré sur . Il est alors bien connu (en caractéristique zéro seulement) que pour générale, si cette quantité est positive ou nulle, et que est vide sinon. Comme , on en déduit l’énoncé suivant.
Proposition 4.
En caractéristique nulle777Cet énoncé est en fait encore vrai en caractéristique positive., une hypersurface générale de degré dans contient une infinité de droites si , un nombre fini de droites si et ne contient pas de droites si .
Le lecteur intéressé consultera [DM98] pour en savoir beaucoup plus sur la variété des -plans contenus dans une intersection complète. Il y trouvera aussi des valeurs numériques du nombre de droites contenues dans une hypersurface générale de degré dans , dont le célèbre et classique : il y a droites sur une cubique lisse de .
Dans le cas où , il est possible de préciser un peu le lieu de couvert par les droites contenues dans . Soit en effet la variété d’incidence suivante :
Les fibres de la deuxième projection étant de dimension , on a . Soit l’image de dans par la première projection : c’est le lieu de couvert par les droites contenues dans . Si , on déduit de ce qui précède que est une sous-variété stricte de , on montre aussi aisément888Si est un polynôme homogène de degré définissant et si , alors la droite passant par et un point est contenue dans si et seulement si pour tout . Comme est un polynôme en de degré , ce polynôme est nul si et seulement si ses coefficients sont nuls, ce qui consiste à résoudre équations homogènes de degrés respectifs en les variables . Il y a au moins une solution si . Dans le cas , on remarque qu’il y en a , autrement dit par un point général de passent droites. Cette observation élémentaire a inspiré un très joli résultat dû à J.M. Landsberg [Lan03]. que si , alors , autrement dit est couverte par des droites. Finalement, dans le cas , des arguments analogues permettent de montrer que est couverte par des coniques999 Merci à Laurent Manivel à qui je dois les références m’ayant permis d’écrire cette “footnote”, en réponse à une question de Jean-Louis Colliot-Thélène. Par un point général de passent un nombre fini de coniques. Il n’y a pas, à ma connaissance, de méthodes élémentaires pour déterminer ce nombre en dimension quelconque. La formule générale découle d’un calcul d’invariants de Gromov-Witten à l’aide de la symétrie miroir utilisant une équation différentielle ordinaire introduite par Givental. Les lignes qui suivent sont issues de la lecture de [JNS04] et [Jin05].
Théorème 5.
(Coates, Givental - Jinzenji, Nakamura, Suzuki) Sur le corps des nombres complexes, soit une hypersurface générale de degré dans . Soit le nombre de coniques contenues dans et passant par un point général de . Alors On renvoie à [Bea95] et [BH10] pour d’autres résultats sur les coniques contenues dans des hypersurfaces. Expliquons brièvement comment on obtient ce résultat. Si , , et sont quatre entiers, notons l’invariant de Gromov-Witten comptant le nombre (éventuellement infini) de courbes rationnelles de degré contenues dans et rencontrant sous-espaces projectifs de , généraux, de codimension respective , et . Lorsque , ou valent , chaque courbe rationnelle de degré contenue dans est comptée fois puisque l’intersection d’une courbe de degré et d’un hyperplan général est constituée de points. Comme l’intersection d’une droite générale et de est constituée de points, le nombre cherché vaut donc . Dans [Jin05] sont introduites des constantes , dites “constantes de structure de l’anneau de cohomologie quantique de ”. Ces constantes satisfont aux formules récurrentes suivantes (que l’on explicite uniquement dans les cas et ) : et Il y est aussi montré que pour tout entier , , on a . Le théorème découle du calcul du coefficient de dans la deuxième formule ci-dessus, de celui de dans la première et enfin de l’évaluation de cette dernière en . .Si est une hypersurface lisse de degré dans , son fibré canonique est calculé par la formule d’adjonction et vaut . La proposition précédente est une première illustration d’un principe général : “plus le fibré canonique est positif, moins il y a de courbes rationnelles sur , plus ce fibré est négatif, plus il y a de courbes rationnelles sur ”.
De nombreux auteurs (dont Clemens, Voisin et Pacienza) ont étudié l’existence de courbes rationnelles de degré dans les hypersurfaces de . Rassemblons leurs résultats (voir [Pac03] et sa bibliographie).
Théorème 6.
Supposons le corps de base de caractéristique nulle. Soit une hypersurface très générale de degré dans . Alors :
-
(1)
(Clemens) si et , ne contient pas de courbes rationnelles,
-
(2)
(Voisin) si et , ne contient pas de courbes rationnelles,
-
(3)
(Voisin) si et si , ne contient qu’un nombre fini de courbes rationnelles de degré ,
-
(4)
(Pacienza) si et si , ne contient pas de courbes rationnelles de degré .
1.3. Courbes rationnelles provenant de la géométrie birationnelle classique
La géométrie birationnelle consiste à classifier les variétés algébriques en identifiant deux variétés algébriques si elles sont “isomorphes sur un ouvert (de Zariski) non vide”.
Définition 7.
Deux variétés algébriques et sont birationnellement équivalentes s’il existe une application rationnelle et des ouverts non vides et tels que soit un isomorphisme. Une telle est une application birationnelle. Si est une-sous variété de non contenue dans , est la transformée stricte de dans .
Un exemple fondamental d’application birationnelle est celui des éclatements le long de sous-variétés lisses : si est une sous-variété fermée lisse contenue dans le lieu non-singulier d’une variété algébrique , il y a une variété algébrique et un morphisme birationnel qui se restreint en un isomorphisme et telle que où désigne le fibré normal de dans . L’application birationnelle s’appelle l’éclatement de le long de , ou de centre et est le diviseur exceptionnel de . Moralement, on remplace chaque point de par l’espace projectif des directions normales à dans passant par . Comme les espaces projectifs contiennent beaucoup de courbes rationnelles, il y a en particulier des courbes rationnelles dans . Une première utilisation des éclatements101010 Les éclatements jouent un rôle central en géométrie birationnelle comme le montrent les trois énoncés difficiles et fondamentaux suivants (voir [Hir64], [Hir75], [AKMW02] et le survol [Bon02]). Ils ne sont connus qu’en caractéristique zéro, leur preuve dépasse largement le cadre de ce cours.
Théorème 8.
(Hironaka - Théorème de désingularisation) Soit une variété projective. Alors il existe une suite finie d’éclatements le long de sous-variétés lisses telle que, si désigne la composée et la transformée stricte de sous , alors (1) chaque est incluse dans le lieu singulier de , (2) la variété est une variété projective lisse. On dit que est une désingularisation (plongée) de .Théorème 9.
(Hironaka - Levée des indéterminations) Soient une variété projective, une variété projective et une application rationnelle. Alors il existe une suite finie d’éclatements le long de sous-variétés lisses telle que, si désigne la composée et la transformée stricte de sous , alors (1) chaque est incluse dans le lieu d’indétermination de , (2) l’application rationnelle se prolonge en une application régulière .Théorème 10.
(Abramovich, Karu, Matsuki et Włodarczyk - Théorème de factorisation) Soit une application birationnelle entre deux variétés projectives lisses et . Alors, se factorise en une suite d’éclatements et de contractions de centres lisses. Autrement dit, il y a une suite d’applications birationnelles entre variétés projectives lisses de sorte que et pour tout , ou est un éclatement le long d’une sous-variété lisse. permet de démontrer les résultats suivants, le premier est connu sous le nom de lemme d’Abhyankar.Proposition 11.
Soient et des variétés projectives et un morphisme birationnel. On suppose que est lisse. Alors, par un point général de toute composante irréductible de 111111 désigne le fermé de formé des points au voisinage desquels n’est pas un isomorphisme. passe une courbe rationnelle contractée par .
La preuve consiste à se ramener au cas où est irréductible lisse et d’image lisse dans , puis à faire des éclatements successifs de le long de sous-variétés lisses, le premier éclatement se faisant le long de , et enfin à montrer que est birationnellement équivalent à l’un des diviseurs exceptionnels de cette suite d’éclatements121212En caractéristique zéro, on peut, en levant les indéterminations de par une suite d’éclatements de centres lisses, montrer que toute fibre de est rationnellement connexe par chaînes. Cette notion sera introduite plus loin et ce résultat sera étendu au cas où est peu singulière, c’est l’objet de la toute dernière partie de ce cours..
Corollaire 12.
Soient et des variétés projectives. On suppose que est lisse et que ne contient pas de courbe rationnelle. Alors toute application rationnelle se prolonge en une application régulière .
Démonstration. Soit l’adhérence du graphe de . La première projection est une application birationnelle. Comme est lisse, d’après la proposition précédente, toute composante irréductible de contient une courbe rationnelle contractée par . Comme ne contient pas de courbes rationnelles, c’est que la deuxième projection contracte aussi , ce qui est absurde, une courbe dans ne pouvant être à la fois “horizontale” et “verticale”. Ainsi ce qui implique le résultat.
Le résultat précédent implique de suite.
Corollaire 13.
Soit une variété projective lisse ne contenant pas de courbes rationnelles. Alors toute application birationnelle se prolonge en un isomorphisme (bi-régulier) de .
Démonstration. Par le corollaire précédent, et se prolongent en des morphismes réguliers.
A l’inverse, les variétés possédant beaucoup de courbes rationnelles ont en général des applications birationnelles qui ne sont pas des isomorphismes. C’est en particulier le cas des espaces projectifs , , dont le groupe des transformations birationnelles est beaucoup plus gros (et compliqué) que son groupe d’isomorphismes réguliers qui n’est autre que le groupe . Nous verrons plus loin que ce principe est à prendre avec prudence : on montre en effet parfois que certaines variétés de Fano131313Une variété projective est de Fano si est un diviseur de Cartier ample. (possédant beaucoup de courbes rationnelles, voir §6) ne sont pas rationnelles (i.e. birationnellement équivalentes à ) en prouvant que leur groupe de transformations birationnelles coïncide avec leur groupe d’isomorphismes réguliers (c’est le cas de la quartique complexe lisse dans par exemple).
1.4. Courbes rationnelles et théorie de Mori
Ce paragraphe est une première introduction aux liens entre courbes rationnelles et signe du fibré canonique tels qu’ils apparaissent dans la géométrie birationnelle “moderne”, à savoir la théorie de Mori (ou MMP pour “Minimal Model Program”).
Quelques notations : si est un morphisme entre deux variétés projectives normales, on note l’espace vectoriel réel engendré par les courbes contractées par , modulo l’équivalence numérique. Le sous-cône convexe fermé de engendré par les classes des -cycles effectifs est noté .
Le résultat à la base de la théorie de Mori est le suivant. Il est le fruit des travaux de nombreux auteurs dont les principaux sont Benveniste, Kawamata, Kollár, Mori, Reid et Shokurov. On renvoie au très récent et lumineux texte de Druel [Dru08] pour une présentation des toutes dernières avancées du MMP par Birkar, Cascini, Hacon et Kernan [BCHM10].
Théorème 14.
(Théorème du cône) On suppose que le corps de base est de caractéristique zéro. Soient une variété projective à singularités terminales141414 Le lecteur débutant peut supposer lisse. et un morphisme sur une variété projective .
-
(1)
Il existe une famille au plus dénombrable de courbes rationnelles telle que pour tout ,
-
(i)
,
-
(ii)
,
-
(iii)
est une arête du cône ,
-
(iv)
-
(i)
-
(2)
Soit . Il existe un unique morphisme à fibres connexes sur une variété projective normale tel que, pour toute courbe , si et seulement si ; le morphisme est appelé la contraction de .
Ce théorème dit en particulier que si le fibré canonique n’est pas (-) nef151515 On rappelle qu’un fibré en droites (ou un diviseur de Cartier) est nef, pour numériquement effectif, si pour toute courbe , qu’il est -nef si pour toute courbe contenue dans une fibre de ., alors il existe une courbe rationnelle telle que .
