Complexité des boréliens à coupes dénombrables.
Dominique LECOMTE
( Fund. Math. 165 (2000), 139-174)
Résumé. Nous donnons, pour chaque niveau de complexité , une caractérisation du type “test d’Hurewicz” des boréliens d’un produit de deux espaces polonais ayant toutes leurs coupes dénombrables ne pouvant pas être rendus par changement des deux topologies polonaises.
Cet article fait suite à une étude entamée dans [Le1], [Le2] et
[Le3]. Il a pour objet de répondre à une conjecture faite dans ce dernier, et
peut pour l’essentiel être lu indépendamment de ces articles. Cependant, la lecture
préalable de ces articles peut éclairer plusieurs points techniques présents dans les
arguments développés ici. Ces travaux se situent
dans le cadre de la théorie descriptive des ensembles. Je
renvoie le lecteur à [Ku] pour les notions de base de théorie descriptive
classique et à [Mo] pour les notions de théorie descriptive effective.
Pour déterminer la complexité exacte d’un borélien, on est amené à montrer qu’il n’est
pas d’une classe de Baire donnée. Le théorème d’Hurewicz, rappelé ci-dessous, donne
un critère pour la classe des (cf [SR]) :
Théorème. Soient un espace polonais et un borélien de . Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe une injection continue telle que
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Cet exemple des suites nulles à partir d’un certain rang peut être remplacé par
n’importe quel ensemble infini dénombrable sans point isolé de . Il est
appelé “test d’Hurewicz” pour la classe des . Ce théorème a été généralisé
aux autres classes de Baire par A. Louveau et J. Saint Raymond (cf [Lo-SR]).
On s’intéresse ici à une hiérarchie analogue à celle de Baire, sauf
qu’au lieu de partir des ouverts-fermés d’un espace polonais de dimension 0, on part
des produits de
deux boréliens, chacun d’entre eux étant inclus dans un espace polonais. L’analogie
devient plus claire quand on sait qu’étant donnés un espace polonais et un
borélien de , on peut trouver une topologie polonaise plus fine que la
topologie initiale sur (topologie ayant donc les mêmes boréliens), de dimension 0,
et qui rende ouvert-fermé. Pour notre problème, le fait de travailler dans les
espaces de dimension 0 n’est donc pas une restriction réelle. La définition qui suit
apparaît alors naturelle.
Définition. Soient et des espaces polonais, et un borélien de
. Si est une classe de Baire, on dira que
est ce qu’on notera
s’il existe des topologies polonaises de dimension 0,
sur et sur , plus fines que les topologies
initiales, telles que , considéré comme partie de , soit dans .
La motivation pour l’étude de ces classes de Wadge potentielles trouve son
origine dans l’étude des relations d’équivalence boréliennes, et plus précisément
dans l’étude du pré-ordre suivant sur la collection des relations d’équivalence
boréliennes définies sur un espace polonais :
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A l’aide de la notion de classe de Wadge potentielle, A. Louveau montre dans
[Lo3] que la collection des relations d’équivalence n’est pas
co-finale, et il en déduit qu’il n’existe pas de relation maximum pour .
On cherche à établir des résultats analogues au théorème d’Hurewicz pour les classes
de Baire potentielles. Le résultat principal de cet article établit l’analogue du
théorème d’Hurewicz pour la classe des ensembles potentiellement . Dans
[Le3], il y a la
Conjecture. Il existe un borélien de , tel que pour
tous espaces polonais et , et pour tout borélien de à coupes verticales
dénombrables, on a l’équivalence entre les conditions suivantes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe des fonctions continues et
telles que .
L’essentiel de cet article va consister à analyser les boréliens non
ayant leurs coupes horizontales et verticales dénombrables pour arriver
progressivement à montrer le
Théorème 7. Il existe un borélien de , tel que pour
tous espaces polonais et , et pour tout borélien de dont les coupes
horizontales et verticales sont dénombrables, on a l’équivalence entre les
conditions suivantes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe et
, homéomorphismes sur leurs images, tels que l’on ait
.
Ce borélien sera une “version uniforme” du test d’Hurewicz, c’est-à-dire un
ensemble dont toutes les coupes verticales sont infinies dénombrables sans point
isolé. Plus précisément, sera réunion dénombrable de graphes d’homéomorphismes
de domaine ouvert-fermé. On verra aussi qu’essentiellement, dans tout borélien ayant
ses coupes horizontales et verticales dénombrables et n’étant pas , on
peut trouver, à un changement de topologie près, une telle réunion se réduisant à
au sens du théorème 7. On cherchera entre autres à réduire de telles réunions
entre elles.
L’hypothèse de dénombrabilité des coupes dans le théorème 7 peut sembler moins
naturelle que par exemple l’hypothèse “ est ”. Mais cette
dernière n’est pas suffisante. En effet, les boréliens à coupes verticales (ou
horizontales) dénombrables sont (voir [Lo2]). Nous montrons que le théorème 7
devient faux si on suppose seulement à coupes verticales dénombrables, en
utilisant l’injectivité de et .
Pour terminer cette introduction, nous plaçons le théorème 7 dans un contexte
plus général. Il vient en effet compléter l’étude des boréliens à coupes
verticales dénombrables commencée dans [Le3]. Je renvoie
le lecteur à cet article pour les rappels concernant la hiérarchie de Wadge, qui
affine celle de Baire. On peut montrer que les seules classes de Wadge non stables
par passage au complémentaire contenues dans sont les
différences transfinies d’ouverts. On peut définir sans problème la notion d’ensemble
potentiellement dans , où est une classe de Wadge, en utilisant la
même définition que précédemment. L’analogue du théorème 7 pour les différences transfinies
d’ouverts est montré dans [Le3] (voir théorèmes 3.5 et 3.6). A ceci près que
l’hypothèse est moins forte (“ est potentiellement
” au lieu de “ a ses coupes horizontales et verticales dénombrables”), et
que la conclusion est moins forte (on n’a pas l’injectivité des fonctions de
réduction). Comme conséquence de ces résultats, on obtient le résultat de synthèse suivant :
Corollaire 9. Soit une classe de Wadge non stable par passage au
complémentaire. Alors il
existe un borélien de et un fermé contenant
, tels que pour tous espaces polonais et , et pour tout borélien
de ayant ses coupes horizontales et verticales dénombrables, on a
l’équivalence entre les conditions suivantes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe des fonctions continues et
telles que
.