Soit la contraction d’une arête avec . Deux cas se présentent :
-
si , est une application birationnelle (on distingue alors en général deux sous-cas suivant que est de codimension - on dit que est divisorielle - ou que est de codimension - on dit que est petite),
-
sinon , est alors une fibration de Mori dont la fibre générale est une variété de Fano (en général singulière).
Le bilan est donc le suivant sur un corps de caractéristique zéro : si est une variété projective (disons lisse ou à singularités terminales), soit est nef, soit il y a une courbe rationnelle telle que contractée par une application birationnelle ou par une fibration dont la fibre générale est de Fano.
Comme application du théorème du cône, démontrons la proposition suivante.
Proposition 15.
Soient et deux variétés projectives à singularités terminales, avec -factorielle, sur un corps de caractéristique zéro et un morphisme birationnel. Alors, si n’est pas un isomorphisme, il existe une courbe rationnelle contractée par telle que .
Démonstration161616Voir [Deb01] pour une preuve à la main quand et sont lisses.. L’hypothèse que est -factorielle assure que le lieu exceptionnel de est de codimension pure .
Ecrivons
où les sont les composantes irréductibles de et les sont tous (c’est ici que l’on utilise l’hypothèse que est à singularités terminales).
Par l’absurde, si est sur toute courbe rationnelle contractée par , c’est que est -nef par le théorème du cône (que l’on peut appliquer puisque est à singularités terminales). On en déduit que est aussi -nef. Comme , le lemme de négativité171717 Le lemme de négativité est le lemme suivant.
Lemme 16.
(Lemme de négativité) Soient un morphisme entre deux variétés projectives normales et un -diviseur de Cartier sur . On suppose que est -nef. Alors est effectif si et seulement si est effectif. implique que les sont tous ce qui fournit la contradiction.2. Cinq notions mesurant la présence de courbes rationnelles.
On donne ici cinq notions permettant de mesurer la présence de courbes rationnelles. Rappelons à nouveau que les variétés et morphismes considérés sont définis sur un corps algébriquement clos de caractéristique arbitraire.
Définition 17.
Soit une variété projective de dimension . On dit que est
-
(1)
rationnelle s’il existe une application birationnelle ,
-
(2)
unirationnelle s’il existe une application rationnelle dominante ,
-
(3)
réglée s’il existe une variété projective de dimension et une application birationnelle ,
-
(4)
uniréglée s’il existe une variété projective de dimension et une application rationnelle dominante ,
-
(5)
rationnellement connexe s’il existe une variété quasi-projective et un morphisme tels que le morphisme qui à associe soit dominant.
Si vérifie l’une des propriétés ci-dessus, alors est couverte par des courbes rationnelles au sens où par tout point de en position générale passe une courbe rationnelle. Même si ce cours traite par la suite de la connexité rationnelle, donnons quelques exemples et les liens entre ces cinq notions.
Remarques. Évidemment, rationnelle implique unirationnelle, réglée implique uniréglée. Comme est une variété rationnelle, rationnelle implique réglée et unirationnelle implique uniréglée (sauf si ). Enfin, unirationnelle implique rationnellement connexe et rationnellement connexe implique uniréglée (sauf si ).
Les variétés de la forme où ne contient pas de courbes rationnelles sont réglées mais ne sont pas unirationnelles. Plus généralement, toutes les implications mentionnées ci-dessus sont connues pour être strictes à l’exception de la suivante : on ne connait pas de variété rationnellement connexe non unirationnelle. Mentionnons que toute cubique complexe lisse dans est unirationnelle181818 Soient une cubique complexe lisse et une droite contenue dans , il en existe, on a même déjà vu que les droites contenues dans couvrent . On note l’ensemble des droites de telles qu’il existe avec . Si est un point général fixé et si est un -plan général fixé, l’application définie par est une application birationnelle, donc est une variété rationnelle de dimension . Par ailleurs, si est une droite tangente à passant par un point de , son intersection avec contient un deuxième point, permettant de définir ainsi une application rationnelle . Il est facile de voir que est dominante, de degré . et non rationnelle (il s’agit d’un résultat dû à Clemens et Griffiths). Mentionnons aussi (voir par exemple [Mar00] et [Mar06]) qu’il existe des quartiques lisses unirationnelles dans et que les quartiques complexes lisses dans ne sont pas rationnelles (la non rationalité est due à Iskovskikh et Manin).
Avant de mentionner le joli résultat de Kollár [Kol95], rappelons qu’une hypersurface lisse dans de degré est de Fano, donc rationnellement connexe en caractéristique zéro comme nous le verrons au §6.
Théorème 18.
(Kollár) Sur , une hypersurface très générale dans de degré vérifiant
n’est pas réglée (et n’est a fortiori pas rationnelle).
La preuve de ce résultat se fait en passant en caractéristique positive, Kollár construit dans le même article, en caractéristique positive, des exemples de variétés de Fano non séparablement rationnellement connexes (voir plus loin pour cette dernière notion).
Les cinq notions ci-dessus sont des notions birationnellement invariantes : si est birationnellement équivalente à , alors est rationnelle (resp. unirationnelle, resp. réglée, resp. uniréglée, resp. rationnellement connexe) si et seulement si l’est.
D’une certaine façon, les variétés qui nous intéressent dans ce cours ont toutes un fibré canonique “négatif” en vertu du résultat profond suivant, dû à Boucksom, Demailly, Păun et Peternell : une variété est uniréglée si et seulement si son fibré canonique n’est pas “limite de diviseurs effectifs” [BDPP04] (voir aussi le survol [Deb06]).
Théorème 19.
(Boucksom, Demailly, Păun et Peternell) Soit une variété projective complexe191919Les auteurs démontrent ce résultat en utilisant des techniques transcendantes. Ce théorème est maintenant conséquence des travaux de Birkar, Cascini, Hacon et Kernan [BCHM10] et est donc valable sur un corps algébriquement clos de caractéristique zéro. lisse. Alors est uniréglée si et seulement si n’est pas pseudo-effectif202020Un diviseur de Cartier sur est pseudo-effectif si sa classe dans est dans l’adhérence du cône engendré par les classes de diviseurs effectifs..
Il n’est pas question de démontrer ce résultat ici, mentionnons simplement une conséquence immédiate, beaucoup plus élémentaire, que nous démontrerons plus loin à l’aide des courbes rationnelles.
Proposition 20.
En caractéristique nulle, les plurigenres d’une variété projective lisse et uniréglée sont tous nuls :
La réciproque est conjecturée.
Conjecture 1.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Alors est uniréglée si et seulement si les plurigenres de sont tous nuls :
Cette conjecture est conséquence de la “Conjecture d’abondance”, qui est, après les toutes dernières avancées du programme de Mori par Birkar, Cascini, Hacon et Kernan, la conjecture majeure encore ouverte dans le programme de Mori.
COURS 2
Dans ce deuxième cours, nous introduisons les notions de courbes rationnelles libres et très libres. L’étude de leurs déformations permet de caractériser les variétés (séparablement) rationnellement connexes en terme d’existence de telles courbes.
3. Connexité rationnelle. Courbes rationnelles libres et très libres.
Les résultats de cette section sont dus à Kollár, Miyaoka et Mori [KMM92]. Je me suis beaucoup appuyé sur [Deb01] et [AK03].
3.1. Retour sur la définition de connexité rationnelle
Définition 21.
Soit une variété projective de dimension . On dit que est rationnellement connexe s’il existe une variété quasi-projective et un morphisme tels que le morphisme qui à associe soit dominant.
Si est lisse et le corps de base de caractéristique nulle, l’application tangente d’un morphisme dominant est génériquement de rang maximal. Ceci n’est plus vrai en caractéristique positive212121En caractéristique positive, un morphisme dominant peut être de différentielle identiquement nulle : le morphisme de Frobenius est l’exemple le plus célèbre. et il s’avère nécessaire d’étendre un peu la notion de connexité rationnelle.
Définition 22.
Soit une variété projective de dimension . On dit que est séparablement rationnellement connexe s’il existe une variété quasi-projective et un morphisme tels que le morphisme qui à associe soit dominant et génériquement lisse.
Soit une variété projective. Pour chaque entier , il y a d’après Grothendieck un schéma quasi-projectif de type fini, noté , paramétrant les morphismes de degré de à valeurs dans . Ce schéma n’est en général ni réduit, ni irréductible. Si est un morphisme de degré , on notera le point correspondant. Si est lisse le long de l’image de , l’espace tangent de Zariski de au point est isomorphe à et est lisse au point dès que .
Comme le degré d’un morphisme est constant en famille, on en déduit que si est une variété rationnellement connexe, il existe un entier tel que le morphisme naturel
soit dominant : autrement dit, si et sont généraux dans (au sens où est général dans ), il y a une courbe rationnelle de degré joignant à .
En particulier, si est général dans , alors par général dans passe une courbe rationnelle de degré issue de . Autrement dit, le morphisme qui à associe est dominant222222 désigne le sous-schéma fermé de des morphismes vérifiant de plus . Plus généralement, on notera le sous-schéma fermé de des morphismes vérifiant de plus pour tout . Son espace tangent au point est , il est lisse au point si et sa dimension au point est toujours minorée par ..
Si le corps de base n’est pas dénombrable, on peut montrer la réciproque suivante. Si par deux points généraux d’une variété projective passe une courbe rationnelle, alors il existe un entier tel que le morphisme naturel
est dominant232323Il suffit de considérer le schéma localement noethérien de type fini union dénombrable des pour et le morphisme associé. ; est donc rationnellement connexe.
Il est important de noter que la variété n’est en général pas projective mais seulement quasi-projective : pour et , la famille de morphismes
ne se compactifie pas dans lorsque tend vers ou l’infini. Il y a un phénomène de “cassage” qui nous amènera à considérer des “chaînes de courbes rationnelles”.
3.2. Courbes rationnelles libres et très libres
Rappelons que le groupe de Picard de , et plus généralement celui de , est isomorphe à et que l’on note le générateur ample de ce groupe. En vertu d’un théorème dû à Grothendieck, tout fibré vectoriel de rang sur s’écrit de façon unique pour des entiers . Attention, l’énoncé correspondant sur , , est faux.
Exemple 1.
Si , le fibré tangent n’est pas une somme directe de fibrés en droites. En revanche, pour toute droite , sa restriction à l’est et la décomposition ne dépend pas de :
De même, .
Pour démontrer les résultats principaux concernant les variétés rationnellement connexes, nous allons devoir déformer (et lisser) les (chaînes de) courbes rationnelles. Les courbes rationnelles se déforment d’autant plus facilement que leur fibré normal a tendance à être positif. Formalisons ceci à l’aide d’une définition maintenant classique.
Définition 23.
Soient une variété projective de dimension et une courbe rationnelle. On suppose que est contenu dans le lieu lisse de . Ecrivons alors
On dit que la courbe rationnelle est
-
(1)
libre si ,
-
(2)
très libre si ,
-
(3)
-libre (avec ) si .
Un point important à retenir est que si est libre, alors le schéma est lisse au point , de dimension . On parlera alors en particulier de la composante de contenant . De plus, l’ensemble des morphismes -libres est un ouvert de 242424Ceci vient du fait que est -libre si et seulement si et du théorème de semi-continuité de la cohomologie.. Nous allons voir que les courbes libres se déforment beaucoup, nous permettant de caractériser les variétés lisses rationnellement connexes à l’aide des courbes très libres.
Théorème 24.
Soit une variété projective lisse de dimension .
-
(1)
Si contient une courbe rationnelle très libre , alors pour tout sous-ensemble fini général de , il existe une courbe rationnelle très libre sur passant par tous les dont le degré ne dépend que de celui de et de . En particulier, est rationnellement connexe (et même séparablement rationnellement connexe).
-
(2)
En caractéristique zéro, si est rationnellement connexe, alors, par un point général de passe une courbe très libre.
-
(3)
En caractéristique quelconque, si est séparablement rationnellement connexe, alors, par un point général de passe une courbe très libre.
Démonstration. Elle se fait en plusieurs étapes.
Etape 1. Soient une courbe -libre (), un entier et
le morphisme qui à associe . Montrons que si , alors est un morphisme lisse au voisinage du point pour tout .