Il est à noter que et vont être donnés de manière explicite, et
que a ses coupes horizontales et verticales dénombrables si , ce qui est le cas significatif. On a donc en particulier que si . D’autre part, si est auto-duale (c’est-à-dire si est
stable par
passage au complémentaire), ne pas être dans signifie ne pas être dans l’une
des deux classes non auto-duales succédant à dans l’ordre de Wadge
(l’inclusion des classes). L’étude des classes de Wadge auto-duales peut donc être
ramenée à celle des classes de Wadge non auto-duales.
Question. Un problème ouvert est de savoir si on peut
supprimer l’hypothèse “ a ses coupes horizontales et verticales dénombrables” dans le corollaire 9.
2 Analyse des boréliens à coupes dénombrables n’étant pas .
La définition qui suit donne un sens précis à l’expression “version uniforme du test
d’Hurewicz” évoquée dans l’introduction.
Définition. On dira que est une
si
(a) et sont des espaces polonais parfaits de dimension non vides.
(b) est un homéomorphisme de domaine (respectivement d’image)
ouvert-fermé de (respectivement de ).
(c) Pour , est une suite de domaines deux à
deux disjoints dont la réunion est dense dans
. On note la fonction obtenue par recollement des , pour entier.
(d) Il existe un dense de tel que
soit sans point isolé, pour tout
de .
L’idée va être de chercher le borélien du théorème 7 sous la forme
, où est
une situation générale. Et aussi de montrer que dans chaque borélien , dont toutes
les coupes sont dénombrables et n’étant pas , on peut trouver, à un
changement de topologie près, une telle réunion se réduisant à au sens du
théorème 7. On va donc être amenés à réduire une situation générale à une autre. C’est
l’objet du théorème 1 qui suit. Il se trouve que pour assurer l’existence d’une telle
réduction, il nous faut des conditions supplémentaires, aussi bien au départ qu’à
l’arrivée. D’où les deux définitions qui suivent. Toutes les conditions supplémentaires
de ces définitions seront utilisées dans la preuve du théorème 1 qui suit, à l’exception
de la condition (b) d’une situation d’arrivée, dont l’intérêt apparaîtra plus tard.
Définition. On dira que est une
si
(a) est une situation générale.
(b) Le diamètre du domaine et de l’image de vaut au plus , où
est injective.
Définition. On dira que est une
si
(a) est une situation générale.
(b) , où chaque est fini.
(c) Pour dans , on a , et pour , entiers,
il existe un entier tel que si et est dans ,
.
(d) Pour dans , il existe tendant vers telle que
appartienne à pour tout entier , et
.
(e) On définit des relations sur , étant entier, par
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Si , on pose .
On demande
(i) [], et [].
On définit ensuite la relation symétrique engendrée par :
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On dira que est une si pour tout , .
On définit la relation d’équivalence engendrée par :
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On demande
(ii) Si , il existe une unique -chaîne , sans
répétition de termes, telle que et aussi .
Théorème 1
Soient une
situation de départ et une situation
d’arrivée. Alors il existe des injections continues
et telles que
(a) Pour dans , est dans
.
(b) Pour dans , est dans
.
Démonstration. Le schéma de la preuve est
semblable à celui de la démonstration du théorème 2.12 de [Le3] ; la condition (iv) ci-dessous apporte des complications. On va construire
- Une suite d’ouverts-fermés non vides
de .
- Une suite d’ouverts-fermés non vides de .
- Une injection .
On pose, si ,
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La première coordonnée de sera notée .
Soit une suite d’ouverts de telle que .
On demande à ces objets de vérifier les conditions suivantes :
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Admettons ceci réalisé. On définit les injections continues et par
les formules
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Si , pour tout entier on a , et il
existe un entier tel que si , , puisque et coïncident à partir d’un
certain rang (on utilise la condition (c) d’une situation de départ). Posons
. Par (iii) on a si . D’où
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et .
Si maintenant , soit telle que
et tende vers (on utilise la
condition (d) d’une situation de départ). Par ce qui précède, on a que , d’où et
, par continuité de . Pour tout entier , il existe
un entier tel que pour ,
et puisque ; par (iv) on a donc et
, donc .
Montrons donc que la construction est possible.
On pose ,
, et (on peut
supposer que ). Admettons avoir construit
, et pour vérifiant (i)-(v), et
soient et . On note, si ,
l’unique -chaîne sans répétition de termes
telle que et , qui existe par la
condition (e).(ii) d’une situation de départ.
La relation définit sur une structure d’arbre, de
sommet . On va essentiellement construire les ouverts-fermés cherchés par
récurrence sur les niveaux de cet arbre. Si , on pose
. Alors et le nombre de non vides sont finis, puisque les classes d’équivalence de sont finies. De
plus, est non vide si l’est, donc on peut trouver tel que , …,
soient non vides et soit vide si . Posons
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On a donc Im. On va construire par récurrence sur , et
pour , des ouverts-fermés non vides et
tels que, si , on ait
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Admettons cette construction effectuée. On est tenté de poser
,
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et si n’est pas encore défini, on le définirait en assurant l’injectivité de et la seconde
partie de la condition (iii) ; on obtiendrait alors (i), (ii), (iii), et aussi (iv), (v) dans . Mais il se pourrait qu’il y ait plusieurs classes d’équivalence dans . On remarque alors que les
conditions (i), (ii), (iv) et (v) sont héréditaires. La construction montrera
qu’on peut procéder comme suit pour obtenir les conditions (iv) et (v) dans
.
Pour chaque couple de suites non équivalentes, on diminue
les ouverts-fermés concernés (à savoir et pour la condition (iv),
( et ) ou ( et ) pour la condition (v)), de façon à assurer la
condition ((iv) ou (v)) pour ce couple (c’est possible par rareté des graphes).
Puis on assure la condition (iii), ce qui diminue les ouverts-fermés et permet de
conserver les conditions (i) à (v) dans chaque classe. Comme les ensembles
sont finis, on arrive ainsi à satisfaire les conditions (i) à (v) en un nombre fini
d’étapes.
Montrons donc que cette nouvelle construction est possible. Si ,
vaut et ; on choisit pour
un ouvert-fermé de de
diamètre au plus tel que , et on
pose .
Admettons avoir construit les suites finies
, , …, ,
, …, ,
, vérifiant (1)-(6), ce qui est fait pour . On note
. La suite
est dans , donc on a
. Comme ,
, donc
et
; par le choix de ,
on peut trouver tel que . D’où
. Notons
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Cas 1. .
1.1. .
La suite a
déjà été définie et on a
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On choisit un ouvert-fermé de
de diamètre au plus tel que , on pose
. De sorte que les conditions (1) à (5) pour sont
réalisées.
On définit ensuite les et pour
, par récurrence sur .
Comme , a été défini et
il y a 2 cas. Soit entier compris entre et tel que
(la définition de
montre l’existence de ).
1.1.1. .
On pose
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1.1.2. .
On pose
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Montrons que ces définitions sont licites. On a que
, où
. Si le cas se produit, comme et
sont dans , l’unicité de
montre que . On en déduit que si
, on est dans le cas 1.1.2 puisqu’on ne peut pas avoir
, étant sans répétition de termes
(si et ,
on a ).
Dans le cas 1.1.1, on a et
, donc
est un ouvert-fermé non vide de
, puisque
. Par suite, est un ouvert-fermé non
vide de . De même,
est un ouvert-fermé non vide de
dans le cas 1.1.2, . Si , et la même
conclusion vaut, par le choix de ; par suite,
est un ouvert-fermé non vide de
. D’où la condition (6). Les conditions (1) et (2) pour en découlent. Vérifions (3). Soient donc tels que . Si on a l’égalité
, , et la condition (3) est
réalisée (on utilise la condition (e).(i) d’une situation de départ). Plus généralement,
la condition (3) est réalisée si . Si
et , la liaison entre et
a déjà été prise en compte, par minimalité des longueurs. De même
si et . Si , , on a
ou bien alors , par unicité. Là encore, la liaison a
été prise en compte. On a donc . La
condition (3) est donc réalisée, le seul nouveau cas étant celui où et , et par
la condition (e).(i) on a
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Remarquons que les conditions (1), (2), (4), (5), (6) sont héréditaires. Soient
tels que
et tel que , . On veut assurer que
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On a , où est de la forme
, avec
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En renumérotant, on a donc que . On va donc chercher à assurer que
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Montrons par l’absurde que c’est possible. Comme les sont des
homéomorphismes, est définie et continue donc on peut trouver un ouvert-fermé
non vide , et tels que
pour tout , et . En d’autres
termes, . Comme
est une situation d’arrivée,
on a ou alors il existe tel que . Montrons que
la seconde éventualité est exclue. Deux types de cas peuvent se produire :
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La fonction étant injective, vaut
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et . Par définition de , on a , ce qui contredit la
définition de .
Dans l’autre type de cas, l’injectivité de et la définition de font que
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ce qui est également absurde.
On a donc
, et ;
, et
; d’où
, avec
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ce qui est absurde.
En diminuant et en assurant la condition (3), on peut donc avoir la
condition (4) pour le couple . Comme ces couples sont en nombre fini, on
obtient la condition (4) en un nombre fini d’étapes.
On doit maintenant assurer (5). Il existe une relation du type
. On montre alors comme avant qu’on peut diminuer
de façon à assurer la disjonction de et .
De même, il existe une relation du type
. Là encore, on peut diminuer
de façon à assurer la disjonction de et . En effet, on a
pour tout d’un ouvert-fermé non vide de , où
. On raisonne alors
comme dans le cas précédent pour avoir une contradiction.
1.2. .
Ce cas est analogue au précédent (on a
, on choisit
dans , et seul le
cas 1.2.1 est possible si ).
2.1. .
Alors . On a
, et . Par la condition (d) d’une situation
générale, on peut trouver et
tels que
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On pose , en ayant pris soin de choisir
suffisamment grand pour assurer l’injectivité de .
L’ensemble est un
ouvert non vide ; on choisit
dans cet ouvert et on raisonne comme en 1.1.1.
2.2. .
On choisit dans
et on
raisonne comme en 2.1, en posant
.
Le lemme 6 de la section 3 assurera l’existence d’une situation de départ. Le reste de
cette section est consacré à la recherche, dans chaque borélien dont toutes les
coupes sont dénombrables et n’étant pas , d’une réunion
se réduisant à , où
est une situation d’arrivée. Pour ce faire, il se
trouve qu’un résultat intermédiaire (le théorème 3) va être utilisé deux fois. Pour
l’énoncer, il nous faut une définition supplémentaire.
Définition. On dira que est un
si
(a) et sont des espaces polonais parfaits de dimension non vides.
(b) est un homéomorphisme de domaine (respectivement d’image) ouvert-fermé de
(respectivement de ), de diamètre au
plus , où est injective.
(c) est de de projection dense dans , et
.
(d) Pour tout ouvert de tel que soit dense
dans , est comaigre dans .
(e) Si et sont ouverts-fermés et ,
est le graphe de la restriction
de à un ouvert de et est infini.
Avec le lemme 2 et le théorème 3 qui suivent, nous reprenons pour l’essentiel la
preuve du théorème 2.11 de [Le2] ; seul le vocabulaire change. Le lemme 2
donne un procédé pour obtenir des systèmes réducteurs. Le lemme 5 nous en fournira un
autre.
Lemme 2
Soient , des espaces polonais, un borélien de
dont les coupes horizontales et verticales sont dénombrables n’étant pas
. Alors il existe un système réducteur
et des injections
continues et tels que
(a) .
(b) .
Démonstration. On peut supposer, pour simplifier l’écriture, que
et sont récursivement présen-tés, et que est
-réunion de graphes de fonctions injectives. En effet, est
réunion dénombra-ble de graphes de fonctions boréliennes, étant à coupes verticales
dénombrables (cf [Ke]). étant à coupes horizontales dénombrables, ces
fonctions sont countable-to-one ; on applique alors le lemme 2.4.(a) de [Le2] pour
voir que est réunion dénombrable de graphes d’injections boréliennes. Dési-gnons
par un
ensemble de codes pour les de , et
par un ensemble dont les sections
aux points de décrivent les de , et tel que la relation
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soit (cf [Lo1]). Soit également
un ensemble de codes pour les de (dont l’existence
est démontrée dans [Lo1]). Posons
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On a
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Donc est . Posons ; est et
de muni de la topologie
( est la topologie
engendrée par les de ). En effet, comme est et
, est pour la topologie (voir
[Lo1]). De même, est réunion dénombrable de pour .