En effet, soit la composante de passant par . On a vu que est lisse au voisinage de , de dimension (avec ).
Il suffit donc de montrer que pour tout , la différentielle de est surjective au point . Cette différentielle n’est autre que l’application naturelle
qui à associe
elle est donc surjective dès que pour tout , l’application d’évaluation
l’est. C’est le cas si (et seulement si lorsque les sont deux à deux distincts) .
Etape 2. Sous les hypothèses de l’étape 1, l’application est donc dominante, autrement dit, par points généraux de passe une courbe -libre déformation de .
Etape 3. Montrons maintenant le point (1) du théorème. Soit une courbe très libre, on écrit et soit . En composant à la source par un morphisme de degré , on obtient une courbe -libre, à savoir . Des étapes précédentes, on déduit que si , alors par points généraux de passe une déformation de .252525 On ne résiste pas ici au commentaire suivant : la preuve qui précède montre que si est une courbe rationnelle très libre, un multiple suffisamment grand de se déforme suffisamment pour passer par points généraux de . Ceci fonctionne bien car possède des endomorphismes de degré arbitrairement grand, ceci fonctionnerait encore pour des courbes elliptiques. Pour des courbes de genre , ceci fonctionne encore en caractéristique positive seulement car on dispose du morphisme de Frobenius. Cette remarque géniale est due à Mori et est le point de départ de la théorie de Mori.
Etape 4. Supposons que est rationnellement connexe. On a vu qu’il existe alors un entier tel que le morphisme naturel
soit dominant. Quand la caractéristique du corps de base est supposée nulle, il existe tel que la différentielle de en soit surjective, et ceci étant une condition ouverte, on peut supposer . Un tel existe aussi en caractéristique positive quand est supposée séparablement rationnellement connexe (par définition !). Nous allons montrer que est très libre.
A nouveau, la différentielle de en est l’application naturelle
qui à associe
Le point clé est le suivant : comme , l’application est surjective, donc l’image de l’application contient celle de , d’où l’on déduit évidemment262626Si et sont deux applications linéaires telles que d’une part l’image de est contenue dans celle de et d’autre part est surjectif, alors est surjectif. que est surjective. De là, si , chaque
est surjective, donc pour tout : est très libre.
Le lecteur débutant pourra démontrer le strict analogue du théorème précédent pour les variétés uniréglées. Le résultat de l’étape 4 ci-dessus doit être adapté de la façon suivante : si la différentielle de est surjective au point , alors est libre.
Théorème 25.
Soit une variété projective lisse de dimension .
-
(1)
Si contient une courbe rationnelle libre, alors est uniréglée.
-
(2)
En caractéristique zéro, si est uniréglée, alors par un point général de passe une courbe libre. En particulier, si est uniréglée, alors n’est pas numériquement effectif.
En caractéristique positive, les choses sont sont bien différentes comme le montre l’exemple suivant.
Exemple 2.
Soit
l’hypersurface de Fermat de degré dans sur un corps algébriquement clos de caractéristique positive . Alors est unirationnelle si (donc rationnellement connexe). Par ailleurs, si , le fibré canonique de est numériquement effectif (son intersection avec toute courbe est ), en particulier, ne contient pas de courbes libres : la différentielle de n’est donc jamais surjective. A fortiori, n’est pas séparablement rationnellement connexe.
Pour le confort du lecteur, énonçons deux corollaires, extraits de la preuve du théorème 24.
Corollaire 26.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique quelconque,
-
(1)
est séparablement rationnellement connexe si et seulement si par tout point général de passe une courbe très libre,
-
(2)
est séparablement uniréglée si et seulement si par tout point général de passe une courbe libre.
Corollaire 27.
Soient une variété projective et une courbe rationnelle dont l’image est contenue dans le lieu lisse de .
-
(1)
En caractéristique quelconque,
-
(a)
est très libre si et seulement s’il y a tel que la différentielle de en est surjective,
-
(b)
est libre si et seulement s’il y a tel que la différentielle de en est surjective.
-
(a)
-
(2)
En caractéristique zéro,
-
(a)
est très libre si et seulement si les déformations de passent par deux points généraux de .
-
(b)
est libre si et seulement si les déformations de dominent .
-
(a)
3.3. Lieu des courbes libres et courbes libres minimales
Avec les techniques précédentes, on montre la proposition suivante.
Proposition 28.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Alors, il existe une intersection dénombrable d’ouverts non vides de , notée , telle que toute courbe rationnelle dont l’image rencontre est libre. De plus, si et seulement si est uniréglée.
Démonstration. Considérons à nouveau le morphisme d’évaluation
Pour chaque composante irréductible de , deux situations sont possibles :
-
soit , on pose ,
-
soit , comme on a supposé que la caractéristique du corps de base est zéro, il y a un ouvert non vide de tel que pour tout , si alors la différentielle de en est surjective (en particulier, si , alors est libre).
Il est alors clair que convient.
Le lecteur familier avec le lemme de cassage272727Il s’énonce de la façon suivante.
Théorème 29.
(Lemme de cassage) Soient une variété projective et une courbe rationnelle telle que . Alors le -cycle est numériquement équivalent à un -cycle connexe passant par et , effectif et non intègre de courbes rationnelles. Remarquons que l’on a toujours car on peut composer à la source par les automorphismes de fixant et . Ce théorème affirme donc que si une courbe rationnelle se déforme “vraiment” en fixant deux points, alors elle dégénère en un cycle non irréductible et/ou non réduit de courbes rationnelles. Le lecteur calculera les dégénérescences de la famille des coniques planes passant par les deux points . l’utilisera associé aux techniques précédentes pour démontrer les deux premiers points du théorème suivant, le troisième est beaucoup plus difficile, il est dû à Cho, Miyaoka et Shepherd-Barron (voir [CMS02] ou [Keb02]).Théorème 30.
Soit une variété projective lisse uniréglée, de dimension , sur un corps de caractéristique zéro. Soit un diviseur ample sur et où le minimum est pris sur l’ensemble des courbes libres .
-
(1)
Soit une courbe libre telle que . Alors, il existe tel que
-
(2)
Soient , une courbe libre telle que et . Soit la composante de passant par . Alors est propre.
-
(3)
(Cho, Miyaoka et Shepherd-Barron) S’il existe une courbe libre telle que et
alors .
Suivant les auteurs, les courbes libres de degré minimal pour une polarisation donnée, ou plus généralement telles que la composante de passant par est propre pour (très) général dans sont dites minimales. L’étude des courbes libres minimales sur les variétés de Fano dont le rang du groupe de Picard vaut est aussi l’objet de toute une série de travaux dus à Hwang et Mok, ainsi qu’à Kebekus.
COURS 3
Dans ce troisième cours, nous introduisons la notion de connexité rationnelle par chaînes. Cette notion est beaucoup plus souple que la connexité rationnelle. Nous étudions aussi les techniques de lissage de chaînes de courbes rationnelles. Ces techniques seront utilisées au cours suivant pour montrer que les notions de connexité rationnelle par chaînes et de connexité rationnelle coïncident dans la catégorie des variétés projectives lisses sur un corps de caractéristique zéro.
4. Connexité rationnelle par chaînes. Techniques de lissage.
Les résultats de cette section sont dus à Kollár, Miyaoka et Mori [KMM92]. Je me suis à nouveau beaucoup appuyé sur [Deb01] et [AK03].
4.1. Connexité rationnelle par chaînes
On a vu précédemment que n’est pas projectif en général, mais seulement quasi-projectif. Le phénomène de dégénérescences qui intervient fait apparaître des chaînes de courbes rationnelles. On introduit ici la classe des variétés telles que par deux points généraux passe une chaîne de courbes rationnelles282828Une chaîne de courbes rationnelles est un schéma propre de dimension , connexe, dont toutes les composantes irréductibles sont des courbes rationnelles, courbe rationnelle signifiant exceptionnellement ici courbe dont la normalisée est ..
Définition 31.
Soit une variété (quasi-) projective ou un schéma connexe. On dit que est rationnellement connexe par chaînes s’il existe une variété quasi-projective et un sous-schéma de tels que
-
(1)
les fibres de la projection sont propres, connexes, de dimension et toutes leurs composantes irréductibles sont rationnelles292929Courbe rationnelle signifie (à nouveau exceptionnellement !) ici courbe dont la normalisée est .,
-
(2)
la projection est dominante.
Si est rationnellement connexe par chaînes, alors par deux points généraux et de , il existe tel que et appartiennent à où est la projection , autrement dit, la chaîne de courbes rationnelles passe par et par .
Mise en garde. Contrairement aux notions précédemment rencontrées, cette notion n’est pas invariante par transformation birationnelle : si est un cône sur une variété projective , est rationnellement connexe par chaînes (passer par le sommet du cône). En revanche, le “cylindre” obtenu en éclatant le sommet du cône n’est pas rationnellement connexe par chaînes si ne l’est pas.
Exemple 3.
Sur un corps de caractéristique zéro, considérons
La variété est lisse, étudions les fibres de . Si , la fibre est une surface cubique lisse de ; elle est rationnellement connexe par chaînes (deux points généraux peuvent être reliés par une chaîne formée d’une droite et de deux coniques), donc rationnellement connexe comme nous le verrons plus loin (théorème 38). Si , la fibre est un cône sur une courbe elliptique ; elle est rationnellement connexe par chaînes mais n’est pas rationnellement connexe.
Le fait que des chaînes de courbes rationnelles ne peuvent dégénérer qu’en des chaînes de courbes rationnelles implique que si est rationnellement connexe par chaînes, alors par deux points quelconques de passe une chaîne de courbes rationnelles.
Evidemment, les variétés rationnellement connexes sont rationnellement connexes par chaînes, le but des lignes qui suivent est de démontrer la réciproque pour les variétés lisses en caractéristique zéro.
4.2. Lissage de chaînes de courbes rationnelles
Cette section est plus technique, le lecteur débutant pourra prendre comme une boîte noire les deux théorèmes de lissage.
4.2.1. Lissage des arbres de courbes rationnelles
Définition 32.
Un arbre de courbes rationnelles est un schéma de dimension un, réduit, connexe dont les composantes irréductibles
-
(1)
sont des courbes rationnelles lisses,
-
(2)
peuvent être numérotées en choisissant arbitrairement l’une d’elles comme étant et de sorte que pour tout , rencontre transversalement en un unique point lisse de .
Les seules singularités d’un arbre de courbes rationnelles sont donc des nœuds ordinaires, correspondant aux points d’intersection de deux composantes. Le graphe non orienté ayant pour sommets les composantes de , avec une arête entre deux sommets si les deux composantes correspondantes s’intersectent, est un arbre.
Soient une variété projective lisse, un arbre de courbes rationnelles, un morphisme et des points lisses deux à deux distincts de .
Définition 33.
On dit que est lissable en fixant s’il existe
-
(1)
une courbe quasi-projective lisse avec un point distingué , une surface et un morphisme plat tels que et est une courbe rationnelle lisse pour tout ,
-
(2)
sections de telles que pour tout ,
-
(3)
un morphisme tel que et pour tout .
Cette définition appelle quelques commentaires.
-
(i)
Une surface vérifiant les seuls points (1) et (2) de la définition est facile à construire en éclatant convenablement.
-
(ii)
Si est lissable en fixant , pour , est une courbe rationnelle (dont l’image peut être singulière) passant par .
-
(iii)
En général, n’est pas lissable : supposons que est une surface projective lisse et que est un arbre à deux composantes avec . Alors l’inclusion n’est pas lissable. En effet, il existe une surface singulière , un morphisme birationnel tels que et . Si est un lissage de , notons est la restriction de à . Par le lemme de rigidité, est constant pour tout (on peut supposer irréductible affine), donc est constant pour tout , ce qui est absurde.
-
(iv)
Les géomètres italiens, mais aussi Noether ou Halphen, se sont intéressés au lissage de courbes gauches. Le lissage des arbres de courbes de est étudié et utilisé par Hartshorne et Hirschowitz (voir [HH83] et le théorème 37 plus loin) ; Kollár a depuis donné le formalisme général dans son livre [Kol96].