Posons ,
, et
, . On munit
(respectivement ) de la restriction de la topologie (respectivement
) de Gandy-Harrington sur (respectivement ), de sorte que et
sont polonais parfaits de dimension 0. En effet, les traces des
sur sont ouverts-fermés de : si
est contenu dans et est telle que
, on a
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L’espace est donc à base dénombrable
d’ouverts-fermés, donc métrisable séparable ; on sait (cf [HKL] et [Mo])
que c’est un espace fortement -favorable, comme ouvert (puisque ) d’un
espace fortement -favorable. C’est donc un espace polonais (cf [Ke]),
de dimension 0 par ce qui précède.
On pose , . L’ensemble est non vide. En effet,
rencontre , sinon serait et
aussi, donc serait
, ce qui est exclus. Donc ,
qui est , rencontre , par le théorème de base de Gandy
(cf [Lo3]). Comme , . Donc et sont non vides et on a la
condition (a) d’un système réducteur, puisque est , donc ouvert-fermé de .
De plus, est de et est dense dans .
Si est ouvert de , il est réunion de rectangles , donc
est ouvert de ; par suite, si est dense dans ,
est comaigre dans . D’où la condition (d) d’un système réducteur.
Posons , où est un
homéomorphisme de domaine et d’image ouverts-fermés non vides (en fait ; le
raffinement des topologies permet de rendre les bijections boréliennes bicontinues). Soient
et tels que , ouverts-fermés.
Pour voir que
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est infini, on peut supposer que et sont . Admettons avoir trouvé , …, deux à
deux distincts tels que
pour . Posons .
est , et . Posons
( car ). Supposons que . Alors, par double application du théorème de séparation,
, donc on a la triple
inclusion
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Donc et sont deux séparables par un
; ils peuvent par conséquent être séparés par un ensemble
(cf [Lo1]). On a , donc on peut trouver et , deux tels que
. D’où
et
est
. On a donc , puis
, ce qui est absurde. On a donc que
. Or , donc . Donc et est , donc rencontre
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donc . Comme est
ouvert-fermé de , . L’existence
d’un ouvert de tel que vient du fait que .
Soit injective. On
construit des ouverts-fermés de tels que
- soit dense dans .
- , .
Soit une suite dense de . On choisit un
ouvert-fermé de
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contenant , de
diamètre au plus , dont l’image par soit aussi de diamètre au
plus . Il est clair que convient.
Il reste à poser . On a . Enfin, on a vu qu’il y a une infinité d’entiers
tels que si , et on a un ouvert non vide de .
Par densité, on trouve tel que
. Par
suite, on a une
infinité de couples tels que .
Il reste à poser et .
A partir d’un système réducteur, on n’obtient pas tout de suite une situation
d’arrivée, mais seulement une situation générale dans un premier temps :
Théorème 3
Soit
un système réducteur. Alors il existe injective et des ouverts-fermés tels que si ,
(a) soit une situation générale.
(b) Pour dans et dans , est dans
.
Si de plus est une
situation d’arrivée, on peut avoir et
d’arrivée.
Démonstration. Soit
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On choisit une distance complète sur . On note, pour , la
distance complète sur définie par la formule . Pour
exprimer l’absence de points isolés dans , il est plus commode d’indexer les fonctions
par que par .
Soient donc bijective,
et .
On va en fait construire une injection , et on posera
ensuite . On va également construire, par récurrence sur
, où ,
- Des ouverts-fermés de .
- Des denses de .
- Des ouverts à coupes verticales ouvertes-fermées de .
- Des ouverts de .
On demande à ces objets de vérifier
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Admettons ceci réalisé. On pose , . Les conditions (a) et (b)
d’une situation générale sont clairement réalisées. On a , donc . L’ouvert
est donc
dense dans , par (1). De plus, la réunion est disjointe, par (2). D’où la
condition (c) d’une situation générale. On a , donc est dense de , et si et ,
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Donc . Par (3) et la remarque qui suit, on a la condition (d)
d’une situation générale.
Notons que . En effet, si , tel que
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Inversement, si , on trouve tel que
.
L’argument qui suit est semblable à celui utilisé dans la preuve du théorème
d’Hurewicz dans [SR]. On pose . Alors
est fermé dans , par récurrence sur : si , on a , et est fini, par (3).
Si et , . Donc il
existe tel que . Si et
est dans , dès que , donc , sauf pour un nombre fini de dans . Donc si on
définit , on a la suite d’inclusions suivante :
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D’où . Donc on trouve
une unique suite dans telle que
. est une suite décroissante de fermés non vides
dont les diamètres tendent vers 0 de , par (7) et (8), donc converge vers
, et .
D’où et .
Montrons donc que la construction est possible. Soit une base de la
topologie de formée d’ouverts-fermés non vides. Comme est polonais de dimension 0, il
peut être vu comme un fermé de ; on peut donc supposer que est muni
d’une distance complète telle que . On pose , . On construit et
par récurrence sur , en exigeant que . Admettons avoir construit et
pour . On peut définir, pour ,
|
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Comme est dense dans , , donc par la condition (e) d’un système réducteur, on peut trouver tel que
et . On a donc , et on pose
; on choisit tel
que . De sorte que la condition
(1) est réalisée. Ceci termine la construction pour .
On effectue maintenant une sous-construction : on construit, par récurrence sur ,
- Les ouverts .
- Une suite décroissante de denses de .
- Des fonctions continues .
- Des ouverts de .
On demande à ces objets de vérifier
|
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Montrons qu’une telle construction est possible. Si on a construit ces objets pour
, soit . Par continuité de , on peut trouver un
voisinage ouvert de inclus dans et un voisinage
ouvert-fermé de diamètre au plus de
tels que . De sorte que si , . On a, par la propriété de Lindelöf,
|
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On réduit la suite en , puis on pose
. Soit
un ouvert dense de
contenant tel que . Par le théorème de Jankov-von Neumann, on peut trouver
Baire-mesurable uniformisant sur sa projection .
est dense dans . En effet, soient un ouvert-fermé non vide de et
. Comme , on peut trouver un voisinage ouvert-fermé de tel que
. Soit alors . On a que . Par la
condition (d) d’un système réducteur, est comaigre dans , donc contient un
dense de . Alors est Baire-mesurable, donc
on peut trouver un dense de tel que soit continue.
On peut poser et . Si ,
, donc . Les
graphes de et sont des fermés disjoints de , donc
on peut trouver un ouvert-fermé de tel que .
On peut trouver des ouverts disjoints et de tels que
et
|
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par la propriété de réduction des ouverts. Soit une base de la topologie de stable
par intersections finies et formée d’ouverts-fermés vérifiant .
On raisonne alors comme précédemment : pour
dans , on trouve un voisinage ouvert-fermé de base de de
diamètre au plus et un voisinage ouvert-fermé de
tels que et . Comme avant, on applique la
propriété de Lindelöf, ce qui fournit et , et on réduit
la suite en . On pose et .
Les conditions (i) à (v) sont clairement satisfaites. On a donc les conditions (5)
et (6) de la construction principale.
On procède encore comme avant pour définir . Pour dans
, on trouve un voisinage ouvert-fermé de base de et un
voisinage ouvert-fermé de tels que
|
|
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et
, où est ouvert de tel que
|
|
|
On applique la propriété de Lindelöf, ce qui fournit et
, et on réduit la suite en . On pose
et
, et les conditions (7) et (8) sont satisfaites.
On a , avec par définition
et
, où est bijective. De plus, on a
si et est
comaigre dans car .
On procède alors comme pour pour terminer la construction, en travaillant dans
. On construit, par récurrence sur , et
, en exi-geant que . Soit la base de
formée des . On pose
|
|
|
On choisit tel que ,
|
|
|
et . On pose
et on choisit dans
tel que . Ceci termine la construction car
|
|
|
ce qui assure l’injectivité de .
Si de plus est d’arrivée, quitte à
remplacer par , on peut avoir .
L’injectivité de fait que la situation générale est en fait d’arrivée.
On doit maintenant obtenir une situation d’arrivée à partir d’une situation générale :
Théorème 4
Soit une situation générale. Alors il existe une
situation d’arrivée telle que et pour dans
, on ait .
Démonstration. Pour exprimer à la fois
l’absence de points isolés dans , la densité de dans et la
condition (c) d’une situation d’arrivée, il est plus commode d’indexer les fonctions
par que par . Soient donc
bijective croissante, et , où
|
|
|
( est la suite des nombres premiers). est donc une bijection de
sur vérifiant
et pour dans et dans . Soient une
base de la topologie de , et une suite d’ouverts denses de tels que
. En supposant
|
|
|
avec la convention , on définit
en posant
|
|
|
On a donc . On
construit des fonctions , pour , par récurrence sur , en demandant
|
|
|
Admettons cette construction réalisée. Soient
et, pour , bijectives. On pose . Les applications
suivantes sont réciproques l’une de l’autre :
|
|
|
Les conditions (a) et (b) d’une situation générale et les conditions (b) et (c) d’une situation d’arrivée seront alors clairement réalisées, par (3), (4) et (6).
est dense dans , sinon on peut trouver tel que . Comme la suite croît strictement vers l’infini, on trouve un plus petit
tel que .
Si , ; si , on a , ce
qui est absurde. Si ,
, ce qui contredit la disjonction de et
. Si , on a , ce qui contredit la
définition de .
Il suffit donc d’assurer (1) et (2) pour avoir la disjonction de et
pour , donc de et
pour , et la densité de dans
; on a donc la condition (c) d’une situation générale. Enfin, on pose
|
|
|
et la condition (5) entraîne la condition (d) d’une situation générale car si et
|
|
|
pour tout entier , donc il existe et
tels que
|
|
|
et , où .
Montrons donc que cette construction est possible. Soit
telle que . On choisit
un ouvert-fermé non vide strictement inclus dans
et on pose . Admettons avoir
construit vérifiant (1)-(7), ce qui est fait pour . Posons
. On a déjà construit , …,
dans , de sorte que
pour , par construction de .
Soit un ouvert-fermé non vide de tel
que , ,
|
|
|
et tel que soit inclus dans
|
|
|
Ce qui suit est à rapprocher du lemme 2.11 de [Le3]. Par (7), on note l’ensemble fini des compositions du type de la condition (6) sans termes consécutifs identiques de domaine
de définition non vide définissables à partir de , …,
. Pour , on pose
|
|
|
Alors est une partition en ouverts-fermés de , donc on trouve tel que . Soit . Par (6), est un ouvert dense de ; on peut donc trouver un
ouvert-fermé non vide de tel que ,
. Soit , et telle que
,
|
|
|
et aussi pour tout et tout . On choisit
contenant dans l’ouvert
tel que pour tout et pour tout
on ait et . On pose .
Il est clair que les conditions (1) à (5) sont réalisées. Montrons que la condition (6)
est réalisée au rang , en raisonnant par l’absurde. On peut donc trouver ,
et un ouvert-fermé non vide de
tels que pour tout de on ait et si . Par hypothèse de récurrence,
on peut trouver minimal tel que . Montrons, en
raisonnant par l’absurde, qu’un tel est unique. Si tel n’est pas le cas, on peut
trouver minimal tel que . Il y a alors quatre cas.
Cas 1. et sont impairs.
Posons . Comme ,
est dans et on trouve dans tel que
. On
a la double égalité
|
|
|
donc le domaine définition de est non vide. Si et , et
|
|
|
Si ou , on peut
trouver tel que
|
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comme , , donc
n’est pas défini, ce qui est absurde.
Cas 2. et sont pairs.
Dans la composition apparaît
, donc la composition
|
|
|
a un domaine de définition non vide. Mais on voit comme avant que c’est impossible.
Cas 3. est impair et est pair.
Soit tel que . Alors
, donc comme avant
, ce qui est absurde.
Cas 4. est pair et est impair.
Posons ; comme dans le cas 1, on trouve dans tel que
|
|
|
Posons ; on a
, et
|
|
|
où , puisque est défini. On a
|
|
|
D’où et donc , ce qui est absurde (on utilise le fait que et sont dans ).