Dans l’exemple (iii) ci-dessus, et ne sont pas des courbes libres ; bien au contraire, leur fibré normal est “très” négatif, ce qui assure que l’on peut les contracter sur un point. Le théorème qui suit montre que la situation est bien meilleure pour les courbes libres.
Théorème 34.
Soient une variété projective lisse, un arbre de courbes rationnelles, un morphisme, des points lisses distincts de dont exactement sont situés sur la composante (chaque est ; en particulier, ils peuvent être tous nuls). Soient , les restrictions de aux composantes . Si est -libre303030Dans le cas où , ceci signifie que tous les sont dans la décomposition . et est -libre pour tout , alors est lissable en fixant tous les et on peut supposer que est -libre pour tout .
Démonstration.
Etape 1. Soient une courbe lisse avec un point distingué , une surface lisse et un morphisme tels que et est une courbe rationnelle lisse pour tout . Soient aussi sections de telles que . On l’a dit, ceci est facile à construire.
Etape 2. Si le morphisme cherché existe, alors pour tout ,
D’après Mori, les schémas s’assemblent en un -schéma
tel que .
Comme dans la version absolue, il y a un critère simple permettant de comprendre le schéma
au voisinage d’un point : si
et si , alors est un morphisme lisse au point . En particulier est lisse au point de dimension
et est irréductible au point de dimension
En particulier encore, et c’est ce qu’il faut retenir ici, si est le morphisme à lisser en fixant les et si , alors la composante de
passant par domine . Il existe donc une courbe (que l’on peut supposer lisse)
passant par et dominant . Le morphisme naturel
fournit le morphisme cherché !
Etape 3. Terminons la preuve dans le cas où il n’y a que deux composantes : au vu de ce qui précède, il suffit de montrer que (par semi-continuité, on aura aussi pour tout quitte à rétrécir , ce qui implique que est -libre).
Si , considérons la suite exacte suivante :
où l’on a réordonné les de sorte que les premiers soient sur . Après tensorisation par et passage à la suite exacte longue de cohomologie associée, on en déduit la suite exacte suivante :
Comme est -libre et est -libre, les deux groupes extrêmes sont nuls313131Rappelons que si et seulement si ., ce qui fournit le résultat.
4.2.2. Lissage des peignes
Définition 35.
Un peigne rationnel est un arbre de courbes rationnelles lisses, avec une composante distinguée (la poignée) et dents deux à deux disjointes, chaque dent rencontrant transversalement en un unique point , .
Dans cette définition, il y a donc une composante privilégiée, à savoir la poignée. Le théorème suivant permet de lisser des peignes rationnels sans que la poignée ne soit supposée libre. C’est une différence majeure avec le paragraphe précédent où toutes les composantes étaient supposées libres pour permettre le lissage.
Théorème 36.
Soient une variété projective lisse, un peigne rationnel à dents et un morphisme. On suppose que la restriction de à chaque dent est libre et on se donne points lisses de , situés sur la poignée. Si
alors il existe un sous-peigne de avec la même poignée et avec au moins une dent tel que soit lissable en fixant les 323232 La preuve de ce théorème ne permet pas de contrôler la différence . Dans [GHS03], les auteurs démontrent un théorème de lissage de peigne avec toutes les dents, pour peu que les dents soient “générales”. Ceci est aussi discuté dans le cours d’Olivier Wittenberg. .
Démonstration.
Etape 1. Soit l’éclatement de le long des sous-variétés disjointes de codimension dans (on note le diviseur exceptionnel au dessus de ). Soit la projection induite. La fibre au-dessus de est le peigne ; plus généralement, la fibre de au-dessus de est un peigne de poignée dont le nombre de dents est égal au nombre de égaux à zéro. Il est important de remarquer le fait facile suivant. Pour , si , alors l’image inverse possède composantes irréductibles de dimension décrites ainsi : pour chaque , est une composante irréductible de , la dernière est isomorphe à la variété obtenue en éclatant le long des sous-variétés disjointes pour . La fibre de au dessus de est le sous-peigne de .
Remarquons qu’il y a aussi sections de telles que .
Etape 2. A nouveau, les schémas s’assemblent en un -schéma
tel que .
Montrons que
Le membre de droite est facile à estimer : un morphisme de dans est déterminé par sa restriction à chaque composante, et les morphismes correspondants doivent coïncider aux points d’intersections. Pour les dents, les espaces de morphismes sont lisses en , d’espace tangent puisque les dents sont libres. Or, si , , il vient donc :
Le membre de gauche est lui minoré par . L’inégalité cherchée découle donc de l’hypothèse.
Etape 3. Il y a donc une courbe passant par dans qui ne s’envoie pas sur dans . Si l’image de rencontre , c’est gagné : le morphisme est lissable sans avoir à “enlever de dents”. Sinon, quitte à renuméroter les coordonnées, on peut supposer que sont les coordonnées qui s’annulent sur l’image de : et rencontre l’ouvert . Comme ne s’envoie pas sur , on a . On a alors
Or, on a vu à l’étape 1 que l’une des composantes de est isomorphe à pour si bien que fournit un lissage d’un sous-peigne de possédant dents.
Remarques.
-
(i)
Il est important de comprendre où l’on a utilisé que les dents sont libres. La preuve ci-dessus montre qu’une inégalité de la forme
suffit pour lisser un sous-peigne, sauf qu’une telle inégalité n’est en général pas satisfaite si les quantités positives ou nulles ne sont pas nulles, ce que garantit l’hypothèse libre.
-
(ii)
On n’a pas réellement utilisé le fait que la poignée soit une courbe rationnelle. Le lecteur pourra prouver un énoncé analogue dans le cas d’une poignée quelconque. Il faut bien sûr adapter la notion de lissage, la fibre générale du lissage devant être une courbe lisse dont le genre est celui du peigne.
Je ne sais pas quelle est l’origine exacte de l’idée illustrée par le théorème précédent, à savoir qu’on peut lisser toute courbe si on lui attache suffisamment de courbes libres. Hartshorne et Hirschowitz démontrent par exemple le théorème suivant [HH83].
Théorème 37.
(Hartshorne et Hirschowitz) Soit une courbe lisse dans et soit
un peigne de poignée dont les dents sont des droites. Si , alors est lissable (en une famille de courbes lisses dont le genre dépend de celui de et de ).
COURS 4
Dans ce quatrième cours, nous montrons que les notions de connexité rationnelle par chaînes et de connexité rationnelle coïncident dans la catégorie des variétés projectives lisses sur un corps de caractéristique zéro. Plusieurs applications sont données, notamment à l’étude des variétés de Fano.
5. Connexité rationnelle versus connexité rationnelle par chaînes. Applications.
5.1. Une équivalence remarquable
Voici le résultat principal de cette partie.
Théorème 38.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Si est rationnellement connexe par chaînes, alors par tout sous-ensemble fini de passe une courbe rationnelle très libre (définie sur une extension non dénombrable du corps de base).
Le corollaire suivant est très utile.
Corollaire 39.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Alors est rationnellement connexe si et seulement si est rationnellement connexe par chaînes.
Démonstration du corollaire. Supposons rationnellement connexe par chaînes. D’après le théorème 38, il existe un corps extension non dénombrable de et une courbe rationnelle très libre définie sur . La courbe est définie sur une extension de type fini de , i.e. sur le corps d’une -variété . En d’autres termes, il y a une famille paramétrée par de -courbes rationnelles très libres. La variété est donc (-) rationnellement connexe.
Nous verrons plus loin que si est une variété de Fano non singulière sur un corps algébriquement clos de caractéristique arbitraire, alors est rationnellement connexe par chaînes (ce résultat est d’ailleurs plus facile en caractéristique positive qu’en caractéristique nulle). On en déduit le corollaire suivant.
Corollaire 40.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique zéro. Si est de Fano, alors est rationnellement connexe.
La démonstration du théorème utilise le fait suivant (voir sa preuve dans le livre de Debarre, facile une fois qu’on a écrit que est une intersection dénombrable décroissante d’ouverts).
Fait. Soit une variété projective lisse sur un corps non dénombrable. Soient un morphisme propre et plat de dimension relative , où est irréductible et . Soit un point distingué de . Si l’image de rencontre , alors il existe une famille dénombrable d’ouverts non vides de telle que pour tout , l’image de rencontre . Autrement dit, il faut retenir le slogan : toute déformation très générale d’une chaîne de courbes rationnelles rencontrant rencontre aussi .
Evidemment, ce fait serait trivial si était un ouvert de , ce qu’il n’est pas en général333333Si est une surface rationnelle avec une infinité dénombrable de -courbes, est certainement contenu dans le complémentaire de ces -courbes.. En revanche, si est uniréglée sur un corps non dénombrable, alors est dense dans .
Démonstration du théorème 38. C’est très joli et ça se fait en plusieurs étapes. Soit un corps algébriquement clos non dénombrable extension du corps de base . Dans toute la suite de cette preuve, on travaille sur .
Etape 1. Démontrons le lemme préliminaire suivant.
Lemme 41.
Soit une variété projective. Supposons qu’il existe une courbe rationnelle sur et une courbe rationnelle libre dont l’image rencontre telles que . Soit distinct de . Alors il existe une courbe rationnelle rencontrant et passant par et par .
En effet, comme est libre, l’application d’évaluation en , est dominante (où est la composante de passant par et où ). Comme son image rencontre , sa restriction domine . Par le fait ci-dessus, on en déduit que par un point très général de passe une courbe libre déformation de dont l’image rencontre . Si sont très généraux dans (donc distincts de et ), il existe donc une courbe libre passant par . Pour suffisamment grand, le peigne de poignée et de dents les , possède un sous-peigne lissable à et fixés. Comme possède au moins une dent, rencontre , une déformation très générale de rencontre donc est libre en appliquant à nouveau le fait ci-dessus.
Etape 2. Soient et une chaîne de courbes rationnelles joignant à . Quitte à supprimer et renuméroter des maillons, on peut supposer que avec , et pour . Comme , est libre. Choisissons un point dans et un point dans (on peut supposer que car si , on supprime alors la courbe de la chaîne ). Le lemme 41 montre qu’il y a une courbe rencontrant et passant par et : on a ainsi remplacé par une courbe rencontrant , déformation d’un peigne de poignée , dans la chaîne . En itérant ce procédé, on construit une chaîne, passant par et , de courbes rationnelles rencontrant toutes .
Etape 3. Lissons la chaîne de courbes rationnelles obtenue à l’étape précédente, en fixant ; c’est possible grâce au théorème de lissage des arbres de courbes rationnelles libres.
Etape 4. Le bilan des trois étapes précédentes est le suivant : si est rationnellement connexe par chaînes, pour tout point , l’image de
contient dans son adhérence. Comme est dense, cette application est dominante et il y a une composante de tel que soit dominante. Soit une courbe libre. La composante est lisse au point et comme les déformations de fixant dominent , on en déduit que est très libre. Répétons cet argument qui nous a déjà servi dans la preuve du théorème 8 et qui, je l’espère, est devenu familier au lecteur.
En effet, il y a (comme la caractéristique du corps de base est supposée nulle) tel que la différentielle de en soit surjective. A nouveau, la différentielle de en est l’application naturelle
qui à associe . Le point clé est le suivant : comme , l’application est surjective, donc l’image de l’application contient celle de , d’où l’on déduit évidemment que est surjectif. De là, si , chaque
est surjectif, donc pour tout : est très libre.
Etape 5. Montrons que par deux points quelconques et passe une courbe très libre.
C’est facile, il suffit de joindre et à un point très général à l’aide de courbes très libres, puis de lisser à l’aide du théorème de lissage des arbres.
Etape 6. Montrons finalement que par tout sous-ensemble fini de passe une courbe rationnelle très libre.
On le fait par récurrence sur , on vient de voir le cas . Soit alors une courbe très libre passant par et soit une courbe très libre passant par et un point auxiliaire de . Quitte à composer à la source, on peut supposer que est -libre avec suffisamment grand pour qu’on puisse lisser cet arbre à deux composantes en fixant tous les .
En étant un peu plus soigneux, il est possible de borner le degré des courbes très libres ainsi construites en fonction du nombre de maillons nécessaires pour joindre deux points généraux de par une chaîne de courbes rationnelles343434Ce type de résultat permet par exemple de montrer que sur un corps non dénombrable, si deux points généraux sont joignables par une chaîne de courbes rationnelles, alors deux points quelconques peuvent être joints par une chaîne de courbes rationnelles.. On renvoie à nouveau au livre d’O. Debarre.
5.2. Deux applications
5.2.1.
On montre que sur un corps de caractéristique zéro, la connexité rationnelle est une propriété ouverte et fermée des variétés projectives lisses.
Théorème 42.
On suppose que le corps de base est de caractéristique zéro. Soit une variété quasi-projective et soit un morphisme projectif lisse. S’il existe tel que soit rationnellement connexe, alors est rationnellement connexe pour tout .
Démonstration.
Etape 1. La connexité rationnelle est une propriété ouverte.
Soit en effet une courbe très libre de . On voit aussi comme une courbe libre de . Le schéma est lisse au point , les déformations de dominent et sont verticales par le lemme de rigidité : si est une déformation de , son image est contenue dans une fibre et est alors une courbe très libre de par un argument de semi-continuité de la cohomologie par exemple.
Etape 2. La connexité rationnelle est une propriété fermée.
On suppose que est une courbe et que est rationnellement connexe pour Si et sont deux points de , on les approche par et dans . Une courbe rationnelle contenue dans et passant par et dégénère en une chaîne de courbes rationnelles contenue dans et passant par et . Autrement dit, est rationnellement connexe par chaînes, donc rationnellement connexe par le théorème précédent.353535 Plus efficacement, il suffit de dire que de façon générale, la connexité rationnelle par chaînes est une propriété fermée.
5.2.2. Simple-connexité
Dans ce paragraphe, on travaille sur . Notre objectif est de démontrer que les variétés lisses rationnellement connexes sont simplement connexes.
La première étape est de démontrer que si est lisse et rationnellement connexe par chaînes, alors son groupe fondamental est fini. On utilise ici une jolie astuce due à Campana. Elle repose sur un lemme de géométrie différentielle que nous admettrons ici.
Lemme 43.
Soit un morphisme dominant avec normale. Alors l’image du morphisme induit est d’indice fini dans . En particulier, si cette image est triviale, alors est fini.
Soient une variété rationnellement connexe et une courbe très libre. On a vu que les déformations de à point fixé dominent , autrement dit, si est la composante passant par , l’application d’évaluation est dominante. L’injection induit un isomorphisme au niveau des groupes fondamentaux. On en déduit que l’image de est égale à l’image de la composée qui est triviale puisque est constant égal à ! Par le lemme, est fini.
Proposition 44.
Soit une variété projective lisse rationnellement connexe sur . Alors
pour tous et strictement positifs. En particulier, .
Démonstration. Si est une courbe très libre, est une somme de avec tous les strictement négatifs. On a donc
donc toute section de s’annule sur l’image de , donc est identiquement nulle puisque les courbes très libres dominent . Enfin, on a
si , donc 373737Exercice : adapter la preuve précédente pour montrer que si est une variété projective lisse uniréglée sur un corps de caractéristique zéro, alors pour tout ..
On peut maintenant prouver le théorème annoncé.
Théorème 45.
Soit une variété lisse projective et rationnellement connexe par chaînes sur . Alors est simplement connexe.
Démonstration. Comme est fini, le revêtement universel est encore une variété projective lisse rationnellement connexe383838Une courbe rationnelle très libre sur se relève en une courbe rationnelle très libre sur car est simplement connexe.. Comme est étale, on a et . On a donc, si , d’après le théorème de Riemann-Roch,
donc est un isomorphisme, , la variété est donc simplement connexe.
Remarques.
-
(1)
Les deux ingrédients de la preuve ci-dessus sont le fait que est fini et que . Dans le cas où est Fano, la première assertion se démontre aussi en munissant d’une métrique riemannienne à courbure de Ricci strictement positive393939C’est possible et non trivial : ceci découle de la résolution de la conjecture de Calabi-Yau. et il est bien connu que les variétés riemanniennes compactes à courbure de Ricci positive ont un fini. La deuxième assertion découle immédiatement du théorème d’annulation de Kodaira.
-
(2)
En caractéristique zéro, la proposition 44 reste vraie et la démonstration du théorème 45 montre que tout revêtement étale fini de est trivial : on dit que est algébriquement simplement connexe. Kollár a montré qu’en caractéristique positive, une variété projective lisse séparablement rationnellement connexe est algébriquement simplement connexe (on renvoie au survol [Cha04] et sa bibliographie pour une discussion en toute caractéristique de la simple-connexité d’une variété séparablement rationnellement connexe ou unirationnelle).
6. Connexité rationnelle des variétés de Fano.
Les variétés de Fano sont les variétés projectives lisses pour lesquelles le fibré anticanonique est ample. Elles sont beaucoup étudiées car ce sont des briques élémentaires du programme de Mori (même s’il faut alors autoriser des singularités). De façon générale, il y a un espoir de classifier les variétés pour lesquelles le fibré tangent a tendance à être positif. Un énoncé particulièrement remarquable est la résolution par Mori d’une conjecture de Hartshorne [Mor79].
Théorème 46.
(Mori) Soit une variété projective lisse de dimension sur un corps de caractéristique quelconque. Alors est ample si et seulement si .
L’hypothèse qu’une variété est de Fano est beaucoup plus faible : l’hypothèse d’amplitude porte sur le déterminant du fibré tangent. Du point de vue de la géométrie riemannienne, c’est la différence entre une hypothèse portant sur la courbure sectionnelle et une hypothèse portant sur la courbure de Ricci. Cependant, on a encore un théorème de finitude pour les variétés de Fano, aboutissement des travaux de Nadel, Campana, Kollár, Matsusaka, Miyaoka et Mori.
Théorème 47.
Sur un corps de caractéristique zéro, pour tout , il n’y a qu’un nombre fini de types de déformation de variétés lisses de Fano de dimension .
Il n’est pas question de démontrer ces deux résultats ici, mentionnons que leur preuve utilise de façon essentielle la géométrie des courbes rationnelles dans les variétés de Fano. Remarquons aussi que l’hypothèse Fano n’est évidemment pas invariante par morphisme birationnel404040Un peu de publicité pour mes travaux : le comportement par éclatement des variétés de Fano reste un sujet actuel d’étude initié dans [Wis91]. Lorsqu’on éclate des points, on a un théorème de classification dont une conséquence amusante est le théorème suivant [BCW02].
Théorème 48.
(Bonavero, Campana et Wiśniewski) Si est une variété projective lisse complexe de dimension et s’il existe deux points distincts et de tels que l’éclatement de de centre soit une variété de Fano, alors est isomorphe à une quadrique lisse de . .Exemple 4.
La seule courbe de Fano est la droite projective. En dimension deux, les surfaces de Fano sont aussi appelées surfaces de Del Pezzo, ce sont éclaté en au plus points en position générale et . En dimension trois, il y a familles classifiées par Iskovskikh quand le nombre de Picard est égal à et par Mori et Mukai quand le nombre de Picard est (voir [IP99] et son impressionnante bibliographie).
6.1. Le quotient rationnel
Si est une variété projective, on peut définir une relation d’équivalence sur de la façon suivante : deux points et sont équivalents s’il existe une chaîne de courbes rationnelles passant par et . Il n’y a aucun espoir que l’espace quotient pour cette relation d’équivalence puisse être muni d’une structure de variété algébrique (de sorte que l’application de passage au quotient soit un morphisme algébrique). Un énoncé remarquable dû à Campana et Kollár permet d’obtenir un “quotient rationnel”. Nous énonçons sans preuve ce résultat, cas particulier d’un énoncé beaucoup plus général où Campana, en caractéristique zéro, considère les relations d’équivalences engendrées par des familles couvrantes de sous-variétés (on autorise des chaînes de sous-variétés qui ne sont pas des courbes ! ).
Théorème 49.
(Campana, Kollár) Soit une variété projective normale sur un corps (algébriquement clos) de caractéristique quelconque. Alors il existe une variété projective normale , unique à application birationnelle près, (appelée quotient rationnel) et une application rationnelle dominante telles que :
-
(1)
il existe un ouvert non vide de et un ouvert non vide de telle que se restreigne en un morphisme propre et surjectif (on dit que est presque holomorphe),
-
(2)
pour tout , la fibre est rationnellement connexe par chaînes,
-
(3)
toute application presque holomorphe dont la fibre générale est rationnellement connexe par chaînes se factorise par en ,
-
(4)
toute courbe rationnelle de rencontrant une fibre très générale de est contenue dans une fibre de .
Les trois derniers points signifient qu’une fibre très générale de est une classe d’équivalence. De ce point de vue, l’énoncé est optimal : il y a des surfaces projectives non uniréglées contenant une infinité au plus dénombrable de courbes rationnelles (certaines surfaces par exemple).
Evidemment, si est une variété projective normale, alors est rationnellement connexe par chaînes si et seulement si est réduit à un point (par définition). De même, est uniréglée si et seulement si .
Parmi les nombreuses conséquences du théorème de Graber, Harris et Starr, on obtient les deux résultats suivants, le premier était conjecturé par Kollár.
Théorème 50.
Soit une variété projective lisse sur un corps de caractéristique quelconque. Alors le quotient rationnel de n’est pas uniréglé.
Démonstration. C’est immédiat : si est uniréglé, soit une courbe rationnelle passant par un point général de . Alors, d’après le théorème 1, possède une section, qui est donc une courbe rationnelle rencontrant une fibre générale de non contenue dans une fibre de , contradiction.
Corollaire 51.
Soit une variété projective sur un corps de caractéristique zéro. Alors les assertions suivantes sont équivalentes :
-
(1)
pour toute application rationnelle dominante, est uniréglée ou réduite à un point,
-
(2)
la variété est rationnellement connexe.
Démonstration. (1) implique (2) : soient une résolution des singularités de , son quotient rationnel. Alors, l’application rationnelle est dominante, donc est réduit à un point, donc est rationnellement connexe par chaînes, donc rationnellement connexe par le théorème 38 et par suite est rationnellement connexe.
(2) implique (1) est évident.
6.2. Courbes rationnelles sur les variétés de Fano
Ce paragraphe est une deuxième introduction à la théorie de Mori, je ne donne aucune preuve. On a déjà vu que si n’est pas nef, la variété possède des courbes rationnelles. Le théorème suivant précise cette idée.
Théorème 52.
(Miyaoka et Mukai) Soit une variété projective sur un corps de caractéristique quelconque. Soit une courbe de . On suppose que est lisse le long de et que . Soit un diviseur ample sur . Alors par tout point de passe une courbe rationnelle telle que
Remarques.
-
(i)
Si est lisse, on peut à l’aide du lemme de cassage obtenir une courbe rationnelle satisfaisant de plus . Il s’agit du premier pas (mais le pas essentiel) pour démontrer le théorème du cône dans le cas lisse.
-
(ii)
Si est normale -Fano414141On entend par là que est singulière et qu’un multiple entier de est un diviseur de Cartier ample., on en déduit que est couverte par des courbes rationnelles vérifiant . Comme il n’y a qu’un nombre fini de composantes de de degré donné, on en déduit que toute variété normale projective -Fano est uniréglée.
Ce théorème est, on l’a déjà mentionné, plus facile en caractéristique positive : on montre qu’un grand multiple de obtenu à l’aide du morphisme de Frobenius se déforme en passant par et dégénère en une chaîne de courbes rationnelles. En caractéristique zéro, on utilise le résultat connu en caractéristique positive avec un contrôle uniforme du degré des courbes rationnelles produites. Cette idée géniale, parmi d’autres, a valu à Mori la médaille Fields et on peut mentionner qu’on ne connaît pas de preuve alternative par des méthodes transcendantes, ingrédient nécessaire à une éventuelle extension du programme de Mori aux variétés kählériennes compactes.