L’entier est donc unique et on peut trouver un ouvert-fermé non vide de
sur lequel coïncide
avec une composition des fonctions , …, de la
forme , où . Mais
ceci est contraire à la construction de . Pour vérifier la
condition (7), on remarque que dans une composition du type de la condition (6) sans
termes consécutifs identiques des fonctions , …, , il y a au plus une fois la fonction (comme précédemment). Une telle composition est donc
nécessairement de la forme , ,
|
|
|
, ,
ou
|
|
|
où et . Il n’y en a donc qu’un nombre fini.
Il reste à pouvoir assurer la réduction de la situation d’arrivée au borélien dont
nous sommes partis. Le lemme qui suit, couplé avec le théorème 3, va le permettre.
Lemme 5
Soient une situation générale,
et une
situation d’arrivée telles que pour tout de ,
. Alors il existe un
ensemble , de ,
tel que soit un système réducteur.
Démonstration. Posons et
|
|
|
Alors est clairement , et on a , ainsi que les conditions (a) et (b) d’un système réducteur.
Soit un ouvert-fermé non vide de . On choisit . Comme est une situation d’arrivée, est
dénombrable sans point isolé,
donc on trouve dans , puisque est
polonais parfait et que est dénombrable. On a alors que puisque .
D’où la condition (c) d’un système réducteur.
Soient , . On choisit
des ouverts-fermés et tels
que et . On peut
trouver tel que
et un ouvert-fermé non vide ; si
,
étant dense dans , on peut trouver
tel que . Donc contient
, qui est non maigre. On a donc montré que pour tout ouvert-fermé
non vide de , est non maigre. Comme est
analytique, on en déduit que est comaigre dans . D’où la condition
(d) d’un système réducteur.
Soient et des ouverts-fermés tels que , et . Comme et , n’a pas de point isolé et on peut trouver une infinité de
tels que . Comme avant, on voit que
est dense dans , donc est limite de points . Donc est dans , et
est dans . Par
conséquent, l’ensemble est infini.
Posons . Il est clair que . Réciproquement, si , il faut voir que . est limite de
|
|
|
Comme avant, est limite de
, et on peut supposer que
|
|
|
Alors et tend vers .
3 Existence d’exemples et synthèse des résultats précédents.
Notations. Soit la suite des nombres premiers :
, , , … On pose
|
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On définit , puis
.
On pose, pour ,
|
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|
On définit ensuite les fonctions
|
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|
Lemme 6
Il existe une situation de départ.
Démonstration. Soient
bijective vérifiant , et aussi
|
|
|
et bijectives
réciproques l’une de l’autre avec et . On pose
. On va voir que est une
situation de départ.
Il est clair que est une partie finie de
, de cardinal au moins deux. De sorte que est un compact
parfait non vide de , donc une copie de . D’où la condition (a) d’une
situation générale et la condition (b) d’une situation de départ.
Les ensembles sont des ouverts-fermés de , donc des compacts,
et est clairement définie, injective et continue, donc est un
homéomorphisme de sur son image
|
|
|
Cette image est ouverte-fermée dans , d’où la condition (b) d’une situation générale.
Il est clair que les , pour , sont deux à deux
disjoints, donc les , pour , aussi car
. Leur réunion
est dense dans , car si , on
peut trouver telle que .
En effet, on peut trouver une suite finie d’entiers telle que pour tout
, on ait et pour tout
, ; de plus, on peut exiger
qu’elle soit de longueur maximale avec ces propriétés, c’est-à-dire que pour tout
,
ou ou
.
Si , on peut poser . Sinon, on choisit
minimal tel que
et on pose
. D’où la condition (c) d’une situation
générale.
Si , et on a
.
Donc si est dans , tel que et la suite
tend vers , qui n’est donc pas isolé. On a donc la
condition (d) d’une situation générale, avec ;
d’où la condition (a) d’une situation de départ.
La condition (c) d’une situation de départ est clairement vérifiée. Soit donc
dans
|
|
|
On peut trouver et tels que soit la limite en de :
|
|
|
Montrons que la suite est équicontinue en . Soit . Comme
est dans , les coordonnées de modifiées
sont les , où , et , variant dans . Par suite,
les couples sont donc en
nombre fini, à fixé. Comme les sont continues, on a l’équicontinuité :
|
|
|
Posons . Alors
et si , soit . Alors , d’où . Pour avoir la condition (d) d’une situation de départ, il reste à voir que
. Ceci résulte du fait que la première coordonnée de égale à et
d’ordre une puissance positive de est transformée de la même façon par toutes les
.
Si rencontre l’un des graphes des , il n’y a pas de
parmi les coordonnées de d’ordre une puissance positive de ; par suite, rencontre
le graphe de . Si maintenant , et
, il existe telle que
, avec ne changeant que les coordonnées d’ordre
inférieur à . De plus, toute suite telle que
vérifie , d’où
et . Comme
,
. D’où la condition (e).(i) d’une
situation de départ.
Soient et dans et , des -chaînes
sans répétition de termes telles que et , avec . On veut montrer que ; on peut supposer que
et .
Posons
|
|
|
Alors , , si
et si . Soit une -chaîne de longueur minimale
ayant ces propriétés, et telle que soit minimale elle aussi.
L’argument qui suit a été vu dans la preuve du théorème 2.7 de [Le3]. La suite
|
|
|
est non constante, et on trouve minimal tel que
; il y a deux cas.
Ou bien , auquel cas comme on a les égalités
|
|
|
on trouve minimal tel que l’on ait . On a
que , par injectivité de . Donc et
, par minimalité de . Par minimalité encore, ,
ce qui constitue la contradiction cherchée (on a car il
existe un unique couple tel que , avec ; par suite, on a la suite d’égalités
).
Ou bien , auquel cas on trouve minimal
tel que . On a , donc
comme avant. D’où et , par minimalité de
. Par minimalité encore, , ce qui constitue la contradiction
cherchée. D’où la condition (e).(ii) d’une situation de départ.
Théorème 7
Il existe un borélien de , tel que pour
tous espaces polonais et , et pour tout borélien de dont les coupes
horizontales et verticales sont dénombrables, on a l’équivalence entre les
conditions suivantes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe et
, homéomorphismes sur leurs images, tels que l’on ait
.