Campana d’une part et Kollár, Miyaoka et Mori d’autre part ont étendu le résultat de Miyaoka et Mori de la façon suivante.
Théorème 53.
Soit une variété projective normale -Fano sur un corps de caractéristique quelconque et une application presque holomorphe dominante. Soit une fibre générale de . Si n’est pas réduit à un point, alors il existe une courbe rationnelle rencontrant et non contenue dans .
6.3. Connexité rationnelle des variétés de Fano
Il suffit d’assembler les résultats précédents pour obtenir le résultat général suivant.
Théorème 54.
Soit une variété projective normale -Fano sur un corps de caractéristique quelconque. Alors est rationnellement connexe par chaînes.
Le corollaire 39 implique alors le résultat annoncé.
Corollaire 55.
Soit une variété projective lisse et de Fano sur un corps de caractéristique zéro. Alors est rationnellement connexe.
En étant plus soigneux, il est possible à nouveau de borner le degré (et le nombre de maillons) d’une chaîne de courbes rationnelles permettant de joindre deux points généraux, et même quelconques, de . Ce type de bornes dans le cas lisse permet aussi de montrer le théorème 47.
COURS 5 (cette partie a été écrite avec Stéphane DRUEL).
Dans ce dernier cours, nous présentons la preuve de la conjecture de connexité rationnelle de Shokurov suivant Hacon et Kernan. Outre ses liens évidents avec les cours précédents, cette partie se veut être, modestement, une invitation à la géométrie birationnelle moderne, celle des paires et du MMP. La littérature sur le sujet a explosé ces 20 dernières années, on recommande particulièrement les textes “historiques” [KMM87] et [CKM88], les ouvrages récents [Cor07], [Kol97], [KM98], [Laz04] et [Mat01] ainsi que le récent texte de synthèse [Dru08].
7. La conjecture de connexité rationnelle de Shokurov.
Dans toute cette partie, le corps de base est algébriquement clos de caractéristique zéro. On présente, suivant Hacon et Kernan, une vaste généralisation de certains des énoncés précédemment rencontrés (on pense au lemme d’Abhyankar et au théorème 54), le théorème de Graber, Harris et Starr y jouant un rôle essentiel.
7.1. Les résultats
Définition 56.
Une paire est la donnée :
-
(i)
d’une variété algébrique normale ,
-
(ii)
d’un -diviseur de Weil , où les sont des diviseurs de Weil irréductibles et réduits et les des nombres rationnels ,
tels que est -Cartier.
Définition 57.
Soit une paire. Une log-résolution de est un morphisme birationnel propre telle que est lisse et est un diviseur à croisements normaux simples ( est la transformée stricte de ).
Pour un tel , on écrit alors
où les et où la somme porte sur les diviseurs exceptionnels et irréductibles de .
Tout diviseur exceptionnel et irréductible de définit une valuation divisorielle de , de centre . On montre que ne dépend que de et on note alors . On étend à tout diviseur irréductible non exceptionnel en prenant l’opposé de la multiplicité de dans .
Définition 58.
On dit que la paire est Kawamata log terminale (klt en abrégé) si
pour toute valuation divisorielle 424242Il suffit de le vérifier sur une log-résolution.. Si est une paire et si est une log-résolution de , on note
où la réunion porte sur tous les diviseurs irréductibles. Le lieu ne dépend pas de , il est fermé et la paire est klt sur l’ouvert .
Définition 59.
On dit que la paire est log canonique (lc en abrégé) si
pour toute valuation divisorielle 434343Il suffit de le vérifier sur une log-résolution..
Le cadre des paires est maintenant le cadre naturel dans lequel prend place le programme de Mori (on sait même maintenant qu’il s’avère nécessaire de travailler avec des -diviseurs). Dire qu’une paire est klt signifie que et sont peu singulières. Ces singularités sont inévitables lorsqu’on applique le programme de Mori. Il est immédiat (voir la preuve du lemme 64 ci-dessous) et important de constater qu’une petite perturbation d’une paire klt est encore une paire klt : si est un -diviseur de Cartier effectif et si est klt, alors est klt pour tout suffisamment petit.
Exemple 5.
-
(1)
Les paires klt sont lc.
-
(2)
Soient une surface lisse et une courbe lisse de genre telle que . Soit le morphisme birationnel consistant à contracter sur un point. Alors est une résolution de la paire et
La paire est donc klt si et seulement si , est lc si et seulement si .
-
(3)
Si est lisse et est un diviseur à croisements normaux simples, alors
et est klt si et seulement si pour tout , est lc si et seulement si pour tout .
Les résultats suivants sont dus à Hacon et Kernan (on renvoie à l’article original [HM07] pour des énoncés un peu plus généraux).
Théorème 60.
(Hacon et Kernan) Soient une paire klt et un morphisme propre tels que est -gros et est -nef444444Un -diviseur est dit -gros s’il est -linéairement équivalent à où est -ample et est un -diviseur de Weil effectif. Un diviseur -Cartier est -nef s’il est nef en restriction à toute fibre de .. Soient une variété algébrique normale, un morphisme propre birationnel et . Alors toute composante connexe de toute fibre de est rationnellement connexe par chaînes.
Mise en garde. Dans cet énoncé, les composantes connexes des fibres de ne sont en général pas irréductibles. Dire qu’une composante connexe d’une fibre de est rationnellement connexe par chaînes implique que deux points quelconques de peuvent être joints par une chaîne de courbes rationnelles contenues dans . Ceci n’implique pas que chaque composante irréductible de est elle-même rationnellement connexe par chaînes. Soient une variété lisse de dimension , l’éclaté de en et l’éclaté de le long d’une courbe elliptique contenue dans le diviseur exceptionnel de . Soit la composée. Alors est connexe, a deux composantes irréductibles, est rationnellement connexe par chaînes mais la composante correspondant au diviseur exceptionnel du deuxième éclatement n’est pas rationnellement connexe par chaînes : c’est un fibré en sur une courbe elliptique.
Les deux énoncés suivants étaient conjecturés par Shokurov. Il s’agit du théorème 60 dans les cas extrêmes où est un point et .
Dans le cas où est réduit à un point, on obtient une généralisation du théorème 54 due à Zhang.
Corollaire 61.
(Hacon et Kernan, Zhang) Soit une paire klt, avec projective, telle que est gros et nef. Alors est rationnellement connexe.
Dans le cas où , on obtient encore le corollaire suivant, généralisation des propositions 11 et 15 et du corollaire 12 ; le point (1) est la conjecture de connexité rationnelle de Shokurov.
Corollaire 62.
(Hacon et Kernan) Soit une paire klt.
-
(1)
Soient une variété algébrique normale et un morphisme birationnel propre. Alors toute fibre454545Inutile ici de se restreindre aux composantes connexes, le théorème principal de Zariski affirme que si est propre birationnel avec normale, alors les fibres de sont connexes. de est rationnellement connexe par chaînes.
-
(2)
Soient une variété algébrique normale et une application rationnelle propre. Si ne contient pas de courbes rationnelles, alors se prolonge en une application régulière .
Une dernière conséquence est la connexité rationnelle par chaînes des fibres des contractions de Mori fournies par le théorème du cône.
Corollaire 63.
Soient une variété projective à singularités terminales et un morphisme sur une variété projective . Soient une arête du cône telle que et la contraction associée. Alors toute fibre de est rationnellement connexe par chaînes.
Mentionnons aussi que Broustet et Pacienza ont étendu depuis les résultats de Hacon et Kernan au cas où n’est plus supposé -nef [BP09].
7.2. Les grandes lignes de la preuve du théorème 60
On donne dans ce paragraphe les grandes étapes, tous les détails sont donnés dans la suite de ce cours.
Soient une paire klt et un morphisme propre tels que est -gros et est -nef. Soient une variété algébrique normale, un morphisme propre birationnel et . Supposons pour simplifier que est linéairement équivalent à et que avec ample aussi général que souhaité, effectif et klt.
7.2.1. Le cas où est réduit à un point.
Il s’agit alors de montrer que est rationnellement connexe par chaînes. Supposons à nouveau pour simplifier que est lisse et qu’il y a un morphisme régulier de sur son quotient rationnel . Comme n’est pas uniréglé (théorème 50), le théorème 19 affirme que est pseudo-effectif, et par suite que
pour tout -diviseur ample sur .
On peut alors écrire464646Les participants de l’Ecole d’Eté 2007 de l’Institut Fourier à Grenoble reconnaitront la décomposition “dagger” dont Alessio Corti est fan.
où et sont effectifs sans composante commune, la paire est klt et est -exceptionnel. On peut aussi supposer que avec klt. Comme est -exceptionnel,
En utilisant la positivité de , on montre alors, c’est l’étape clé, qu’il existe un -diviseur ample sur tel que
(et ainsi est réduit à un point, i.e. est rationnellement connexe par chaînes). Cette inégalité (de type conjecture ) est obtenue à l’aide d’un théorème de positivité d’images directes (dû à Campana) pour les faisceaux du type , où est un diviseur effectif dont la restriction à la fibre générale de est lc.
7.2.2. Le cas où .
Fixons et supposons que est affine. Supposons aussi pour simplifier que est lisse et que est un diviseur à croisements normaux simples.
On montre alors que si est le nombre de composantes irréductibles de , il existe une numérotation des composantes irréductibles de et pour tout une paire tels que
-
(1)
où est un -diviseur ample et effectif et est un -diviseur effectif,
-
(2)
où est effectif, -exceptionnel et n’a pas de composante commune avec ,
-
(3)
et le coefficient de dans vaut , celui des est . En particulier, où est klt et ne contient pas dans son support.
On montre ensuite que
-
(1)
La composante est rationnellement connexe,
-
(2)
pour tout , est rationnellement connexe par chaînes modulo
ce qui signifie que pour tout , il existe une chaîne de courbes rationnelles joignant à un point de .
Pour montrer que est rationnellement connexe, on considère comme précédemment son quotient rationnel (que l’on suppose régulier pour simplifier) puis l’on montre qu’il existe un -diviseur ample sur tel que
à l’aide à nouveau du théorème de positivité d’images directes de Campana.
Pour conclure, il suffit de montrer que . Or si bien qu’il s’agit alors d’appliquer un théorème d’extension de sections fourni lui-aussi par Hacon et Kernan.
7.3. Un peu de technologie des paires
L’avantage de travailler avec des paires réside dans leur grande souplesse, on peut les perturber et “suivre leur positivité” dans les log-résolutions successives. On donne ici un lemme qui illustre bien ce principe.
Lemme 64.
Soient une paire klt. On suppose que est gros. Alors il existe un -diviseur ample effectif et un -diviseur effectif tels que les paires et sont klt et 474747Dans tout ce texte, est l’équivalence linéaire des -diviseurs : deux -diviseurs et sont linéairement équivalents s’il existe un entier positif tels que et sont deux diviseurs entiers linéairement équivalents..
Ce lemme permet donc de remplacer la paire klt par une paire elle aussi klt, avec et . L’hypothèse que est gros est évidemment essentielle ici.
Démonstration. Comme est gros, il existe des -diviseurs et tels que est ample, est effectif et . Soit un élément général et , où est choisi suffisamment grand et suffisamment divisible pour que soit un diviseur (entier) très ample sur . On pose alors
où et . Par construction, est -Cartier, donc l’est aussi, de même que .
Soit une log-résolution telle que soit un diviseur à croisements normaux simples. Si est suffisamment général, la transformée stricte de est égale à sa transformée totale .
Le lemme découle alors des calculs suivants, la somme porte à chaque fois sur les diviseurs -exceptionnels et les ′ désignent les transformées strictes.
Comme pour tout , les quantités sont aussi pour suffisamment petit. De même, les multiplicités de et le long de leurs composantes irréductibles sont si est suffisamment petit.
7.4. Le théorème de positivité d’images directes de Campana.
L’un des ingrédients essentiels, non encore introduit dans ce cours, de la preuve du théorème de Hacon et Kernan est un théorème de positivité d’images directes. Pour l’énoncer, nous avons besoin d’une définition due à Viehweg.
Définition 65.
Un faisceau cohérent sans torsion sur une variété projective est faiblement positif si, désignant le plus grand ouvert sur lequel est localement libre, il existe un ouvert non vide tel que pour tout diviseur ample sur , pour tout entier , il existe tel que les sections globales de engendrent .
Remarque. On met en garde le lecteur avec le fait que le faisceau nul est faiblement positif !!
Le théorème de positivité d’images directes dû à Campana [Cam04b], et faisant suite aux travaux de Viehweg, s’énonce de la façon suivante.
Théorème 66.
(Campana) Soit un morphisme à fibres connexes entre variétés projectives lisses et soit un -diviseur effectif. On suppose que la restriction de à une fibre générale de est lc. Alors le faisceau est faiblement positif pour tout entier tel que est entier.
On l’a dit, le faisceau nul est faiblement positif. Sous des hypothèses de positivité de la fibre, on garantit que le faisceau images directes est non trivial.
Théorème 67.
Soit un morphisme à fibres connexes entre variétés projectives lisses, soit un -diviseur effectif et soit la fibre générale de .
On suppose que la paire est lc et que
pour un entier tel que est entier.
Alors, pour tout diviseur ample sur , il y a un entier tel que
Démonstration. Répétons, pour le confort du lecteur, cet argument dû à Campana et Viehweg et détaillé dans [Deb08].
Le lemme d’aplatissement de Raynaud combiné au théorème de désingularisation d’Hironaka permet de construire un diagramme
où et sont des variétés projectives lisses, et sont des modifications telles que d’une part et d’autre part toute hypersurface dont l’image par est de codimension dans est -exceptionnelle.
Comme est lc, le théorème 66 assure que
est faiblement positif pour tout suffisamment divisible. Ce même faisceau est aussi non nul car
puisque la fibre du faisceau en un point général de vaut
supposé non nul.
Comme est ample, est linéairement équivalent à avec ample sur et effectif. Par définition de la faible positivité du faisceau non nul , il existe un entier et un ouvert de , dont le complémentaire dans est de codimension , tels que
A fortiori, puisque ,
Or,
Comme est -exceptionnel, de même que le complémentaire dans de , on en déduit que
On en déduit, suivant la terminologie introduite par Campana, une version “orbifold” de la conjecture .
Corollaire 68.
Soit un morphisme à fibres connexes entre variétés projectives lisses, soit un -diviseur effectif et soit la fibre générale de . On suppose que la paire est lc et que
Alors, pour tout diviseur ample sur ,
Démonstration. Comme il existe un entier tel que
on en déduit que pour tout suffisamment divisible, s’injecte dans
A fortiori,
7.5. Le résultat de Zhang.
On traite ici le cas où . Rappelons l’énoncé.
Corollaire 61. (Zhang) Soit une paire klt, avec projective, telle que est gros et nef. Alors est rationnellement connexe.
Démonstration.
Soit une log-résolution de la paire fixée dans toute la suite. On va montrer que est rationnellement connexe. Comme est lisse, il suffit de montrer que est rationnellement connexe par chaînes (corollaire 39), autrement dit que son quotient rationnel est réduit à un point.
Comme est gros et nef, le “base-point-free theorem”484848 En voici l’énoncé, dans le cadre relatif utile pour la suite du cours. On l’applique ici dans le cas où est réduit à un point.
Théorème 69.
(“Base-point-free theorem”) Soient une paire klt, un morphisme projectif et un diviseur de Cartier -nef sur . On suppose qu’il existe un rationnel tel que est -nef et -gros. Alors le système linéaire est -globalement engendré pour tout suffisamment divisible. Dans l’énoncé de ce théorème, “ est -globalement engendré” signifie qu’il existe un recouvrement de par des ouverts affines tel que est sans point base en restriction à pour tout ouvert du recouvrement. affirme que est sans point base pour assez grand et assez divisible. Soit alors un élément général pour suffisamment grand et divisible. La paire est toujours klt et si , alors est gros et . Comme est gros, le lemme 64 montre qu’il existe , ample et effectif, suffisamment général pour que sa transformée totale sous soit égale à sa transformée stricte sous , tels que est klt, est klt et .Dorénavant, on peut donc supposer que est une paire klt, que est linéairement équivalent à et que avec ample aussi général que souhaité, effectif et klt.
Etape 2. Soient le quotient rationnel de , une suite d’éclatements de centres lisses qui lève les indéterminations de et le morphisme associé.
On écrit à nouveau la décomposition
où et sont effectifs sans composante commune, la paire est klt, et est -exceptionnel. Enfin, avec klt. Comme est -exceptionnel,
Etape 3. Démontrons le lemme suivant.
Lemme 70.
Il existe un -diviseur ample sur tel que où est effectif et la paire est klt.
En effet, il existe un diviseur effectif tel que est ample sur pour tout suffisamment petit. Si est très ample sur , soit un membre général de . On a alors
Si est suffisamment grand et suffisamment petit, la paire est klt puisque l’est et convient. Ceci termine ce lemme.
Etape 4. La paire est klt, donc sa restriction à la fibre générale l’est aussi. De plus,
donc
est effectif donc
Comme et , on en déduit par le Corollaire 68 que
7.6. Le théorème de Hacon et Kernan.
On traite ici le cas où . Rappelons l’énoncé.
Théorème 60. (Hacon et Kernan) Soient une paire klt et un morphisme propre tels que est -gros et est -nef. Soient une variété algébrique normale, un morphisme propre birationnel et . Alors toute composante connexe de toute fibre de est rationnellement connexe par chaînes.
7.6.1. Quelques réductions “faciles”
Comme l’énoncé est local, on peut supposer que est affine, et à l’aide du “base-point-free theorem” dans sa version relative, on montre, exactement comme dans la preuve du théorème de Zhang494949 Dans notre situation, est affine, et quitte à réduire , on peut écrire avec ample et effectif, et . La paire est klt pour petit et est nef et gros, donc est sans point base pour suffisamment divisible. , qu’il existe , ample et effectif, suffisamment général pour que sa transformée totale sous soit égale à sa transformée stricte sous , tels que est klt, est klt et .
Dorénavant, on suppose donc que est une paire klt, que est un morphisme tel que est linéairement équivalent à et que avec ample aussi général que souhaité, effectif et klt. On supposera aussi, quitte à faire une factorisation de Stein, que est à fibres connexes et que est affine normale.
7.6.2. On réalise la fibre comme lieu non klt d’une paire bien choisie
Fixons . Quitte à éclater encore , on peut supposer que est une log-résolution de telle que
est un diviseur à croisements normaux simples505050 et ont bien sûr des composantes communes. : si est une suite d’éclatements (donc à fibres connexes) et si toute composante connexe de est rationnellement connexe par chaînes, alors toute composante connexe de est aussi rationnellement connexe par chaînes.
Soit dont on rappelle qu’on vient de supposer que c’est un diviseur à croisements normaux simples.
Proposition 71.
Si est le nombre de composantes irréductibles de , il existe une numérotation des composantes irréductibles de et pour tout compris entre et une paire tels que
-
(1)
où est un -diviseur ample et effectif et est un -diviseur effectif,
-
(2)
où est effectif, -exceptionnel et n’a pas de composante commune avec ,
-
(3)
et le coefficient de dans vaut , celui des est , celui des est . En particulier, où est klt et ne contient pas dans son support515151 On conseille au lecteur l’exercice suivant : soit l’éclatement de deux points infiniment voisins dans une surface lisse . On note et les deux courbes exceptionnelles, le point de tel que . Soient une courbe possédant une singularité nodale d’ordre en , sur . Alors, est une log-résolution de telle que est à croisements normaux simples et on a et où , et ..
Démonstration.
Etape 1. Construction d’un diviseur auxiliaire.
On écrit la décomposition :
où et sont effectifs, sans composante commune, est -exceptionnel et . Comme les composantes irréductibles de peuvent être -exceptionnelles, on écrit où les sont et le support de ne contient pas de .
Evidemment, est klt, (comme toujours, un ′ désigne la transformée stricte) car on a supposé que est suffisamment général. Finalement, où est effectif et est klt. On note au passage que le support de est à croisements normaux simples. Soit un -diviseur effectif et -exceptionnel tel que soit ample. On remarque que pour tout , est encore ample. On vérifie facilement que pour convenable, la paire est klt. On choisit suffisamment général et on pose et ; et sont des paires klt et les supports de et sont à croisements normaux simples. On peut également supposer ici que et n’ont pas de composante commune, quitte à remplacer , et par les diviseurs obtenus en simplifiant les composantes communes.
Etape 2. Numérotation des composantes.
Soit un entier, soient des diviseurs amples généraux sur passant par et soit . Ecrivons où ne contient pas de dans son support. Si est un rationnel et suffisamment petit indépendamment de , alors la paire est klt. Choisissons maintenant de sorte que pour tout compris entre et .
Ecrivons pour :
Choisissons des rationnels strictements positifs de sorte que soit ample et de sorte que les rationnels soient deux à deux distincts et . On renumérote alors les composantes afin que
et on pose .
Etape 3. Construction des .
L’identité ci-dessus se ré-écrit alors
Soit alors, comme dans la preuve du lemme 64, un -diviseur général et linéairement équivalent à . On pose alors
Par construction, on a
d’où
La paire convient : en effet, si alors donc est -exceptionnelle.
7.7. Deuxième étape de la preuve du théorème 60 : extension de sections
Si est un -diviseur effectif, on note sa partie fractionnaire.
Proposition 72.
Avec les notations précédentes, pour tout
La preuve de cette proposition repose sur un théorème d’extension de sections dû à Hacon et Kernan ([HM06], Corollary 3.17). Il est l’aboutissement d’une série de travaux initiés par Siu, Tsuji et Takayama.
Théorème 73.
(Hacon et Kernan) Soient un morphisme projectif avec affine, lisse de dimension . Soit un diviseur ample sur . Soient une hypersurface lisse de et un -diviseur effectif dont le support est à croisements normaux simples tel que . Soit enfin un -diviseur effectif dont le support ne contient pas . On suppose
-
(1)
que est pseudo-effectif
-
(2)
et qu’il existe un -diviseur effectif ne contenant aucune intersection (non vide) de composantes de .
Alors, il existe un entier tel que pour tout , l’image de l’application naturelle
contient où l’inclusion
est induite par le diviseur .
Montrons comment on utilise ce résultat pour démontrer la proposition 72.
Démonstration de la proposition 72. On le fait pour la “première composante”, à savoir . On applique le résultat ci-dessus à , et . On peut toujours supposer qu’un multiple entier non nul de est effectif (et donc certainement pseudo-effectif) sinon il n’y a rien à démontrer. La condition (1) est donc satisfaite.
De même, , donc le lieu base de est contenu dans (rappelons que est affine donc ce qui vient de peut être supposé sans point base). Or est un diviseur à croisements normaux simples et et n’ont pas de composantes communes, une intersection de composantes de ne peut donc pas être incluse dans : la condition (2) est ainsi aussi satisfaite.
Le théorème précédent affirme alors qu’il existe un entier tel que pour tout , l’image de l’application naturelle
contient où l’inclusion
est induite par le diviseur et où est un diviseur ample sur et est la dimension de .
On en déduit que
Soit un diviseur sur tel que soit effectif. On a finalement
puisque . On a bien
Pour la composante , il s’agit du même raisonnement avec , et .
7.8. Dernière étape de la preuve du théorème 60
Les notations et la situation sont celles de l’étape précédente. La proposition suivante termine la preuve du théorème 60.
Proposition 74.
-
(1)
La composante est rationnellement connexe,
-
(2)
pour tout , est rationnellement connexe par chaînes modulo
ce qui signifie que pour tout , il existe une chaîne de courbes rationnelles joignant à un point de .
Démonstration. On commence par démontrer le premier point. Comme est lisse, il suffit de montrer que est rationnellement connexe par chaînes (corollaire 39), autrement dit que son quotient rationnel est réduit à un point.