Démonstration. Soit
la situation de départ fournie par
le lemme 6. L’ensemble est
dense de , donc polonais parfait de dimension , et est
localement non compact car son complémentaire contient l’ensemble dense des suites
différentes de à partir d’un certain rang. On peut donc trouver un homéomorphisme
. On remarque que si et ,
, à cause de la condition (c) d’une situation de départ. Soit donc
un
homéomorphisme. On pose
|
|
|
Si est , alors la condition (b) n’est pas
vérifiée, car sinon serait , donc aussi. On pourrait donc trouver un dense de tel que
pour tout de , soit de , donc
polonais. Mais est
dense de , donc on pourrait trouver dans tel que
soit polonais, ce qui contredit le fait qu’il soit sans point isolé.
Si n’est pas , nous allons construire des applications
et vérifiant la condition (b). Le lemme 2 fournit un système réducteur
et ,
injectives continues tels que
et
. Par le théorème 3, on trouve une injection
et des ouverts-fermés
tels que si ,
soit une situation générale et ,
|
|
|
et , . Par le théorème 4,
on trouve une situation d’arrivée
|
|
|
telle que et pour dans , on ait . Par le
lemme 5, on trouve un ensemble , de , tel que
soit un système réducteur et
|
|
|
Par le théorème 3 encore, il existe une injection
et des ouverts-fermés
tels que si
,
soit une situation d’arrivée et
pour dans , et
pour tout de ,
. Par le théorème 1, on trouve des injections continues
et telles que pour dans
on ait
et , on ait l’appartenance de à
.
On pose alors et
. Comme et
sont
des homéomorphismes sur leurs images, et aussi. Si ,
donc
et aussi
|
|
|
Par suite, on a
|
|
|
Donc .
Si ,
, et comme , . Par suite,
est dans . Comme est dans , on a que
est dans , et donc que appartient à
. Donc
est dans et .
En analysant cette démonstration, on obtient d’autres caractérisations des boréliens
à coupes dénombrables n’étant pas . Le corollaire qui suit est à
rapprocher du théorème 2.11 de [Le2].
Corollaire 8
Soient et des espaces polonais, et un borélien de
dont les coupes horizontales et verticales sont dénombrables. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe une situation générale et
, injectives continues telles que pour
tout de , on ait .
(c) Il existe une situation d’arrivée et
, injectives continues telles que pour
tout de , on ait .
(d) Il existe une situation de départ et , injectives continues telles que
|
|
|
Démonstration. Il suffit de relire la preuve du théorème 7. Pour
l’équivalence de (a) et (d), on prend et
. Pour l’équivalence de (a) avec (b) et (c), on prend
et , de sorte que et correspondent simplement à un changement de
topologie. Ces équivalences viennent du fait que .
Corollaire 9
Soit une classe de Wadge non stable par passage au
complémentaire. Alors il existe un borélien de et un fermé contenant , tels que pour tous espaces polonais et , et pour tout borélien de ayant ses coupes horizontales et verticales dénombrables, on a
l’équivalence entre les conditions suivantes :
(a) Le borélien n’est pas .
(b) Il existe des fonctions continues et
telles que .
Démonstration. Si , on applique le théorème 7. Si
ou , on applique les théorèmes 3.5 et
3.6 de [Le3] et on utilise l’existence d’une rétraction continue de
sur . Sinon, contient , donc est
. Il suffit alors de prendre et , puisque , par le théorème 7.
Remarque. étant réunion dénombrable de graphes de fonctions continues
est . Si et est
stable par intersection avec les fermés (c’est-à-dire si
avec impair ou
avec pair), on a aussi . En effet,
on applique le théorème B à (qui existe par
le théorème 3.3 de [Le1]) pour voir que . On en déduit que
si est impair et que
si est pair. On n’a pas mieux en général (cf [Le3] pour :
).
4 Une limite du résultat principal.
On peut observer un phénomène analogue à celui décrit dans la section 2.C de
[Le3], c’est-à-dire que dans le théorème 7, en supposant seulement à
coupes verticales dénombrables, on a une incompatibilité avec l’existence des
injections et .
Définition. Une suite de fonctions partielles de dans est une si
(a) Le domaine de est un ouvert dense de .
(b) Les fonctions sont continues et ouvertes.
(c) Si et
, .
(d) Si et ,
est dense dans .
Exemple. Soit l’injection
définie dans la section 3. On pose
|
|
|
Alors est une bonne suite. En effet,
les conditions (a) et (b) sont clairement réalisées. Le plus petit entier tel que
, s’il existe, est supérieur ou égal à
, qui tend vers l’infini avec . D’où la
condition (c). Soit ; on cherche tel que
.
Ou bien on trouve tel que et , avec par exemple . Posons alors
. On a
|
|
|
On choisit tel que les numéros des coordonnées ci-dessus soient
supérieurs à . Une simplification par montre que ces deux
numéros sont différents. D’où l’existence de .
Ou bien par exemple est un début strict de . Posons
. On a
|
|
|
On conclut comme avant, avec simplification par .
Lemme 10
Soit une bonne
suite, et un dense de inclus dans
|
|
|
Alors n’est pas
.
Démonstration. Elle est identique à celle du deuxième point de la preuve du
théorème 7.
Lemme 11
Soit une bonne
suite. Alors il existe une bonne suite
, une suite
d’ouverts non vides de et
|
|
|
telles que
(a) et
.
(b) Pour tout de on a .
(c) La suite est un début strict de .
(d) On a et pour tout dans et tout ,
.
(e) Pour tout de on a
, où est par définition
.
Démonstration. On commence par poser
|
|
|
Admettons avoir construit pour débutant , et pour avec
. On va construire . Soit et
une suite dense de l’ensemble suivant :
|
|
|
Par hypothèse de récurrence, la fonction
est
définie et continue. On peut donc trouver un voisinage ouvert de tel que pour tout de , on ait
|
|
|
Par ailleurs, la condition (c) d’une bonne suite fournit tel que
|
|
|
Par continuité de et , on trouve un voisinage ouvert de
tel que pour tout de , on ait
et soit dans l’ensemble suivant :
|
|
|
On pose . On choisit
contenant dans tel que
|
|
|
Puis on recommence ceci en remplaçant par , avec minimal tel que . Le choix de se
fait dans , avec et . En itérant cette construction, on
construit , et vérifiant les propriétés demandées. En effet, on a
, donc
|
|
|
La seule chose restant à vérifier est la condition (d) d’une bonne suite. Elle résultera immédiatement du lemme qui suit.