Soit donc le quotient rationnel de . On peut supposer que est lisse. La paire klt va jouer un rôle clé. Rappelons la liste de ses propriétés :
-
(1)
la dimension de Kodaira de vaut ou : ceci découle immédiatement de la proposition 72,
-
(2)
où est ample sur , la paire est klt et
est effectif.
-
(3)
soient une suite d’éclatements qui lève les indéterminations de et
le morphisme composé. Alors la dimension de Kodaira de la restriction de
à la fibre générale de est (car supérieure ou égale à la dimension de Kodaira de la restriction de à la fibre générale de !).
On utilise alors à nouveau le théorème de positivité d’images directes de Campana. Soient donc, comme ci-dessus, une suite d’éclatements qui lève les indéterminations de et le morphisme composé. On écrit comme d’habitude la décomposition
où et sont effectifs sans composantes communes, et est -exceptionnel. Les propriétés précédemment listées pour se propagent à :
-
(1)
la dimension de Kodaira de vaut ou ,
-
(2)
la dimension de Kodaira de la restriction de à la fibre générale de est ,
-
(3)
où est klt.
D’après le lemme 70, il existe un diviseur ample sur tel que où est un diviseur effectif sur et la paire est klt.
La paire est klt et
donc
est de dimension de Kodaira .
Comme et , on en déduit alors que
Or n’est pas uniréglé (théorème 50), le théorème 19 affirme donc que est pseudo-effectif, et par suite que
Contradiction sauf si est un point ! C’est magnifique et ça termine la preuve du premier point.
Pour montrer que est rationnellement connexe par chaînes modulo
il suffit d’observer que si est le quotient rationnel de , alors soit
domine , soit le même raisonnement que précédemment montre que est réduit à un point.
Références
- [AKMW02] D. Abramovich, K. Karu, K. Matsuki, J. Włodarczyk. Torification and factorization of birational maps. J. Amer. Math. Soc. 15, no. 3, (2002), 531–572.
- [AK03] C. Araujo, J. Kollár. Rational curves on varieties. Higher dimensional varieties and rational points (Budapest, 2001), 13–68, Bolyai Soc. Math. Stud., 12, Springer, Berlin, 2003.
- [Bea95] A. Beauville. Quantum cohomology of complete intersections. Matematicheskaya Fizika, Analiz, Geometriya, 2 (1995), 384–398.
- [BCHM10] C. Birkar, P. Cascini, C.D. Hacon, J. Kernan. Existence of minimal models for varieties of log general type. J. Amer. Math. Soc. 23, no. 2, (2010), 405–468.
- [Bon02] L. Bonavero. Factorisation faible des applications birationnelles (d’après Abramovich, Karu, Matsuki, Włodarczyk et Morelli). Séminaire Bourbaki, Vol. 2000/2001. Astérisque No. 282 (2002), Exp. No. 880, vii, 1–37.
- [BCW02] L. Bonavero, F. Campana, J.A. Wiśniewski. Variétés projectives complexes dont l’éclatée en un point est de Fano. C.R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 334 (2002), 463–468.
- [BH10] L. Bonavero, A. Höring. Counting conics in complete intersections. Proceedings of the Conference Complex Geometry Jan. 11-17 2009, Hanoi National University of Education (ed. H. Esnault, Y.T. Siu, E. Viehweg). Acta Mathematica Vietnamica, Vol. 35, 1 (2010), 23–30.
- [BDPP04] S. Boucksom, J.P. Demailly, M. Păun, T. Peternell. The pseudo-effective cone of a compact Kähler manifold and varieties of negative Kodaira dimension. Prépublication, arXiv:math/0405285.
- [BP09] A. Broustet, G. Pacienza. Rational connectedness modulo the Non-nef locus. à paraître dans Commentarii Mathematici Helvetici. Preprint arXiv:0901.4494.
- [Cam81] F. Campana. Coréduction algébrique d’un espace analytique faiblement Kählérien compact. Inv. Math., 63 (1981), 187–223.
- [Cam92] F. Campana. Connexité rationnelle des variétés de Fano. Ann. Sc. ENS. 25 (1992), 539–545.
- [Cam04a] F. Campana. Orbifolds, special varieties and classification theory. Annales de l’Institut Fourier, 54, no. 3, (2004), 499–630.
- [Cam04b] F. Campana. Orbifolds, special varieties and classification theory: appendix. Annales de l’Institut Fourier, 54, no. 3,(2004), 631–665.
- [Cha04] A. Chambert-Loir. Points rationnels et groupes fondamentaux : applications de la cohomologie -adique (d’après P. Berthelot, T. Ekedahl, H. Esnault, etc.). Séminaire Bourbaki, Vol. 2002/03. Astérisque No. 294 (2004), Exp. No. 914, viii, 125–146.
- [CMS02] K. Cho, Y. Miyaoka, N. Shepherd-Barron. Characterizations of projective space and applications to complex symplectic manifolds. Higher dimensional birational geometry (Kyoto, 1997), Adv. Stud. Pure Math., 35, Math. Soc. Japan, Tokyo, (2002), 1–88.
- [CKM88] H. Clemens, J. Kollár, S. Mori. Higher Dimensional Complex Geometry. Astérisque 166 1988.
- [Cor07] A. Corti (éd). Flips for -folds and -folds. Oxford Lecture Series in Mathematic and its Applications, vol. 35, The Clarendon Press Oxford University Press, Oxford, 2007.
- [Deb97] O. Debarre. Variétés de Fano. Séminaire Bourbaki, Vol. 1996/97. Astérisque No. 245 (1997), Exp. No. 827, iv, 197–221.
- [Deb01] O. Debarre. Higher-dimensional algebraic geometry. Universitext. Springer-Verlag, New York, 2001.
- [Deb03] O. Debarre. Variétés rationnellement connexes (d’après T. Graber, J. Harris, J. Starr et A. J. de Jong). Séminaire Bourbaki. Vol. 2001/2002. Astérisque No. 290 (2003), Exp. No. 905, ix, 243–266.
- [Deb06] O. Debarre. Classes de cohomologie positives dans les variétés kählériennes compactes (d’après Boucksom, Demailly, Nakayama, Păun, Peternell et al.). Séminaire Bourbaki. Vol. 2004/2005. Astérisque No. 307 (2006), Exp. No. 943, viii, 199–228.
- [Deb08] O. Debarre. Systèmes pluricanoniques sur les variétés de type général (d’après Hacon-McKernan, Takayama, Tsuji). Séminaire Bourbaki. Vol. 2006/2007. Astérisque No. 317 (2008), Exp. No. 970, vii, 119–140.
- [DM98] O. Debarre, L. Manivel. Sur la variété des espaces linéaires contenus dans une intersection complète. Math. Ann. 312, no. 3, (1998), 549–574.
- [Dru08] S. Druel. Existence de modèles minimaux pour les variétés de type général. Séminaire Bourbaki, Vol. 2007/08. Exp. No. 982.
- [GHS03] T. Graber, J. Harris, J. Starr. Families of rationally connected varieties. J. Amer. Math. Soc. 16, no. 1, (2003), 57–67.
- [HM06] C.D. Hacon, J. Kernan. Boundedness of pluricanonical maps of varieties of general type. Invent. Math. 166, no.1, (2006), 1–25.
- [HM07] C.D. Hacon, J. Kernan. On Shokurov’s rational connectedness conjecture. Duke Math. J. 138, no. 1, (2007), 119–136.
- [HH83] R. Hartshorne, A. Hirschowitz. Smoothing algebraic space curves. Algebraic geometry, Sitges (Barcelona), (1983), 98–131, Lecture Notes in Math., 1124, Springer, Berlin, 1985.
- [Hir64] H. Hironaka. Resolution of singularities of an algebraic variety over a field of characteristic zero. I, II. Ann. of Math. (2) 79, (1964), 109–203; ibid. (2) 79 (1964), 205–326.
- [Hir75] H. Hironaka. Flattening theorem in complex-analytic geometry. Amer. J. Math. 97 (1975), 503–547.
- [IP99] V.A. Iskovskikh, Y.G. Prokhorov. Fano varieties. Algebraic geometry, V. Encyclopaedia Math. Sci. 47, Springer-Verlag, Berlin, 1999.
- [Jin05] M. Jinzenji. Coordinate Change of Gauss-Manin System and Generalized Mirror Transformation. Int. J. Mod. Phys. A20 (2005), 2131–2156.
- [JNS04] M. Jinzenji, I. Nakamura, Y. Suzuki. Conics on a Generic Hypersurface Prépublication, arXiv:math/0412527.
- [KMM87] Y. Kawamata, K. Matsuda, K. Matsuki. Introduction to the minimal model problem. Adv. Stud. Pure Math. 10, Alg. Geom., Sendai, T. Oda ed (1985),283–360.
- [Keb02] S. Kebekus. Characterizing the projective space after Cho, Miyaoka and Shepherd-Barron. Festschrift in honor of Hans Grauert. Complex geometry (Göttingen, 2000), Springer, Berlin (2002), 147–155.
- [Kol95] J. Kollár. Nonrational hypersurfaces. J. Amer. Math. Soc. 8, no. 1, (1995), 241–249.
- [Kol96] J. Kollár. Rational curves on algebraic varieties. Ergebnisse der Mathematik und ihre Grenzgebiete. 3 Folge 032, Springer-Verlag, 1996.
- [Kol97] J. Kollár. Singularities of pairs. Algebraic geometry—(Santa Cruz, 1995), 221–287, Proc. Sympos. Pure Math., 62, Part 1, Amer. Math. Soc., Providence, RI, 1997.
- [KM98] J. Kollár, S. Mori. Birational geometry of algebraic varieties. Cambridge Tracts in Mathematics, Vol. 134, Cambridge University Press, Cambridge 1998, With the collaboration of C.H. Clemens and A. Corti, Translated from the 1998 Japanese original.
- [KMM92] J. Kollár, Y. Miyaoka, S. Mori. Rational Connectedness and Boundedness of Fano Manifolds. J. Diff. Geom. 36 (1992), 765–769.
- [Lan03] J.M. Landsberg. Lines on projective varieties. J. reine angew. Math. 562 (2003), 1–3.
- [Laz84] R. Lazarsfeld. Some applications of the theory of positive vector bundles. Complete intersections (Acireale, 1983), 29-61, Lecture Notes in Math. 1092, Springer-Verlag, Berlin, 1984.
- [Laz04] R. Lazarsfeld. Positivity in algebraic geometry II. Ergebnisse der Mathematik und ihre Grenzgebiete. 3 Folge 49, Springer-Verlag, 2004.
- [Mar00] M.R. Marchisio. Unirational quartic hypersurfaces. Boll. Unione Mat. Ital. Sez. B Artic. Ric. Mat. (8) 3 (2000), no. 2, 301–314.
- [Mar06] M.R. Marchisio. A dimensional family of smooth unirational quartic folds. Boll. Unione Mat. Ital. Sez. B Artic. Ric. Mat. (8) 9 (2006), no. 3, 733–748.
- [Mat01] K. Matsuki. Introduction to the Mori program. Universitext. Springer-Verlag, New York, 2001.
- [Mor79] S. Mori. Projective manifolds with ample tangent bundles. Ann. of Math. 110 (1979), 593–606.
- [Mor82] S. Mori. Threefolds whose canonical bundles are not numerically effective. Ann. of Math. 116 (1982), 133–176.
- [MM81] S. Mori, S. Mukai. Classification of Fano -folds with . Manuscripta Math. 36 (1981), 147–162.
- [Pac03] G. Pacienza. Rational curves on general projective hypersurfaces. J. Algebraic Geom. 12, no. 2, (2003), 245–267.
- [Wis91] J.A. Wiśniewski. On contractions of extremal rays of Fano manifolds. J. reine angew. Math. 417 (1991), 141–157.
- [Zha06] Q. Zhang. Rational connectedness of log -Fano varieties. J. reine angew. Math. 590 (2006), 131–142.