Lemme 12
Soit une suite
de fonctions partielles de dans vérifiant les conditions (d) et (e)
du lemme 11. Soient et tel que et . Alors pour tout
de on a
|
|
|
Démonstration. On a
|
|
|
De même, , car . Par ailleurs on a
|
|
|
D’où
|
|
|
On a aussi .
D’où
|
|
|
Ceci termine la preuve.
Remarque. On a en fait montré que pour tout de ,
si .
Lemme 13
Soit une suite
de fonctions partielles de dans vérifiant les conditions du lemme
11. Soient , et
. Alors
il existe et tels que
et pour tout , pour tout , on ait l’implication
|
|
|
Démonstration. Posons, pour ,
. Alors la fonction
est définie et continue, donc on peut trouver telle
que et pour tout , on ait et , ceci pour
vérifiant
|
|
|
Notons l’ensemble de ces suites . On pose . Soient
et tels que . On
raisonne par l’absurde, ce qui fournit minimal tel que
.
Ou bien ; par le lemme 12, on a . Si , on a donc
.
Si , on a
|
|
|
Dans tous les cas, on a une contradiction.
Ou bien ; par le lemme 12, on a . Si ,
.
Si , on a . Là encore, on a une
contradiction dans les deux cas.
Lemme 14
Soit la bonne
suite fournie par le lemme 11, associée à de
l’exemple. Supposons que , pour , et que
vérifient les conditions suivantes :
(a) .
(b) .
(c) .
(d) , où .
Alors ou n’est pas injective.
Démonstration. Raisonnons par l’absurde. Comme ,
on a, pour tout de ,
|
|
|
Comme , on a , donc cette intersection est non vide. Comme et , , par disjonction de
. On a donc . Posons donc
|
|
|
On a , et . Les fonctions et sont égales, donc
|
|
|
et , sont injectives. De plus, on a, puisque ,
pour tout de . Pour avoir la contradiction cherchée, il suffit donc de voir que pour tout de , on a
|
|
|
Posons , pour , et soit .
1. Pour tout , .
On a alors
car pour tout , . D’où car pour tout , .
2. Il existe maximal tel que , et tel que .
2.1. L’entier est maximal sous tel que .
|
|
|
2.2. L’entier est de la forme
(d’où ).
On a alors .
Si et n’est pas multiple de , on a
(on simplifie par si ,
et par si ; si , on obtient , ce qui est exclus). De même, on a
pour tout que . Par ailleurs,
; comme la fonction est injective, la coordonnée numéro est constante sur , d’où
.
Théorème 15
Le théorème 7 devient faux si on suppose seulement à coupes
verticales dénombra-bles.
Démonstration. On raisonne par l’absurde, ce qui fournit un borélien .
Avec , on voit que a ses coupes horizontales et verticales dénombrables.
Avec , on voit que . Par le corollaire 8, on obtient
une situation d’arrivée et des injections conti-nues
, telles que pour tout dans
on ait . Par le théorème 1,
on trouve des injections continues et
telles que pour tout , on ait , et pour
|
|
|
on ait . Soit
la bonne suite fournie par le lemme
11 appliqué à la suite de
l’exemple. En appliquant le lemme 10 à la bonne suite et à ,
on voit que . Par suite, on peut trouver des injections continues
et telles que
. Posons
et ; et sont des homéomorphismes sur leurs
images (incluses respectivement dans et ) et si , on a . De plus, on a
|
|
|
Nous allons montrer un résultat intermédiaire. Soient ,
un ouvert non vide de , et
telle que pour tout , et
. Alors on peut trouver un ouvert non vide
de , des entiers et , et tels que
(a) La suite est un début strict de .
(b) L’ouvert est inclus dans .
(c) Pour tout de , et
.
(d) L’ensemble est inclus dans .
Soit (respectivement ) un ouvert de (respectivement
) tel que (respectivement ).
Fixons , tel que , et, en utilisant le lemme 13,
|
|
|
Alors est ouvert de . Comme ,
tend vers quand tend
vers l’infini. Comme ,
on peut trouver un entier tel que
. On peut
trouver et tels que
. Comme
, on a
puisque . Posons
|
|
|
Alors . Par le théorème de Baire, on
peut donc trouver un ouvert non vide de et tels que pour tout de , . Par le théorème de Baire encore, on peut supposer qu’il existe
telle que pour tout de
, .
Les conditions (b) et (c) sont clairement vérifiées. Si est dans , on a l’égalité
|
|
|
Comme est dans , est dans , donc
. Donc on trouve tel
que . D’où la condition (d). De plus, si , et on a également
. Donc
est un début de puisque . Si
, on a successivement
|
|
|
d’où l’égalité , qui est absurde.
Revenons à la preuve du théorème. On peut trouver et un ouvert non vide de tels que
pour tout de on ait . Sinon
|
|
|
serait dense de et on aurait , donc serait
non , ce qui est absurde.
On a l’inclusion
|
|
|
Par le théorème de Baire comme ci-dessus, on trouve un ouvert non vide de
et dans
tels que pour tout de , on ait et
. On applique le point précédent à
, , et , ce qui fournit , , , et . On
applique ensuite le point précédent à , et , ce qui fournit
, , , et . On applique ensuite le point précédent à
, et , ce qui fournit , ,
, et . On applique enfin le point précédent à
, et , ce qui
fournit , , , et . On a et si , donc les sont non vides.
Posons . Avec les notations du lemme 14, on a . Pour tout de , on a
. Par suite, si
et avec , entraîne successivement que
vaut , que , puis que et . D’où l’injectivité de . Le lemme 14
peut donc s’appliquer et donne la contradiction cherchée.
[HKL] L. A. Harrington, A. S. Kechris et A. Louveau, A Glimm-Effros
dichotomy for Borel equivalence relations, J. Amer. Math. Soc. 3 (1990), 903-928
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[Le1] D. Lecomte, Classes de Wadge potentielles et théorèmes d’uniformisation
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